32
1€ 2 € soutien pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée, Internationaliste et RévolutionnairE

pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

1€2€soutien

pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée, Internationaliste et RévolutionnairE

Page 2: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

INTRODUCTION

IntroductionDans l’historiographie bour-

geoise, il n’y a tout simplementpas de « révolution espagnole ».Les convulsions qui ont frappé l’Es-pagne dans les années trente s’y ré-sument pour l’essentiel à une guerrecivile présentée comme l’a�ronte-ment entre deux camps, les « Ré-publicains » et les « Franquistes ».Le premier objet de cette série d’ar-ticles est de faire voir que la guerrecivile déclenchée par le « pronun-ciamiento » (coup d’État militaire)du 18 juillet 1936 n’est que l’aboutis-sement de l’intense lutte de classesdéveloppée dans les années précé-dentes.

Dans l’imaginaire de nombreuxmilitants anticapitalistes, la révolu-tion espagnole passe pour une gestegénéreuse et émancipatrice ayant

connu malheureusement une �n tra-gique. La réalité est que l’enchaîne-ment des victoires et des défaites duprolétariat espagnol doit très peu à lamalchance ou la fatalité : c’est toutd’abord la trahison éhontée des inté-rêts de la révolution par les stalinienset les sociaux-démocrates, puis lafaillite complète des dirigeants anar-chistes pour opposer à ces trahisonsconscientes une stratégie et une po-litique révolutionnaires cohérentes,qui expliquent la défaite de la ré-volution espagnole ; s’y ajoute l’im-puissance centriste du POUM qui,malgré tout son dévouement subjec-tif à la révolution et ses phrases ré-volutionnaires, n’a cessé de capitu-ler devant les chefs de la CNT, eux-mêmes capitulant pas à pas devantles sociaux-démocrates et les stali-

niens. . .C’est dans le feu des grandes

convulsions que les discussions pro-grammatiques se révèlent ne pasêtre des arguties portant sur desmots et des virgules, mais des débatsdans lesquels est impliqué le sortde millions d’hommes. C’est précisé-ment sous cet angle que nous reven-diquons l’orientation défendue parTrotsky sur la révolution espagnole.C’est une source d’inspiration pourpenser une politique révolutionnaireaujourd’hui et et elle permet de ré-�échir aux obstacles rencontrés dansla construction d’une section espa-gnole de l’Opposition de Gauche dela IIIe Internationale, puis du mou-vement pour la IVe Internationale

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE I : 1930-1933

Le contexte

Un des maillons les plusfaibles du capitalisme

européen

À l’aube de la crise capitalistemondiale des années 1930, l’Es-pagne est encore un pays capita-liste économiquement arriéré. Lapaysannerie y représente 70% de lapopulation active, l’agriculture em-ploie des moyens techniques rudi-mentaires et son rendement à l’hec-tare est le plus bas d’Europe. Laconcentration de la propriété fon-cière est importante : 50 000 grandset moyens propriétaires possèdent50% des terres. En face, il existenon seulement de nombreux pe-tits propriétaires, des petits fer-miers et métayers, mais surtout un

vaste prolétariat agricole, concen-tré dans le sud du pays. L’Églisedispose d’un poids considérabledans la société : elle est presquele plus grand propriétaire foncier,permettant aux grands ecclésias-tiques d’accumuler des fortunes,et elle domine la quasi-totalité del’enseignement.

Le capital étranger a une placenotable dans l’économie espagnole,jouant un rôle important dans lessecteurs rentables (mines, éner-gie, textile, chantiers navals. . .). Labourgeoisie proprement espagnole,venue tardivement au monde,en butte au poids des anciennesclasses dominantes (propriétairesfonciers, noblesse. . .) et aux puis-sants capitaux impérialistes, est

organiquement faible. C’est pour-quoi, depuis le XIXe siècle, l’arméedominée par la caste des o�ciersissus des anciennes classes domi-nantes occupe une place de premierplan dans la vie politique, rythméepar les pronunciamientos (coupsd’État militaires).

Cette arriération relative, ex-pression du développement inégalet combiné du capitalisme, est aussila raison pour laquelle l’uni�cationnationale n’a pas été achevée, lepays restant morcelé entre diversesprovinces à forte volonté autono-miste, voire séparatiste, en particu-lier le Pays Basque et la Catalogne.Le nombre de prolétaires de l’in-dustrie, des transports et des ser-vices, disséminé en de nombreuses

Page 3: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Première partie : 1930-1933 2

petites et moyennes entreprises,s’élève à environ 1,5 million.

Un mouvement ouvrierdominé par la CNT et le

PSOE

Déjà en 1917, dans la fouléede la révolution russe, ce proléta-riat relativement important et cetteimmense masse paysanne se sontsoulevés contre le gouvernement,avec simultanément une grève gé-nérale des ouvriers, des soulève-ments de paysans pauvres et desmouvements séparatistes.

Le mouvement ouvrier estpuissant, dominé par deux organi-sations. D’un côté, la CNT (Confé-dération Nationale du Travail), fon-dée en 1910 à l’initiative de la CGTfrançaise — à une époque où lessyndicalistes révolutionnaires ladominaient encore —, est deve-nue en peu de temps une centralesyndicale nombreuse, dominée par

l’anarcho-syndicalisme et le syn-dicalisme révolutionnaire, maisattirée et in�uencée par le bol-chevisme sous l’impact de l’audacerévolutionnaire ayant permis lavictoire d’Octobre. C’est pourquoila CNT devient sympathisante de laIIIe Internationale (InternationaleCommuniste) et devient membrede l’ISR (Internationale SyndicaleRouge, branche syndicale de l’IC)jusqu’à la répression de l’insurrec-tion de Cronstadt en mars 1921.Pendant cette période, quelquesimportants dirigeants de la CNTsont gagnés au communisme, no-tamment deux instituteurs, AndresNin, secrétaire confédéral de laCNT, qui devient le secrétaire in-ternational de l’ISR, et JoaquinMaurin.

De l’autre côté, le PSOE (PartiSocialiste Ouvrier Espagnol) et sacentrale syndicale, l’UGT (UnionGénérale des Travailleurs), qui re-groupe beaucoup de salariés agri-

coles, constituent un puissant pôleréformiste. En e�et, lors de la scis-sion entre réformistes et révolu-tionnaires suite à la création de laIIIe Internationale, l’écrasante ma-jorité des dirigeants et militantsrestent au PSOE et le PCE (PartiCommuniste Espagnol) naît rachi-tique (il ne compte que 800 mili-tants début 1931).

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE I : 1930-1933

De la stabilisation capitaliste à la crise : dela dictature à sa chute

Après la période de crises ré-volutionnaires aiguës de l’après-guerre (entre 1917 et 1923), le ca-pitalisme s’est stabilisé pour untemps. Le fascisme a écrasé le mou-vement ouvrier en Italie en 1922,la révolution allemande a été dé-faite en 1923, la grève générale an-glaise a été trahie par la bureau-cratie syndicale avec la complicitéde la direction de l’IC aux mainsde Staline-Boukharine en 1926, larévolution chinoise a été écraséeen 1927 par la Kuomintang, princi-palement en raison de la politiquestalino-boukharinienne de subor-dination à la bourgeoisie nationalechinoise. . . Ajouté à la reprise éco-nomique due à la reconstruction et

notamment au bond de l’économieaméricaine, cela donne au capita-lisme un moment de respiration etpermet une époque de forte pros-périté.

En Espagne aussi le mouve-ment re�ue avant d’avoir trouvé lechemin de la révolution, mais ense combinant avec une combativitéimportante de l’avant-garde : lesclasses dominantes répondent auxcraintes nées de cette agitation parl’instauration d’une dictature en1923, dont le chef est Primo de Ri-vera. La période 1923-1930 est mar-quée par la suppression des garan-ties constitutionnelles, la répres-sion brutale du mouvement ou-vrier (y compris par des organisa-

tions militaires para-étatiques, les« pistoleros » du ministre de l’In-térieur Martinez Anido), la révoca-tion de conseillers municipaux etde fonctionnaires, l’attaque contreles conditions de travail et la jour-née de 8h et une pénétration ac-crue du capital impérialiste. C’estun frein au développement des or-ganisations ouvrières les plus com-batives, notamment de la CNT etdu PCE, tandis que le PSOE etl’UGT, qui collaborent avec la dic-tature, se développent. Le chef del’UGT et du PSOE, le vieux syndi-caliste réformiste Largo Caballero,est conseiller d’État.

Mais la crise économique mon-diale, qui éclate en octobre 1929

Page 4: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Première partie : 1930-1933 3

aux États-Unis et s’étend peu à peuau monde entier, va ouvrir la voie àune nouvelle ascension de la luttedes classes, débouchant sur des si-tuations révolutionnaires. Ce sontces convulsions mondiales qui vontles premières venir ébranler la dic-tature instaurée en 1923 et les équi-libres anciens.

L’e�ondrement de lamonarchie sans

intervention directe duprolétariat et de la

paysannerie (1930-1931)

La crise se réfracte dans lemécontentement qui se manifested’abord au sein des classes do-minantes. Le dictateur, Primo deRivera, devient impopulaire. Pourpréserver la monarchie, le roi Al-phonse XIII décide de le congédier(janvier 1930) et le remplace parle général Berenguer. Mais les pro-testations grandissent, avec à leurtête les étudiants. Le roi remplacealors Berenguer par l’amiral Az-nar. En décembre 1930, une tenta-tive de pronunciamiento « républi-cain » échoue, mais c’est un nou-veau symptôme de l’usure du ré-gime. Les ouvriers commencent àse joindre aux manifestations. A�nde donner une nouvelle légitimitéà un régime fragilisé, le roi choi-sit d’organiser des élections muni-cipales en avril 1931. Or, à la sur-prise générale, la participation estmassive et la victoire des « répu-blicains » écrasante, surtout dansles villes. La petite-bourgeoisie et leprolétariat ont voté contre la mo-narchie. Les hautes sphères de labourgeoisie exigent le départ d’Al-phonse XIII, qui �nit par s’y ré-soudre dans l’intérêt des classes do-minantes.

L’orientation de Trotskyface au début de la

révolution espagnole

Fraîchement expulsé d’URSS,Trotsky, reclus à Prinkipo (au largede la Turquie), suit de près la si-tuation espagnole. Dès le débutde 1930, il estime que le profondmouvement de masses qui com-mence à se manifester marque ledébut de la révolution espagnole,car il ne peut aboutir sans ren-versement de la bourgeoisie. Avantmême de disposer d’une sectiondans le pays et en s’appuyant sim-plement sur la lecture de livres etde la presse, Trotsky commenceà élaborer une orientation pourl’Opposition de Gauche Internatio-nale, qui est une fraction de l’IC,quoique l’écrasante majorité de sesmembres aient d’ores et déjà été ex-clus de leur PC respectif.

L’analyse du capitalismeespagnol et des rapports entre

les classes

Trotsky part d’une analyse gé-nérale du pays, de sa place dans lecapitalisme mondial, des particula-rités qui en découlent, des classessociales et de leur rôle, du régimepolitique. Il essaye ensuite de dé-gager les grandes lignes de l’évolu-tion politique à venir. Il s’e�orce dedé�nir, du point de vue stratégiquede la révolution prolétarienne, lapolitique adaptée à chaque étapedu développement de la révolution.

C’est sous cet angle qu’il abordela chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie.Selon lui, on peut ainsi résumerla première étape : « La dicta-ture de Primo de Rivera est tom-bée toute seule sans révolution. End’autres termes, cette première étapeest le résultat des maladies de lavieille société et non des forces révo-lutionnaires d’une société nouvelle.Ce n’est pas par hasard. Le régime dela dictature, qui ne se justi�ait plus,aux yeux des classes bourgeoises,par la nécessité d’écraser immédia-tement les masses révolutionnaires,représentait en même temps un obs-tacle aux besoins de la bourgeoisiedans le domaine économique, �nan-cier, politique et culturel. Mais labourgeoisie a évité la lutte jusqu’aubout : elle a laissé la dictature pour-rir et tomber comme un fruit gâté. »(« Les tâches des communistes enEspagne », lettre à Contra la Cor-riente, 25 mai 1930.)

La monarchie ne tombe pastout de suite, car la bourgeoisiecontinue de la soutenir. Elle neveut pas engager le combat, carelle craint que le prolétariat ne soitamené à se mobiliser et par là sti-mulé à lutter pour ses propres re-vendications de classe. C’est là unenouvelle véri�cation de la théo-rie de la révolution permanente éla-borée par Trotsky dès 1905-06.Mais en même temps, pour em-pêcher même la petite-bourgeoisiede se mobiliser de façon autonomecontre la monarchie et pour se lasubordonner, la bourgeoisie se dé-clare « républicaine », ce qui nel’engage à rien en pratique. Cepen-dant, « lorsque la bourgeoisie refuseconsciemment et obstinément de ré-soudre les problèmes qui découlentde la crise de la société bourgeoiseet que le prolétariat n’est pas encoreprêt à assumer cette tâche, ce sontsouvent les étudiants qui occupent ledevant de la scène » (ibid., 25 mai1930). C’est de fait ce qui arrive

Page 5: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Première partie : 1930-1933 4

en Espagne, ouvrant la voie auxpremiers pas d’un processus révo-lutionnaire. C’est pourquoi, quandles ouvriers se mettent à partici-per aux mobilisations contre Be-renguer, Trotsky les y encouragechaleureusement, tout en les invi-tant à le faire sous leur propre dra-peau.

Importance des mots d’ordredémocratiques et théorie de la

révolution permanente

La place considérable de la pay-sannerie dans la population et l’ab-sence d’expérience de la démo-cratie bourgeoise dans un paysqui n’a connu qu’un an de Répu-blique entre 1873 et 1874, font se-lon Trotsky que les mots d’ordredémocratiques doivent occuper lepremier plan pendant la premièreétape de la révolution. Il sou-ligne que les communistes révolu-tionnaires doivent en premier lieurevendiquer le su�rage universelpour les hommes et les femmes, dès18 ans. Mais les mots d’ordre démo-cratiques ne se réduisent pas à desexigences de démocratie politiqueformelle. Ils incluent notammentune réforme agraire pour la répar-tition des terres, ce qui supposel’expropriation des grands proprié-taires fonciers : or, au contraire dela bourgeoisie française qui a faitsa révolution quand le prolétariatcommençait à peine à se former,la bourgeoisie espagnole ne peutpas accomplir cette tâche, car ellesuppose un combat violent avecles anciennes classes dominantes,combat très dangereux dans uncontexte où elle doit déjà faireface à un prolétariat relativementimportant et bien organisé. Untel programme démocratique im-plique bien sûr l’expropriation del’Église et la séparation de l’Égliseet de l’État que, pour les mêmes rai-sons, la bourgeoisie ne peut menerà son terme.

Dans un pays morcelé, le com-bat pour les revendications dé-mocratiques englobe aussi celuipour le droit des peuples à dis-poser d’eux-mêmes, à commencerpar les peuples directement co-lonisés, mais aussi pour les dif-férents peuples constituant l’Étatespagnol. Trotsky souligne quele prolétariat doit dire qu’il dé-fendra ce droit y compris parla révolution, mais qu’il doit enmême temps lutter implacablementcontre le séparatisme bourgeois etpetit-bourgeois, pour l’unité de laclasse ouvrière d’Espagne ; en fait,il est même impossible de lutter sé-rieusement contre le séparatismebourgeois et petit-bourgeois sanscombattre pour le droit à l’autodé-termination.

En�n, ce programme démocra-tique est couronné par l’armementdes ouvriers et des paysans : c’esten e�et la seule garantie réellepour que les mesures démocra-tiques soient respectées, car ce nesont pas une constitution et deslois qui peuvent assurer même lesimple respect des libertés for-melles.

Réponses de Trotsky auxcritiques ultra-gauches

On pourrait objecter à Trotsky :mettre en avant des mots d’ordredémocratiques, n’est-ce pas de l’op-portunisme? N’est-il pas évidentque, sous la monarchie ou sous larépublique bourgeoise, c’est tou-jours la bourgeoise qui domine?C’est en gros la critique du PCE,puisque l’IC se trouve dans sa fa-meuse « troisième période », c’est-à-dire une ligne ultra-gauche oùelle dénonce tous les autres par-tis comme fascistes avec quelquesnuances : fascistes purs, sociaux-fascistes, etc. Le PCE stalinien dé-fend une orientation qui opposesimplement la « dictature du pro-létariat » à la « dictature du ca-pital », fait de l’agitation abstraite

pour les « soviets », etc. Mais c’estaussi parfois le fond de critiquesanarchistes : la direction de la CNTse distingue notamment par sa dé-nonciation de la politique en géné-ral comme bourgeoise.

Trotsky répond à plusieurs ni-veaux. Il explique tout d’abord quele problème politique de la révolu-tion est le suivant : pour conqué-rir réellement le pouvoir, le prolé-tariat doit construire son hégémo-nie politique, c’est-à-dire regroupertoutes les couches opprimées au-tour de lui, en particulier la petitepaysannerie qui constitue l’écra-sante majorité de la population. Lacondition pour y parvenir est demettre en avant des mots d’ordrequi intéressent ces couches socialeset de leur montrer que la bourgeoi-sie ne veut pas satisfaire ces aspi-rations, car le faire, ce serait stimu-ler la lutte de classe du prolétariat ;bref, il s’agit ici de séparer la petite-bourgeoisie de la bourgeoisie. Res-ter passif sur ce terrain, c’est facili-ter le travail de la bourgeoisie, quin’a dès lors aucune di�culté à sé-parer la petite-bourgeoisie du pro-létariat et de la bercer de parolesdémocratiques.

Trotsky souligne ensuite qu’ilne faut évidemment pas se limi-ter aux mots d’ordre démocratiquesnus, mais les combiner avec desmots d’ordre ouvriers. Dans unpays où il n’existe presque au-cune conquête sociale, même élé-mentaire, il faut se battre pour unprogramme radical de législationsociale, comprenant l’assurance-chômage, le report des charges �s-cales sur les classes possédantes,l’enseignement général et gratuit,autant de revendications qui « nedépassent pas le cadre de la sociétébourgeoise » (« La lutte pour le re-dressement du PCE », in Trotsky,La révolution espagnole (1930-1940),préface, présentation et notes dePierre Broué, Éd. de Minuit, 19 75,p. 72). En même temps, il faut com-

Page 6: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Première partie : 1930-1933 5

mencer à lancer des mots d’ordretransitoires, comme la nationali-sation des chemins de fer et desbanques, ainsi que le contrôle ou-vrier sur l’industrie. En�n, il nes’agit évidemment pas de renonceraux mots d’ordre socialistes : ceux-ci doivent continuer à être mis enavant, même s’ils gardent globale-ment à ce stade un caractère pro-pagandiste. L’orientation vers lessoviets doit être mise en avantsous une forme concrète, en rela-tion avec le mouvement réel, parexemple sous la forme de « comitésde grève puissants ».

Mais on pourrait encore objec-ter à Trotsky : n’est-il pas absurdede mélanger des mots d’ordre dedi�érents niveaux? Voilà ce qu’ilrépondait : « Seuls des pédantsvoient une contradiction dans l’as-sociation de mots d’ordre démocra-tiques, de mots d’ordre transitoireset de mots d’ordre nettement socia-listes. Un tel programme combiné,qui re�ète la construction contradic-toire de la société historique, découleinéluctablement de la diversités destâches léguées par le passé. Rame-ner toutes les contradictions et toutesles tâches à un seul dénominateur :la dictature du prolétariat, est ab-solument indispensable, mais tout àfait insu�sant. Même si l’on fait unpas en avant en posant l’hypothèseque l’avant-garde prolétarienne s’estdéjà rendu compte que seule la dicta-ture du prolétariat peut sauver l’Es-pagne de la décomposition, la tâchepréliminaire — le rassemblement au-tour de l’avant-garde de couches hé-térogènes de la classe ouvrière et desmasses travailleuses encore plus hé-térogènes de la campagne— reste en-core posée dans toute son ampleur.Opposer le mot d’ordre cru de la dic-tature du prolétariat aux tâches his-toriques qui poussent aujourd’hui lesmasses sur la voie de l’insurrection,signi�erait remplacer la compréhen-sion marxiste de la révolution so-ciale par une compréhension bakou-

ninienne. Ce serait la meilleure fa-çon de perdre la révolution. » (Ibid.,p. 72.)

Quelle a�itude adopter face auxélections aux Cortès?

Le problème de l’attitude faceaux élections est également unproblème classique du marxisme.Les débuts de la révolution es-pagnole fournissent un riche ma-tériau de ré�exion en ce sens.Lorsque le gouvernement de Be-renguer, nommé par Alphonse XIII,annonce des élections à des Cor-tès (Assemblée Nationale), Trotskyconseille à ses partisans espagnolsd’appeler au boycott. Selon lui,d’une part, la convocation de cesélections est pour le régime unefaçon d’essayer de se mainteniren mettant en place une assem-blée privée de tout pouvoir ; d’autrepart, le niveau de mobilisation étu-diante et ouvrière met à l’ordre dujour un combat pour renverser mo-narchie de façon révolutionnaire.

Cependant, comme les partisbourgeois d’opposition appellenttous au boycott, le problème sepose à nouveau : de quelle fa-çon être à l’avant-garde du com-bat contre la monarchie, sans sesubordonner à la bourgeoisie ? Surquels mots d’ordre boycotter ? Se-lon Trotsky, à une échelle de masse,on ne peut pas se contenter dedire : le parlement ne vaut rien,seuls les soviets nous vont. En ef-fet, à ce stade de développement dela révolution espagnole, qui vientà peine de commencer, les massespaysannes ne peuvent suivre leprolétariat que sur des mots d’ordredémocratiques. En même temps, ilfaut insister sur le fait qu’il s’agitd’imposer de véritables change-ments, que la bourgeoisie est in-capable de réaliser le programmedémocratique bourgeois élémen-taire, car elle refuse l’a�rontementavec les vieilles classes dominantes.

Pour cela, il faut que les Cortèssoient constituantes. Mais, commele pouvoir ne peut pas convoquerde telles Cortès, la lutte pour laConstituante suppose la mobilisa-tion et l’auto-organisations des ou-vriers et des paysans sur cetteligne.

En�n, quand les partis bour-geois d’opposition reprennent lemot d’ordre de Cortès consti-tuantes, Trotsky dit que l’on peutexprimer synthétiquement la dif-férence de contenu et de méthodeentre les communistes et les di-verses variantes bourgeoises enprécisant : pour des Cortès Consti-tuantes révolutionnaires.

Mais le même Trotsky défendune tactique de participation auxélections des Cortès Constituantesconvoquées en juin 1931 par lepouvoir républicain suite au dé-part d’Alphonse XIII après les mu-nicipales d’avril. En e�et, il es-time que, en l’absence de sovietset dans la mesure où les républi-cains bourgeois ont la con�ancedes masses, les ouvriers et les pay-sans ne peuvent pas aller directe-ment au communisme sans faireun tant soit peu l’expérience duparlementarisme bourgeois. La po-litique juste doit viser à accélé-rer cette expérience. Trotsky main-tient le mot d’ordre de « CortèsConstituantes Révolutionnaires »,avec l’objectif de faire comprendreaux masses ouvrières et paysannesque le changement de régime, lepassage de la monarchie à la Ré-publique, n’est pour la bourgeoisiequ’une façon de maintenir sa do-mination de classe sous une autreforme, alors que les communistes,quant à eux, veulent s’attaquer à laracine de l’exploitation et de l’op-pression.

Bref, Trotsky rejette aussibien le crétinisme parlementairedes réformistes que le crétinismeantiparlementaire des anarcho-syndicalistes.

Page 7: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Première partie : 1930-1933 6

Un programme sans uneorganisation est impuissant : lecombat pour construire une

section espagnole del’Opposition de gauche

Un programme politique justeest une condition absolument né-cessaire de tout succès. Mais il n’estrien sans une organisation pour leporter et l’insérer dans la classeouvrière industrielle, chez les ou-vriers agricoles et les petits pay-sans, c’est-à-dire pour le transfor-mer en une force matérielle. Dece point de vue, Trotsky ne cessede souligner, durant ces premierspas de la révolution, le retard desfacteurs subjectifs (partis et syndi-cats) par rapport aux tâches poséespar la situation (« La lutte pourle redressement du PCE », ibid.,p. 74). Selon lui, la persistance dece retard pourrait avoir des consé-quences catastrophiques.

La vague de grèves spontanéessans perspective politique claire estimpuissante à résoudre le problèmede la prise de pouvoir. Si l’absencede perspective politique se pro-longe, il y a un risque de retom-bée de l’activité des masses et parconséquent de tentations aventu-ristes et putschistes dans l’avant-garde, comme substituts à la mo-

bilisation des masses en recul. Orle PSOE et l’UGT ne veulent pasremettre en cause la propriété pri-vée des moyens de production, nila grande propriété foncière, etn’o�rent donc aucune perspectiveindépendante au prolétariat.

Quant à la CNT, qui est uneorganisation combative regroupantle meilleur du prolétariat, elle n’apas de politique révolutionnaire :refusant de dé�nir une politiqueprolétarienne par refus de la po-litique en général, elle se trouveinévitablement à la remorque depolitiques bourgeoises. Elle parti-cipe ainsi comme observatrice à laconférence de Saint-Sébastien quiregroupe républicains et socialisteset se prononce pour la République.Elle apporte son soutien au pro-nunciamiento « républicain » deJaca en décembre 1930, déclenchépar deux o�ciers, sans dé�nir lamoindre orientation indépendantedes républicains bourgeois pour laclasse ouvrière. Aux élections, jus-qu’en 1933, alors que ses militantset sympathisants votent en massepour les républicains ou les socia-listes, elle ne combat pas les illu-sions envers eux et leur régimebourgeois.

Cependant, pour Trotsky, il

n’en faut pas moins renforcer laCNT en tant qu’organisation ou-vrière combative de masse et lutterpour gagner au bolchevisme unefraction signi�cative de ses mili-tants. C’est l’une des tâches essen-tielles pour les militants espagnolsde l’Opposition de Gauche, pourconstruire un parti. Car Trotsky, enfusionnant avec le bolchevisme, atiré le bilan de son spontanéisme dejeunesse et sait que c’est la clé dusuccès. . . Il martèle : « La solutionvictorieuse de toutes ces tâches exigetrois conditions : un parti, encore unparti et toujours un parti » (« La ré-volution espagnole et les dangersqui la menacent », ibid., p. 80).

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE I : 1930-1933

La République « sociale » (1931-1933

Un premier gouvernementde front populaire

Les républicains de toutesnuances et les socialistes rem-portent une large victoire aux élec-tions aux Cortès de juin 1931. Estmis en place un gouvernementde front populaire, c’est-à-dire ungouvernement dominé par les ré-publicains et auquel les socialistes

acceptent de participer dans les li-mites imposées par la défense dela propriété privée, contribuantà légitimer ce gouvernement auxyeux des travailleurs de la ville etde la campagne. Indalecio Prieto,homme d’a�aires basque, diri-geant du PSOE, est ministre desFinances, et Largo Caballero, diri-geant du PSOE et secrétaire géné-ral de l’UGT, ministre du Travail.Mais ce gouvernement va se révé-

ler très vite fragile, car il est soumisà des pressions de classes contra-dictoires.

Caballero, sous la pression de lapuissante fédération UGT des tra-vailleurs agricoles, prend plusieursdécrets réalisant des réformes mi-nimales : interdiction de la sai-sie des petites propriétés hypothé-quées, autorisation aux communesde contraindre les grands proprié-taires fonciers à mettre en culture

Page 8: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Première partie : 1930-1933 7

les domaines laissés en friche, ex-tension de la législation sur les ac-cidents du travail aux ouvriers agri-coles. Mais la loi sur la réformeagraire ne s’attaque pas fondamen-talement aux intérêts des proprié-taires fonciers : tout en procla-mant la possibilité de l’expropria-tion des latifundios (grandes pro-priétés), elle la subordonne à l’in-demnisation des propriétaires ; orl’Institut de la réforme agraire nereçoit que des crédits misérables.Ces mesures provoquent l’indi-gnation des propriétaires fonciers,mais sont considérées comme trèsinsu�santes par les travailleurs.

De même, comme le prévoyaitTrotsky, la question religieuse metvite le feu au poudre. Le prolétariatet le petit peuple réagissent violem-ment aux provocations de l’Égliseet des congrégations contre la Ré-publique : des dizaines de couventset d’églises sont incendiés et pillés.L’adoption d’un article sur la sé-paration de l’Église et de l’État etcontre les congrégations provoquele départ des catholiques du gou-vernement. Chaque camp menacede recourir à la force. Les a�ronte-ments sont violents. Azaña, un ré-publicain « de gauche », très anti-clérical, devient chef du gouverne-ment.

En�n, la crise, la montée duchômage, la �ambée des prix pro-voquent une forte agitation ou-vrière, violemment réprimée par lapolice du gouvernement de frontpopulaire. Quand la CNT lance unegrève à la Telefonica, l’UGT dé-nonce les méthodes de la CNT etl’accuse d’avoir recours à la vio-lence de ses pistoleros (hommes demain). Face à la répression poli-cière, la CNT lance le mot d’ordrede grève générale à Séville. Bilan :30 morts, 200 blessés. Tout au longde la période du premier gouverne-ment républicain, répressif contrele mouvement ouvrier, les heurts semultiplient, mais restent générale-

ment des explosions isolées.Globalement, l’accroissement

des contradictions entre les classesfait que les con�its sont de plus enplus di�ciles à régler dans le cadredu gouvernement et du Parlement.La coalition entre républicains etsocialistes �nit par exploser. Leprésident, Alcala Zamora, dissoutles Cortes. Des élections sont pré-vues pour novembre 1933. . .

L’évolution de la CNT

La CNT compte 1,2 milliond’adhérents, soit autant que l’UGT,mais ce sont presque exclusive-ment des ouvriers de l’industrie etdes services, ce qui en fait de loinla première organisation ouvrière.Elle est hégémonique en Catalogne,très puissante à Séville, et en Ara-gon, solide dans les Asturies et auLevant. La FAI (Fédération Anar-chiste Ibérique), créée en 1927, ena pris le contrôle. Elle y impose saconception du communisme liber-taire et sa méthode pour y arriver,celle de l’insurrection armée me-née par une poignée de militants.Diverses tentatives en ce sens ontlieu au cours des années 1932-33(au Haut-Llobregat, à Tarrasa, etc.),donnant lieu à d’apparents « suc-cès ». . . en fait aussitôt écrasés parla police et l’armée. Mais la CNTn’en est pas moins la seule orga-nisation ouvrière de masse à com-battre sans relâche la politique dupatronat et du gouvernement. En1933, c’est son appel à la grève gé-nérale à Séville qui fait échouer unetentative de pronunciamiento lan-cée par le général Sanjurjo. C’estaussi tout logiquement la premièreorganisation frappée par la répres-sion gouvernementale, qui se dur-cit de mois en mois.

Comme l’avait prévu Trotsky,la CNT commence à se diviser endi�érents courants sous la pres-sion de la lutte des classes. Surla droite, Angel Pestaña constitueun courant réformiste, qui est ex-

clu de la CNT à l’initiative de laFAI, et fonde les « syndicats d’op-position ». Mais la FAI elle-mêmetend à se diviser entre anarchistespurs et ceux que l’on appelle les« anarcho-bolcheviks », qui posentle problème, refusé par les anar-chistes, de la prise du pouvoir po-litique.

L’évolution du PCE et de safédération catalano-baléare

Le PCE est divisé en de mul-tiples fédérations plus ou moins in-dépendantes. Le noyau central sta-linien, PCE o�ciel, grandit quelquepeu malgré sa politique complè-tement gauchiste et sectaire, àcontre-courant des développe-ments de la lutte des classes. Il dé-nonce tout autant le PSOE, quali�éde « social-fasciste », que la CNT,traitée d’« anarcho-fasciste » ; ilse prononce pour « tout le pou-voir aux soviets » tout de suite ;il cherche à scissionner quelquessyndicats de la CNT, puis lanceune nouvelle centrale, la CGT, souscouvert d’un comité pour l’unitésyndicale.

La Fédération catalano-baléaredu PCE, dirigée par Maurin, estglobalement proche des positionsdes boukhariniens. Elle ne se pro-nonce pas contre la politique dela bureaucratie soviétique, se bor-nant à critiquer ses méthodes, etrefuse de défendre l’Oppositionde Gauche contre ses calomnia-teurs staliniens. Elle se justi�e enprétextant qu’il s’agirait d’événe-ments spéci�quement russes, alorsque cette politique impulsée danstous les pays conduit partout auxmêmes catastrophes, aussi bien àl’époque du programme droitierrédigé par Boukharine du tempsde l’alliance Staline-Boukharinecontre l’Opposition Uni�ée (pro-gramme adopté par le Ve Congrèsde l’IC en 1928), qu’après le tour-nant ultra-gauche amorcé ensuite.Elle refuse en conséquence de me-

Page 9: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Première partie : 1930-1933 8

ner un combat de fraction pourla direction du PCE. Cette logiquela conduit à se développer peu àpeu comme une organisation au-tonome. Sur la question nationale,elle prend une position séparatiste

pour la Catalogne, s’adaptant ma-nifestement à la bourgeoisie et à lapetite-bourgeoisie catalanes. En�n,elle fusionne avec le parti commu-niste de Catalogne (l’un des nom-breux groupes issus de la division

chronique du PCE) pour former le« Bloc ouvrier et paysan » en 1931.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

Page 10: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 9

PARTIE II : 1933-1936

Les problèmes de construction del’Opposition de Gauche en Espagne

La chute de la monarchie et l’ir-ruption des masses sur la scène poli-tique marquent selon Trotsky le dé-but de la révolution espagnole : ellene peut se �nir qu’avec le conquêtedu pouvoir par le prolétariat oul’écrasement des ouvriers sous lesbottes du fascisme. Or, la politiquedu PSOE et de l’UGT réformiste,ainsi que celle de la CNT dirigée parla FAI rendent la mobilisation desouvriers impuissante, soit en la ca-nalisant dans le cadre du système,soit en la laissant exploser dansdes actions dispersées aussi specta-culaires qu’ine�caces. La politiquedu petit PCE stalinien, dans sa pé-riode ultragauche, n’est pas moinsune impasse. Sans parti révolution-naire, le prolétariat espagnol risqued’être conduit à la catastrophe. C’estpourquoi la construction d’une sec-tion espagnole de l’Opposition deGauche apparaît à Trotsky et l’en-semble de l’Opposition de GaucheInternationale comme une prioritéde leur activité au début des années30.

L’opposition de gauche espa-gnole (OGE) est fondée par desmilitants en exil en Belgique etau Luxembourg en février 1930.Andres Nin, ancien secrétaire del’Internationale Syndicale Rouge,proche de Trotsky, arrive à Barce-lone en septembre 1930. L’OGE estimmédiatement victime de la ré-pression policière. Mais son prin-cipal problème, c’est de �xer uneorientation politique et d’élabo-rer des tactiques de constructionadaptées. Sur plusieurs points clés,des désaccords apparaissent entreTrotsky et les dirigeants de l’OGE,à commencer par Nin.

Est-il nécessaire de se

constituer en fractionpolitique?

Sur la base de l’expérience dela vague révolutionnaire d’après-guerre (révolution russe, révolu-tion allemande, etc), Trotsky penseque les masses ne se tourne-ront pas immédiatement vers lecommunisme, mais plutôt d’abordvers « le parti du radicalismepetit-bourgeois, c’est-à-dire en pre-mier lieu le parti socialiste, sur-tout son aile gauche, dans l’espritpar exemple, des Indépendants al-lemands au cours de la révolutionde 1918-19 » (« Les tâches descommunistes en Espagne », 25 mai1930). Cela n’ôte bien sûr rien àla nécessité d’avancer tout de suitedans la construction d’une organi-sation. Pour Trotsky, l’Oppositionde Gauche doit se constituer enfraction politique, disposant d’unjournal, d’une revue théorique etd’un bulletin intérieur, incarnantdans sa politique le drapeau ducommunisme. Nin tergiverse : il ob-jecte que les oppositionnels espa-gnols sont peu nombreux, qu’il leurfaut avant tout se lier aux masseset qu’il faudrait peut-être dans unpremier temps travailler dans uneorganisation plus large, comme lafédération catalano-baléare du PC,dirigée par son vieil ami Maurin.Trotsky rétorque que la constitu-tion comme fraction politique estau contraire « la condition né-cessaire et urgente de l’entrée deses militants dans d’autres organi-sations », partis et syndicats (Lettreà Nin du 31 janvier 1931). MaisNin soutient que, les ouvriers es-pagnols étant très arriérés, il fautd’abord les convaincre du com-munisme en général. Trotsky s’in-

digne : le « communisme en gé-néral » est une abstraction ; il fauttout de suite expliquer aux ouvriersles positions spéci�ques de l’Oppo-sition de Gauche, les di�érences es-sentielles avec la politique de la di-rection de l’IC tenue par la bureau-cratie soviétique et les raisons pourlesquelles les trotskystes sont pourl’uni�cation des di�érents groupescommunistes espagnols en un seulparti, où le droit de tendance et defraction serait reconnu et appliqué.

Faut-il lutter pour leredressement du PCE?

En e�et, jusqu’en 1933, lestrotskystes constituent une Oppo-sition de Gauche au sein de l’IC,qu’ils visent à redresser, même s’ilsont été déjà exclus des PC dansla plupart des pays. Mais la situa-tion particulière en Espagne pousseles dirigeants de l’OGE à ne pasvouloir appliquer cette orientation.En e�et, le PCE compte environ800 militants en 1931, éclatés ende multiples groupes et n’a guèred’in�uence dans le mouvement ou-vrier. Mener une politique d’op-position à la direction de ce partisemble aux trotskystes espagnolsune perte de temps. Trotsky com-bat en vain cette vision caractéri-sée par son étroitesse nationale etson manque de vue à moyen terme.D’une part, même s’il est encorefaible, le PCE est potentiellementune grande force en raison de sonappartenance à l’IC : il jouit duprestige de la révolution d’Octobreauprès des ouvriers et du soutienmatériel d’un État. D’autre part, sil’orientation stalinienne de ce partin’est pas combattue et vaincue po-litiquement, elle risque de se ren-

Page 11: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 10

forcer sous la pression de la situa-tion et de constituer à une étapeultérieure un obstacle sérieux à laconstruction d’un parti révolution-naire. En�n, la faiblesse des stali-niens en Espagne o�re aux trots-kystes une occasion unique de fairela preuve vivante de la faillite depolitique stalinienne et de gagnerun bastion pour redresser l’IC.

Quels rapports établir avecl’organisation stalinienne de

Maurin?

L’OGE, qui se donne le nomde Gauche Communiste Espagnole(ICE), s’oriente vers la constitu-tion d’une organisation autonome,tout en lorgnant vers la fédérationcatalano-baléare du PCE, puis leBloc Ouvrier et Paysan (BOP). C’estlà un nouveau sujet de désaccords.Nin tend à minimiser les diver-gences politiques avec l’organisa-

tion de Maurin. À l’opposé, Trotskysouligne le confusionnisme de cedernier sur des points cruciaux.Maurin refuse de prendre positionsur l’URSS et d’attribuer à la di-rection stalinienne la responsabi-lité des défaites subies en Chine,en Angleterre et ailleurs. D’ailleurssa théorie de la révolution pourl’Espagne n’est pas sans rappelercelle de l’IC stalinisée pour lespays dominés. Selon lui, en raisondes particularités de l’Espagne, larévolution sera économique, poli-tique, religieuse et « nationale » :il rejette donc la perspective dela « dictature du prolétariat » etlui oppose une « révolution dé-mocratique ». Par conséquent, ilattribue un rôle révolutionnaire àla petite-bourgeoisie républicaine.En�n, il repousse la perspective dessoviets, inadaptés selon lui à l’Es-pagne, où les syndicats pourraient

les remplacer, car ils organisentune grande partie des travailleurs.Nin compte sur la critique frater-nelle pour faire évoluer son vieilami Maurin. Trotsky répond quel’on peut tout à fait être frater-nel, mais qu’il faut a�cher la poli-tique de l’Opposition de Gauche, nepas la laisser confondre avec cellede Maurin et critiquer clairementtoutes les confusions et les oscil-lations de ce dernier. Les illusionsde Nin se heurtent au refus bru-tal du Bloc de les admettre en sonsein. Malgré tout, la ICE progressesigni�cativement et compte 1000militants en mars 1932 (3e confé-rence). Cependant, selon Trotsky,cela s’explique entièrement par lasituation révolutionnaire et nonpar la politique de la direction.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE II : 1933-1936

La République réactionnaire (1933-1936)Le tournant de l’année 1933 est

à la fois le produit des développe-ments internationaux et espagnols.Comme conséquence du refus obs-tiné par la direction de l’IC d’unepolitique de Front Unique Ouvriercontre le fascisme, Hitler arriveau pouvoir sans combat en janvier1933 et écrase bientôt tout le mou-vement ouvrier. En Espagne, l’im-passe du gouvernement républi-cain tend à accroître la polarisationentre les classes. Des groupes fas-cistes commencent à se constituer,comme la Phalange et la JONS. Àl’opposé, notamment à l’initiativede la ICE, une Alliance ouvrièreest constituée en Catalogne, cadrede front unique ouvrier, regrou-pant le BOP de Maurin, l’UGT, lePSOE, les syndicats d’Opposition,l’Union des Rabassaires et l’ICE.

Si elle peut constituer un modèle,elle reste largement impuissante enCatalogne en raison du refus dela CNT, principale organisation dela province, d’y participer. La coa-lition entre républicains et socia-listes �nit par voler en éclat. Le pré-sident, Alcala Zamora, dissout lesCortes. Des élections sont convo-quées pour novembre 1933.

Les élections de novembre1933 et l’o�ensive

réactionnaire

Comme l’avait prévu Trotsky,les JS, le PSOE et l’UGT ont beau-coup grossi et sont donc la caissede résonance des contradictions so-ciales et politiques. Face à la mai-greur des résultats obtenus par laparticipation et au caractère anti-ouvrier du gouvernement de coa-

lition, un courant de gauche seforme dans le PSOE, les JS et l’UGTcontre l’alliance avec les bour-geois républicains. De façon sur-prenante, c’est Largo Caballero, levieux réformiste collaborateur, quien prend la tête. Selon Nin, Ca-ballero tient pendant la campagneélectorale que le PSOE mène sousson propre drapeau « un langagepurement communiste, allant mêmejusqu’à préconiser la dictature duprolétariat ». La CNT, quant à elle,répond à la déception des massespar la politique impuissante d’unegrande campagne de boycottage,où elle oppose la voie révolution-naire à la voie parlementaire et dé-nonce sans relâche les partis poli-tiques incapables et traîtres. Ce dis-cours trouve un grand écho parmiles ouvriers �oués et réprimés par

Page 12: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 11

ce gouvernement qu’ils avaient cruun instant être le leur. L’absten-tion est massive, atteignant 32% enmoyenne, avec des pointes à 40%ou 45% dans les bastions de la CNT(Barcelone, Séville, l’Aragon, etc).La droite remporte les élections etle PSOE est laminé, car la loi élec-torale favorise les grandes coali-tions. Complément inévitable de sapolitique de boycottage stérile, laCNT déclenche à contretemps unenon moins impuissante insurrec-tion armée en Aragon et dans laRioja contre l’arrivée au pouvoir dela fraction la plus réactionnaire dela bourgeoisie, qui est rapidementécrasée par l’armée.

Pour la bourgeoisie de droitevictorieuse, les élections ne sontque la première étape d’une contre-attaque visant à « sauver l’Es-pagne », c’est-à-dire restaurer unordre bourgeois stable et le pouvoirde l’Église, en allant si nécessairejusqu’au coup d’État et à l’écrase-ment total du mouvement ouvrier,comme en Allemagne. Le premierparti aux Cortes est la Confédéra-tion Espagnole des Droites Auto-nomes (CEDA) de Gil Robles, ins-piré par la hiérarchie de l’Eglise.Et même si le nouveau gouverne-ment dirigé par Lerroux ne com-prend pas de représentants de ladroite, il applique déjà une po-litique de réaction : subventionsmassives à l’Eglise, rationnementdes écoles publiques, recrutementen masse dans la police, remise encause de l’autonomie de la Cata-logne, amnisties des militaires put-schistes, soutien du pouvoir aux ac-tions des groupes fascistes contreles locaux et la presse des organisa-tions ouvrières, etc. Face à cette of-fensive réactionnaire, les ouvriersressentent le besoin d’unir leursrangs. L’agitation de l’OGE pour lefront unique trouve un écho im-portant. Caballero se prononce enfaveur de l’extension des alliancesouvrières sur le modèle de la Cata-logne, ce qui est fait à Madrid grâce

au poids de l’UGT. Si la directionnationale de la CNT s’y refuse tou-jours avec des arguments peu dif-férents de ceux des staliniens pen-dant la période « ultra-gauche » del’IC, la CNT des Asturies s’y ral-lie. Dans cette dernière province,la CNT et l’UGT signent un pactedont la base est « l’acceptation de ladémocratie ouvrière révolutionnaire,c’est-à-dire la volonté de la majoritédu prolétariat, en tant que dénomi-nateur commun et facteur décisif dunouvel ordre de choses ».

L’ICE face au tournant de lasituation politique

Comme en toute période decrise intense de la société capita-liste, la situation politique mon-diale et espagnole évolue de façonbrusque. Trotsky en tire rapide-ment des conclusions sur l’orienta-tion et la tactique de construction.Suite à l’arrivée d’Hitler au pouvoiret à l’absence de réaction au sein del’IC devant la trahison du PC alle-mand, il conclut que l’IC est passéedé�nitivement du côté de l’ordrebourgeois, c’est-à-dire est devenueirredressable. C’est pourquoi l’Op-position de Gauche devient Mou-vement pour la IVe Internationale.Mais les événements tragiquesd’Allemagne provoquent aussi unmouvement dans les masses elles-mêmes. Des courants de gauchesigni�catifs apparaissent dans tousles partis sociaux-démocrates, enparticulier dans leurs organisa-tions de jeunesse, comme en Au-triche, en France, en Espagne. Cetteévolution atteint même les chefssociaux-démocrates qui tendentà gauchir leur politique, car ilscomprennent qu’à défaut de lut-ter contre le fascisme, ils risquenteux-mêmes d’être éliminés par cedernier. Réciproquement, l’avant-garde autrefois attirée par lesPC, tend à s’en détourner. En�n,dans les masses, l’aspiration auFront Unique grandit. C’est pour-quoi Trotsky préconise aux petits

groupes de propagande que sont lessections d’Opposition de Gauched’entrer avec leur programme etleurs idées dans les partis sociaux-démocrates pour se lier au courantde gauche, qu’il juge « centristes »,les féconder et les gagner au trots-kysme.

En Espagne, ce phénomène estparticulièrement vif. La directiondes JS développe spontanément despositions vers une IVe Internatio-nale : « Je crois que la Iie etla IIIe Internationale sont virtuelle-mentmortes ; il est mort le socialismeréformiste, démocratique et parle-mentaire qu’incarnait la IIe Interna-tionale ; il est mort aussi ce socia-lisme révolutionnaire de la IIIe In-ternationale qui recevait de Mos-cou ses ordres et tournants pour lemonde entier. Je suis convaincu quedoit naître une IVe Internationalequi fonde les deux premières, pre-nant à l’une la tactique révolution-naire, à l’autre le principe de l’au-tonomie nationale » (L. Araquis-tain). L’organe des JS de Madrid,Renovacion, quali�e les trotskystescomme « les meilleurs théoriciens etles meilleurs révolutionnaires d’Es-pagne » et leur demande d’entreraux JS et au PSOE. La direction del’IGE refuse sous prétexte que celaéquivaudrait à une capitulation de-vant la social-démocratie. Trotskyrépond que les organisations duMouvement pour la IVe Internatio-nale sont trop faibles pour jouer unrôle indépendant dans les événe-ments et que l’on ne renonce donc àrien à condition de continuer à dé-fendre clairement sa politique. Toutau contraire, c’est une façon d’en-trer en contact étroit avec des di-zaines de milliers d’ouvriers évo-luant vers la gauche. Et c’est laseule façon d’empêcher que les sta-liniens ne parviennent à mettre lamain sur ce courant évoluant àgauche.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

Page 13: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 12

PARTIE II : 1933-1936

L’Octobre asturienLa crise éclate quand, à l’au-

tomne 1934, la CEDA, premier partiau Cortès, exige la majorité dans legouvernement. Le PSOE, sous l’in-�uence de Caballero, décide de ré-sister. L’UGT appelle à la grève gé-nérale contre le gouvernement dela CEDA. Contrairement à ce quepensaient les doctrinaires, l’évolu-tion du PSOE et l’UGT n’était passeulement verbale. A l’opposé, laCNT reste passive. Mais la manièredont le PSOE conduit cette grèvegénérale montre également aux op-timistes béats que les chefs de lagauche social-démocrate ne sontpas pour autant devenus des révo-lutionnaires.

À Barcelone, malgré la non par-ticipation de la CNT, la grève gé-nérale est au début assez bien sui-vie. Mais les chefs du BOP et del’ICE estiment qu’ils ne peuventrien sans la CNT. Ils cherchentdonc vite un « compromis » illu-soire et la grève s’e�loche. À Ma-drid le PSOE, l’UGT et la JS, forcesdominantes, appellent à une grèvegénérale, qui est massivement sui-vie. Mais ils veulent s’en tenir à unedémonstration paci�que. Lorsquele gouvernement s’en rend compte,il passe à la répression. Ce n’estqu’aux Asturies, où le Front UniqueOuvrier a été réalisée que la grèvegénérale est complète et se trans-forme en une insurrection révolu-tionnaire armée : les ouvriers duPSOE, de l’UGT, de la CNT, del’ICE, constituent des milices, at-taquent par surprise la police, oc-cupent les principales villes et lesvillages, prennent possession desprincipaux édi�ces, con�squent lesentreprises, rationnent les vivreset les matières premières. Il faudradeux semaines à l’armée pour ve-nir à bout de l’insurrection. La ré-pression est terrible : on compte

3000 morts, 7000 blessés, 40 000emprisonnés. Le gouvernement sedéchaîne non seulement contre lesorganisations ouvrières, mais aussicontre la bourgeoisie républicaineet autonomiste : Companys, Azañaet d’autres �gures de ce type sontarrêtés et emprisonnés.

Pour Trotsky, ces événementscon�rment tout autant les im-menses ressources révolution-naires du prolétariat espagnol quela tragique absence d’un parti révo-lutionnaire. Il est amer du refus deses sympathisants d’entrer dans lesorganisations social-démocrates,ce qui leur a laissé une place mar-ginale dans l’insurrection des As-turies, l’ultime répétition avant lesévénements décisifs.

Le Front Populaireantifasciste : les stalinienspour la défense de l’ordre

bourgeois

Même les appareils les plus en-durcis ne peuvent échapper à lapression de la lutte des classes.Les chefs staliniens sont e�rayéspar les résultats de leur proprepolitique « ultra-gauche » : d’uncôté, les progrès rapides du fas-cisme menacent en dernière ana-lyse le pouvoir de la bureaucra-tie, car il ne fait guère de doutequ’Hitler entend liquider l’URSS ;de l’autre, les partis communistessont en perte de vitesse dans lesprincipaux pays impérialistes. Labureaucratie opère donc un tour-nant à 180° dicté par ses propres in-térêts : la veille, elle traitait encoreles sociaux-démocrates de « so-ciaux fascistes » ; désormais, pourse protéger d’une agression mi-litaire nazie, elle s’en remet auxbourgeoisies « démocratiques »(notamment la France et l’Angle-terre), auxquelles elle propose une

alliance contre les régimes fas-cistes. C’est l’orientation du FrontPopulaire antifasciste : les PC dé-fendent l’unité de tous ceux quisont formellement opposés aux fas-cistes, c’est-à-dire aussi bien lessocialistes que les républicains degauche et de droite. Or, commeles républicains ne sauraient ac-cepter un programme communiste,l’unité ne peut se faire que sur leprogramme des républicains bour-geois. Le Front Populaire, malgréson titre séducteur d’ « antifas-ciste », signi�e donc en réalité lasoumission des partis ouvriers à unprogramme bourgeois. Or, une tellepolitique ne peut qu’être impuis-sante à combattre le fascisme, carcelui-ci est l’ultime ressource de labourgeoisie face à la menace de larévolution prolétarienne.

Mais cette politique trouve unécho dans les masses parce qu’ellerépond à leur aspiration à l’unité.En Espagne, le PCE pro�te duprestige d’Octobre 1917 et de cetournant pour gagner à lui lesdirigeants des JS, Santiago Car-rillo et Federico Melchor, considé-rés �n 1934 comme des sympa-thisants trotskystes, qui reviennentde leur voyage à Moscou en 1935convertis au stalinisme. Finalementles JS fusionnent avec la minusculeJC pour former les Jeunesses Socia-listes Uni�ées (JSU) sous directionstalinienne en avril 1936. De même,en Catalogne, le PCE fusionne avecle PSOE pour donner naissance auParti Socialiste Uni�é de Catalogne(PSUC), qui adhère à la IIIe Interna-tionale.

Le BOC et l’ICE fondent lePOUM

La politique de Nin à la tête del’ICE, se concentre sur une collabo-

Page 14: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 13

ration étroite avec le BOP. Ils fu-sionnent clandestinement en sep-tembre 1935 donnant naissance auParti Ouvrier d’Uni�cation Mar-xiste (POUM). Les militants del’ICE sont une minorité du POUMen Catalogne, mais la majorité endehors de la Catalogne. Nin justi-�e ce choix par ce qu’il juge êtredes pas à gauche du BOP : Mau-rin s’éloigne du nationalisme petit-bourgeois catalan, défend la poli-tique de front unique des Alliancesouvrières, critique la théorie stali-nienne du Front Populaire et re-voit sa théorie de la révolution, par-lant désormais d’ « une révolutiondémocratique-socialiste » selon la-quelle les tâches démocratiques etsocialistes sont inséparables. Ninavance aussi le fait que les militantsdu BOP sont en majorité des ou-vriers.

Mais la stratégie et le pro-gramme du POUM sont confus.Trotsky s’interroge : « on nousparle seulement de « l’unité révo-lutionnaire sur de nouvelles bases ».Mais nous sommes intéressés à sa-

voir quelles sont ces « nouvellesbases ». Celle du SAP ou celle dumarxisme révolutionnaire et de laIVe Internationale ? » (lettre auRSAP, 18 octobre 1935). Certes, Ninprétend avoir gagné la majorité duPOUM à la IVe Internationale àun détail près : le numéro. Unepaille ! En réalité, la direction duPOUM dominée par le BOP décided’adhérer non à la IVe Internatio-nale mais au « Bureau de Londres »ou Internationale II1/2, un maraisentre les sociaux-démocrates et lesstaliniens qui regroupe diversesorganisations centristes, commel’ILP (Parti Travailliste Indépen-dant d’Angleterre), le SAP (PartiSocialiste Ouvrier d’Allemagne).Malgré cela, l’ICE ne se consti-tue ni en tendance ni en fraction.Il est frappant de noter que ceuxqui la veille encore refusaient aunom des principes d’entrer dansle PSOE pour y faire un travail defraction, se dissolvent dans une pe-tite organisation centriste. Trotskyn’est pas seulement sceptique surle choix tactique de se dissoudre

dans le POUM, mais inquiet de laconfusion politique de ses cama-rades.

Selon ses fondateurs, le POUMest supposé uni�er les noyaux ré-volutionnaires présents dans lesdi�érentes organisations ouvrières.Mais c’est une illusion : très petitavec ses 8000 militants et n’ayantde poids qu’en Catalogne, le POUMne peut guère attirer à lui des mi-litants ouvriers d’organisations quien regroupent des centaines de mil-liers, voire des millions. En outre,sa politique de prétendue réuni�ca-tion syndicale l’isole encore un peuplus des masses groupées dans laCNT et l’UGT : il anime une Fédé-ration Ouvrière d’Unité Syndicale(FOUS), composée de syndicats ex-clus de la CNT parce que dirigéspar des marxistes, qui existe à côtéde la CNT et de l’UGT, regroupant70 000 ouvriers, contre 1,2 million àla CNT et des centaines de milliersà l’UGT.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE II : 1933-1936

Du Front Populaire au pronunciamientoL’écrasement de l’Octobre as-

turien n’a pas su� à la droitequi veut mener jusqu’à son termesa politique de réaction. Elle pro-�te de son passage au gouverne-ment pour placer tous les générauxputschistes aux postes clés commeSanjurjo, Franco, etc. Elle ne cessede menacer la République parle-mentaire. Les Cortès deviennentingouvernables. Le président de laRépublique, Alcala Zamora, est denouveau conduit à les dissoudre.

Les staliniens espagnolsmènent alors une bataille farouchepour la mise en place d’une allianceentre les organisations ouvrièreset les partis bourgeois de gauche.

L’aile droite et le centre du PSOEse prononcent dans le même sens,en faisant valoir les conséquencestragiques de la défaite électorale de1933 quand le PSOE était allé seulaux élections. Caballero s’oppose àcette alliance, mais en vain.

C’est un programmeclairement et ouvertement« démocratique-bourgeois » quiconstitue la base de cet accord. Ilse résume à un retour à la politiquedes premières années de la Répu-blique, dont on sait qu’elle avaitété anti-ouvrière et avait conduit àl’exacerbation des a�rontementssociaux qu’elle ne pouvait pluscontenir. Mais elle lève le drapeau

de l’amnistie pour tous les réprimésd’Octobre 1934. L’accord est signéle 15 janvier 1936 par les deux par-tis républicains de gauche, le PSOE,le PC, l’UGT, la JS, le parti syndica-liste de Pestana. . .et le POUM avecl’aval des anciens trotskystes de laICE !

Page 15: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 14

La signature du POUM : unetrahison de la révolution

Trotsky condamne la signaturepar le POUM du programme deFront populaire comme une trahi-son de la révolution. Nin répliqueque, si le POUM n’avait pas signéce programme, il aurait été complè-tement isolé et aurait perdu toutein�uence sur les ouvriers, car il yavait parmi eux une forte aspira-tion à l’unité. Il met aussi en avantl’importance d’obtenir la libérationdes prisonniers d’Octobre 1934. Ilvante en outre le Front Populairecomme un moyen chasser la droite.En�n, il prétend que le POUM auraainsi une tribune pour dénoncer leFront Populaire. Que valent ces ar-guments?

Il ne fait pas de doute que re-fuser de participer au Front Popu-laire, c’était aller contre le courant.Il est probable que cela aurait puréduire temporairement l’audiencedu POUM. Mais les révolution-naires ne doivent pas prendre leursdécisions à courte vue et céder àla pression dominante à un mo-ment donné. Signer un programmecommun avec la bourgeoisie, c’estdonner sa caution à la subordina-tion du prolétariat à la bourgeoi-sie et cela peut seulement conduireà son étranglement. Bien sûr, lalibération des prisonniers est unebonne chose en elle-même, maiselle renforce bien moins le pro-létariat espagnol que la politiquedu Front Populaire ne l’a�aiblit :

si elle permet la libération de di-zaines de milliers de travailleurs,elle intoxique des millions d’ou-vriers en leur faisant croire qu’ilspourraient défendre leurs intérêtsen s’alliant avec une « fractiondémocratique ou progressiste » dela bourgeoisie. La distinction entredroite et gauche n’est pas une dis-tinction de classe : pour les mar-xistes, il ne s’agit pas d’obtenir le« moindre mal » dans l’immédiat,mais de préparer les ouvriers à fairela révolution. Et on ne peut pas lefaire en les mettant à la remorquede la bourgeoisie, mais seulementen développant leur conscience dela contradiction irréductible entreleurs intérêts et ceux de leurs ex-ploiteurs ainsi que la con�anceen leurs propres forces. En�n, lesmasses ne retiendront évidemmentque la participation du POUM auFront Populaire et non les phrasesqu’un de ses orateurs pourra pro-noncer dans un meeting. C’est larupture dé�nitive entre l’ICE et leMouvement pour la IVe Internatio-nale.

La CNT ne signe pas le pacte,mais cède aux mêmes sirènes quele POUM. Elle renonce à sa tradi-tionnelle campagne de boycottage.Et les partisans de la CNT vont vo-ter pour les républicains et les so-cialistes.

Le gouvernement de FrontPopulaire face à la

préparation du coup d’État

Le Front Populaire l’emporte,de justesse. Un gouvernementpurement républicain, dirigé parAzaña, est constitué avec un sou-tien parlementaire du PSOE et duPCE. Il applique à la lettre le pro-gramme du Front Populaire : illibère et amnistie les prisonniersde 1934, libère et rétablit Compa-nys, le dirigeant catalan à son postede chef de la Generalitat, redonnel’autonomie à la Catalogne et auPays Basque, etc.

Mais ce succès électoral nerègle rien : l’attelage des bour-geois de gauche et des réformistesau sommet de l’État ne peut pasrésoudre les contradictions crois-santes entre les classes socialesréelles. La victoire du Front Popu-laire relance la mobilisation des ou-vriers industriels et agricoles, ainsique celle des petits paysans : ma-nifestations de masse, grèves o�en-sives, occupations de terre et af-frontements avec les groupes fas-cistes se multiplient.

La bourgeoisie, constatant queles républicains et les socialistessont incapables de contenir le tor-rent révolutionnaire, se met à pré-parer activement et minutieuse-ment le coup d’État. Le gouverne-ment, averti des préparatifs de pro-nunciamiento, se borne à déplacerles généraux d’un commandementà un autre. Et il va jusqu’à démen-tir comme des rumeurs infondéesles articles de presse parlant d’uncoup d’Etat en préparation. En ef-fet, le gouvernement de FP ne peutpas lutter contre le putsch, car c’estun gouvernement bourgeois. Or, laseule façon de lutter contre le coupd’Etat, c’est d’armer les ouvriers.Mais armer les ouvriers, c’est leurouvrir les portes du pouvoir, c’estdonc travailler pour le renverse-ment de la bourgeoisie. Pour ungouvernement bourgeois, le choixest clair : plutôt la dictature fascisteque la révolution prolétarienne.

Face au péril fasciste, la solu-tion de la droite du PSOE, c’estd’appeler les travailleurs à être« raisonnables » pour ne pas « pro-voquer » les militaires, bref à ne pastoucher à l’ordre bourgeois pourque le capital ait la bonté de ne pasfaire appel à ses agents fascistes. LePCE va plus loin encore expliquantque « les patrons provoquent et at-tisent les grèves» et dénonce l’inter-vention « d’agents provocateurs ».La politique des staliniens et desréformistes est, comme on pouvait

Page 16: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 15

s’y attendre, une politique de trahi-son complète des intérêts de la ré-volution.

Malheureusement pour le pro-létariat espagnol, les chefs de l’ailegauche du PSOE ou ceux de la CNT,s’ils renâclent face à une telle po-litique, n’ont pas de stratégie al-ternative. Au lieu de se préparerà l’a�rontement décisif, les uns etles autres se bercent de phrases ré-volutionnaires. Ainsi Largo Cabal-lero, qui s’imagine être le Lénineespagnol, déclare : « La révolution

que nous voulons ne peut se faire quepar la violence. . . Pour établir le so-cialisme en Espagne, il faut triom-pher de la classe capitaliste et établirnotre pouvoir ». Le Congrès de laCNT de mai 1936 discute avec pas-sion de la prochaine mise en pra-tique du communisme libertaire :les anarcho-bolchéviks y sont bat-tus.

Le mouvement gréviste prendde l’ampleur. Les heurts se multi-plient entre CNT et UGT. Le gou-vernement réprime la CNT. La Pha-

lange intervient de plus en plusviolemment contre les ouvriers. Ily a des morts de part et d’autre.C’est l’assassinat de Calvo Sotelo,l’un des leaders de l’extrême droite,en représailles à un assassinat demilitant ouvrier, qui fournit le pré-texte du putsch, dirigé par les géné-raux Franco et Sanjurjo (qui meurtdès le premier jour dans un mysté-rieux accident d’avion).

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE II : 1933-1936

Soulèvement révolutionnaire contre lepronunciamiento

L’héroïsme des ouvriers faitéchouer le

pronunciamientoL’héroïsmedes ouvriers fait échouer le

pronunciamiento

Si les chefs républicains sontparalysés face au coup d’Etat parleur position de classe, les diri-geants ouvriers sont fondamenta-lement perdus par leur soumis-sion au Front Populaire et leurcon�ance relative dans les républi-cains. Le PSOE, la CNT et le POUMexigent des armes pour les tra-vailleurs, mais la plupart du temps,ils ne font guère plus. Si le pronun-ciamiento minutieusement préparéest défait dans les 2/3 de l’Espagne,c’est donc principalement grâce àl’initiative et à l’héroïsme révolu-tionnaires des masses.

Les militaires ont fait preuve debeaucoup d’organisation, de pré-paration et d’audace. À l’opposé,les dirigeants ouvriers ont tropsouvent tendance à prendre pourargent comptant les déclarationsloyalistes des militaires républi-cains, attendent et tergiversent,

pour �nalement se retrouver sur-pris par l’ennemi. Ils appellentalors à la grève générale, mais il estparfois trop tard.

Le pronunciamiento l’emporteau Maroc, en Navarre, en Gali-cie, en Extremadure, mais aussi àSéville et à Saragosse, deux bas-tions ouvriers, où la CNT domine,et à Oviedo. Le putsch est défaitailleurs. Barcelone o�re l’exemplele plus saisissant. Surpris par lesoulèvement en raison de la naï-veté de leurs chefs, les ouvrierstrès peu et mal armés commencentl’a�rontement dans une positiond’extrême faiblesse. Mais ils ontpour eux l’enthousiasme de ceuxqui luttent pour se libérer de leurschaînes et le souvenir encore fraisd’Octobre 1934. C’est le déferle-ment de la masse qui permet auprix de nombreuses victimes de li-quider le coup d’État.

Dans la marine, c’est l’organi-sation des soldats, qui sont sou-vent des ouvriers, en cellules clan-destines, centralisées de façon se-crète, qui permet de faire échouerle pronunciamiento. Les équipagesse mutinent. C’est un point déci-

sif, car cela retarde l’arrivée en Es-pagne des troupes de Franco baséesau Maroc.

On peut ainsi voir que la guerrecivile est d’abord un problème po-litique avant d’être un problèmetechnique. Dans la société capita-liste, le prolétariat n’est pas faibleparce qu’il ne serait pas en mesurede s’armer, mais seulement dans lamesure où il n’est pas pleinementconscient de ses intérêts de classeet sa direction n’est pas révolution-naire.

Les« comités-gouvernements »

face à l’ombre de l’Étatrépublicain

Le soulèvement ouvrier pourécraser le putsch fait naître par-tout des comités, aux noms di-vers : comités de guerre, de dé-fense, de salut public, comités an-tifascistes, ouvriers, etc. Souventdésignés par les organisations ou-vrières qui groupent la majorité dela classe, parfois élus dans les en-treprises, ils sont à l’échelle localesous la pression permanente des

Page 17: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 16

masses. Leur première fonction aété d’organiser la lutte contre lepronunciamiento. Dès que celui-ciest vaincu, ces comités se mettent àprendre de fait en charge toutes lesfonctions d’un gouvernement. Nonseulement ils assurent le maintiende l’ordre grâce à des milices ou-vrières qui se substituent à la po-lice et à l’armée permanente et lecontrôle des prix, mais ils mettentaussi en oeuvre des mesures de ré-volution sociale comme la sociali-sation ou syndicalisation des en-treprises (les usines passent sousle contrôle de comités ouvriersou des syndicats), l’expropriationde l’Eglise et des grands proprié-taires fonciers (donnant naissancesoit à des exploitations collectivessoit à la distribution des terresaux métayers), la municipalisationdes logements, l’organisation de lapresse, de l’enseignement et de l’as-sistance sociale. En ce sens, lesmasses ont au cours même de lalutte contre le soulèvement édi-�é un nouveau pouvoir, qui est defait le nouvel État dans toutes lesrégions où le pronunciamiento aété vaincu. Si pendant les premiersjours qui suivent la victoire, la po-litique d’épuration contre les an-ciennes classes dominantes tourneparfois aux règlements de comptepersonnels, ces excès dérisoires auregard des sou�rances et des humi-liations vécues pendant des annéessont vite jugulés par les organisa-tions ouvrières elles-mêmes.

Dans la zone où le coup d’Étata échoué, il ne reste pas grandchose de l’État républicain : lesforces de répression, police et ar-mée, soit se sont mutinées et ontété vaincues, soit se sont rangéesdu côté des ouvriers. Les républi-cains bourgeois n’ont pas d’auto-rité sur les masses car ils n’ont rienfait pour arrêter le putsch ; ils n’ontpas non plus de forces de répres-sion qui puissent leur assurer lepouvoir malgré leur manque d’au-torité. Les comités-gouvernementsouvriers font face à « l’ombre de labourgeoisie », selon la saisissanteformule de Trotsky : le gouverne-ment central est dirigé par le répu-blicain Giral ; celui de la Généralitéde Catalogne est dans les mains deCompanys, un nationaliste bour-geois catalan.

Les défaites militaires del’été 36

En face l’État bourgeois fran-quiste est une machine bien hui-lée. Il reçoit le soutien de l’Alle-magne nazie et de l’Italie fascistequi mettent à sa disposition avionset pilotes pour combattre la marinemutinée et faire passer des troupesen Espagne. Quant à la France etl’Angleterre, elles se prononcentpour la « non-intervention » de fa-çon tout à fait hypocrite. L’attitudedu gouvernement de Front Popu-laire français, con�rme sa nature degouvernement bourgeois sous sescouleurs ouvrières : la SFIO et lePCF, qui viennent de trahir la grèvegénérale de juin 36, choisissent defait d’aider en Franco en s’en te-nant à la non-intervention, car cha-cun sait que Hitler et Mussolini in-terviennent aux côtés de Franco.L’URSS se rallie à cette politique detrahison jusqu’en septembre1936.Sous un commandement centra-lisé, les troupes bien entraînéesde Franco ne font souvent qu’unebouchée des milices ouvrières sansformation. L’absence de centrali-sation des comités-gouvernementsouvriers les laissent totalement dis-persées et impuissantes : il est im-possible de concentrer des troupes,les renforts n’arrivent jamais àtemps, les munitions manquentaux moments décisifs, etc.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

Page 18: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 17

PARTIE II : 1933-1936

Les organisations ouvrières face auproblème du pouvoir

Les staliniens : gagner laguerre d’abord, faire larévolution plus tard

Le PCE (qui compte 30 000adhérents en juillet 1936 et en ma-jorité des petits paysans et des pe-tits patrons) explique qu’il n’est pastemps de lutter pour le pouvoir desouvriers et le socialisme, mais qu’ilfaut d’abord vaincre Franco et sestroupes. Bref, il exige la poursuitedu Front Populaire. Or, la condi-tion de cette alliance avec les ré-publicains, c’est-à-dire l’ombre dela bourgeoisie, c’est de renoncerà toute mesure qui porte atteinteà la propriété privée des moyensde production : il faut « évi-ter les outrances révolutionnaires »,se contenter d’une « républiquedémocratique avec un contenu so-cial étendu » et assurer la « dé-fense de l’ordre républicain dans lerespect de la propriété ». Les dé-faites militaires de l’été 36 ajoute-ront à l’argumentaire qu’une telleattitude est nécessaire pour rece-voir l’aide de la bourgeoisie fran-çaise et anglaise. C’est la théo-rie de la lutte entre la démocra-tie et le fascisme, substituée à lalutte entre la révolution proléta-rienne et la contre-révolution bour-geoise. La démocratie et le fascismesont deux formes de dominationde la bourgeoisie. Certes, elles sontcontradictoires : dans le premiercas, la bourgeoisie s’appuie surles chefs réformistes pour dominerle prolétariat ; dans le second cas,la bourgeoisie écrase les organisa-tions ouvrières même réformistespour maintenir son pouvoir. Maiscette contradiction n’est que rela-tive : pour la bourgeoisie, il vaut

toujours mieux la dictature fascisteque la révolution prolétarienne.Bref, derrière le discours antifas-ciste des staliniens, il y a le FrontPopulaire, c’est-à-dire la subordi-nation du prolétariat à la bourgeoi-sie. En e�et, la bureaucratie sovié-tique craint comme la peste unepossible victoire de la révolutionprolétarienne en Espagne. Il ris-querait de provoquer une conta-gion révolutionnaire dans la classeouvrière des autres pays, mettanten cause sa propre domination enURSS. Cependant, ce ne sont pasces courants qui dirigent l’essentieldu mouvement ouvrier en Espagne,mais la FAI qui domine la CNT et lecourant de Caballero l’UGT. Quelleva être leur attitude?

L’impuissance desanarchistes faute d’unestratégie révolutionnaire

claire

La CNT est en partie divisée.Garcia Oliver, l’un des chefs de�le des « anarcho-bolchéviks » ausein de la CNT propose au ple-num régional de la CNT de Cata-logne, province où la CNT est hégé-monique, de prendre le pouvoir etd’instaurer le communisme liber-taire. Il est mis en minorité. Au lieud’engager une lutte politique pourfaire changer la CNT de position,il s’aligne sur la position majori-taire, consistant à accepter le main-tien de la Généralité, l’État catalanautonome. Si le pouvoir de Com-panys n’est que formel à ce stade,il est pour la bourgeoisie une baseprécieuse en vue de reconstruirel’État bourgeois quand le rapportde forces aura été modi�é. Le pou-voir réel est pour le moment entre

les mains du Comité Central desmilices antifascistes de Catalogne.Cependant, bien que les organisa-tions ouvrières y soient de fait hé-gémoniques, cette structure intègre�ctivement les organisations bour-geoises « républicaines » : en cesens, elle est encore une expressionde la politique du Front Populaire.

Lorsque le moment crucial seprésente, les anarchistes sont ré-duits à l’impuissance par l’ab-sence d’une stratégie révolution-naire claire. En théorie, ils refusentl’idée d’une prise de pouvoir par leprolétariat, car ils sont par principehostiles à l’État. Selon leur pointde vue démocratique vulgaire, ungouvernement, ouvrier ou pas, nepeut que reproduire l’oppressioncomme tout État. La réalité faitvoler en éclat cette prétention àéviter le problème de l’État. Pourvaincre l’Etat bourgeois, qui conti-nue à exister sous la forme du pou-voir des armées de Franco, il fautbien une organisation centralisée,bref un autre État. La question n’estdonc pas de savoir si on a ou nonenvie qu’il se forme un État ou passur les zones où le pronunciamientoa été vaincu, car il s’en formera unde toutes façons. La question est desavoir de quelle classe sociale cetEtat servira les intérêts. La CNT,sous prétexte d’hostilité à l’Etat engénéral et par �délité à son prin-cipe d’autonomie, refuse de centra-liser les comités de gouvernementsexistants : elle refuse de parache-ver l’Etat que les masses ont missur pied dans la lutte contre le coupd’Etat fasciste.

Mais les défaites de l’été fontprendre conscience à tout le mondequ’il y a besoin de centralisationpour lutter e�cacement contre les

Page 19: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Deuxième partie : 1933-1936 18

troupes de Franco. C’est ce qui sertà justi�er la reconstitution de l’Etatbourgeois et la soumission progres-sive des organes issus du soulève-ment révolutionnaire à l’Etat bour-geois et leur intégration progres-sive à l’État, donc leur liquidationcomme embryon du pouvoir prolé-tarien. Les dirigeants de la CNT selaissent convaincre par l’argumen-tation que, pour gagner la guerre,il faut à la fois un État centralisé etdes armes et que ces armes, on nepeut les obtenir que de la France,de l’Angleterre, etc. Tout en conti-nuant d’exalter l’auto-organisationdes ouvriers, la CNT se rallie doncau « gagner la guerre d’abord, fairela révolution ensuite », c’est-à-direà la logique de Front Populaire,dont les inventeurs et les plus zé-lés propagateurs sont les staliniens,mais dont la CNT constitue sim-plement l’aile gauche. Bref, ils fontde fait dépendre le sort de la ré-volution espagnole de la bonne vo-lonté de la bourgeoisie « démocra-tique ».

Caballero, clé de voûte dunouveau gouvernement de

Front Populaire

Dans un premier temps, Cabal-lero, qui jouit d’un grand prestigeparmi les ouvriers, semble prendrele contre-pied de ces positions. Ila�rme : « la guerre et la révolutionsont une seule et même chose. Ellene s’excluent ni ne se gênent, mais

elles se complètent et se renforcentl’une l’autre. . . Le peuple n’est pasen train de faire la guerre pour l’Es-pagne du 16 juillet sous la domi-nation des castes héréditaires, maispour une Espagne dont on auraitextirpé toutes leurs racines. Le pluspuissant auxiliaire de la guerre, c’estl’extinction économique du fascisme.C’est la révolution à l’arrière, quidonne assurance et inspiration à lavictoire sur le champ de bataille ». Ilexige donc dans un premier tempsun gouvernement de Front Uniqueouvrier. Début septembre, les direc-tions de la CNT et de l’UGT dis-cutent même de la prise du pouvoirpar une junte CNT-UGT.

Mais �nalement, Caballero, selaisse convaincre par les argumentsdes staliniens, de la droite du PSOEet du PCE : il faut gagner la guerred’abord, faire la révolution ensuite.Il accepte donc de constituer ungouvernement de Front Populaire,le 4 septembre. Il repose sur lesmêmes forces que le précédent,mais comprend une majorité de mi-nistres ouvriers, issus du PSOE, del’UGT, du PCE, siégeant avec lesbourgeois républicains et jouit enoutre du soutien de la CNT, qui neparticipe pas formellement au gou-vernement, mais envoie des repré-sentants dans chaque départementministériel. Comment expliquer cerevirement? Caballero n’est pas undirigeant révolutionnaire, mais unvieux réformiste qui, sous la pres-sion des événements, est devenu

centriste. C’est pourquoi il est inca-pable de résister à la pression dansles moments décisifs et notammentau chantage de l’URSS qui prometson aide militaire à condition qu’ungouvernement de Front Populairesoit constitué.

L’attitude du POUM : unenouvelle trahison

Comme Maurin est aux mainsdes franquistes, c’est Nin qui de-vient secrétaire général du POUM.En paroles, Nin soutient des posi-tions comparables à celles de Ca-ballero : « contre le fascisme, il n’y aqu’un moyen e�cace de combattre,la révolution prolétarienne ». MaisNin n’est déjà plus un trotskyste(s’il l’a jamais été), mais est devenuun centriste. En pratique, il ne sebat pas non plus pour la destruc-tion des restes de l’État bourgeoisdans la partie de l’Espagne où leputsch a été vaincu. Pour justi�ersa nouvelle position de trahison, ilprétend, d’une part, que la dicta-ture du prolétariat serait déjà réali-sée en Espagne : curieuse dictaturedu prolétariat avec Giral au gouver-nement à Madrid et Companys àBarcelone ! Il prétend d’autre partqu’il n’y a pas besoin de sovietsen Espagne, car comme les orga-nisations ouvrières organisent unegrande majorité de la classe, celan’est pas nécessaire.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

Page 20: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 19

PARTIE III : 1936-1939

La bourgeoisie liquide lescomités-gouvernements et reconstruit l’Étatbourgeois avec l’aide de la CNT et du POUM

En juillet 1936, l’héroïsme duprolétariat espagnol a permis de dé-faire le putsch militaire dans lesdeux tiers du pays. Dans ce mouve-ment, des comités des travailleurs etde leurs organisations se sont consti-tués qui prennent rapidement encharge toutes les fonctions gouverne-mentales et commencent à accomplirla révolution (constitutions de mi-lices en lieu et place de la police, ex-propriation ou syndica-lisation desentreprises, etc.). Autrement dit, larévolution prolétarienne a presquevaincu dans les deux tiers de l’Es-pagne.

Mais les dirigeants des organi-sations ouvrières, CNT incluse, re-fusent d’organiser ce nouveau pou-voir prolétarien naissant et ap-portent au contraire leur soutienà la bourgeoisie ou, plutôt à sonombre (car l’essentiel des patrons,des grands propriétaires foncierset des militaires sont du côté deFranco), pour maintenir son gouver-nement, dit « répu-blicain », dansla partie du pays où le putsch a étévaincu.

Après les défaites militaires del’été, un nouveau gouvernement deFront Populaire est mis en place aveccomme axe politique : gagner laguerre d’abord, faire la révolutionensuite. Il est présidé par Caballero etsoutenu par toutes les organisationsouvrières, même si début septembre1936 la CNT et le POUM n’y sont pasencore formellement entrés.

L’entrée de la CNT et duPOUM dans le

gouvernement de Catalogneet la dissolution du Comité

Central des milicesantifascistes

Utilisant les pressions du gou-vernement central qui refuse d’ap-porter tout aide sérieuse à la Cata-logne tant qu’y gouvernera de faitle Comité Central des milices an-tifascistes de Catalogne et les re-vers militaires face aux troupes deFranco, Companys, président de laGénéralité (gouvernement) de Ca-talogne, parvient le 26 septembre1936 à terminer de convaincre laCNT d’entrer au gouvernement dela Généralité de Catalogne. La CNTreçoit les ministères de l’Econo-mie, du Ravitaillement et de laSanté, aux côtés des staliniens duPSUC, auxquels reviennent ceuxdu Travail et des Services Pu-blics, tandis que l’Esquerra (for-mation bourgeoise nationaliste ca-talane) tient les Finances, l’Inté-rieur et la Culture. Les premièresmesures de ce nouveau gouverne-ment de front populaire consistentà liquider le double pouvoir : dis-solution du Comité Central desmilices antifascistes de Catalogne,dissolution de tous les comités lo-caux mis sur pied au cours dela lutte contre le putsch, dontles fonctions sont généralementtransférées aux conseils munici-paux. Les dirigeants anarchistes es-sayent de justi�er cette rupture ou-verte et évidente avec leurs prin-cipes par deux arguments. D’unepart, ils l’expliquent par la néces-

sité de d’abord gagner la guerreavant de penser à faire la révolu-tion : les anarchistes, qui se pré-sentent souvent comme les plusanti-staliniens, s’alignent en fait aumoment décisif sur la politique ré-formiste de collaboration de classedes staliniens. D’autre part, ils pré-tendent que, en entrant au gouver-nement, ils permettent que les an-ciens organismes de pouvoir soientpénétrés par les nouveaux et s’ap-prochent ainsi de la conquête dupouvoir par les travailleurs. En réa-lité, il s’agit tout au contraire del’intégration des organes proléta-riens de pouvoir à l’appareil d’Étatbourgeois, ainsi remis sur pied. LePOUM qui n’avait pas posé d’autresconditions à sa participation qu’un« programme socialiste » et la par-ticipation active de la CNT, entreaussi au gouvernement, où Nin, se-crétaire général du POUM, devientministre de la Justice. En fait de« programme socialiste », la bour-geoisie de l’Esquerra utilise habile-ment l’autorité incontestée des di-rigeants de la CNT et du POUM surla classe ouvrière pour la persua-der d’accepter de dissoudre un à unles comités-gouvernements. La dé-nonciation par Trotsky de la signa-ture par le POUM du programmedu front populaire en janvier 1936comme une trahison de la révolu-tion, est souvent présenté commesévère : les mois suivants con�rmela justesse de cette condamnation.

Page 21: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 20

A�che électorale du POUM

L’entrée de l’Aragonrévolutionnaire dans lalégalité républicaine

Le Conseil de défense d’Ara-gon, fédération de conseils locaux,sous la présidence du dirigeant dela CNT, Joaquin Ascaso, incarna-tion la plus aboutie de ces comités-gouvernements, représente pour legouvernement central un ennemià abattre. Il est violemment dé-noncé par les staliniens et les socia-listes. Le gouvernement exerce unepression militaire et �nancière quiconduit �nalement Ascaso à céder :il reconnaît l’autorité du gouverne-ment central ; en échange, Cabal-lero confère des pouvoirs gouver-nementaux à ce Conseil, à condi-tion qu’il soit réorganisé : au lieud’être la représentation vivante desmasses en lutte organisées dansleurs comités de base, il repré-sente chaque organisation ouvrièreà proportion de ses e�ectifs. A par-tir de ce moment là, le Conseilde défense cesse d’être un organede pouvoir prolétarien, pour deve-nir une composante de l’Etat bour-geois.

L’entrée de la CNT dans legouvernement central

Comme les défaites militairesdes forces « républicaines » se suc-cèdent, au point que Madrid semblebientôt menacée, la CNT va ac-cepter d’entrer au gouvernement

central, allant ainsi jusqu’au boutde sa logique de front populaire.Juan Peiro, l’un des principaux di-rigeants de la CNT, explique le 23octobre : « Ceux qui parlent, dès au-jourd’hui, d’implanter des systèmeséconomiques et sociaux achevés sontdes amis qui oublient que le systèmecapitaliste a. . . des rami�cations in-ternationales et que notre triomphedans la guerre dépend beaucoupde la chaleur, de la sympathie, del’appui qui nous viendra de l’exté-rieur. . . ». Bref, les dirigeants anar-chistes comptent pour gagner laguerre sur l’appui des bourgeoi-sies « démocratiques » contre unebourgeoisie « fasciste ». Le 4 no-vembre 1936, la CNT entre au gou-vernement avec 4 ministres : GarciaOliver à la Justice, Federica Mont-seny à la Santé, Juan Lopez au com-merce et Juan Peiro à l’Industrie.

La politique dugouvernement central

PSOE-PCE-CNT-républicains bourgeois :reconstruire la justice, la

police et l’armée

Dans un premier temps, le gou-vernement s’attelle davantage àremettre en cause les conquêtesrévolutionnaires et à liquider lescomités-gouvernements qu’à ga-gner la guerre. Face aux résistancesdes ouvriers qui ne veulent pas voirdisparaître leurs organes de pou-voir, Caballero use de son prestigeet manœuvre habilement. Sa poli-tique consiste à intégrer formelle-ment à l’État les comités qui de-viennent les mairies parfois mêmesans en changer la composition,à modi�er autant que possible lesmécanismes de représentation endonnant un nombre �xe de repré-sentants par organisation ouvrièrepour renforcer l’UGT, les staliniens(PCE, PSUC, JSU) et mettre ainsien minorité la CNT, à couper leschefs de la masse des travailleursqui donnait tout son poids à la

CNT. Il fait désigner le maire parle gouverneur de la province, lui-même nommé par le gouvernementcentral.

Les femmes se voient accor-der l’égalité juridique avec leshommes. Mais l’essentiel de la « ré-forme judiciaire » de Garcia Oliveret Nin consiste à mettre sur piedun nouveau système judiciaire re-lativement peu di�érent de l’anciensur le fond. Certes, le corps des ma-gistrats est considérablement épuréet ceux-ci sont supposés, dans unpremier temps, servir de simpleconseil technique aux jurés popu-laires, désignés par les partis et lessyndicats.

Mais la pièce maîtresse de la li-quidation du double pouvoir est lareconstitution de la police. Les di-verses milices chargées du main-tien de l’ordre sont uni�ées et missous l’autorité du ministère de l’In-térieur. Cette mesure est complé-tée par la création d’un corps depolice parallèle par l’astuce d’unrecrutement massif d’agents pourune police des frontières, près de40 000 entre septembre 1936 etmars 1937. Il s’agit de contour-ner le contrôle des organisationsouvrières a�n de recruter des po-liciers vraiment soumis au pou-voir. Pour achever cette reprise enmain, le gouvernement, en�n, in-terdit aux policiers d’être membresd’un quelconque parti politique ousyndicat.

En�n, les milices qui serventau front sont militarisées. Pour yparvenir, le gouvernement favoriseles unités organisées par le gou-vernement. Les unités dirigées parles staliniens, mieux armées et ra-vitaillées que les autres, sont mon-trées comme un modèle. Face àl’avance franquiste, il reçoit le sou-tien de la CNT pour dissoudre lesconseils d’ouvriers et de soldats etconstruire une armée régulière. Lesunités intégrées commencent parremplacer leur nom par un chi�re,

Page 22: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 21

les grades sont rétablis, l’électiondes o�ciers est supprimée, en�nl’ancien Code Militaire est remis envigueur.

Cette militarisation était-ellenécessaire ou bien fallait-il main-tenir les milices? Le programmecommuniste authentique, c’est ladestruction de l’armée permanenteet son remplacement par des mi-lices ouvrières. Si les bolcheviksavaient été obligés à partir de lami-1918 de rétablir la conscrip-tion et mettre sur pied une Ar-mée Rouge, c’était sous la pressiondes circonstances : après plus detrois de guerre impérialiste, seulsquelques dizaines de milliers detravailleurs s’étaient portés volon-taires pour servir dans les mi-lices. Mais ce n’est pas du toutle cas en Espagne où les milicesne manquent pas du tout de vo-lontaires, mais plutôt d’armes etd’organisation. En revanche, unecentralisation de toutes les mi-lices était évidemment nécessaire,mais sous l’autorité du conseilcentral des comités-gouvernement.Les anarchistes, acceptant de parti-ciper au gouvernement, acceptentlogiquement de voir reconstituerune armée soumise au gouver-nement central, que peu à peuplus rien ne distingue d’une arméebourgeoise. Cela montre que leurcritique bruyante de la politiquedes bolcheviks était sur ce pointaussi super�cielle : faute d’uneperspective politique communisterévolutionnaire, les chefs de CNTse sont alignés sur les stalinienset par là sur la bourgeoisie. Pour-tant, bientôt, la défense de Madridallait prouver par la pratique qu’ilétait non seulement possible, maismême nécessaire pour gagner, demener une guerre révolutionnaireavec des méthodes en tous pointsrévolutionnaires.

La défense de Madrid :seules une politique et desméthodes révolutionnaires

peuvent permettre devaincre les armées

franquistes

Début octobre, tous les expertsestiment que la chute de Madrid estune question de jours. Le gouver-nement déménage à Valence sansavoir organisé la moindre défensesérieuse de la capitale. C’est auPCE qu’il va revenir de fait de di-riger la défense de Madrid, con�ésur le plan militaire au généralMiaja. Pour la bureaucratie sovié-tique, il s’agit à la fois de retarderl’échéance d’une nouvelle victoirefasciste qui menacerait l’URSS, desauvegarder son prestige dans lemouvement ouvrier et de sauverpar là sa politique de collaborationde classe. Mais précisément pourassurer la défense de Madrid, lePCE accomplit un tournant poli-tique à 180° : il n’est plus questionde dénoncer les « irresponsables »révolutionnaires et de fustiger lescomités « illégaux », ni d’appelerau respect de « l’ordre et de lapropriété ». Tout au contraire, uneJunte révolutionnaire de défense deMadrid est mise en place, regrou-pant toutes les organisations ou-vrières. Partout, des comités tout-puissants sont constitués : comi-tés de quartiers, de forti�cation, deravitaillement, de blanchissage, derepas, etc. Des armes et des mu-nitions sont distribuées à tous lestravailleurs. Une vigoureuse épu-ration est menée pour liquiderpar avance la 5e colonne sur la-quelle comptaient les fascistes : descentaines de gardes civiles soup-çonnés de franquisme sont arrê-tés et exécutés, ainsi que les pri-sonniers les plus dangereux. Desmanifestations de masses sont or-ganisées pour stimuler la volontéde lutte des masses au nom ducombat pour la révolution prolé-

tarienne. Le PCE placarde partoutdes a�ches appelant à défendreMadrid comme Petrograd. Les Bri-gades Internationales, unités par-ticulièrement formées et comba-tives, contribuent au plan. C’estdans cette atmosphère d’enthou-siasme révolutionnaire qu’est né leslogan aujourd’hui encore célèbre :« No pasaran ! » (ils [les fascistes]ne passeront pas). Ce dispositifest complété par l’arrivée à Ma-drid de conseillers militaires sovié-tiques, d’armes modernes commedes tanks et des avions en prove-nance de Moscou.

La première étape de la ba-taille de Madrid se déroule du 8au 20 novembre. Les milices ou-vrières parviennent à repousser lesassauts de l’armée nationaliste auprix de combats acharnés, maisonpar maison, extrêmement meur-triers des deux côtés. Face à la ré-sistance acharnée, Franco choisitalors de bombarder Madrid inten-sément espérant briser le moral dela population. Si l’aviation natio-naliste sans adversaire à la hau-teur massacre ainsi chaque jour desmilliers de civils, qui n’ont plusd’immeubles où s’abriter, elle neparvient pas à briser la défensede la ville. C’est alors que com-mence une troisième étape de labataille : les franquistes veulenta�ronter les armées « républi-caines » non dans des combats derue, mais en rase campagne. Maiscette tactique, tout aussi meur-trière, n’o�re pas les succès es-comptés : le courage des ouvriers,alliés aux avions et aux tanksrusses, parviennent à repousser lesassauts nationalistes. Mussolini de-mande que les troupes italiennes,composées de 50 000 hommes, bienentraînées et bien armées, soientengagées dans l’assaut décisif. Ellesattaquent au nord début février etréussissent une percée. Pour lesarrêter, les défenseurs de Madridne comptent pas seulement sur les

Page 23: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 22

armes et les munitions : le secteuritalien des Brigades Internationalesconfectionnent des tracts en ita-lien qui appellent les ouvriers etles paysans sous l’uniforme, intoxi-qués par des années de dictaturefasciste, à la « fraternité proléta-rienne » et à la « solidarité inter-nationale ».

Conjugués aux di�ciles condi-tions climatiques et à la dureté descombats, cette agitation porte sesfruits, semant le désordre dans les

troupes italiennes qui, �n mars,doivent battre en retraite. Les dé-fenseurs de Madrid font des mil-liers de prisonniers. Ils continuentde mener auprès d’eux une pro-pagande révolutionnaire et, en ce18 mars, anniversaire du début dusoulèvement de la Commune deParis, ils partagent leur maigre ra-tion avec leurs prisonniers.

La meilleure réfutation des ar-guments de ceux qui prétendentqu’il n’y avait pas d’autre solution

que de faire d’abord la guerre etla révolution ensuite et que, logi-quement, il fallait mettre en placeune armée régulière pour mener laguerre, c’est la défense victorieusede Madrid. Elle s’est opérée sous ledrapeau du combat pour la révolu-tion prolétarienne et avec des mé-thodes révolutionnaires.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE III : 1936-1939

La politique de front populaire de Caballeroprovoque la formation d’une opposition degauche et de droite

Caballero et le PCE : del’entente à la rupture

La logique générale du gou-vernement Caballero est celle dufront populaire, c’est-à-dire celledes staliniens, qui prétendent as-surer la victoire dans la guerregrâce à l’appui des bourgeoisies« démocratiques » et des « classesmoyennes » (paysannerie, fonc-tionnaires, petits patrons, etc.).C’est la raison pour laquelle Ca-ballero refuse de proclamer l’indé-pendance du Maroc, qui pourraitêtre une arme décisive pour désor-ganiser les meilleures troupes deFranco, composées de soldats ma-rocains. Il s’agit de ne pas mé-contenter les puissances coloniales,France et Angleterre, qui craignentles e�ets de contagion qu’une telleproclamation pourrait avoir vis-à-vis de leurs propres colonisés. Demême, le gouvernement refuse toutaide aux nationalistes marocainsvenus solliciter argent et armespour lutter contre Franco. A l’inté-rieur, la politique de Caballero est

là encore conforme à celle du PCE :la restauration de l’État et le gri-gnotage des conquêtes révolution-naires ont a�aibli les organisationsouvrières et renforcé les classes in-termédiaires.

Cependant, à la di�érence desstaliniens, le vieux chef socialistea conçu sa politique de conci-liation de classes comme provi-soire (1), là où le PCE mène dé-libérément une politique contre-révolutionnaire pour préserver lesintérêts de la bureaucratie sovié-tique. Celle-ci craint plus que toutune victoire de la révolution pro-létarienne sur le fascisme en Es-pagne. Elle risquerait d’ouvrir unevague révolutionnaire dans toutel’Europe et par là de rendre pos-sible le renversement de la bureau-cratie par les ouvriers d’URSS. Ledirigeant du PSUC résume ainsi lapensée des staliniens : « Avant deprendre Saragosse, il faut prendreBarcelone [bastion de la révolu-tion] ». Les tensions entre Cabal-lero et les staliniens se cristallisentavec le refus par ce premier d’une

fusion du PCE et du PSOE. Instruitpar l’expérience de la fusion des JSet JC en JSU, il comprend que celasigni�erait la mainmise complètedes staliniens sur le parti uni�é.

Ces tensions éclatent avec lachute de Malaga, victime à la foisd’un manque de soutien militaireen matériel et en hommes et àdes heurts violents entre la CNTet le PCE, qui se combattent lesarmes à la main, au moment où lestroupes italiennes débarquent. LePCE déclenche une première o�en-sive contre un lieutenant de Cabal-lero, le général Asensio, ministre dela Guerre. Celui-ci également acca-blé par la CNT, est acculé à la dé-mission �n février 1937. Mais Ca-ballero trouve l’occasion de ripos-ter avec le premier scandale desprisons privées de la GPU (policepolitique de Staline). Ses agents àMadrid ont déjà commencé à arrê-ter, torturer et exécuter leurs op-posants politiques, à commencerpar les militants de la CNT. Il dis-sout la junte « révolutionnaire »de Madrid qui était aux mains du

Page 24: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 23

PCE. Mais le vieux chef socialisteest impuissant, en partie car l’ar-mée dépend de plus en plus du sou-tien soviétique en conseillers et enmatériel. Les staliniens font ainsiéchouer le plan proposé par Cabal-lero pour couper les armées natio-nalistes en deux en attaquant versle sud (Extrémadure et Andalou-sie). L’État bourgeois, qu’il a trèslargement contribué à restaurer, luiéchappe. Mais, bien sûr, c’est sapolitique centriste, c’est-à-dire sonrêve d’une impossible situation in-termédiaire où la révolution ne se-rait pas menée à bien, mais pas nonplus totalement liquidée, bref sonrefus de s’engager sur la voie de larévolution (ce qui supposerait d’ap-peler à la mobilisation révolution-naire des masses pour poursuivrela révolution et de combattre ou-vertement et farouchement les sta-liniens), qui est la raison profondeet véritable de son impuissance.

Le PCE juge que Caballero, né-cessaire autrefois pour canaliser letorrent révolutionnaire et casser ledouble pouvoir, est devenu un obs-tacle encombrant sur la voie de laliquidation totale de la révolution.Il cherche donc une alliance avec lecentre et la droite du PSOE, ainsiqu’avec les partis bourgeois contreCaballero.

La montée de l’oppositionrévolutionnaire

Le gouvernement Caballeron’est pas seulement attaqué sursa droite, mais aussi sur sa gauche.Les di�cultés économiques, le dé-veloppement des inégalités, le pié-tinement de la révolution rendentune partie des masses impatientes.A la base de la CNT, du PSOE etde l’UGT, une fermentation révo-lutionnaire est en cours. Le POUMest exclu du gouvernement de laGénéralité de Catalogne. Ses di-rigeants, toujours hésitants, com-mencent cependant à reconnaîtreque leur participation a été une

erreur. Ils critiquent l’orientationcontre-révolutionnaire du gouver-nement de Companys et appellentà reformer des comités ouvriers. LePOUM se met à attaquer égalementles staliniens, dénonçant « les agis-sements contre-révolutionnaires duPCE et du PSUC ». Son organisationde jeunesse, la JCI, fait de même,mais sans hésitations. Ce virage desdirigeants du POUM, sous la pres-sion des événements, ne fait quecon�rmer combien Trotsky avaitraison de condamner leur politiquede participation critique au frontpopulaire. Dans le même temps,une opposition, nombreuse, maisdésorganisée et sans dirigeant,monte dans la CNT et la FAI pourrefuser la politique de collabora-tion de classes. L’alliance des jeu-nesses du POUM et des jeunesseslibertaires sous des mots d’ordre ré-volutionnaires rencontre un grandécho, en particulier en Catalogne.A l’opposé, Santiago Carillo, diri-geant de la JSU stalinienne appelle�n mars à constituer l’« Alliancede la jeunesse antifasciste », dontSantiago Carrillo voudrait qu’ellesoit « l"unité avec les Jeunes ré-publicains, avec les jeunes anar-chistes, avec les jeunes catholiquesqui luttent pour la liberté. . . pourla démocratie et contre le fascismeet pour l’indépendance de la pa-trie contre l’invasion étrangère ».Mais cette orientation provoqueune révolte de nombre d’anciensjeunes socialistes de la JSU qui dé-noncent « l’abandon des principesmarxistes ». Les partisans de Cabal-lero se regroupent au sein du PSOEet de l’UGT. On recommence à par-ler d’un gouvernement CNT-UGT.Cependant, le vieux chef socialistene sort pas de son centrisme : il neveut ni mener la révolution jusqu’àson terme sous prétexte de gagnerd’abord la guerre, ni mener jus-qu’à son terme la liquidation de larévolution et ses conquêtes.

Les journées de mai 1937 àBarcelone : la politique de laCNT et du POUM conduit àune défaite sans véritable

combat

Les tensions sont particulière-ment vives en Catalogne, bastionde la révolution, où les ouvrierssont toujours armés, c’est-à-direoù la situation de double pouvoirn’a pas été complètement liqui-dée. L’enterrement d’un dirigeantdu PSUC et de l’UGT assassiné estl’occasion d’une démonstration deforces du PSUC et du gouverne-ment de la Généralité contre laCNT et le POUM. Les staliniensveulent en �nir avec ce dernier bas-tion de la révolution : comme ledit un dirigeant du PSUC, « il fautprendre Barcelone avant de prendreSaragosse ». Pour cela, il faut désar-mer les ouvriers. Le 3 mai, le mi-nistre de l’Intérieur de la Généra-lité, Rodriguez Salas (PSUC), faitoccuper par la police le Central té-léphonique, qui depuis son expro-priation du groupe American Te-legraph, fonctionne sous la direc-tion d’un comité CNT-UGT. Il jus-ti�e l’opération par le fait que lesmembres du gouvernement centralet de la Généralité du Catalognene peuvent pas communiquer entreeux sans être écoutés par les mili-tants de la CNT et de l’UGT. Maisil se heurte à la résistance des mili-ciens de la CNT chargés de la gardedu lieu. Lorsque les ouvriers ap-prennent la nouvelle, ils se mettentspontanément en grève et dressentdes barricades : en quelques heures,ils sont maîtres des 9/10e de la ville.Le POUM y voit une épreuve dé-cisive et se prononce pour la ré-sistance. Mais les chefs de la CNTtentent d’apaiser la situation : ilsfont de nombreux discours radio-di�usés en ce sens. Caballero, in-quiet, réagit vivement. Il décide deplacer la gestion de la sécurité enCatalogne sous la férule du gou-

Page 25: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 24

vernement central. Il fait dépêcherdepuis Valence les ministres anar-chistes, Garcia Oliver et Montseny,pour contenir la colère des ou-vriers. En même temps, il envoieune colonne de 5 000 hommes char-gée de rétablir l’ordre à Barceloneet poste des navires de guerre de-vant le port. Le POUM n’ose pasessayer de s’appuyer sur la basede la CNT pour déborder les lea-ders anarchistes. C’est pourquoi le

mouvement �nalement re�ue. Il seclôt le 6 mai avec l’arrivée de lacolonne gouvernementale. Les mi-liciens doivent déposer les armes.Le gouvernement prend le contrôlede tous les édi�ces publics. On dé-couvre les cadavres des chefs ita-liens de l’opposition révolution-naire montante dans la CNT, Ca-milo Berneri et Barbieri, parmi les500 morts de ces journées. Tendance CLAIRE,

15 septembre 2009

PARTIE III : 1936-1939

L’o�ensive contre-révolutionnaire

L’interdiction du POUM etl’arrestation de son comité

central

Les staliniens dénoncent lesévénements de Barcelone commeune insurrection organisée par lePOUM et les trotskystes, « agentsd’Hitler et de Mussolini » pour dé-stabiliser la République. Ils exigentdu gouvernement la dissolution duPOUM. Caballero refuse, soutenupar la CNT. Mais il perd alors lesoutien des ministres bourgeois,staliniens et socialistes de droiteet du centre. Maintenant qu’il apermis la liquidation du dernierbastion de la révolution, Cabal-lero est devenu inutile à ses alliésd’hier. Il démissionne sans cher-cher à constituer un gouvernementUGT-CNT-POUM contre les stali-niens, pendant qu’il en est encoretemps. C’est une nouvelle mani-festation de son centrisme, c’est-à-dire de son refus de s’engager surla voie de la révolution, qui ouvre àchaque fois la voie aux réformistesqui veulent liquider totalement larévolution. Le nouveau gouverne-ment, présidé par le socialiste dedroite Negrin, est dominé par lesstaliniens, �anqués des socialistesde droite et du centre et des bour-

geois républicains, l’UGT et la CNTrefusant d’y participer.

Sa première action consiste àlancer une féroce répression contrele POUM, qui est interdit le 28mai. Ses dirigeants sont arrêtés le16 juin. L’acte d’accusation contrele POUM contient principalementdeux éléments : avoir fait de la pro-pagande en vue du renversementviolent de la République et avoircalomnié avec les trotskystes unpays ami de l’Espagne, l’URSS. Nina été transféré dans les prisons pri-vées mises en place par la GPU.Comme il refuse d’avouer sa pré-tendue collusion avec les fascistes,les staliniens l’exécutent. En e�et,libéré, Nin, dirigeant connu et pres-tigieux du mouvement ouvrier es-pagnol et international, se trans-formerait pour les staliniens en re-doutable accusateur. Ainsi, quandbien même sa politique centristeà la tête du POUM a contribué àla défaite de la révolution espa-gnole, il meurt en militant révo-lutionnaire, privant les staliniensdes moyens d’instruire en Espagned’autres procès de Moscou. À par-tir d’août 1937, toute critique del’URSS est interdite. Lorsque le pro-cès du POUM aura �nalement lieu,plus d’un an plus tard, les diri-geants y revendiqueront une poli-

tique révolutionnaire visant à ren-verser la République bourgeoise etseront condamnés pour ce motif.

La dissolution du conseil dedéfense d’Aragon

Malgré son entrée dans la « lé-galité républicaine », le conseil dedéfense d’Aragon reste un bastiondes fractions les plus radicales dela CNT et de la FAI. Pour parache-ver la liquidation de la révolution,le gouvernement central doit dé-truire cet organe. Il le fait en ac-cusant ces dirigeants de la CNT dela FAI de contribuer à aider ob-jectivement la victoire des fascistesen faisant obstacle à la pleine cen-tralisation supposée nécessaire à lavictoire et en dénonçant les « ex-trémistes » qui sont manifestementde mèche avec la cinquième co-lonne, c’est-à-dire avec les forcesfavorables à Franco au sein de l’Es-pagne « républi-caine ». Il envoiel’armée faire appli-quer le décretdissolvant le conseil de défense del’Aragon. Elle rem-place les comi-tés par des conseils municipaux, in-terdit les journaux anarchistes etoccupe les locaux de ses organi-sations. Le gouvernement parvientainsi à liquider du même coup ceuxqui, au sein de la FAI et de la CNT,

Page 26: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 25

remettent en cause la politique sui-vie depuis septembre 1936, l’entréeau gouvernement, le refus du com-bat lors des journées de mai à Bar-celone.

La liquidation del’opposition inconséquente

de Caballero

Caballero, encore secrétaire gé-néral de l’UGT, in�uent dans lePSOE et dans les JSU, constitue ledernier obstacle pour paracheverla liquidation de la révolution etla reconstruction d’un État bour-geois au régime dictatorial. MaisCaballero ne veut pas opposer unepolitique révolutionnaire à la po-litique contre-révolutionnaire desstaliniens, de la droite du PSOE etdes républicains. Il ne soutient pasouvertement la puissante opposi-tion qui s’organise dans les JSU,exigeant un congrès, et qui seraa�aiblie par la chute des Astu-ries aux mains des franquistes, quiconstituait son bastion. La lutte sedéplace ensuite à l’UGT. Le PCElance une opération scissionnistequi �nit par aboutir grâce à l’ap-pui du gouvernement qui reconnaîtcomme seule légale l’UGT dissi-dente. Caballero décide de riposteret d’organiser de grands meetings

dans les principaux centres de l’Es-pagne républicaine où il dénoncela politique des communistes, maissans rien leur opposer. Ce triompheest par conséquent vain. Un à unl’État fait interdire les quotidiensdirigés par les amis de Caballeroet lui arrache dé�nitivement lecontrôle de l’UGT début 1938. Cettenouvelle manœuvre stalinienne re-cevra la bénédiction du représen-tant de la FSI (Fédération SyndicaleInternationale) qu’est le secrétairede la CGT française, le réformistesocial-démocrate Léon Jouhaux. Legouvernement Negrin s’attache àliquider toute trace de la révolu-tion. Pour mener la répression, ilcrée une justice d’exception, oùtous les juges sont nommés parle gouvernement, car les tribunauxpopulaires restent à ses yeux tropcléments pour les militants révolu-tionnaires, qu’ils soient du POUM,de la CNT ou de la gauche du PSOE.Il met un terme à la « syndicalisa-tion » des entreprises où il rétablitla hiérarchie capitaliste.

La �n de la révolution et laperte de la guerre

La révolution liquidée, le gou-vernement mène la guerre. Maisprécisément parce qu’il a liquidé

la révolution, il ne peut plus ga-gner la guerre. Sur le terrain de laguerre classique, les troupes natio-nalistes, appuyés par l’Allemagnenazie et l’Italie fasciste sont su-périeures aux troupes « républi-caines » : mieux entraînés, mieuxarmées, mieux commandées. Enoutre, l’aide de l’URSS tend à dimi-nuer. L’agonie durera plus d’un an,jusqu’en mars 1939. Elle sera parse-mée de négociations impulsées no-tamment par l’Angleterre en vued’un accord entre les « républi-cains » et les « fascistes » pourmettre un terme à la guerre etsceller une « réconciliation natio-nale ».

Célèbre photo de Robert Capa : un

combattant républicain tué sur le front

d’Andalousie le 5 septembre 1936

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

PARTIE III : 1936-1939

Les leçons politiques de la révolution et dela guerre d’Espagne

Menchévisme, anarchismeet bolchévisme

Les révolutionnaires se doiventd’étudier avec attention les dé-faites du prolétariat pour en ti-rer les leçons politiques permet-tant de préparer les victoires de de-main. Qu’ont montré de ce pointde vue la révolution et la guerre

d’Espagne? Elles ont, d’une part,con�rmé dans la pratique le ca-ractère contre-révolutionnaire dustalinisme, dont la politique men-chevik exprimait au fond les inté-rêts de la bureaucratie soviétique.Celle-ci, qui cherchait l’allianceavec les bourgeoisies « démocra-tiques » contre les « bourgeoisies »fascistes, se devait de prouver sa ca-

pacité à faire usage de son prestigepour préserver la propriété privéedes moyens de production contreles masses révolutionnaires. Ellesont, d’autre part, manifesté l’incon-sistance complète de l’anarchisme,qui s’est révélé n’avoir aucune stra-tégie propre. Les chefs anarchistesont le plus souvent penché du côtédu menchevisme, la base et certains

Page 27: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 26

dirigeants minoritaires ont cher-ché la voie d’une politique bolche-vik sans jamais vraiment la trou-ver. Bref, la tragédie du prolétariatespagnol a con�rmé par la néga-tive que le trotskysme, continuitédu bolchevisme, est fondamenta-lement le seul courant réellementmarxiste révolutionnaire.

Théorie de la révolutionpermanente

La théorie de la révolution per-manente soutient que seul le pro-létariat peut réaliser les tâchesdémocratiques de la révolution,en mobilisant les masses pay-sannes pauvres derrière son pro-gramme, en vue de la conquêtedu pouvoir. En e�et, la bourgeoi-sie ne peut réaliser les tâches dé-mocratiques, parce que ce pro-gramme est contraire aux intérêtsdes classes dominantes (expropria-tion des grands propriétaires fon-ciers, expropriation de l’Église, etc.)et parce qu’il suppose pour êtreaccompli une mobilisation révolu-tionnaire des masses dangereusepour la domination capitaliste. Enoutre, lorsque la lutte de classess’exacerbe, la bourgeoisie ne peutmême pas maintenir son pouvoirsans remettre en cause les formes« démocratiques » de sa domina-tion. Les gouvernements de FrontPopulaire successifs, coalition departis bourgeois et de partis ou-vriers sur un programme limité parle respect de la propriété privée desmoyens de production, en ont tousapporté la preuve.

Le gouvernement de 1931-33 nefait que des réformes timides etmène une féroce répression contreles masses révolutionnaires, celuide février-juillet 1936 laisse les fas-cistes préparer leur coup d’Étatplutôt que d’armer les masses, ce-lui de septembre 1936 à mai 1937œuvre méthodiquement à liqui-der les formes supérieures de dé-mocratie que sont les comités-

gouvernements et à stopper le pro-cessus révolutionnaire, en�n celuide juin 1937 à la �n de la guerreinstaure une véritable dictaturemilitaro-policière où tous les partisrévolutionnaires sont persécutés etliquide toutes les conquêtes révolu-tionnaires. Bref, il n’y a pas de pro-gramme intermédiaire entre le pro-gramme de la révolution proléta-rienne et celui de la réaction bour-geoise.

Le Front Populaire et seschampions

staliniens :puissants pourstopper la révolution

prolétarienne, impuissantspour lutter contre le

fascisme

Les staliniens s’e�orcent dejusti�er le front populaire par lanécessité d’opposer la plus grandeforce possible au fascisme. Poury parvenir, expliquent-ils, il fautréunir tous ceux qui sont oppo-sés au fascisme : socialistes, anar-chistes, communistes, mais aussibourgeois « démocrates ». Dupoint de vue de l’arithmétique par-lementaire, il est vrai que la sommede tous ces partis est supérieureà celle des seuls partis ouvriers.Mais dans la réalité de la lutte desclasses, les choses sont tout autres.En e�et, le Front Populaire estune alliance entre partis ouvrierset partis bourgeois. Il réalise donc« l’alliance » de classes qui ont desintérêts opposés : c’est pourquoi lesforces ne peuvent ici s’additionner.Tout au contraire, l’une des deuxclasses doit diriger l’attelage, su-bordonnant les forces de l’autre àla réalisation de son propre pro-gramme. Puisque le Front popu-laire repose sur un programmebourgeois, c’est-à-dire encadré parle respect de la propriété privée desmoyens de production, le Front Po-pulaire revient à mettre la forcede masses révolutionnaires au ser-vice de la défense de l’État bour-

geois. En Espagne, cette alliance apris une forme particulièrement ca-ricaturale, celle de l’alliance avec« l’ombre de la bourgeoisie », vuque celle-ci se trouvait presque en-tièrement du côté de Franco, tan-dis qu’il ne restait du côté « répu-blicain » que quelques-uns de sesreprésentants politiques. Les diri-geants républicains, comme Azaña,Companys, etc, ont pu jouer unrôle uniquement grâce à l’appuique les réformistes leur ont ap-porté. Mais pourquoi, s’ils étaientaussi insigni�ants, les réformistesont-ils fait alliance avec ces répu-blicains? Les bourgeois « démo-crates » servaient aux chefs stali-niens, sociaux-démocrates et anar-chistes à se justi�er devant lesmasses : bien sûr, nous sommespour la révolution socialiste, maisnous ne devons pas la commen-cer maintenant, car Azaña, Compa-nys & Cie, la France et l’Angleterrene le veulent pas ; or, sans leur al-liance, nous ne pouvons pas gagnerla guerre. Pourquoi les républicainsbourgeois cherchaient-ils l’allianceavec ceux qui o�ciellement étaientcontre le capitalisme? Parce queseul le prestige dont jouissaientles chefs réformistes pouvait per-mettre de faire accepter aux ou-vriers la remise de la révolution àplus tard. Ces « champions de ladémocratie » n’ont rien eu à re-dire aux méthodes dictatoriales etrépressives du GPU quand ils ontcompris que c’était la condition dumaintien de la propriété privée desmoyens de production.

Le rôle des anarchistes

La stratégie anarchiste ou plu-tôt son absence de toute stratégierévolutionnaire conséquente a faitfaillite face à la révolution, commeTrotsky s’e�orce de le montrer ri-goureusement : « Si les anarchistesavaient été des révolutionnaires, ilsauraient avant tout appelé à la créa-tion de soviets réunissant tous les re-

Page 28: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 27

présentants de la ville et du village, ycompris ceux des millions d’hommesles plus exploités qui n’étaient ja-mais entrés dans les syndicats. Dansles soviets, les ouvriers révolution-naires auraient naturellement oc-cupé une position dominante. Lesstaliniens se seraient trouvés en mi-norité insigni�ante. Le prolétariat seserait convaincu de sa force invin-cible. L’appareil de l’Etat bourgeoisn’aurait plus été en prise sur rien.Il n"aurait pas fallu un coup bienfort pour que cet appareil tombâten poussière. La révolution socialisteaurait reçu une impulsion puissante.Le prolétariat français n’aurait paspermis longtemps à Léon Blum debloquer la révolution prolétarienneau-delà des Pyrénées (. . .)

« Cette seule autojusti�cation :« Nous n’avons pas pris le pouvoir,non parce que nous n’avons paspu, mais parce que nous n’avonspas voulu, parce que nous sommescontre toute dictature », etc., ren-ferme une condamnation de l’anar-chisme en tant que doctrine complè-tement contre-révolutionnaire. Re-noncer à la conquête du pouvoir,c’est le laisser volontairement à ceuxqui l’ont, aux exploiteurs. Le fond detoute révolution a consisté et consisteà porter une nouvelle classe au pou-voir et à lui donner ainsi toutes pos-sibilités de réaliser son programme.(. . .) Le refus de conquérir le pou-voir rejette inévitablement toute or-ganisation ouvrière dans le maraisdu réformisme et en fait le jouet dela bourgeoisie ; il ne peut en être au-trement, vu la structure de classe dela société (. . .)

Se dressant contre le but, la prisedu pouvoir, les anarchistes ne pou-vaient pas, en �n de compte, ne passe dresser contre les moyens, la ré-volution. Les chefs de la C.N.T. et dela F.A.I. ont aidé la bourgeoisie, nonseulement à se maintenir à l’ombredu pouvoir en juillet 1936, mais en-core à rétablir morceau par mor-ceau ce qu’elle avait perdu d’un seul

coup. Enmai 1937, ils ont saboté l’in-surrection des ouvriers et ont sauvépar là la dictature de la bourgeoi-sie. Ainsi l’anarchiste, qui ne voulaitêtre qu’antipolitique, s’est trouvé enfait antirévolutionnaire et, dans lesmoments les plus critiques, contre-révolutionnaire » (Trotsky, « Es-pagne : dernier avertissement », dé-cembre 1937).

Le POUM

Le POUM a certes défendu enparoles un programme trotskysant,mais dans la pratique il n’a étéque l’extrême gauche du front po-pulaire. Au lieu d’essayer de s’ap-puyer sur la mobilisation révolu-tionnaire des masses pour com-battre le front populaire et avan-cer vers la conquête du pouvoirpar le prolétariat, le POUM s’este�orcé de persuader les chefs ré-formistes de gauche et les anar-chistes de le suivre, en essayantde leur démontrer la supériorité ducapitalisme sur le socialisme. Enoutre, en constituant ses propressyndicats, ses propres milices, etc.,le POUM s’est lui-même isolé desmasses, alors qu’il aurait fallu aucontraire travailler dans les orga-nisations de masses, construire descellules dans l’UGT et surtout laCNT. Si le POUM a sans doute sin-cèrement désiré la victoire de la ré-volution en Espagne, il a été dia-lectiquement, précisément en rai-son de sa politique centriste, le plusgrand obstacle à la constructiond’un véritable parti révolutionnaireen Espagne. De ce point de vue, larupture de Nin et de la section es-pagnole de l’Opposition de Gaucheavec le trotskysme et la IVe Inter-nationale a eu des conséquencestragiques pour le prolétariat espa-gnol et mondial.

Andreus Nin, dirigeant du POUM

Les conditions de la victoire

La victoire du prolétariat et desmasses opprimées dans la guerrecivile est une question de stra-tégie révolutionnaire. Pour l’em-porter, les masses doivent avoirconscience qu’elles ne luttent paspour rétablir l’ancienne formedémocratique d’oppression, maispour leur propre émancipation. Ilfaut à la fois commencer à réa-liser le programme de la révolu-tion sur le territoire occupé parle prolétariat et les masses et surtout nouveau territoire conquis,faire de la propagande pour ce pro-gramme à l’arrière des troupes en-nemies, car elles ne peuvent me-ner la guerre sans s’appuyer surle mécanisme de l’exploitation ca-pitaliste et de l’oppression. D’unepart, ce sont des prolétaires, despaysans et en outre dans le casde l’Espagne, des peuples coloni-sés, qui servent dans les rangs del’armée de Franco. D’autre part,toute guerre suppose la productiond’armes, de munitions et de vivres,réalisée par des prolétaires. S’ill’on parvient à les attirer au pro-gramme de la révolution sociale,alors cela a�aiblit plus l’armée en-nemie que n’importe quel arsenalmilitaire. C’est pourquoi il auraitfallu non seulement poursuivre larévolution engagée spontanémentpar les ouvriers dès juillet 1936 (ex-propriation d’usines et de terres,production sous contrôle ouvrier,

Page 29: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Troisième partie : 1936-1939 28

destruction de la police remplacéepar des milices, etc.), mais aussiproclamer l’indépendance du Ma-roc pour désagréger les troupesd’élite de Franco, composées d’op-primés marocains, et apporter unsoutien actif aux nationalistes ma-rocains contre la domination impé-rialiste espagnole. La victoire surles troupes italiennes en mars 1937n’a été rendue possible que par unepropagande et une agitation révo-lutionnaire de ce genre. Dans la po-litique extérieure, la révolution doitchercher non le soutien — impos-sible — de gouvernements bour-geois, mais celui des travailleurset des peuples opprimés du mondeentier.

Et l’armement, dira-t-on?Pouvait-on se passer de l’aide del’URSS? Trotsky rétorque que, jus-qu’à maintenant, les révolutionsvictorieuses n’ont pu compter quesur elles-mêmes, comme la révo-lution russe, face à l’hostilité detous les pays capitalistes. Dire quel’aide d’une puissance extérieureserait nécessaire au succès de la ré-volution, ce serait décréter l’impos-sibilité d’une première révolution.En fait, il était tout à fait possible deréorganiser l’industrie en Espagnepour produire des armes su�santesen qualité et en quantité pour ga-gner la guerre. Car, comment laRussie soviétique, pays arriéré,rendu exsangue par trois ans de

guerre impérialiste, aurait-elle putriompher des armées de dix-huitpays impérialistes si une telle mis-sion était impossible ? Mais, biensûr, la victoire des bolcheviks dansla guerre civile s’explique d’abordet avant tout par leur politiquerévolutionnaire qui a permis dedésagréger les armées ennemies.

1) Pour un examen plus pré-cis de l’attitude oscillante et hé-sitante de Caballero, marquée parla contradiction entre un discoursparfois révolutionnaire et une pra-tique réformiste, cf. Au Clair de lalutte n° 4, « La révolution et laguerre d’Espagne », 2e partie.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

Page 30: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Lexique et chronologie 29

LEXIQUE ET CHRONOLOGIE

Lexique et chronologie

Partis politiques etorganisations syndicales en

Espagne

— CEDA :Centre des droites auto-nomes (parti de droite réaction-naire).

— La Phalange : milice fasciste.

— PSOE : Parti Socialiste OuvrierEspagnol

— PCE : Parti Communiste Espa-gnol (stalinien)

— JS : Jeunesses Socialistes (liéesau PSOE)

— JC : Jeunesses Communistes(liées au PCE)

— JSU : Jeunesses Socialistes Uni-�ées (nées de la fusion des JS etJC, sous direction stalinienne enavril 1936)

— FAI : Fédération AnarchisteIbérique (organisation politiqueanarchiste dirigeant la CNT)

— Parti Syndicaliste : parti réfor-miste fondé par Angel Pestanasuite à son exclusion de la CNTpar la FAI.

— BOP : Bloc Ouvrier et Paysan(parti centriste fondé par le bou-kharinien Maurin)

— OGE : Opposition de GaucheEspagnole , devenue ICE en1932.

— ICE : Gauche Communiste Es-pagnole, nom pris par l’OGE en1932 et conservé après la rup-ture avec le mouvement pourla IVe Internationale début 1936lors de la signature du pro-gramme du Front Populaire.

— POUM : Parti Ouvrier d’Uni�-cation Marxiste (né de la fusiondu BOP et de la GCE en sep-tembre 1935) UGT : Union Gé-nérale des Travailleurs, centralesyndicale du PSOE

— CNT : Confédération Nationaledu Travail, centrale syndicaleanarchiste, dirigée par la FAI.

Chronologie sommaire

— Novembre 1933 - Elections auxCortès remportées par les partisbourgeois de droite.

— Octobre 1934 – Insurrectionrévolutionnaire aux Asturieslancée par l’Alliance Ouvrière(CNT-UGT-BOP-ICE) contre

l’arrivé au pouvoir de la CEDA.Elle est écrasée par l’armée.

— Janvier 1936 - Signature duprogramme de Front Populairepar toutes les organisations ou-vrières à l’exception de la CNT ,dont les adhérents voteront ce-pendant massivement pour leFront Populaire.

— Février 1936 - Elections auxCortès remportées par le FrontPopulaire

— 17-18 juillet 1936 – Pronuncia-miento (coup d’État) de Franco— Insurrection révolutionnairedes ouvriers pour contrer lecoup d’État.

— Fin juillet-début août 1936 –Les comités ouvriers, gouverne-ment de fait là où le putsch aéchoué.

— 4 septembre 1936 – Consti-tution dans la partie de l’Es-pagne où le putsch a échouéd’un gouvernement bourgeoisrépublicains-PSOE-PCE-UGTsous la direction de Caballero,avec le soutien de la CNT.

Tendance CLAIRE,15 septembre 2009

Cette brochure est le supplément à Au CLAIR de la lutte no 19 (no ISSN : 2101-6135.).

Comité de rédaction : Anne Brassac, Nicolas Faure, Laura Fonteyn, Gaston Lefranc, Pauline Mériot,Antoni Mivani, Nina Pradier, Jean Veymont et Ludovic Wolfgang, responsable de la publication.

— Site actualisé chaque jour : h�p://tendanceclaire.org

— Courriel : [email protected]

— Téléphone : 06 64 91 49 63

Page 31: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Brochures de la Tendance CLAIRE du NPA

? Brochures thématiques ?

— Textes pour la lutte féministe révolutionnaire

— Textes sur la jeunesse

— Textes sur l’art et la culture

— Les analyses stimulantes de Bernard Friot... et leurs limites

— Crise et lutte de classes en Grèce (2010-2012)

? Cahiers d’histoire des révolutions ?

— Mai-juin 68 en France : grève générale mais situation révolutionnaire trahie

— La révolution espagnole (1936-1939)

— Les révolutions russes

— Révolution et contre-révolution en Allemagne (1918-1933)

— Le Front populaire... ou la trahison des dirigeants socialistes et communistes

— Les révolutions chinoises

? Pour l’orientation ?

— Orientations pour la lutte de classe en France (2009-2011)

— Positions internationalistes et anti-impérialistes (2009-2011)

— La lutte pour un NPA révolutionnaire depuis le congrès fondateur

— Mélenchon : un sauveur pour les travailleurs? (analyse critique du programme du FdG)

— Antilibéralisme, keynésianisme... une critique marxiste

Pour vous les procurer

— site internet : tendanceclaire.org

— email : [email protected]

— Téléphone : 06 64 91 49 63

Page 32: pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ...€¦ · la chute de la dictature et le mé-contentement contre la monarchie. Selon lui, on peut ainsi résumer la première étape

Sommaire

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 1)— Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 1)

Première partie : 1930-1933 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 1)— Le contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 1)— De la stabilisation capitaliste à la crise : de la dictature à sa chute (p. 2)— La République « sociale » (1931-1933 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 6)

Deuxième partie : 1933-1936 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 9)— Les problèmes de construction de l’Opposition de Gauche en Es-pagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 9)— La République réactionnaire (1933-1936) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 10)— L’Octobre asturien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 12)— Du Front Populaire au pronunciamiento . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 13)— Soulèvement révolutionnaire contre le pronunciamiento . . . . . . . . (p. 15)— Les organisations ouvrières face au problème du pouvoir . . . . . . . (p. 17)

Troisième partie : 1936-1939 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 19)— La bourgeoisie liquide les comités-gouvernements et reconstruit l’Étatbourgeois avec l’aide de la CNT et du POUM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 19)— La politique de front populaire de Caballero provoque la formation d’uneopposition de gauche et de droite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 22)— L’o�ensive contre-révolutionnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 24)— Les leçons politiques de la révolution et de la guerre d’Espagne . (p. 25)

Lexique et chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 29)— Lexique et chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 29)

Qui sommes nous ?

La Tendance CLAIRE du NPA (pour leCommunisme, la Lutte Auto-organisée,Internationaliste et RévolutionnairE) aété fondée le 14 février 2009, au len-demain du congrès fondation du NPA,par les militant-e-s venant de l’ex-GroupeCRI, certain-e-s de l’ex-LCR et d’autressans parti auparavant. Sa base est consti-tuée par le programme fondateur de laIVe Internationale, par les textes soumisaux AG électives et au congrès fondateurdu NPA et par l’ensemble de ses élabora-tions publiées depuis.

La Tendance CLAIRE a initié avecd’autres camarades la plateforme 4 lorsdu congrès du NPA de février 2011 (3,7%des voix) et, avec le CCR, la plateforme Zlors du congrès de février 2013 (9% desvoix).

Tout en contribuant résolument àconstruire le NPA dans la classe ouvrièreet la jeunesse, la TC fait des proposi-tions alternatives à l’orientation miseen œuvre par la direction majoritaire.Elle estime notamment que le refus detrancher entre projet d’un véritable partirévolutionnaire et projet d’une recom-position de la gauche de la gauche est àl’origine de la crise du NPA et nécessitede surmonter les importantes limites etambiguités des textes fondateurs. La TCpoursuit son combat pour une grandeTendance révolutionnaire, pour un NPArévolutionnaire démocratique et ouvertqui donne la priorité à la lutte des classeset porte un programme de transitionaxé sur l’objectif du gouvernement destravailleurs et des travailleuses.

La Tendance CLAIRE du NPA édite lebulletin Au CLAIR de la lutte (N ISSN :2101-6135). Le comité de rédaction estcomposé d’Anne Brassac, Nicolas Faure,Laura Fonteyn, Gaston Lefranc, PaulineMériot, Antoni Mivani, Nina Pradier, JeanVeymont et Ludovic Wolfgang, respon-sable de la publication. Des pages detribune libre sont ouvertes aux lecteursaprès accord du comité de rédaction.

— Site du NPA : h�p://www.npa2009.org

— Site de la Tendance CLAIRE du NPA :h�p://tendanceclaire.org

— Courriel : [email protected]

— Téléphone : 06 64 91 49 63