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PHYSIOPATHOLOG IE, TRAITEMENT ET PRE VENTION DES INFECTIONS CLOSTRIDIUM DIFFICILE : DE BELLES AVANCE ES ET DES ZONES A EXPLORER Fr6deric Barbut a p res d'un quart de si6cle s'est 6coule depuis la decouverte, en 1978, du r61e de Clostridium difficile dans les diarrhees et/ou colites post-antibiotiques. Depuis, de nombreux travaux lui ont et6 dedi6s (200 publications indexees par an), un symposium international lui a 6te recem- ment consacre (mai 2004) et un groupe d'etude europ6en sur C. difficile a 6t6 fonde au sein de la Soci6t6 europ6enne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ESGCD, http://www.escmid.org/sites/index f.asp ?par=2.5.0&Re -~-367). Cet ent6ropathog6ne a 6merg6 comme la principale etiologie des diarrh6es nosocomiales chez I'adulte, survenant volontiers sous forme de bouffees 6pid6miques difficilement maftrisables. Selon les donnees americaines du reseau de surveillance des infections nosocomiales (NNISS), I'inci- dence des infections liees & ce germe augmente regulierement depuis les annees 1990. Les rai- sons invoquees sont nombreuses : consommation d'antibiotiques de plus en plus 6levee, meilleure sensibilisation des cliniciens vis-&-vis de ce germe et amelioration des methodes diagnostiques. Plus r6cemment, il a 6te montre qu'environ 1,5 0/o des patients recevant un traitement antibiotique en ville developpent une diarrhee & C. difficile. Ce numero special a ouvert ses colonnes aux equipes franoaises et beiges qui ont fait de ce germe leur principal sujet de recherche clinique ou fondamentale. Qu'ils soient chaleureusement remer- ci6s pour leur contribution & ce numero dont I'objectif est de faire un point sur les donnees recentes concernant 1'6pid6miologie, la physiopathologie, le diagnostic, le traitement et la prevention des infec- tions & C. difficile. Laurent Beaugerie rappelle la frequence elevee des diarrh6es post-antibiotiques et la place de C. difficile au sein de celles-ci. a Unit6 d'hygiene et de lu'~te con'Fe les infections nosocomiales H6pital Saint-,~ntoine 184 rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Pari s cedex 1 [email protected] © Elsevier SAS. Revue Frangaise des Laboratoires, decembre 2004, N° 368 1 9

Physiopathologie, traitement et prévention des infections à clostridium difficile: de belles avancées et des zones à explorer

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Page 1: Physiopathologie, traitement et prévention des infections à clostridium difficile: de belles avancées et des zones à explorer

PHYSIOPATHOLOG I E, TRAITEMENT ET PRE VENTION DES INFECTIONS

C L O S T R I D I U M DIFF IC ILE : DE BELLES AVANCE ES ET DES ZONES A EXPLORER

Fr6deric Barbut a

p res d'un quart de si6cle s'est 6coule depuis la decouverte, en 1978, du r61e de Clostridium difficile dans les diarrhees et/ou colites post-antibiotiques. Depuis, de nombreux travaux lui

ont et6 dedi6s (200 publications indexees par an), un symposium international lui a 6te recem-

ment consacre (mai 2004) et un groupe d'etude europ6en sur C. difficile a 6t6 fonde au sein de

la Soci6t6 europ6enne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ESGCD,

http://www.escmid.org/sites/index f.asp ?par=2.5.0&Re -~-367).

Cet ent6ropathog6ne a 6merg6 comme la principale etiologie des diarrh6es nosocomiales chez

I'adulte, survenant volontiers sous forme de bouffees 6pid6miques difficilement maftrisables. Selon

les donnees americaines du reseau de surveillance des infections nosocomiales (NNISS), I'inci-

dence des infections liees & ce germe augmente regulierement depuis les annees 1990. Les rai-

sons invoquees sont nombreuses : consommation d'antibiotiques de plus en plus 6levee, meilleure

sensibilisation des cliniciens vis-&-vis de ce germe et amelioration des methodes diagnostiques.

Plus r6cemment, il a 6te montre qu'environ 1,5 0/o des patients recevant un traitement antibiotique

en ville developpent une diarrhee & C. difficile.

Ce numero special a ouvert ses colonnes aux equipes franoaises et beiges qui ont fait de ce germe

leur principal sujet de recherche clinique ou fondamentale. Qu'ils soient chaleureusement remer-

ci6s pour leur contribution & ce numero dont I'objectif est de faire un point sur les donnees recentes

concernant 1'6pid6miologie, la physiopathologie, le diagnostic, le traitement et la prevention des infec-

tions & C. difficile.

Laurent Beaugerie rappelle la frequence elevee des diarrh6es post-antibiotiques et la place

de C. difficile au sein de celles-ci.

a Unit6 d'hygiene e t de lu'~te con'Fe les infections nosocomiales H6pital Saint-,~ntoine 184 rue du Faubourg Saint-Antoine 75571 Pari s cedex 1

[email protected]

© Elsevier SAS.

Revue Frangaise des Laboratoires, decembre 2004, N ° 368 1 9

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Clostridium difficile

Dans I'article sur I'epidemiologie des infections digestives & C. diff ici le, je decris les differents fac- teurs de risque d'infections & ce germe et les moyens de prevention qui doivent #tre mis en oeuvre pour eviter les cas secondaires../~ cet egard, Ludovic Lemee et Jean-Louis Pons presentent les dif- ferentes methodes de typage utilisees pour investiguer une 6pidemie hospitaliere et celles qui pour- raient, & I'avenir, avoir un interet pour I'etude des lignees phylogenetiques.

La physiopathologie des infections est abordee par Claire Janoir et Anne Collignon d'une part, et Michel Delmee, d'autre part : les principaux facteurs de virulence restent les toxines A et B. Mais Claire Janoir et coll. rappellent que d'autres facteurs pourraient intervenir dans la virulence des souches : la secretion de toxine binaire et la capacite des souches & adherer & la muqueuse par le biais d'adhesines. Michel Delmee fait le point sur le rSle primordial de I'immunite locale et sys- temique qui permet d'expliquer les differents visages des infections A C. diff ici le. Les methodes diagnostiques sont abordees par Valerie Lalande qui decrit les avantages et inconvenients de cha- cune d'elles. Elle insiste notamment sur la necessite d'associer une methode permettant le depis- tage des toxines dans les selles et la culture de la bacterie sur des milieux selectifs.

Uetat actuel de la resistance de C. dif f ic i le aux antibiotiques et le support de genetique des resis- tances sont decrits par Dominique Decr& Elle rappelle que le traitement des infections & C. diff i-

ci le repose sur le retrait, si possible, de I'antibiotique inducteur puis, selon la severit6 de I'infection, sur I'utilisation per os du metronidazole ou de la vancomycine. Enfin, Philippe Marteau et Philippe Seksik font le point sur les preuves scientifiques qui justifient I'utilisation de certains probiotiques dans les diarrhees post-antibiotiques et plus particulierement celles liees & C. diff ici le.

Malgre les nombreuses avancees dans les domaines de la physiopathologie, du traitement et de la prevention des infections & C. diff ici le, de nombreuses plages d'ombres subsistent, ouvrant la voie & des travaux de recherches : pourquoi les nouveau-nes sont-ils frequemment porteurs de souches toxinogenes et pourquoi restent-ils asymptomatiques? Quelle est la nature des recep- teurs & la toxine B ? Quel est le rele des facteurs d'adhesion dans la virulence des souches ? Comment traiter les patients souffrant de rechutes multiples ? Pourquoi Certains patients deve- Ioppent-ils une diarrhee simple tandis que d'autres ont d'emblee une forme severe de colite pseudo- membraneuse ?

20 Revue Frangaise des Laboratoires, d~cembre 2004, N ° 368