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Brèves Prix départemental de l’architecture et de l’aménagement 2011 P. 3 Opération Saumur, ville paysage P. 10 N°54 Octobre 2011 Paysage : entre sauvegarde et développement La publication trimestrielle du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Maine-et-Loire (CAUE) et de la Maison de l’Architecture, des Territoires et du Paysage (MATP)

Paysage : entre sauvegarde et développement

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Imago n°54 - Octobre 2011

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Page 1: Paysage : entre sauvegarde et développement

BrèvesPrix départemental de l’architecture

et de l’aménagement 2011P. 3

OpérationSaumur, ville paysage

P. 10

N°54Octobre2011

Paysage :entre sauvegardeet développement

La publication trimestrielle du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Maine-et-Loire (CAUE) et de la Maison de l’Architecture, des Territoires et du Paysage (MATP)

Page 2: Paysage : entre sauvegarde et développement

le Plateau de la MayeNNe, aPPrOche archéOlOgique et histOrique d’uN territOire

Approche archéologique et his-torique d’un territoire de la fin de l’Indépendance gauloise à nos jours• Jusqu’au 30 oct. 2011

les ateliers de l’écOle de chaillOt

Présentation des projets des fu-turs architectes du patrimoine de la promotion 2008-2010 concer-nant des sites du Val de Loire : l’hôtel Bodard de la Jacopière, l’îlot du Jeu de Paume et l’hô-tel Pirondeau à Chinon, l’église Saint-Hilaire-des-Grottes à Sau-mur ainsi que plusieurs sites de la petite ville chinoise de Liang.• Du 10 au 27 nov. 2011• Inauguration : Mardi 15 nov. 2011 à 18 h.

312 avenue René Gasnier - 49100 ANGERStél. 02.41.22.99.99 / courriel : [email protected]

Lieu d’exposition ouvert du lundi au vendredi de 9 h à 12 h 30et de 14 h à 18 h, le dimanche de 14 h à 18 h.

AGENDA

Ce numéro d’IMAGO est celui d’une rentrée particulièrement active et dense. Il porte sur le paysage ce qui peut apparaître comme un thème un peu “léger” dans le contexte de crise que nous traversons et la persistance de fortes interrogations sur l’avenir de la planète et de l’humanité. Il n’en est rien toutefois car la perception et l’appréciation du paysage sont un révélateur de notre propre relation au monde et, dans ce sens, essentiel-les. On peut y trouver les racines vivantes du présent ou de l’avenir, une ressource ; on peut y puiser la nostalgie dans les usages ancestraux de l’espace, une mémoire.

Le sujet porte ainsi sur la capacité que nous devons avoir à concilier deux nécessités, celle de la protection et de la valorisa-tion et celle du développement. Il existe en effet deux approches du paysage (comme du patrimoine par ailleurs). Soit, après avoir hiérarchisé les sites selon des critères d’excellence, on s’attache à maintenir en l’état le paysage compris comme périmètre en le sanctuarisant et en effaçant peu à peu, selon un code convenu, tout ce que l’homme a pu apporter de nuisances et d’atteintes à son intégrité. Soit, on lit le paysage comme un ensemble vivant, habité, en permanente évolution et on se préoccupe d’inscrire cette vitalité dans une dynamique intégrant sa lisibilité, sa valo-risation et la permanence de sa fonction identitaire.

Dans un département bénéficiant d’une labellisation au titre du patrimoine mondial de l’UNESCO et, complémentairement, d’un maillage paysager particulièrement riche et varié, cette question de la valorisation dynamique du paysage n’est pas neutre. Elle participe de l’appropriation d’un projet collectif et partagé donnant tout son sens à l’idée de territoire. Pour peu qu’on ne se limite pas à l’éphémère effet marketing (celui atta-ché à la Loire Valley par exemple), le sentiment d’appartenance à un paysage peut être fondateur d’une ambition pour l’avenir et d’une motivation impulsant la créativité culturelle et le dévelop-pement économique.

C’est ainsi qu’il pourrait être mis en place dans notre dépar-tement un outil de vigilance et de propositions supposant que la qualité du paysage soit intégrée de façon transversale dans tous les projets de développement ou d’aménagement et consti-tue ainsi, en relation avec le végétal qui doit également devenir fortement identitaire, une marque appropriée de notre singulari-té territoriale. Cet Atelier ou cette Mission paysage, par exemple inscrit dans la dynamique des projets départementaux, aurait pour principale vertu de concilier enfin conservation, valorisa-tion et développement.

PrOGrAmmE mATP

5e reNcONtre de la PerfOrMaNe éNergétiqueCnit Paris la Défensewww2.ademe.fr10, 11 et 12 oct. 2011

cOllOque cNfPt“Vers des territoires durables en 2030, la recherche et la technologie au service de nouveaux modes de dévelop-pement”27 boulevard Vaugirard à Pariswww.evenements.cnfpt.fr/terri-toiresdurables20 et 21 oct. 2011

au village d’artistesDE RAblAy-SuR-lAyoNGalerie d’art contemporain / Boutique Métiers d’artwww.rablaysurlayon.comdu 3 au 21 oct. 2011

5e assises eurOPéeNNes du Paysage“le paysage,créateur de richesses”Conseil de l’Europeà Strasbourgwww.assisespaysage.fr10, 11 et 12 oct. 2011

32e reNcONtre NatiONale des ageNces d’urBaNisMe

“territoires et Projets, les outils de la gouvernance”Parc de la Villette, Espace Charlie Parker de la Grande Halle 75019 Pariswww.rencontrefnau2011.org18, 19 et 20 oct. 2011

reNcONtre avecgilles cléMeNt graNd Prix Du PAySAGE 1998

“Approche du sauvageau cœur de la villeet des territoires”Médiathèque Toussaintà Angerswww.bm.angers.frMercredi 19 oct. 2011 à 20h30

Gilles LEROYConseiller général de BeaupréauPrésident du CAUE de Maine-et-Loire

P2

ÉDITO

SOMMAIRE

ageNda / En Maine-et-Loire et ailleurs ................................................................. P.2PrOgraMMe MatP / Octobre-décembre 2011 ................................................... P.2Brèves / PDAA 2011 / Voyage d’études Le Havre/Rouen / Formation des élus.. P.3dOssier / Concilier développement et paysage ................................................... P.4OPératiON / Saumur, ville paysage............................................................... P.10décOuverte / Dissonances, paysage de Bohême et de Moravie.................... P.12

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Page 3: Paysage : entre sauvegarde et développement

LES VILLES EN MOUVEMENT

Avec sa deuxième édition, elle fait étape de nouveau à Angers afin d’établir un nouvel état des lieux de l’agglomération angevine dont la mise en service du tramway constitue l’événement fort de l’année.• Du 1er au 11 déc. 2011• Débat : L’urbanisme promoteur du développe- ment économique Vendredi 2 déc. 2011 de 11 h à 12 h30

PRIX DÉPARTEMENTALDE L’ARCHITECTUREET DE L’AMÉNAGEMENT

Le CAUE et le Conseil général de Maine-et-Loire s’associent une nouvelle fois pour organiser la 11e édition du Prix départemental de l’Architecture et de l’Aména-gement, manifestation biennale de promotion de la créativité ar-chitecturale et urbaine. L’exposi-tion présentera les 32 opérations sélectionnées par le jury pour l’édition 2011• Du 15 déc. au 29 janv. 2012• Remise des prix et inaugura- tion : Jeudi 15 déc 2011 à 18 h

L’HABITAT RURAL, SON ÉVOLUTION DU MOYEN ÂGE AU XIXe SIÈCLE - L’EXEMPLE DU CANTON DE SAINTE-SUzANNENicolas FOISNEAU, Chercheur à l’Inventaire, service du Patri-moine du Conseil général de la Mayenne (cycle de conférence “Habitat et mode de vie”)Jeudi 6 oct. 2011 à 18h30

L’ARCHITECTURE EST-ELLE UNE SCIENCE DE LA VIE ?

« L’architecture c’est la vie ! » clamait Frank Lloyd Wright dans ses conférences publiques. On ne compte plus aujourd’hui les architectes qui se réclament d’un tel principe. Certains se contentent de brandir l’étendard du vivant, tandis que d’autres entreprennent de sonder le large éventail des sciences qui en font un objet de connaissance. Que cherchent-ils ? En quoi l’archi-tecture serait-elle une science de la vie ? Entre biomimétisme numérique et conceptions envi-ronnementales, comment penser les analogies biologiques ?Jean-Pierre CHUPIN, Profes-seur titulaire de la Chaire de recherche de l’Université de Montréal sur les concours et les pratiques contemporaines en ar-chitecture.Mardi 22 nov. 2011 à 18h30

RICHARD NEUTRA ET LA PERCEPTION DE L’ESPACE

Nathalie CHABILAND, chercheur en histoire de l’architectureJeudi 20 oct. 2011 à 18h30

LOUIS KAHN - LES MAISONS COMME LABORATOIRE D’EXPÉRIMENTATION

Caroline MANIAQUE, architecte, enseignante à l’ENSA Paris-MalaquaisJeudi 17 nov. 2011 à 18h30

LUDWIG MIES VAN DER ROHE L’ESPACE QUI N’EXISTE PAS

Paolo AMALDI, architecte, enseignant à l’ENSA Lyon Jeudi 8 déc. 2011 à 18h30

312 avenue René Gasnier - 49100 ANGERStél. 02.41.22.99.99 / courriel : [email protected]

Lieu d’exposition ouvert du lundi au vendredi de 9 h à 12 h 30et de 14 h à 18 h, le dimanche de 14 h à 18 h.

www.matp-angers.euPrOGrAmmE mATPP3

lE HAVRE / RouENDEux PRoJEtS DE VIllE EN NoRMANDIEDU 18 AU 19 NOVEMBRE 2011

Les deux villes normandes Rouen et Le Havre béné-ficient d’un atout majeur mis en exergue lors des ré-flexions menées sur le Grand Paris : la Seine. Chacune développe un projet urbain ambitieux comprenant la réalisation d’équipements, la requalification de leur port, le développement des transports urbains, des opérations de rénovation urbaine…Inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2005, le Havre, ville reconstruite, est aussi un formidable exemple de la pensée urbaine d’Auguste Perret.

Itinéraire pédagogique organisé par l’Union régionale des CAUE, organisme de formation, en collaboration avec le CAUE de Maine-et-Loire. Renseignements auprès du CAUE de Maine-et-Loire au 02 41 22 99 99 ou de l’URCAUE au 02 41 22 99 91.

BrèvEs

Prix déParteMeNtalDE L’ARCHITECTUREET DE L’AMÉNAGEMENT 2011

La onzième édition du prix départemental de l’architecture, de l’habitat social et de l’aménagement est sur les rails. Un premier jury a sélectionné 32 projets parmi plus de 100 ayant fait acte de candidature (28 projets architecturaux et 4 projets d’aménagement).La campagne photographique est engagée. Le jury déterminant le palmarès 2011 se réunira début novembre alors que les lauréats seront fêtés à l’occasion de la remise des prix le 15 décembre à 18 heures. Une exposition itinérante sera également inaugurée.

vOyage d’études

Dans le cadre de sa mission de formation, le CAUE propose chaque année, en partenariat avec l’Association des Maires de Maine-et-Loire, un programme de formation destinés aux élus.

30/09/2011 - Monter un projet avec un financement européen.

5-19/10/2011 - Internet : identifier, optimiser et sécuriser l’utilisation des réseaux sociaux.

7/10/11 - Finances communales - stratégie financière.

14/10/2011 - Les conditions de réussite de la mutualisation pour les communes rurales.

21/10/2011 - Cycle : l'accueil des gens du voyage sur sa commune - connaitre le public des tsiganes / gens du voyage.

28/10/2011 - Créer un éco-quartier.

4/11/2011 - Construire et développer un projet culturel.

8/11/2011 - Élaborer son journal municipal.

15/11/2011 - l’Élu et la gestion du patrimoine.

19/11/2011 - Nouvelle fiscalité de l'aménagement.

25/11/2011 - Anticiper l'avenir grâce à la maîtrise du foncier.

2/12/2011 - Assurer la présence médicale et para-médicale en milieu rural.

8/12/2011 - Rendre les bâtiments communaux plus économes en énergie.

9/12/2011 - urbanisme durable.

16/12/2011 - l'accessibi-lité des bâtiments et des espaces publics.

Renseignements et inscriptions auprès de Véronique LEBOUVIER au 02 41 22 99 94 ou [email protected]

Programme consultable sur le site :www.caue49.com

30/09/2011 - Monter un projetavec un financement européen.

5 et 19/10/2011 - Internet :identifier, optimiser et sécuriser l’utilisation des réseaux sociaux.

7/10/11 - Finances communales - stratégie financière.

14/10/2011 - Les conditionsde réussite de la mutualisationpour les communes rurales.

21/10/2011 - Cycle : l'accueildes gens du voyage sur sa commune - connaître le public des Tsiganes / gens du voyage.

28/10/2011 - Créer un éco-quartier.

4/11/2011 - Construire et développer un projet culturel.

8/11/2011 - Élaborer son journal municipal.

15/11/2011 - L’Élu et la gestiondu patrimoine.

19/11/2011 - Nouvelle fiscalitéde l'aménagement.

25/11/2011 - Anticiper l'avenir grâceà la maîtrise du foncier.

2/12/2011 - Assurer la présence médicale et para-médicale en milieu rural.

8/12/2011 - Rendre les bâtiments communaux plus économesen énergie.

9/12/2011 - Urbanisme durable.

16/12/2011 - L'accessibilité des bâtiments et des espaces publics.

Dans le cadre de sa mission de formation, le CAuEpropose chaque année, en partenariat avec l’Associationdes Maires de Maine-et-loire, un programme de formationsdestiné aux élus.

Renseignements et inscriptions auprès de Véronique LEBOUVIER / Tél. : 02 41 22 99 94 - mail : [email protected] / Programme consultable sur le site : www.caue49.com

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Le Maine-et-Loire dispose d’une richesse patrimoniale exceptionnelle, il en est de même de ses paysages. Mais ce trésor ne se révèle vraiment qu’à ceux qui prennent le temps de la découverte, sans effet d’annonce intempes-tif et avec la discrétion raffinée que procure une lecture douce, approfondie et complice. À l’heure du zapping et du goût prononcé pour l’immédiateté des choses ou la radicalité d’émotions un peu primaires, cette situation singulière n’est pas un atout ; elle assure pour-tant l’ancrage d’une forte identité où se recon-naissent les habitants et l’appropriation des visiteurs qui s’avère rapide et croissante. Du

grand paysage à l’intimité de ses sites les plus secrets, des coteaux du Thoureil aux “eaux étroites” de l’Èvre, le Maine-et-Loire dispose d’une formidable diversité paysagère nécessi-tant une graduation des politiques de protec-tion, de valorisation et de développement.

Les moyens traditionnelsde la protection des paysages

La protection du paysage dispose d’un ar-senal réglementaire particulièrement fourni. Tout le xxe siècle est ponctué de dispositions légales et réglementaires tendant à la protec-

tion du patrimoine paysager, depuis le 21 avril 1906 où l’on décide en France de la “protection des sites et monuments naturels de caractère artistique” jusqu’en juillet 2006 où est ratifiée la “Convention du paysage”, premier traité in-ternational consacré au paysage et adopté par l’Europe en 2000.

La “voie royale” des politiques de protec-tion des paysages est le plus souvent considé-rée sous le régime de l’Inscription ou du Clas-sement, c’est-à-dire, en application de la loi du 2 mai 1930, un régime rigoureux de conserva-tion, régalien.

230 sites, “lieux de mémoire, lieux de beau-té” comme le disaient les Services de l’État en 2001, sont ainsi, sur l’ensemble des Pays de la Loire, inscrits ou classés et font de notre ré-gion, quantitativement, l’un des territoires les plus protégés de France, au moins potentiel-lement. Ce dispositif est hérité du xixe siècle, il considère la qualité du paysage comme une valeur essentiellement patrimoniale, objecti-ve, nécessairement sanctuarisée car consubs-tantielle de l’idée de Nation et transmissible

DOssIEr

Front de loire au thoureil

Concilier dév eloppementet paysage

En matière de paysages, le département de Maine-et-Loire est une exception sensible. La simplifica-tion un peu stéréotypée des regards contempo-rains ne le situe pas dans les “grandes références”,

celles du littoral, de la montagne ou des sites historiques dont font état les magazines. On n’y trouve ni le Mont-Saint-Michel ni le château de Chambord, on n’y fréquente ni les gorges du Verdon ni les falaises d’Étretat. Et pourtant, les deux tiers de la Vallée qui la traverse d’Est en Ouest partici-pent très légitimement du Patrimoine mondial de l’UNESCO, il est le département français le plus riche en cours d’eau et la diversité de ses terroirs agricoles, du vignoble aux ter-res de polycultures ou de bocage, en fait une extraordinaire composition de paysages agraires ou jardinés.

Page 5: Paysage : entre sauvegarde et développement

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aux générations futures compte tenu de son excellence artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque et constituant, de ce fait, un intérêt général (article L 341-1 du code de l’Environnement). Elle est à mettre en parallèle avec les régimes de protection des monuments historiques. Comme pour le patri-moine bâti, le paysage est hiérarchisé dans sa protection, son inscription ou son classement. Un arrêté ministériel décide, certes après avis d’une commission départementale dite des “Sites, perspectives et paysages”, information des conseils municipaux concernés et, pour la procédure de classement, enquête publique, mais la décision reste une initiative de l’État génératrice de mesures de police, d’un régime d’autorisations préalables et de contrôles a priori. La loi du 2 mai 1930 est la petite sœur de celle du 31 décembre 1913, la protection des sites participe de la même philosophie qu’en matière de protection du patrimoine his-torique. Au début des années 1980, la grande vague de la décentralisation n’a pas même ef-fleuré le dispositif. Avec la mise en place des

ZPPAU en 1983 et surtout des ZPPAUP de la Loi paysage en 1993 puis des AVAP avec la Loi Grenelle II en 2010, la cause des patrimoi-nes bâtis et paysagers est heureusement asso-ciée comme est aussi modernisé un mode de protection favorisant le dialogue et la concer-tation mais sans que soit remis en cause un fondement réglementaire séculier.

Aussi, cette assimilation républicaine du paysage et du bâti, en constituant, dans leur exception “le patrimoine commun de la Na-tion”, conforte l’idée d’une certaine monu-mentalité du paysage ainsi que son corollaire induisant le principe de sanctuarisation et un mode de gestion plus administratif que parti-cipatif.

Le paysage n’est pas un monument mais un complexe hybride et vivant

Il existe pourtant une différence fondamen-tale entre le patrimoine bâti (en ce qui concer-ne le bâti historique considéré notamment comme objet) et le paysage. La distinction

la cOMMissiONdéParteMeNtaledes sites, PersPectives et Paysages

Instituée originellement par la loi du 21 avril 1906, la Commission dépar-tementale des sites, perspectives et paysages est l’instance qui, dans chaque département de France, est consultée par l’État sur tous projets de création de site protégé ou toute demande d’autorisation de travaux sur le bâti ou les espaces extérieurs d’un site protégé.

En Maine-et-loire, présidée de droit par le Préfet, la Commission des sites regroupe 4 collèges :

- l’administration de l’État (DREAL, DRAC, STAP, DDT) et les Archives dé-partementales.

- les représentants des collectivités terri-toriales (Messieurs les maires du Thou-reil, de Rochefort-sur-Loire et de Save-nières), des communautés d’aggloméra-tion de Saumur et d’Angers et du Conseil général.

- les personnalités qualifiées et repré-sentants des associations (CAUE, Mis-sion Val de Loire, Sauvegarde de l’Anjou, Vieilles Maisons Françaises, Fédération de chasse, Sauvegarde des Moulins.

- les professionnels architecte et pay-sagiste, le CPIE, l’ESA, Agro campus Ouest, la Fédération des chasseurs.La commission auditionne le plus sou-vent le pétitionnaire et donne un avis sur les dossiers qui lui sont soumis. Cet avis est généralement suivi par le ministre auquel revient in fine la décision d’autori-sation, de prescription ou de refus.

« Il faut arrêter le marteau qui mutile le pays. Une loi suffirait. Qu’on la fasse. »

Victor HUGO, 1837

Front de loire au thoureil

Concilier dév eloppementet paysage

Page 6: Paysage : entre sauvegarde et développement

P6

tient au fait que le paysage est une matière vivante, anthropique et que sa perception en fait un objet hybride répondant au croisement des approches scientifiques, sociales et cultu-relles et moins susceptible d’objectivation que l’architecture (à moins de n’en retenir que le caractère pittoresque, ce qui n’est évidem-ment pas l’essentiel). Sauf exceptions notables consacrant la monumentalité du paysage à l’exemple de la baie du Mont-Saint-Michel ou du cirque de Gavarnie, ce caractère anthropi-que rend généralement discutable l’objectif de sanctuarisation en ce qu’il fige, selon les critè-

res du moment, une esthétique inscrite dans la durée et la mutation permanente. Le paysage naît du mouvement, du flux et du reflux, de l’évolution des usages et d’une économie qui évolue, comme l’atteste magnifiquement la mission photographique mise en place depuis 1984 par la DATAR. Le paysage n’est pas une “nature morte” qu’on admire dans la vitrine d’un périmètre imposé ou un cadrage pittores-que, il n’a de sens que dans le jeu permanent de ses mutations que ce soit celles des saisons ou celles de l’histoire, en tant que matière vi-vante.

La géographie contemporaine a introduit la question de la subjectivité dans la perception et la compréhension des paysages, approche nouvelle en rupture des définitions classiques, celles des Annales et de Vidal de La Blache qui étaient objectives ou généalogiques. Cette nouvelle approche est consacrée en quelque sorte par la Convention européenne du Paysa-ge, traité international précisant que « le pay-sage définit une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’actions des facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. »

« Quelle vérité que ces montagnes bornent qui est mensonge au monde qui se tient au-delà » pensait Montaigne avant même que

DOssIEr : CONCIlIEr DÉvElOPPEmENT ET PAysAGE

les Outils de PrOtectiON et de gestiON du PaysageProtection / textes principaux

(modifiée) sur les mo-numents historiques (JO du 4 janvier 1914)

(modifiée) sur la protection des monuments naturels et des sites de caractère ar-tistique, historique, scientifique, légendaire ou pit-toresque (JO du 4 mai 1930)

relative à la créa-tion de parcs nationaux (JO du 23 juillet 1960)

relative à la pro-tection de la nature (JO du 13 juillet et rectification du 28 nov. 1976)

sur l’architecture (JO du 4 janvier 1977)

relative à la réparti-tion de compétences entre les communes, les dé-partements, les régions et l’État (JO du 9 janvier 1983)

relative à la dé-mocratisation des enquêtes publiques et à la pro-tection de l’environnement (JO du 13 juillet 1983)

relative au déve-loppement et à la protection de la montagne (JO du 10 janvier 1985)

relative à l’amé-nagement, la protection et la mise en valeur du littoral (JO du 4 janvier 1986)

relative à la pro-tection et à la mise en valeur des paysages et modification de certaines dispositions législatives en matière d’enquêtes publiques (JO du 9 janvier 1993)

portant “Enga-gement national pour l’environnement” (JO du 13 juillet 2010)

chrONOlOgie

« C’est, sur une certaine portion de l’espace, le résultat de la combinaison dynamique, donc instable, d’éléments physiques, biologiques et anthropiques qui, en réagissant dialectiquement les uns sur les autres, font du paysage un ensemble unique et indissociable en perpétuelle évolution. »

Georges BERTRAND, Revue de géographie des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1968

les vignes des coteaux du layon

Page 7: Paysage : entre sauvegarde et développement

Imago : Quel est votre point de vue sur la conservation des paysages ?

JP-b : Le paysage est devenu un sous-ensemble de l’environnement, pourtant il recouvre des valeurs esthétiques et artis-tiques alors que l’environnement se réfère davantage à des valeurs scientifiques. Lorsqu’il évoque les environs de sa villa en Toscane, Pline Le Jeune ne parle pas de campagne mais de “tableau de pay-sage”. Son regard se situe bien dans une approche esthétique. Protéger, transférer, sauvegarder sont des notions attachées à l’environnement. Or la notion d’environ-nement prend le pas sur l’approche sen-sible liée au paysage. Cette dérive n’est d’ailleurs pas spécifique au domaine du paysage. On assiste aujourd’hui à une “écolâtrie” maladive. La conservation pose des questions pri-mordiales : Sauvegarder quoi ? Comment protéger ? Quel type de protection ? Le principe en tout cas est de laisser vivre les paysages ; de les aider à vivre.

I : Quelles relations s’établissent entre la création, la modernité et le paysage patrimonialisé ?

JP-b : La création fluctue en fonction de la société qui l’entoure. Le regard porté est différent selon l’époque. A la Renais-sance, le jardin est perçu comme un mor-ceau de paradis terrestre avec l’eau de ses fontaines, alors qu’au xixe siècle, par exemple, le jardin vient mourir sur les bâ-timents. Tous les créateurs intègrent nécessaire-ment les tableaux qui les entourent dans leurs projets, ils s’en imprègnent et resti-tuent des éléments en les associant aux valeurs de la modernité et de la création. Les réalisations réussies paraissent alors évidentes. Quant aux “paysages patrimo-nialisés” n’ont-ils que la vertu d’être intou-chables ? La modernité n’est pas un dan-ger ; c’est plutôt une espérance ; à toutes époques elle a toujours été en avance sur son temps.

I : Des instances et des dispositifs ins-titutionnels vous semblent-ils indis-

pensables pour encadrer l’aménage-ment des sites exceptionnels ?

JP-b : Notre environnement est constitué de paysages ordinaires et de paysages extraordinaires. On devrait traiter les deux sur un même pied d’égalité. Il existe ainsi des paysages pollués mais beaux et des paysages sains et préservés sans intérêt particulier. On doit porter autant d’atten-tion à un site de qualité majeure qu’à un site ordinaire. Il existe tout de même des sites exceptionnels, mais les règles en vi-gueur permettent largement de les proté-ger, de les aider. Il n’est pas nécessaire d’en rajouter.

I : Avez-vous déjà été confronté aux contraintes de la protection dans le ca-dre d’un projet ? Comment avez-vous intégré ces éléments ?

JP-b : Quand un projet se situe dans un environnement ou dans un site classé au titre des Monuments Historiques ou des Sites, il y a deux possibilités : apparaître ou disparaître. Il faut un grand talent pour apparaître, pour sortir du commun. S’ef-facer est davantage de mon ressort, sauf avoir la certitude d’être juste. Le paysage est souvent plus fort que le concepteur. Il est aussi préoccupant de travailler dans le parc du château de Versailles que sur les ruines d’un des châteaux de Gilles de Rais. Dans notre environnement je dis-tinguerai deux types de paysages : les territoires désertés par les hommes où le paysage reprend sa place, et les terri-toires où l’activité humaine est intense et par conséquent le paysage n’a souvent pas le pouvoir de résister. Dans ce cas-là, on ne peut qu’aménager. Le xixe siècle a considérablement transformé les paysa-ges urbains et naturels avec l’arrivée du chemin de fer, notamment. Personne ne conteste aujourd’hui l’intérêt de ces amé-nagements. Les autoroutes et le TVG sont l’équivalent des infrastructures du xixe siècle. Je suis optimiste, notre époque est sensibilisée, la prise de conscience est générale. Au total, je trouve que nos pay-sages résistent plutôt bien, il y a même de nouveaux paysages, tout cela me paraît rassurant.

P7

Blaise Pascal appelle à relativiser les certi-tudes. On peut sans doute s’inspirer de ces sa-gesses pour s’affranchir du caractère définitif de l’appréciation patrimoniale des paysages et de “leur beauté” comme de la diabolisation de ses “prédateurs”, ouvrages d’infrastruc-ture, interventions contemporaines sur le bâti ou autres parcs éoliens. Le viaduc de Millau n’est-il pas dès son achèvement en décembre 2004 partie prenante du patrimoine commun de la Nation ?

Il y aurait donc une certaine inadaptation des pratiques de protection paysagère calquées sur la sauvegarde patrimoniale des monuments

historiques ou le principe de conservation et la réalité de ce qu’est le paysage. La boîte à outils réglementaires est particulièrement fournie mais l’essentiel n’y est sans doute pas tant

on se limite à juger l’image arrêtée d’un pay-sage figé dans la codification esthétique, sans appréciation de ce qui en fait la vraie valeur, c’est-à-dire le mouvement.

DOssIEr : CONCIlIEr DÉvElOPPEmENT ET PAysAGE

« Je suis optimiste.La prise de conscience de l’intérêt de préserver notre environnement au sens large est générale. »

Jean-Pierre BASTIDE, architecte et membre de la commission des sites livre son approche sur la notion de conservation des paysages et les relations parfois antagonistes entretenues avec celle du projet.

les vignes des coteaux du layon

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P8 DOssIEr : CONCIlIEr DÉvElOPPEmENT ET PAysAGE

Cette inadéquation participe sans doute aussi de ce qui peut être considéré comme un échec, le paysage de la France, légiféré, classé, organisé, contrôlé avec une sophisti-cation peu commune aux autres pays d’Eu-rope, ayant pourtant connu une altération dramatique depuis une cinquantaine d’années et alors même que l’arsenal réglementaire et la vigilance associative n’ont jamais été aussi présents et puissants. Contrairement à ce que pensait généreusement Victor Hugo, la loi n’a pas suffi à arrêter le marteau et l’urbanisation sauvage des périphéries urbaines, l’agression commerciale des entrées de villes ou l’impact des agricultures intensives ont largement bat-tu en brèche l’utopie de l’excellence et de la maîtrise d’un paysage administré.

Valoriser et protéger par la pédagogieet l’appropriation : l’exemple de la Mission Val de Loire et du Parc naturel régional

Il est sans doute utile de chercher les moyens d’une conciliation entre la préven-tion des risques d’altération du paysage dont on a vu le caractère réel et croissant et une dynamique d’évolution fondatrice et vitale. L’exemple de la gestion du patrimoine mon-dial de l’UNESCO apporte peut-être une orientation prometteuse en ce qu’elle se fonde sur l’idée de paysage culturel et de plan de gestion partagé. L’action des Parcs naturels régionaux (comme celle des CAUE) s’avère également très positive en ce qu’elle privilé-gie la pédagogie et une appropriation des en-jeux patrimoniaux par la population, c’est-à-dire par la prise de conscience citoyenne.

Même si la politique publique de valorisa-tion et de protection du patrimoine architec-tural et paysager est, sur le site labellisé du

Val de Loire, très inspirée et contingentée par les lois régissant sites et monuments histori-ques (ZPPAUP, secteurs sauvegardés, abords MH, sites classés, etc…), le dispositif mis en place participe très largement de la concer-tation, de la pédagogie et du projet partagé. Ainsi, dès l’inscription au titre du patrimoine mondial, les mesures de protection, classi-ques, ont été doublées par un principe de gou-vernance associant au plus près les acteurs locaux et traduit par une charte d’engagement supposant l’adhésion des collectivités et des acteurs concernés. De même, à la demande de l’UNESCO, un dispositif de gestion du site et du label a été créé en proposant un organe d’orientation (la Conférence territoriale Val de Loire Patrimoine mondial), un organe de proposition (le Comité de développement Val de Loire Patrimoine mondial) et un organis-me opérationnel (la Mission Val de Loire Pa-trimoine mondial). Cette organisation a pour objectif essentiel l’appropriation des valeurs de l’inscription par les populations ligérien-nes ainsi que l’animation et la valorisation des projets portés par les collectivités terri-toriales, les acteurs économiques et les habi-tants eux-mêmes. Il semble bien que la mise en œuvre de cette dynamique de valorisation et d’appropriation, considérée bien au-delà des pratiques de conservation et de protection habituelles, intègre le fait que le paysage li-gérien est vivant et évolutif et qu’en le quali-fiant de “culturel” l’UNESCO n’y retient pas de caractéristique monumentale particulière mais un périmètre de projets supposant la réalisation d’équipements, d’aménagements et d’évolutions dans le mode d’occupation des sols intégrant la conscience et le respect d’une identité paysagère et patrimoniale partagée.

Cette évolution du mode de gouvernance des paysages d’exception est sans doute une garantie de réussite. En considérant le paysa-

ge comme un espace habité, vivant, produc-tif, plutôt qu’un ensemble figé, expressif d’un temps historique donné et insusceptible de mutation, les promoteurs et gestionnaires du site labellisé Patrimoine mondial se donnent les moyens de réussir là où un siècle de dis-positifs réglementaires s’avère, sur les grands territoires, finalement peu efficace.

Même considération sur l’action des Parcs naturels régionaux dont la création et l’acti-vité (y compris la pérennisation) participent du contrat passé avec les collectivités. La Charte du Parc Loire Anjou Touraine, dix ans après sa création, a été renouvelée en 2010 après qu’un débat ait eu lieu au sein de cha-que Conseil municipal sur la base d’un projet explicite. Légitimée ainsi par les habitants et leurs élus, l’action du parc associe conseils, animations et pédagogie sans comprendre de dimensions coercitives autres que librement acceptées par les acteurs.

Il ne s’agit pas ici d’opposer les modes de protection du paysage et des sites tels que définis par le code de l’Environnent et les gouvernances territoriales mises en place dans les parcs ou le site UNESCO mais de considérer toutefois que le paysage, en tant qu’espace vivant, ne peut bénéficier d’une protection ou d’une valorisation pertinentes ailleurs que dans la participation et l’appro-priation de la population. Le “dernier grand fleuve sauvage” n’est pas si sauvage que cela tant la main de l’homme, depuis l’origine, en a façonné et en façonne toujours (heureuse-ment) le contour. Sa valorisation nécessite que le développement économique y soit pos-sible et soutenu, que les habitants n’y soient les rives de la Mayenne vers la Jaille-yvon : bois et plateaux bocagers

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Imago : Pouvez-vous rappeler les mis-sions de la DREAl ?

DC : La DREAL est née de la fusion de plusieurs services* ce qui favorise une approche transversale des différentes problématiques liées à la protection des ressources dont le paysage mais aussi aux énergies, aux transports, à l’indus-trie, à l’aménagement, au logement etc. En reprenant les missions des ex-DIREN, elle est notamment chargée de mettre en œuvre et développer la politique des sites et des paysages, très présente en Pays de la Loire avec 230 sites inscrits dont 100 classés.

I : Quel est le sens fondateur de la pro-tection des sites ?

DC : Le classement, procédure aujourd’hui privilégiée au détriment de la simple ins-cription, consacre et protège des paysa-ges majeurs devant faire partie du patri-moine national. Le fondement de la politi-que des sites et des monuments naturels est la loi du 21 avril 1906, contemporaine de celle sur les monuments historiques. Elle vise la protection de sites de carac-tère pittoresque, artistique, scientifique, légendaire et historique. Cette loi est l’aboutissement d’un courant de pensée du xixe, attaché à la défense d’un patrimoi-ne menacé par le vandalisme et les effets de l’industrialisation, courant qui donnera naissance aux premières associations de défense du patrimoine et des paysages comme la SPPEF. Elle correspond égale-ment au développement d’un mouvement romantique qui consacre les paysages pittoresques, les monuments de la nature, sources d’inspiration, notamment pour les peintres naturalistes et impressionnistes de l’époque. Un siècle plus tard, la politique des sites reste toujours d’actualité ; les espaces emblématiques et lieux de mémoire qu’el-le consacre sont rares et très convoités, soumis à de fortes pressions. Ils consti-tuent aujourd’hui un enjeu économique majeur en contribuant à l’une des premiè-res activités du pays à savoir le tourisme.Cette politique, toujours très active dans la région, a permis la protection et la ges-tion de paysages emblématiques tels les grands sites du Val de Loire, les marais salants de Guérande, la cote sauvage de l’île d’Yeu, la vallée de l’Erdre, les Alpes mancelles ou encore le Marais mouillé Poitevin récemment labellisé grand site de France. Actuellement nous travaillons

au classement des perspectives paysagè-res sur Fontevraud et sur le marais de la Brière.

I : Quelle est l’adéquation entre un dis-positif réglementaire hérité du xixe siè-cle et l’épanouissement de la décentra-lisation ?

DC : Le legs de ce patrimoine national aux générations futures ne pourra se faire que si l’on respecte les caractéristiques iden-titaires de ces sites, dans le cadre d’une gestion adaptée aux nouveaux enjeux et partagée avec les acteurs locaux. C’est le rôle de la DREAL et des inspecteurs des sites que d’accompagner, sur le terrain, l’évolution de ces sites remarquables en liaison avec les collectivités locales. Si les textes d’origine sont anciens, ils ont été à de nombreuses reprises amendés, notamment par la loi du 2 mai 1930 qui renforce le rôle des commissions départe-mentales où siègent de nombreux élus lo-caux. Les sites visés par la protection sont également différents ; à l’origine centrés sur des éléments plus ponctuels ou des ensembles bâtis, ces espaces recouvrent aujourd’hui majoritairement de grands paysages culturels remarquables, tels que définis notamment par l’UNESCO. Très souvent, les classements de sites sont complétés par des dispositifs ZPPAUP, outils en partie décentralisés qui depuis 1983 permettent la gestion d’ensembles bâtis.

I : Comment la dynamique de projet se développe-t-elle dans un contexte de “patrimonialisation” ?

DC : Il faut préciser que le classement est réservé à des sites remarquables qui ne représentent aujourd’hui que 1,7 % du territoire national. On nous reproche par-fois de muséifier ces lieux et d’entraver la dynamique de projet. Or la DREAL est justement présente pour accompagner les collectivités dans leurs projets de mise en valeur. Elle dispose d’une enveloppe, certes modeste, pour soutenir et qualifier certains projets dont les collectivités ne peuvent parfois assumer seules la prise en charge financière. Un classement est une procédure lourde qui peut prendre 5 à 6 ans parfois plus jusqu’à la signature du décret en Conseil d’Etat, il confirme et valorise l’identité d’un territoire, sa protection constitue aussi un enjeu de développement.

DAVID COUZIN, Inspecteur des sites à la Direction Régionale de l’Environne-ment, de l’Aménagement et du Logement rappelle les évolu-tions et les enjeux actuels de la politique de gestion et de clas-sement des sites.

« Certains sites classés sont victimes de leur succès. Le développement touristique suscite une multitude de questions notamment quant à leur fréquentation et aux projets d’équipements qui en découlent. »

pas contingentés, que les déplacements et les franchissements y soient facilités, que la modernité y souffle autant qu’y respire la tra-dition. Il convient alors de faire preuve d’ima-gination et d’innovation. Le concours organisé par le parc naturel régional “Loire Anjou Tou-raine” en recherche d’un compromis associant les exigences patrimoniales et environnemen-tales, “Pour une maison ligérienne passive” reste un excellent exemple de cette capacité à “faire bouger les lignes”.

BL

la case à caZals

* DRE, DIREN et DRIRE

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OPÉrATION / AmÉNAGEmENT

lieu Saumur,Centre-ville historique

Maître d’Ouvrage - Ville de Saumur

Maître d’Œuvre - Bernard ALTHABEGOÏTY et Annick BAYLE architectes- BABYLONE, paysagistes- ON, concepteur lumière- OGI, BET

caleNdrier - Désignation des lauréats 2011- Début des travaux 2014

surface 19 241 m2

cOÛt estiMatifs des travaux

Travaux préparatoires 243 988 €

Revêtement de solet bordures

1 690 248 €

Éclairage 195 000 €

Signalisation 195 000 €

Assainissement 111 600 €

Réseaux diversy compris dévoiement

143 780 €

Plantations 108 211 €

Mobilier urbain 156 610 €

Génie civil Ouvragesparticuliers

462 938 €

Divers et imprévus 123 938 €

total travaux Ht 3 318 959 €

Consciente du caractère emblématique de la place de la République liant la Ville historique et son Hôtel de Ville à la Loire, les élus de Saumur ont lancé un important concours

de concepteurs pour les aménagements de cette vaste esplanade ainsi que des espaces urbains qualifiant l’hyper centre, la place Saint-Pierre, l’axe Franklin Roosevelt/Bilange, la rue Saint-Nicolas et la place Charles de Foucauld. Bernard Althabegoïty et Annick Bayle ont remporté cette consultation face aux trois autres cabinets retenus : Richez et associés, HYL et Tétrarc-SCE, l’agence Wilmotte s’étant désistée dès la première phase.

Le programme porte principalement sur l’amélioration du fonc-tionnement du centre-ville et de son accessibilité, notamment pié-tonne ainsi que sur la relance de son attractivité en faveur d’activités économiques et touristiques.

La réponse d’Althabégoïty-Bayle met la ville en relation avec le “grand paysage ligérien” grâce à des “continuités urbaines lisibles” et en libérant les quais et leurs abords de tout stationnement automo-bile. La Loire et ses berges introduisent une nouvelle harmonie avec la ville dont elle se familiarise à partir d’une pelouse, de gradins et rampes avant d’atteindre un quai aménagé.

Avec ce projet, Saumur, comme bien des villes françaises, entame la réconciliation avec son fleuve et devient, davantage encore qu’hier, une ville paysage.

Zone d’étude globale Espaces publics à aménager

2

3

Cycles

Circuit cycles“La Loire à Vélo”

Stationnementemplacements et quantités

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L’attraction de Saumur renouvelée par :

- des continuités urbaines lisibles et l’extension du secteur piétonnier,- des modes de transport harmonisés privilégiant les déplacements doux,- des aménagements identitaires et pérennes permettant, la polyvalence des usages, une relation à la Loire célébrée.

Espaces publics à aménager

Plateaupiétonnier

Circulationvéhicules

Interditsauf riverains

Circuit bus

les quatre secteurs

1 - L’espace République Les cales de Loire

2 - L’axe Franklin Roosevelt/ Bilange/Carrefour du Théâtre

3 - La rue Saint-Nicolas La place Charles de Foucauld

4 - La place Saint-Pierre

1

4

Circulations

Stationnements

bus

Marchés

Emprise marchés

Plateaupiétonnier

Parc de stationnemententre 0 et 6 minutes à pieddu plateau piétonnier

Distancestationnement-plateau piétonnier

Saumur, ville paysage

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DÉCOUvErTE

Et si, le temps ne s’écoulait plus au ryth-me régulier des secondes qui s’égrai-nent ?

Si les écueils lui conféraient un tempo sac-cadé.Si l’espace et le temps avaient créé des disso-nances, des singularités qui mettent les lieux et les gens dans une inégalité désinvolte.Si les soubresauts de certains contrastaient avec les bondissements des autres ?Si l’espace et le temps n’étaient devenus que l’apanage de certains ?

Quel est ce Pays où les paysages témoignent à la fois d’une lente agonie et d’une énergie immuable à la résistance ?Qui es tu, toi, qui parcours la campagne, cherchant qu’elle est cette timide mélodie si mélancolique qui sous les rafales de l’histoire s’affole parfois dans des staccatos endiablés.Où sont-ils, ceux qui vivent ici et pourquoi ces paysages semblent-ils si inhabités ?

Chaque village pourtant, a un habitant qui té-moigne de la véracité des lieux : une petite fille

joue avec son chien dans un jardin, un homme est assis à sa porte, une femme marche, pres-sée, sur des trottoirs irréguliers.Des arbres fruitiers t’accompagnent, d’un vil-lage à un autre.Ici et là, la végétation domine. Les maisons s’alignent, se ressemblent, diffè-rent et contrastent : vétustes ou soignées, pa-rées parfois de couleurs chaudes ou semblant avoir été lessivées par la vie maintenant sus-pendue, dissimulées sous des petits arbres, des arbustes et des fleurs.Qui se cache derrière les rideaux ?Au centre des villages, pas de place mais une prairie et souvent une mare, un trou d’eau. Elle a, pour des rassemblements improbables, quelques bancs, quelques jeux pour enfants, mais rarement.

Les villes, elles, grouillent.Le temps s’accélère, elles débordent.Des lieux placés sous la protection d’un label, celui de l’UNESCO, dans lesquels les touris-tes déambulent émerveillés, envahissant le quotidien des Tchèques qui par leur présence

ancrent l’espace dans une réalité, un quotidien si éloigné de ces décors splendides.Palais, églises et demeures de maîtres, sem-blent danser une ronde enivrante et théâtrale. Ces bâtiments hauts en couleurs sont parés de mille décors. Les vitrines chargées, opulentes, contrastent avec la sobriété et la désuétude des petits ma-gasins des villages de campagne.

Alors tout semble osciller, entre richesse et pauvreté, abondance et austérité, à la fois splendide et désolé, joyeux et mélan-colique…Une impression si prégnante d’être en déca-lage, en dissonance et pourtant, pourtant si proche d’une parfaite harmonie.

MJB

Directeur de la publication : Bruno Letellier - Rédaction : Clarisse Bodinier, Muriel Jeanne-Bouvier, Bruno Letellier - Entretiens : Sandrine Prouteau - Maquette : Mickaël Bouglé - Photo de la une : La Loire à Chênehutte, l’île Gaultier - Crédit photos : CAUE de Maine-et-Loire, sauf mention contraire - Papier recyclé : Symbol freelife, 130 g/m2 - Dépôt légal : octobre 2011 - Impression : ABELIA Imprimerie. N° ISSN : 1282-5204

IMAGo n°54 - octobre 2011Publication trimestrielle du CAuE de Maine-et-loire 312 avenue René Gasnier - 49 100 ANGERSTél : 02 41 22 99 99 / Fax : 02 41 22 99 90Courriel : [email protected] : www.caue49.com

DissonancesPaysage de Bohême et de Moravie

Prague :capitale majestueuse,ville phare de Bohême

Havraniky :village de Moravie du sud