13
REIN ET PATHOLOGIES REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 25 article reçu le 30 octobre 2012, accepté le 2 janvier 2013. © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. SUMMARY Normal physiology of the kidney and pathophy - siological mechanisms of renal diseases This review concerns the physiology of the kidney. The first chapter depicts briefly the anatomy of the kidney. The second chapter is focused on the glo- merular filtration, with a presentation of the process governing the formation of the pre-urine in the Bow- man space, a study of the physiological regulation of glomerular filtration rate (GFR), the normal values of GFR, the evaluation of this glomerular filtration function and a rapid glimpse on glomerular patho- logies. The third chapter is about the tubular func- tions of reabsorption and secretion at the level of the different parts of the nephron. We develop the transport mechanisms of reabsorption of glucose, amino-acids, proteins of low molecular weight and main ions (bicarbonates, phosphates, Na + , Cl - and Ca 2+ ) as well as the process of secretion concerning H + ions, ammoniac and drugs in proximal part of the tubule. Then the respective functions of the two des- cending and ascending limbs of Henlé are presented before studying those of the distal tubule, through the role of principal cells, intercalated A and B cells in the maintain of hydromineral and acid-base balance. The study of the different parts of the tubule ends with the collecting duct and the role played by anti- diuretic hormone in the concentration of the urines. The last chapter concerns the 3 endocrine functions of kidney, with synthesis of renin, erythropoietin, and 1,25(OH) 2-cholecalciferol. Glomerular filtration – tubular functions – reabsorption – secretion – excretion – glomerular filtration rate – urine concentration – renal endocrine functions. RÉSUMÉ Cette revue fait le point sur la physiologie rénale. Le premier chapitre C tt f it l it l h il i é l L i h it correspond à une brève description de l’anatomie du rein. Le deuxième chapitre est consacré à l’étude de la fonction de ltration glomérulaire, avec les processus qui conduisent à la formation de la pré-urine dans l’espace de Bowman, la régulation physiologique du débit de ltration glomérulaire, les valeurs physiologiques du débit de ltration glomérulaire, l’évaluation de la fonction de ltration glomérulaire et un aperçu des pathologies glo- mérulaires avec ou sans insuff f sance rénale. Le troisième chapitre porte sur l’étude des fonctions tubulaires de réabsorption et de sécrétion au niveau de chaque partie du néphron. Sont notamment développés les processus de réabsorption du glucose, des acides aminés, des protéines de faible masse moléculaire et des principaux ions (bicarbonates, phos- phates, Na + , Cl - et Ca 2+ ) ainsi que les processus de sécrétion des ions H + , de l’ammoniac et des médicaments dans le tubule proximal. Ensuite les fonctions respectives des deux branches descendante et ascendante de l’anse de Henlé sont abordées, puis celles du tubule distal, à travers le rôle des cellules principales, intercalaires A et B dans le maintien de l’homéostasie hydrominérale et acido-basique. L’étude des différentes parties du néphron se termine par le canal collecteur de Bellini et l’étude du rôle de l’hormone antidiurétique dans les capacités de concentration de l’urine. Le dernier chapitre est consacré à l’étude des 3 fonctions endocrines du rein, avec la synthèse de l’érythropoïétine, de la rénine et du 1,25(OH)2-cholécalciférol. Filtration glomérulaire – fonctions tubulaires – réabsorption – sécrétion – excrétion – débit de filtration glomérulaire – concentration des urines – fonctions endocrines rénales. Bernard Lacour a, * Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales la composition du milieu intérieur, donc de maintien de l’homéostasie de l’eau et des électrolytes ; une fonction endocrine avec les synthèses de la rénine, de l’érythro- pétine et du calcitriol. 2. Rappel sommaire de l’anatomie du rein La coupe frontale d’un rein permet de distinguer, sous une capsule breuse lisse, le parenchyme rénal, composé d’une partie corticale externe et d’une partie médullaire interne (figure 1). 1. Introduction Les reins normaux assurent trois groupes de fonctions : une fonction délimination des déchets et dexcrétion des produits de dégradation du métabolisme cellulaire et des substances étrangères ; une fonction de maintien de a Service de biochimie générale Hôpital universitaire Necker – Enfants Malades 149, rue de Sèvres 75730 Pari s cedex 15 et UMR 1154 – Universit é Paris Sud – Châtenay-Malabry * Correspondance bernard.lacour@nck.aphp.f r

Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

  • Upload
    bernard

  • View
    232

  • Download
    9

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

REIN ET PATHOLOGIES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 25

article reçu le 30 octobre 2012, accepté le 2 janvier 2013.© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

SUMMARYNormal physiology of the kidney and pathophy-siological mechanisms of renal diseasesThis review concerns the physiology of the kidney. The first chapter depicts briefly the anatomy of the kidney. The second chapter is focused on the glo-merular filtration, with a presentation of the process governing the formation of the pre-urine in the Bow-man space, a study of the physiological regulation of glomerular filtration rate (GFR), the normal values of GFR, the evaluation of this glomerular filtration function and a rapid glimpse on glomerular patho-logies. The third chapter is about the tubular func-tions of reabsorption and secretion at the level of the different parts of the nephron. We develop the transport mechanisms of reabsorption of glucose, amino-acids, proteins of low molecular weight and main ions (bicarbonates, phosphates, Na+, Cl- and Ca2+) as well as the process of secretion concerning H+ ions, ammoniac and drugs in proximal part of the tubule. Then the respective functions of the two des-cending and ascending limbs of Henlé are presented before studying those of the distal tubule, through the role of principal cells, intercalated A and B cells in the maintain of hydromineral and acid-base balance. The study of the different parts of the tubule ends with the collecting duct and the role played by anti-diuretic hormone in the concentration of the urines. The last chapter concerns the 3 endocrine functions of kidney, with synthesis of renin, erythropoietin, and 1,25(OH)2-cholecalciferol.

Glomerular filtration – tubular functions – reabsorption – secretion – excretion – glomerular filtration rate –

urine concentration – renal endocrine functions.

RÉSUMÉCette revue fait le point sur la physiologie rénale. Le premier chapitreC tt f it l i t l h i l i é l L i h itcorrespond à une brève description de l’anatomie du rein. Le deuxièmechapitre est consacré à l’étude de la fonction de filtration glomérulaire, avec les processus qui conduisent à la formation de la pré-urine dans l’espacede Bowman, la régulation physiologique du débit de filtration glomérulaire,les valeurs physiologiques du débit de filtration glomérulaire, l’évaluation de la fonction de filtration glomérulaire et un aperçu des pathologies glo-mérulaires avec ou sans insuffiff sance rénale. Le troisième chapitre portesur l’étude des fonctions tubulaires de réabsorption et de sécrétion auniveau de chaque partie du néphron. Sont notamment développés lesprocessus de réabsorption du glucose, des acides aminés, des protéines de faible masse moléculaire et des principaux ions (bicarbonates, phos-phates, Na+, Cl- et Ca2+) ainsi que les processus de sécrétion des ions H+, de l’ammoniac et des médicaments dans le tubule proximal. Ensuiteles fonctions respectives des deux branches descendante et ascendantede l’anse de Henlé sont abordées, puis celles du tubule distal, à traversle rôle des cellules principales, intercalaires A et B dans le maintien de l’homéostasie hydrominérale et acido-basique. L’étude des différentesparties du néphron se termine par le canal collecteur de Bellini et l’étudedu rôle de l’hormone antidiurétique dans les capacités de concentrationde l’urine. Le dernier chapitre est consacré à l’étude des 3 fonctions endocrines du rein, avec la synthèse de l’érythropoïétine, de la rénine etdu 1,25(OH)2-cholécalciférol.

Filtration glomérulaire – fonctions tubulaires – réabsorption – sécrétion – excrétion – débit de filtration glomérulaire –

concentration des urines – fonctions endocrines rénales.

Bernard Lacoura,*

Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

la composition du milieu intérieur, donc de maintien del’homéostasie de l’eau et des électrolytes ; une fonction endocrine avec les synthèses de la rénine, de l’érythro-poïétine et du calcitriol.

2. Rappel sommaire de l’anatomie du rein

La coupe frontale d’un rein permet de distinguer, sousune capsule fibreuse lisse, le parenchyme rénal, composé d’une partie corticale externe et d’une partie médullaireinterne (figure 1).

1. Introduction

Les reins normaux assurent trois groupes de fonctions :une fonction d’élimination des déchets et d’excrétiondes produits de dégradation du métabolisme cellulaire etdes substances étrangères ; une fonction de maintien de

a Service de biochimie généraleHôpital universitaire Necker – Enfants Malades149, rue de Sèvres75730 Paris cedex 15et UMR 1154 – Université Paris Sud – Châtenay-Malabry

* [email protected]

Page 2: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

26 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451

La partie médullaire est formée par les pyramides de Malpighi, dont la base s’appuie sur le cortex et le sommet pénètre dans la médullaire profonde. Le sommet des pyramides forme les papilles rénales qui sont percées de 15 à 20 ori-fices correspondant à l’ouverture des tubes collecteurs de Bellini dans les calices sous-jacents.La partie corticale s’étend de la capsule rénale aux bases des pyramides et entre les pyramides où elle forme alors les colonnes de Bertin. En périphérie, on trouve les corpus-cules de Malpighi au niveau desquels prennent naissance les tubes urinifères.L’élaboration de l’urine résulte du travail effectué par les néphrons ou unités fonctionnelles qui sont au nombre de 1 à 1,5 million dans chaque rein et ne sont pas strictement identiques (hétérogénéité néphronique). Chacun de ces néphrons est composé de 2 parties, le corpuscule de Mal-pighi et le tubule urinaire, qui vont assurer les opérations de filtration, de réabsorption et de sécrétion qui conduisent à la formation de l’urine définitive [1-3].

3. La fonction de filtration glomérulaire

La filtration du sang est effectuée dans chaque corpuscule de Malpighi, sphère creuse constituée par une structure épithéliale à double paroi, la capsule de Bowman, au sein de laquelle se trouve le glomérule. Ce dernier est un réseau de 4 à 6 capillaires issus de l’artériole afférente qui sont enroulés autour d’une tige mésangiale, elle-même formée de cellules mésangiales qui ont la propriété d’être contractiles (figure 2).L’urine primitive, formée par ultrafiltration du plasma conte-nu dans les capillaires sanguins à travers la membrane glomérulaire, est collectée dans l’espace de Bowman ou espace urinaire située entre les 2 feuillets de la capsule de Bowman. La membrane glomérulaire est constituée : 1) d’une couche simple de cellules endothéliales, présentant de très nombreux pores ayant 50 à 100 nm de diamètre, 2) d’une membrane basale composée essentiellement de collagène et de glycoprotéines, donc chargée négativement et 3) d’une couche de cellules épithéliales ayant des pieds ou podocytes, qui forment le feuillet viscéral de la capsule de Bowman. Ces cellules émettent de nombreux prolonge-ments cytoplasmiques, les pédicelles, qui s’appliquent sur la membrane basale des anses capillaires. Les pédicelles voisins sont reliés entre eux par une membrane très mince, la membrane des fentes ou slit membrane qui permet de parfaire la sélectivité de taille de la filtration glomérulaire. En effet, l’ultrafiltrat formé à travers la membrane basale passe entre les pieds, au niveau des fentes de filtration qui constituent des pores d’un diamètre de 20 à 50 nm (figure 3).L’ultrafiltrat a une composition presque identique au plasma sanguin, à l’exception des molécules de grande taille et des cellules du sang. La pré-urine glomérulaire est donc très pauvre en protéines (10 à 20 mg/l). Les substances dissoutes non ionisées, comme l’urée et le glucose, sont à une concentration identique dans l’ultra-filtrat et le plasma, alors que les substances ionisées (anions et cations) sont à des concentrations voisines dans

Figure 1 – Coupe d’un rein.

Figure 2 – Coupe du corpuscule de Malpighi permettant de voir les structures internes qui sont décrites dans le texte.

Figure 3 – Détails de la barrière glomérulaire.

Page 3: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

REIN ET PATHOLOGIES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 27

l’ultrafiltrat et le plasma, car l’équilibre de Gibbs-Donnan doit être respecté. Ainsi la concentration des ions Cl- est un peu plus élevée et celle des cations un peu moins élevée dans le filtrat que dans le plasma.Le processus d’ultrafiltration dépend de la pression nette d’ultrafiltration (PUF) et de la structure de la membrane glomérulaire. La PUF correspond à la résultante des différences des

pressions hydrostatiques et oncotiques qui s’exercent sur la membrane glomérulaire.La pression hydrostatique exercée par le sang sur la paroi des capillaires est voisine de 45 mm Hg et reste quasi-constante tout au long des capillaires. La pression hydro-statique de l’urine contenue dans l’espace de Bowman est d’environ 10 mm Hg à l’état physiologique et varie très peu en raison de l’écoulement libre de l’urine formée. Donc la différence des pressions hydrostatiques est voisine de 35 mm Hg. C’est cette force qui tend à faire passer l’eau et les substances dissoutes qu’elle contient, du plasma jusque dans l’espace de Bowman.La pression oncotique, liée à la présence des protéines dans un compartiment s’oppose au départ de l’eau et des solutés qu’elle contient de ce compartiment. La pression oncotique urinaire dans la capsule de Bowman est négligeable, car la barrière glomérulaire est très peu perméable aux protéines. À l’entrée du capillaire dans le corpuscule de Malpighi, la pression oncotique plasma-tique est voisine de 20 mm Hg car le plasma contient une forte concentration de protéines de 65 à 70 g/l. Elle augmente progressivement tout au long du capil-laire car les protéines se concentrent dans le capillaire au fur et à mesure que la filtration a lieu. Ainsi, à l’état physiologique, la valeur de la différence des pressions oncotiques est égale à celle de la différence des pres-sions hydrostatiques environ aux 2/3 de la longueur du capillaire. La filtration s’arrête alors et il existe une réserve de filtration, qui sera utile dans certaines situa-tions pathologiques (figure 4).

Toute variation de l’une de ces pressions entraîne une variation de PUF et donc du débit de filtration glomérulaire (DFG). Ainsi une augmentation de la pression hydrosta-tique dans la capsule de Bowman à la suite d’un blocage de l’écoulement de l’urine (cancer de la prostate, lithiase) va diminuer le DFG. De même, une augmentation impor-tante des protéines plasmatiques (myélome) augmente la pression oncotique et diminue le DFG. Le 2e facteur influençant l’ultrafiltration glomérulaire est

le coefficient d’ultrafiltration (Kf) qui dépend de la surface de filtration et donc de la taille du lit vasculaire qui peut varier sous l’action des cellules mésangiales susceptibles de se contracter, et de la perméabilité hydraulique de la barrière glomérulaire. Cette dernière est liée à sa structure, c’est-à-dire à la présence des pores et des glycoprotéines chargées négativement, ce qui assure une sélectivité de taille et de forme et une sélectivité de charge électrique. On peut dire que la barrière glomérulaire assure un véritable tamisage moléculaire et que la filtration est inversement proportionnelle au diamètre des molécules et d’un point de vue plus pratique à la masse moléculaire. Ainsi la limite de la filtration glomérulaire chez l’homme correspond à une masse moléculaire de 60 000 Da (grossièrement celle de l’albumine).La charge électrique joue également un rôle important, comme en atteste l’albumine qui franchit moins bien la barrière glomérulaire qu’un dextran neutre de même taille, en raison de sa charge négative. La membrane glomérulaire est en effet chargée négativement et forme une barrière électrostatique, repoussant les molécules chargées néga-tivement et facilitant le passage des molécules chargées positivement.Les valeurs physiologiques du DFG sont de 120 à 130 ml/min rapportés à 1,73 m2 de surface corporelle. Ce mode d’ex-pression permet d’utiliser les mêmes valeurs physiologiques chez l’enfant, l’adulte, les personnes de petite taille ou au contraire obèses. Le DFG représente la fraction du volume plasmatique qui est filtrée pendant le passage du sang dans le glomérule, ce qui correspond approximativement à 20 % du débit plasmatique rénal, le débit sanguin rénal étant de 1 200 ml/min.La régulation du débit de filtration glomérulaire repose en grande partie sur la régulation de la pression hydrostatique dans les capillaires glomérulaires. Elle est donc dépendante de la résistance respective des artérioles afférentes (AA) et efférentes (AE). En théorie, toute vasoconstriction de l’AA entraîne une diminution de la pression hydrostatique capillaire puisqu’elle est pré-glomérulaire et donc du DFG. En revanche, une vasoconstriction de même importance de l’AE augmente la pression hydrostatique capillaire puisqu’elle est post-glomérulaire, ce qui augmente le DFG. Ainsi une augmentation comparable des résistances des artérioles afférente ou efférente a des conséquences oppo-sées en termes de DFG et c’est le maintien de l’équilibre entre les résistances AA et AE qui permet de maintenir constant le DFG. La régulation des résistances afférentes est une régu-

lation locale qui permet de répondre aux fluctuations physiologiques de la pression artérielle. Elle fait inter-venir des canaux calciques sensibles à l’étirement qui s’ouvrent lorsque les cellules musculaires lisses de la paroi

Figure 4 – Évolution de la filtration (représentée en bleuté par PUF = pression nette d’ultrafiltration)

tout au long du capillaire glomérulaire.

Delta P correspond à la différence des pressions hydrostatiques entre le capillaire et l’espace urinaire de Bowman et Delta Pi correspond à la différence des pressions oncotiques entre le capillaire et l’espace urinaire de Bowman.

Page 4: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

28 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451

de l’artériole sont étirées par une augmentation de la pression du sang. La vasoconstriction réflexe (1 min) qui s’ensuit, est proportionnelle à l’augmentation de la pres-sion artérielle et finalement le débit sanguin qui traverse le capillaire et surtout la pression hydrostatique restent constants et le DFG ne varie pas, comme s’il était indépen-dant de l’augmentation de la pression artérielle. On pourrait s’attendre à avoir un effet opposé, lorsque la pression du sang diminue. Il n’en est rien, car l’AA est normalement légèrement relaxée et la vasodilatation résultant d’une baisse de PA n’est pas effective dans ces conditions. En conséquence, dès que la pression artérielle diminue en dessous de 80 mm Hg, le DFG diminue, limitant la perte de liquide dans l’urine, ce qui aide à conserver le volume plasmatique. En conclusion, on peut dire que le DFG est maintenu constant pour des pressions artérielles comprises entre 80 et 180 mm Hg (figure 5). La régulation des résistances efférentes fait surtout

intervenir l’angiotensine II, qui est produite à la suite de

la libération de rénine par les cellules granulaires de l’AA dans l’appareil juxta-glomérulaire. La rénine est sécrétée, soit en réponse à une diminution de la quantité de Na délivrée à la macula densa (ce qui reflète le plus souvent une diminution de la volémie et donc une diminution de la pression artérielle), soit en réponse à une stimulation du système sympathique (par exemple à la suite d’une chute brutale de la pression artérielle). En effet, la noradrénaline libérée se fixe sur les récepteurs β1 adrénergiques et stimule la sécrétion de rénine qui va amplifier la vasoconstriction propre exercée par la noradrénaline sur les récepteurs α de l’AA. La rénine est une enzyme protéolytique qui agit sur l’angiotensinogène d’origine hépatique pour former un décapeptide inactif l’angiotensine I, qui est ensuite transformée en angiotensine II par l’enzyme de conver-sion. L’effet de l’angiotensine II s’exerce principalement sur l’AE, donc en post-glomérulaire, ce qui se traduit par une augmentation du DFG (figure 6).À l’opposé, les prostaglandines, surtout PgI2 et PgE2, et les kinines, en particulier la bradykinine, sont vasodilatatrices et augmentent le débit sanguin rénal. Leur rôle serait de limiter l’effet de l’angiotensine II.En conclusion, il est fondamental que le DFG soit maintenu constant. Lors des fluctuations de la pression artérielle au cours du nycthémère, à volémie constante, l’adaptation instantanée de la résistance de l’AA permet de maintenir constant le DFG. Lorsqu’il y a diminution de la volémie, la stimulation du système nerveux sympathique et la pro-duction d’angiotensine II entraînent une vasoconstriction prédominante de l’AE qui maintient le DFG. L’effet vaso-constricteur du système sympathique et de l’angiotensine II est limité par la stimulation de la production de prosta-glandines vasodilatatrices. Ainsi, l’effet observé ne peut aller au-delà de la normalisation du DFG.En pratique clinique, il est souvent nécessaire d’évaluer la fonction de filtration glomérulaire. On a alors classiquement recours à la mesure de la clairance d’une substance qui est librement filtrée et n’est ni métabolisée, ni réabsorbée et ni secrétée dans les tubules. Cette mesure de clairance nécessite de recueillir des urines pendant un temps précis et d’effectuer un prélèvement de sang pendant cette période de recueil des urines. Elle suppose que la concentration plasmatique de la substance reste constante pendant la période de recueil des urines. La mesure fiable du DFG nécessite d’utiliser une substance exogène, qui doit être perfusée à débit constant, après saturation préalable des volumes de distribution de la substance par une dose de charge. La substance idéale est l’inuline, un polymère du fructose d’une masse moléculaire voisine de 5 000 Da dont la clairance normale est de 120 à 130 ml/min/1,73 m2. D’autres substances peuvent être utilisées comme cer-tains produits de contraste tel l’iohexol (615 Da) ou l’iothalamate (821 Da) ou des produits radioactifs comme le 51Cr-EDTA ou le 99mTc-DTPA, mais toutes sont d’utilisation contraignante pour le patient. Actuellement, l’iohexol est le marqueur le plus utilisé en Europe. La clairance de la créatinine ne permet pas de mesurer sensu stricto le DFG, car la créatinine est sécrétée dans le tubule proximal. On s’en contente pour avoir une estimation du DFG et suivre les malades compte tenu de la facilité de réalisation d’une telle clairance, puisqu’aucune perfusion n’est nécessaire.

Figure 6 – Schéma de production de l’angiotensine II en réponse à la libération de rénine dans le cadre

de la régulation des résistances efférentes glomérulaires.

Figure 5 – Zone d’autorégulation du débit de filtration glomérulaire par autorégulation

des résistances afférentes glomérulaires.

D

Page 5: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

REIN ET PATHOLOGIES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 29

Lorsqu’on détermine la clairance de l’inuline, il peut être intéressant de la coupler avec la détermination de la clai-rance de l’acide para-aminohippurique ou PAH. En effet, dans certaines conditions précises, la totalité du PAH présent dans le sang entrant dans le rein est éliminée en un passage, de telle sorte que la clairance du PAH permet d’obtenir une mesure du volume réel de plasma qui a été totalement épuré par min, donc du flux plasmatique rénal, qui est d’environ 600 ml/min chez un sujet normal. On peut ainsi calculer la fraction filtrée qui correspond au rapport des 2 clairances (120/600 = 0,20) et avoir une idée assez précise des résistances vasculaires rénales.Les pathologies des glomérules ou glomérulopathies se caractérisent par la présence d’une protéinurie dite glo-mérulaire, le filtre glomérulaire étant trop poreux. Cette protéinurie est majoritairement constituée d’albumine (protéinurie sélective), mais elle peut parfois contenir des protéines de masse moléculaire plus élevée, lorsque les atteintes glomérulaires sont plus sévères (protéinurie non sélective). La protéinurie est d’autant plus importante que les lésions de la barrière glomérulaire sont importantes, et lorsqu’elle est supérieure à 3 g/24 h, elle définit le syn-drome néphrotique qui se caractérise au plan clinique par des œdèmes liés à l’hypo-albuminémie (avec hypoprotéi-némie). Lorsque les lésions sont encore plus sévères, on peut observer une hématurie microscopique ou même macroscopique, le syndrome néphrotique étant alors impur.La diminution de la fonction de filtration glomérulaire cor-respond par définition à l’insuffisance rénale, objectivée par une diminution du DFG, qui traduit la perte de fonc-tionnalité d’un certain nombre de glomérules. Mais, toutes les glomérulopathies ne s’accompagnent pas d’une insuf-fisance rénale. La protéinurie est donc toujours un signe d’appel pour évaluer la fonction rénale, mais sa présence ne correspond pas toujours à une altération du débit de filtration glomérulaire [1-3].

4. Les fonctions tubulaires de réabsorption et sécrétion

Le tubule fait suite au corpuscule de Malpighi et comporte différentes parties qui ne jouent pas le même rôle dans la transformation de la pré-urine glomérulaire en urine défi-nitive. On distingue la partie contournée proximale, l’anse de Henlé, la partie contournée distale et le canal collecteur de Bellini qui aboutit à la papille rénale (figure 7).Quand on compare la composition de l’ultrafiltrat glomé-rulaire et celle de l’urine définitive, on constate qu’il existe des différences importantes, variables d’une substance à l’autre. On peut facilement calculer la charge filtrée par le glomérule pour chaque substance présente dans l’ultra-filtrat. C’est la quantité de substance filtrée par unité de temps (ou débit massique), qui est égale à la concentration plasmatique de la substance multipliée par le DFG. Il faut évidemment, le cas échéant, tenir compte de la liaison de certaines substances aux protéines, en particulier à l’albumine. Dans ce cas, seule la fraction libre (non liée) de la substance filtre librement au niveau du glomérule. Ainsi pour le calcium, la partie ultrafiltrable ne corres-pond qu’à 60 % du calcium total, c’est-à-dire 1,4 mmol/l

(la fraction liée aux protéines, voisine de 1 mmol/l, n’étant pas ultrafiltrable). Dans le cas du sodium, la charge filtrée est de 25 200 mmoles en 24 h (140 mmol/l x 125 ml/min x 60 min x 24 h). Or la quantité de Na excrétée dans les urines est voisine de 200 mmoles par 24 h. La différence correspond à une réabsorption importante de Na dans le tubule. Cette réabsorption peut même être totale pour certaines substances comme le glucose. Pour d’autres substances, l’excrétion quantitative est très supérieure à la quantité filtrée, indiquant qu’elles ont été sécrétées de façon très importante dans le tubule (par exemple les ions H+). Ainsi, l’urine définitive est formée très progressivement en cheminant dans le tubule après réabsorption et sécrétion de différentes substances dans les différentes parties du tubule. La réabsorption tubulaire correspond au passage d’un soluté de l’urine dans le sang, la sécrétion corres-pondant au passage inverse d’un soluté du sang dans l’urine. L’excrétion correspond à l’élimination d’un soluté dans les urines, c’est donc la résultante de la filtration, moins la réabsorption et plus la sécrétion [1-3] (figure 8).

Figure 7 – Schéma d’un néphron avec le corpuscule de Malpighi

et les différentes parties du tubule.

Figure 8 – Notions de filtration, sécrétion, réabsorption et excrétion.

Page 6: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

30 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451

4.1. Les fonctions du tubule contourné proximalLes cellules épithéliales du tubule contourné proximal sont cubiques et hautes et contiennent de nombreuses mitochondries. Leur membrane apicale est très riche en microvillosités qui forment une bordure en brosse, ce qui assure une très grande surface de contact avec le fluide tubulaire, favorisant les échanges qui sont intenses dans cette partie du tubule. D’autre part, à leur pôle apical, les cellules sont liées entre elles par des jonctions assez lâches, ce qui confère une grande conductivité paracellu-laire, favorisant là encore les échanges. Au plan quantitatif, c’est le site majeur de réabsorption des solutés et de l’eau et c’est un site très important de sécrétion. La réabsorption est totale pour le glucose, les acides

aminés et les protéines de faible masse moléculaire.Pour le glucose, la réabsorption fait intervenir les cotrans-porteurs SGLT1 qui permettent au glucose de franchir la membrane apicale et d’être transporté dans le cytoplasme en utilisant l’énergie du Na+ qui se déplace le long de son gradient électrochimique. Ainsi la concentration de glu-cose dans le cytosol peut atteindre une valeur suffisam-ment élevée pour activer le système GLUT 2 qui assure une diffusion facilitée du glucose le long de son gradient à travers la membrane basolatérale, tandis que le Na+ est expulsé sous l’action de la Na+-K+ ATPase.Pour les acides aminés (AA), la réabsorption dans le tubule contourné proximal est comprise entre 95 et 99 %. La clairance de tous les AA, à l’exception de la glycine, l’histidine et la taurine, est inférieure à 1 ml/min/1,73 m2. La réabsorption fait intervenir de nombreux transporteurs qui utilisent soit le mouvement du Na+, soit la force générée par les ions H+, soit encore le gradient d’autres AA. Sur la base des études fonctionnelles et les profils des amino-acidu-ries observées, on peut distinguer 5 systèmes différents : un système neutre ou système préférant la méthionine, qui transporte tous les AA neutres en utilisant plus d’une dizaine de transporteurs différents ; un système basique qui transporte les AA cationiques et la cystine ; un système acide qui transporte le glutamate et l’aspartate ; un système iminoglycine qui transporte la proline, l’hydroxyproline et la glycine ; enfin un système des β-amino-acides et de la taurine. Il existe de nombreux désordres qui affectent le transport des AA, parmi lesquels la maladie d’Hartnup, la cystinurie, la lysinurie, l’amino-acidurie dicarboxylique, la glycinurie, l’iminoglycinurie ou la β-amino-acidurie [4].Les protéines filtrées, qui sont de petite taille, sont réab-sorbées par les cellules proximales par un système d’endo-cytose médiée par des récepteurs, dans lequel la mégaline joue un rôle central. La mégaline est un récepteur membra-naire qui est surtout exprimé dans les puits de clathrine. Elle coopère avec plusieurs molécules intracellulaires pour diriger les molécules réabsorbées dans les lysosomes où elles sont dégradées en AA qui passent ensuite dans la circulation. Les principales molécules prises en charge par ce système sont l’albumine, les protéines de faible masse moléculaire ainsi que les vitamines et les éléments traces, qui sont associés à des protéines de transport (vitamine D, vitamine A, vitamine B12, fer pour ne citer que les princi-paux). La mégaline fonctionne en étant associée avec la cubiline, l’échangeur Na+/H+ (NHE3), un canal Cl- (ClC-5) et

un certain nombre de protéines qui assurent des fonctions de protéines motrices ou de transduction du signal. Son expression est diminuée par le TGFβ et l’angiotensine II et stimulée par de fortes concentrations en glucose et par les traitements avec l’insuline. Enfin une surcharge du travail d’endocytose à la suite d’une augmentation de la quan-tité de protéines filtrées entraîne des lésions des cellules tubulaires proximales et des lésions tubulo-interstitielles. Ces perturbations sont observées dès les premiers stades de la néphropathie diabétique, soulignant l’importance de la détermination de la protéinurie dans la surveillance rénale chez le diabétique.Une protéinurie dite tubulaire peut facilement être mise en évidence au laboratoire à travers le dosage urinaire de certaines protéines de faible masse moléculaire comme la β2 microglobuline [5, 6]. La réabsorption est presque totale pour les bicarbo-

nates et les phosphates. Celle des bicarbonates est de 85 %. Elle est indirecte puisqu’il n’y a pas de transporteur de bicarbonates dans la membrane apicale pour permettre un passage direct des bicarbonates de la lumière tubulaire jusque dans la cellule. Ce passage repose sur la sécrétion des ions H+ par des antiports Na+-H+ qui assurent un trans-port secondairement actif, le moteur du mouvement étant la Na+-K+ ATPase de la membrane basolatérale. Le système de contre-transport Na+-H+ assure la sécrétion d’ions H+

dans la lumière du tubule en échange de la réabsorption d’ions Na+. Les ions H+ sécrétés se combinent avec les ions bicarbonates filtrés pour former de l’acide carbonique H2CO3 qui est très instable et se décompose immédiatement en CO2 et H2O. Le CO2 diffuse librement, en fonction du gradient de concentration, à travers la membrane apicale (via des canaux de la famille des aquaporines) et gagne le cytoplasme de la cellule, où il se combine à H2O sous l’action d’une anhydrase carbonique pour former H2CO3 qui se dissocie ensuite en H+ et HCO3

-. Les ions H+ sont pris en charge par les antiports Na+-H+ déjà décrits alors que les ions HCO3

- sont pris en charge par un système de cotransport situé dans la membrane basolatérale, qui assure le transport de 3 ions HCO3

- pour 1 ion Na+. Ce transporteur basolatéral est saturé pour des concentra-tions plasmatiques en bicarbonates voisines de 27 mM, donc très proches des concentrations physiologiques des bicarbonates plasmatiques (figure 9).La réabsorption des phosphates est comprise entre 80 et 95 %. Elle fait intervenir des transporteurs couplés au Na+ de différents types, en particulier NPT2a et NPT2c. Le cotransporteur NPT2a est électrogénique, permettant la réabsorption de 3 ions Na+ pour 1 ion HPO42-. Il joue un rôle majeur dans le maintien de la phosphatémie, comme le démontre l’hypophosphatémie observée dans les ano-malies génétiques de ce transporteur. Le cotransporteur NPT2c est électroneutre, transportant 2 ions Na+ pour 1 ion HPO4

2-. Son niveau d’expression est plus élevé pen-dant la croissance qu’à l’âge adulte, expliquant l’hyperphos-phatémie de l’enfant. La régulation de la réabsorption des phosphates fait intervenir 2 hormones phosphaturiantes, l’hormone parathyroïdienne ou PTH et la phosphatonine ou FGF23. La PTH agit en se fixant sur son récepteur PTHR1, ce qui stimule la synthèse d’AMP cyclique et la voie de la phospholipase C. L’augmentation de l’AMPc intracellulaire

Page 7: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

REIN ET PATHOLOGIES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 31

provoque l’internalisation du NPT2a par un mécanisme qui n’est pas encore totalement élucidé, mais qui ne requiert pas de phosphorylation du transporteur. La conséquence est une augmentation de l’excré-tion fractionnelle des phosphates. Le FGF 23 agit en se fixant sur le récepteur FGF R1C qui est associé à Klotho (ce dernier fonctionnant comme un corécepteur), ce qui augmente l’excrétion urinaire des phosphates en inhibant l’expres-sion des 2 transporteurs rénaux NPT2a et NPT2c. Sa concentration plasmatique est augmentée par les apports digestifs en phosphate, par l’élévation de la phosphatémie ou celle du calcitriol et est diminuée au cours d’un régime pauvre en phosphates. La réabsorption des autres ions

Na+, K+, Cl-, Ca2+ et de l’eau est importante puisqu’elle correspond à 75 % des quantités filtrées. La seule exception concerne le Mg2+ qui n’est réabsorbé qu’à 20 % dans le tubule proximal.Pour le sodium, la réabsorption se fait en majorité par voie trans-cellulaire (60 %). Elle fait intervenir la pompe à Na+ ou Na+-K+ ATPase située dans la membrane basola-térale, qui fait sortir de la cellule 3 ions Na+ et y fait entrer 2 ions K+, en consommant de l’énergie fournie par l’ATP. L’activité de cette pompe permet de maintenir une concentration très faible en Na+ dans le cytosol (environ 20 mmol/l) et une concentration très forte en K+ (environ 120 mmol/l) et un potentiel intracellulaire négatif de –70 mV. C’est le moteur du mouvement de réabsorption du Na+ à travers l’épithélium qui permet aux ions Na+ de franchir la mem-brane basolatérale contre le gradient électrochimique. Le passage du Na+ à travers la membrane apicale s’effectue le long de son gradient électrochimique en utilisant des canaux de fuite ouverts ou en bénéficiant de transpor-teurs qui facilitent l’entrée du Na+ couplée à l’entrée de différentes substances (systèmes de cotransport décrits pour le glucose, les acides aminés, les phosphates…), soit l’entrée du Na+ couplée à la sortie de différentes substances (systèmes de contre-transport décrits pour H+ par exemple). La réabsorption transcellulaire du Na+ est complétée par une importante réabsorption de Na+ par la voie paracellu-laire (40 %) car l’épithélium est lâche (figure 9).L’eau suit la réabsorption proximale du Na+, quelle que soit la voie de passage. La caractéristique fondamentale de la réabsorption proximale est d’être iso-osmotique et donc l’urine qui arrive à la fin du tubule proximal est isotonique au plasma (300 mOsm/l).Pour le calcium, 65 % du calcium filtré est réabsorbé dans le tubule contourné proximal, cette réabsorption

étant principalement liée à la réabsorption de l’eau et du Na+ par la voie paracellulaire. Les processus de sécrétion sont très importants dans

le tubule contourné proximal. Ils concernent les ions H+ comme nous venons de le voir, mais aussi l’ammoniac. En effet les cellules du tubule proximal ont une glutaminase mitochondriale très active, qui transforme la glutamine en glutamate avec génération de NH3. La plus grande partie du NH3 diffuse librement à travers la membrane apicale le long de son gradient de concentration à travers des canaux de la famille des aquaporines et arrive dans la lumière tubulaire où il se combine avec H+ pour donner un ion NH4

+. Une petite quantité de NH3 se combine dans la cellule avec H+ pour donner un ion NH4

+ qui est pris en charge par le système de contre-transport Na+-H+ pour passer dans la lumière tubulaire.La sécrétion concerne aussi de nombreuses substances organiques (sels biliaires, acide oxalique, créatinine…) et de nombreux médicaments (antibiotiques, diurétiques…) à travers un nombre très important de transporteurs. Cette notion est très importante et explique que dans l’insuffi-sance rénale, la perte progressive de fonctionnalité des néphrons va diminuer cette capacité d’élimination des médicaments à élimination rénale, ce qui va nécessiter d’adapter les posologies en fonction du degré d’insuffi-sance rénale [1-3].

Figure 9 – Les principaux processus de réabsorption et sécrétion dans le tubule contourné proximal.

Page 8: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

32 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451

4.2. Les fonctions de l’anse de HenléL’anse de Henlé est une véritable épingle à cheveux située dans les pyramides de Malpighi. Elle conduit l’urine iso-osmotique au plasma qui sort du tubule proximal, depuis le cortex jusque dans la médullaire par sa branche descendante fine et la fait revenir dans le cortex par sa branche ascendante d’abord grêle, puis large. L’urine traverse donc la partie médullaire dont l’osmolarité va en augmentant au fur et à mesure que l’on se dirige vers la papille, puisqu’il existe un gradient osmolaire cortico-papillaire, qui chez l’Homme, va de 300 à 1 200 mOsm/l. L’anse de Henlé d’un néphron pénètre plus ou moins profondément dans la médullaire selon que le corpuscule de Malpighi est plus ou moins enfoncé dans le cortex, donc que c’est un néphron cortical (environ 80 % des néphrons) ou juxta-médullaire profond.La branche descendante de l’anse de Henlé est naturel-lement perméable à l’eau. Donc plus elle s’enfonce pro-fondément dans la médullaire rénale et plus l’urine qu’elle contient va se trouver face à un interstitium hypertonique, donc plus la quantité d’eau réabsorbée par osmose sera importante. Ainsi, l’urine est très hypertonique par rap-port au plasma en bas de l’anse, puisque les solutés ne sont pas réabsorbés en parallèle avec l’eau dans cette branche. L’osmolarité de l’urine contenue dans cette partie peut atteindre 1 200 mOsm/l et la concentration de NaCl être voisine de 400 mmol/l pour les néphrons juxta-médullaires les plus profonds.En revanche, la branche ascendante de l’anse de Henlé est imperméable à l’eau, mais perméable aux solutés qui

sont réabsorbés activement lorsque l’urine chemine dans cette branche pour gagner le cortex. Cette réabsorption de solutés concerne d’abord le NaCl grâce au système de cotransport électroneutre Na-K-2Cl qui est situé dans la membrane apicale des cellules. Il s’agit d’un transport secondairement actif puisque le moteur des mouvements est la pompe à Na+ située dans la membrane basolaté-rale. Ce système de transport fait pénétrer dans la cel-lule à partir de la lumière du tubule 1 ion Na+, 1 ion K+ et 2 ions Cl-. Le K+ est recyclé dans la lumière tubulaire grâce à des canaux K+, ce qui permet de rendre la lumière élec-tropositive et évite tout désamorçage du transporteur. On a donc une « réabsorption de NaCl sans eau » qui est à la base de la constitution du gradient osmolaire cortico-papillaire. En effet, l’intensité du transport de NaCl dépend uniquement de la concentration de NaCl dans la lumière tubulaire. Il est donc plus intense en bas de la branche ascendante de l’anse lorsque la concentration de NaCl dans l’urine tubulaire est très élevée et il diminue au fur et à mesure que l’on remonte vers le cortex puisqu’il y a de moins en moins de NaCl dans la lumière tubulaire. Dans la mesure où ce processus de réabsorption de NaCl dans la branche ascendante amplifie le processus de réabsorption d’eau dans la branche descendante, on parle de système de multiplication à contre-courant. L’inhibition de l’activité du cotransporteur par des médicaments comme le furosé-mide entraîne la diminution du gradient osmotique et a un effet diurétique puisque l’eau est alors moins réabsorbée (diurétiques de l’anse) (figure 10).La branche ascendante assure aussi la réabsorption des autres cations, en particulier du Ca2+ et surtout du Mg2+. La réabsorption du Ca2+ porte sur 20 % de la quantité filtrée et celle du Mg2+ sur 55 %. La réab-sorption des cations divalents se fait essentiellement par la voie paracellulaire, grâce à l’électropositivité de la lumière du tubule, générée par le cotransport Na-K-2Cl et grâce à la présence dans les membranes des jonctions serrées d’un certain nombre de protéines spécifiques comme la paracelline-1 qui assurent une perméabilité suffisante de la voie paracellulaire. À ce niveau du tubule, la réabsorption du Ca2+ et du magné-sium est contrôlée par l’activité des récepteurs au cal-cium exprimés dans la membrane basale des cellules. Ces récepteurs sont sensibles aux moindres variations de la concentration du Ca2+ extracellulaire, toute aug-mentation locale du Ca2+ extracellulaire diminuant la réabsorption paracellulaire du Ca2+ et du Mg2+. En effet, l’activation du récepteur au Ca2+ inhibe le canal K+ et l’activité du co-transporteur Na-K-2Cl. Il s’ensuit une diminution du potentiel transépithélial et donc du flux paracellulaire de Ca2+ et de Mg2+.La branche ascendante de l’anse de Henlé permet aussi de réabsorber les 15 % de bicarbonates qui restaient à la fin du tubule proximal.Finalement, à la fin de l’anse de Henlé, les processus de réabsorption des solutés ont été tels que l’urine est devenue hypotonique par rapport au plasma puisqu’elle a une osmolarité de 100 mOsm/l lorsqu’elle entre dans le tubule distal. Le passage dans l’anse de Henlé a permis de réabsorber environ 20 % de la quantité de l’eau et des ions initialement filtrés (à l’exception du Mg2+) [1-3].

Figure 10 – Représentation schématique des réabsorptions d’eau et de solutés dans les 2 branches

de l’anse de Henlé et dans le canal collecteur de Bellini.

Page 9: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

REIN ET PATHOLOGIES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 33

4.3. Les fonctions du tubule distalLe tubule distal comporte une première partie qui chemine entre les artérioles afférente et efférente du glomérule et constitue l’appareil juxta-glomérulaire. Les cellules du tubule distal qui sont au contact de l’artériole affé-rente sont grandes et serrées les unes contre les autres, constituant la macula densa. Elles ont pour rôle majeur de contrôler le débit de NaCl du liquide tubulaire. Les cellules musculaires lisses de la paroi de l’artériole afférente sont modifiées à cet endroit et contiennent de très nombreux granules de rénine dans leur cytoplasme. Comme nous l’avons vu précédemment, l’appareil juxta-glomérulaire joue un rôle très important dans la régulation du débit de filtration glomérulaire.Le reste du tubule distal qui est contourné est situé dans le cortex rénal. L’épithélium a un aspect serré et la voie paracellulaire a donc une faible perméabilité. Les cel-lules sont cubiques, dépourvues de bordure en brosse, et comprennent des cellules principales et des cellules intercalaires de 2 types A et B.Les cellules principales (P) sont équipées de pompes à Na+ dans la membrane basolatérale et de canaux de passage spécifiques pour le Na+ ou pour le K+ dans la membrane apicale. La principale voie de réabsorption du NaCl implique la pompe à Na+ qui entraîne le mou-vement du Na+ à travers les canaux Na+. Ce transport est électrogénique et rend la lumière du tubule électro-négative, ce qui entraîne en conséquence une sécrétion passive de K+ à travers les canaux K+ le long du gradient électrochimique, sécrétion de K+ qui est donc secon-daire à la réabsorption de Na+. En outre, dans la partie initiale du tubule distal, les cellules principales ont des transporteurs électroneutres de NaCl qui sont inhibables par les thiazidiques, d’où l’effet diurétique de ces médi-caments. Les cellules P ont également des pompes à Ca2+ ou Ca2+-ATPases (PMCA-1b) et des échangeurs Na/Ca (NCX1) situés dans la membrane basolatérale et des canaux spécifiques TRPV5 (canaux activés par une dépolarisation transitoire) pour le Ca2+ localisés dans la membrane apicale. Le Ca2+ pénètre dans la cellule selon son gradient de concentration grâce aux canaux TRPV5 de la membrane apicale, puis il se lie à une protéine de transport cytosolique, la calbindine vitamine D-dépen-dante de 28 kDa, et il ressort au pôle basolatéral contre un gradient électrochimique grâce aux Ca-ATPase et/ou aux échangeurs Na/Ca NCX-1. La réabsorption du Ca2+ dans cette partie du tubule porte sur 10 à 15 % de la quantité filtrée. Elle est régulée en fonction des besoins de l’organisme par la PTH et le calcitriol (figure 11).Dans le dernier tiers du tubule distal et la portion corti-cale du canal collecteur, les cellules P expriment dans leur cytoplasme des récepteurs pour l’aldostérone. Cette hormone élaborée par les glandes surrénales, entre dans les cellules par simple diffusion et se combine avec son récepteur cytoplasmique. Son 1er effet est d’augmenter le temps d’ouverture des canaux Na+, ce qui augmente le taux intracellulaire de Na+ et stimule la Na+-K+ ATPase, permettant d’augmenter la réabsorption du Na+ dans le liquide extracellulaire. Cet effet est très rapide et ne requiert pas de synthèse de nouvelles protéines canaux ou de nouvelles unités d’ATPases. Dans un 2e temps,

Figure 11 – Représentation schématique d’une cellule principale du tubule distal.

Figure 12 – Effets de l’aldostérone dans les cellules principales du tubule distal et du canal collecteur.

elle agit en augmentant la synthèse et l’insertion dans la membrane des canaux de passage pour le Na+ et de Na+-K+ ATPases. L’aldostérone stimule indirectement et secondairement à son action sur le Na, la sécrétion de K+. On comprend bien que les anti-aldostérones sont diu-rétiques puisqu’ils agissent en bloquant la réabsorption du Na+ et de l’eau à ce niveau du tubule distal et qu’ils peuvent engendrer des hyperkaliémies parfois dange-reuses (figure 12).Les cellules intercalaires A et B sont des cellules caractérisées par une teneur cytoplasmique très élevée en anhydrase car-bonique, ce qui leur permet de convertir de grandes quantités de CO2 en H+ et HCO3

-. Les ions H+ générés sont transportés hors des cellules par des H+-ATPases ou par des ATPases qui échangent un ion H+ contre un ion K+. Les ions HCO3

- quittent la cellule grâce aux échangeurs HCO3

-/Cl-. Les 2 types de cel-lules intercalaires diffèrent par la disposition des transporteurs dans les membranes de la cellule. Les cellules intercalaires A possèdent une H+-ATPase et une H+-K+ ATPase localisées dans

Page 10: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

34 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451

la membrane apicale et l’échangeur HCO3-/Cl- localisé dans

la membrane basolatérale. Elles fonctionnent surtout dans les situations d’acidose au cours desquelles elles secrètent des ions H+ pour éliminer l’excès de protons du sang et génèrent des ions HCO3

- qui passent dans le sang et aident à ramener le pH à la normale (figure 13a). Les cellules intercalaires B fonctionnent en miroir. Elles assurent donc la sécrétion des bicarbonates dans l’urine via un échangeur Cl-/HCO3

- situé dans la membrane apicale, alors que les pompes à protons sont situées dans la membrane basolatérale de ces cellules. Elles fonctionnent donc surtout dans les situations d’alcalose métabolique pour éliminer les bicarbonates en excès dans les urines (figure 13b).

Au plan quantitatif, la réabsorption des ions est faible dans cette partie du tubule, puisqu’elle ne porte que sur 5 % environ des quantités filtrées, mais elle est extrêmement importante car elle permet d’ajuster les quantités réabsor-bées et ainsi d’assurer le contrôle des équilibres hydro-minéraux et acido-basiques de l’organisme. Les cellules principales P permettent les ajustements de l’élimination du Na+, du K+ et du Ca2+ afin de maintenir constantes la natrémie, la kaliémie et la calcémie, alors que les cellules intercalaires A et B permettent d’éliminer respectivement les ions H+ ou les HCO3- afin de maintenir constant le pH sanguin, c’est-à-dire l’équilibre acide-base de l’orga-nisme [1-3].

Figure 13a – Représentation schématique d’une cellule intercalaire A du canal collecteur de Bellini.

Figure 14 – Mécanisme d’action de la vasopressine ou ADH (hormone antidiurétique) dans les cellules du canal collecteur.

Figure 13b – Représentation schématique d’une cellule intercalaire B du canal collecteur de Bellini.

Page 11: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

REIN ET PATHOLOGIES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 35

4.4. Les fonctions du canal collecteurChaque canal collecteur ou tube de Bellini reçoit plusieurs tubules distaux. C’est le site d’acidification et de concen-tration de l’urine. La première partie du canal collecteur est identique au tubule distal, puis les cellules P disparaissent progressivement et seules restent les cellules intercalaires, en particulier les cellules intercalaires A qui sont respon-sables de l’acidification de l’urine.Le canal collecteur traverse toute la zone médullaire et conduit l’urine jusqu’à la papille au sommet de la pyramide de Malpighi. Comme dans la branche descendante de l’anse de Henlé, l’urine rencontre un interstitium dont l’osmolarité va croissant de 300 mOsm/l dans la médullaire externe pour atteindre 1 200 mOsm/l dans la médullaire interne. Les mouvements de réabsorption d’eau par osmose ne peuvent avoir lieu que si la paroi du canal collecteur est rendue perméable à l’eau par la présence de l’hormone anti-diurétique ou ADH encore appelée vasopressine en raison de son action vasoconstrictrice importante. En l’absence d’ADH, la paroi du canal collecteur n’est pas perméable à l’eau, toute l’eau reste dans le tubule, la diurèse est très importante et l’urine excrétée est très diluée, très hypoto-nique (50 à 100 mOsm). À l’inverse, en présence d’ADH, la paroi est très perméable à l’eau, la diurèse est faible et l’urine éliminée peut alors être très concentrée, avec une osmolarité maximum de 1 200 mOsm/l (figure 10).L’ADH ou vasopressine est sécrétée par les cellules de l’hypothalamus au niveau de la post-hypophyse. Elle agit en se liant à son récepteur à 7 domaines transmembra-naires, situé dans la membrane basolatérale de la cellule épithéliale des canaux collecteurs. Ce récepteur couplé à une protéine G active l’adénylcyclase ce qui augmente la production d’AMPc et permet de phosphoryler des protéines intracellulaires qui font migrer, puis s’insérer dans la membrane apicale les vésicules contenant les molécules d’aquaporines de type 2 (AQ2). Ces dernières constituent de véritables canaux à eau ou pores permet-tant le passage de l’eau par osmose à partir de la lumière vers l’interstitium qui est hypertonique. Et la perméabilité du canal collecteur varie en fonction de la quantité de vasopressine présente. Ainsi il est possible de retenir la quantité d’eau dont l’organisme a besoin, via l’ajustement de la sécrétion de vasopressine. En fait, dans la cellule épithéliale, il existe un processus de recyclage d’une partie de la membrane qui contient les molécules d’AQ2. Du côté basolatéral, l’eau franchit la membrane à travers 2 autres types de molécules d’AQ qui restent toujours ancrées dans la membrane (AQ3 et AQ4) (figure 14).La sécrétion de vasopressine est contrôlée par l’osmolarité du liquide extracellulaire et par la pression artérielle. Le plus puissant des stimuli est l’osmolarité du plasma. Lorsque l’osmolarité du plasma est inférieure à 280 mOsm/l, les osmorécepteurs hypothalamiques ne sont pas stimulés et il n’y a aucune sécrétion d’ADH. Lorsque l’osmolarité augmente au-dessus de 280 mOsm/l, alors les osmorécep-teurs stimulent la libération d’ADH en fonction de la valeur de l’osmolarité. C’est le principal facteur qui permet aux reins de conserver le volume des liquides extracellulaires, mais ne leur permet pas de restaurer les volumes de fluide perdu, par exemple au cours d’une hémorragie. Ces der-niers ne peuvent être remplacés que par l’ingestion d’eau.

Le second stimulus, beaucoup moins puissant, correspond à la diminution de la pression artérielle et du volume sanguin. Les récepteurs sensibles au volume sanguin sont situés dans l’oreillette et ceux qui sont sensibles à la pression artérielle sont les barorécepteurs situés dans la carotide et la crosse de l’aorte. Lorsque la pression artérielle diminue ou lorsque le volume plasmatique diminue, ces récepteurs sont stimulés et renseignent l’hypothalamus qui augmente la sécrétion d’ADH afin de conserver les liquides et res-taurer la volémie.La régulation fine de la balance acide-base de l’organisme est assurée en fonction des besoins par les mouvements des ions H+ ou HCO3

- dans les 2 types de cellules inter-calaires A et B en début de canal collecteur. Les cellules intercalaires A sont capables de sécréter une grande quan-tité d’ions H+ grâce aux pompes à protons (H+-ATPase et H+-K+-ATPase) exprimées dans leur membrane apicale, tout en générant la même quantité d’ions HCO3

- qui passent dans le plasma grâce aux échangeurs HCO3

-/Cl- exprimés dans leur membrane basolatérale. À ce niveau du tubule, les ions H+ sont pris en charge dans l’urine par les ions phosphates mono-acides HPO4

2- qui se transforment en ions phosphates di-acides H2PO4

- et concourent à former l’acidité titrable de l’urine, sans que le pH urinaire ne varie. Ces cellules sont surtout actives en cas d’acidose. Elles permettent alors d’éliminer dans les urines les ions H+ en excès dans le sang et de reconstituer le pool de tampons bicarbonates plasmatiques.Les cellules intercalaires B au contraire sont capables de sécréter une grande quantité d’ions HCO3- dans les urines, tout en générant une quantité équivalente d’ions H+ qui passent dans le plasma afin de faire revenir le pH sanguin à la normale. Ces cellules sont surtout actives dans les cas d’alcalose. L’ensemble de ces modifications sont toutefois lentes à se mettre en place et nécessitent un délai d’à peu près 24 à 48 h pour être pleinement actives.Dans le canal collecteur médullaire, une importante réab-sorption d’urée a lieu. Elle est facilitée par la présence des canaux AQ3, qui permettent à l’urée de diffuser libre-ment depuis la lumière du canal collecteur où elle est très concentrée vers l’interstitium. Ce processus permet d’augmenter la concentration des osmoles totales de la médullaire interne et l’urée contribue à l’hypertonicité de la médullaire et donc à la constitution du gradient osmotique cortico-papillaire [1-3].

4.5. Évaluation des fonctions tubulaires du néphronEn clinique, il peut être nécessaire d’évaluer les fonctions tubulaires du néphron. La documentation d’une tubulopathie est plus ou moins aisée selon le transporteur concerné.Il est relativement aisé de documenter une anomalie d’un transporteur impliqué dans la réabsorption proximale du glucose, des acides aminés ou des protéines de faible masse moléculaire, puisque normalement ces différentes substances sont absentes ou quasiment absentes de l’urine définitive. À chaque fois, il convient de rapporter les débits urinaires mesurés aux débits filtrés calculés, afin de pouvoir exclure, le cas échéant, une anomalie d’excrétion liée à une charge filtrée trop élevée, ce qui correspondrait à une situation de débordement des capacités de travail du transporteur

Page 12: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

36 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451

concerné, qui en l’occurrence est normal. L’exemple corres-pondant à cette notion de saturation des transporteurs est illustré par le glucose. Lorsque la concentration plasmatique du glucose est normale, la glycosurie est nulle car la charge filtrée est inférieure au point de saturation des transporteurs, qui sont donc en mesure de réabsorber la totalité du glucose présent dans le filtrat. Quand la concentration plasmatique est telle que la charge filtrée est égale ou supérieure à ce point de saturation, la réabsorption a lieu à un débit maxi-mum, c’est le transport maximum ou Tm et il existe alors une glycosurie, qui correspond à l’excès de glucose filtré par rapport au Tm (figure 15). On peut donc observer une glycosurie soit lorsque la glycémie est augmentée, parce que la charge filtrée déborde les capacités maximum de réabsorption tubulaire (diabète sucré sans anomalie rénale), soit lorsque la glycémie est normale parce que les transpor-teurs sont anormaux et ont une capacité de transport très diminuée (diabète néphrogénique). De même, il est assez facile de caractériser une anomalie d’un des transporteurs des acides aminés ou du système de réabsorption proximale des protéines de faible masse moléculaire.Il est plus difficile de mettre en évidence une anomalie d’un transporteur ou d’un canal impliqué dans le transport d’un ion ou d’une substance qui n’est réabsorbée que partiellement, en mettant en jeu différents transporteurs ou canaux à plusieurs niveaux du tubule. Il est alors nécessaire d’avoir recours à des explorations fonctionnelles rénales approfondies qui ne peuvent être réalisées que dans des laboratoires très spécialisés [1-3].En conclusion, nous avons vu que le rein assure ses fonc-tions de maintien de l’homéostasie hydrominérale et acido-basique à travers les différentes parties du tubule. L’ajus-tement est réalisé dans les parties terminales du tubule,

soit dans le tubule distal, soit dans le canal collecteur et fait intervenir un certain nombre d’hormones. Pour l’eau, nous avons souligné l’importance de l’ADH, pour le Na et K, l’importance de l’aldostérone et pour le Ca, l’impor-tance de la PTH et du calcitriol. L’équilibre acido-basique du sang est maintenu dans le canal collecteur grâce à l’activité des cellules intercalaires A et B.

5. Les fonctions endocrines du rein

Dans ce chapitre, nous n’évoquerons que les fonctions du rein qui concernent la synthèse de l’érythropoïétine, de la rénine et du calcitriol.Son rôle dans la synthèse de rénine a déjà été évoqué à propos de la régulation du DFG. Le rein est le seul organe capable de libérer dans la circulation sanguine de la rénine active. Elle est libérée avec son précurseur la pro-rénine à partir des cellules juxta-glomérulaires localisées dans les artérioles afférentes glomérulaires. D’autres tissus peuvent sécréter de la pro-rénine dans la circulation. L’activité rénine détermine le taux de formation de l’angiotensine I dans le plasma et des variations minimes de l’activité rénine peuvent conduire à de grandes variations d’angiotensine I et II circulantes. En effet l’angiotensine I circulante est facilement convertie en angiotensine II, non seulement par l’ECA circulante (enzyme de conversion de l’angiotensine I), mais aussi par l’ECA présente à la surface des cellules endothéliales dans de nombreux lits vasculaires. Plusieurs angiotensinases et peptidases sont ensuite capables de métaboliser l’angiotensine II en angiotensine III et IV. Les actions hypertensives de l’angiotensine II sont attribuées à son action sur ses récepteurs de type 1 (AT1-R), qui sont très largement distribués dans les tissus cardiovasculaires et rénaux. Elle joue un rôle clé dans le développement de l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires. L’angiotensine II, via l’activation des AT1-R cortico-surréna-liens, stimule la production et la sécrétion d’aldostérone.Chez le patient urémique, on observe une activation exces-sive du système rénine-angiotensine qui se majore avec la progression de l’insuffisance rénale. Au début, elle permet via l’angiotensine II de maintenir le débit de filtration glomé-rulaire et grâce à l’aldostérone de maintenir l’homéostasie sodée. Toutefois, la production excessive d’angiotensine II entraîne une constriction excessive des artérioles effé-rentes, qui alliée à une transmission mal atténuée de la pression artérielle systémique aux glomérules, en raison de la perte d’autorégulation des artérioles afférentes, aboutit à une tension excessive sur la paroi des capillaires glomé-rulaires ce qui va progressivement aboutir à une sclérose des glomérules et donc à une progression de l’insuffisance rénale. De plus, l’angiotensine II augmente la perméabilité des capillaires glomérulaires aux macromolécules, ce qui majore la protéinurie. Au total, il est évident que l’angioten-sine II joue un rôle central dans la progression de l’insuffi-sance rénale à côté de la fibrose tubulo-interstitielle. Ces anomalies sont au cœur de la prise en charge du patient atteint d’insuffisance rénale chronique.Le rein est également responsable de la synthèse d’éry-thropoïétine (EPO). Cette molécule est essentielle pour la production des érythrocytes et donc le maintien de la masse des érythrocytes du sang. Elle a pour origine

Figure 15 – Évolution des débits de glucose filtré, réabsorbé et excrété en fonction de la glycémie.

Est inséré sur la droite de la figure, le mécanisme du transport du glucose dans les cellules tubulaires proximales (SGLT1 = transporteur du glucose couplé au sodium et GLUT2 = transporteur du glucose de type 2).

Page 13: Physiologie du rein et bases physiopathologiques des maladies rénales

REIN ET PATHOLOGIES

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 37

terme, la demi-vie du calcitriol étant très courte. Trois fac-teurs stimulent directement l’activité de la 1α-hydroxylase rénale. La PTH exerce l’effet majeur. Mais, l’hypocalcé-mie chronique, par exemple dans le cadre des régimes très pauvres en calcium, ou l’hypophosphatémie chro-nique, observée par exemple avec des régimes très pauvres en phosphates, stimulent également l’activité de la 1α-hydroxylase. De son côté, la 24α-hydroxylase rénale est inhibée par ces mêmes facteurs, strictement à l’opposé de la 1α-hydroxylase. On peut donc retenir simplement que le métabolisme du 25OH-cholécalciférol est orienté vers la synthèse de 1,25(OH)2-cholécalciférol ou de 24,25(OH)2-cholécalciférol en fonction des besoins ponctuels de l’organisme.À l’opposé, l’activité de la 1α-hydroxylase rénale est freinée par l’hypercalcémie, l’hyperphosphatémie et le calcitriol lui-même, puisque l’enzyme est rétro-régulée par le produit de la réaction, et elle y est très sensible. L’activité de la 1α-hydroxylase est également freinée par les phosphato-nines, en particulier le FGF-23, qui stimule la dégradation du calcitriol.De façon chronique, l’activité de la 1α-hydroxylase est stimulée par l’IGF1 qui joue un rôle physiologique par-ticulièrement important pendant l’enfance et pendant la grossesse, donc pendant la croissance du squelette et la minéralisation des os.Enfin l’activité de la 1α-hydroxylase est diminuée lors de la réduction néphronique et de ce fait, il existe toujours une diminution des concentrations plasmatiques de cal-citriol circulant dans l’insuffisance rénale, ce qui concourt au développement de l’hyperparathyroïdie secondaire et qui conduit aux lésions d’ostéodystrophie observées dans l’urémie [1-3].

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

essentiellement les fibroblastes péritubulaires du cortex rénal. Sa production est contrôlée au niveau transcription-nel par l’hypoxie. C’est un agent anti-apoptotique pour les progéniteurs érythrocytaires, en particulier les unités érythroïdes formant des colonies (CFU-Es). En réponse à l’EPO, les cellules prolifèrent et se différencient en cohortes de pro-érythroblastes et normoblastes. La réponse à l’EPO commence dès que la concentration d’hémoglobine dans le sang chute au-dessous de 125 g/l, en dehors de toute maladie rénale ou de toute inflammation. L’EPO collabore avec l’angiotensine II pour maintenir le volume sanguin. Chez les patients urémiques, se développe une anémie normocytaire normochrome en raison d’une insuffisance de synthèse d’EPO. La capacité du rein à produire et à sécréter l’EPO se dégrade au fur et à mesure que progresse l’insuffisance rénale. Aujourd’hui l’anémie des patients uré-miques est corrigée par l’administration exogène d’EPO.Le rein assure aussi la synthèse du calcitriol, qui est le dérivé 1α,25-dihydroxylé de la vitamine D. En effet dans les cellules du tubule contourné proximal, le 25OH-cholécalciférol qui est le métabolite mono-hydroxylé d’origine hépatique des calciférols, subit une 2e hydroxylation pour donner soit le 1,25(OH)2-cholécalciférol, soit le 24,25(OH)2-cholécalciférol, en fonction des besoins de l’organisme. Les deux enzymes sont localisées dans la membrane interne des mitochon-dries des cellules du tubule contourné proximal. Elles font toutes deux intervenir le cytochrome P 450 CYP27B1. La 1α-hydroxylase n’existe que dans le rein, en dehors du placenta. En revanche, la 24-hydroxylase existe dans de nombreux tissus, l’intestin, l’os, la peau, les fibroblastes et les lymphocytes. La production quotidienne de 1,25 est comprise entre 0,3 et 1 μg/jour, ce qui assure le renouvel-lement du calcitriol environ 2 fois par jour.La régulation de l’activité de la 1α-hydroxylase rénale per-met de régler avec une grande précision les concentrations circulantes en calcitriol aussi bien à court terme qu’à long

Références[1] Physiologie humaine. Une approche intégrée. Dee Unglaub Silverthorn. Pearson Ed. 4e edition, 2007.[2] Anatomie et physiologie humaines. Marieb EN, Hoehn K. Pearson ERPI Ed. Traduction de la 8e édition américaine, 2010.[3] Comprehensive clinical nephrology. Floege J, Johnsson RJ, Feehally J. Mosby Elsevier. 4e edition, 2010.

[4] Bröer S. Amino acid transport across mammalian intestinal and renal epithelia. Physiol Rev 2008;88:249-86.[5] Christenssen EI, Birn H, Storm T, et al. Endocytic receptors in the renal proximal tubule. Physiology 2012;27:223-36.[6] Saito A, Sato H, Iino N, et al. Molecular mechanisms of recep-tor-mediated endocytosis in the renal proximal tubular epithelium. J. Biomed Biotechnology 2010;403272,7pages.