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- 1 - PEUT ON ENCORE DEFENDRE LE DIRIGEANT CAUTION ? Christophe Léguevaques Avocat au barreau de Paris Président de la commission « Entreprise en difficulté » de l’ACE Conférence Paris 3 juin 2004 Mesdames, Messieurs, A la réflexion, je trouve l’intitulé de mon intervention presque offensant pour la profession d’avocat. Autant tout de suite faire taire le doute qui vous étreint, tuer tout suspense et répondre. Si vous êtes un avocat, vous pouvez toujours défendre, quel que soit votre client qu’il soit dirigeant caution ou banquier soit disant responsable. L’avocat défend, c’est son métier, sa raison d’être. Pour cela, il fait appel à toute la ressource du droit et s’il ne trouve pas, il invente, il imagine, il défriche et il plaide.

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PEUT ON ENCORE DEFENDRE

LE DIRIGEANT CAUTION ?

Christophe Léguevaques Avocat au barreau de Paris Président de la commission

« Entreprise en difficulté » de l’ACE

Conférence Paris 3 juin 2004

Mesdames, Messieurs,

A la réflexion, je trouve l’intitulé de mon intervention presque

offensant pour la profession d’avocat.

Autant tout de suite faire taire le doute qui vous étreint, tuer

tout suspense et répondre.

Si vous êtes un avocat, vous pouvez toujours défendre, quel que

soit votre client qu’il soit dirigeant caution ou banquier soit

disant responsable. L’avocat défend, c’est son métier, sa raison

d’être. Pour cela, il fait appel à toute la ressource du droit et

s’il ne trouve pas, il invente, il imagine, il défriche et il plaide.

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Mais à coté de la défense, l’avocat est aussi et surtout un

conseil. Et s’il accepte de ranger ses effets de manche (et son

ego, par là même), il doit bien dire à son client, en l’espèce le

chef d’entreprise, désolé Monsieur mais en l’état actuel de la

jurisprudence, je peux vous faire gagner du temps mais tôt ou

tard il faudra payer car décidément votre créancier n’a pas

plus commis de faute que vous ou que moi.

Tel aurait pu être le discours de vérité que l’on devait entendre

dans 9 cas sur 10 à la fin de l’année 2002. Il était alors très

difficile de trouver les cas exceptionnels qui permettaient de

remettre en cause le cautionnement ou de rechercher la

responsabilité du créancier poursuivant.

Mais, voilà, le législateur veille, non plus à la sécurité juridique

comme les auteurs du Code civil, le législateur veille, que dis-

je, il organise l’insécurité juridique. Et c’est ainsi qu’au détour

d’un amendement au cours d’un été caniculaire, le dirigeant

caution s’est vu reconnaître de nouvelles armes de destruction

massive auxquelles il ne rêvait même pas.

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Avant d’aborder les effets pervers de la Loi Dutreil qui en

voulant protéger la caution risque de l’affaiblir (II), je

souhaiterais revenir sur certains arguments souvent utilisés par

les cautions, arguments moins sophistiqués mais parfois tout

aussi efficaces (I). Pour conclure, j’attirerai votre attention sur

la prochaine intervention législative (III) qui ne manquera pas

de modifier encore un peu plus le rapport de force entre la

caution et le créancier.

I. LES RECETTES DE « GRAND PERE » CODE

CIVIL.

Comme tenu du temps qui m’est imparti, je ne peux pas

passer en revue touts les « moyens de défense et de riposte de la caution

dirigeant »1. Dans cette première partie, je limiterai mon analyse

aux moyens contenus dans le Code civil.

1 Philippe HEGNER, La caution personnelle, moyens de défense et de riposte, 3ème éd°, Les Editions

Rezefeld, 1997.

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Je ne vous parlerai pas encore une fois des mentions

manuscrites et des hésitations de la jurisprudence puis de la

« réincarnation de la mention manuscrite »2 dans la Loi Dutreil,

d’autres l’ont fait avant moi. Là encore, je limiterai mon

propos aux vices du consentement (A) et à la décharge de la

caution du fait du créancier (B).

A- VICES DU CONSENTEMENT, UN RETOUR EN

GRACE LIMITE.

Lorsqu’à partir des années 2000, les plaideurs ont

compris que la recherche de la responsabilité à l’encontre du

prêteur était le plus souvent voué à l’échec, faute de

circonstances exceptionnelles, ils se sont tournés vers d’autres

moyens de défense. Les vices du consentement, principalement

l’erreur et le dol ont refait leur apparition dans les prétoires

afin de défendre la caution. Si quelques arrêts ont admis ces

arguments pour la caution profane, la Cour de cassation l’a

généralement refusé pour la caution dirigeant.

2 Pierre CROCQ, Chroniques ‘Sûretés et publicités foncières’, RTDCom, 2004, n° 1, p. 121.

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1°) L’erreur.

L’article 1110 du Code civil énonce que l’erreur n’est une

cause de nullité de la convention que « lorsqu’elle tombe sur la

substance même de la chose qui en est l’objet ». En matière de

cautionnement, l’erreur la plus fréquemment invoquée réside

dans l’erreur :

- Soit, sur les qualités substantielles de la chose (a),

- Soit, sur la solvabilité du débiteur principal (b).

a) L’erreur sur les qualités substantielles de la chose

Une caution invoquait la nullité de son engagement car le

nantissement qui devait être pris en garantie par le prêteur

n’avait pas été valablement inscrit, ce qui constituait, selon la

caution, une erreur déterminante sur la qualité substantielle.

Mais, l’acte de prêt invoquait l’achat direct du fonds de

commerce ou des parts sociales de la société exploitant le fonds

de commerce. Suivant la nature de l’opération, les garanties

étaient différentes (nantissement du fonds ou des parts

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sociales). La Cour de Cassation3 approuve la Cour d’appel qui

a constaté que les garanties offertes en ce qui concerne les

nantissements n’étaient pas cumulatives mais alternatives

b) L’erreur sur la solvabilité du débiteur principal

Comme la Cour de cassation se montre « particulièrement

sévère »4 contre cette sorte d’erreur, l’arrêt de la Cour de

cassation5 du 1er octobre 2002 n’a pas manqué de retenir

l’attention. En effet, la Chambre commerciale a rejeté le

pourvoi de la banque contre un arrêt de la Cour d’appel de

Versailles (13 janvier 2000) ayant retenu l’erreur sur la

solvabilité du débiteur principal.

M. X s’est engagé solidairement envers la banque à

garantir le remboursement de toutes sommes dues ou à devoir

par le débiteur principal (une société commerciale dans

laquelle il n’est apparemment pas dirigeant) à la banque à

concurrence d’un montant déterminé et a affecté un

portefeuille de titres en garantie de son engagement. Quatre

3 Com. 20 février 2001, TOUZE c. : CRCAM, RJDA, 1er juin 2001, p. 635-638, n° 724 4 (SIMLER, op. cit., n° 135) 5 (Cass. Com. 1er octobre 2002, pourvoi n° 00-13189, X c./ BNP-Paribas)

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mois après l’engagement de M. X, le débiteur principal est

placé en redressement judiciaire. La banque assigne la caution

solidaire laquelle invoque l’erreur sur la solvabilité du débiteur

principal. Le premier juge puis la Cour d’appel donnent raison

à la caution et annulent le cautionnement et la constitution de

gage.

La banque se pourvoit en cassation au motif qu’il

appartient à la caution qui désire faire de la solvabilité du

débiteur principal la condition déterminante de son

engagement, d’introduire cette condition dans le champ

contractuel en l’indiquant expressément dans l’acte. Ce

faisant, la banque ne faisait que reprendre des arguments

classiques qui avaient prévalu jusqu’à présent6

La Cour de cassation rejette le moyen en distinguant

entre les difficultés du débiteur principal et sa situation

irrémédiablement compromise.

En effet, alors que la banque connaissait l’entreprise

depuis 1984 et ne pouvait ignorer la véritable situation du

6 (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 octobre 1977, Bull. Civ. I n° 388, JCP (G), IV, 306 ; Cass. 1ère civ. 16

mai 1995, RJDA, 1995/10, n° 1076, JCP (G) 1996 II, 22736 Note F.-X. LUCAS).

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débiteur principal, la caution, tiers à la société, « avait entendu

prendre le risque d’aider une société présentée comme en difficulté mais non

de s’engager pour une société en situation déjà irrémédiablement

compromise ».

Dès lors, dans l’exercice de son pouvoir souverain

d’appréciation, la Cour d’appel pouvait valablement

considérer que la « caution avait fait de la solvabilité du débiteur

principal la condition tacite de sa garantie ».

Dans une autre espèce, la Cour de cassation a admis

l’annulation du cautionnement pour erreur sur la personne du

débiteur principal qui faisait l’objet d’une interdiction

d’exercer une activité commerciale7.

Mais, il ne vous aura pas échappé que cette jurisprudence

concernait une caution dirigeant et qui plus est tiers à

l’entreprise. En présence d’une caution dirigeant ou

simplement intéressée, la Cour de cassation se montre plus

sévère.

7 Com. 19 novembre 2003, D. 2004, p. 60, Note AVENA-ROBARDET, dans l’arrêt cité la caution était

une personne morale…

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Ainsi, la Chambre commercial8 considère que la Cour

d’appel a justifié sa décision de condamnation de la caution

dès lors qu’il est établi que « tant en raison de ses relations

personnelles avec la débitrice dont il était le compagnon que de son

intervention à l’acte authentique de vente du fonds de commerce et de prêt,

la caution disposait de tous les renseignements pour mesurer la capacité de

remboursement de la débitrice, les données financières de l’affaire et la

portée de son engagement ».

En étudiant le dol, l’intuition selon laquelle il est

impossible à une caution dirigeant de revendiquer

l’application des vices du consentement va se confirmer.

8 Cass. civ. I, 12 juin 2001, DI SILVESTRO c./ UFB LOCABAIL, arrêt 1024 FD

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2°) Le dol

Le dol, c’est l’erreur provoquée par celui à qui profite

l’erreur.

A cet égard, la situation de la caution, par ailleurs,

dirigeant de droit ou de fait du débiteur principal, permet de

présenter le lien qui peut exister entre l’erreur sur la qualité

substantielle et le dol reproché à l’établissement de crédit.

Pour la Cour de cassation, même s’il est constant qu’une

banque a manqué à son obligation de contracter de bonne foi

en s’abstenant d’informer les cautions de la situation

irrémédiablement compromise de la société, débitrice

principale, il n’en demeure pas moins que « ce manquement ne

peut être considéré comme dolosif dès lors que les cautions, dirigeants de

droit ou de fait de la société, étaient informées de la situation financière de

l’entreprise » dont la procédure collective a été ouverte 15 jours

après l’acte de prêt et l’obtention de leur engagement9.

9 (Com. 17 juillet 2001, BEAUGER c./ :CRCAM Charente, arrêt 1616 FD)

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A y regarder de plus prêt, la Cour de cassation semble

sanctionner le déséquilibre dans l’accès à la

connaissance de l’information ou la connaissance de

l’information elle-même. En effet, la Chambre

commerciale estime qu’une cour d’appel peut annuler

l’engagement d’une caution, par ailleurs dirigeant, dès lors

qu’à l’époque de l’octroi des crédits, la caution ne disposait pas

des informations qu’avait la banque sur l’absence de réalisme

du projet10.

Enfin, notons que, conformément à l’article 1116 du

Code civil, la Cour de cassation met à la charge de la caution

la preuve des manœuvres frauduleuses. Dans son appréciation

des manœuvres, la Haute juridiction tient compte de la qualité

de la caution eu égard par exemple à l’emploi occupé en tant

que responsable d’unité au sein d’une banque ou de sa qualité

d’administrateur du débiteur principal, ce qui permettait

d’établir qu’il avait une parfaite connaissance de la situation

du débiteur principal, société anonyme dans laquelle son fils

était le dirigeant et son épouse, associée11.

10 (Com. 3 mai 2000, Société générale c./ DAMIS, Dr. & Patr. Juin 2001, n° 94, p. 92, Note Saint-Alary) 11 Cass. Com. 17 décembre 2003, GITTARD / Crédit Lyonnais, pourvoi n° 1840 FD

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3°) La violence.

Quant à la violence, la Cour de cassation laisse à

l’appréciation souveraine des juges du fond le soin de

déterminer si les éléments de preuve fournis suffisent à établir

que la caution ne s’était engagée que contrainte sous la

violence de son conjoint12

A ma connaissance, la violence économique n’a pas

encore été retenue en faveur de la caution dirigeant.

12 (Com. 28 novembre 2000, VILIN c./ BMCE, arrêt n° 2016 FD, Dict. Perm. Diff. Entr., 2001, n° 209, p.

6126, n° 64a).

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B. LA DECHARGE DE LA CAUTION DU FAIT DU

CREANCIER

1°) Pour mémoire, la responsabilité du créancier

En cette matière, source d’un abondant contentieux, je

renvoie à la jurisprudence générale de la Cour de cassation qui

tend à limiter les recherches en responsabilité en appliquant le

principe de la symétrie de l’information.

Notons, qu’en matière de cautionnement, la Cour de

cassation a fixé un double principe :

- « dès lors que la caution était aussi gérante de droit de la

société débitrice principale, elle connaissait exactement la

situation lorsqu’elle s’est engagée.

- La faute commise par une banque du fait de l’octroi

abusif de crédit à une société ne peut, sauf circonstance

exceptionnelle, être invoquée par ses dirigeants »13

13 (Com. 28 novembre 2000, VILIN c./ BMCE, arrêt n° 2016 FD, Dict. Perm. Diff. Entr., 2001, n° 209, p.

6126, n° 64a).

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La Chambre commerciale va encore plus loin en

affirmant14 , sous le visa de l'article 1147 du Code civil, que

« l’établissement de crédit n'était redevable d'aucune

obligation de conseil à l'égard tant de la société que

de la caution », non sans avoir précisé que « les prêts litigieux

avaient été demandés par la société elle-même et par la caution, qui,

faisant état de l'assistance d'un avocat, avaient présenté des bilans

prévisionnels, selon eux vérifiés par l'expert-comptable de la société, ce dont

il résultait que la banque, dont il n'était pas démontré qu'elle aurait eu sur

l'opération réalisée des informations qui leur avaient été cachées ».

Ainsi, en l’état actuel de la jurisprudence, sauf cas

exceptionnel, la présence d’une caution initiée et le

principe de non-immixtion interdisent que soit

reconnue l’existence d’une obligation de conseil à

l’égard de la caution pesant sur un établissement de

crédit.

14 Cass. 25 mars 2003, (N° de pourvoi : 00-19337)

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Il paraît difficile d’établir de tels cas exceptionnels. Le

seule véritable recours réside-t-il alors dans l’application de

l’article 2037 du Code civil ?

2°) Décharge de la caution en raison de la privation

d’une subrogation à certains droits du créancier.

Les effets de l’article 2037 ont été renforcés depuis que le

législateur a décidé avec la loi 1er mars 1984 que « toute clause

contraire est réputée non écrite »15.

On se souvient que l’article 2037 dispose que « la caution

est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du

créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la

caution ».

C’est une application protectrice du caractère accessoire

du cautionnement. Si elle paye le créancier, la caution est

subrogée dans ses droits et doit avoir toutes les chances pour

récupérer tout ou partie sa créance.

15 Toutefois, il est toujours possible de renoncer à un droit né. Ainsi, « les défendeurs se sont portés

cautions le 12 juillet 1991 ; leur engagement étant confirmé par des actes du 2, 3 et 5 décembre 1991, de sorte que les actes litigieux ayant été conclus postérieurement, la renonciation qu’ils pouvaient contenir au bénéfice de l’article 2037 du Code civil était valable » (Cass. com. 10 décembre 2002, Cotton c./ Crédit Lyonnais, pourvoi n° 99-12.534, arrêt n° 2080 FD).

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Si le créancier par un fait positif, une omission ou une

négligence fait perdre à la caution tout ou partie de ses droits,

cette dernière peut alors lui opposer la propre faute du

créancier.

Pour autant, la jurisprudence se montre restrictive dans

l’application de l’article 2037 du Code civil

u Domaine d’application de l’article 2037 du Code civil

— selon la Cour de cassation, « l'article 2037 du Code

civil ne peut recevoir application qu'en présence de droits qui

comportent un droit préférentiel conférant un avantage particulier

au créancier pour le recouvrement de sa créance »16

u Imputabilité exclusive au créancier de la perte des droits

— C’est l’argument le plus souvent utilisé par les

créanciers. C’est aussi le plus facile à vérifier. A partir du

moment où un tiers – a fortiori un juge – intervient, le

créancier peut prétendre avec succès qu’il n’est pas à

l’origine de la perte des droits de la caution. Citons par

exemple :

16 Cass.com. 9 juillet 2002, de Morsier c./ BRED, pourvoi n° 96-20.655, arrêt 1317 FD)

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§ dans le cadre d’une action en revendication, si

la décote sur le prix de marchandise résulte

d’une ordonnance du juge commissaire, cette

décote n’est pas imputable au créancier17.

§ De même, lorsque le débiteur principal placé

en liquidation judiciaire ne peut céder son droit

au bail et si le liquidateur décide de résilier le

bail commercial, la caution ne peut pas se

prétendre être déchargée de son engagement

car la banque n’aurait rien fait pour s’opposer à

la perte du fonds de commerce. En effet, « la

banque n'avait aucun moyen légal ou de fait de s'opposer

à la remise des clés au propriétaire et n'était pas tenue de

régler les loyers impayés par le débiteur principal »18.

§ « N’a pas commis de faute exonératoire de l’obligation de

garantie souscrite par la caution, le crédit bailleur qui

n’a pas résilié les biens loués avec promesse de vente au

crédit preneur en procédure collective en vertu d’un

17 (Cass. Com. 1er octobre 2002, CHIVERY c./ PPG, pourvoi n° J 99-16.136, arrêt 1543 FD) 18 Cass. com. 15 octobre 2002, Cresson c./ CRCAM, pourvoi n° 01-10.244, arrêt 1646 FD

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contrat autorisé par le juge-commissaire et résilié

ensuite »19.

§ La banque ne commet pas de faute en

acceptant la vente de gré à gré de l’immeuble

du débiteur principal autorisée par ordonnance

du juge commissaire et en donnant mainlevée

amiable de son hypothéque20

u Il faut que le comportement du créancier entraîne un

préjudice pour la caution —. Dès lors que la

subrogation n’aurait pas été efficace, le créancier ne

pouvant obtenir un meilleur prix de vente que celui

versé au liquidateur, la négligence du créancier qui n’a

pas exercé l’action en revendication ne cause aucun

préjudice à la caution qui ne peut se prévaloir des

dispositions de l’article 2037 du Code civil (Cass. com. 4

mars 2003 ; Rascar, pourvoi n° 99-16626, arrêt n° 430 FD).

19 Cass. Com. 11 février 2004, ROGER c ./ UNIMAT, pourvoi n° 283 FD 20 Cass. 14 janvier 2004, MARGUERIE c./ CRCAM NORMAND, pourvoi n° 74 FD

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Un arrêt récent doit cependant retenir l’attention. En effet,

la Cour de cassation précise que « en s’abstenant d’exercer l’action

directe de la société X, sous traitant cédant, à l’encontre de la société Y,

maître de l’ouvrage (…) la banque créancière avait perdu un droit dans

lequel la caution avait vocation à être subrogée au sens » de l’article

2037 du Code civil. Cet arrêt est présenté comme le signe d’un

« bain de jouvence » de l’exception de subrogation. L’avenir

nous permettra de confirmer cette impression.

A la réflexion, les recettes de « grand père Code civil »

peuvent servir les cautions mais guère les cautions dirigeantes.

Ces dernières doivent elles tourner leurs espoirs en direction

du Code monétaire et financier ou du Code de la

consommation ? Rien n’est moins sûr…

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II. LES EFFETS PERVERS DE LA LOI DUTREIL

Une lecture rapide de la loi Dutreil permet d’affirmer

qu’il s’agit d’une loi favorable à la caution.

Je souhaiterais démontrer qu’il n’en est rien.

Car une fois, les pièges du formalisme dépassés, la caution

se retrouve toute nue face à son créancier.

Il n’est pas certain que l’excès de mention manuscrite ou

le renforcement des obligations d’information constituent le

meilleur moyen de protéger la caution. C’est une protection, à

condition que la caution prenne vraiment garde à ce qu’elle

signe ou recopie. Mais dans l’euphorie de la demande en

financement, combien de cautions dirigeantes seraient elles

prêtes à tout pour réaliser leur rêve ?

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Une fois, revenue dans la dure réalité, le rêve évanoui, le

projet du siècle se transforme en échec, les échéances

deviennent impayées et le débiteur principal cesse ses

paiements ou dépose son bilan. La caution va vivre un

cauchemar et s’apercevoir un peu tard qu’elle ne peut guère se

protéger.

En effet, l’effet pervers principal de la loi Dutreil réside

dans son quitte ou double, en privant la jurisprudence de sa

fonction modératrice. Cette affirmation s’illustre tant en ce qui

concerne le renforcement de la caution (A) que par la

reconnaissance légale d’un principe général de

proportionnalité (B).

A. MENTION MANUSCRITE ET OBLIGATION

D’INFORMATIONS

Plusieurs observations liminaires :

- les dispositions de la loi Dutreil ne concernent

que la caution « personne physique »

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- la loi ne distingue entre la caution profane et la

caution dirigeante

- les nouvelles mentions manuscrites sont

prescrites à peine de nullité de l’engagement

- apparemment, il n’apparaît guère possible de

« racheter » une mention manuscrite imparfaite

par des éléments extrinsèques ou intrinsèques à

l’engagement souscrit21

- la sanction du défaut d’information réside dans

la perte aux intérêts entre deux informations

annuelles.

- la loi ne définit pas la notion de « créancier

professionnel ».

Toute cela a été rappelé par les orateurs précédents.

Mais, que se passera-t-il lorsque les créanciers auront

intégré toute cette nouvelle lourdeur administrative ?

21 Pour des exemples dans le cadre de la jurisprudence antérieure à la loi Dutreil

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Si les créanciers respectent tous les impératifs légaux et la

paperasserie que cela accompagne, la caution ne pourra

plus venir rechercher la nullité de son engagement en

raison d’une mauvaise mention manuscrite ? Il lui sera

très difficile également de revenir rechercher la

responsabilité du créancier professionnel car ce dernier

pourra démontrer qu’en respectant à la lettre les

exigences légales, la caution était pleinement informée des

conséquences de ces actes. Il est donc à craindre que cet

excès de protection la prive de toute protection ultérieure.

Il y a plus grave.

La nouvelle mention manuscrite doit indiquer que la

caution s’engage

« dans la limite de la somme de XXX couvrant le

paiement du principal, des intérêts et le cas échéant

des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée

de YYY ».

Il y a donc une double limitation du cautionnement dans

le montant ET dans la durée.

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On peut dès lors conclure avec le professeur CROCQ

qu’un « dirigeant social ne peut donc plus conclure un

cautionnement omnibus sous seing privé ce qui montre une singulière

ignorance des besoins de la pratique »22.

Ainsi donc, la loi Dutreil entraîne un effet anti-

économique en faisant disparaître le cautionnement

omnibus du dirigeant social et contient en germe des

effets pervers car une fois le formalisme respecté, la

caution dirigeant aura du mal à réduire ses

engagements…

Mais cette analyse peut elle s’appliquer au principe de

proportionnalité ?

22 op. cit. p. 123.

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B. PRINCIPE DE PROPORTIONNALITE

Le principe de proportionnalité23 a été reconnu

applicable au cautionnement par l’arrêt MACRON24 du 17

juin 1997 en raison de la disproportion entre les revenus et le

patrimoine d’une caution et l’étendue de son engagement.

Tout l’intérêt de l’arrêt MACRON est qu’il appliquait à

la caution dirigeant la protection reconnue à la caution

profane lorsque le cautionnement est manifestement

disproportionné. L’autre intérêt résidait dans la

reconnaissance que cette disproportion ne viciait pas le

consentement de la caution mais constituait une faute

engageant la responsabilité de la banque. Il était donc

possible au juge du fond de moduler le quantum du

préjudice venant se compenser avec la créance

réclamée par la banque.

23 D. MAZEAUD, «Le principe de proportionnalité et la formation du contrat», Les petites affiches, 1998,

n° 117, p. 12. N. MOLFESSIS, «Le principe de proportionnalité et l’exécution du contrat», Les petites affiches, 1998, n° 117, p. 21.

24 Com. 17 juin 1997, pourvoi, n° 95-14105, Bulletin 1997, IV, n° 188 p. 165 ; D, 1998, n° 16, p. 208, note J. CASEY ; JCP (E), 1997, n° 44, p. 235, note D. LEGEAIS ; RTDCiv. 1998, note J. MESTRE et p. 157 note P. CROCQ, RTDCom, 1997, 662, Obs. M. CABRILLAC, Bull. Joly, 1997, 898, Note P. Le CANNU, JCP (E) 1998, p. 173, obs. P. SIMLER)

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Puis, devant les excès auxquels cette jurisprudence

conduisait et devant l’engorgement des cours supérieures, la

Chambre commerciale de la Cour de cassation avait renoncé

à appliquer le principe de proportionnalité à la caution

dirigeant par l’arrêt NAHOUM25 du 8 octobre 2002.

En revanche, par plusieurs arrêts postérieurs26, la Cour de

cassation maintient l’application du principe de

proportionnalité pour toutes les cautions non dirigeants.

La Loi Dutreil vient modifier cet édifice patiemment

élaboré en reconnaissant un principe général de

proportionnalité en privant les juges du fond de tout pouvoir

de modération (1°). Enfin, nous verrons que la rédaction du

nouveau texte permet d’échapper à l’application du principe

de proportionnalité, ce qui n’est qu’une illustration particulière

de la médiocrité de ce texte (2°)

25 Cass. com. 8 octobre 2002, NAHOUM c./ CGER, pourvoi, n° 99-18619 ,Bull. Civ. IV , n° 136, p.

152JCP (E), 2002, II, 1730, note D. LEGEAIS ; Defrénois, 2003, art. 37961, n° 22, obs. P. THERY ;D. 2003, 414, Note C. KOERING ; JCP (G) 2003, II, 10017, note Y. PICOD ;Defrénois, 2003, 37968, note S. PIEDELIEVRE ; Petites Affiches, n° 8 du 10 janvier 2003, obs. E.C. ;RJCom, juin 2003, p. 45, note D. POHE.

26 Cass. Com 25 mars 2003, Banque, juillet-août 2003, n° 135, Obs° LEGEAIS Cass. Com. 11 juin 2003 Cass. Com. 9 juillet 2003, D. 2004, n° 3 p. 204

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- 27 -

1°) Présentation du principe contenu dans la loi

Dutreil

L’Article 11 - II de la Loi Dutreil modifie l’article L. 341-

4 du Code de la consommation de façon à interdire à un

« créancier professionnel » de « se prévaloir d'un contrat de cautionnement

conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa

conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins

que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui

permette de faire face à son obligation ».

Indéniablement, ce texte s’applique à tous les

cautionnements souscrits par des personnes physiques qu’elles

soient profanes ou dirigeantes, que le cautionnement soit

souscrit sous seing privé ou en la forme authentique.

A la lecture, il faut distinguer deux périodes :

• lors de la conclusion, le cautionnement est

disproportionné avec les biens et les revenus de

la caution, autrement dit, on ne doit pas

prendre en compte les « espérances »,

contrairement à l’Arrêt NAHOUM.

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- 28 -

Seuls les biens existants au moment de

l’engagement sont à prendre en compte.

• toutefois, lorsque la caution est appelée, il faut

tenir compte du patrimoine de la caution.

Quelle est la différence entre le patrimoine et

les biens ? Est-ce un simple effet littéraire

destiné à éviter la répétition ? La jurisprudence

nous le dira.

Quant à la sanction du caractère disproportionné, le

législateur n’a pas opté pour la nullité de l’engagement mais

pour la possibilité ou l’impossibilité de s’en prévaloir. C’est ici

que réside l’un des dangers les plus graves pour la caution.

AVANT la loi Dutreil, en cas de disproportion, le juge du

fond pouvait moduler l’étendu de l’engagement et décider

ainsi que la caution restait tenue dans la limite de son

patrimoine et de ses revenus27. La jurisprudence trouve ainsi le

point d’équilibre.

27 Cass. Civ. 9 juillet 2003, JCP (G) 2003, II ? 10 167, note J Casey ; MH de LAENDER, L’exigence de

proportionnalité, RD Banc et financier, 2003, 259 et s.)

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- 29 -

Avec la loi Dutreil, c’est tout ou rien. Si l’engagement est

disproportionné au moment de la conclusion de l’exécution, le

créancier ne peut pas se prévaloir de l’engagement , la caution

est libérée. Mais si l’engagement est proportionnée, alors la

caution est tenue pour l’intégralité du cautionnement.

Si de prime abord, cette réforme semble défavorable aux

créanciers, il existe un risque certain que les créanciers

intègrent cette nouvelle contrainte pour la retourner contre les

cautions.

En effet, nous allons voir qu’il existe des moyens simples

pour lier la caution.

Avant d’aborder les moyens de limiter ce principe

législatif de proportionnalité, il convient d’évoquer, sans avoir

le temps de développer, que l’application de la loi Dutreil dans

le temps risque de soulever de nouveaux contentieux.

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- 30 -

2°) Moyens de contournement de ce principe.

Si un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir

d’un engagement disproportionné, encore peut-il rechercher la

responsabilité de la caution qui aurait menti sur l’étendue de

son patrimoine.

Ainsi, depuis plusieurs années, certains établissements de

crédit font-ils remplir aux cautions des questionnaires détaillés

sur leur patrimoine. Le plus souvent ces questionnaires

s’accompagnent d’une déclaration sur l’honneur concernant la

véracité des réponses.

Ces questionnaires présentent un triple d’avantage :

• d’abord, ils permettent à l’établissement de crédit de

vérifier qu’au moment de la conclusion de

l’engagement, la caution dispose de biens ou de

revenus suffisants pour faire face. Cette vérification

préalable permet d’éviter le risque de remise en cause

ultérieure.

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- 31 -

• Ensuite, si la caution ment, omet ou dissimule des

informations, il lui sera plus difficile de venir prétendre

que la banque connaissait l’état de ses biens et revenus.

• Enfin et surtout, en cas de disproportion, le créancier

professionnel pourrait rechercher la

responsabilité de la caution qui l’a induit en

erreur. Par cette substitution de motif, le créancier

pourrait recouvrer des dommages et intérêts lui

permettant de la poursuivre sur d’autres chefs.

L’avenir nous dira si la loi Dutreil aura les conséquences

protectrices qu’elle semblait poursuivre. Mais, il se

pourrait bien que cette loi qui bureaucratise l’économie

(un comble pour un libéral comme M. Dutreil) soit au

final une loi pour rien tant la pratique trouvera des

parades.

Mais, n’est ce pas ce qui nous attend également avec la loi

Perben instaurant une procédure de sauvegarde des

entreprises en difficulté.

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- 32 -

III. ANTICIPONS LES EFFETS DE LA LOI PERBEN

DEVANT REFORMER LE DROIT DES

PROCEDURES COLLECTIVES.

En matière de procédure collective, deux changements

fondamentaux sont en germe d’une part, la disparition de

l’extinction de la créance non ou mal déclarée (A) et d’autre

part, la possibilité pour la caution de se prévaloir des

dispositions du plan de sauvegarde (B). Avant d’étudier ces

deux questions, je souhaiterais attirer l’attention de la doctrine

sur un fait important.

Les établissements de crédit qui participeront au

financement de la conciliation (ancien règlement amiable) ne

pourront pas voir leur responsabilité engagée pour soutien

abusif « sauf fraude ou comportement manifestement abusif de leur part »

(futur article L . 611-11 du Code de commerce) si l’accord

constatant la conciliation est homologué par le tribunal.

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- 33 -

En raison du caractère public de ce jugement

d’homologation, il semble qu’il soit opposable aux cautions qui

dès lors ne pourront plus se prévaloir d’un financement de la

dernière chance qui s’avérerait fautif.

A. LA DISPARITION DE L’EXTINCTION DE LA

CREANCE PRINCIPAL NON OU MAL

DECLAREE ET SES CONSEQUENCES POUR LA

CAUTION.

On se souvient qu’en raison du caractère accessoire du

cautionnement et dans l’hypothèse d’une procédure collective

du débiteur principal, le défaut de déclaration de créance par

le créancier avait un effet libératoire pour la caution. En effet,

la loi du 25 janvier 1985 prévoyait une sanction radicale, la

créance non déclarée, ou mal déclarée, était éteinte.

Cette technique d’évaporation du passif principal fut

souvent utilisée par les cautions avec succès.

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- 34 -

En effet, l’extinction de la créance constitue une

exception inhérente à la dette et, conformément à l’article

2036 du Code civil, la caution peut l’opposer au créancier28.

Le projet de Loi Perben met un terme à cette possibilité.

En effet, le nouvel article L. 622-24. prévoit qu’« A défaut de

déclaration dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat, les créanciers

ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le

juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur

défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission

volontaire du débiteur. En ce cas, ils ne peuvent concourir que pour la

distribution des répartitions postérieures à leur demande ».

Si la sanction de l’extinction a disparu, il n’en reste pas

moins que la caution pourrait reprocher au créancier son

défaut de déclaration sur le fondement de l’article 2037 du

Code civil.

28 Cass. Com. 17 juillet 1990: Bull. civ. IV, nos 214 et 215; D. 1990. 494, note Honorat; D. 1991. Somm.

12, obs. Derrida; Gaz. Pal. 1990. 2. 678, note Piedelièvre; JCP E 1991. II. 101, note Amlon 23 oct. 1990: Bull. civ. IV, no 244; D. 1990. IR. 267 30 mars 1993: Bull. civ. IV, no 124; D. 1993. IR. 131 6 juill. 1993: Rev. huiss. 1994. 93, note Vidal. V., dans le même sens, pour un avaliste, Com. 25 oct. 1994: Bull. civ. IV, no 312; D. 1995. 590, note Crionnet; D. 1995. Somm. 306, obs. Honorat; RTD com. 1996. 124, obs. Martin-Serf; Rev. huiss. 1995. 57, note Vidal 3 déc. 1996: Bull. civ. IV, no 296; D. 1997. IR. 19 (avaliste d'un billet à ordre).

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- 35 -

En effet, le comportement défaillant du créancier a fait

perdre à la caution sa part dans les répartitions et dividendes29.

B. LA POSSIBILITE POUR LA CAUTION DE SE

PREVALOIR DES DISPOSITIONS DU PLAN DE

SAUVEGARDE.

La loi PERBEN instaure une procédure de sauvegarde,

sorte de redressement judiciaire sans cessation des paiements.

L’issue de cette procédure est normalement un plan de

continuation négocié entre le débiteur et ses principaux

créanciers.

Dans sa version de mai 2004, le projet de loi prévoit que

les dispositions applicables aux cautions et aux co-obligés

s’appliqueront également « aux personnes ayant consenti… une

garantie autonome ». A ma connaissance, c’est l’une des premières

fois qu’un texte légal de portée générale fait expressément

référence aux garanties autonomes (sans les définir).

29 V. en ce sens, Cass. com. 6 févr. 1996: Bull. civ. IV, no 33; D. 1996. IR. 82; D. Affaires 1996. 391.

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Par ailleurs, il n’est pas certain que le législateur ait

analysé la portée de cet ajout qui concerne les personnes

physiques aussi bien que les personnes morales.

Ainsi, à première lecture, une banque qui a délivré une

garantie autonome à un tiers pourrait opposer au bénéficiaire

les dispositions du plan de sauvegarde du débiteur principal.

Mais où est donc passé l’autonomie ?

Mais, pourquoi avoir prévu pour le plan de sauvegarde et

lui seul, cette possibilité pour une caution de se prévaloir des

dispositions du plan ? La réponse est simple : cette disposition

vise à rendre attractive la procédure de sauvegarde afin que le

chef d’entreprise, le plus souvent caution, anticipe autant que

possible l’état de cessation des paiements.

Indéniablement, cette mesure, si elle est adoptée, sera

particulière intéressante pour les cautions dirigeants.

C’est donc sur ce message d’espoir que je souhaiterais

conclure.

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- 37 -

Et puis aussi, par un grand remerciement à M. Dutreil.

Oui, au nom de tous les avocats, je vous remercie, Monsieur le

ministre. Votre méconnaissance du droit du cautionnement va

permettre de relancer le contentieux pour une bonne dizaine

d’années…

Plus sérieusement, je crois que le chef d’entreprise doit

méditer cette mise en garde du professeur SIMLER :

« Le cautionnement neutralise, en quelque sorte, la personnalité

morale et fait assumer au dirigeant ce qui est concrètement, du

moins dans les très petites sociétés, sa propre dette »30

.

30 SIMLER, Droit du cautionnement, 3ème éd°, n° 100