PONTIGNY

D U M E M E A U T E U R

GRAND PRIX DE LITTÉRATURE RÉGIONALISTE 1 9 4 9

PRIMAVERA, p o è m e s .

L E CALVAIRE DU SOLDAT, p o è m e .

S U R LES ROUTES DE SYRIE. ( C o u r o n n é p a r l ' A c a d é m i e f r a n . ç a i s e . )

L E F o u , r o m a n . ( P r i x E m i l e Z o l a . )

T u NE MOURRAS PAS. . . , r o m a n .

LA NUIT SYRIENNE, r o m a n .

LA VIERGE D ' A U X E R R E .

JEAN LARONZE, s a v i e , s o n œ u v r e .

PHARAMOND, r o m a n . ( P r i x n a t i o n a l d e l i t t é r a t u r e . )

RENÉ BAZIN ET SON Œ U V R E ROMANESQUE, t h è s e p o u r l e d o c - t o r a t è s l e t t r e s . ( C o u r o n n é p a r l ' A c a d é m i e f r a n ç a i s e . )

L ' I L E DU PARADIS, r o m a n . ( C o u r o n n é p a r l ' A c a d é m i e f r a n ç a i s e . )

SAINT FRANÇOIS A QUITTÉ LE PARADIS, r o m a n .

D E PRAGUE A JASINA.

LA LUMIÈRE DES HOMMES, r o m a n . ( C o u r o n n é p a r l ' A c a d é - m i e f r a n ç a i s e e t p a r l a S o c i é t é d e s G e n s d e L e t t r e s . )

L E CHATEAU DE LA POULE BLANCHE, r o m a n .

LA VIE DE SAINT GERMAIN D 'AUCERRE.

D u SANG SUR MON AMOUR, r o m a n .

L E RETOUR, r o m a n .

LAISSE LES MORTS, r o m a n .

LE FRONT A LA VITRE.

ABEL MOREAU

P O N T I G N Y DE L'ABBAYE CISTERCIENNE AU COLLÈGE FRANCO-AMÉRICAIN

NOUVELLES ÉDITIONS LATINES 1, Rue Palatine, PARIS-VI°

I L A É T É T I R É

D E C E T O U V R A G E

D I X E X E M P L A I R E S

S U R P A P I E R P U R F I L ,

N U M É R O T É S D E 1 A 1 0 .

Tous droits de traduction et de reproduction réservés. Copyright 1950 by Les Nouvelles Éditions Latines, Paris.

FRINTED IN FRANCE

BEATAE MEMORIAE

MATRIS,

PONTINIACI FILIAE,

SANCTI EDMVNDI AMANTISSIMAE,

FILIVS.

P O N T I G N Y

Une jolie vallée, une rivière claire, — le Serein, — des collines mesurées que couronnent des bouquets d'arbres, des routes blanches qui semblent en promenade, et, jouant à cache-cache avec les peupliers et les saules, un petit train d'enfant et des gares minuscules à toit rouge qui portent des noms charmants : Beaumont, Sei- gnelay, Héry, Pontigny, Ligny-le-Châtel, Mali- gny, Chablis.

L'église du Mont-Saint-Sulpice, haut dressée sur son éperon, surveille comme un phare la vallée tranquille, et la longue nef de Pontigny, amarrée à son île verte, regarde l'orient et ne se décide jamais à gagner le large.

Nous sommes el1 Aucerrois, au carrefour de trois évêchés : Aucèrre, Sens et Langres ; et de trois provinces : comté d'Aucerre, comté de Ton- nerre et comté de Champagne.

Sur le vieux pont à trois arches, du XIIIe siècle, un vieux dicton voulait que trois évêques, trois comtes et un abbé pussent dîner en restant sur leurs terres. Le pont est toujours debout ; les touristes passent sans le regarder, et quelques- uns voudraient le remplacer par un pont mo- derne en fer et en ciment, bien droit et bien

large. Mais il fait partie du paysage, du patri- moine même. Les abbés de Pontigny l'ont mis dans les armes de l'abbaye : d'azur au pont d'ar- gent de trois arches, surmonté d 'un arbre de sinople, au haut duquel un nid d'argent, le, tout accompagné de deux fleurs de lis d'or, une à une.

La vieille route d'Aucerre à Troyes passe par ici ; le sol est fertile, le climat tempéré, les habi- tants sympathiques. Paysage sans violence, ciel d 'un bleu clair où naviguent souvent des escadres de nuages blancs, douceur de vivre, plus de rêve que de force, plus de fantaisie que d'ap- plication. Une vallée idéale pour les vacances.

Une ferme vieillotte à moitié fortifiée, avec une allée d'arbres et un nom prestigieux : Sainte- Radegonde ; un oratoire caché dans un buisson : Sainte-Porcaire, l'une, dit-on, des jeunes filles romaines qui accompagnèrent le corps de saint Germain de Ravenne à Aucerre ; sur les collines, des clochers à toit bleu, à toit rose, et, dans le ciel, des sonneries de cloches...

Il n 'en était pas ainsi quand Hugues de Mâcon, au début de l'année 1114, vint fonder l'abbaye de Pontigny. La vallée était inhabitée et entourée de forêts ; mais le lieu répondait bien aux pres- criptions de la règle de Cîteaux qui voulait que les monastères fussent construits loin des villes et des villages, en pleine solitude, près d 'un point d'eau, et sur un sol assez fertile pour per- mettre aux moines d'y faire la culture et d'y vivre.

Qu'on compare Pontigny cistercien, enraciné fortement dans la terre, vivant tout près d'elle, la couvrant de sa longue nef grise et rose, à Vézelay clunisien, couronnant la colline abrupte et dressant dans le ciel du Morvan ses deux çlo-

chers. Le parallèle est éloquent. L'architecture a choisi son paysage, celui qui convenait à un rêve précis, et l'a épousé, et, maintenant, l 'un ne peut se concevoir sans l'autre. Pontigny reste à jamais l'abbaye de la plaine, la longue nef ter- rienne sans clocher qu'enveloppent les moissons et les vignes, et dont le dialogue amical avec la prairie n'est jamais fini.

Une longue histoire, que nous allons conter, s'y déroula ; de belles pierres font rêver encore à un passé prestigieux, et de nouveaux hôtes ont peuplé récemment les ruines de la vieille abbaye.

La mission de Pontigny continue. -

PREMIÈRE PARTIE

L'HISTOIRE

I

LA DEUXIÈME FILLE DE CITEAUX

Il n'est pas inutile de rappeler que c'est en 1098 que saint Robert, abbé de Molesmes, dési- rant pratiquer aussi complètement que possible la règle de saint. Benoît, se retira avec quelques- uns de ses moines dans une forêt de Bourgogne, en un lieu appelé Çistercium ou Cîteaux. Son successeur, Albéric, établit les premiers règle- ments cisterciens et choisit un vêtement de cou- leur blanche, afin de distinguer le nouvel ordre des autres fils de saint Benoît.

L'arrivée de saint Bernard et de ses trente com- pagnons en 1112 ouvrit pour l'abbaye une ère de prospérité. Et, dès 1113, l'abbé de Cîteaux, Etienne Harding, pouvait fonder un premier éta- blissement à La Ferté,

La même année, un prêtre du diocèse d'Au- cerre, Ansius, pria l'abbé Harding d'envoyer