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Pour un Grand Paris multipolaire, démocratique et efficace Une gouvernance du « Grand Paris » est une nécessité pour assurer un développement plus équilibré, solidaire, durable de la métropole. Le projet de loi gouvernemental soumis au Sénat en première lecture en juin dernier constituait une avancée intéressante en ce sens, en s’inscrivant dans la continuité du processus initié par Paris Métropole, et en se nourrissant des dynamiques territoriales existantes ou en émergence avec les communautés d’agglomération et les contrats de développement territorial. Après son rejet par une majorité de circonstance que seule une vision étroite et dépassée de l’autonomie communale réunissait, un nouveau projet s’inspirant du rapport Balladur a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, sans information ni consultation des élus concernés, et adopté en toute hâte par une majorité de députés. En rupture avec le projet précédent qui s’inscrivait dans un processus démocratique et ascendant, le dispositif proposé se révèle inadapté, inefficace et impraticable. Il est inadapté parce que le périmètre proposé ne correspond pas à l’aire métropolitaine, en excluant par exemple les villes nouvelles ou l’aéroport de Roissy. Il rejette dans une nouvelle banlieue toute une partie de l’aire urbaine qui fait le Grand Paris. Il est inefficace, et même dangereux, car il crée un monstre bureaucratique et technocratique « gouvernant » six à huit millions d’habitants, avec un centre de décision stratégique coupé des réalités et des dynamiques territoriales. Il correspond à un mouvement de recentralisation sans précédent alors que l’on sait que l’efficacité appelle la décentralisation et la proximité. Il substituera aux dynamiques de projets territoriaux une gouvernance fondée sur des logiques technocratiques et des accords partisans. Il est enfin impraticable. En supprimant les communautés d’agglomération qui rassemblent aujourd’hui plus de 70% de la population métropolitaine et en faisant remonter leurs engagements, leurs compétences et leurs personnels au niveau de la métropole, il appelle la mise en place de mécanismes de transferts d’une lourdeur et d’une complexité extrêmes. Imaginons seulement un instant ce que deviendront les flux financiers entre les villes et leur EPCI (AC et DSC), les outils communautaires (SEM, SPL, OPAC), les engagements juridiques et financiers (conventions de concession, PLH, CDT, marchés, dette), les agents ! En instituant des conseils de territoire sans pouvoirs ni moyens propres, à qui seront subdéléguées par la métropole la gestion de certains services et la mise en œuvre de certaines actions, il mettra en responsabilité des élus ne disposant pas de moyens de les assumer.

Pour un grand paris multipolaire démocratique et efficace

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Page 1: Pour un grand paris multipolaire démocratique et efficace

Pour un Grand Paris multipolaire, démocratique et efficace

Une gouvernance du « Grand Paris » est une nécessité pour assurer un développement plus équilibré, solidaire, durable de la métropole.

Le projet de loi gouvernemental soumis au Sénat en première lecture en juin dernier constituait une avancée intéressante en ce sens, en s’inscrivant dans la continuité du processus initié par Paris Métropole, et en se nourrissant des dynamiques territoriales existantes ou en émergence avec les communautés d’agglomération et les contrats de développement territorial.

Après son rejet par une majorité de circonstance que seule une vision étroite et dépassée de l’autonomie communale réunissait, un nouveau projet s’inspirant du rapport Balladur a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, sans information ni consultation des élus concernés, et adopté en toute hâte par une majorité de députés.

En rupture avec le projet précédent qui s’inscrivait dans un processus démocratique et ascendant, le dispositif proposé se révèle inadapté, inefficace et impraticable.

Il est inadapté parce que le périmètre proposé ne correspond pas à l’aire métropolitaine, en excluant par exemple les villes nouvelles ou l’aéroport de Roissy. Il rejette dans une nouvelle banlieue toute une partie de l’aire urbaine qui fait le Grand Paris.

Il est inefficace, et même dangereux, car il crée un monstre bureaucratique et technocratique « gouvernant » six à huit millions d’habitants, avec un centre de décision stratégique coupé des réalités et des dynamiques territoriales. Il correspond à un mouvement de recentralisation sans précédent alors que l’on sait que l’efficacité appelle la décentralisation et la proximité. Il substituera aux dynamiques de projets territoriaux une gouvernance fondée sur des logiques technocratiques et des accords partisans.

Il est enfin impraticable.

En supprimant les communautés d’agglomération qui rassemblent aujourd’hui plus de 70% de la population métropolitaine et en faisant remonter leurs engagements, leurs compétences et leurs personnels au niveau de la métropole, il appelle la mise en place de mécanismes de transferts d’une lourdeur et d’une complexité extrêmes. Imaginons seulement un instant ce que deviendront les flux financiers entre les villes et leur EPCI (AC et DSC), les outils communautaires (SEM, SPL, OPAC…), les engagements juridiques et financiers (conventions de concession, PLH, CDT, marchés, dette…), les agents !

En instituant des conseils de territoire sans pouvoirs ni moyens propres, à qui seront subdéléguées par la métropole la gestion de certains services et la mise en œuvre de certaines actions, il mettra en responsabilité des élus ne disposant pas de moyens de les assumer.

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S’il faut une gouvernance au Grand Paris, elle ne peut être celle-là. Le projet ne peut rester en l’état. Il doit donc être amendé puisqu’heureusement, il est amendable :

Il faut redonner au Grand Paris le périmètre de la métropole, c’est-à-dire de l’aire urbaine.

Il ne faut pas casser ce qui existe, mais s’appuyer sur les acquis et les dynamiques territoriales. Il faut donc doter les conseils de territoire d’une personnalité juridique, de compétences propres déléguées par les villes qui les constituent, de moyens.

Il faut créer une métropole avec une gouvernance issue à la fois des villes et des territoires et dotée des grandes compétences stratégiques nécessaires à un développement équilibré, solidaire et durable.

Il faut établir une répartition rationnelle et efficace des compétences entre les communes (gestion des services de proximité), les territoires (services techniques mutualisés, projets de territoire en application des orientations stratégiques arrêtées par la métropole - PLU, PLH, action économique, emploi, insertion, ZAC d’intérêt communautaire), la métropole (schéma directeur d’aménagement, opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain, logement, transport, environnement).

Il faut redistribuer les moyens (fiscalité et dotations) entre ces trois niveaux de manière à permettre un réel exercice des compétences et une péréquation accrue des ressources.

Un tel dispositif, qui nécessite certes quelques amendements significatifs, permet d’assurer un juste équilibre entre exercice des compétences stratégiques qu’appelle une gouvernance métropolitaine, et gestion et dynamique de projets qu’appellent la réalité et la diversité des territoires. Il se construit dans un processus ascendant, démocratique, et évite l’imbroglio administratif et juridique qui découlerait d’abord d’une centralisation des compétences et des moyens puis d’une délégation à des structures déconcentrées sans pouvoir réel de décision.

Les solutions juridiques existent. Elles résident dans l’adaptation par la loi des institutions existantes, qu’elles s’appellent EPCI ou pôle métropolitain. S’il n’y avait qu’un amendement à proposer, ce serait alors de doter les conseils de territoire de la personnalité juridique et de moyens propres. Les ordonnances prévues par la loi, la raison et le principe de réalité feront le reste.

Si Paris valait bien une messe, le Grand Paris mérite bien un peu d’imagination, d’innovation et de spécificité juridique.

Jacques MARSAUD

Directeur général de services de Plaine Commune