Politique de La Delivrance. Polaf 2002

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    Politique africaine n 87 - octobre 2002

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    Andr Mary

    Prophtes pasteursLa politique de la dlivrance en Cte dIvoire

    En Cte dIvoire, une rencontre singulire sest opreentre lhritage dune tradition prophtique, louverturedune crise profonde de lgitimit du pouvoir politique

    et lirruption sur la scne politico-mdiatique autantque religieuse dune gnration de prophtes pasteursqui prennent position dans lespace public. La politiquede la dlivrance inspire par ces hommes de Dieu lie leretour de la prosprit et la rconciliation nationale lradication des dmons du pays, ce qui nest pas sansrisque, comme lillustre lactualit rcente, de relancede la guerre des esprits.

    Dans les rapports du politique et du religieux, la figure du prophtismeoccupe une place la fois cruciale et paradoxale. Le prophte, cest lincarna-tion mme de limagination re ligieuse et de sa force inaugurale et transcen-dantale, lindividu inspir qui parle directement au nom de Dieu, et de la

    relation personnelle quil entretient avec celui-ci, tous les hommes et se per-met dinterpeller ce titre les institutions dtentrices de la grce et le pouvoirpolitique tabli. Mais cet homme de Dieu se fait si bien le porte-parole desattentes collectives et trouve ce point les mots pour le dire dans un langagefaisant immdiatement sens pour tous quil apparat comme lhomme dessituations de crise, et autorise toutes les lectures en termes de mtaphore desralits politiques fondamentales ou en termes dinstrumentalisation reli-gieuse des enjeux identitaires du prsent. Par rapport lidal type wbrienqui ouvre sur une multiplicit de variantes, les personnages de la scne afri-

    caine sont peu orthodoxes et cumulent ou empruntent tour tour les rles deprophte messianique, de prophte gurisseur, ou encore de prophte dglise.Les prophtes et prophtesses du Soudan, de lOuganda ou du Congo nousfont dcouvrir dautres figures o limage du prophte de paix se conjugue aveccelle du prophte de guerre engag par les armes dans la lutte contre le mal

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    Manuscrit auteur, publi dans "Politique africaine, 87 (2002) 69-94"

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    Manuscrit auteur, publi dans "Politique africaine, 87 (2002) 69-94"

    http://hal.archives-ouvertes.fr/http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00194228/fr/http://hal.archives-ouvertes.fr/http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00194228/fr/
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    et lradication des mauvais esprits 1. La question nest pas seulement typo-logique, elle est aussi celle des paradigmes de lapproche des prophtismes.Entre des ethnologues qui ont vu dans ces phnomnes une dgnrescenceou une contamination de lordre tribal traditionnel qui perturbait leur propreterrain et des sociologues qui se sont empars de ces mouvements proph-tiques pour confirmer la crise des socits coloniales ou postcoloniales, com-ment renouveler la lecture des formes contemporaines du prophtisme afri-cain? distance des lectures no-wbriennes en termes de mouvementssociaux et de situations de crise, les idiomes prophtiques africains invitent

    considrer la manire dont les modles charismatiques et visionnairesvhiculs par un certain nombre de passeurs de frontires sont appropris etse construisent en rapport avec les attentes dune communaut ethnique,nationale ou de rseaux transnationaux. En Afrique de lOuest, nul doute quela Cte dIvoire, compte tenu de la richesse des personnages prophtiquesayant marqu son histoire et de lexistence dune vritable tradition proph-tique, faite de liens de filiation et didentification, de rituels de reconnaissanceet de transmission, se prte particulirement ce type de lecture 2.

    La continuit des pasteurs prophtes daujourdhui par rapport la gn-ration des prophtes harristes, fondateurs dglises ou de communauts pro-phtiques, ou prophtes gurisseurs (dont le plus clbre fut sans douteAtchode Bingerville), est incontestable : les centres de dlivrance actuels prennentobjectivement le relais des villages thrapeutiques du type Bregbo, avecdailleurs la mme bienveillance des autorits politiques. La diversit de latradition prophtique locale facilite sans doute les filiations : entre les prophtesitinrants et proslytes proccups de convertir des fidles, les prophtesdglises crateurs de cultes plus ou moins syncrtiques et les prophtes

    gurisseurs installs dans leur pays, leur village, leur ethnie, les identificationssont toujours possibles et les carts gnrationnels se brouillent. Il reste nan-moins, comme na cess de le rappeler M.Aug, que le prophte est celui quiinscrit les problmes de lindividu dans une vision globale de lordre socialet de la crise et que sa vision nest ni simplement politique, ni simplementreligieuse 3.

    Dans la lecture rcente que ce dernier esquisse de lidal type du proph-tisme comme anticipation de la situation de mondialisation, il est significatifque la rfrence lexemple paradigmatique dHarris simpose : Harris

    nest-il pas le prophte des temps modernes , le prophte qui voyage etcasse les logiques territoriales en sadressant des assembles dindividusdlocaliss et, surtout, qui court-circuite les chanciers politiques, oublipar lglise harriste elle-mme, en proie ses divisions, et par de petits pro-phtes gurisseurs enferms dans des dispositifs rituels trop restreints ou

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    dans lhistoire singulire de leur ethnie ? Le mythe de Harris, note M. Aug,fait aujourdhui partie de lhistoire ivoirienne. Mais les cultes prophtiquesnen constituent quune srie dchos affaiblis 4. Les nouveaux prophtespasteurs font justement retour la geste initiale dHarris, renouant avec la veine prophtique de la tradition biblique et de la mouvance pentectiste laquelle, sans conteste, il appartenait 5.

    Ces prophtes de la ville, de la cit, sont dtenteurs dune vision de salut transmettre toutes les nations et tous les hommes (Blancs et Noirs). Pasteursmais aussi passeurs de frontires, ils se veulent, comme Harris, au-del des

    dnominations ou confessions particulires et ne connaissent que la parole dela Bible. Le dfi dune monte proccupante de la sorcellerie que les prophtespaysans cherchaient relever dans la situation coloniale est dsormais relaypar la menace pesante des agissements du diable lchelle locale et mondialeet les promesses de dlivrance. Sur ce plan, les vertus de la belle tolrancepaenne entre lanimisme, le catholicisme et lislam, quincarnait sa manireHouphout-Boigny, ne sont plus lordre du jour. La Cte dIvoire est entredans une autre poque, dans une autre forme dalliance entre le religieux etle politique, sans sortir pour autant, comme on se propose de le montrer, dunrgime thologico-politique.

    Le prophtisme nest pas vraiment par lui-mme porteur dun imaginairepolitique, il rcupre et bricole les schmes symboliques disponibles et pratique letlescopage de leurs traductions dans les diverses sphres de lexistence, de la renaissance la dlivrance. Les dispositifs rituels quil met en place(confessions, tmoignages, exorcismes, miracles) font irruption dans lespacepublic, inspirent le discours politique et crent des effets discursifs qui dr-glent la syntaxe du dicible, dplacent les limites du possible et du pensable.

    Selon Castoriadis 6, cest dans limaginaire quune socit invente chaqueinstant les significations sociales inaugurales qui dcident de ce que sont sesvrais problmes, irrductibles aux ralits rationnelles ou fonctionnelles dumoment. Mais, dans cette problmatique de limagination originaire et consti-tuante, limaginaire nest pas une chane ininterrompue dimages, une cascade

    1. H. Behrend, La Guerre des esp r i ts en Ougand a, Paris, LHarmattan, 1997.2. J.-P. Dozon, La Cause des Pr ophtes, Paris, Le Seuil, 1995

    3. M.Aug, Pour une anthropologie des monde s contemporains, Paris,Aubier, 1994, pp. 140-144.4. Ibid., p. 153.5. Sur cette relecture pentectiste dHarris, voir D.A. Shank, Proph et Har r is , the Black Elijah ofWest Africa, Leiden, New York, Cologne, E. J . Brill, 1994.6. C. Castoriadis, Institution imaginaire de la socit , Paris, Le Seuil, 1975. Dans cette continuit, voirgalement lintroduction deA. Corten etA. Mary (dir.), Imaginaires polit iques et pentectismes, Paris,Karthala, 2000.

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    danalogies en miroir qui fonctionnerait en dehors des contraintes du symbo-lique. Sans le recours aux mdiations symboliques et aux rgulations socialesdune mmoire collective disposant de cadres, de lieux et de repres, ou dunordre symbolique instaurant la sparation de lun et de lautre, garantissantlouverture lautre et le renouvellement du mme, limaginaire est condamn limpasse rgressive de la rptition du mme et de lenfermement danslentre soi. La conversion prophtique du politique qui passe par la mdiationdu couple de lhomme dtat, sauveur providentiel, et du prophte de Dieucomporte (pour reprendre les termes lacaniens) tous les piges dune relation

    duelle et spculaire qui finit par engendrer une synthse imaginaire de lapense applique et de laction inspire. Car cest bien le caractre imaginaire du travail symbolique de synthse quentreprend le prophte dans son effortpour faire le lien entre les attentes individuelles et les aspirations collectivesqui est en question : alination ou subversion ? Compulsion rptitive ou anti-cipation ? Faut-il conclure limpasse dun imaginaire prophtique, simple refletde lambigut et des contradictions du rel, enferm dans une relation enmiroir entre le Bien et le Mal, entre le Noir et le Blanc, entre le Diable et le bonDieu, entre le Mme et lAutre, et donc impuissant se dialectiser? Ou faut-il reconnatre limagination prophtique un rle de mdiation symboliqueet sociale, autrement dit de production du sens de lvnement et danticipa-tion des situations venir?

    Un prophte ivoirien pur

    Deux prophtes sont morts en Cte dIvoire pendant lanne 2001 : PapaNouveau, une des figures de la premire gnration des prophtes harristes

    ivoiriens (dont JonaAhui), un prophte en son pays, un prophte pur selonHouphout ; et Kacou Sverin, prophte de toutes les nations , le profil typedes nouveaux pasteurs prophtes qui occupent la scne ivoirienne, particu-lirement depuis la crise politique ouverte par le coup dtat de dcembre 1999,et qui ne cessent de se distinguer les uns des autres par les mmes prophtiessur la crise spirituelle du pays 7.

    Le prophte Papa Nouveau (de son vrai nom Dagri Najva ), fondateur delglise Papa Nouveau, une glise dissidente de la mouvance harriste, estmort le 20 septembre 2001 dans son village de Toukouzou Hozalem (toukou zou,

    le lieu du gnie ; hozalem, la nouvelle Jrusalem), en pays avikam (sous-groupeakouri), comme la annonc le prsident du Conseil national de lglise.Lvnement aurait pu ne pas dpasser la scne locale, mais il a pris dembleune dimension nationale par limportance que la presse lui a accorde et parla prsence des plus hautes autorits du pays ses funrailles. La mort de ce

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    dernier prophte de la lagune marque en effet symboliquement la fin de touteune poque de lhistoire ivoirienne et du rle politique des figures prophtiquesdinspiration harriste (JonaAhui,AlbertAtcho) dans la production de lima-ginaire de lidentit ivoirienne. Papa Nouveau fait partie de la race desprophtes purs , dclarait Houphout-Boigny en septembre 1990. Il tait defait un prophte typiquement ivoirien, liant un fort ancrage local et ethni-que rhabilitant, comme le dit J.-P. Dozon, une ethnie part entire 8 etune vocation parler au nom de Dieu pour tous les Ivoiriens, conjuguant lesvaleurs des cultes traditionnels de fcondit (au point de prner la polygamie

    et de tolrer ladultre) et louverture vers la modernit et le dveloppement(par la cration dcoles et de dispensaires), soutenant enfin, ds les annes 1930, lemouvement nationaliste et pratiquant la bonne entente avec les Blancs.Lexemple type de cette gestion des ambivalences et des contradictions de lasituation qui ont fait la force du prophtisme ivoirien.

    Les extraits de presse et les hommages rendus loccasion de sa mort sontsignificatifs. Papa Nouveau est dabord le simple pcheur de la lagune qui,en 1937, a sa rvlation travers deux signes envoys par Dieu (une colombe etune bague) et se voit confier une mission ( mission dvanglisation dirait-on aujourdhui, mission de libration des Noirs comme on lappelait lpoque), mission poursuivie de faon ininterrompue pendant soixante-quatre ans. Il est celui qui annonce comme tous les prophtes ivoiriensdignes de ce nom lindpendance du pays et larrive au pouvoir prsiden-tiel dHouphout-Boigny, son double lettr , ds 1945, comme le certifie letexte officiel de la dclaration prophtique de 1937 mis au point par les clercsde son glise 9.

    Il reste enfin celui qui, limage dHarris, a fait de la prison pour avoir

    prdit un monde o Noirs et Blancs seraient gaux ( en mangeant lamme table). La prsence des trente enfants du prophte ses funraillestmoigne, entre autres, de sa bndiction divine et de la russite de toute une

    vie au service du dveloppement et de la prosprit du peuple akouri.Houphout-Boigny lui a rendu hommage, Bdi laurait courtis et, plus

    rcemment, le gnral Gue, cart du pouvoir, se serait rfugi auprs de luipour solliciter ses conseils. Il a, enfin, prdit un destin prsidentiel Laurent

    7. Les donnes de cet article ont t recueillies lors de trois missions denqute en Cte dIvoire(dcembre 1999, juillet 2001, mars-avril 2002) et finances par lIRD (unit Constructions identitaires etmondialisation dirige par Marie-Jos Jolivet).

    8. J.-P. Dozon, La Cause des pr ophtes, op . cit.9. Repris dansA. Nouveau (dir.), Hommage Papa Nouveau ,Abidjan, CedaAbidjan, 1997. Cet hom-mage est linitiative dun fils du prophte auteur dune thse dtat en sociologie du dveloppement.

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    Gbagbo alors que celui-ci tait la tte du FPI. Un mois avant sa mort, enaot 2001, la presse ivoirienne, qui la toujours prsent comme un prophtetrs cout de lautorit politique, dont les visions et prophties se sont tou-jours rvles justes , lui faisait jouer une dernire fois son rle dans le contextede la prparation du Forum sur la rconciliation nationale. Invitant les hommespolitiques et les Ivoiriens la paix et la rconciliation, Papa Nouveau rap-pelait alors et comme il se doit que celle-ci ne peut venir que de la volont deDieu. Plus inquitant en revanche, mais significatif de la manire dont laprophtie pouse les attentes de la communaut, il dclarait avoir reu depuis

    longtemps un message de Dieu qui demande aux Ivoiriens de ne pas confierla direction de leur Cte dIvoire une autre communaut Dieu mme veutque la Cte dIvoire soit dirige par des Ivoiriens 10 . Au propos faussementnigmatique Alassane lui-mme sait qui il est 11 sajoute ce doublediscours : Dieu ne ma pas dit que les hommes du Nord veulent attaquerceux du Sud. Dieu ne ma jamais mis en garde sur cela. Si Dieu le fait un jour,jeprendrai mes dispositions par rapport cela Faisant de sa vie, selon lestermes de MarcAug, un signe prophtique , il a affirm (notamment loccasion des lections de 1994) que tant quil vivrait, il ny aurait pas deguerre en Cte dIvoire Lors de son enterrement, son cercueil sest arrtdevant un des tam-tam parleurs (les atougblan, instruments traditionnelsharristes), sans doute pour transmettre un ultime message, selon la traditionivoirienne de linterrogation du cadavre.

    Dautres prsences ses funrailles permettent de mesurer les filiationsaffiches et les volutions significatives en cours. Outre les reprsentants dela principale branche de lglise harriste issue de JonaAhui, y assistaient lesdeux frres ennemis qui prtendent lun et lautre au leadership de lglise du

    christianisme cleste en Cte dIvoire, Zagadou, chef de diocse nomm offi-ciellement en 1995 par le successeur du prophte fondateur Oschoffa, le nig-rian Bada, et J.-B. dimou, destitu tout aussi officiellement en 1986 maisoprant depuis la mort de Bada un retour spectaculaire en force et en lgiti-mit grce, entre autres, sa nomination providentielle la prsidence du Forum des religions (ou des religieux) qui participe du processus de rcon-ciliation nationale initi par le prsident Gbagbo. Si Papa Nouveau na pas tinvit officiellement au Forum des religieux, son prsident, J.-B. dimou,na jamais manqu de se rclamer de sa filiation spirituelle. Outre le ministre

    dtat, ministre de lIntrieur et de la Dcentralisation, on pouvait voir aussi lenterrement le directeur de protocole de la prsidence, un fils du pays,ancien fidle naturel de lglise de Papa Nouveau qui la nanmoins quitteen 1983 pour se convertir au protestantisme mthodiste, en rupture avec safamille et ses proches. Son parcours est trs significatif de la gnration (il est

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    n en 1949) de ces Ivoiriens scolariss qui, la diffrence de leurs vieux presharristes qui allaient jusqu leur interdire douvrir la Bible, se sont mis lalire. Dans les divisions actuelles de lglise de Papa Nouveau, divisionsqui se retrouvent un peu partout au sein de la mouvance harriste, la familledu prophte tend considrer lglise comme une proprit familiale etsoppose au prsident de lglise qui milite pour une volution structurelle, eten quelque sorte pour la bureaucratisation du charisme prophtique.Comme le dit sa faon une admiratrice du messie dHozalem, il faut pou-voir continuer luvre de Papa Nouveau sans tre oblig de prophtiser.

    Mais le directeur du protocole de la prsidence dun tat officiellement lac sefait surtout lcho dun autre discours prophtique que lon retrouve aujour- dhuipartout dans la bouche des nouveaux pasteurs prophtes de CtedIvoire, et surtout dans lentourage du premier prsident chrtien 12 dupays :

    La Cte dIvoire amorce une phase spirituelle au plan de son dveloppement. Il faut quemes frres se rveillent. Et se prparent accueillir les glises. Il faut que les gens soient

    prts couter Jsus-Christ. Lheure est venue pour que les gens se parlent par rapport la

    Bible. Je souhaite que les parents comprennent quil ny a pas des dieux, mais un seul Dieu quipeut tout donner. Cest le Dieu de lternel.

    Ce discours peut-tre lu comme un retour au message mthodiste et mes-sianique dHarris autant que comme une conversion au discours des nou-veaux hommes de Dieu.

    Le prophte de toutes les nations

    Depuis sa mort tragique dans un accident de voiture le 13 avril 2001, le prophte de toutes les nations Kacou Sverin est entr son tour dans lamythologie ivoirienne, bien au-del des frontires de lglise Foursquare ,dont il tait le prsident, et de toute la mouvance vanglique. Il faut dire

    10 . LInter, n 993 du 20 aot 2001.

    11. Il sagit dAlassane Dramane Ouattara, dirigeant RDR, Premier ministre sous Houphout-Boigny,dont la vritable nationalit serait, selon ses dtracteurs, burkinab. Refus de carte didentit natio-nale par Gue, puis par Gbagbo, jusquen juillet 2002, il ne serait toujours pas ligible.12. Ce titre ferait se retourner dans sa tombe lhomme de la basilique de Yamoussoukro, mais, pourtoute la mouvance vanglique, il va de soi que chrtien signifie converti (born-again), laseconde Rpublique tant assimile la seconde conversion, le baptme de lEsprit, au sens pente-ctiste du terme.

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    que les circonstances de sa mort sont en elles-mmes une provocation limaginaire : mourir 37 ans un vendredi 13, et surtout un vendredi saint, ilnen faut pas plus pour alimenter une identification au Christ qui tait dj undes lments essentiels de sa prdication et de sa mission, et lespoir, auquelont cru sincrement ses proches, de sa rsurrection imminente. La crise spiri-tuelle qui a command toute sa vie se produit durant la premire anne de sestudes de droit luniversit dAbidjan. Une nuit, alors quil est en proie laforte angoisse de mort qui ne cesse de le hanter, il se met crier vers Dieu, lequel,en retour, se rvle lui et lui apporte la paix. Quelque temps plus tard, il tombe

    gravement malade au point dtre transport dans le coma lhpital deTreichville. Cest l quintervient sa deuxime rvlation : Jsus-Christ enpersonne lui redonne la vie et le dlivre des forces malfiques, en changede laccomplissement dune mission, annoncer dans le monde entier, en tantque prophte des nations , la puissance de la rsurrection et du salut enJsus-Christ.

    Le tmoignage de cette exprience de ressuscit (conforme celledes grands prdicateurs amricains, tel Hagin) constitue le premier capitalde son entreprise prophtique et le conduit renoncer ses tudes universi-taires pour se lancer dans un priple initiatique : Liberia, tats-Unis, Canada,

    Allemagne,Antilles, o il entreprend, en parfait autodidacte, sa formationbiblique et sexerce aux techniques de la prdication au contact des tlvan-glistes amricains. la mme poque, les jeunes pasteurs docteurs duNigeria profitent de leur voyage outre-atlantique et de la frquentation desrseaux vangliques internationaux pour acqurir un style de vie, se fami-liariser avec de nouveaux produits thologiques (comme la doctrine de laprosprit) et des mthodes de gestion quils vont rinvestir sur le march

    religieux local13.Si lon prte au prophte Kacou une affiliation auxAssembles de Dieuque frquentait de fait sa femme Willie avant quil ne lpouse en 1994, cestlglise Foursquare, reconnaissant limportance de son tmoignage, qui laaccueilli en son sein, ds lge de 24 ans, et cest dans cette glise quil a brlles tapes de la carrire de pasteur. Lglise vanglique internationaleFoursquare, dorigine amricaine, dont le sige pour lAfrique de lOuest estimplant depuis 1955 au Nigeria, est connue pour les mthodes spectacu-laires employes par sa fondatrice, Mrs McPherson, dans les annes 1920 ;

    en difficult sur le terrain ivoirien la fin des annes 1980, elle trouvera dansce jeune pasteur prophte une occasion de reprendre de llan. Lorsque lesecond prsident de lglise pour la Cte dIvoire, Louis Kwago, meurt en 1995,cest Kacou Sverin lui-mme qui en prend la prsidence. Il devait terminerson mandat en 2001.

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    Le prophtisme du rvrend Kacou Sverin nest pas confin un minis-tre de la prophtie qui se pratique dans certaines glises sur la base dun donde visionnaire, ni assimilable un charisme dinstitution ou un statut de hautrang qui se retrouve dans beaucoup dglises africaines. Sa vocation de pro-phte de toutes les nations sest rvle trs vite insparable dune entreprisede fondation dun Ministre de la puissance de lvangile (MPE) chappantaux frontires dnominationnelles. Difficile de savoir ce quil en tait des liensde Kacou avec lglise amricaine de Foursquare ni des vellits dautono-misation de lglise de Cte dIvoire, mais le MPE relve clairement de sa

    propre initiative locale. Ne dun groupe de prire runi Bouak, lassocia-tion est devenue une vritable entreprise internationale, ayant son propre siteInternet, son sige mondial Paris, ses appels partenariat, ses campagnes decroisade et dvanglisation et son futur centre de dlivrance. On reconnat lune stratgie courante des leaders religieux africains qui consiste utiliserles ressources et le rseau dune dnomination internationale tablie touten montant paralllement leur propre association, centre ou ministre, qui,surtout en cas de divergence, peut devenir son tour une glise autonome.La gestion du dpt sacr du MPE et du fonds de commerce de ses prdi-cations (ou de sa biographie) est depuis son dcs dans les mains de sa femmeet de sa famille. La cration en 2000 dun Ministre des femmes de la puis-sance de lvangile , une association place sous la prsidence de madameKacou Svrin, na pas eu de suite, mais Madame continue chaperonnertout un mouvement fminin interdnominationnel qui prne explicitementlaccs des femmes la prdication et la fonction de pasteur, et pourquoipas de prophtesse , renouant ainsi avec le message de la fondatrice deFoursquare, Mrs McPherson.

    Avec ses qualits incontestables de prdicateur, dexgte, de metteur enscne et, trs vite, de producteur de cassettes, de crateur de sites et dorga-nisateur de campagnes, Kacou Sverin apparat comme un entrepreneur, unhomme daffaires, grant son rseau international et ses voyages ltranger,utilisant en permanence son ordinateur portable mais cest aussi un prophteinspir donnant voir et entendre une sensibilit extrme la crise du payset au drame national en cours. Sa prouesse prophtique premire concerne lavision du coup dtat jamais vu de 1999 et la chute de Bdi, quil auraitcherch prvenir en interpellant sa femme, qui laurait alors cart et ignor.

    13. Voir R. Marshall-Fratani, Prosprit miraculeuse : les pasteurs pentectistes et largent de Dieu auNigeria, Politique africaine , n 82, juin 2001, p . 33 .

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    Par la suite, comme bien dautres, il aurait galement prvu lchec de Gueet, surtout, annonc la rsurrection de la Cte dIvoire avec lavnement dunpremier prsident chrtien. Les campagnes et croisades dvanglisation deKacou Sverin, organises entre autres lhtel Ivoire et annonces par desaffiches aux titres vocateurs (Les Nations face au retour de Jsus), se sont confon-dues avec la campagne prsidentielle et, selon de nombreux tmoins, taienthonores de la prsence du candidat Gbagbo.

    Une des premires cassettes produites par le MPE (Comment sauver la CteIvoire ?) donne le ton de la prdication et le contenu de son message pro-

    phtique. Dans le discours puissant et martel de Kacou, la Cte dIvoireapparat comme une personne laquelle chacun est invit sidentifier, unepersonne qui vit, souffre, tombe, et se relve la manire du Christ lors de samonte au Calvaire et de lpreuve de sa descente en enfer14 . Le destin dupays est vritablement christique et prophtique. La Cte dIvoire doit cou-ter dsormais ce que Dieu, l Esprit, a transmis aux prophtes et dit auxglises. Il ny a pas de salut et de prosprit en dehors de Dieu et du renou-vellement de lalliance avec son peuple, la nation ivoirienne, par la mdiationde son Fils . La Cte dIvoire a trop mang, le miracle ivoirien a t pervertipar le ftichisme et le maraboutage des hommes daffaires, par la pdophilie,lhomosexualit, ladultre et la corruption de ses leaders, elle sest convertie Satan qui tait jaloux de sa russite. Seules la conversion la parole deDieu, sa puissance , et llection dun prsident qui aura accept Jsuset reu lonction divine peuvent aider le pays se relever. Nul ne peut gou-verner sans la volont de Dieu.

    Les enjeux prsents de la Cte dIvoire sont totalement transmus par sonidentification la Terre biblique et aux lieux o sest jou le destin du

    peuple dIsral (le mont Sina, les murs de Jricho, le Golgotha). Un idiomebiblique nest pas seulement symbolique ou mtaphorique puisque lalliance

    avec Isral, scelle de son vivant par Houphout-Boigny et constammententretenue par les voyages rguliers de pasteurs sur les lieux saints, est posecomme un impratif absolu pour tous ceux qui prtendent sauver la CtedIvoire 15. La dramatisation christique de lenjeu des lections (en termes dechaos, de guerre contre Satan) ne dbouche sur aucune consigne lectorale,mais sur la conversion la seule force spirituelle de la prire et du jene,cense lemporter sur les fusils et les armes pour chasser les dmons guer-

    riers. La dlivrance de la Cte dIvoire est clairement entre les mains deshommes de Dieu rassembls et mobiliss derrire un prsident chrtien. Le

    scnario de la mort sacrificielle relve dune lecture rtrospective (post-prophtique) qui laisse entendre que Kacou avait annonc sa mort. Dansune autre de ses cassettes, Gethsemane, qui reprend une de ses prdications,

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    son identification au Christ, la prire au jardin des Oliviers tmoigne duneinterrogation sur le don de sa vie et encourage chez ses disciples une lectureen termes de discours prmonitoire. Lidentification la passion du Christ, unde ses thmes forts, induit une lecture en termes de sacrifice volontaire etrdempteur, contribuant au salut et la renaissance de la Cte dIvoire. Sonsuccesseur la tte de lglise Foursquare, le pasteur Kouam, nhsite pas confirmer quil portait le fardeau de la Cte dIvoire . Mais une telle lecturecohabite, comme souvent dans le contexte africain, avec une lecture en termesde sacrifice sorcellaire : il aurait t victime des forces des tnbres qui lont

    toujours menac. Cest l que resurgit une sombre affaire de procs pour dif-famation engag par la Rose-Croix contre Soumah Yadi, prsident du Partilibral, ancien membre de la confrrie pendant vingt-huit ans, et rcemmentconverti dans le cadre de lglise Foursquare, et contre le pasteur SverinKacou, qui aurait eu la confirmation, lors dune vision, de six agressions contreSoumah Yadi et de la malfaisance diabolique des rose-croix.

    Se dlivrer du mal et de lesprit de pauvret

    Kacou Sverin est une figure emblmatique de toute une gnration depasteurs ou dhommes de Dieu qui jouent les prophtes et chantres de la refon-dation : parmi eux, le pasteur docteur, ex-dtective, R. Dion, fondateur delglise protestante baptisteuvres et missions de Cte dIvoire, et le pasteurYao Bio, refondateur de lglise pentectiste de Cte dIvoire et entrepreneurdun important centre dvanglisation et de dlivrance. La presse ne cesse demettre en concurrence ces nouveaux prophtes en liant le charisme de guri-son dont on les crdite (en matire de sida notamment) et le poids des effets

    dannonce profondment inspirs et parfaitement redondants sur les dfis spirituels qui attendent le pays. La rhtorique qui consiste adjoindre tousles termes courants du discours politique (refondation, rconciliation, dve-loppement, rajustement) les qualificatifs de spirituel ou prophtique esttoujours porteuse deffet. Les pasteurs se prtent au jeu et tiennent le rle deconsultants des grands, comme les devins traditionnels ou les prophtes du

    14. La thologie de la double mort de Jsus vhicule par les prdicateurs amricains (Hagin etautres) soutient quaprs sa mort physique sur la croix, il a d subir une mort spirituelle et renatre nouveau en enfer.15. Comme le disent S. Ellis et G. ter Haar: The e volving poli tical language of Africa tends to regard p olit ics asa me taphor for m oveme nts in a spi r it wor ld rather than v ice versa. Voir S. Ellis et G. ter Haar, Religion andpolitics in sub-saharanAfrica, Journal of Modern A frican Studies, 3 6 (2), 1998, p. 186.

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    temps dHouphout. Mme sil est lui-mme inspir de Dieu, le prsidentest de toute faon cens avoir son pasteur, comme dautres ont leur mara-bout et les supputations vont bon train.

    Associe, au plan individuel, lexorcisme et aux promesses de gurisondivine et miraculeuse, la dlivrance comporte toujours une dimension col-lective de guerre spirituelle et de libration des forces malfiques. Elle est,dsormais, adopte par toutes les glises, toutes mouvances confondues(catholique charismatique 16, protestante ou africaine ), qui embotent le paset se doivent dafficher des runions, des sances, des campagnes, des smi-

    naires, des prires de dlivrance. Mme les glises africaines, souvent pour-chasses par la mouvance vanglique, soffrent des prires de dlivrance.Ce champ, ou ce march, ouvre surtout une opportunit dinvestissement etdentreprise pour des pasteurs, prophtes, visionnaires (on ne parle plus degurisseurs ni de tradipraticiens) qui nont pas le charisme dun KacouSverin, mais se mettent du jour au lendemain exercer leur compte unministre de voyance et de gurison, souvent en dehors des glises. Plusbesoin de sembarrasser, comme les grands prophtes de jadis, fonder uneglise. Il suffit de se rclamer dun centre dvanglisation et de dlivrance ,dun Institut biblique international , dun sanctuaire de prire ou dune clinique spirituelle, des appellations plus anonymes, presque fonction-nelles, dont les plus clbres doivent quand mme leur rayonnement aucharisme mdiatique de leur pasteur. La dlivrance nest pas une questionde religions, dglises ou de dnominations, mais de foi en la puissancede lEsprit , tel est le nouveau leitmotiv. Linfluence des pays anglophones delAfrique de lOuest, Ghana et Nigeria, est atteste par les appellations mmesque lon retrouve tous les coins de rue ( Ministry ofAction Faith , Fours-

    quare , Winners Chapel , World Wide Jesus Crusade , etc.), mais il existeaussi une filire europenne et francophone qui se retrouve notamment dansles cursus universitaires de formation biblique ou thologique affichs parces pasteurs gurisseurs ou vanglistes, ex-sorciers ou ex-dtectives. Laliste, fort longue, des pays frquents dans le monde fait partie de leur cartede visite. Diplms, docteurs, ingnieurs, la plupart crivent des livres, ditentdes cassettes de leur tmoignage pour mieux se faire connatre.

    Il est tonnant de voir avec quelle facilit la thmatique de la dlivrance dumal se conjugue, dans les crits et les prdications de ces pasteurs, avec la tho-

    logie ou lthique de la prosprit spirituelle et matrielle, de la russite et de lavictoire comme signes de la bndiction divine, vhicule par les crits ettmoignages des leaders amricains (Osborn, Copeland, Hagin) et des pasteursnigrians (Idahosa, Adeboye). La rupture avec une thique fonde sur lapauvret comme paradigme de lhumilit et du sacrifice volontaire (ou sur le

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    ressentiment des souffreteux de lexistence , comme dirait Nietzsche) estconsomme. Lquation qui liait la richesse la malignit et la pauvret lasaintet sinverse. Lorsque lonction de prosprit est sur une personne, elleest cense profiter tous ceux qui lui font du bien. La pauvret est en revancheclairement une maldiction, limage de la nudit mme qui a frapp Satanet, plus tard,Adam la suite de leur dsobissance. Le pauvre est celui quiest domin par l esprit de pauvret , et cet esprit est un esprit envieux,domin par la jalousie, la rancune lencontre de ceux qui ont russi, do latentation de la sorcellerie, arme du faible, du petit. La condition de pauvret

    encourage le pch et la dlivrance du mal passe donc clairement par la lib-ration de lesprit de pauvret.

    Le succs de cet ethos de la prosprit est solidaire de sa plasticit et de lamanire dont il fait directement cho limaginaire populaire de la sorcelle-rie. Car sil est admis que les grands sont toujours souponns dtre dessorciers dont la richesse se nourrit de la substance vitale des autres, en dfi-nitive ceux qui sont accuss de sorcellerie sont toujours les petits, jaloux etenvieux de la russite scolaire, professionnelle ou conomique des autres.Celui qui veut russir et gagner sait quil lui faudra faire preuve dagressivitvis--vis de ceux qui se mettent sur son chemin.Au-del de la question du finan-cement des sectes, le changement dethos qui traverse toute la mouvancevanglique va bien dans le sens dune amricanisation des valeurs de lexis-tence et dune conversion lconomie librale : droit slever au-dessusdes autres, droit de russir individuellement, droit gagner de largent, droitde se battre et dtre agressif, droit prendre des risques. Les pasteurs sontdailleurs l pour donner lexemple par la russite, mme modeste, de leurentreprise. Mais la Cte dIvoire nest pas le Nigeria : on ny connat pas de

    pasteurs richissimes 17 . Dans les relectures ivoiriennes du secret de laprosprit 18 , la condamnation de lenrichissement fond sur la corruption nefait pas de doute et la richesse na jamais t un signe univoque de bndiction.

    16. La grande figure du courant charismatique au sein du catholicisme ivoirien est labb NorbertAbkan, form lcole du pre Hegba du Cameroun, suspendu par le cardinal Yago, inquiet du succsde ses messes de dlivrance la paroisse Saint-Jean de Cocody. Voir N.Abkan (abb), M o n c o m b a t

    contre le D iable, Abidjan, Ceda Abidjan, 1996.17. Ruth Marshall-Fratani note que mme au Nigeria ces figures de la russite ostentatoire restentmarginales. Voir R. Marshall-Fratani, Prosprit miraculeuse , art. cit., p. 27 .18. Voir, entre autres, M. Vako (rvrend), Le Secret de la prosprit. Comment tre dlivr des blocages finan-ciers, ditions Vivre pour Christ, s. d. Le contre-discours a bien du mal se faire entendre. VoirD. Bourdann, Lvang ile de la p r os pr it : une menace pour l glise a fr icaine,Abidjan, Presses bibliquesafricaines, 1999.

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    Bien plus, il ny a pas vraiment dincompatibilit entre les vertus prnes parlthique de la prosprit et les rgles classiques dun certain asctisme dutravail, de lhygine, de la probit, de la fidlit associ la russite declasses moyennes urbaines (salaris et fonctionnaires) qui ont, plus quedautres, la haine de la pauvret et sont les premires savoir ce quil en estde la jalousie de ceux qui nont pas russi, ou qui sont rests au village 19.

    Lidiome de la dlivrance et la politique du pardon Lidiomede la dlivrance des pasteurs prophtes a trouv un large cho dans le

    dispositif largi mis en place dans le cadre de la rconciliation nationale. Drle

    de rgime thologico-politique que celui de cet tat ivoirien qui se veut

    offi- ciellement lac, mais dont le prsident fondateur na cess de

    pratiquer les concessions les plus ostentatoires au triomphalisme

    catholique et de lier son sort aux protections ftichistes et au respect des

    fodalits religieuses en place. Tout se passe comme si la transition

    inaugure par le gnral Gue et la refondation engage par Gbagbo

    (les mots sont importants) ne chan- geaient pas grand-chose ce rgime

    politico-religieux. Le nouveau prsident, qui a le cursus dun homme du

    Sud, dducation catholique mais de forma- tion universitaire et laque,

    celui qui a inaugur la deuxime Rpublique, la Rpublique des professeurs , succdant celle des planteurs, fait dsor-mais partie de ces chefs dtat africains (Kerekou II, Museveni) qui doiventune partie de leur succs leur conversion et au poids lectoral de lamouvance vanglique.

    Comme le notent S. Ellis et G. ter Haar: In Africa, unlike in Europe or North

    America, there is reason to believe that political elites do not use religion solely as ameans of increasing their base of popular support but that in many cases they also believe

    that access to the spiritual world is a vital resource in the constant struggle to secureadvantage over their rivals in political in-fighting20. Nul doute en tout cas queles prtentions prophtiques des pasteurs sont venues apporter au chef du FPIla lgitimit spirituelle dont il avait besoin pour compenser la fragilitdune lection affecte par le dbat sur les conditions dligibilit 21. En retour,toute la politique de rconciliation nationale et le dispositif parajuridiqueet religieux mis en place est venu conforter la place et le rle des hommes de

    Dieu dans lespace public de la nouvelle Rpublique.Mme si la politique du dialogue et de la rconciliation entre les

    clans, les ethnies, les partis et les religions passe aprs coup pour unetradition ivoirienne initie par Houphout et reprise pas tous ses successeurs,le nouveau prsident de la deuxime rpublique de Cte dIvoire (commeses voisins du Burkina Faso ou du Ghana) tait naturellement converti aux

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    vertus du modle sud-africain du pardon et de la rconciliation. Le Forum derconciliation nationale prpar pendant toute lanne 2001 par la Commis-sion Vrit, repentance et pardon est pourtant bien loign du dispositif

    juridico-religieux complexe invent par Nelson Mandela et Desmond Tutu. Sile massacre de Yopougon est lun des enjeux de ce dispositif, la notion de crime contre lhumanit ou de crimes de sang impardonnables na

    jamais t lordre du jour pour les autorits de la nouvelle Rpublique.Point question non plus de procdure liant laveu au pardon comme formulede compromis entre lamnistie gnrale et les poursuites judiciaires indivi-

    duelles. Le principe de la sparation entre les procdures juridiques (ou lestribunaux militaires), charges dtablir la vrit et la justice, et les commis-sions de mdiation, visant la rconciliation, est de rgle. Lenjeu du forumde dcembre 2001 a clairement t le compromis politique intervenu entreles quatre leaders en prsence (ce que les opposants appellent la rconciliationpar en haut).

    Cest le mme principe de sparation, cho de la lacit de ltat, qui a pr-sid la mise en place parallle du Forum des religions (ou des religieux).Si le prsident a refus que la commission de rconciliation soit prside parun homme de Dieu, le rle des glises dans cette politique de rconciliationet de pardon a demble t considr par tous comme essentiel, et les repr-sentants des glises ont t des acteurs privilgis autant que des mdiateursrecherchs de cette politique, limage de ce qui sest jou lors des conf-rences nationales. Pendant toute lanne 2001, les reprsentants des glises etde toutes les re ligions ont t invits se prononcer au sein de ce forum, etdans toute la presse, sur lexigence de justice, les vertus de la confession et de

    19. D. Maxwell fait galement observer quau Zimbabwe la doctrine de la prosprit saccommodeavec des idiomes plus familiers comme la promotion des talents , une idologie de petits artisansurbains luttant pour la reconnaissance et la respectabilit de lesprit dindustrie. D. Maxwell, Deli-vered from the spirit of poverty? Pentecostalism, prosperity and modernity in Zimbabwe , Jour -nal of Religion in Africa, XXVIII (3), 1998, p. 358.

    20. S. Ellis et G. ter Haar, Religion and politics in sub-saharanAfrica, art. cit., p. 188.21. Rappelant (comme bien dautres) quil avait prophtis par deux fois devant des milliers de per-sonnes llection de lactuel prsident, le pasteur M. Vako crit : Jai ralis tout de suite que cet homme

    avait sur lui une onction divine pour faire de la pol itique. Je veux dire que ce nest pas un hasard sil estdevenu politicien, mais par un appel de Dieu. Cest ce feu du Ciel quon appelle lonction qui luidonnait la force et le charisme de dnoncer sans parti pris, les ingalits et les injustices Un jour, enlcoutant parler la tlvision, je reus la forte conviction que cette langue qui parle, prcheralvangile de Jsus-Christ. La parole tait tellement forte dans mon cur que depuis ce jour, je lap-pelle intrieurement le rvrend Laurent Gbagbo (s ic). Voir M. Vako (rvrend), Le Secr et de la p r os-

    prit, op . cit., p. 52 .

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    la repentance et la grce du pardon accord par Dieu ceux qui le demandent.Les paradoxes de ce dispositif ne manquent pas, puisque les religieux sont invi-ts assumer une mission de mdiation par rapport aux divisions du champpolitique, ou la dchirure sociale , en sengageant ne pas colporter leurspropres divisions au sein de ce champ ce que certains, les chrtiens , consi-drent que dautres, les musulmans, ont parfaitement encourag. Ondemande aux religieux la fois de ne pas faire de politique , loccasion deslections et notamment du vote de la Constitution, alors mme quil sagitdes fondements de la communaut nationale et de la dfinition de la citoyen-

    net, et dtre partie prenante dune politique de rconciliation qui engagelide quon se fait des fondements du vivre ensemble.

    La place privilgie ou relativement survalue quoccupent sur cette scnepolitico-religieuse les glises chrtiennes ou prophtiques africaines, harristesou clestes, nest sans doute pas sans rapport avec leur rle demblme delidentit nationale ivoirienne et de la sagesse africaine . Leurs reprsentantssont trs prsents dans le dispositif du dbat au regard des reprsentantsdes glises catholiques et protestantes historiques (plutt en retrait), mme siles exclus (Deima, Mission harriste, etc.) se plaignent de leur re lgation, etdonnent voir dans le mme temps la division lgendaire de ces glises.La mouvance vanglique mise moins, pour sa part, sur les ressources dela sagesse africaine des gnies ou prophtes locaux que sur un mouvementspirituel mondial, une force spirituelle universelle qui se dversera sur toute laCte dIvoire dans les mosques, les glises, les temples, les stades et quiproduira des miracles et des merveilles. Si les visites, campagnes et croisa-des des grands prdicateurs internationaux, invits par les fdrations ouregroupements dglises (comme la Feci, Fdration vanglique de Cte

    dIvoire, ou le Refice), sont courantes, elles ont pris une rsonance particu-lire dans cette politique de rconciliation. Les grands hommes de Dieu semobilisent au service du nouveau miracle ivoirien . La venue fin aot 2001,quelques jours avant le dmarrage du Forum sur la rconciliation (alors prvupour septembre), du plus grand homme de Dieu dAsie et dirigeant de laplus grande glise mondiale (1 million de fidles), le pasteur Yonggi Cho dela Yoido Full Gospel Church (Soul), crdit de nombreuses gurisons mira-culeuses et accompagn de plusieurs hommes daffaires corens, a t prsentecomme un signal fort . Selon le docteur KouadioAndr, prsident de la

    Feci : Cette rencontre qui est place sous le haut patronage du chef de ltat,son Excellence Laurent Gbagbo, sera une occasion pour les Ivoiriens de separdonner, de cultiver lamour entre eux, de se convertir afin que la bndic-tion pleuve sur notre pays, la Cte dIvoire, pour que la rconciliation natio-nale prne par le gouvernement se ralise dans sa totalit 22.

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    Outre le fait que ce pasteur entrepreneur et homme daffaires a t accueilli laroport par madame Gbagbo, reu en audience par le chef de ltat etaccompagn dans sa campagne dvanglisation par le prsident et Madame,ses effets dannonce sont clairs : Jsus-Christ a rachet les pchs des Ivoi-riens La main de Dieu est sur la Cte dIvoire. La Cte dIvoire va prosprer

    sur le plan conomique et sur le plan industriel comme la Core. Le payssortira de la pauvret. Jai pri pour la Cte dIvoire chaque jour avant mon

    arrive et cette semaine tous les Corens prient pour vous. Lvangile de laprosprit est donc au rendez-vous : On peut faire des affaires merveil-

    leuses avec la foi chrtienne. le Forum de la rconciliation peine conclu, cefut le tour, fin janvier2002, de la venue du plus grand serviteur de Dieu detous les temps , le pasteur docteur Tommy Lee Osborn, un des leaders et

    producteurs de lvangile de la prosprit. Reu galement par le prsident, ledocteur a dclar demble : Je suis trs fier dtre venu dans ce pays. Je suis

    venu pour annoncer ce pays que sa destine se trouve entre les mains duSeigneur Jsus-Christ et quil est une nation bnie. Dieu relvera ce pays 23. Siles dmons auxquels sattaque traditionnellement le discours politiquede ladlivrance sont le ftichisme et la sorcellerie avec lesquels pactisent lesglises afro-chrtiennes, le danger suprme aujourdhui pour toute cette

    mouvance, en Cte dIvoire comme ailleurs, est bel et bien lislam secrte-ment diabolis par les pasteurs 24. Le Forum des religions opre sur fonddcumnisme, de reconnaissance, de tolrance, tout en pratiquant une dis-crimination subtile, une mise en accusation peine euphmise lencontrede ceux qui seraient tents de vouloir relancer ou exploiter la guerre des reli-gions et lopposition entre un Nord musulman et un Sud chrtien. Le dangerde lethnicisation de la vie politique, largement encourage par la politique

    de livoirit, et les drives de lopposition historiquement construite entrele monde baoul ou akan et celui des Dioula, qui a fini par imposer lidedun Nord musulman et dun Sud chrtien25, menacent aussi bien les gliseschrtiennes que lislam. Cest contre ce danger que sefforce de lutter, entreautres, le Conseil national islamique (CNI) depuis sa fondation en 1993, prenant

    22 . Notre Voi e, n 963, 12 aot 2001.23 . Emmanuel-Pre s s e , n 6, mars 2002.

    24. Marie Miran observe que la formation du Conseil national islamique en 1993 linitiativedtudiants, dintellectuels ou de cadres rformistes refusant lassignation un islam ethnique, enloccurrence dioula, est aussi une rponse lagressivit croissante des pratiques dvanglisation desglises protestantes. Voir M. Miran, Vers un nouveau proslytisme islamique en Cte dIvoire : unervolution discrte, Autrepar t , n 16, 2000, p . 145.25. Voir J.-P. Dozon, La Cte dIvoire entre dmocratie, nationalisme et ethnonationalisme , Politiqueafr icaine, n 78, juin 2000 , p . 54 .

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    position ds lpoque de Bdi contre les risques de lidologie de livoirit oucontre larticle 35 de la nouvelle Constitution qui exclut, selon les termesmmes du prsident, le vagabondage de nationalit , et fait peser le soup-on sur la citoyennet ivoirienne de certains membres de la communautnationale.

    Dans le dbat entre les religieux, cest clairement lislam, dont la reprsen-tation est cense tre problmatique, qui est invit sentendre et parlerdune seule voix. Les dbats tlviss qui font cho au forum sont rvlateursde cet enjeu 26.Au-del des discours convenus sur lamour, la paix, la rcon-

    ciliation, la justice, ou sur la rconciliation avec Dieu ou avec soi-mme commepralable la rconciliation avec les autres, il apparat clairement que le dbatne se passe pas tant entre chrtiens et musulmans (mme si cest lquilibre affi-ch dans les tables rondes : trois chrtiens baptiste, catholique, cleste ettrois musulmans) quentre certains musulmans et les autres. Il y a dans ceconcert un empcheur de tourner en rond, le Centre national islamique, et sonreprsentant limam Idriss Koudouss, qui se dmarque nettement des autresreprsentants de lislam, prts sen remettre Allah et surtout sen tenir la stricte neutralit politique. La position du CNI, qui appelle notamment mar-quer son soutien ou son dsaveu par lappel des pratiques de jene de trois

    jours au moment des chances politiques importantes, consiste clairement assumer un rle de conscience et de rappel des fondements du vivre ensemble,un rle de mise en garde du politique et des politiques, sans parti pris. Le CNI afait connatre trs tt son hostilit la politique dangereuse pour lunitnationale de livoirit la Bdi , et il a appel explicitement labstentionlors du vote de la Constitution. Il est pour la rconciliation nationale, mais dans la vrit et dans la justice propos des massacres doctobre 2000.

    Sa position en faveur dune intervention active non dans la politique maissur les conditions mmes du jeu dmocratique lisole quelque peu dans ce dbat,mme si dautres peuvent souligner ponctuellement, et souvent contradic-toirement, lexigence de rconciliation et de justice, la ncessaire neutralitpolitique et le rappel lordre des politiques au nom de leur appartenance reli-gieuse et de leur attachement dclar aux lois de Dieu. Le paradoxe suprmede ce procs intent lislam est quil repose sur la diabolisation non dunislam extrmiste ou fondamentaliste, mais au contraire dun islam rformisteplutt respectueux du pluralisme local des traditions musulmanes, un islam

    qui est, pour des raisons dintrt videntes, la seule composante religieuse soutenir pleinement le principe de la lacit de ltat ivoirien 27.

    Il est assez trange de voir rappeler dans ce dbat par certains (peu vraidire) lide que la Cte dIvoire est un tat lac, o la neutralit politique desreligions simpose et o, rciproquement, ltat est cens reconnatre le droit

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    au pluralisme religieux, et dentendre dans le mme temps, sans contradictionapparente, un discours thocratique qui soutient que la Cte dIvoire appar-tient Dieu (sic), que rien ne peut se passer en Cte dIvoire sans la volontde Dieu, y compris la rconciliation. Pratiquement, il est admis par tous les reli-gieux que tous les politiques frquentent les glises ou les mosques, et quce titre ils sont censs obir leurs engagements, tmoigner de leur foi dansleur activit politique et rendre des comptes aux autorits de leurs religionsdappartenance. La position du prsident de lglise Foursquare, le pasteurKouam Gnp Marius qui a succd Kacou Sverin, est trs claire ce

    sujet : Seuls les chefs religieux peuvent emmener tous les leaders politiquesau forum Il aurait fallu quon passe par les prtres, pasteurs, imams, engros les chefs religieux des communauts auxquelles appartiennent Gbagbo,Gue, Bdi et Alassane, pour parler ses leaders politiques. Si ces hommespolitiques croient en Dieu, cest quils coutent leurs chefs religieux qui trans-mettent le message divin Les hommes de Dieu dans chaque communautdoivent jouer ce rle pour que le forum russisse 28.

    Les prmisses de cette position sont sans ambigut et sans doute partagespar tous les hommes de Dieu : Tous les problmes qui arrivent un peupleou une personne ont toujours une base spirituelle. Les problmes que nousvivons chaque jour ne sont que le rsultat de ce qui sest dj pass dans lespirituel. Notre apport est de prier vritablement afin que Dieu touche le curdes uns et des autres pour que le pardon soit effectivement au rendez-vous. Lide dune rgulation proprement laque du jeu politique semble totale-ment exclue dun dbat o les religieux qui ne font pas de politique interpel-lent les politiques sur leur engagement religieux Il existe un lien fort entreles ambiguts du dbat sur lidentit et la citoyennet ivoirienne et celles qui

    entourent la conception de la lacit livoirienne.Les religieux se refusent dans lensemble se laisser enfermer dans le

    camp de la Vrit et de la Justice (celui des droits de lhomme), certainsprfrant sen tenir au vu pieux dun pardon qui suppose la confession,les Harristes nhsitant pas parler de purification. Mais prier pour le pardon de Dieu a aussi comme envers, du moins pour les pasteurs ou

    26. Nous nous rfrons notamment ici au dbat diffus le 17juillet 2001 sur TVI.27. Voir la table ronde organise par le CNI le 20 avril 2001 sur le thme La lacit, quelles ralitsen Cte dIvoire , o Idriss Koudouss rappelle que la lacit nest pas oppose la religion et quilserait urgent dappliquer la Constitution de ce pays.

    28 .Actualit , 2 3 aot 2001.

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    prophtes de la mouvance vanglique et pentectiste, la lutte dclare contreles dmons, la guerre spirituelle contre le mal sous toutes ses formes physi-ques et sociales. La politique du pardon va de pair avec une politique de la dli-vrance qui nhsite pas pratiquer le soupon et mme laccusation peineeuphmise (les migrants qui se mlent aux gens du Nord, les mauvais citoyens,les ennemis qui naiment pas et critiquent la Cte dIvoire de lintrieur et delextrieur). La politique de la dlivrance prend manifestement le pas sur lapolitique de la repentance, et ne dnonce pas les mmes maux que la politiquede la vrit et de la justice exige par les autres (les victimes du soupon). Le

    discours de la dlivrance, parce quil sinscrit dans une guerre des esprits,peut prendre la forme dun discours de haine de lautre qui vous veut du mal.Mais il existe aussi une version sacrificielle de la dlivrance, la lutte contre lesforces mystiques du mal pouvant conduire selon le modle du Christ jus-quau sacrifice, plus ou moins volontaire, de sa vie. Le prsident de Foursquare,revenant sur la mort sacrificielle de Kacou Sverin, prcise quil a eu avantsa mort des visions touchant la mission que Dieu lui avait confie pour laCte dIvoire : Cest quand il est parti en Isral que Dieu lui a dit quon nepouvait pas le comprendre mais que les fidles le comprendront plus tard. Jesais quil avait encore beaucoup de choses faire lextrieur mais Dieu, cesdernires annes, la ramen en Cte dIvoire pour porter le fardeau du pays.Et pour cela, il tait mme prt aller jusquau sacrifice suprme. Dans lemme esprit, on a pu entendre dans certaines glises que les massacres deYopougon taient des dchirements vivre comme une preuve, un sacrifice offrir Dieu.

    Lhomme de Dieu, le mdiateur, le restitu

    On la dit, il est plutt paradoxal de voir confier aux religions un rle cl demdiation quand on sait quel point elles sont les lieux par excellence de ladivision, des conflits de succession et de lexcommunication rciproque.Lincarnation suprme de ce paradoxe est illustre par le prsident mme dece Forum des religieux, Jacob Blin dimou, promu homme de Dieu et mdia-teur avec quelque soutien politique et la complicit des mdias, qui na cessdepuis 1985 dalimenter la chronique des divisions et dtre au cur desconflits de leadership qui agitent lglise du christianisme cleste laquelle il

    se rattache. Fondateur dune glise autonome dOschoffa (du nom de sonfondateur), la reprsentativit de cet oschoffiste par rapport lglise mrenest dj pas vidente, mais que dire de sa dsignation officielle par letirage au sort? Nul doute pour lui comme pour dautres quil faut y voir la mainde Dieu. Selon nous, la position mdiatique et politique occupe par ce per-

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    sonnage cl que la presse ivoirienne dsigne, plus que tout autre, commel homme de Dieu tient la manire dont il cumule habilement les deuxformes de charisme prophtique qui dcident du langage autoris sur la volont de Dieu en ce pays. Entre les prophtes de lidentit ethnique et lespasteurs transnationaux, il incarne plus particulirement cette gnration deprophtes ethnonationaux et de chantres de la refondation qui saffichentcomme ayant cur le souci de sauver la Cte dIvoire, et considre le peupleivoirien comme lu de Dieu29.

    dimou aime rappeler quil est n sous le signe de leau et que sa nais-

    sance sinscrit dans une dette vitale lgard dune socit de gnies sorciersqui lui donne sa force et lui assure russite sociale et professionnelle en changedu sang de quelque victime 30. Cest en pleine ascension sociale, au momento il est admis dans la socit des grands (inspecteur des Finances et atta-ch de cabinet du ministre) et quil dtient tous les signes de la richesse (leschques en blanc), quil est brusquement confront une dette inassumable,le sacrifice de sa petite sur. Le rcit de sa conversion au christianisme clestereprend le scnario du duel entre le prophte et le sorcier que lon retrouve danstous les rcits prophtiques ivoiriens : une vritable preuve de force entre les pouvoirs mystiques de son double et la puissance de Dieu qui est dans lesmains du prophte Oschoffa. Vaincu par ce dernier, limage de saint Michelterrassant le dragon, il est enfin dlivr de lemprise des gnies sorciers ; maisle cercle du prophte et du sorcier sest invers, car le prophte qui la sauvlui demande son tour un autre sacrifice en change dune promotionacclre et du partage des secrets de lglise : la conscration de sa vie Dieuet le renoncement son travail dans le monde. Cette lection divine et sa pro-motion exceptionnellement rapide au rang dvangliste et de chef de diocse

    ne pouvaient que susciter la jalousie des autres, surtout des siens, les Clestesivoiriens. dimou, lhomme colrique, le sorcier converti, est donc rest le diable quil incarne aux yeux des autres (lui-mme cultivant merveille lerappel de son pass de grand sorcier et la menace du rveil et de la colre deson double diabolique), mais, comme aimait le dire le clbre prophte gu-risseurAtcho : Le diable est un esprit que Dieu aime.

    Sa destitution comme chef de diocse et son excommunication offi-cielle, aprs la mort du prophte Oschoffa, en 1985, et la suite du conflitqui loppose au prtendant la succession de celui-ci, le pasteur Bada,

    29. Voir, infra, la reproduction de lune de ses interviews, donne Notre Voi e le 17 octobre 2002.30. Nous reprenons ici quelques lments dun rcit de vie recueilli lors dun de nos entretiens maisauquel la presse donne un large cho.

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    chef du diocse du Nigeria, le conduisent fonder sa propre glise autonomedOschoffa. Lhomme de Dieu dimou ne peut pas se dire prophte , etencore moins pasteur deux titres qui sont, au sein du christianisme cleste,originellement lis au fondateur et quon ne saurait ses yeux usurper, mais ilsest toujours inscrit dans une filiation spirituelle privilgie avec le prophteOschoffa (dont il garde symboliquement la cl du tombeau et avec la familleduquel il entretient des relations fortes) et se pense comme le chef naturel de lglise cleste ivoirienne, le champion historique de son ivoirisation faceaux frres bninois et nigrians (Houphout-Boigny, rappelle-t-il, la dsignait

    comme lglise ddimou).Marginalis par les structures officielles de lglise, dimou a toujours

    russi utiliser son autonomie en tissant des liens avec le rseau internatio-nal des Clestes (au Nigeria, en Europe, ou aux tats-Unis), en crant son siteInternet, et en profitant de son charisme mdiatique national pour parler aunom de Dieu et du Prophte. Il a surtout russi, dans le conflit qui loppose son frre ennemi, Zagadou, la crature parachute de Bada , se fairereconnatre comme une victime de lusurpateur nigrian, et prparer, enattendant son heure, une opration savamment construite sur le plan interna-tional et mdiatique de rhabilitation en son pays. Le miracle attendu,conforme au choix de Dieu, a incontestablement t sa dsignation laprsidence du Forum des religieux. Son rle de mdiateur entre les catholiques

    (monseigneur Agr) et les musulmans (Idriss Koudouss), entre les chrtiens vangliques et les chrtiens africains , est incontestable et lon peut direque le Forum des religieux a eu, en son temps, un succs, la fois mdiatique etpolitique, rel.

    Le 21 avril 2002, dimou, lhomme de Dieu, de la rconciliation et de la

    refondation nationale, organise dans la foule sa propre restitution commechef de lglise cleste de Cte dIvoire. Lvnement est total et relve biendune politique de lvnement annonc, produit et gr, avec la complicit desmdias et un soutien ministriel. dimou a un sens incontestable de lor-ganisation du spectacle crmoniel et de lesthtique des choses de Dieu ; et,comme souvent en Afrique, tous les dus, tous les exclus, tous les humilisparmi les Clestes ivoiriens se rangent derrire celui qui est le plus fort(beaucoup le dsignent mme comme le chef des religions de Cte dIvoire).Les ralliements sont nombreux et les dlgations du Nigeria, du Bnin, du

    Gabon et de France donnent lvnement sa dimension internationale.Sur le plan de lglise, il marque la conscration ddimou comme suprmevangliste , le grade ncessaire sa nomination comme chef de diocse parun certain Jesse, titulaire du mme grade et lui-mme chef de diocse duNigeria. Le paradoxe est quil fallait quun dissident en son pays, qui se pense

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    lui-mme comme le chef naturel de lglise du Nigeria (et prtend ce titreoccuper la place de pasteur de lglise mondiale), procde la restitution dun senior vangliste dchu qui sest toujours fait connatre historique-ment par sa fibre ivoirienne et sa rvolte face aux prtentions dun pasteur autoproclam nigrian qui il doit sa destitution.

    Mais cet vnement re ligieux est minemment politique et la faon dontdimou a su exploiter et rentabiliser le capital de reconnaissance que lui aconfr sa prsidence du Forum des religieux, aussi bien au sein de son glisequ lextrieur, tmoigne dun rel charisme. En invitant son sacre tous ses

    collgues du forum, il reoit la conscration du cercle des reprsentantsdes autres religions : harristes, mthodistes, catholiques, musulmans, toussont prsents. MonseigneurAgr sest sans doute fait excuser et nest quereprsent, mais le clou attendu de la crmonie est la visite dIdriss Koudouss.dimou, prenant la suite dAgr la prsidence du forum, a beaucoup contri-bu intgrer Idriss Koudouss dans la communaut des religieux et, en tantque prsident du Forum des religieux, il sest mme permis de demanderpubliquement pardon Allasane Ouattara (ce qui explique, entre autres, laprsence cette crmonie politico-religieuse de la prsidente du RDR,H. Diabat).

    Comme tous les prophtes ivoiriens, et limage notamment de PapaNouveau qui tait un pre pour lui , dimou na cess de faire de sa vie unsigne prophtique en crant lui-mme lvnement. Cultivant son image desorcier converti, de diviseur mdiateur et dexcommuni restitu, le charismede ses paroles annonciatrices se nourrit de la force des schmes religieux dela conversion et de la dlivrance. En un mot, cet homme de Dieu incarne plusque dautres sur la scne ivoirienne, par ses contradictions et dans ses para-

    doxes, la fois toutes les vertus de lambivalence hrites de la traditionprophtique ivoirienne et cette capacit inscrire les enjeux du prsent dans le plan de Dieu qui caractrise les pasteurs prophtes.

    pilogue : le retour des dmons guerriers

    La Cte dIvoire a renou avec la violence et les tentations du coup deforce .Au regard des derniers vnements de septembre 2002, le moins quelon puisse dire est que la politique de rconciliation par le haut a chou.

    Le dispositif qui devait conduire nous pardonner, comme disait le pr-sident Gbagbo lors du Forum de dcembre 2001, na pas russi exorciserles dmons guerriers du pays. Les prophtes ne manqueront pas de souli-gner quils avaient mis en garde les hommes politiques, et tous les hommesde Dieu appelleront prier pour la paix et demander pardon Dieu,

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    opposer la force de la prire celle des fusils (visibles ou invisibles). Maislheure est peut-tre venue, dans un contexte o les ressources scuritaires etidentitaires quapportent les rseaux religieux sont censes prendre le relaisdun tat dfaillant ou servir de refuges contre la violence dtat, de sinter-roger sur les drives dun idiome politique de la dlivrance qui mise sur la puis-sance agressive de lEsprit et la guerre dclare aux forces du mal (pourreprendre l encore les mots de lAdresse la nation du prsident). Quandon entre dans ce quon appelle les glises vangliques, pentectistes ou cha-

    rismatiques, on ne peut qutre surpris par la violence de certaines formes

    de prdication qui parlent moins le langage de lamour et du pardon quecelui de la guerre des esprits : Ce soir, cest la guerre ! Celui qui veut me tuer,je le tue, je lextermine (et la foule de rpter). La conversion y est prsentecomme le meilleur blindage contre les dmons de linconversion et lesmauvais esprits de la pauvret. Le prix accord aux vertus vangliques de la

    puissance du sang vers ne relve pas dun simple discours mtaphoriquemais participe dune culture de la violence que lon dnonce par ailleurs.

    Limaginaire de la dlivrance des forces du mal redonne, si lon peut dire, dela force au discours politique mais, pour juger de sa performance, il

    importe de considrer avec attention les dispositifs cultuels o le diable estconvoqu, et la manire dont ceux-ci fabriquent des individus invits rompreavec les esprits familiaux qui les hantent et rejoindre la famille des frreset surs en Christ .Au cur des dbats anthropologiques des annes 1970sur les confessions en diable du prophteAtcho, il y avait lide que lechemin qui mne lindividualisation des sujets passe par la rupture avecle schme de la perscution, lacceptation dun moi divis et lintriorisationde la culpabilit 30. En prenant le relais des villages thrapeutiques, les centres

    de dlivrance des glises pentectistes prtendent accompagner un procsde conversion individuelle qui fait galement lconomie de la culpabiliten liant la gurison aux satisfactions rgressives de laccusation de lautredvorant et mortifre. La contrepartie de ce procs de subjectivation est quelautonomie des individus va souvent de pair avec la diabolisation de lautreproche qui vous attache et, plus globalement, avec la satanisation de

    la famille.La promotion des dispositifs narratifs de la dlivrance au rang didiome

    politique et du charisme prophtique comme langage politique autoris

    conduit sinterroger dans les mmes termes sur le projet communautaire dunemouvance religieuse qui, pour sauver la Cte dIvoire de ses maux et la gagnerChrist, compte exclusivement sur le peuple de Dieu, le vrai Peuple de laNation , et fait peser le soupon, dfaut de laccusation, sur les trangers,les inconvertis (les paens, les catholiques, les musulmans). Une politique du

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    pardon qui fait lconomie la fois de la justice et de la confession et pratiqueplus volontiers le soupon et lexorcisme est une politique qui tmoigne moinsde la performance dune imagination religieuse alternative que dun fonc-tionnement limaginaire. Par son aspiration un tat dlivr enfin du malde la division, sa confiance dans une puissance de lEsprit oprant sans mdia-tion, son souci de porter tmoignage de lunit organique du peuple de Dieu, lediscours thocratique du pentectisme rompant avec les promesses du pro-phtisme peut sombrer tout instant dans les impasses identitaires de leth-nonationalisme lafricaine

    Andr Mary,

    Institut dtudes africaines MMSH, Aix-en-Provence

    30. VoirA.Zempleni, De la perscution la culpabilit, inC. Piault (dir.), Prophtisme e t thrapeutique,A lb ert A tc h o e t la co m m u na u t de Bregbo, Paris, Hermann, 1975, pp. 153-219.

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    Les vrits du suprieur dimouLe suprieur-vangliste dimou Blin Jacob, chef du diocse de lglise du christianismecleste de Cte dIvoire, parle de la guerre impose son pays et rvle ce que Dieu lui a dit propos de ce conflit.

    Notre Voie : Depuis la nuit du 18au 19 septembre, la Cte dIvoire est attaque, elle vit une criseaigu sans prcdent. Quel est votre point de vue sur cette situation ?

    Suprieur dimou : [] Nous mettons notre espoir en Dieu qui savait que cela devaitarriver et sait quand cela va finir. Donc nous devons tous nous tourner vers le Dieu quiappartient le monde.

    N. V. : Vous aviez dit [] que vous saviez ce qui allait se passer ?

    S. E. : Cest Dieu qui savait quand cela allait commencer et quand cela prendra fin. Nousdisons quil ne fait rien sans au pralable rvler un de ses enfants parmi son peuple.Dieu tant aussi africain, lAfricain doit consulter. Il doit savoir quhier il consultait les sor-ciers, les ftiches mais maintenant, cest Dieu quil doit consulter. On doit laisser Dieu nousdiriger. Et donc Dieu qui savait que cela devait arriver ne pouvait pas accepter que celaadvienne sans avoir rvl cela un enfant de ce pays. Cest pourquoi nous disions queDieu nous lavait rvl et nous en sommes tous conscients.

    N. V. : La situation est complique. Il y a eu mort dhomme. Aujourdhui la Cte dIvoire estoccupe depuis plus de deux semaines par des terroristes

    S. E. : Voyez-vous, quand les choses viennent, Dieu ne peut rien. Na-t-on pas plant ledrapeau du Burkina Faso en Cte dIvoire ? Ce sont des signes prmonitoires de la crise.

    Quand ces signes sont arrivs, nous ne sommes pas alls au fond. Nous avons pens que larconciliation allait tout arranger. Jai t le seul scander Attention ! au moment o toutle monde semblait heureux aprs le Forum pour la rconciliation nationale.

    N. V. : o venait votre assurance ?S. E. : Cest de Dieu. Mais on ne prend personne au srieux. Dieu savait quil y avait undanger. Je le savais. Jai mme rvl un journal quun commando spirituel attaquerait laCte dIvoire. Personne na pris cela au srieux. Peut-tre parce que a venait du patrondune glise africaine. Nous disons que quand le chef de ltat ntait pas encore au pou-voir, il y avait des pasteurs qui taient avec lui mais au moment o il est prsident de laRpublique quil sache quil a aussi dimou avec lui. Dieu ne fait rien sans au pralableprvenir ses enfants et Dieu nous a prvenus. Mais la situation tait trop belle, alors quand un

    prophte dit quoi que ce soit, on sy intresse pas. Et maintenant cest arriv et noussommes obligs de faire face. Pour le moment, nous prions Dieu. Mais l, cest srieuxparce que le commando diabolique est l en ce moment et la Cte dIvoire est divise endeux. Nous acceptons tout ce que les autres font pour pouvoir sauver la Cte dIvoire maisnous disons qu lheure actuelle, il y a deux choses faire.

    N. V. : Lesquelles ?S. E. : Nous interpellons les grandes puissances, la France et les tats-Unis afin daider laCte dIvoire et demander aux rebelles de dposer les armes et de ngocier avec le prsi-dent lu dmocratiquement. Lautre aspect, cest le ct spirituel. Nous demandons tous lescroyants de prier. Car toute autorit mane de Dieu. Quand le prsident partait San Pedropour sy reposer, jy tais dj en esprit. Quand le prsident se rendait Rome, di- mou y

    tait dj. Je fais des choses de faon bnvole qui nont pas de sens aux yeux des humains.Mais qui ont un sens devant Dieu. Jai fait ces rapprochements simplement pour vous direque ce qui se passe ici, Dieu sa main dessus. Le Dieu des Armes qui appar- tient lavictoire donnera la victoire la Cte dIvoire. Nous sommes les disciples africains du Christ.

    Notre Voie, 17 octobre 2002, p. 16 (quatrime de couverture)

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