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Peuples du grand bassin Peut-être la résidente la mieux connue (pour les Américains) du Bassin, Sacagawea, une femme Shoshone qui a accompagné l’expédition de Lewis et Clark de 1805-6. Ironiquement, ils avaient été chargés d’établir la présence et la domination des États-Unis sur ce territoire inexploré. Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2014

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Peuples du grand bassin

Peut-être la résidente la mieux connue (pour les Américains) du Bassin, Sacagawea, une femme Shoshone qui a accompagné l’expédition de Lewis et Clark de 1805-6. Ironiquement, ils avaient été chargés d’établir la présence et la domination des États-Unis sur ce territoire inexploré.

Guy Lanoue, Université de Montréal, 2011-2014

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On voit l’éco-environnement de la région, dominé par les montagnes et un climat très aride qui ne permettaient aucune activité agricole parmi les peuples autochtones qui y habitaient. La grande partie de ces peuples appartient à la catégorie linguistique numique, qui inclut le Comanche (des Plaines), le Shoshone, et le Paiute septentrional. Cette catégorie fait partie de la grande famille Uto-Aztèque, ce qui laisse croire que la région a été peuplée par une migration venant du sud.

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Le Ghost Dance

En 1869, un Paiute septentrional nommé Wodziwob a eu une série de visions où il a « vu » le futur, que lui a été révélé par les âmes des défunts, à l’occasion de sa visite au pays des morts. Ils lui ont dit que si les Paiute observaient un rituel, surtout une danse, les morts retourneraient après un délai de 3 ou 4 ans, accompagnés par le « Chef Suprême ». La danse était performé la nuit, en formant un cercle. Il y avait au moins trois dimensions : a) il avait « prévu » l’arrivée des Blancs par train dans leurs pays; la voie ferrée fut complétée en 1869, alors les personnes ont eu tendance à croire ses autres prophéties; b) les épidémies et les guerres avaient fait des ravages parmi la population paiute, et donc la promesse d’un retour des défunts récents a dû offrir un peu de confort; c) les promesses et visions semblent reprendre le contenu et les formes de la Danse des prophètes des années 1840s.On désiste le mouvement en 1872, trois ans après ses débuts, quand la prophétie du retour des âmes ne se réalise pas.

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Un portrait de la Ghost Dance de 1890 parmi les Sioux, par l’artiste renommé Frederick Remington, 1890. Je crois qu’il n’y a aucune représentation contemporaine des événements de 1869.

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1890- le prophète paiute Wovoka a une vision qui déclenche un mouvement religieux parmi son peuple, qui se transforme rapidement in résistance politique, la Danse des Âmes (Ghost Dance). Cette 2e version de ce culte millénaire est rapidement adoptée par d’autres groupes, surtout des Plaines, et surtout au nord-est qui à l’époque est secoué par une famine. Le grand chaman Sitting Bull est assassiné en 1890 quand l’armée tente de l’arrêter, accusé d’avoir incité les Lakota à participer dans le Ghost Dance (il n’y a aucune confirmation historique pour cette position, qui reste légendaire pour les Lakota).

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À gauche, Wovoka (Jack Wilson); à droite, un ghost shirt porté par les adeptes du Ghost Dance; il était censé protéger le danseur des balles de l’armée américaine. Voir Weston La Barre, The Ghost Dance, Londres, 1970.

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1890 – en fin décembre, un groupe lakota est arrêté en Dakota du Sud par l’armée (la fameuse 7th Cavalry, le régiment massacré à Little Big Horn au Montana oriental); un malentendu (ils devaient céder leurs armes aux soldats, et un fusil s’est déchargé dans la confusion) mène à un massacre, le dernier dans les « guerres indiennes ». Au moins 150 sont tués, dont 100 femmes et enfants. Voir Dee Brown, Bury My Heart at Wounded Knee, 1970; Weston LaBarre, The Ghost Dance, New York, 1970.

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Photo iconique du massacre; les corps (ici, le chef Big Foot) ont gelé dans des positions grotesques dû au froid extrême, avant que les photographes arrivent sur les lieux quelques jours plus tard.

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La Danse du prophète est un phénomène qui semble dériver des peuples du Plateau, immédiatement au nord du Grand bassin. Nous savons que certains peuples de cette région avaient de contacts avec les peuples du Grand bassin, surtout avec les Paiute et les Shoshone, car ils étaient à la recherche d’esclaves qu’ils vendaient aux peuples de la Côte Ouest; le marché principal se trouvait à The Dalles, en Oregon. Un exemple bien connu est le prophète Peni, probablement un Gitksan oriental ou un Carrier occidental (la zone à l’ouest de Fort St. James aujourd’hui). Un jour (soit 1805, 1820 ou 1842), il disparait en février et retrouve son village au mois de mai. Il annonce qu’il était « mort », qu’il avait voyagé à la Terre des défunts, où il a reçu des instructions à transmettre: se faire baptisé, respecter le « Deemawse », obéir à « Zazeekry », et d’attendre l’arriver des Blancs.

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Deux chefs thompson (Plateau central), c.1900, avec vêtements formels

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Gens du Plateau (Kootenai), 1907

Son culte a tombé dans l’oubli quand ses prophéties ne sont pas réalisées, ou peut-être parce qu’il insistait à parler dans la langue du « peuple du ciel », qui personne ne comprenait. Jugeant de ses instructions, il est fort probable qu’il ait voyagé à l’est, où il a rencontré des Canadiens français engagés par la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui lui ont parlé du dimanche et de Jésus Christ. Il n’était pas le seul; ses « prophéties » semblent émerger de la quête de vision traditionnelle, où un homme va seul dans la forêt, à jeun, sans armes et reste immobile. Les animaux sous leur forme primordiale (quand ils étaient plus puissants des humains, avant l’époque du Transformateur [voir PPT Bandes et Tribus] se « présentent » et partagent leur pouvoir supérieur, qui est à la base du chamanisme dans cette région.

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Danse des ours (Bear Dance)Une danse pratiquée chez les Ute. Traditionnellement, les jeunes filles y participent à l’occasion de leurs premières règles, au printemps. Les danseurs sont dans un cercle, tombent « inconscients », et sont « ressuscités ». Symbolise donc renaitre après la mort. Les Utes et certains chercheurs proposent que la danse soit censée imiter l’ours, chasseur par excellence, car c’est l’animal le plus intelligent et le rusé de la nature (les Ute disent que la danse leur ait été « donnée » par l’ours lui-même). La danse dure 3-4 jours, suffisamment longue pour que tous les participants tombent en transe. L’important, donc est le rapport individuel à l’invisible, mais à différence des autres peuples chasseurs, ceci est négocié lors de la danse, un rituel qui renforce le sens de communauté.

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Des pétroglyphes dans le territoire Ute; notez le chasseur monté à cheval (donc, ces glyphes ne peuvent pas être plus vieux que 1570, quand le cheval fut introduit par les Espagnols, mais de centaines de km au sud; probable qu’ils soient du 17e siècle). Notez l’absence de l’ours parmi ces symboles.

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Les filles y participent après leur séclusion obligatoire lors des premières règles. Il est donc probable que la danse lie des rapports entre la chasse (qui fusionne la vie et la mort), la sexualité et la renaissance (non seulement symbolisée par les fillettes qui tombent en transe et sont ressuscitées, mais par le fait que la danse a lieu au printemps après l’hiver rude typique de cette zone montagneuse). Donc, elle se réfère au cycle de vie et de mort: comme l’hibernation de l’ours, qui « renait » au printemps. C’est une façon de permettre aux femmes d’accéder au pouvoir primordial des animaux (les hommes y accèdent par la quête de vision du type sekani).Aujourd’hui, c’est considéré une danse « sociale », et tout le monde, hommes inclus, y participe. Les femmes sont toujours au centre symbolique de la danse, car ce sont elles qui choisissent leurs partenaires en donnant un petit coup du coin de leur châle en direction du partenaire (les hommes ne peuvent refuser): elles assument non seulement le rôle des hommes (en choisissant le partenaire), mais l’incarnent avec un petit geste où elles soulèvent le coin du châle.

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Sans date (probablement 1924); notez les deux lignes de danseurs, hommes et femmes, au début du rituel.

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Le coup du châle aujourd’hui (2010), Lapoint, Utah

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Aujourd’hui, cette danse a également une dimension politique, car les peuples de cette région sont partagés en deux factions, les « modernisateurs » et les « traditionalistes ». Cette division, qu’on retrouve également parmi les peuples du sud-ouest, semble émergée grâce à l’amélioration des conditions de vie des dernières décennies, qui a suivi un siècle de pauvreté conditionnée par la colonisation (au nord, les croyants au mormonisme y trouvent refuge dès les années 1840). Cette division est provoquée par les questions qui entourent les problèmes sociaux qui parsèment les communautés: alcoolisme, consommation de drogues, suicide adolescent, etc.

Pourquoi la danse? Parce que, comme le sifflet des Dog Soldiers des Plaines, c’est une fusion du symbolisme de l’agir individuel, qui est privilégié dans la pratique, et de la solidarité de la communauté, qui est privilégié dans la représentation. Danser est s’exprimer individuellement dans la cadre d’une représentation de la communauté.