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L L a guerre ne s’exprime plus sur le champ de bataille où le tacticien cherchait encore hier à obtenir une supériorité décisive. Elle se déroule le plus souvent au sein des populations et dans les villes, la supériorité technologique occidentale est amoindrie, là où elle peut être gauche et brutale et donc parfois injuste. L’environnement au sein duquel l’adversaire irrégulier provoque le soldat occidental est complexe, multiple, mouvant et incertain. Pour agir efficacement sans se discréditer durablement, il importe aujourd’hui de comprendre cet environnement et, par là même, l’adversaire. C’est tout l’enjeu majeur que le renseignement doit aujourd’hui relever pour répondre aux besoins exprimés 1 . Or, le renseignement de l’armée de terre est-il aujourd’hui structuré pour répondre à l’attente légitime et parfois exacerbée du chef en opérations ? Est-il capable de prononcer cet effort de compréhension qui passe inévitablement par une analyse qualitative toujours plus élaborée ? La réponse est indiscutablement et globalement négative. La création d’une arme du rensei- gnement grâce au recrutement, et donc à la gestion de sa ressource humaine propre, en particulier ses officiers, semble être une réponse possible et durable à l’effort de connaissance et d’anticipation que les crises actuelles et à venir imposent. A tout le moins, le commandant de la fonction renseignement doit avoir un rang suffisamment élevé pour peser sur sa gestion. Comprendre l’adversaire, comprendre les ressorts d’une situation politique, économique, religieuse où il se fond, requiert des experts toujours plus performants. Or, la fonction renseignement de l’armée de terre est aujourd’hui bâtie sur une structure profondément inadaptée 2 . Accepter aujourd’hui de fédérer les acteurs spécialisés de la recherche et de l’exploitation du rensei- gnement dans une arme est une réponse possible à l’expression du besoin formulé par le chef au combat. JUIN 2009 DOCTRINE N° 16 93 Libres réflexions Libres réflexions Pour une arme du renseignement PAR LE COLONEL BREJOT*, OFFICIER LIAISON À FORT LEAVENWORTH (USA) L L e XXI e siècle est né à Berlin en 1989 car, alors que certains se ruaient bien imprudemment sur la récolte de dividendes de la paix imaginairement réalisés, la guerre faisait son retour. On la crut morte pendant 45 ans, éliminée par l’effet démultiplicateur de puissance de la bombe atomique. Les «petites guerres» qui ont jalonné l’après-second conflit mondial étaient confinées à des espaces où l’Alliance atlantique et le Pacte de Varsovie choisissaient de s’interdire la montée aux extrêmes. Mais la bipolarité menaçante et stabilisatrice a laissé place au désordre (qui n’a pas été imaginé durable) avec la disparition de l’empire soviétique. L’éclatement de l’ex-Yougoslavie dès 1991 est la première expression du retour de la guerre. Le monde ne s’en est pas vraiment rendu compte. Ce n’est pas la guerre clausewitzienne, qui est de retour. C’est la guerre ancienne, antique, primitive, mâtinée de terrorisme mondialisé qui réapparaît. «L’incertitude marque notre époque», écrivait le général De Gaulle en 1932, dans le Fil de l’Épée. Le désordre international est tel aujourd’hui que l’hyper-incertitude marque le début du siècle nouveau, pourrait-on dire. * Anciennement au CDEF/DDo 1 C’est d’ailleurs aussi un enjeu pour les conseillers politiques, les actions civilo- militaires et les opérations d’influence. 2 C’est un réservoir comprenant des personnels d’armes diverses qui alternent postes renseignement et retour dans l’arme d’origine.

Pour une arme du renseignement

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LLa guerre ne s’exprime plus sur le champ debataille où le tacticien cherchait encore hierà obtenir une supériorité décisive. Elle se

déroule le plus souvent au sein des populationset dans les villes, là où la supérioritétechnologique occidentale est amoindrie, là oùelle peut être gauche et brutale et donc parfoisinjuste. L’environnement au sein duquell’adversaire irrégulier provoque le soldatoccidental est complexe, multiple, mouvant etincertain. Pour agir efficacement sans sediscréditer durablement, il importe aujourd’huide comprendre cet environnement et, par làmême, l’adversaire. C’est tout l’enjeu majeurque le renseignement doit aujourd’hui releverpour répondre aux besoins exprimés1.

Or, le renseignement de l’armée de terre est-ilaujourd’hui structuré pour répondre à l’attentelégitime et parfois exacerbée du chef enopérations ? Est-il capable de prononcer cet effortde compréhension qui passe inévitablement parune analyse qualitative toujours plus élaborée ?

La réponse est indiscutablement et globalementnégative. La création d’une arme du rensei-gnement grâce au recrutement, et donc à lagestion de sa ressource humaine propre, enparticulier ses officiers, semble être uneréponse possible et durable à l’effort deconnaissance et d’anticipation que les crisesactuelles et à venir imposent. A tout le moins, lecommandant de la fonction renseignement doitavoir un rang suffisamment élevé pour peser sursa gestion.

Comprendre l’adversaire, comprendre les ressortsd’une situation politique, économique, religieuseoù il se fond, requiert des experts toujours plusperformants. Or, la fonction renseignement del’armée de terre est aujourd’hui bâtie sur unestructure profondément inadaptée2. Accepteraujourd’hui de fédérer les acteurs spécialisés dela recherche et de l’exploitation du rensei-gnement dans une arme est une réponsepossible à l’expression du besoin formulé parle chef au combat.

JUIN 2009 DOCTRINE N° 1693

Libres réflexionsLibres réflexionsPour une arme du renseignement

PAR LE COLONEL BREJOT*, OFFICIER LIAISON À FORT LEAVENWORTH (USA)

LLe XXIe siècle est né à Berlin en 1989 car, alors que certains se ruaient bien imprudemment sur la récolte

de dividendes de la paix imaginairement réalisés, la guerre faisait son retour. On la crut morte pendant

45 ans, éliminée par l’effet démultiplicateur de puissance de la bombe atomique. Les «petites guerres» qui

ont jalonné l’après-second conflit mondial étaient confinées à des espaces où l’Alliance atlantique et le

Pacte de Varsovie choisissaient de s’interdire la montée aux extrêmes. Mais la bipolarité menaçante et

stabilisatrice a laissé place au désordre (qui n’a pas été imaginé durable) avec la disparition de l’empire

soviétique. L’éclatement de l’ex-Yougoslavie dès 1991 est la première expression du retour de la guerre. Le

monde ne s’en est pas vraiment rendu compte. Ce n’est pas la guerre clausewitzienne, qui est de retour.

C’est la guerre ancienne, antique, primitive, mâtinée de terrorisme mondialisé qui réapparaît.

«L’incertitude marque notre époque», écrivait le général De Gaulle en 1932, dans le Fil de l’Épée. Le

désordre international est tel aujourd’hui que l’hyper-incertitude marque le début du siècle nouveau,

pourrait-on dire.

* Anciennement au CDEF/DDo

1 C’est d’ailleurs aussiun enjeu pour lesconseillers politiques,les actions civilo-militaires et lesopérations d’influence.

2 C’est un réservoircomprenant despersonnels d’armesdiverses qui alternentpostes renseignementet retour dans l’armed’origine.

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Une adversité toujours plus complexe Depuis la première guerre du Golfe et l’opérationDaguet en 1991, les armées françaises se sontengagées en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo, enCroatie, en Albanie, en Macédoine, enAfghanistan, au Tchad, en Côte d’Ivoire, auRwanda, au Congo, en Somalie, en Haïti, enIndonésie, etc. Cette liste incomplète de crises,d’intensité, de nature et de durée diverses, n’ad’autre but que de rappeler l’extraordinairedifficulté d’acquérir aujourd’hui la culture locale,au sens où l’officier des affaires indigènes ou lechef d’une section administrative spécialisée(SAS) en Algérie pouvaient l’entendre au sièclepassé, dès lors que les crises éclatent -géographiquement dans des espaces aussi variés.Or, la compréhension de l’environnement danslequel les crises actuelles et à venir à court etmoyen terme éclatent, aussi difficile soit-elle, estfondamentale, non seulement et classiquementpour les experts du niveau stratégique, mais aussiet surtout pour ceux qui recherchent et analysentle renseignement tactique.

Il est d’autant plus crucial aujourd’hui decomprendre l’environnement dans lequel laforce agit, que la «guerre probable»3 s’inscritdans la durée avec une phase de stabilisation4

qui mobilise toutes les énergies militaires,politiques, économiques, diplomatiques, etc.pour atteindre un effet final recherché parfois

tout juste formulé. Les engagements ont lieu leplus souvent au sein des populations5 et doncdans des milieux urbains où se heurtent denombreux intérêts divergents. Ce faisant,l’analyste du renseignement doit, sous peined’incompréhension profonde, investir dans uneanalyse systémique6 qui requiert intelligence,expérience et maturité, toutes qualités quidevraient être une forme d’aboutissement d’unecarrière consacrée au renseignement.

Dans cet environnement complexe évolue unadversaire irrégulier car, face à la supérioritéécrasante de la technologie occidentale, ilchoisit l’évitement, le contournement. Souventau fait des capacités des armées occidentales,décrites à l’envi dans nombre de magazines etjournaux, il adapte intelligemment ses équi-pements, ses modes opératoires et les met enœuvre là où la technologie peine à s’exprimer. Lacomplexité s’exprime aussi par le choc cultureld’agissements terroristes qui font considérerl’adversaire comme un barbare7. La subjectivitéqui en naît trouble nécessairement l’analyse froidedes faits que le renseignement tactique doitmener. Elle conduit même au risque majeur quiconsiste à considérer l’adversaire irrégulier,agissant dans l’asymétrie8, comme un «va-nu-pieds» du Tiers-Monde, profondément barbare etdonc méprisable. Or, cet adversaire est intelligent.Il adapte ses équipements opérationnels bien plusvite que l’acteur étatique empêtré dans desprogrammes industriels interminables. Il sait

3 La guerre probable,général VincentDesportes, Economica,Paris 2007.

4 FT-01, Gagner labataille, Conduire àla paix, CDEF, Paris,janvier 2007.

5 L’utilité de la force,général Rupert Smith,Economica, 2007.

6 RENS 100, tome 2,Doctrine durenseignement del’armée de Terre,2008 : l’analysesystémique a pour butde déterminer leséléments d’unsystème quelconque(politique, militaire,économique, social,etc.) puis d’analyserson fonctionnement etles relations existantau sein du système.De cette analyse, onpeut déduire surquelles parties dusystème agir pourproduire des effetsparticuliers quiconcourent à laréalisation de lamission.

7 Généalogie desbarbares, Roger-PolDroit, Odile Jacob,2007.

8 Les guerresasymétriques,BarthélémyCourmont, DarkoRibnikar, IRIS, PUF,2002.

Autres contributions à la réflexion doctrinaleSI

RPA

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re

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manier l’information, en fait une arme pouraffaiblir des volontés nationales peu mobilisées(en particulier en Europe) pour la défense d’un«avant lointain» si peu menaçant pour le pouvoird’achat. Il a par ailleurs le temps pour lui lorsqueles démocraties sont sous la pression de cyclesélectoraux si répétitifs.

L’analyse de la manœuvre possible de la divisionmécanisée soviétique engagée en Allemagne del’ouest face aux forces de l’OTAN nécessitait uneparfaite connaissance de la doctrine soviétiquepour identifier son mode d’action potentiel. Queces combats se déroulassent en Pologne, en RFAou aux Pays-Bas, peu importait l’environnementcar les populations se réfugiaient en dehors deszones de combat, comme en 1914 et 1940. Onimaginait un affrontement certes sur de largesfronts mais en somme sur le champ de batailleclausewitzien.

Le renseignement tactique est devenu extraor-dinairement plus complexe par l’amplitude dece qu’il convient de rechercher, par la naturemême de l’information à recueillir. Il n’y a plusune doctrine adverse, soigneusement mise à jourannuellement, mais une multitude de référencesculturelles, religieuses, éthiques, de butsnationalistes, mafieux, etc., qui mobilisent lesénergies de combattants étatiques ou non. Là oùil fallait, avant, savoir la doctrine adverse pourcomprendre ses intentions, il faut dorénavantcomprendre qui est l’adversaire (et son envi-ronnement) pour savoir où et comments’engager avec pertinence.

Or, l’organisation du renseignement tactique est par nature inefficace

L’évolution de la nature des combats actuels etprobables redonne à l’homme une placecruciale. L’historien Martin Van Creveld ledécrivit d’ailleurs très bien en 1991 dans Latransformation de la guerre9.

Il est évident que la recherche durenseignement s’inscrit naturellement danscette logique. Le rôle que l’homme y joue

aujourd’hui ne fait que s’accroître. Il estd’ailleurs décrit dans la doctrine durenseignement d’origine humaine de l’armée deterre10 qui impose même au soldat nonspécialisé des formations élémentaires pour larecherche d’informations.

L’armée de terre prononce aussi un effort notablepar la création dès 2008 des unités derenseignement de brigade qui comptent en leursein une section de recherche humaine. Ces unitésmulticapteurs (section de recherche humaine,section radar, section drone et groupe de guerreélectronique) au niveau de la brigade interarmestémoignent de la prise en compte officielle dubesoin accru d’acquisition de renseignement surles théâtres d’opérations.

Mais ce flux d’information n’a d’intérêt que grâceà l’analyse qui en est faite pour la transformer enrenseignement. Or la complexité desengagements rend cette analyse très difficile etrequiert des experts rompus au métier,expérimentés, formés et équipés. L’effort estévidemment aujourd’hui à prononcer sur cescapacités d’analyse, au niveau tactique pour lesujet ici abordé.

Or, le renseignement de l’armée de terre estaujourd’hui organiquement inadapté ! Il est certes une fonction opérationnelle,organisée en chantier et gérée par un pilote dedomaine mais il comprend cinq sous-domainespour le moins hétérogènes. Ainsi le sous-domaine «relations internationales» n’a que peuà voir avec la fonction renseignement.

Par ailleurs, le renseignement, malgré sonappellation opérationnelle très claire, est unregroupement de compétences en provenanced’autres fonctions que tout un chacun appellearmes  : artillerie, arme blindée cavalerie,infanterie, transmissions, etc. Il est ainsi trèsdifficile de gérer des compétences dans la duréedès lors que les armes d’origine interfèrent,légitimement, dans les cursus de carrière. LesAméricains, Canadiens, et Britanniques parexemple, ont fait le choix inverse, celui d’unearme du renseignement (l’armée allemande aaussi engagé ce processus).

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Libres réflexionsLibres réflexions

9 «Les conflits seront menés par des terriens et non par des robots dans l’espace. Ils seront plus proches des affrontements qui survenaient dans les tribusprimitives que des guerres conventionnelles… dans la mesure où l’adversaire et les populations civiles s’interpénètreront, la stratégie clausewitziennerestera sans objet. La simplification des armes, et non le contraire, ira croissant. La guerre ne sera pas menée par des hommes aux uniformes impeccables,assis derrière des écrans, dans des salles climatisées et occupés à manipuler des symboles sur des claviers d’ordinateurs ; au contraire, les «troupes»ressembleront davantage à des policiers (ou à des pirates) qu’à des spécialistes. La guerre ne se déroulera pas sur un champ de bataille, ce type d’espacen’existe plus de par le monde, mais au sein d’environnements complexes, naturels ou artificiellement créés. Ce sera une guerre d’écoutes, de voiturespiégées, de tueries au corps à corps, dans laquelle les femmes transporteront des explosifs dans leur sac, ainsi que la drogue pour les payer. Elle sera sansfin, sanglante et atroce».

10 RENS 210, doctrine du renseignement d’origine humaine, avril 2007.

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Le constat objectif pourrait aujourd’hui se traduireainsi : à un environnement opérationnel toujoursplus complexe, une organisation fonctionnelleaussi complexe ! On répond à la complexité par lacomplexité.

En effet, dès lors que chacune des armesd’origine continue à gérer le déroulement decarrière de ses ressortissants, le renseignementn’a d’autre alternative que de combler les videsstructurels. Il est ainsi profondément choquantqu’un officier supérieur, après sept ans au seind’un régiment de renseignement d’origineélectromagnétique de la brigade derenseignement, puis trois ans à participer à larédaction de la doctrine du renseignement, aumoment où il rejoint le collège interarmées dedéfense, soit «récupéré» par son arme poursuivre une formation technique tout à fait autre.Il est tout aussi choquant que, pour tenter derépondre à ces mouvements illogiques depersonnels, il faille affecter à des postes derenseignement opérationnel des spécialistesdes relations internationales, considérant que«c’est à peu près la même chose». Les exemplessemblables sont malheureusement nombreux. Ilne s’agit évidemment pas de mettre en cause ladirection de l’armée de terre qui fait son travailconsciencieusement mais bien de relever lesconséquences immédiates et logiques del’organisation actuelle. Il y a structurellementune impossibilité à construire une carrièrecohérente et longue dans le renseignement.

Il y a par ailleurs, dans cette organisation, uneincitation à «la fuite des cerveaux». Sans cursusde carrière, il est impossible d’offrir desperspectives de postes àhaute responsabilitéà des officiers qui parconséquent fuient lafonction renseignement.

Enfin, cette gestion pararme d’origine, enhachant le parcoursprofessionnel, interdit laconstruction patiente,progressive et longue deces analystes du rensei-gnement dont la force aun impérieux besoinpour comprendre l’envi-ronnement et l’adver-saire.

Bien plus encorequ’une gestion de laressource pour le

moins erratique, cette organisation techniqueinterdit au renseignement tactique deprogresser. La capitalisation des formations(pourtant toujours plus longues et coûteusespar nature) et des expériences ne se faisantqu’au gré des circonstances et des aléas plus oumoins heureux liés aux besoins des armes, sanscontinuité dans l’enrichissement professionnel etla réflexion, il devient extrêmement complexed’identifier les besoins de progrès ou d’adaptationliés à la nature des combats. Par ailleurs, l’arrivéedes unités multicapteurs impose également unepolyvalence des hommes pour le commandementde capteurs très divers et pour la capacité del’analyse dont on a déjà dit toute l’exigence. Il estaussi possible d’évoquer les capacitéslinguistiques des acteurs du renseignement donton pourrait attendre, sous réserve de cettecohérence d’arme, qu’ils développent telle ou telleexpertise à l’heure où il n’y a jamais assezd’interprètes (à l’exemple du corps des Marinesaméricain qui fait dispenser des rudimentslinguistiques à ses soldats). Enfin, une arme secaractérise par la conservation des traditions, lamise en avant d’une culture et par conséquent,une vision d’avenir, une anticipation et donc desobjectifs de progrès partagés.

Il y a ainsi urgence à répondre organiquementaux défis opérationnels que les guerres actuelleset futures posent en acceptant l’idée de lacréation d’une arme du renseignement.

SIR

PA T

erre

Autres contributions à la réflexion doctrinale

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Libres réflexionsLibres réflexions

AAla complexité des crises dans laquelle la France s’engage, il est fondamental

de pouvoir apporter un peu de clarté, d’essayer d’atténuer le «brouillard» de

la guerre afin de proposer au chef les choix opérationnels les plus justes.

Charles De Gaulle écrivit dans Le Fil de l’Epée : «L’ennemi est contingent, variable ;

aucune étude, aucun raisonnement ne peuvent révéler avec certitude ce qu’il est, ce

qu’il sera, ce qu’il fait et ce qu’il va faire». S’il est admis que l’incertitude est la

marque principale du combat, les réponses simples seront à privilégier.

Il y a donc urgence à simplifier l’organisation du renseignement en en faisant une

arme, ou au minimum à renforcer le «poids» du commandant de la fonction, qui

permettra sans conteste d’optimiser l’emploi d’une ressource humaine dont la

qualité de la formation et du recrutement est un réel enjeu. Pérennité d’une carrière

pour comprendre l’environnement opérationnel des crises et s’y adapter mieux !

Mais au-delà même de l’arme du renseignement, il y a cette réflexion indiscutable

qu’il importe de mener sur la notion de finalité d’une force armée. Une simple

approche capacitaire condamne les ambitions pourtant légitimes d’adaptabilité, de

pertinence et donc d’efficacité opérationnelle pour des raisons souvent

corporatistes. A l’opposé, si la question fondamentale du «pour quoi faire ?» est

acceptée, il y a progrès dans la recherche des solutions, y compris celles que le

conformisme rejetterait au nom de la défense de capacités parfois inadaptées ou

trop coûteuses par leur nombre. Et dans ce contexte, il est réellement nécessaire de

revenir aux notions simples, claires et évocatrices des armes. Si le renseignement

cache derrière un nom limpide une organisation archaïque, les fonctions

opérationnelles «combat débarqué» ou «embarqué», «appui à l’engagement»,

«agression» et autre vocabulaire technique dissimulent des finalités opérationnelles

dans lesquelles on se perd. Parlons de l’infanterie déployée au sein des populations,

appuyée par des canons d’artillerie et éclairée par l’arme du renseignement.

Laissons à la gestion du personnel ses appellations spécifiques et revenons à

l’explicite pour éclairer la réflexion sur les finalités opérationnelles.