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4 actualités Actualités pharmaceutiques n° 486 Juin 2009 Jean-Paul Belon, professeur de pharmacologie à la Faculté de pharmacie de Dijon (21), est également vice-président de la Commission pédagogique nationale des études de pharmacie. Pour lui, la formation des étudiants en pharmacie telle qu’elle se dessine au sein du système LMD permettra, parce qu’elle conserve ses qualités tout en devenant modulaire, aux études de pharmacie de mieux prendre en compte les évolutions de la profession. Actualités pharmaceutiques : Vous dirigez la Commission pédagogique nationale des études de pharmacie depuis 2006. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent ses missions ? Jean-Paul Belon : La Commis- sion pédagogique nationale des études pharmaceutiques est chargée notamment : de pré- parer la définition ou la révision régulière des objectifs et des programmes de la formation commune de base ; de donner un avis sur les projets pédago- giques présentés par les unités de formation et de recherche (UFR) dispensant des forma- tions pharmaceutiques dans le cadre des enseignements optionnels et sur les objectifs, les programmes de formation et les modalités d’accès aux enseignements de troisième cycle de 5 e et 6 e années et à ceux des diplômes d’études spécialisées, à l’exception de ceux concernant la biologie médicale ; d’analyser et de favoriser la diffusion des inno- vations pédagogiques et de proposer toute orientation utile en fonction des progrès de la science et de la pédagogie ; de contribuer au développement de la formation des universi- taires aux techniques moder- nes de la pédagogie ; enfin, de favoriser les échanges pédago- giques internationaux, notam- ment les échanges d’étudiants et d’enseignants. AP : La dernière réforme des études de pharmacie remonte à 2003. Où en est sa mise en application aujourd’hui et quel bilan est-il possible d’en tirer ? JPB : Cette réforme concernait les 2 e et 3 e cycles des études ; elle a notamment mis l’accent sur la pratique d’une nouvelle méthode pédagogique avec la mise en place d’enseigne- ments coordonnés et leurs stages d’application en officine au cours des 3 e et 4 e années. Les UFR de pharmacie ont appliqué cette méthode avec des résultats variables, mais tous positifs. AP : Quel est votre regard sur la formation initiale en phar- macie ? JPB : La qualité de la formation actuelle est globalement satis- faisante mais elle est victime de l’évolution très rapide des besoins. Elle doit, en effet, être en adéquation avec le nouveau partage des tâches et les nouvel- les délégations de compétences entre professionnels de santé. La professionnalisation des étu- des est d’une actualité criante ; la formation doit s’adapter le plus tôt possible à cette fonction renforcée de praticien de santé, sans négliger le caractère scien- tifique des études. Pour l’offi- cine comme pour l’industrie, il est nécessaire d’être visionnaire autant que faire se peut pour élaborer un parcours d’études adapté aux besoins des diffé- rents métiers du pharmacien. AP : Une réforme de la pre- mière année des études de santé incluant la première année de pharmacie, méde- cine, odontologie et maïeu- tique a été votée par l’As- semblée nationale, puis par le Sénat. Quels en sont les objectifs et les modalités retenues ? JPB : Il faut attendre le prochain examen du texte à l’Assem- blée pour savoir si les amende- ments du Sénat seront adoptés. Néanmoins, il paraissait tout à fait raisonnable de reporter d’une année sa mise en appli- cation, car cette réforme est importante. AP : Avez-vous compris les craintes de certains étudiants et enseignants exprimées à cet égard ? JPB : Lorsque le système est modifié, il est évident et nor- mal que naissent des inquiétu- des parmi les étudiants, mais comme je le soulignais précé- demment, il faut replacer cette réforme dans un contexte glo- bal d’évolution des métiers et de leur exercice. La démarche LMD (Licence Master Docto- rat) exige une souplesse des enseignements tout au long du parcours des études. Il ne faut pas oublier que l’étudiant fera son marché, certes dans un cadre défini de la formation pharmaceutique. Il pourra ainsi s’orienter très tôt vers une spé- cialisation plus personnalisée. La formation doit garder toute sa spécificité et ses qualités tout en devenant modulaire. Cette démarche tout à fait nou- velle peut très naturellement faire naître certaines craintes. La Commission de pédago- gie veille à protéger la qualité des études pharmaceutiques, notamment en fondant les objectifs de la formation sur les référentiels des compétences des métiers de la pharmacie. AP : Cette réforme de L1 [ NDLR : première année de licence] va entraîner des ajus- tements pour les années supé- rieures sur lesquels vous avez travaillé. Pouvez-vous nous en dire plus ? JPB : Dans la nouvelle formation s’appuyant sur la démarche LMD, l’étudiant devra choisir son orien- tation en fin de 3 e année (licence) Entretien Pour une formation initiale en totale adéquation avec les enjeux professionnels © DR

Pour une formation initiale en totale adéquation avec les enjeux professionnels

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Page 1: Pour une formation initiale en totale adéquation avec les enjeux professionnels

4actualités

Actualités pharmaceutiques n° 486 Juin 2009

Jean-Paul Belon,

professeur de

pharmacologie à la

Faculté de pharmacie

de Dijon (21),

est également

vice-président

de la Commission

pédagogique nationale

des études de

pharmacie. Pour lui,

la formation des

étudiants en pharmacie

telle qu’elle se dessine

au sein du système

LMD permettra,

parce qu’elle

conserve ses qualités

tout en devenant

modulaire, aux études

de pharmacie de mieux

prendre en compte

les évolutions

de la profession.

Actualités pharmaceutiques :

Vous dirigez la Commission

pédagogique nationale des

études de pharmacie depuis

2006. Pourriez-vous nous

expliquer en quoi consistent

ses missions ?

Jean-Paul Belon : La Commis-sion pédagogique nationale des études pharmaceutiques est chargée notamment : de pré-parer la définition ou la révision régulière des objectifs et des

programmes de la formation commune de base ; de donner un avis sur les projets pédago-giques présentés par les unités de formation et de recherche (UFR) dispensant des forma-tions pharmaceutiques dans le cadre des enseignements optionnels et sur les objectifs, les programmes de formation et les modalités d’accès aux enseignements de troisième cycle de 5e et 6e années et à ceux des diplômes d’études spécialisées, à l’exception de ceux concernant la biologie médicale ; d’analyser et de favoriser la diffusion des inno-vations pédagogiques et de proposer toute orientation utile en fonction des progrès de la science et de la pédagogie ; de contribuer au développement de la formation des universi-taires aux techniques moder-nes de la pédagogie ; enfin, de favoriser les échanges pédago-giques internationaux, notam-ment les échanges d’étudiants et d’enseignants.

AP : La dernière réforme des

études de pharmacie remonte

à 2003. Où en est sa mise en

application aujourd’hui et

quel bilan est-il possible d’en

tirer ?

JPB : Cette réforme concernait les 2e et 3e cycles des études ; elle a notamment mis l’accent sur la pratique d’une nouvelle méthode pédagogique avec la mise en place d’enseigne-ments coordonnés et leurs stages d’application en officine au cours des 3e et 4e années. Les UFR de pharmacie ont appliqué cette méthode avec

des résultats variables, mais tous positifs.

AP : Quel est votre regard sur

la formation initiale en phar-

macie ?

JPB : La qualité de la formation actuelle est globalement satis-faisante mais elle est victime de l’évolution très rapide des besoins. Elle doit, en effet, être en adéquation avec le nouveau partage des tâches et les nouvel-les délégations de compétences entre professionnels de santé. La professionnalisation des étu-des est d’une actualité criante ; la formation doit s’adapter le plus tôt possible à cette fonction renforcée de praticien de santé, sans négliger le caractère scien-tifique des études. Pour l’offi-cine comme pour l’industrie, il est nécessaire d’être visionnaire autant que faire se peut pour élaborer un parcours d’études adapté aux besoins des diffé-rents métiers du pharmacien.

AP : Une réforme de la pre-

mière année des études de

santé incluant la première

année de pharmacie, méde-

cine, odonto logie et maïeu-

tique a été votée par l’As-

semblée nationale, puis par

le Sénat. Quels en sont les

objectifs et les modalités

retenues ?

JPB : Il faut attendre le prochain examen du texte à l’Assem-blée pour savoir si les amende-ments du Sénat seront adoptés. Néanmoins, il paraissait tout à fait raisonnable de reporter d’une année sa mise en appli-cation, car cette réforme est importante.

AP : Avez-vous compris les

craintes de certains étudiants

et enseignants exprimées à

cet égard ?

JPB : Lorsque le système est modifié, il est évident et nor-mal que naissent des inquiétu-des parmi les étudiants, mais comme je le soulignais précé-demment, il faut replacer cette réforme dans un contexte glo-bal d’évolution des métiers et de leur exercice. La démarche LMD (Licence Master Docto-rat) exige une souplesse des enseignements tout au long du parcours des études. Il ne faut pas oublier que l’étudiant fera son marché, certes dans un cadre défini de la formation pharmaceutique. Il pourra ainsi s’orienter très tôt vers une spé-cialisation plus personnalisée. La formation doit garder toute sa spécificité et ses qualités tout en devenant modulaire. Cette démarche tout à fait nou-velle peut très naturellement faire naître certaines craintes.La Commission de pédago-gie veille à protéger la qualité des études pharmaceutiques, notamment en fondant les objectifs de la formation sur les référentiels des compétences des métiers de la pharmacie.

AP : Cette réforme de L1

[NDLR : première année de

licence] va entraîner des ajus-

tements pour les années supé-

rieures sur lesquels vous avez

travaillé. Pouvez-vous nous en

dire plus ?

JPB : Dans la nouvelle formation s’appuyant sur la démarche LMD, l’étudiant devra choisir son orien-tation en fin de 3e année (licence)

Entretien

Pour une formation initiale en totale adéquation avec les enjeux professionnels

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Actualités pharmaceutiques n° 486 Juin 2009

et terminera le socle commun de connaissances en fin de premier

semestre de M1 [NDLR : première année de master]. Certaines UE (unités d’enseignement) seront communes à toutes les filières au cours du deuxième semestre de M1. La 6e année (année du diplôme) sera une année de qua-lification permettant une spéciali-sation approfondie après l’année M2 [NDLR : deuxième année de master] du master d’orientation professionnelle.

AP : Ne craigniez vous pas que la

spécialisation anticipée des étu-

des ne remette en cause l’unicité

du diplôme de pharmacien ?

JPB : Non, car la spécialisation n’est en fait qu’une qualification supplémentaire permettant à tous les métiers, très nombreux, de la pharmacie de s’exprimer dans de nombreux secteurs de la santé et notamment dans

ceux où il existe une concur-rence renforcée par les échan-ges européens. Les référentiels “activités” ont été élaborés en tenant compte de cette diversité des métiers de la pharmacie et de leur évolution. Le pharma-cien demeure le spécialiste du médicament et son diplôme est unique.

AP : Quels sont selon vous les

grands enjeux de la formation

pharmaceutique de demain ?

JPB : Sans revenir sur ce qui a été dit précédemment, j’ajou-terai que le pharmacien de demain devra être en première ligne dans son exercice de pro-fessionnel de santé spécialiste du médicament et de son bon usage, mais aussi dans sa qua-lité de praticien de santé, pra-ticien traitant et prescripteur. L’avenir le dira, mais il doit s’y préparer !

AP : Pour terminer, la Loi

HPST (Hôpital patients santé

et territoires) défendue par

Roselyne Bachelot organise

la formation pharmaceutique

continue. Qu’en pensez-

vous ?

JPB : L’évaluation des prati-ques professionnelles requiert une formation profession-nelle continue. Cette évalua-tion est nécessaire et il sera judicieux de partager une formation pharmaceutique avec les autres professions de santé pour une meilleure adéquation du partage des compétences. �

Propos recueillis par

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

L e succès du dossier pharmaceuti-

que (DP) est régulièrement vanté par

l’Ordre national des pharmaciens

qui en souligne notamment la simplicité.

Pourtant, certaines officines, notamment

en Île-de-France, hésitent encore à fran-

chir le pas, s’inquiétant des nombreuses

situations particulières rencontrées au

comptoir et que pourrait compliquer l’uti-

lisation du DP.

Chez ces pharmaciens réticents à adop-

ter le dossier pharmaceutique demeure

notamment la crainte que le temps de trai-

tement de chaque demande ne s’allonge.

L’Ordre des pharmaciens rappelle cepen-

dant : « À chaque délivrance d’ordonnance, le pharmacien consulte déjà le relevé des médicaments qui ont été dispensés au patient dans son officine. La consultation du DP ne lui prendra pas plus de temps. Elle se fera en quelques secondes. »Mais les doutes ne s’arrêtent pas là

et les questions fusent : ainsi que faire

lorsqu’une même ordonnance comporte

des traitements concernant plusieurs

patients d’une même famille. Pour l’Ordre,

la règle est simple : « Les médicaments qui ne concernent pas le bénéficiaire du DP ne sont pas à inscrire dans le DP qui le concerne. Le pharmacien doit penser à demander au patient si la totalité de l’ordonnance qui est délivrée concerne la même personne. » Au-delà de l’énon-

ciation de cette mesure simplissime, le

risque d’erreur peut être redouté.

Les officinaux s’interrogent surtout sur

l’attitude à adopter en cas d’oubli de la

carte Vitale par le malade, voire en cas

d’absence du patient. Concernant le

premier cas, la doctrine est claire : sans

carte Vitale, il n’y a pas d’ouverture ou de

consultation possible du DP. La seconde

situation connaît a contrario plusieurs

exceptions. Si ce dispositif ne peut a priori être créé en l’absence du patient qui en

fait la demande, il demeure possible de

signer un mandat autorisant un tiers à

ouvrir et à consulter un DP. Par ailleurs, la

présence et le consentement des enfants

de moins de 16 ans ne sont pas obligatoi-

res pour la constitution d’un tel dossier.

Bref, l’Ordre des pharmaciens semble

avoir envisagé chacune des situations

pour une utilisation optimale et sécu-

risée du DP, encore convient-il d’avoir

une parfaite maîtrise de

toutes les réponses aux

questions posées. �

Aurélie Haroche

© jim.fr

Profession

Toutes les questions que vous vous posez sur le DP sans jamais oser les formuler

La succession est ouverteJean Parrot a annoncé sa décision

de ne pas être candidat à la présidence

du Conseil national de l’Ordre des

pharmaciens dans Les Nouvelles

pharmaceutiques en date du 5 mai

dernier (n° 379). Ainsi, « chacun saura

que son vote va concourir au choix

d’un nouveau président » dont le nom

sera connu le 29 juin. Il tourne une

page : seize années durant lesquelles

il a connu dix ministres de la Santé

et mis toute son énergie à imposer

l’institution comme « un partenaire

légitime », veillant « à la solidité

de tous les maillons de la chaîne

pharmaceutique ». S’il a décidé de

passer à autre chose, il ne manquera

pas de suivre les dossiers qui lui

tiennent à cœur : généralisation du

dossier pharmaceutique, élargissement

du rôle du pharmacien...

E.D

Ordre

© B

SIP

/Cha

gnon