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pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée ......sur pas de « communisme ». Pour Mélenchon, le clivage fondamental n’est pas entre les travailleurs/ses et les capitalistes (seuls

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pour le Communisme, la Lutte Auto-organisée, Internationaliste et RévolutionnairE

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INTRODUCTION

L’impasse antilibérale de Mélenchon.L’avenir hypothéqué d’une France soumiseau système capitaliste

Le programme de Mélenchon,« L’Avenir en commun », est désor-mais connu depuis quelques mois. Ila été édité en livre, mais il est aussidisponible sur le site de la TendanceClaire du NPA 1 Une critique de ceprogramme a déjà été publiée dansl’hebdomadaire du NPA 2 et égale-ment dans le mensuel du NPA 3.

Ces critiques nous semblent in-su�santes et beaucoup trop super-�cielles. Elles sont axées sur l’insuf-�sante radicalité des mesures d’ur-gence et la critique du chauvinisme(bien réel) de Mélenchon. Mais ellesfont l’impasse sur ce qui nous dif-férencie fondamentalement de Mé-lenchon : notre anticapitalisme ver-sus son antilibéralisme. Faute de re-mettre en cause la propriété et lesinstitutions capitalistes, Mélenchonse condamne à l’impuissance et doncà trahir très rapidement son pro-

gramme, commeMitterrand en 1981.L’antilibéralisme est une escroque-rie, d’autant plus dans un capita-lisme en crise où les marges de ma-nœuvre sont quasi-nulles pour desréformes progressistes.

Il faut bien reconnaître que LaFrance Insoumise de Mélenchon a lemérite de proposer un programmeavec des mesures détaillées (dont uncertain nombre sont progressistes),un projet, une direction. Mais ceprogramme et cette direction queMélenchon veut faire prendre à laFrance ne visent en aucun cas ladestruction du capitalisme, alors quecelui-ci est construit sur l’exploita-tion d’une majorité par une mino-rité, sur l’oppression et la division.C’est cela que nous voulons attaquer.

Nous avons donc décidé de faireune critique substantielle de ce pro-gramme, en plusieurs parties, pour

en critiquer sa logique fondamen-tale (l’antilibéralisme) et ses dif-férentes déclinaisons thématiques,tout en dessinant en creux un pro-gramme anticapitaliste révolution-naire en rupture avec le système enplace.

Sur l’introduction ducandidat

Le livre du programme (nondisponible en format PDF acces-sible à toutes et tous) débute parune introduction de Mélenchon.Il s’agit d’un chapeau synthétiquemais dans lequel on voit déjà trèsclairement son projet politique.

Il commence par un état deslieux de la dégradation de la si« puissante » France, avec la criseclimatique, le chômage, la pau-vreté, le productivisme, les op-pressions, les préjugés de classes

1. http://tendanceclaire.org/breve.php?id=22078.2. http://npa2009.org/arguments/politique/melenchon-lavenir-en-commun-le-decalage-droite3. https://npa2009.org/idees/politique/melenchon-de-lhumain-dabord-lavenir-en-commun

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Introduction 2

(comme quoi, les classes elles sontnormales, il su�t de ne pas avoir depréjugés), les conditions de vie, ladégradation des services publiques,etc., Mélenchon a�rme que cettedégradation est du à « trente ans degâteries aux puissants jamais ras-sasiés ». Cette analyse nous sembleproblématique car l’accumulationcapitaliste n’a pas attendu l’arrivéede Chirac au gouvernement ! C’estle système économique qui im-plique cette accumulation et cettefolle accumulation nous condam-nant à être exploité-e-s est bienplus vieille.

L’analyse de Mélenchon estpourtant claire : « À nos yeux, l’ur-gence écologique, le désastre so-cial et le délabrement de la démo-cratie sont les trois visages d’unemême réalité. Nous étou�ons sousle règne de la �nance. » Si onne peut pas nier l’in�uence désas-treuse de la sphère �nancière, il estillusoire de penser que sans elle,tout irait pour le mieux ! Il fautaussi et principalement s’attaquerau fondement de ce système injusteet cruel, l’exploitation !

Mélenchon décline ensuite lespoints clés du programme qui suitson introduction, et les di�érentesmesure pour réaliser « la transi-tion vers une société plus douce etdonc plus égalitaire dans ses rap-ports sociaux ». C’est là l’objectifde Mélenchon : rendre plus doux lesystème capitaliste, mais pourquoidonc s’en satisfaire quand on peutlutter et œuvrer à la constructiond’un nouveau monde qui n’est pasconstruit sur l’exploitation?

Une nouvelle constitutionbourgeoise pour réformer le

capitalisme

Critique du chapitre 1 « Face à lacrise démocratique, convoquer l’as-semblée constituante de la 6 e Répu-blique »

S’il est élu, Mélenchon, touten commençant à appliquer son

programme, veut convoquer uneassemblée constituante pour fon-der une « 6è République », etune fois celle-ci adoptée, il démis-sionnera nous dit-il (en ne disantrien quant aux délais et échéances).Mais il a déjà quelques idées surles contours de cette nouvelle ré-publique. Il s’agirait d’une répu-blique parlementaire classique quigarantirait le droit de propriété,qui serait simplement « soumisà l’intérêt général ». Qui dirait lecontraire? D’ailleurs, soulignonsque la constitution actuelle intègrele préambule de la constitution de1946 qui dit que : « Tout bien,toute entreprise, dont l’exploitation aou acquiert les caractères d’un ser-vice public national ou d’un mo-nopole de fait, doit devenir la pro-priété de la collectivité ». Mélen-chon n’est même pas capable d’al-ler aussi loin. Il veut simplementdévelopper les services publics (cequi est une bonne chose) et proté-ger quelques « biens communs ».Cette thématique est à la modepuisque Hamon a repris cette idéede « constitutionnaliser les bienscommuns » et le PCF en fait éga-lement son miel. C’est au fond unelogique social-libérale : on prétendprotéger quelques « biens com-muns » tout en laissant la plupartdes biens être produits selon les cri-tères de rentabilité. Il n’y a mêmeplus l’objectif lointain de collecti-visation des moyens de production,qui était présent dans le socialismeréformiste classique (même si ja-mais appliqué). Notons au passagequ’il est pour le maintient de postesde hauts fonctionnaires, de l’ENA,pour faire perdurer cette machine-rie bien huilée (même s’il veut limi-ter quelques abus).

Mélenchon est resté bloqué surle modèle de la révolution de 1789.C’est assez clair connaissant laligne de son Parti de gauche (PG),ou encore avec le logo « Phi »symbole de la « Raison ». Il voit

sa Constituante comme une réédi-tion du combat de la bourgeoisiecontre Louis XVI, plus que commeun prolongement des deux sièclesde luttes du mouvement ouvrierqui ont suivi. . . Avec des référencesaussi déconnectées, le candidat dela « France Insoumise » ne peut pasapporter de réelles solutions.

En 37 pages de programme, iln’y a pas une seule occurrencedes mots « capitaliste », « capi-talisme », « socialisme », et biensur pas de « communisme ». PourMélenchon, le clivage fondamentaln’est pas entre les travailleurs/seset les capitalistes (seuls les préju-gés de classes sont condamnables),mais entre le « peuple » et « l’oli-garchie ». La nouvelle constitu-tion devra « balayer l’oligarchie »dans un cadre qui restera capita-liste : autant dire que cela n’estpas possible ! Les gros actionnaires(comme Xavier Niel pour Free ouLiliane Bétencourt pour l’Oréal) etles PDG (comme Carlos Ghosn,patron de Renault ou Eric Olsenpatron de Lafarge) ne céderontpas face à de prétendues menacesconstitutionnelles. Il n’est pas pos-sible de contraindre des patrons parla négociation mais seulement parl’expropriation !

Sa constitution donnera-t-ellede véritables droits aux travailleursface aux capitalistes ? C’est ce qu’ilprétend, mais c’est du �anc. Les sa-lariés auront le droit à un « votede dé�ance » à l’égard de leurpatron, sans qu’on sache ce qu’ilentraînerait ! Les comités d’entre-prise auront un « droit de vétosuspensif » sur les seuls licencie-ments économiques. Autrement ditils pourront suspendre (combien detemps?) les licenciements écono-miques mais pas les empêcher.

Pour faire régner l’ordre, et no-tamment le respect du droit de pro-priété, Mélenchon veut « renforcerles moyens humains et matérielsdes forces de sécurité, en quantité

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Introduction 3

et qualité » et « créer une gardenationale ». Il prétend refuser la« logique de l’exception » mais ilne veut pas abolir l’état d’urgence(seulement combattre ses abus). Ilencourage la délation (« signale-ment ») des personnes « suspec-tées » de pouvoir glisser sur lapente du terrorisme. Il veut embri-gader les jeunes dans un « ser-vice citoyen obligatoire » de 9 mois,pour leur apprendre l’amour de lapatrie et de l’État. Dans sa logiquede nation forte et universelle, ilsouhaite aussi sortir « des guerresdéstabilisatrices et des alliances hy-pocrites avec les pétro-monarchiesdu Golfe », mais quelles guerressont celles déstabilisatrices? Vu lespositions qu’à eu Jean-Luc Mélen-chon concernant les interventionsmilitaires de la France, on peutdouter de son anti-impérialisme,combat qui doit être central. Parailleurs, est-ce que le commerced’avion du « �euron Dassault »avec ces pétro-monarchies lui poseaussi problème?

Mélenchon veut une « ré-publique universelle » et prétend« abolir les ségrégations ». Autre-ment dit, la nouvelle constitutionva proclamer l’abolition du patriar-cat et du racisme ! C’est beau, saufque Mélenchon, en 37 pages de pro-gramme, ne dit pas un mot contre laracisme d’État, et en particulier l’is-lamophobie d’État. Il ne su�t pasde proclamer la république univer-selle et de combattre tous les repliscommunautaires pour faire dispa-raître les oppressions raciales etsexistes. Faute de s’attaquer aux ra-cines de ces oppressions (en impul-

sant des cadres d’auto-organisationà toutes les échelles de la société,par exemple), et donc aux fonde-ments même du système capita-liste, celles-ci se perpétueront et lesgrandes déclarations universalistesne serviront qu’à jeter un écran defumée pour les nier. Il faut s’at-taquer aux bases matérielles quipermettent et entretiennent les op-pressions et l’exploitation.

Il existe des nuances entre lesformes de « démocraties bour-geoises », et la 5e République estune des moins démocratiques. Maisl’expérience des précédentes répu-bliques françaises parlementairesou des autres pays montre que cesdi�érences ont peu d’impact sur lavie concrète des travailleur.se.s etl’exploitation capitaliste. Bien sûr,les mesures proposées telles quele droit de vote à 16 ans, la ré-vocation des élu-e-s, le droit devote pour résident-e-s étranger-e-s aux élections locales (seulement !)sont des mesures progressistes, demême que le changement d’état ci-vil libre et gratuit. Mais même siun éventuel processus constituantpour une 6e République soulève-rait certainement un enthousiasmeidéaliste dans certaines couches dela population, il ne mobiliserait pasles couches les plus exploitées, quine ressentent que dégoût ou dés-intérêt pour des institutions déta-chées d’eux. Et pour cause : dif-�cile de s’intéresser aux modali-tés d’élection de députés parmides avocats, des patrons, des haut-fonctionnaires. . . mais presque au-cun.e ouvrier.ère ou employé.e,surtout depuis l’e�ondrement du

PCF 4.Dans la même dynamique, les

mesures proposées pour le contrôledes médias sont des mesures « parle haut » : élection des président deFrance Télévision et Radio France,loi anti-concentration des médias,etc., alors que le problème centralest l’asservissement des médias àla classe dominante : sans lutte declasse, alors pas d’espoir du côtédes médias, là encore, l’espoir vien-dra du développement de l’auto-organisation sur ces lieux de tra-vail.

Dans ces conditions, la poli-tique de Mélenchon et le républi-canisme du PG ne peuvent avoirque pour e�et de canaliser les éner-gies militantes dans une impasse.Nous défendons bien évidemmentles droits les plus étendus possibles,mais cela fait bien longtemps quele capitalisme a montré que « lesdroits formels » ne seront jamaispleinement des « droits réels »pour les exploité.e.s. Si nous vou-lons une « démocratie réelle »,une « République sociale » si l’onveut 5, il nous faut des institutionsrévolutionnaires. La démocratie nedoit plus s’arrêter aux portes desentreprises, et ne doit plus être unevague représentation élue tous les5 ans. Les entreprises comme lesquartiers doivent être gérés par desconseils de travailleur.se.s, qui ontle temps de se réunir et d’élire desdélégué.e.s mandatés et révocablesparmi elles.eux. Il n’y aurait plus depoliticiens professionnels, commeMélenchon qui l’est depuis 40 ans.

Tendance CLAIRE,1 février 2017

4. h�ps://www.youtube.com/watch?v=bhcQzkEjeCQ5. Nous ne fétichisons pas les mots, leur sens et leur impact politique dépend de l’époque et de qui les emploie. Mais la revendication

de « République sociale » n’est plus du tout portée par notre classe, et aujourd’hui, les grands mots des politiciens sur « la République »servent avant tout à entretenir des illusions sur l’État français. Mélenchon est un de ces politiciens.

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Protéger et Partager 4

PROTÉGER ET PARTAGER

Un programme antilibéral illusoire quipromet la lune sans touchersubstantiellement à la propriété descapitalistes !

Deuxième épisode de notrecritique du programme de la

France insoumise

sur le chapitre « Protéger etPartager »

Cet article s’inscrit dans la sé-rie d’articles de critique spéci�quedu programme de la France Insou-mise de Jean-Luc Mélenchon. Celafait suite au premier épisode du 1erfévrier.

Dans cette partie de notre cri-tique, nous nous intéressons plusparticulièrement au chapitre deuxdu programme de Mélenchon inti-tulé « Protéger et Partager » (h�p://tendanceclaire.org/contenu/autre/Programme-France-Insoumise-2017.pdf). C’est dans ce chapitre que lecandidat nous présente ses princi-pales mesures économiques. Mé-lenchon nous ressert le vieux pro-gramme antilibéral de « relance »et de « redistribution » qui a sys-tématiquement échoué partout : en

1981 en France, en 2015 en Grèce,etc.

Bon nombre de ces mesuresvont dans le sens de plus de par-tage, d’une meilleure redistribu-tion, et donc sont des mesures pro-gressistes. Cependant il est illu-soire de croire et de faire croirequ’elles peuvent être mise en placesimplement par le haut, par desimple lois gouvernementales. Ene�et, pour la plupart, ce sont desmesures handicapantes pour les ca-pitalistes (abrogation de la loi tra-

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Protéger et Partager 5

vail, régularisation des travailleur-se-s sans papier, titularisation desprécaires de la fonction publique,6e semaine de congés payés, etc.), etil y aura donc une forte réaction dela classe dominante, sauf s’il existeune mobilisation de masse su�-sante pour e�rayer les dirigeantscapitalistes. Par ailleurs, il n’y apas de marge de manœuvre pourune politique de relance, et celle-ci ne peut pas faire de la « puis-sante France » un pays dans le-quel le capitalisme se porte bien.Bien au contraire, cela accentue-rait la crise et déboucherait très ra-pidement (encore plus vite qu’en1981) sur une politique d’austé-rité : cf. h�ps://tendanceclaire.org/article.php?id=71.

À cela nous opposons des re-vendications claires et intransi-geantes avec les capitalistes touten ne nous faisant pas d’illusions :nous ne pourrons imposer ces re-vendications que grâce à la force denos mobilisations, jusqu’à la rup-ture avec le capitalisme et son lotde pourritures dirigeantes dans lesentreprises comme dans l’État.

Pour Mélenchon, l’État estneutre et il peut être mis au servicede la population. En bon arbitre, ilpourrait à la fois servir les exploité-e-s et les « bons » capitalistes, quiproduiraient de façon écologiquepour satisfaire les besoins sociaux.Or, l’État sert structurellement lesintérêts des capitalistes, à l’opposédes nôtres. Pour imposer pleine-ment nos revendications, il faudraune immense mobilisation de notreclasse qui fera émerger de nou-velles institutions sur les ruines desinstitutions de l’État capitaliste.

Voici les principales proposi-tions de son programme écono-mique :

— Une « révolution �scale » pourredistribuer les richesses sanstoucher aux rapports de produc-tion et à la propriété capitaliste.

— Mettre �n au pillage des ac-

tionnaires : comme si les ac-tionnaires et les grands pa-trons n’étaient pas de la mêmeclasse. . . là encore, Mélenchonoppose actionnaires et salarié-e-s, alors que les travailleurs/sess’opposent à l’ensemble de laclasse dominante (actionnaires,PDG salariés, haut encadre-ment).

— Dé-�nanciarisation de l’écono-mie, car les �nanciers « im-posent la tyrannie du tempscourt sur le temps long de l’ac-tivité humaine ». Mais capitalproductif et le capital �nanciersont indissociables, et la �nan-ciarisation n’est pas une causede la crise, mais une consé-quence. En régulant davantagela �nance, on ne sortirait pasde la crise et on ne mettrait pas�n à l’exploitation capitaliste !La seule solution passe par laréappropriation des entrepriseset des moyens de productionspar les travailleurs et les tra-vailleuses, pour décider de pro-duire selon nos besoins, et nonplus pour faire du pro�t.

— Augmenter massivement l’in-vestissement public en utilisantnotamment l’argent du pacte deresponsabilité et du CICE.

— Encourager l’investissement enmodulant la �scalité sur les en-treprises en fonction de l’uti-lisation des pro�ts. Mélenchonnous fait croire que les capita-listes font la grève de l’inves-tissement pour se gaver de di-videndes, et qu’il su�rait ainsid’une bonne �scalité incitativepour que l’investissement re-parte. C’est super�ciel et faux.La part du pro�t qui est réin-vestie ne baisse pas, et les ca-pitalistes sont obligés d’inves-tir pour rester compétitifs. Lafaiblesse de l’investissement, etdonc de la croissance, est une

conséquence de la crise de ren-tabilité du capitalisme.

— Augmenter les salaires, notam-ment en faisant passer en débutde mandat le Smic à 1 300 enet contre 1 143 e en 2016(toute augmentation de salaireest bonne !). Pour le reste, c’estle �ou total, aucun engagementchi�ré pour les fonctionnairespar exemple.

— Limiter l’écart de 1 à 20 entreles salaires les plus hauts et lessalaires les plus bas dans uneentreprise, et interdire les para-chutes dorés. Une mesure plusque juste, mais les riches ne vontpas accepter gentiment une tellemesure sans une pression desmobilisations de masses (quielles peuvent faire vaciller lesystème).

— Créer un « pôle public ban-caire » en concurrence avec lesbanques privées et qui devraitdonc avoir les mêmes objectifsde rentabilité. Mitterrand étaitallé bien plus loin en nationali-sant tout le secteur bancaire. . .et le mettre au service des capi-talistes.

— « Contrôler et taxer les mouve-ments de capitaux » : pas ques-tion de fermer la bourse, demettre �n à la libre convertibi-lité de la monnaie sur les mar-chés.

— Réguler la précarité et non ymettre �n puisque les entre-prises privées ne devront sim-plement pas dépasser un quotamaximum de contrats précaires.Une illustration supplémentairede non remise en cause du ca-pitalisme, et du projet d’en faireun qui se veut « gentil », maistoujours fondé sur l’exploita-tion.

— La durée de cotisation pour uneretraite complète est �xée à 40

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ans et le droit de retraite à60 ans. . . Autrement dit, Mé-lenchon ne veut pas reveniraux 37,5 et donc il entérine lescontre-réformes qui ont aug-menté la durée de cotisation.

— Instaurer une 6ème semaine decongés payés et la majorationdes heures supplémentaires. Parcontre la réduction du tempsde travail à 32 heurs est relé-guée à un objectif, il veut toutd’abord appliquer réellement les35 heures.

— Éradiquer la pauvreté : instau-rer la gratuité de l’accès à l’eau,le gaz, l’électricité sans parler denationalisation, où bien mieux,d’expropriation? Quels sont lesmoyens mis en place pour detelles mesures? En expropriantces grands groupes capitaliste,et en les mettant sous contrôledes salarié-e-s, alors une tellemesure est envisageable !

— Interdire les « licenciementsboursiers » sans qu’on sache ceque cela veut dire ; en fait les en-treprises pourront continuer àlicencier, l’État étant censé em-ployer tous ceux qui ne trouventpas d’emploi dans les entre-prises capitalistes (« employeuren dernier ressort »), et s’il n’y

arrive pas la continuité du der-nier revenu serait garanti. Maisqui peut croire que le revenu se-rait garanti si il n’est pas reliéà un travail reconnu? Dans lecadre du capitalisme, l’État n’atout simplement pas les moyensd’embaucher tous les chômeursou/et de leur fournit un revenudécent. Pour garantir un salaireà chacun, il faut revoir entière-ment l’organisation de la pro-duction et mettre �n à la pro-priété privée des moyens de pro-duction.

D’une part, Mélenchon rognesur les mesures d’urgences pourparaître « crédible ». D’autre part– et c’est le problème fondamen-tal – même son programme allégén’est pas crédible et est voué àl’échec. Taxer les pro�ts pour �-nancer les dépenses publiques nefera qu’aggraver la crise du ca-pitalisme et conduire inéluctable-ment à une austérité accrue, fautede s’attaquer à la propriété et aupouvoir capitalistes. Dans une pé-riode de crise structurelle du capi-talisme, les marges de manœuvrepour une politique réformiste sontquasi-nulles, et le retournementse ferait encore plus vite qu’en1981 où il existait quelques margesde manœuvre. Et ce n’est pas le« protectionnisme solidaire » (qui

cherche à crédibiliser un tel pro-gramme de relance) qui permettraà Mélenchon d’appliquer son pro-gramme. Celui-ci vise à accepter leslois du marché, mais avec quelquesaménagements, comme une aug-mentation des droits de douanevisant certains pays ou des me-sures favorisant certaines entre-prises pour les marchés publics.Au « protectionnisme solidaire »de Mélenchon, nous opposons lemonopole étatique du commerceextérieur, c’est-à-dire le contrôledes échanges externes par les tra-vailleurs/ses pour protéger la pro-duction nationale des lois de laconcurrence capitaliste.

La di�érence fondamentaleentre un programme anticapita-liste révolutionnaire et un pro-gramme antilibéral ne réside pasdans la plus ou moins grande radi-calité des mesures d’urgence. Elleréside dans le fait que les anti-capitalistes révolutionnaires arti-culent les mots d’ordre à la néces-sité d’exproprier les capitalistes etde prendre le contrôle de l’écono-mie. C’est pourquoi il faut que lestravailleurs/ses prennent le pou-voir en construisant leurs propresinstitutions, pour former un gou-vernement des travailleur/ses !

Tendance CLAIRE,9 février 2017

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Écologie 7

ÉCOLOGIE

Un catalogue de mesures qui ne permet pasde faire face à la crise écologique

Il nous faut reconnaître queMélenchon, par rapport à sonorigine (et à celle de son alliéle PCF) a fait des progrès dansla prise en compte de l’écolo-gie. Le programme aborde des su-jets fondamentaux comme l’éner-gie, l’habitat, les transports, le loge-ment, l’agriculture, la consomma-tion, la biodiversité, etc. Contrai-rement aux autre candidats insti-tutionnels, il envisage l’arrêt desgrands projets inutiles et dange-reux tels NDDL ou Bure. Il abordede nombreux sujets souvent dé-taillés, allant même jusqu’à pré-coniser la réduction de « la partdes protéines carnées dans l’alimen-tation au pro�t des protéines végé-tales ». Malheureusement, il s’agitprincipalement d’un catalogue à laPrévert de bonne intentions.

De grands principes. . .

Car Mélenchon veut nous fairecroire qu’avec quelques mesuresdans le cadre du capitalisme, onpourrait sortir de la crise clima-tique. C’est impossible, tout commeil est impossible de sortir de lacrise économique du capitalismepar la politique keynésienne qu’ilpréconise. Soulignons d’ailleursla contradiction du réformisme :puisque l’on ne veut pas exproprierl’économie privée, on ne peut quel’inciter, la « relancer ». . . CertesMélenchon veut mettre cette re-lance « au service de la transi-tion écologique ». Mais le gâchiset le productivisme sont consub-stantiels au capitalisme. L’urgentetransition écologique ne peut sefaire qu’en rupture avec l’écono-

mie de marché, puisque celle-ci nerepose que sur la concurrence, seulmoyen de survie des entreprises.

Comme le reste du programmede la France insoumise (FI), le pro-gramme écologique est basé surde grands principes, mais sansles moyens réels de les appliquer.L’exemple le plus frappant est laproclamation qui �gure au fron-ton du chapitre intitulé « Face àla crise climatique, la plani�cationécologique », qui est : « Inscrire dansla Constitution la règle verte instau-rant l’obligation de ne pas préleverdavantage que ce que notre planètepeut régénérer ».

La Constitution de la Vème Ré-publique sous laquelle nous vivonsproclame déjà de nombreux prin-cipes généraux 1 qui n’ont aucuneréalité, tout comme le « principe de

1. Notre article Une nouvelle constitution bourgeoise pour réformer le capitalisme

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Écologie 8

précaution » que Chirac avait faitajouter. Cela fait des décennies queles COP successives se contententde voter des résolutions appelantà une limitation du réchau�ementclimatique, et que les objectifs nesont jamais atteints.

. . .pour une plani�cation�ctive

Mélenchon se gargarise demots comme celui de « plani�ca-tion écologique ». Il ignore peut-être que ce terme est largement em-ployé dans les services du ministèrede l’écologie 2. . . et qu’il ne désigneque des objectifs que les patrons del’énergie ou du recyclage sont sup-pliés d’atteindre. Même à l’époquegaulliste, où l’économie françaiseétait beaucoup plus régulée qu’au-jourd’hui, on parlait de « plani�ca-tion indicative », pour la distinguerde la « plani�cation impérative »des « économies socialistes » (sta-liniennes). Pour qu’il y ait une vé-ritable plani�cation, il faut que lescapitalistes soient expropriés etpour qu’elle soit démocratique, ilfaut que les travailleurs/ses soientaux postes de commande.

« Pôle public de l’énergie »et coopératives locales

Mélenchon compte donc surl’État (toujours vu comme un ou-til réutilisable à souhait) pour inter-venir légèrement dans l’économie.Il veut donc constituer un « pôlepublic de l’énergie » 3 : pas un mo-nopole, mais un ensemble d’en-treprises publiques en concurrenceavec le privé. Il ne veut exproprieraucun capitaliste. Autrement dit, ilveut payer, aux conditions des capi-talistes, pour rentrer dans le capitalde ces entreprises. . . avec quel ar-gent? Mélenchon veut donner des

directives, mais tant que l’on se re-fusera à toucher à leur propriété,les capitalistes auront le derniermot.

Au même chapitre, la créationde coopératives locales (qui demeu-reraient en concurrence avec leprivé auquel on ne touche pas) re-lève de la même conception uto-pique alors que l’histoire a mon-tré que la coexistence public-privén’est en aucune façon capable decontrecarrer la folie meurtrière dumarché.

La �scalité, panacée duréformisme

Avec si peu d’incursions dansla propriété privée, Mélenchoncompte centralement sur la �sca-lité, qui est d’ailleurs l’outil centralde son programme. En e�et sesmesures écologistes (comme lesmesures sociales) nécessitent ungros transfert d’argent :

— « Mettre �n aux situationsde précarité énergétique quevivent les ménages » ;

— « assurer l’isolation d’au moins700 000 logements par an » (ré-novation écologique du bâti)

— « imposons la gratuité des quan-tités [d’énergie] nécessaires àune vie digne » ;

— « Sauver l’écosystème et la bio-diversité ».

On le sait, Mélenchon prétendque via l’impôt sur le revenu, ilprendra l’argent des riches au-delàde 30 000e / mois. Nous ne croyonsabsolument pas que Mélenchon ré-sisterait aux pressions des capita-listes contre cette mesure. Aucungouvernement capitaliste n’a appli-qué de revenu maximal dans l’his-toire, sauf un court instant pendant

l’e�ervescence révolutionnaire de1789. . . Or malgré tout son imagi-naire jacobin, Mélenchon n’a au-cune envie de s’appuyer sur uneréelle révolution.

Plus déplorables encore sontles rares moyens de pression pro-posés pour forcer les industriels àobtempérer. On retrouve ici entreautres la vieille antienne réformistedes taxes incitatives dont l’ine�ca-cité est patente :

— « Introduire une contributioncarbone sur le transport de mar-chandises »

— « Instaurer une taxe kilo-métrique aux frontières de laFrance pour intégrer le coûtécologique dans les produits,qui dépendra de la distance par-courue par les produits impor-tés »

On sait pertinemment que lescapitalistes se soucient commed’une guigne de telles taxes dontle poids est systématiquementreporté sur les travailleur/ses.Un gouvernement Mélenchonne pourrait donc pas mettre cegenre de taxe à un niveau élevé,sous peine de frapper de pleinfouet les travailleur/ses les pluspauvres. Au �nal, avec de nou-velles taxes symboliques (comme« l’éco-contribution »), l’empreintecarbone des marchandises de-meure inchangée.

Nucléaire et renouvelables :plus vite !

Au sujet du nucléaire, on setrouve là aussi en face d’un pro-gramme mollasson et irresponsablequi propose une sortie progressiveen plusieurs décennies. À l’heureoù les centrales arrivent en �nde vie, c’est un véritable scandale.

2. h�p://www.developpement-durable.gouv.fr/action-des-territoires-transition-energetiqueh�p://www.developpement-durable.gouv.fr/node/1171#e8h�p://www.developpement-durable.gouv.fr/trame-verte-et-bleu

3. Même logique qu’avec son « pôle public bancaire » dont nous avons déjà parlé.

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Bien davantage que de ne pas être« une solution d’avenir » commedit dans le programme de la FI, lenucléaire est une véritable bombeà retardement : Tchernobyl et Fu-kushima nous l’ont montré claire-ment.

Arrêtons de repousser la datede sortie et exigeons-la mainte-nant ! Melenchon s’appuie sur lepoussif scénario Négawatt qui nepropose pas mieux en matière dedéveloppement des énergies re-nouvelables que feu le grenelle del’environnement de Sarkozy. Nousvoulons une sortie du nucléaireen moins de 10 ans basée sur lescénario du NPA, en mettant lesmoyens nécessaires sur les écono-mies d’énergie, et sur le dévelop-pement des énergies renouvelables.Avec une monopole de l’énergiesous contrôle des travailleurs/ses,nous pourrons engager une recon-version des emplois du nucléairedans les énergies renouvelables etdans la gestion de l’aval du cycle(déchets, démantèlement. . .). Voilàce qui serait le début d’un vrai pro-gramme de transition énergétique.

Quelques autres mesures

Même s’il s’agit de thèmes im-portants, les principales mesuresdu programme de la FI montrentclairement qu’il s’agit d’une tenta-tive « d’encadrer » le marché capi-taliste, par des incitations, dissua-sions et incantations :

— Mélenchon souhaite à juste titredévelopper les transports pu-blics écologiques en « refu-sant la mise en concurrence

du transport ferroviaire » : leprogramme n’indique pas demoyens, il faut là encore ex-traire de force ce pan de l’écono-mie de marché, et le mettre souscontrôle démocratique réel. Sonengagement pour « la sortie dudiesel en commençant par sup-primer progressivement l’avan-tage �scal pour les �ottes d’en-treprises » reste trop incitativepour être une vraie mesure.

— Mélenchon constate le « règnedu déménagement permanentdes marchandises », mais neveut pas voir que cette logique(« �ux-tendu », permettant dene pas avoir de stock à gérer)sert à augmenter le taux depro�t des entreprises. Ainsi,les taxes qu’il veut mettre enplace seront au mieux très mi-nimes (sinon, la mobilisationdes grands capitalistes sera tropimportante, et il ne pourra pasrésister seul à la tête du pays).

— Dans le point sur la biodiver-sité, Mélenchon fait des décla-rations de principe (qui fontbien) comme « bannir les pes-ticides nuisibles », évoquantmême l’éradication de la mal-traitance animale, mais sanspréciser aucun moyen de miseen œuvre.

— Mélenchon fait le constat de dis-symétries dans les territoires,dans les villes, etc. Il veut à justetitre défendre et reconstruire lemaillage de transports en com-mun et les services publics surtout le territoire, dans les dépar-tements ruraux et les quartiers

populaires. Il veut inverser la lo-gique de compétition entre ter-ritoires et stopper l’étalementurbain en incitant au rappro-chement entre bassins de vie etd’emploi. Il ne parle cependantpas de gratuité des transports,ni de comment il pourra réali-ser ses mesures. Il ne s’interrogepas non plus sur les raisons dela ghettoïsation de certains en-droits, dû à la surexploitationcapitaliste de certaines catégo-ries de la population. Sans s’at-taquer aux racines du mal, ilne peut apporter que de beauxprincipes en guise de panse-ments.

L’ensemble du programme éco-logique de la FI n’est donc au �nalqu’une énumération de mesuresabstraites ou anodines, condam-nées à l’impuissance faute de re-mettre en cause le pouvoir des ca-pitalistes sur les moyens de produc-tion. Il faut donc que notre classeprenne le pouvoir par la mobilisa-tion et l’auto-organisation et dé-cide collectivement, en dehors ducadre de la concurrence capitaliste,de notre production, et de notreécologie !

N’attendons pas un sau-veur, organisons-nous, et prenonsconscience collectivement des pos-sibilités que nous avons si nous nelaissons pas dicter nos vies parun système économique et pardes grandes multinationales lob-byistes.

Tendance CLAIRE,19 février 2017

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Union Européenne 10

UNION EUROPÉENNE

Quelle rupture avec l’Union européenneactuelle?

Cet article s’inscrit dans la séried’articles de critique du programmede la France Insoumise de Jean-LucMélenchon 1. Après la critique desvolets institutionnel 2, économique 3,et écologique 4 du programme, noustraitons aujourd’hui du chapitre 4du programme deMélenchon, consa-cré à l’Union européenne.

Le message semble être clair :« sortir des traités européens »,alors qu’en 2012, placé sous tutelledu PCF, il prétendait simplement« construire une autre Europe »

sans rompre avec l’UE actuelle. Mé-lenchon était bien conscient qu’ilne pouvait pas s’en tenir à son pro-gramme de 2012, après la prévisiblecapitulation de Tsipras en Grèce etle rejet populaire massif (et légi-time) de l’UE.

Le ton est apparemment ferme,mais les ambiguïtés demeurent.D’une part, Mélenchon ne veut pasdirectement rompre avec l’UE. Ilveut avant tout tester un « planA » qui consiste à proposer unerefondation des traités. Il annonce

donc dans un premier temps res-ter dans l’UE, tout en désobéissantet en négociant d’autres traités. Etc’est seulement en cas d’échec desnégociations que s’appliquerait un« plan B » de rupture avec l’UEpar le rétablissement d’une mon-naie nationale et le « contrôle » descapitaux et marchandises aux fron-tières nationales. Ce mécano jetteun doute sur ses véritables inten-tions. Car si Mélenchon veut es-sayer d’appliquer son programmeet vraiment désobéir, alors la rup-

1. Qu’on peut lire gratuitement sur notre site : h�p://tendanceclaire.org/breve.php?id=220782. Cf. h�p://tendanceclaire.org/article.php?id=11333. Cf. h�p://tendanceclaire.org/article.php?id=11384. Cf. h�p://tendanceclaire.org/article.php?id=1149

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ture sera immédiate et il devranotamment réquisitionner directe-ment la Banque de France pouravoir le contrôle sur la monnaie.Dans son opération de chi�rage deson programme le 19 février 5, Mé-lenchon et son duo d’économistes(Jacques Généreux et Liêm HoangNgoc) se sont placés uniquementdans le cadre du plan A! En fait,Mélenchon est persuadé que leplan A su�ra : « je suis persuadéque j’arriverai à convaincre. Je penseque n’importe quel esprit, fût-il d’unpoint de vue totalement opposé aumien arrive à comprendre qu’à unmoment donné le bilan s’impose àtous ». 6 Mélenchon réduit souventla politique néolibérale de l’UE àune idéologie imposée par « les Al-lemands ». Même s’il lui arrive depréciser qu’il y a des classes popu-laires aussi en Allemagne, son dis-cours cultive souvent l’ambiguïté.Il dénonce « l’Europe allemande »,et fait comme s’il fallait « restau-rer l’indépendance de la France »face à elle. . . S’il est clair que les ca-pitalistes allemands sont ceux quis’en sortent le mieux aujourd’huien Europe, beaucoup d’autres enpro�tent, comme le CAC 40, et tousacceptent pour l’instant les règlesde cette UE. Les pro-capitalistes eu-rophiles comme Macron ne sontpas « soumis » à Merkel, ils veulents’inspirer des mini-job ultra pré-caires d’outre-Rhin pour le plusgrand bonheur des patrons fran-çais, et pour rattraper les patronsallemands.

Outre l’inconsistance de sa« tactique » de négociation, c’estle projet même de Mélenchon quipose problème. Son plan A est l’ac-ceptation d’une Union européennerefondée avec quelques aménage-ments, mais avec le maintien deses vices originels. Il accepteraitque la souveraineté monétaire soitdéléguée à la BCE et que la prin-cipale variable d’ajustement (fautede pouvoir dévaluer sa monnaie) àl’intérieur de la zone euro pour res-ter compétitif soit les salaires. Cettelogique de mise en concurrencegénéralisée des travailleurs/ses del’UE est donc de fait acceptée parMélenchon, et il n’a que « l’har-monisation sociale et �scale » à luiopposer. Mais ce leitmotiv, aujour-d’hui repris également par Hamon,nécessiterait pour être autre chosequ’un slogan des transferts bud-gétaires massifs des pays les plusriches vers les pays les plus pauvresde l’UE. Qui peut croire un seulinstant que les capitalistes les pluspuissants de l’UE accepterait untel mécanisme? D’ailleurs, Mélen-chon ne l’évoque pas lui-même. . .Quant à son plan B, s’il devait au�nal s’y résoudre (mais tout in-dique qu’il capitulerait avant dele mettre en œuvre), ce serait leretour à un capitalisme national.Mais Mélenchon ne sortirait pasdes contradictions du capitalismeen sortant de l’UE. Dans un capita-lisme en crise, avec ou sans UE, iln’y a pas de marge de manœuvrepour des politiques keynésiennes

de relance.Des porte-parole de notre parti

ont signé un texte programmatiqueet stratégique avec les principauxlieutenants de Mélenchon (dontCoquerel) 7. C’est une faute poli-tique dramatique car, bien entendu,cet accord se fait sur des bases an-tilibérales, et pas sur des bases an-ticapitalistes révolutionnaires, enrupture avec la propriété et les ins-titutions capitalistes. Concernantle rapport à l’UE et à l’euro, cetexte cherche à tirer les leçons del’échec de Syriza en Grèce, ce quiest salutaire. Mais même sur ceplan il véhicule encore des illusionsavec des demi-mesures. Il s’agiraitnotamment de créer une monnaiecomplémentaire à l’euro. . . tout engardant l’euro ! Qui peut croirequ’un tel mécano monétaire pour-rait fonctionner?

L’UE est un ensemble d’insti-tutions qui empêchent toute rup-ture avec l’ordre établi. Un gou-vernement des travailleurs/ses de-vrait immédiatement, de façon uni-latérale, rompre avec l’UE et l’euro,créer une monnaie inconvertible, etcontrôler les échanges avec l’exté-rieur. L’internationalisme ouvrierdes anticapitalistes n’a rien à voiravec l’Europe du capital et c’est ceque nous devons dire clairementaux travailleurs/ses qui vomissentà juste titre l’UE.

Tendance CLAIRE,27 février 2017

5. Cf. h�p://tendanceclaire.org/breve.php?id=227386. Cf. h�ps://youtu.be/9oDZiX2W5zM?t=1h15m33s7. Cf. h�p://www.cadtm.org/Les-defis-pour-la-gauche-dans-la

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La Nation 12

LA NATION

La France « nation universaliste » oucomment légitimer l’impérialisme et laprésence post-coloniale

L’hypocrisie du programme dela « France insoumise » éclatedans le chapitre 5 : « Face àla guerre, instaurer l’indépendancede la France au service de la paix ».Derrière un discours paci�cateur,Mélenchon veut « redonner » àla France un statut de « puis-sance », en tête d’un regroupementexcluant les USA désignés implici-tement comme « le seul méchantimpérialisme ». L’objectif : être hé-gémonique notamment au sein del’ONU et « face au désordre libé-ral et au changement climatique »imposer « un monde ordonné ».Mélenchon célèbre l’ONU comme« organe légitime pour assurerla sécurité collective » alors quecomme son ancêtre la « Société desnations », c’est la « caverne des bri-gands » (Lénine), lieu de confron-tation des principales puissancesimpérialistes. En e�et, il est illu-soire de croire et de faire croireque, dans un monde capitaliste,les États peuvent ne pas chercherà tirer leur épingle du jeux pourque leurs économies respectives seportent mieux que celles des autres.

La compétition économique est né-cessaire pour la survie des capita-listes.

Dès le chapeau introductif, leton est donné et c’est le chef luimême qui est cité : « Nous sommesune Nation universaliste [. . .] Notreancrage est en Méditerranée et avecles peuples francophones du conti-nent africain, là où va se façonnerl’avenir. » Il n’y a pas de meilleuresfaçons pour a�rmer que l’objec-tif est de maintenir une réelle pré-sence post-coloniale et de mainte-nir sous tutelle les « peuples fran-cophones », c’est à dire les peuplesvictimes de l’impérialisme et dela colonisation. Et que veut direl’« avenir se façonne »? S’il s’agitd’une nouvelle source de pro�tpour les capitalistes, alors nous lecombattrons, et s’il s’agit d’un sou-lèvement de masses pour renverserle système, alors nous le soutien-drons.

Dans le même temps, Mélen-chon proclame qu’il faut « refuserla logique de choc des civilisations »(A1) et surtout « qu’il « faut arrêterles guerres », (F) pour permettre àchacun de vivre chez soi. Très bienmais alors pourquoi se félicite-t-ilquand son ami Dassault vend desarmes au monde entier ? 1 Puisquele secteur de l’armement est un des« �eurons » de l’économie fran-çaise 2, un défenseur de la « puis-sance » de la France comme Mélen-chon n’y mettra aucune entrave.

En outre, l’arrêt des guerresn’aura jamais lieu dans le cadre

du capitalisme, car, comme l’a dé-claré un des modèles de Jean Luc« le capitalisme porte en lui laguerre comme la nuée porte l’orage »(Jaurès). Dans un capitalisme encrise, les capitalistes se battront deplus belle pour l’accaparement derichesses ! Pour engager de tellescombats, les di�érents États au ser-vice des classes capitalistes natio-nales, sont toujours prêts à enga-ger des guerres sanglantes (mêmes’ils prétextent des causes huma-nitaires et démocratiques). Seul.e.sles travailleurs/euses organisé.e.set conscient.e.s de leur intérêtscommuns pourront mettre �n auxguerres capitalistes en mettant àbas ce système. Nous opposonsl’internationalisme ouvrier aux ar-rangements entre impérialistes ausein de l’ONU.

Mélenchon prétend vouloir« changer de stratégie » et rompreavec les pratiques actuelles concer-nant les relations internationales. Iln’a de cesse de parler de « diploma-tie » et de « paix » mais toujoursdans le même cadre : celui d’ac-cords entre dirigeants de grandespuissances qui vont intervenir danstel ou tel pays, avec la légitimité duplus fort. Il n’a de cesse de parler del’ONU comme étant le « seul organelégitime pour la sécurité collective »(C1). Lorsque Sarkozy envahissaitla Libye, le seul reproche que luifaisait Mélenchon était de n’avoirpas su�samment agi dans le cadrede l’ONU. . . Mais qu’est-ce que celaaurait changé pour la Libye, qui a

1. France Inter, 1erfévrier 20122. La France est au coude à coude avec la Russie pour la deuxième place des pays plus gros vendeurs d’armes. . .

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été durablement déstructurée?Mais faut-il lui rappeler que

siègent au conseil de sécurité del’ONU les plus gros marchandsd’armes et les pays qui ont causéle plus d’horreur dans le monde,dont la France? Faut-il lui rappe-ler que l’ONU est simplement unoutil de légitimation du pouvoirdes grandes puissances atomiques?Faut il lui rappeler qu’on n’apportepas la paix les armes a la main?Ce qu’il propose réellement s’appa-rente en fait à une politique impé-rialiste « à visage humain ».

Concernant la Françafrique, ilindique qu’il faut « respecter l’in-dépendance des États africains etla souveraineté des peuples en s’in-terdisant de se mêler des électionset réprimant les corrupteurs ».(I1)Louable promesse. . . Mais pas trèsexplicite ! Dans le tandem France-Afrique, ce sont les capitalistesfrançais comme Total, Orange, Vi-vendi et Bolloré qui sont les princi-paux corrupteurs. Il est nécessairede les exproprier, et de donner lecontrôle de leurs implantations enAfrique aux peuples eux-mêmes,à qui leurs ressources reviennentde plein droit ! Mélenchon n’a au-cune intention de faire cela, mêmepas l’intention de nationaliser cesgroupes.

Chez Mélenchon, mettre �nà la Françafrique signi�e respec-ter « l’indépendance des États ».Il devrait préciser comment : enmettant �n au franc CFA, en ex-propriant les grands patrons fran-çais comme Bolloré qui obtiennentdes chantiers de construction mo-numentaux, en retirant toutes lesforces armées qui occupent despays entiers etc etc. Jamais Mélen-chon n’y fait allusion, il se contentesimplement de vagues postures. Laréalité est qu’objectivement, il seretrouverait à la tête d’une Franceimpérialiste qui continuerait à sou-

mettre ses néo-colonies.Concernant la Syrie, Mélen-

chon veut une politique « pourl’éradication de Daech, le retour à lapaix, la transition politique et la re-construction de la Syrie »(G). Que si-gni�e la paix en Syrie pour Mélen-chon, lui qui appelle de ses vœuxa « organiser des élections libreset pluralistes sans ingérences étran-gères sous surveillance de l’ONU(donc avec ingérence) pour que lepeuple syrien souverainement et dé-mocratiquement de ses dirigeants »(G3).

Assad a réussi à maintenir sonpouvoir par la force grâce au sou-tien de ses alliés russes et iraniens.Des villes entières ont été raséespour cela, 6 millions de personnesont été déplacées et plus 350 000tuées. Plus de 17 000 personnes ontété enfermées, torturées et tuéesdans les geôles du »régime ». Au-cune élection libre ne pourra avoirlieu avant des dizaines d’annéesdans un pays qui vit une guerre ci-vile depuis plus de 5 ans et où iln’existe plus aucune force politiqueorganisée si ce n’est les forces ar-mées kurdes du PYD.

De fait, sous un vrai langagepoliticien de vieux baroudeur dela politique, Mélenchon légitimele pouvoir d’Assad et se propose,comme généreux humaniste « d’or-ganiser à Paris une conférence in-ternationale pour la reconstructionde la Syrie et le retour des réfu-giés en intégrant la partie kurdeaux négociation de paix » (G4). Pourparler clairement, Mélenchon nousdit qu’il veux mettre autour de lamême table boucher et victimes.Cela est honteux et montre la vraienature de l’humaniste qui veux« instaurer l’indépendance de laFrance au service de la paix », c’est àdire traiter et légitimer un dictateurdans le but de lui renvoyer « ses »réfugiés. Notons de plus l’hypocri-

sie quand à son prétendu soutiensau forces kurdes lorsqu’il annonce« la garantie de l’intégrité de l’Étatsyrien et de ses frontières »(G3). Defait, le Kurdistan syrien, le Rojava,est une enclave qui revendique lapleine possession de ces terres. Onne peut à la fois vouloir soutenirles Kurdes et Bachar Al Assad quileur a annoncé récemment que leur« autonomie était provisoire ».

La question des frontières estévoquée et les choses sont claires :« Refonder la politique européennede contrôle des frontières extérieureset refuser la militarisation de lapolitique de contrôle des �ux mi-gratoires » (F3). L’Europe de Mé-lenchon serait toujours une Eu-rope forteresse. Il assume d’ailleursclairement qu’il n’a « jamais étépour la liberté de circulation ». 3 LaFrance insoumise chante l’Interna-tionale à la �n de ses meetings, pro-clame qu’il faut « respecter la di-gnité humaine des migrants », maiscela ne restera que des mots. Desmigrant.e.s continueront à mourirnoyé.e.s en Méditerranée, en ten-tant de passer au travers du « Fron-tex à visage humain ».

Mélenchon dit qu’au lieu d’ac-cueillir les migrant.e.s, il faut évi-ter qu’ils émigrent en aidant leurspays à se développer. . . Bien évi-demment que ces hommes, femmeset enfants, la plupart du tempsauraient préféré ne pas avoir àtout quitter. Mais ce sont lespays impérialistes du Nord, dontla France, qui pro�tent et entre-tiennent la misère et les guerres.La « realpolitik » de droite oude gauche, comme celle de Mélen-chon, conduit à épouser les intérêtsimpérialistes de la France et à pré-tendre ensuite qu’on ne peut accep-ter « toute la misère du monde ».La France insoumise, toujours di-rigée par le CAC40, contribueraittoujours à piller le Sud, et à fermer

3. h�p://www.europe1.fr/emissions/ledito-politique-dyves-threard/migrants-jean-luc-melenchon-muscle-son-discours-et-cree-le-malaise-a-lextreme-gauche-2856280

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la porte à celles et ceux qui fuient lamisère. Nous refusons fermementcette position. Nous voulons ren-verser le capitalisme pour pouvoirà la fois accueillir en urgence lesmigrant.e.s, et permettre à tous lespeuples de satisfaire leurs besoinsde façon égalitaire.

Ajoutons à tout ce mer-veilleux programme quelques pe-tites touches un peu réacs de type« Unir le petit bassin méditerra-néen autour d’objectifs communsde progrès » (J). Le chapeau estclair « Ne nous résignons pas à voirla mer Méditerranée devenir seule-ment un cloaque ou un cimetièrepour migrants. Il y a tant d’intelli-gence et tant à faire autour d’elle.Reprenons le �l de l’histoire de l’hu-manité, faisons place à l’intelligence,à la culture, aux coopérations tech-

niques, scienti�ques, écologiques.La France doit assumer la respon-sabilité particulière créée par sonhistoire, sa géographie, sa langue,la richesse et la diversité de sonpeuple ». La France doit assumersa responsabilité particulière c’està dire être hégémonique dans cettezone.

Terminons par un peu de nos-talgie quant à la belle francopho-nie qui est « un trésor à faire vivrepour un monde meilleur et d’avan-tage mis en commun »(K) et nousavons là le discours du parfait néo-colon.

Finalement, même si c’est noyéau milieu de dizaines de proposi-tions, le programme complet de laFI et de JLM tient en une phraseau début du chapitre I : « Un autremonde est possible. Plus juste, plus

ordonné, plus écologique et moinssoumis à la �nance. ». Aucune re-mise en cause de la propriété privéeou du capitalisme, simplement unfaible désir chimérique d’un mondeinjuste un peu moins injuste. Outrel’utopie du concept, il s’agit aussid’un monde plus juste dans lequella France sera un moteur, commelorsqu’elle « apportait la civili-sation ». Un monde plus ordonnédans lequel la France tranchera leslitiges internationaux « au servicede la paix » : un jour en soutenantun dictateur, le lendemain en ven-dant des Rafales. Finalement, unmonde ou des politiciens au servicedes capitalistes (français) décidentà la place de tout le monde : rien devraiment neuf sous le soleil !

Tendance CLAIRE,8 mars 2017

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L’avenir en commun 15

L’AVENIR EN COMMUN

Un programme pour le « progrès humain»?

Cet article est la dernière par-tie de notre critique du programme« L’avenir en commun » de la« France insoumise », qui porte surles chapitres 6 et 7.

Un programme pour le« progrès humain »? (6a)

Le chapitre 6 regroupe sous leterme « progrès humain » un pêle-mêle de mesures souvent justes,mais insu�santes et surtout décon-nectées d’une perspective politiquepermettant leur réalisation. L’en-semble est chapeauté par le para-graphe A, qui énonce de manièreabstraite le besoin de nouveaux in-dicateurs de développement fondés« sur des critères de bien-vivre etde progrès humain ».

S’il est clair qu’on ne peut se sa-tisfaire d’indicateurs économiquescentrés sur les besoins des capita-listes, comme le Produit IntérieurBrut (PIB), il faudrait préciser lanature des nouveaux indicateurscensés mesurer le développement.

Comme souvent, le programme dela FI passe sous silence la ques-tion fondamentale de qui mettra enplace les mesures qu’il propose. Sice sont des énarques et des techno-crates bien installés dans leurs pri-vilèges, les nouveaux indicateursqu’ils produiront seront compa-tibles avec le système capitaliste,comme l’illustrent les expériencesdu « bonheur national brut » auBhoutan ou encore l’ « indica-teur du vivre mieux » de l’OCDE.C’est donc aux exploité-e-s et auxopprimé-e-s d’inventer, dans descadres d’auto-organisation où lesmilitant-e-s révolutionnaires pour-ront apporter leur connaissancede la plani�cation communiste, lesnouveaux indicateurs qui leur per-mettront de gérer eux/elles-mêmesla production en fonction de leursbesoins.

Par ailleurs, dans une sociétéde classe traversée par des op-pressions systémiques, certainsgroupes sociaux ont des intérêtscontradictoires, à commencer par

les deux classes fondamentales quesont la classe capitaliste (« bour-geoisie ») et celle des travailleur-e-s (« classe ouvrière »). Proposersimplement des indicateurs de pro-grès humain empêche donc de s’enprendre aux racines matériellesde l’exploitation et des oppressionssystémiques. Il faut donc compléterdes indicateurs valant pour toutela société par d’autres fondés spé-ci�quement sur les intérêts de laclasse ouvrière, des femmes, desnon-blanc.hes et d’autres groupesopprimés.

Santé ! (6b-f)

« L’espérance de vie a reculéen 2015 en France pour la pre-mière fois depuis 1969. » Partantde ce constat, Mélenchon et la FIse donnent pour objectif de stop-per ce « recul de civilisation ».La première mesure avancée est de« rembourser à 100 % les soins desanté prescrits » (c1), ce qui est ene�et la condition minimale pour la

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L’avenir en commun 16

bonne santé de la population. Ce-pendant, quand il s’agit d’ « éla-borer un plan de santé environ-nementale » et d’ « engager unplan de santé au travail » (c2), laquestion cruciale est de savoir quiest l’acteur de cette plani�cation.Les problématiques de santé sonten e�et très di�érentes selon l’ap-partenance de classe, de race et degenre. Est-ce une commission de« hauts fonctionnaires » techno-crates issus du système capitalistequi serait appelée à les résoudre?La solution consisterait plutôt àfaire élaborer ce plan par la po-pulation, dans des cadres d’auto-organisation. Cela pose la questiondes moyens employés :

— pour lutter réellement contrel’obésité et la malbou�e, ilest nécessaire d’exproprier lesgrands groupes capitalistesdu secteur agro-alimentaireet de con�er leur gestion auxtravailleur-e-s a�n de les recon-vertir au service des besoins dela population ;

— pour abolir le logement insa-lubre et le mal-logement, il fautréquisitionner les centaines demilliers de logements actuelle-ment vides et les a�ecter au lo-gement des SDF et mal-logés ;

— des mesures très progressistessont proposées pour améliorerle système médical : « comblerles déserts médicaux, créer descentres de santé pratiquant letiers payant » (c3) et « abolirles dépassements d’honoraire,renforcer le paiement au forfaitet créer un corps de médecinsgénéralistes fonctionnaires ré-munérés pendant leurs études »(c4). Mais c’est encore la logiquede « pôle public » qui cohabi-terait avec le privé, sans réelle-ment s’a�ronter à lui. Cela nepeut conduire qu’à un manque

de �nancement pour le public. Ilfaut fonctionnariser l’ensembledes médecins pour re�éter le faitqu’ils tirent leurs revenus d’unepart du salaire socialisé attri-buée à la santé publique en leurdonnant des droits et des de-voirs au service de la popula-tion ;

— pour « reconstruire le servicepublic hospitalier » (c5), il fautsocialiser les hôpitaux privésa�n de supprimer la logiquede concurrence et de renta-bilité entre établissements etlaisser les travailleur-e-s gérereux/elles-mêmes un domained’activité aussi fondamentalpour la société humaine ;

— plutôt que de « créer un pôlepublic du médicament » (c6),il faut abolir la propriété pri-vée des procédés pharmaceu-tiques et collectiviser les grandsgroupes pharmaceutiques sousle contrôle des travailleur-e-s dusecteur.

En�n, la question de qui dé-cide est de nouveau laissée dans le�ou pour la dernière mesure (c7 :« plan de lutte contre la résis-tance microbienne. . . en faisant lebilan de l’élevage productiviste »),mais en l’occurrence la référenceaux préconisations de l’Organisa-tion mondiale de la santé en ditlong sur les intentions réelles deMélenchon, puisque cette institu-tion a récemment démontré son in-capacité à s’opposer aux intérêtscapitalistes à l’occasion de l’épidé-mie d’Ebola en 2015 1.

En somme, l’ensemble du pa-ragraphe consacré à « faire pas-ser la santé d’abord et pour tous »(6c) est rendu illusoire à la fois parl’évitement de la question du pou-voir économique et politique, quireste implicitement entre les mains

de la classe capitaliste et par le re-fus d’aborder frontalement la né-cessaire remise en cause de la pro-priété privée capitaliste.

Addiction, handicap,vieillesse. . .

Viennent ensuite des mesuresspéci�ques relatives à la luttecontre les addictions (6d). La lo-gique générale est celle d’une rup-ture avec la logique de répressiondes consommateurs, pour favoriserune approche préventive et cura-tive des addictions. En particulier,la production et la consommationde cannabis seraient légalisées. Ceserait certes une avancée signi�-cative, d’autant plus que la « luttecontre la drogue » est un des prin-cipaux motifs invoqués pour justi-�er la présence des forces répres-sives de l’État dans les quartierspopulaires. Il manque néanmoinsune mesure indispensable à la luttecontre les addictions, à savoir l’ex-propriation des grands groupesde production et de commercede drogues, qu’il s’agisse de l’al-cool et du tabac, des médicamentsaddictifs (antidépresseurs, anxio-lytiques, somnifères, etc.) ou ducannabis (groupes relevant aujour-d’hui de la criminalité organisée).En e�et, c’est l’o�re de droguesproposée par ces groupes qui créeen grande partie la demande, etla véritable lutte contre les addic-tions passe par leur décroissance etleur reconversion partielles, sous lecontrôle des travailleur-e-s. Dans lasociété pour laquelle nous luttons,la consommation de substances ad-dictives sera minimisée à la fois parle recul de la misère qui pousse àen abuser, et par le contrôle de lapopulation sur leur production etleur circulation.

La suppression des obstaclesaux personnes en situation de han-dicap fait l’objet du paragraphe 6e.

1. h�ps://npa2009.org/arguments/loms-entre-budgets-en-berne-et-reorientation-strategique

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Les mesures proposées sont néces-saires mais ne représentent qu’unegoutte d’eau dans l’océan du vali-disme. Dans la société capitaliste,les personnes présentant une cor-poralité ou une psychologie quifreine leur intégration dans la maind’œuvre exploitable sont stigma-tisées et marginalisées. Elles sontnotamment exclues de l’emploi ouassignées à des emplois peu va-lorisés. Il ne su�t pas de créerdes emplois aidés. La seule ré-ponse humaine et égalitaire pourlutter contre la stigmatisation vali-diste est le recrutement de chacun-e sur des postes adaptés avec lesmêmes droits et conditions de tra-vail, et la garantie d’un salaire à viepour les personnes auxquelles il se-rait impossible de proposer un tra-vail. Comme pour d’autres groupesa�rontant des oppressions systé-miques, l’émancipation des per-sonnes assignées « handicapé-e-s » passe en outre par la luttecontre cette oppression, et no-tamment la lutte contre les men-talités validistes et le soutien àl’auto-organisation des personnes« handicapé-e-s ».

C’est la perte d’autonomie dueau vieillissement qui est abordéeau paragraphe 6f. Face à l’aug-mentation de l’espérance de vie, ilest indispensable de développer desstructures permettant de prendreen charge dignement les soins auxpersonnes âgées en perte d’auto-nomie. Or la plupart de ces struc-tures sont des entreprises privéesguidées par la recherche du pro�t,et il s’agit d’un secteur où les condi-tions de travail sont parmi les plusdégradées. L’intérêt des soigné-e-s est également loin des préoccu-pations de ces entreprises. Il s’agitsimplement pour elles d’augmenterles tarifs et de minimiser les coûts,pour maximiser leurs pro�ts. On nepeut donc accepter de con�er auxcapitalistes ce secteur de l’écono-mie, et il est nécessaire de le col-

lectiviser pour qu’il soit géré parles travailleur-e-s du secteur. Parailleurs, la portée des mesures pro-posées est sapée par la faiblesse despropositions relatives à la retraite(paragraphe 2o).

Dans l’ensemble, par son re-fus d’envisager la collectivisa-tion des moyens de production etleur gestion par les travailleur-e-s eux/elles-mêmes, le programmede la FI s’interdit d’apporter uneréelle solution aux problèmes rela-tifs aux addictions, au handicap età la vieillesse. De plus, il ne laisseaux populations concernées qu’unrôle entièrement passif, au lieu des’appuyer sur leurs organisationsde lutte et leur capacité revendi-cative. Une mesure est particuliè-rement révélatrice du respect dusystème capitaliste et de ses ins-titutions politiques : « tolérance0 contre les entraves, les préfetspourront se substituer aux mairespour imposer les travaux » (6e1) !La reprise d’un langage sécuritaire(« tolérance zéro »), et surtout laplace réservée aux préfets, qui sontdirectement nommés par le pré-sident de la République alors queles maires sont élus au su�rage uni-versel, indiquent bien l’approcheautoritaire sous-jacente. Nous yopposons une politique émanci-patrice décidée par la populationelle-même avec les méthodes del’auto-organisation de masse (to-tale liberté dans la discussion, droitde vote universel mais di�éren-cié selon l’appartenance de classe,élection dans tous les domaines dereprésentant-e-s mandatés et révo-cables).

Sou�rance au travail

Partant du nombre de décèsliés au chômage au à l’emploi, leprogramme de la FI propose desréponses qui concernent presqueuniquement les travailleur-e-s enemploi, tandis que les chômeur/ses(chô-meurt ?) passent quasiment à

la trappe (6g). Nous proposons aucontraire l’interdiction immédiatedes licenciements, le partage dutemps de travail entre tou-te-s etl’embauche des chômeur-e-s, pourmettre �n dès que possible au chô-mage et aux sou�rances qu’il en-gendre. Voilà qui réduira en mêmetemps drastiquement la sou�ranceau travail ! Mais comment pré-tendre « en �nir avec la souf-france sociale et la sou�rance autravail » sans rompre avec le capi-talisme, système qui jette à la rueles travailleur-se-s dont il n’a plusbesoin et surexploite les autres? Laquestion des conditions de travailest au cœur même de la lutte declasse entre exploiteurs et exploité-e-s. Historiquement, les améliora-tions signi�catives des conditionsde travail proviennent principa-lement des luttes collectives destravailleur-e-s : ainsi, la loi fonda-trice de 1946 sur la médecine dutravail était une concession de laclasse capitaliste sous la pressionde grèves massives dans une situa-tion quasi-insurrectionnelle. Fairecroire, comme Jean-Luc Mélen-chon, qu’il serait possible d’obtenirde telles améliorations par la voieélectorale, sans s’appuyer sur unmouvement de masse, est menson-ger et criminel. Si jamais il était élu,il faudrait immédiatement se mo-biliser pour nos conditions de tra-vail et pour prendre le contrôle desmoyens de production. Pour vrai-ment en �nir avec la sou�ranceau travail, il faut en e�et que lestravailleur-e-s prennent le pouvoiréconomique et politique et réor-ganisent la production en fonctiondes besoins de toute la population(pas du pro�t de quelques-uns !)– pour que le travail cesse d’êtrealiénant et devienne pour chacun-e une activité choisie et émancipa-trice.

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Éducation

Les paragraphes 6h-kconcernent l’éducation au senslarge (y compris la petite enfance).« Verser une allocation familialedès le premier enfant » (h1) intro-duit une rupture avec la logiquefamilialiste incitant à avoir troisenfants ou plus, rupture qu’il fau-drait systématiser en étendant àtou-te-s les familles (même les plusatypiques. . .) les avantages réser-vés aux « familles nombreuses ».L’objectif d’ouvrir 500 000 placesde crèches en cinq ans (h2) ne ré-pond pas su�samment aux be-soins des parents, et en premierlieu des mères, qui veulent conci-lier l’éducation de leurs enfantsavec leurs propres aspirations. Ilfaudrait pour cela socialiser l’en-semble des établissements d’ac-cueil pour la petite enfance, et lesmettre gratuitement au service dela population. En�n, « renforcerles moyens de l’aide sociale à l’en-fance et de la protection judiciairede la jeunesse » est une mesure àdouble tranchant, car on sait quebien souvent ces services de l’Étatservent à la répression des famillespopulaires, non-blanches ou aty-piques. Une telle mesure ne seraittout à fait progressiste que dans lecadre d’un État des travailleur-e-s qui assurerait la transition versle socialisme, et notamment versl’abolition des structures familialestraditionnelles par la socialisationde la garde des tâches domestiques.

Les mesures concernant les éta-blissements d’enseignement pri-maire, secondaire général et pro-fessionnel, et supérieur ainsi quela lutte contre l’illettrisme (6i-l) re-prennent des revendications réellesdes enseignant-e-s, des parent-e-sd’élèves et des élèves qui se sont ex-primées notamment dans le mou-vement contre la réforme du col-lège. On pourrait néanmoins lescompléter par d’autres tout aussi

actuelles, par exemple pour facili-ter la mobilité professionnelle desenseignant-e-s. Plus fondamentale-ment, cette partie du programmefait globalement l’impasse sur deuxdes principales fonctions du sys-tème éducatif au sein du systèmecapitaliste :

— la justi�cation de la division dutravail par la distribution di�é-renciée des quali�cations ;

— la production et la di�usion del’idéologie au service des classesdominantes.

Or ce n’est pas assez d’assu-rer les moyens pour un bon fonc-tionnement du système éducatifqui, assurément, dysfonctionne au-jourd’hui, conduisant à la prolé-tarisation des métiers de l’ensei-gnement et à une baisse généralede la qualité de l’enseignement ;ce n’est pas assez de s’opposer àla logique austéritaire et concu-rentielle qui se répand à tous lesniveaux de l’enseignement ; en-core faut-il rompre avec la logiquecapitaliste qui subordonne l’éduca-tion de la population aux besoinsdes exploiteur-e-s et à la justi�-cation du système en place ! Pourcela, c’est aux exploité-e-s et auxopprimé-e-s d’inventer d’autresinstitutions et formes d’enseigne-ment, ouvertes, populaires, éman-cipatrices et auto-gestionnaires.Pour cela, des expériences aujour-d’hui vivaces peuvent servir d’ins-piration, comme celles des établis-sements autogérés, des pédagogiesalternatives employées dans desétablissements du public comme duprivé (méthodes de Célestin Frei-net, d’A.S. Neill, etc.), ou encorel’expérience historique de l’univer-sité de Vincennes créée suite aumouvement de Mai 68.

On a la nette impression quecette partie du programme a été,plus que d’autres, rédigée en étroitecollaboration avec des personnesconcernées, et en l’occurrence,

des enseignant-e-s ou parent-e-sd’élèves engagé-e-s - est-ce quecela re�ète la sociologie du mou-vement France insoumise?. Il estd’autant plus dommage de ne pass’être inspiré des nombreuses ré-�exions et expériences qui sontfaites sur le terrain et qui per-mettent de dessiner dès aujour-d’hui un projet d’éducation alter-natif, a�ranchi des contraintes ducapitalisme et mis au service del’émancipation humaine. Cela au-rait évité à cette partie du pro-gramme, une des plus concrètes,de se limiter à contester les évo-lutions de l’éducation à l’époquenéolibérale, et lui aurait donné unedimension proprement anticapita-liste.

Culture, sports, publicité. . .

« Retrouvons l’ambition cultu-relle » (6m) : pour se donner lesmoyens de cette ambition, pourlibérer véritablement la créationculturelle et artistique, il faut s’enprendre frontalement à la logiquedu pro�t qui organise la produc-tion capitaliste. Il faut abolir la pro-priété privée sur les créations del’esprit (droits d’auteur etc.) touten créant un statut de travailleur-artiste rémunéré pour son travailpar un salaire, statut inspiré – laprécarité en moins – de celui desintermittent-e-s du spectacle, oud’autres plus protecteurs comme lestatut des artistes en Belgique. Ilfaut mettre en place des organi-sations de culture populaire, sousle contrôle des exploité-e-s et desopprimé-e-s, pour décider de l’at-tribution de ce statut, pour ou-vrir largement les infrastructuresartistiques et culturelles (commeles salles de spectacle ou d’expo-sition, les ateliers etc.), y comprisaux amateurs/trices, et pour encou-rager la création sous toutes sesformes par les exploité-e-s et lesopprimé-e-s. C’est ainsi, et non parune politique de subventions éta-

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tiques attribuées bureaucratique-ment, qu’il est possible de com-battre le monopole d’une élite in-tellectuelle sur la création recon-nue par les institutions tout en per-mettant à l’ensemble de la popula-tion d’accéder à la création artis-tique et culturelle.

« Libérer le corps et les sportsde l’argent » (6n) : ce noble objec-tif se heurte aux limites déjà dé-crites dans le paragraphe précé-dent. C’est à des instances issues del’auto-organisation des exploité-e-s et des opprimé-e-s qu’il revientd’attribuer les ressources en ma-tière de sport, et non à la bureau-cratie capitaliste de grandes fédé-rations sportives comme la FFF.La condition pour une telle libéra-tion des corps est l’expropriationdes grands groupes capitalistes dusport-spectacle. En admettant quele sport professionnel ne soit passimplement aboli, il faudrait queles sportifs professionnels aient unstatut de fonctionnaires au ser-vice de la collectivité. En parallèle,il faudrait encourager les formesde sport non-compétitif pour lut-ter contre l’idéologie de la concur-rence qui s’est emparée du sportmoderne sous l’in�uence du capi-talisme et permettre une émancipa-tion des corps en dehors de toutenorme socialement imposée.

En�n, les mesures pour « lut-ter contre l’agression publicitaireet la marchandisation » (6o) sontparfaitement inadéquates. Le sec-teur publicitaire en France repré-sente un chi�re d’a�aires annuel

de plus de 30 milliards d’euros, soitenviron 1,5 % du PIB. Son acti-vité est au mieux inutile, et le plussouvent nuisible. Il est irréalistede penser qu’il peut être réformédans le cadre des institutions capi-talistes. C’est un parfait exemple desecteur qu’il faudrait, après l’avoirexproprié, faire décroître drasti-quement puis reconvertir sous lecontrôle des travailleur-e-s et de lapopulation. Il pourrait notammentservir à di�user des informationsutiles ou des campagnes idéolo-giques décidées démocratiquement(contre le racisme, le sexisme, legaspillage. . .).

Recherche scienti�que

L’ensemble du chapitre 7 estconsacré à dé�nir des prioritésdans le domaine de la recherchescienti�que : « La mer, l’espace,le monde du numérique et du vir-tuel sont les nouvelles frontièresde l’Humanité » selon Mélenchonet il s’agit donc de « porter laFrance aux frontières de l’Huma-nité ». Malgré cette belle formule,on est d’emblée choqué par la rhé-torique chauvine qui présente larecherche scienti�que comme unressort de la « puissance », de la« souveraineté », de « l’indépen-dance » et de « l’excellence » dela France ! Sur le fond, les prio-rités identi�ées sont certes perti-nentes, mais telles qu’elles sont for-mulées, elles restent compatiblesavec les intérêts de la classe capi-taliste à la recherche de nouvelles

sources de pro�t. L’absence totaledes sciences humaines et socialesest en revanche tout à fait inexpli-cable. À ce déséquilibre en faveurdes sciences naturelles et de leursapplications technologiques, nousopposons une conception totali-sante de la recherche scienti�quequi, tout en développant les forcesproductives de l’humanité par ledéveloppement des sciences natu-relles, contribue également à sonémancipation par la critique de lasociété actuelle et l’élaboration enpositif d’un socialisme scienti�quereposant sur une conception maté-rialiste et dialectique du monde. Ledéveloppement d’une science to-tale des sociétés humaines et dela nature est indispensable à laplani�cation socialiste de l’écono-mie. Un tel développement est déjàen cours aujourd’hui, porté, sou-vent de manière souterraine, parde nombreux/ses militant-e-s etintellectuel-le-s, malgré l’idéologiecapitaliste dominante et les ten-dances réactionnaires de la période.C’est seulement en se nourrissantde ces innovations radicales qu’unecampagne pour les élections pré-sidentielles peut véritablement in-carner la rupture avec le systèmela possibilité concrète d’une autresociété, sans classe, sans race, sansgenre et sans aucune oppression,fondée sur la libre association destravailleur-e-s en vue de l’émanci-pation de tou-te-s.

Tendance CLAIRE,15 mars 2017

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Cette brochure est le supplément à Au CLAIR de la lutte no 19 (no ISSN : 2101-6135.).

Comité de rédaction : Anne Brassac, Nicolas Faure, Laura Fonteyn, Gaston Lefranc, Pauline Mériot,Antoni Mivani, Nina Pradier, Jean Veymont et Ludovic Wolfgang, responsable de la publication.

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Brochures de la Tendance CLAIRE du NPA

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— Textes pour la lutte féministe révolutionnaire

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— La révolution espagnole (1936-1939)

— Les révolutions russes

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— Le Front populaire... ou la trahison des dirigeants socialistes et communistes

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— Orientations pour la lutte de classe en France (2009-2011)

— Positions internationalistes et anti-impérialistes (2009-2011)

— La lutte pour un NPA révolutionnaire depuis le congrès fondateur

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— Antilibéralisme, keynésianisme... une critique marxiste

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Sommaire

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 1)— L’impasse antilibérale de Mélenchon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 1)

Protéger et Partager . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 4)— Un programme antilibéral illusoire qui promet la lune sans toucher sub-stantiellement à la propriété des capitalistes ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 4)

Écologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 7)— Un catalogue de mesures qui ne permet pas de faire face à la crise écolo-gique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 7)

Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 9)— Quelle rupture avec l’Union européenne actuelle ? . . . . . . . . . . . . . . (p. 9)

La Nation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 11)— La France « nation universaliste » ou comment légitimer l’impérialismeet la présence post-coloniale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 11)

L’avenir en commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 15)— Un programme pour le « progrès humain »? . . . . . . . . . . . . . . . . (p. 15)

Qui sommes nous ?

La Tendance CLAIRE du NPA (pour leCommunisme, la Lutte Auto-organisée,Internationaliste et RévolutionnairE) aété fondée le 14 février 2009, au len-demain du congrès fondation du NPA,par les militant-e-s venant de l’ex-GroupeCRI, certain-e-s de l’ex-LCR et d’autressans parti auparavant. Sa base est consti-tuée par le programme fondateur de laIVe Internationale, par les textes soumisaux AG électives et au congrès fondateurdu NPA et par l’ensemble de ses élabora-tions publiées depuis.

La Tendance CLAIRE a initié avecd’autres camarades la plateforme 4 lorsdu congrès du NPA de février 2011 (3,7%des voix) et, avec le CCR, la plateforme Zlors du congrès de février 2013 (9% desvoix).

Tout en contribuant résolument àconstruire le NPA dans la classe ouvrièreet la jeunesse, la TC fait des proposi-tions alternatives à l’orientation miseen œuvre par la direction majoritaire.Elle estime notamment que le refus detrancher entre projet d’un véritable partirévolutionnaire et projet d’une recom-position de la gauche de la gauche est àl’origine de la crise du NPA et nécessitede surmonter les importantes limites etambiguités des textes fondateurs. La TCpoursuit son combat pour une grandeTendance révolutionnaire, pour un NPArévolutionnaire démocratique et ouvertqui donne la priorité à la lutte des classeset porte un programme de transitionaxé sur l’objectif du gouvernement destravailleurs et des travailleuses.

La Tendance CLAIRE du NPA édite lebulletin Au CLAIR de la lutte (N ISSN :2101-6135). Le comité de rédaction estcomposé d’Anne Brassac, Nicolas Faure,Laura Fonteyn, Gaston Lefranc, PaulineMériot, Antoni Mivani, Nina Pradier, JeanVeymont et Ludovic Wolfgang, respon-sable de la publication. Des pages detribune libre sont ouvertes aux lecteursaprès accord du comité de rédaction.

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