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Photo de couverture : Devant le commissariat de la Police …congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/... · 2020. 8. 7. · Dikenga Kikomba, maire de la ville, qui en a

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  • Photo de couverture : Devant le commissariat de la Police nationale congolaise de Bakuakenge, le 11 mai 2020. (Copyright: GEC)

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    Faits saillants:

    Kasaï / Kasaï Central :

    • Bakuakenge, une localité disputée

    Kasaï Central :

    • Le chef milicien « Trésor Mputu » aux arrêts

    • Vers une réorganisation de la milice Kamuina Nsapu autour de Kananga ?

    • Pouvoirs coutumiers au cœur des tensions dans le groupement des Bena Mande

    Kasaï :

    • Tensions entre la RDC et l’Angola aux frontières sud du Kasaï

    • Controverse autour d’un nouveau découpage administratif des quartiers à Tshikapa

    RAPPORT BIMESTRIEL | AVRIL ET MAI 2020

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    1. Bakuakenge, une localité disputée

    À qui appartient Bakuakenge ? La question divise deux provinces de l’espace kasaïen. D’un côté, le gouverneur Martin Kabuya estime que la localité fait partie de Demba, l’un des cinq territoires du Kasaï Central, de l’autre, son homologue Dieudonné Pieme jure qu’elle se trouve dans le territoire de Mweka, dans le Kasaï. Pour affir-mer son autorité sur place, chacun des deux s’y est rendu.

    Le premier à effectuer le déplacement : Martin Kabuya. Le gouverneur du Kasaï Central est arrivé en effet, le 11 mai, à Bakuakenge, passant outre le message de Dieudonné Pieme1 qui lui demandait d’attendre la mise en pla-ce d’une commission mixte du ministère de l’Intérieur et de l’Institut géographique du Congo devant déterm-iner les limites entre les deux provinces issues du découpage de l’ancien Kasaï Occidental. Il a été accueilli principalement par des Lubaphones du territoire de Demba auxquels s’étaient joints quelques Kuba de Mweka résidant dans la localité, en présence de leur chef coutumier, Charles Mutombo Lukanda, du groupement de Bena Milombe, qui revendique Bakuakenge comme village de sa juridiction.

    À quelque 300 mètres de là, Franck Pongo, administrateur de territoire assistant de Mweka et prince de la famil-le royale kuba, avait, quant à lui, réuni des centaines de personnes, des Kuba pour la plupart, devant la maison d’Évariste Boshab, à Bakuakenge. Mais cela n’a pas empêché Martin Kabuya de tenir son meeting. Officielle-ment sur place pour sensibiliser la population contre le coronavirus, le gouverneur du Kasaï Central a surtout tenu à réaffirmer l’appartenance de la localité disputée à sa province. « Nous ne laisserons pas même un seul centimètre de nos terres ailleurs : Bakuakenge est une localité du Kasaï Central », a-t-il martelé.

    Presqu’au même moment, à Tshikapa, Dieudonné Pieme a tenu une conférence de presse au cours de laquelle le gouverneur du Kasaï a laissé entendre qu’il était prêt à faire couler son sang pourvu que Bakuakenge reste dans le territoire de Mweka. Pour lui, faire de cette localité une partie du Kasaï Central équivaudrait à faire d’Év-ariste Boshab un originaire du Kasaï Central alors qu’il est de notoriété publique, selon lui, que Tete Kalamba, entité appartenant à Bakuakenge et village natal de cet ancien président de l’Assemblée nationale et cacique de la famille politique de Joseph Kabila, se trouve bien dans la province du Kasaï.

    Ainsi, le 24 mai, soit 13 jours après le passage de Martin Kabuya à Bakuakenge, Dieudonné Pieme s’y est rendu à son tour, malgré des « pressions de toutes sortes téléguidées² » par le gouverneur du Kasaï Central. Selon lui, Martin Kabuya « a utilisé des lobbys pour persuader Évariste Boshab à [le] dissuader d’y aller, alléguant qu’il y aurait mort d’hommes (...) ». « C’était un gros défi pour moi en tant que gouverneur et natif de Mweka », a-t-il expliqué au Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Sur place, arborant la tenue de la territoriale, le gouverneur a tenu à « rassurer les populations de Mweka qui pensaient qu’elles [étaient] déversées au Kasaï Central avec la présence de [son] collègue alors que Bakuakenge se trouve à 20 kilomètres de Kakenge, le village natal de [son] père³ ». À son arrivée, le gouverneur du Kasaï a été accueilli par Pan-a-Nyimi Ken (traduisez « la sœur du roi qui règne avec son frère », en langue kuba), la reine du royaume Kuba, qui a remis à son hôte, à titre symbolique, du sable dans un récipient traditionnel.

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    2. Le chef milicien « Trésor Mputu » aux arrêts

    Longtemps recherché par la justice congolaise pour sa participation présumée dans l’assassinat, le 12 mars 2017, de Michael Sharp et Zaida Catalán, deux experts onusiens, à Moyo Musuila, territoire de Dibaya, dans le Kasaï Central, Kankonde Ngalamulume alias « Trésor Mputu », l’un des chefs de la milice Kamuina Nsapu, a été arrêté, le 29 mai, par les Forces armées de la RDC (FARDC). Mais les circonstances de cette arrestation demeu-rent floues, au moment où persistent des rumeurs sur une éventuelle réorganisation de la milice.

    Pour certaines sources, « Trésor Mputu » aurait été interpellé dans la localité de Katole, à 15 kilomètres de Ka-nanga, mais pour d’autres, les faits se seraient plutôt déroulés dans le périmètre du bureau du gouverneur de province. Un ancien milicien, devenu membre du protocole de Martin Kabuya, a soutenu par exemple que c’est lui qui a, après avoir été renvoyé de son poste, facilité l’arrestation de ce chef milicien : il aurait appelé « Trésor Mputu » et alerté les services de sécurité de son arrivée sur le lieu⁴.

    Du côté des autorités, personne n’a voulu s’étendre sur le sujet, laissant ainsi libre cours aux suspicions de connexion entre des responsables politiques et sécuritaires et celui qui était de plus en plus cité ces derniers mois dans le recrutement des enfants pour les incorporer dans des milices. « Depuis 2017, nous sommes aux trousses de “Trésor Mputu”. Mais lorsqu’il nous arrivait d’être près de l’arrêter, il avait toujours de l’avance sur nous. Ceci conforte ma conviction sur des liens probables entre lui et certaines autorités », a confié au GEC un haut membre du comité provincial de sécurité du Kasaï Central⁵.

    3. Vers une réorganisation de Kamuina Nsapu autour de Kananga ?

    Plusieurs sources concordantes, y compris le gouverneur Martin Kabuya, ont confirmé au GEC la reprise de recrutement des enfants dans la ville de Kananga pour les intégrer dans la milice Kamuina Nsapu. L’autorité provinciale du Kasaï Central rassure cependant qu’il a donné l’ordre à l’armée et à la police de démanteler ce nouveau réseau en gestation et d’« arrêter tous les chefs miliciens cités dans ces recrutements. Notamment Ngalamulume Kankonde, alias Mputu Trésor, Mulumba Olivier, Badibanga Serge et David Ndaye alias Nsaban-ga⁶ ».

    Cette « tendance de la reprise des recrutements des miliciens⁷ » est également confirmée par une mission d’évaluation conjointe de la Monusco déployée le 7 mai à Katole, dans la province du Kasaï Central. Selon une source onusienne à Kananga, ces recrutements, dont le meneur serait « Trésor Mputu », se dérouleraient dans le périmètre du chef-lieu du Kasaï Central, sur l’axe Ngalakashi-Tshiawu-Katole⁸.

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    4. Pouvoir coutumier au cœur des tensions dans le groupement des Bena Mande

    Le 25 mai, Ndombi Mande Mbulungu, chef des groupement de Bena Mande, a été agressé par des personnes inconnues à l’entrée de son village, à la sortie sud de Kananga, alors qu’il rentrait chez lui. François Katuadi, son jeune frère, a été grièvement blessé. Selon le témoignage de Ndombi Mande Mbulungu, les agresseurs étaient armés de machettes et de fusils de chasse calibre 12. Ndombi Mande Mbulungu a alors accusé Cléophas Mu-biayi Tshitebua, qui lui dispute le pouvoir coutumier⁹, d’être le commanditaire de l’attaque.

    Après la brève interpellation de présumés assaillants, la famille de la victime a écrit à Leila Zerrougui, cheffe de la Monusco, dénonçant des velléités du gouverneur Martin Kabuya à vouloir créer une situation semblable à celle de Kamuina Nsapu en 2016¹⁰. De son côté, Martin Kabuya réfute toutes ces « accusations gratuites mon-tées de toutes pièces et truffées des mensonges contre [sa] personne¹¹ ». Dans sa lettre de réplique adressée à Leila Zerrougui, le gouverneur du Kasaï Central rappelle également qu'il ne reconnaît pas le pouvoir de Ndombi Mande Mbulungu et transmet une série de documents qui atteste, selon lui, que « le vrai et véritable chef de groupement des Bena Mande est M. le chef Mubiayi Tshitebua Cléophas¹² ».

    Autres faits à signaler au Kasaï Central

    • Sur instruction du gouverneur Martin Kabuya, Benjamin Bampale, ministre provincial du Budget, Industrie,

    Petites et moyennes entreprises et Artisanat et membre de l’Union pour la démocratie et le progrès social

    (UDPS, parti présidentiel), s’est vu, le 5 mai, interdire l’accès à son bureau de travail. Le même jour, un ar-

    rêté de l’autorité provinciale le suspendant pour 30 jours a été rendu public. Il lui est reproché d’avoir tenu

    des « propos outrageants et irrespectueux » dans une lettre qu’il a adressée, le 4 mai, au gouverneur de

    province¹³.

    • Alors qu’ils tentaient de prendre en photo des immeubles annexes du bureau du gouverneur de province, les députés provinciaux Jacques Ngalamulume, Joseph Kalamba et Simon Ntumba ont été confrontés au refus des policiers commis à la sécurité de ces bâtiments. Leurs gardes du corps ont été désarmés. La justice militaire a été saisie de cet incident survenu au courant du mois de mai. Depuis, par l’entremise de leur avo-cat, Me Emmanuel Muela, les trois députés accusent Martin Kabuya de vouloir recourir aux miliciens pour intenter à leur vie. Ce que le gouverneur dément. Il s’est même plaint auprès du barreau du Kasaï Central contre Me Emmanuel Muela¹⁴.

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    • Le 31 mai, le gouverneur Martin Kabuya a prié 18 membres de son cabinet à rester chez eux. Officiellement, cette décision constitue une mesure contre la propagation de la Covid-19. Mais, une source au sein du gouvernorat a confié au GEC que la province se trouverait surtout dans « d’énormes difficultés pour payer l'ensemble du personnel du cabinet du gouverneur en raison de la modicité des recettes¹⁵ ».

    5. Tensions entre la RDC et l’Angola aux frontières sud du Kasaï

    Le vendredi 29 mai, des éléments des FARDC ont échangé des tirs avec les forces armées angolaises dans la localité congolaise de Kabuakala, à 150 kilomètres au sud de Tshikapa. L’incident a été confirmé par le gouver-neur Dieudonné Pieme, soulignant que des soldats angolais se trouvaient sur le territoire congolais et auraient tenté de chasser les agriculteurs congolais de leurs champs. Ce qui, selon lui, a fait réagir les militaires congolais présents dans la localité : un soldat angolais a été blessé et deux armes saisies.

    M. l’abbé Trudon Keshilembe, curé de la paroisse catholique de Kamako et président de la société civile locale, a indiqué au GEC que l’Angola revendiquerait plutôt une partie du territoire de la RDC et aurait ainsi renforcé ses positions militaires le long de la bande frontalières : de nouvelles unités lourdement armées seraient visibles¹⁶.

    Depuis décembre 2018, cette zone frontalière est le site de nombreuses expulsions des Congolais résidant en Angola.

    6. Controverse autour d’un nouveau découpage administratif des quartiers à Tshikapa

    Le 3 mai, Charlotte Meya Kikozokozo, bourgmestre de Kanzala, dans la ville de Tshikapa, a décidé d’opérer un nouveau découpage des quartiers de sa commune. Une démarche entérinée, deux jours plus tard, par Edouard Dikenga Kikomba, maire de la ville, qui en a profité, sur proposition de la bourgmestre, de nommer François Tshiboyi Ngalamulume comme nouveau chef de quartier de Kabinda en remplacement de l’ancien décédé.

    Problème : les Bindji, majoritaires dans le quartier, contestent cette nomination qui aurait dû bénéficier, selon eux, à l’adjoint du chef de quartier décédé, de surcroît bindji. C’est ainsi que la Communauté bindji de Tshikapa (Cobitshi) a adressé, le 29 mai, un mémorandum à la bourgmestre de Kanzala dans lequel elle dénonce la poli-tisation des quartiers de la commune de Kanzala et exige « le retrait de tous les chefs des quartiers provenant des autres communes notifiés pour gérer les quartiers de la commune de Kanzala ». Dans le cas contraire, la Cobitshi dit qu’elle « sera obligée de se prendre en charge¹⁷ ».

    Un responsable du gouvernement provincial du Kasaï a dit au GEC que l’initiative de ne confier aucune respon-sabilité dans la gestion des quartiers proviendrait de Deller Kawino, ministre provincial de l’intérieur et membre

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    de la communauté pende. Toutefois, selon nos informations, le gouverneur Dieudonné Pieme a ordonné à Dikenga Kikomba de surseoir la nouvelle mise en place dans les quartiers de la ville de Tshikapa. Et un dirigeant du comité des ressortissants bindji a confirmé avoir été notifié verbalement de cette décision par le bourgme-stre de Kanzala.

    Cette controverse intervient dans un climat de tensions communautaires nées à la suite du meurtre, le 9 mai, d’un notable bindji près de la ville de Tshikapa. À en croire Godé Luse, secrétaire administratif de la Cobitshi, sa communauté attribue cet acte aux Pende, Chokwe et Nyambi qui se revendiquent originaires de Tshikapa¹⁸ .

    Autres faits à signaler dans la province du Kasaï

    • Près d’une année après son élection, Dieudonné Pieme a effectué une première tournée à l’intérieur de la

    province du Kasaï. Entre le 24 mai et le 5 juin, le gouverneur s’est rendu tour à tour à Luebo, Mweka et Ilebo,

    trois des quatre territoires de sa juridiction. Si sa présence à Bakuakenge était destinée à répondre à celle

    de Martin Kabuya avec qui il se dispute la localité, partout ailleurs Dieudonné Pieme a plutôt exploré les

    opportunités économiques. À Ilebo par exemple, il s’est entretenu avec les chefs d’entreprises, notamment

    ceux de la société Plantation de Brabanta à Mapangu, appartenant majoritairement au groupe français Bol-

    loré à travers le Groupe Socfin, mais aussi ceux de la SEP-Congo et de la Société nationale des chemins de

    fer du Congo (SNCC). Des équipes de travail ont été constituées pour recenser et collecter des taxes pour le

    compte de la province.

    Analyses

    De la controverse autour de Bakuakenge

    C’est bien l’origine d’Évariste Boshab qui constitue l’un des enjeux majeurs de la controverse entre les gouver-neurs Martin Kabuya et Dieudonné Pieme autour de Bakuakenge. Tete Kalamba, le village natal de ce cacique de la famille politique de Joseph Kabila, se trouve dans la localité disputée. Si celle-ci est reconnue comme un vil-lage du Kasaï Central comme le revendique Martin Kabuya, cela aurait des implications non négligeables sur la position de l’ancien président de l’Assemblée nationale : ce dernier risquerait ainsi de perdre son influence dans le territoire de Mweka, dans la province du Kasaï, circonscription dont il est le député national depuis 2006. En effet, grâce à son ancrage à Mweka, Évariste Boshab a su prendre sous son aile et faire émerger plusieurs hom-mes politiques du Kasaï, notamment l’actuel gouverneur Dieudonné Pieme.

    https://www.socfin.com/fr/implantations/brabanta

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    L’autre enjeu, c’est la question de l’appartenance de deux importantes communautés tribales qui habitent Ba-kuakenge : d’une part, les Kuba qui disposent d’un groupement et, de l’autre, les Lubaphones qui en reven-diquent trois et qui considèrent Bakuakenge comme une localité du Kasaï Central. Une configuration qui leur permettrait de rester aux côtés de leurs frères de Demba, dans la même province.

    Il faut noter également que, dans ces tiraillements, Martin Kabuya et Dieudonné Pieme ont chacun puisé dans le camp des adversaires politiques de l’un et l’autre. Le premier est encouragé par des politiciens du Kasaï qui veulent fragiliser Évariste Boshab. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre par exemple le soutien de Constan-tin Mbengele, ancien directeur général du Fonds de promotion de l’industrie (FPI), apporté au gouverneur du Kasaï Central. À l’inverse, des détracteurs de ce dernier, originaires du Kasaï Central, apportent leur soutien à Dieudonné Pieme, gouverneur du Kasaï. C’est le cas notamment de John Ntumba, ministre national de la For-mation professionnelle.

    Dans cette controverse, Martin Kabuya et Dieudonné Pieme jouent chacun également sa propre partition. Le premier voudrait se prévaloir du statut de celui qui a pu réduire l’influence d’Évariste Boshab, accusé par des Lubaphones d’être le commanditaire de l’assassinat du chef Kamuina Nsapu, tandis que le second, issu de la communauté mpiang de Mweka et partageant une proximité géographique avec le village d’Évariste Boshab - le centre de Kakenge, d’où le gouverneur du Kasaï est originaire, se trouve à quelques 20 km de Tete Kalamba - risque de se retrouver politiquement affaibli face aux Bushoong de Mweka, si l’influence d’Évariste Boshab, son mentor, en pâtit. D’autant que les Bushoong, majoritaires au sein de la famille royale kuba, n’ont jamais digéré l’emprise de l’ancien président de l’Assemblée nationale, membre de la communauté ngeende, tribu minoritai-re dans le territoire de Mweka.

    Bakuakenge laisse aussi transparaître un enjeu électoral. En l’état actuel de la législation électorale, la localité comprend trois centres de vote : deux pour Mweka (Kasaï) et un pour Demba (Kasaï Central). Elle représente 30 % de l’électorat pour chacune de ces circonscriptions électorales. Ainsi, élu de Demba et membre de l’Alliance des forces démocratiques du Congo - Alliés (AFDC-A)/Front commun pour le Congo (FCC, plateforme de Joseph Kabila), le député national Dominique Lukono Nsowa tient à conserver un certain contrôle sur Bakuakenge qui se trouve à quelque 50 km de son fief de Bena Leka. Pour y parvenir, il s’est rangé du côté de Martin Kabuya.

    Enfin, sur le plan économique, Bakuakenge abrite une gare ferroviaire de la SNCC et constitue un point de pas-sage obligé pour le maïs du Kasaï vers le Kasaï Central, le Kasaï Oriental et la Lomami. Il va sans dire que la ge-stion de cette localité procure des recettes non négligeables. Raison de plus pour que le ministère de l’Intérieur, voire le Parlement, puisse déployer une commission sur place afin de trouver une solution à cette affaire et prévenir d'éventuelles violences intercommunautaires.

    De fait, la dispute autour de cette localité démontre comment le découpage des provinces aura amplifié des querelles autour de ces « frontières intérieures » et comment il aura aussi mis en exergue de nouveaux enjeux politico-économiques interprovinciaux.

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    De l’arrestation du chef milicien « Trésor Mputu »

    Le flou autour des circonstances de l’arrestation de « Trésor Mputu » a renforcé les suspicions de connivence entre les anciens chefs miliciens et les responsables politiques, de l’armée et des services de sécurité au Kasaï. D’autant que des lenteurs persistent dans le déroulement du procès sur le meurtre de deux experts onusiens. Le barreau du Kasaï Central a d’ailleurs récemment dénoncé le fait que le parquet militaire impose régulièrement ses points de vue, notamment en ce qui concerne les personnes citées à témoigner. Il devient ainsi urgent de revisiter le mécanisme international d’assistance de la justice militaire congolaise.

    Des enjeux économiques de la tournée de Dieudonné Pieme

    La première tournée du gouverneur Dieudonné Pieme pourrait avoir des retombées économiques au Kasaï. À Mweka, Ilebo et Luebo, l’autorité provinciale s’est en effet rendu compte des possibilités qu’offre la partie nord de son entité. D’autant que, jusqu’ici, celle-ci dépend en grande partie des recettes de Tshikapa, ville située dans la partie sud.

    Avec la huilerie de Brabanta, à Ilebo, par exemple, il a été question des taxes non payées à la province depuis plusieurs années. Selon des sources proches de l’administration provinciale, si ces recettes sont bien canalisées, elles rapporteraient quelque 35 millions de francs congolais par mois, soit près de 17 000 dollars. Une somme bien au-dessus des 5 millions de francs congolais mensuels que la province récolte actuellement. Il faudra ce-pendant disposer des ressources humaines compétentes et intègres pour accomplir cette mission de maximisa-tion des recettes. Si le pari est relevé avec succès, la partie nord du Kasaï s’affranchirait des recettes de Tshikapa. Ce qui pourrait aussi accroître l’influence d’Évariste Boshab, mentor de Dieudonné Pieme, les deux hommes étant nordistes, face à Maker Mwangu, sudiste de Tshikapa et autre influent cadre de la famille politique de Joseph Kabila.

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    Kasaï et Kasaï Central: Rapport Bimestriel Avril et Mai 2020

    Références

    1. Message du gouverneur Dieudonné Pieme au vice-Premier ministre, ministre de l’intérieur, Gilbert Kankonde, datée du 7 mai 2020, http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/message-officiel-dieudonne-pieme-kasai-bakuakenge.jpg

    2. Entretien téléphonique le gouverneur Dieudonné Pieme, le 24 mai 2020.

    3. Idem.

    4. Entretien avec un ex-milicien devenu membre du protocole du gouverneur Martin Kabuya, le 31 mai 2020.

    5. Entretien entre un haut responsable du comité provincial de sécurité et GEC, 30 mai 2020.

    6. Sosthène Kambidi, « Kasaï-central : l’ONU confirme la tendance de la reprise de recrutement des miliciens », https://actualite.cd/2020/05/14/kasai-central-lonu-confirme-la-tendance-de-la-reprise-de-recrutement-des-miliciens

    7. Compte-rendu de l’actualité des Nations unies en RDC à la date du 13 mai 2019, https://monusco.unmissions.org/sites/default/files/compte-rendu_de_lactualite_des_nations_unies_en_rdc_a_la_date_du_13_mai_2020_final.pdf

    8. Sosthène Kambidi, « Kasaï-central : l’ONU confirme la tendance de la reprise de recrutement des miliciens », op.cit.

    9. Rapport bimestriel (février - mars 2020) du GEC, http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/06/rapport-bimestriel-kasai-fevrier-mars-2020.pdf

    10. Scoop RDC, « Kasaï Central : Martin Kabuya, un canadien accusé de vouloir mettre la province à feu et à sang ! » (sic), https://scooprdc.net/2020/06/01/kasai-central-martin-kabuya-un-canadien-accuse-de-vouloir-mettre-la-province-a-feu-et-a-sang/

    11. Lettre du gouverneur Martin Kabuya, datée du 3 juin 2020 adressée à Leila Zerrougui, cheffe de la Monusco, http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/dossier-conflit-pouvoir-coutumier-groupement-bena-mande-lettres-mar-tin-kabuya-kasai-central.pdf

    12. Idem.

    13. Arrêté du gouverneur du Kasaï Central suspendant Benjamin Bampale, ministre provincial du Budget, Industrie, Petites et moyennes entreprises, Artisanat, datée du 5 mai 2020, http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/arrete-gouverneur-martin-ka-buya-suspension-ministre-benjamin-bampale-kasai-central.pdf

    14. Lettre de Martin Kabuya contre l’avocat Emmanuel Muela, adressée le 29 mai 2020, au bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau du Kasaï Central, http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/plainte-gouverneur-martin-kabuya-contre-avocat-emma-nuel-muela-kasai-central.pdf

    15. Entretien avec un membre du cabinet du gouverneur Martin Kabuya à Kananga, le 21 mai 2020.

    16. Entretien avec l’abbé Trudon Keshilembe, curé de la paroisse catholique de Kamako et président de la société civile, juin 2020.

    17. Mémorandum de la communauté bindji de Tshikapa (Cobitshi), daté du 29 mai et adressé à la bourgmestre de Kanzala, http://congore-searchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/memorandum-protestation-communaute-bindji-tshikapa-cobitshi-kanzala-kasai.pdf

    18. Entretien avec Godé Luse, secrétaire administratif de la Cobitshi, à Tshikapa, mai 2020.

    http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/message-officiel-dieudonne-pieme-kasai-bakuakenge.jpghttps://twitter.com/DSESANGA/status/1222896898081583104?s=20 http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/06/denonciation-groupe-deputes-provinciaux-conhttps://actualite.cd/2020/05/14/kasai-central-lonu-confirme-la-tendance-de-la-reprise-de-recrutement-des-milicienshttps://monusco.unmissions.org/sites/default/files/compte-rendu_de_lactualite_des_nations_unies_en_rdc_a_la_date_du_13_mai_2020_final.pdfhttps://monusco.unmissions.org/sites/default/files/compte-rendu_de_lactualite_des_nations_unies_en_rdc_a_la_date_du_13_mai_2020_final.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/06/rapport-bimestriel-kasai-fevrier-mars-2020.pdfhttps://scooprdc.net/2020/06/01/kasai-central-martin-kabuya-un-canadien-accuse-de-vouloir-mettre-la-province-a-feu-et-a-sang/http://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/dossier-conflit-pouvoir-coutumier-groupement-bena-mande-lettres-martin-kabuya-kasai-central.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/dossier-conflit-pouvoir-coutumier-groupement-bena-mande-lettres-martin-kabuya-kasai-central.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/arrete-gouverneur-martin-kabuya-suspension-ministre-benjamin-bampale-kasai-central.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/arrete-gouverneur-martin-kabuya-suspension-ministre-benjamin-bampale-kasai-central.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/plainte-gouverneur-martin-kabuya-contre-avocat-emmanuel-muela-kasai-central.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/plainte-gouverneur-martin-kabuya-contre-avocat-emmanuel-muela-kasai-central.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/memorandum-protestation-communaute-bindji-tshikapa-cobitshi-kanzala-kasai.pdfhttp://congoresearchgroup.org/wp-content/uploads/2020/08/memorandum-protestation-communaute-bindji-tshikapa-cobitshi-kanzala-kasai.pdf

  • Le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) est un projet de recherche indépendant à but non lucratif qui s’efforce de comprendre et d’expliquer la violence qui af-fecte des millions de Congolais. Nous menons des recherches rigoureuses sur différents aspects du conflit qui sévit en République démocratique du Congo. Toutes nos recherches s’appuient sur une profonde connaissance historique et sociale du problème en question. Nos bureaux se trouvent au Centre de coopéra-tion internationale de l’Université de New York.

    L’ensemble de nos publications, blogs et podcasts sont disponibles sur les: www.congoresearchgroup.org et www.gecongo.org

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