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1 POUR UNE RECONNAISSANCE DES DROITS COUTUMIERS DES COMMUNAUTES LOCALES ET AUTOCHTONES DANS LA GESTION DES AIRES PROTEGEES AU CAMEROUN Etude de cas dans la Réserve de Biosphère du Dja -Décembre 2008-

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POUR UNE RECONNAISSANCE DES DROITS COUTUMIERS DES COMMUNAUTES LOCALES ET AUTOCHTONES DANS LA GESTION DES

AIRES PROTEGEES AU CAMEROUN Etude de cas dans la Réserve de Biosphère du Dja

-Décembre 2008-

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« Quand le papier parle, barbe blanche s’incline » Le chef de Nkoungoulou

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Table des matières

I. INTRODUCTION6

1.1 Contexte et problématique ..................................................................................... 6 1.2 Objectifs de l’étude ................................................................................................. 7 1.3.1 Désignation de la zone d’étude : ....................... Error! Bookmark not defined. 1.4 Présentation générale de la Réserve du Dja ..................................................... 7 1.4.1 Localisation ........................................................................................................... 7 II. Implication des communautés dans la création et la gestion de la Réserve de Biosphère du Dja. ........................................................................................................ 11 III. Avantages /Bénéfices sociaux et environnementaux liés à la création de cette aire protégée. ............................................................................................................... 12 IV. Impacts de la création de la Réserve du Dja sur les conditions de vie et la culture des communautés autochtones...................................................................... 13 V. Les types de conflits liés à la gestion de la Réserve de Biosphère du Dja .. 15

VI. Les perceptions qu'ont les communautés locales et autochtones de l'aire protégée………………………………………………………………………………..18 VII. Modalités de prise en compte des droits coutumiers des communautés locales et autochtones…………………………………………………………………18 VIII. Les options politiques pour la reconnaissance des droits des communautés locales et autochtones………………………………..……………………………….20 Conclusion…………………………………………………………………………….21

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Abstract This study is aimed at identifying the modalities put in place in recognizing the customary rights of the local indigenous communities that resides within and around the Dja wildlife Reserve. According to the UNESCO World Heritage Centre, this is one of the largest and best-protected rainforests in Africa, with 90% of its area left undisturbed.the reserve is especially noted for its biodiversity and a wide variety of primates (Alpert 1993). Bedel (1987) says it contains 107 mammal species, five of which are threatened. The Dja reserve enjoys its location across Cameroon’s two provinces; on the Dja river in the Central-Southern and Eastern Regions, Dja and Lobo and Haut-Nyong Divisions respectively, distance 243 kilometers (km) south-east of Yaoundé, and 5km west of Lomié. Since 1992 the reserve has been managed by the ECOFAC project (Central African Forestry Ecosystems), the fruit of the cooperation between Cameroon and the European Union. The Cameroon ECOFAC Project is one component of a regional programme, which aim is the promotion of : ‘the conservation and rational use of the forestry ecosystems in central Africa’. The management of the reserve by ECOFAC came to a closed in 2005 and since then the Cameroon Government has had a duty of drawing up a management plan, incorporate it into an appropriate institutional framework and implement it. “Quand le papier parle, barbe blanche s’incline” (When papers speaks, grey hair is subdued) said the chef of Nkoungoulou. Created in 1950 by the colonial administration, what the chief of Koungoulou says has always been the case. The populations were not consulted and after the independence, different projects that were put in place by the government with the help of international donors did not really take in to consideration the rights of local and indigenous communities. For indigenous communities specially, because this reserve is World Heritage Site, the government should look at means to respect international agreements and conventions that protect the maintenance and survival of values and traditions of Indigenous peoples and traditional local communities, because their lives depend upon their continued access to and use of traditional biological resources of the Dja Biosphere Reserve.

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Liste des figures Figure 1 : Localisation de la Réserve de Biosphère du Dja Figure 2 : Séchage du Cacao à Mimbil

Figure 3 : Le chef de Mekas se rappelant du bon vieux temps

Figure 4: Discussions devant une case de Baka pleinement sédentarisé Liste des abréviations CED : Centre pour l’Environnement et le Développement CPF : Chef de poste Forestier FODER : Forêt et développement Rural HEVECAM : Hevea Cameroun ONG : Organisation Non Gouvernementale PAPNCM : Plan d’Aménagement du Parc National de Campo Ma’an PNCM : Parc National de Campo Ma’an SOCAPALM : Société Camerounaise de Palmeraies UICN : Union Mondiale pour la Conservation de la Nature UTO : Unité Technique Opérationnelle UNESCO: United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization ECOFAC : Conservation et utilisation rationnelle des ÉCOsystèmes Forestiers d’Afrique Centrale

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I. Introduction

1.1 Contexte et problématique

Le Cameroun est un pays d’une si grande diversité qu’il est souvent présenté comme “une Afrique en miniature”. Ses forêts sont caractérisées par la richesse de leur biodiversité. Dans ces forêts, vivent plusieurs groupes de populations Bantou et “pygmées” dont le nombre est estimé à environ 1.5 millions (Serge Bahuchet, 1993). A côtes de ces populations, interviennent plusieurs autres acteurs (compagnies forestières, minières et de conservation de la biodiversité…) dont les intérêts et les objectifs divergent ou entrent en compétition avec ceux des communautés locales et autochtones concernant la forêt et ses ressources. Depuis l’époque coloniale plusieurs législations forestières ont été mises en place pour assurer la gestion durable des ressources forestières, mais tous ces textes indiquent clairement « l’appropriation par l’Etat des espaces et des ressources de la forêt et la marginalisation des communautés locales et peuples autochtones dans la gestion de ceux-ci » (Nguiffo et Djeukam, 2008).Cette appropriation s’est faite sans tenir compte des modes de gestion coutumiers de la terre et des ressources forestières, lesquels sont caractérisés par une « superposition de règles efficaces d’usage et de règlement des conflits conçus pour faciliter la redistribution des possibilités de subsistance au sein de la communauté » (Seme ; 2003). Ce modèle coutumier est marqué par la propriété collective de la terre et de ses ressources et l’extrême dépendance des communautés vis-à-vis des ressources forestières pour leur subsistance et leurs revenus. Ce qui tranche avec le modèle moderne qui a pour objectif principal d’organiser les prélèvements de bois par les sociétés forestières, tout en méconnaissant les droits et intérêts des « propriétaires » coutumiers des forêts, en les rejetant dans le champ subalterne des « droit d’usage », catégorie résiduelle du droit de propriété du Code Civil1. La prise en compte des droits et intérêts des « propriétaires » coutumiers de la forêt par la législation forestière a généralement été au cœur des reformes successifs engagés ces dernières années par l’Etat et malgré des avancés louables, les rapports entre les deux corps de normes restent encore marqués par des divergences profondes et un déséquilibre facilement perceptible. La Réserve de Biosphère du Dja créé lors de la période coloniale illustre parfaitement l’évolution de la dynamique des rapports entre les communautés et l’Etat. Créée le 25 Avril 1950 par l’Arrêté n° 319 du Haut Commissaire de la République Française au Cameroun, la Réserve de Faune de Dja fait partie du Domaine Privé de l’Etat. Et d’après le décret du 3 mai 1946 fixant le régime forestier du Cameroun2 qui étend la propriété étatique aux « forêts vacantes et sans maître », le droit d’usage des « indigènes » est strictement limité. Les lendemains de l’indépendance sont marqués par une option des pouvoirs publics pour le maintien du statu quo, il faudra attendre les années 1990 pour voir l’Etat commencer à rompre avec les anciennes pratiques. Ainsi, dans la politique forestière qu’il adopte en 1993, Le gouvernement énonce clairement, parmi les quatre

1Voir Karsenty, A., 1999. Vers la fin de l'État forestier ? Appropriation des espaces et partage de la rente forestière au Cameroun. Politique Africaine, n° 75, octobre, Karthala, p. 147. http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/075147.pdf 2 Codes et lois du Cameroun, tome 5, pp. 245 et ss.

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grandes orientations sa volonté « d’améliorer l’intégration des ressources forestières dans le développement rural, afin de contribuer à élever le niveau de vie des populations et de les faire participer à la conservation des ressources. De plus le Cameroun ayant ratifié plusieurs conventions internationales dont la CDB qui insistent sur « le respect, la préservation et le maintient des connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales » devrait en vertu du droit international en appliquer toutes les dispositions.

.1.2 Objectifs de l’étude

Cette étude se propose d’examiner les modalités de reconnaissance des droits coutumiers des communautés locales et autochtones dans la Réserve du Dja. Plus spécifiquement, il s’agira pour nous après une brève description de l’aire protégé, de voir le rôle et la place accordés par les pouvoirs publics aux communautés locales et autochtones dans la mise en place et la gestion de la réserve de biosphère du Dja, d’évaluer les impacts tant positifs que négatif de la création de cette aire protégée sur les populations, et identifier de façon participative les modalités et les options politiques de prise en compte des droits coutumiers des communautés locales et autochtones dans la Réserve du Dja.

1.3 La méthodologie 1.3.1 Méthodologie : L’étude a été conduite sur une période de 25 jours dont 10 passés sur le terrain dans les régions de Mekas, Lomié et Somalomo. La démarche adoptée a été essentiellement participative avec une consultation des principaux acteurs impliqués et concernés dans la création et la gestion de la réserve du Dja. Pour ce faire, des entretiens ont été ainsi réalisés auprès des communautés locales et autochtones. Compte tenu du temps impartis à l’étude, des entretiens ont été réalisés avec des groupes de discussion dans dix villages bantus (Mvoe, Mekas, Nkoumbadjap, Mimbil, Ajala, Payo, Sisok, et Mesok.), six communautés Baka (Mvoe, Mimbil, Mekas, Nkoubadjap, Mekas, Payo,) Les informations ainsi recueillis auprès des populations ont été confrontés dans les entretiens réalisés avec les responsables de la conservation à Lomié et à Somalomo.

A ces données secondaires, il faut ajouter les données primaires issues de la revue de la littérature sur la création et la gestion de la Réserve du Dja dans les documents papiers et sur Internet.

1.4 Présentation générale de la Réserve du Dja 1.4.1 Localisation

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Figure 1 : Localisation de la Réserve de Biosphère du Dja La Réserve de Faune du Dja se trouve dans les provinces administratives du Sud et de l’Est du Cameroun entre 2°50 et 3°30 de longitude Nord et 12°20 et 13°40 de latitude Est. Elle chevauche deux départements (Dja et Lobo et Haut-Dja et cinq Arrondissements (Bengbis, Djoum, Messamena, Abong- Mbang et Lomié). Avec une superficie de 5,260 km², le site a une forme de boucle aplatie et est limité naturellement sur 75% de son périmètre par la rivière Dja qui lui donne son nom. 1.4.2 Relief et réseau hydrographique Le paysage est une succession de collines convexes et d’inter-fleuves émoussés. Le relief est peu marqué (plat), et l’altitude varie entre 600 et 700 m. Le Dja est le principal cours d’eau du site ; une ligne de crête le traverse et, de cette dernière coulent de petits cours d’eau vers le Dja. 1.4.3 Climat, Végétation et sols Letouzey (1968) présente le climat de la RBD comme de type équatorial, avec quatre saisons peu marquées dont deux saisons de pluies qui s’étalent du mois d’Août à Novembre et de Mars à Juin et deux Saisons sèches de Décembre à Février et pendant le mois de Juillet. La température moyenne annuelle est de 24°C et les précipitations moyennes annuelles varient entre 1,182 mm et 2,346 mm de pluie au cours des années. (Sonké, 1996). La réserve s'étend au cœur du plateau sud-Camerounais, entre 600 et 700 m d'altitude. Le paysage montre une succession de collines convexes et d'interfluves émoussés. De place

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en place des rochers découverts, "inselbergs", dominant nettement la couverture forestière (NGANDJUI ; 1993) La formation végétale principale est une forêt dense humide sempervirente de moyenne altitude Concernant la végétation, la région de la Dja appartient au domaine de la forêt Camerouno-Congolaise, caractérisée par : l’absence des espèces de forêts caducifoliées en forêt intacte, la pauvreté des espèces caractéristiques de la forêt côtière, la présence de plusieurs espèces et parfois genre connus au Cameroun seulement dans

le secteur, l’importance sur les terrains argileux de palmiers lianescents. On observe trois types de forêts sur le site : les forêts sur rocher avec formations saxicoles (5%) les forêts sur sols Hydromorphes (20%), qui englobent les forêts marécageuses à

Uapaca paludosa et Raphia munbuttorun, et les prairies marécageuses. les forêts de terre ferme (75%), qui peuvent être subdivisées en deux groupements :

les forêts secondaires héliophiles à croissance rapide et les forêts primaires, hétérogènes, avec une dominance particulière des peuplements de Gilbertiodendron deweuwrei (Obam, 1992).

Les forêts du Dja présentent une grande diversité hétérogènes, on observe 108 à 138 espèces végétales à l’hectare avec une densité et une dominance relative inférieure à 1% du nombre total d’espèces 3 (Sonké, 1996). On observe par ailleurs un envahissement des éléments des forêts semi-caducifoliées au Nord et les forêts athermiques à l’Ouest. D’après Gartlan (1989), La Réserve du Dja se trouve sur un substrat géologique précambrien, appartenant à la série Mbalmayo - Bengbis. Les roches sont d’origine métamorphique, schistes verdâtres à éclats gras, plissotés, bordées de micaschistes à grenats, intercalés de lits quartzeux à grains fins. 1.4.5 Faune La Réserve protège des espèces à large répartition et qui sont menacées. Un inventaire systématique réalisé sur le site en 1995 a permis de dénombrer 94 espèces de mammifères à l’intérieur et 75 dans son environnement immédiat (Gnegueu, 1996). Concernant les oiseaux, la fauvette du Dja (Bratypterus grandis) et Picathartes oreas sont présents et un inventaire ornithologique effectué en 1994 a permis de recenser 320 espèces résidentes et plus de 80 espèces migratrices (Christy, 1994). Les poissons eux, appartiennent à la faune du bassin du Congo, avec environ 25% d’espèces endémiques au Cameroun. (Gartlan 1989). 1.4.6 Peuplement et activités humains Malgré la faible densité de la population dans la région (entre 0,6 et 4 hab./km², ) le site est occupé dans ses parties Nord et Ouest par une quinzaine de villages qui comptent environ 3,500 habitants selon un recensement général effectué en 1996 dans le cadre du Plan d’Aménagement de la réserve. En périphérie immédiate, 19,500 personnes environ

3Voir Z.Tchanou, Timote Fomete ; La gestion des écosyatemes forestiers à l’aube de l’an 2000 : Monographie des sites critiques et annexes ; Decembre 1998 ; IUCN ; Yaounde ; Cameroun.

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peuplent les villages qui sont situés en collier autour de la réserve. Mais, l’on estime à environ 30.000 le nombre d’individus qui exercent des pressions sur les ressources du Dja (Canopée n°12) Les ethnies principales de la région sont les bantous et les pygmées Baka. Les Bantous sont composés de Badjoué au Nord, des Bulu à l’Ouest et des Nzime à l’Est ; ils sont chasseurs, cultivateurs et pêcheurs (Tene, 1996). Les pygmées quand à eux, occupaient les habitations temporaires dans la Réserve, mais de nos jours, du fait de la répression dans la réserve, ils se fixent de plus en plus le long des axes routiers et font des va et viens à durée différentielle dans la forêt pour y pratiquer la chasse et la cueillette, le reste de l’année, beaucoup d’entre eu travaillent dans les plantations des bantous (Joiris, 1994). Les activités humaines autour de la Reserve se résument à l’agriculture, la chasse, la pêche et la cueillette qui sont les principales sources de revenus. De plus,des enquêtes ethnobotaniques révèlent que les populations vivant à la périphérie et à l’intérieur de la réserve exploitent 68 espèces de fruitiers sauvages et près de 350 espèces végétales dans la pharmacopée locale (Canopée n° 12).

Figure 2 : Séchage du Cacao à Mimbil Les études antérieurs ont révélés la présence d’une ceinture d’exploitation forestière qui se resserrait chaque jour un peu plus sur le site menée principalement par les sociétés PALLISCO, GRUMCAM, SABE et la Forestière du Dja et Lobo. (Tene, 1995) mais la présence du fleuve Dja rend le site inaccessible à tous. 1.4.7 Statut légal et gestion du site L’actuelle Réserve de Biosphère du Dja a, sur le plan légal, subi plusieurs mutations. L’on reconnaît que très tôt (1932), le colonisateur français accordait déjà au Dja une certaine protection qui s’est concrétisée en 1947 par le Décret N°2254 du 18 novembre 1947 qui protégeait certaines espèces et régulait la chasse dans les territoires africains administrés par la France. C’est en 1950 que le Dja acquiert le statut de "Réserve de faune et de chasse" par la loi N°319 du 25 avril 1950. L’Acte d’Ordonnance de la Foresterie Nationale N°73/18 du 22 mai 1973 le transforme en "Réserve de faune", statut qui demeure jusqu’en 1981. Depuis cette date, le Dja est devenu "Réserve de Biosphère" sous le programme l’Homme et la Biosphère de l’UNESCO. Il a été inscrit trois ans plus tard (1984) sur la liste du Patrimoine mondial.

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Durant toutes ces étapes, quel a été le rôle des communautés locales et autochtones, qui pour un grand nombre ici vivent presque entièrement dans la Réserve ?

II. Implication des communautés dans la création et la gestion de la Réserve de Biosphère du Dja. II.1. Place et rôle des populations locales à la création de la réserve

La Réserve de faune et de chasse du Dja a été créée le 26 juin 1950, par un arrêté N° 319 du Haut Commissaire de la République Française au Cameroun., et fait partie du Domaine Privé de l’Etat. Et d’après le décret du 3 mai 1946 fixant le régime forestier du Cameroun4 qui étend la propriété étatique aux « forêts vacantes et sans maître », le droit d’usage des « indigènes » est strictement limité. A cette époque marquée par une domination absolue de la puissance coloniale sur le pouvoir traditionnelle On ne saurait s’attendre dans un tel contexte à une implication quelconque des communautés. Les communautés que nous avons rencontrés indiquent que cette période est marquée par les visites des chercheurs qui après quelques discussions avec eux se faisaient accompagner dans la forêt par quelques membres de la communauté. II.2. Implication des populations dans la gestion actuelle du Parc Depuis 1950 la gestion de cette aire protégée s’est réduite à la protection des ressources et plus précisément à la lutte anti-braconnage. L’implantation du programme ECOFAC en 1992 marque le début d’une nouvelle approche de conservation qui cherche à greffer le volet développement local à la protection traditionnelle5 . Le grand défi pour ce programme de conservation étant d’une part de trouver de véritables alternatives à la chasse commerciale, dans un contexte fortement enclavé où le gibier représente une source de revenu certaine pour les populations (SEME, 2003) et d’autre part de mettre en place une politique de gestion qui associe les communautés locales et autochtones et aide à la préservation et la valorisation des connaissances traditionnelles de conservation de ces communautés. Aujourd’hui, un plan d’aménagement est proposé pour être mis en œuvre pour cinq ans et prévoit quatre programmes parmi lesquelles « La contribution au développement et gestion participative ». De manière spécifique, ce programme vise 1. Le désenclavement des zones les plus reculés connexes à la Réserve afin d’assurer la

libre circulation des intrants, produits de base et des produits agricoles ou celles issues des activités de foresterie communautaire

2. Valoriser les terroirs villageois en périphérie de la Dja afin de générer des emplois et contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations

3. Renforcer les capacités des communautés à se structurer, à s’auto gérer et à améliorer leurs moyens de production.

4 Codes et lois du Cameroun, tome 5, pp. 245 et ss. 5 Canopée 12, page. 8

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Ces initiatives faut –il le souligner sont louables, mais il convient de noter qu’ici, la stratégie d’appropriation des ressources naturelles mise en place par les puissances coloniales et réaffirmée après les indépendances et qui exclue les populations locales et autochtones de la gestion des ressources forestières. 6, transparaît clairement dans ces dispositions, l’on ne voit pas apparaître une implication des populations.F. Odhiambo; 2001, démontre que la cogestion ne peut ne peut se faire que si l’organisation d’exécution (dans ce cas on parlerait de l’Etat du Cameroun) se prépare et accepte de changer, ces changements concernent:

La perte de pouvoir : l’organisation ou le projet doit être prêt à céder une partie de son pouvoir aux bénéficiaires

Apprendre à écouter : Il doit être prêt à écouter activement les bénéficiaires et s’assurer que les propositions pertinentes sont prises en compte

Perte de contrôle : L’agence doit accepter de céder une partie du contrôle de la gestion et du processus aux communautés bénéficiaires

Tout ceci est crucial pour assurer le succès de la participation effective. Dans les réformes engagées par le Cameroun dans les années 1990, on note « la volonté du législateur d’améliorer l’implication des communautés à la gestion des forêts et des bénéfices qu’elle génère. Ainsi ont été aménagées, dans la loi et ses textes d’application, la possibilité offerte aux communautés de créer des forêts communautaires et de recevoir une partie de la fiscalité forestière dans le but de financer le développement local » (Nguiffo ; 2007). Mais pour ce qui est de cette aire protégée, les communautés sont presque entièrement exclues. Ces derniers n’ont pas été associés à la définition des limites de la réserve, et n’ont presque jamais eu l’occasion de participer à la détermination de ses objectifs de gestion. Ils n’ont jamais été informés des objectifs des projets qui se sont succédés, et du rôle qu’ils pouvaient y jouer. De même, les communautés rencontrées ne se souviennent pas avoir eu la moindre compensation pour les droits d’usage perdus du fait de la présence de la Réserve, comme le prévoit pourtant la loi forestière. Pour eux, la présence la réserve a toujours été synonyme d’interdictions de toute nature.

III. Avantages /Bénéfices sociaux et environnementaux liés à la création de

cette aire protégée.

D’après le dernier rapport du programme « L’homme et la biodiversité » de l’UNESCO, les réserves de biosphère devraient apporter une réponse aux différents groupes d'intérêts (populations, société civile, administrations) dans la gestion de la diversité biologique et dans le partage des bénéfices qui en découlent, il insiste aussi sur l'importance de la négociation à la base avec les communautés locales afin de parvenir à de véritables contrats avec les intéressés en terme de conservation de la biodiversité en contrepartie d'activités de développement local, Depuis l'implantation du programme ECOFAC en 1992. Le fort enclavement de la zone et l'existence de nombreux villages en périphérie et à l'intérieur de la réserve, exploitant des terroirs agricoles et forestiers depuis le siècle

6 Nguiffo Samuel; Forest Governance report; Cameroun; 2007. page 5

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dernier, ont amené ses dirigeants à orienter ses interventions vers une démarche de développement rural. Les équipes qui se sont succédées ont travaillé au désenclavement de la région à travers la création de groupements autonomes utilisant les techniques à haute intensité de main d'œuvre (HIMO), ainsi qu'à la réhabilitation des cultures pérennes (cacao, café). Dans le même optique, le volet agroforesterie de la composante Cameroun d’ECOFAC avait appuyé différentes initiatives telles la création de forêts communautaires, et l'enrichissement de la forêt exploitée et des plantations villageoises en essences utiles. (Canopée 12). Mais il convient de noter que malgré l’enthousiasme et l’espoir suscité au départ, ces forêts communautaires n’ont pas permis un développement des populations. Du rapport du RAPAC, sur la conciliation des exigences de conservation et le développement des populations il est ressortit que « Depuis quinze ans, nombreux sont les programmes de conservation qui initient des projets locaux essentiellement communautaires ou associatifs en périphérie des aires protégées : pisciculture, apiculture, élevages d’aulacodes, d’escargots, de poulets, pêche, plantations, foresterie, chasse, artisanat, transformation de PFNL, écotourisme etc. Mais force est de constater que les résultats de ces projets sont controversés et aléatoires, plusieurs problématiques récurrentes entravent leur réussite : faible appropriation locale, peu de pérennité, difficultés de gestion, manque de formation, manque de moyens financiers, forte dépendance au bailleur etc. Les méthodologies et les approches se réitèrent d’une aire protégée à une autre, des erreurs se répètent, les populations se lassent et se détournent du projet de conservation, les attentes augmentent, ainsi que le désespoir. » La réserve de Biosphère du Dja ne fait pas l’exception, on note chez les populations riveraines une perte de confiance aux projets de conservation. Il est indéniable que les programmes de conservation qui se sont succedés ici ont apporté une réelle plus value en terme de protection des espèces et des écosystèmes. Il est cependant nécessaire de faire le constat qu’en terme de développement local et amélioration des conditions de vie, ces mêmes programmes n’ont pas encore réalisé des résultats conséquents, convaincants et surtout durables.

IV. Impacts de la création de la Réserve du Dja sur les conditions de vie et la

culture des communautés autochtones.

La RBD a été érigée en réserve de la biosphère le 15 Décembre 1981 et inscrite comme site du Patrimoine Mondial par la Lettre d’Accord 179/SG/PR du 1er Octobre 1984, les populations de la région déclarent qu’elles ont vécu des générations avec ces forêts sans problème, pratiquant leurs activités jusqu’en 1992 avec l’arrivée du projet ECOFAC. A cette époque, nous affirme le chef de Mekas, « les techniques de chasse étaient moins destructrices, on n’utilisait pas les torches faciales, la pose des pièges multiples et encore moins l’utilisation des armes à feu pour faire la chasse, mais nous avions la possibilité de nous nourrir et de vendre les excédents pour nous acheter les autres choses dont nous avions besoin. »

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Figure 3 : Le chef de Mekas se rappelant du bon vieux temps A l’arrivée du projet ECOFAC, la rupture a été très forte, dans les rencontres de sensibilisations qu’ils tenaient ici, le refrain était que nous devions abandonner les activités de chasse pour nous concentrer sur les activités agricoles, et le projet se proposait de nous soutenir dans ces activités alternatives.

Lors des premières années, le programme a essayé d’aider réellement les populations à se développer et sortir de la misère, mais quelques années plus tard, un nouveau Directeur du programme ECOFAC avait déclaré que «ECOFAC n’était pas là pour le développement, mais plutôt pour la conservation », le ton s’est durcit, les activités alternatives engagées se sont arrêtées et les conflits avec les communautés se sont accentués. Depuis lors les routes qui desservent ces villages ne sont plus praticables. En effet, dans de nombreux villages de la réserve, le bruit d’un moteur demeure encore un événement. Les camions des acheteurs des produits de rente (cacao, café) ne s’y hasardent qu’en saison sèche. Lors de nos discussions avec les populations du village Koungoulou, voici ce que l’un d’eux déclare « Le nombre de jeunes opérés de la hernie est important, soit environ 3 jeunes sur 5, à cause du fait que nous sommes obligés en l’absence d’une route fonctionnelle de porter tous les produits de nos activités sur nos têtes et nos dos pour aller vendre. » De plus on assiste de nos jours à la disparition progressive des connaissances écologiques et culturelles des communautés Baka de la région du fait de la répression et de la marginalisation dont ils sont victimes de la part des services de la conservation et de leurs voisins.

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Figure 4: Discussions devant une case de Baka pleinement sédentarisé En discutant avec les membres des communautés Baka que nous avons visités, il est clairement ressorti qu’un processus d’adaptation, d’assimilation et de résignation est engagée dans cette région. « Si la forêt venait à disparaitre, ce sera très mauvais pour nous, nous ne pouvons nous en passer parce que nous y sommes nés, nous y avons grandi, la forêt fait parti de notre vie, mais si on nous oblige à rester au village, et qu’on nous donne ce dont nous avons besoin pour améliorer nos conditions de vie, nous accepterons aussi » affirment les Baka de Mekas et de Mimbil Reconnaître et préserver les pratiques et les savoirs que les communautés locales ont su développer pour utiliser « durablement » leur environnement naturel à la lumière des articles 10 © et 8 (J) de la CDB est fondamental. De nos jours on assiste à l’érosion des savoirs face à la mondialisation et le risque de les voir disparaître, en particulier dans les contextes de dégradation de l’environnement, de déforestation ou de répression aveugle. Les gestionnaires de cette aire protégée devraient s’atteler à la recherche d’informations et la mise au point d’instruments institutionnels et juridiques permettant de conserver et de valoriser les connaissances traditionnelles sur la nature et de renforcer les liens entre ces communautés et leurs pratiques et éviter ainsi des conflits.

V. Les types de conflits liés à la gestion de la Réserve de Biosphère du Dja

Les textes législatifs et réglementaires pris par le Cameroun pour régir les forêts depuis l’époque coloniale jusqu’à ce jour donnent la priorité à l’exploitation industrielle du bois et la protection de la faune, Les usages locaux dans le même temps sont strictement encadrés. Cette situation a au fil du temps maintenu un climat de tension permanente entre les gestionnaires des aires protégées et les populations riveraines qui se plaignent de :

- La suppression du droit d’accès au parc et aux ressources localisées dans le parc. Ils n’ont plus le droit d’aller librement prélever les ressources dans la Réserve, quand bien même ils le font, c’est avec la « peur au ventre », une Baka à Payo dira « nous sommes obligés de nos jours de nous comporter comme des bandits dans notre propre forêt »

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- La répression de plus en plus forte qui est faite par des services de conservation sur les chasseurs.

En effet, avec la création du parc, le nombre de patrouilles anti- braconnage a augmenté, les populations se plaignent à cet effet que cette répression ne se limite pas aux braconniers à l’intérieur du parc, mais à certains moment ils sont traqués même dans leurs cuisines par les services de la conservation. Pour les populations rencontrées, ceci est un abus et un manque de confiance de la part des autorités. « On nous dit que nous avons le droit d’usage, mais quel est ce droit d’usage qui ne peut te permettre même de nourrir tes enfants et les envoyer à l’école ? » s’exclame l’un d’eux à Akak

- L’incapacité de vendre librement le produit de leurs activités de chasse et de cueillette

« Ne pouvons nous pas vendre le produit de la chasse et de la cueillette pour avoir de l’argent et même le partager avec nos enfants et nos frères qui sont en ville ? » s’interroge une dame dans un village autour de Lomié. Pour ce qui est de l’exploitation des PNFL, la répression n’est pas moindre. Il est exigé aux populations d’avoir le certificat d’exploitation, ce qui pour eux est difficile, voire impossible « beaucoup de gens dans ce village n’ont jamais été à Bengbis, et s’ils peuvent même y aller, ou prendront ils les moyens pour payer pour ce certificat. » déclare Mr Mefe à Mimbil. - L’imposition des limites de la réserve par les autorités Dans les villages situés à l’Ouest de la réserve, plusieurs plantations paysannes se situent dans l’enceinte de la Réserve « Depuis la création de cette réserve on nous a toujours dit que les gens viendraient pour discuter des limites avec nous, mais jusqu’à ce jour rien n’a été fait. » Affirme un paysan à Mimbil

Figure 2 : Quelques plantations villageoises dans la réserve du Dja dans la région de Mekas.

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Cette situation est due d’après Nguiffo ; 2007 « au plan de zonage qui apparaît davantage comme une manifestation supplémentaire de la prévalence de la perception de l’Etat et des agences de coopération sur les intérêts des communautés dans la gestion des espaces forestiers et qui a été préparé par l’administration, avec l’appui technique de la coopération canadienne, et sans véritable consultation des communautés riveraines de la forêt ». Le plan de zonage ne tient en effet pas compte des systèmes fonciers traditionnels, et les différents espaces de forêts permanentes se superposent, en de nombreux endroits, à des espaces relevant des maîtrises collectives des communautés riveraines, voire de la propriété coutumière d’individus. Dans ce contexte, les populations « pygmées » sont les plus défavorisées, leurs territoires traditionnels étant situés au cœur des aires protégées et des forêts de production. Et le décret, soucieux de préserver l'intangibilité de l'affectation des terres, a pris le soin de préciser en son article 7(3) : "Toute activité susceptible d'entrer en conflit avec la vocation prioritaire arrêtée pour chaque domaine forestier est interdite".

- Des frustrations des populations liées aux nombreuses promesses dans le sens de

l’amélioration de leurs conditions de vie, qui jusqu'à ce jour restent non encore perceptibles.

Il s’agit principalement du désenclavement de la zone par la création des routes, des visites des touristes qui devraient générer des revenus pour les villages, la création des emplois et la revitalisation des activités culturelles.

Figure 3 : Route allant de Mbengbis à Nkoldja

VI. Les perceptions qu’ont les communautés locales et autochtones de l’aire protégées :

De manière générale, la perception de la Réserve par les bantous diffère de celle des Baka. Pour la majorité des populations locales bantous consultées, le parc est perçu comme la forêt que leur a légué leurs ancêtres et que l’Etat a aujourd’hui arraché « Nous

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avons toujours vécu dans cette forêt et c’est grâce à elle que nous avons toujours pu manger, nous habiller et autres… » Disent ils. Pour d’autres enfin, le parc est un bien de l’Etat sur lequel les populations n’ont aucun intérêt. Pour les Baka par contre la Réserve de Biosphère du Dja est une forêt comme les autres où ils avaient la liberté de se mouvoir et de prélever les ressources nécessaires pour leur survie ainsi que de mener leurs activités culturelles, mais la répression dont ils ont été victimes ces derniers années les poussent de plus en plus à la sédentarisation et à la pratique de l’agriculture, ce qu’ils font surement à contre cœur.

VII. Les modalités de prise en compte des droits coutumiers des communautés

locales et autochtones dans les aires protégées

La réserve de biosphère du Dja se superpose aux territoires traditionnels de chasse, de cueillette et d’agriculture des communautés locales et autochtones Baka. Les projets qui se sont succédés ont toujours imposé de nouvelles règles d’utilisation des forêts qui affectent leurs possibilités d’accéder et d’utiliser les ressources sur lesquelles est fondée leur subsistance ; Ces communautés ne sont pas été informées ni impliquées dans la planification des dits projets. Or dans les documents de politique que dans la pratique de la conservation et de la gestion de la diversité biologique au Cameroun, il est fait mention des populations locales et autochtones en rapport avec le droit d’usage ou le partage des bénéfices issus de la gestion de la biodiversité. La loi forestière en son article 26 (1) dispose que : « L’acte de classement d’une forêt domaniale tient compte de l’environnement social des populations autochtones qui gardent leurs droits normaux d’usage. Toutefois ces droits peuvent être limités s’ils sont contraires aux objectifs assignés à ladite forêt. Dans ce dernier cas, les populations autochtones bénéficient d’une compensation selon les modalités fixées par décret. » De plus les articles 10 ( c ) et 8( j ) de la de la Convention sur la diversité biologique disposent que les pays signataires de la Convention se doivent de : « Protéger et encourager l’usage coutumier des ressources biologiques conformément aux pratiques culturelles traditionnelles compatibles avec les impératifs de leur conservation ou de leur utilisation durable ». 10 (c) « Sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l’application sur une plus grande échelle, avec l’accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques. » 8(j) Etant signataire de cette convention, le Cameroun devrait arrimer sa législation à cette disposition internationale, mais il apparait comme le démontrent Nelson et Tchoumba ; 2006 que « la perception camerounaise de la notion de droit d’usage ou coutumier a un caractère restrictif et sélectif », L’application de l’article 10 (c) de la Convention sur la diversité biologique exige des Etats signataires qu’ils s’assurent que des lois et politiques nationales soient élaborées en vue de garantir le respect des lois et coutumes des peuples

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autochtones, de leurs systèmes de gouvernance ainsi que de leurs droits fonciers et de leur accès aux ressources. De plus la réserve de Biosphère du Dja est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1987 grâce à la diversification des espèces présentes dans la et à la présence d'espèces en voie de disparition. L’UNESCO a adopté, le dix-sept octobre 2003 la Convention sur la Sauvegarde du patrimoine immatériel qui a entre autre pour but la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus concernés ; et plusieurs programmes de l’UNESCO visant à revitaliser les identités culturelles en tant que moyen de promouvoir le développement durable sont en cours dans plusieurs pays. Au Cameroun, les responsables politiques sont réticents à reconnaître l’identité culturelle, les savoirs et les compétences des communautés pygmées7, ceci se manifeste par l’amalgame crée autour de leur désignation comme « populations marginales » dans lequel on trouve aussi les handicapés et même les refugiés. La reconnaissance des droits des ces communautés devrait commencer par une reconnaissance officielle de leur statut et de leur spécificité.

VIII. Les options politiques pour la reconnaissance de ces droits et leur implication dans la vie des communautés locales et autochtones :

La reconnaissance des droits fonciers et d’utilisation des communautés forestières a été identifiée par nombre d'experts comme étant la clé d’un ralentissement de la déforestation et de la réduction de la pauvreté dans les communautés forestières. ( Alison Hoare ; 2008) Pour le faire, les pouvoirs publics devront accepter d’engager un certain nombre de reformes qui consisteront en :

- Une refonte radicale du processus de production des normes régissant la forêt, qui se traduira par une modification en profondeur du contenu des normes.

Pour ce qui est des aires protégées, il s’agira de modifier les modalités de création ou une importance particulière sera donnée à la consultation des communautés. Il devra être clairement accepté que leurs réclamations et leurs revendications pourront aboutir à la modification des contours de l’aire protégée et même à son annulation, s’ils réussissent à prouver qu’elle ne contribuera à leur épanouissement, il s’agit ici d’accepter et d’appliquer le principe de consentement préalable, libre et éclairé. Ainsi la quête d’une plus grande effectivité du droit forestier passera nécessairement par une recherche de sa légitimité auprès des populations ne intégration progressive du droit traditionnel dans le droit légiféré. 8

- La reconnaissance officielle des modes d’appropriation traditionnelle

7 Le mot «Pygmée» est utilisé dans un sens général pour désigner les peuples habitant traditionnellement dans les forêts des pays d’Afrique centrale. Toutefois, ce mot est la plupart du temps utilisé de façon péjorative par d’autres groupes ethniques à des fins de dévalorisation et de discrimination, et c’est pourquoi la plupart des communautés intéressées préféreraient être désignées sous les noms de Baka, Batwa, Yaka, Bagyeli, Bayanda, etc 8 Voir plan document de FPP sur le consentement libre préalable et éclairé

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La présence, sur les mêmes espaces et ressources, de plusieurs acteurs aux intérêts apparemment contradictoires pourrait exacerber les impacts négatifs sur l’environnement, par un encouragement des pratiques destructrices.(Nguiffo ; 2007) Les modes d’appropriation traditionnelles sont aujourd’hui soient interdites soient strictement encadrés dans les textes de lois régissant les aires protégées, par conséquent les communautés et leurs pratiques sont mis sur le même pied d’égalité que les braconniers qui pour la plus part de temps ont des pratiques différentes. Mais en dépit de ces contradictions et des ces conflits, une réconciliation reste possible entre ces deux régimes juridiques. Elle suppose une révision de l’acception légale de la notion de propriété, par une extension aux pratiques traditionnelles relatives à la terre et aux ressources naturelles (Diaw et all ; 1997). Cette révision passe aussi par une redéfinition du concept de « droit d’usage » en incluant certains outils techniques de l’exploitation des ressources (Seme ; 2003)

- Une reconnaissance des territoires des communautés locales et autochtones.

Des activités de cartographie participatives menées par le CED ces dernières années, il apparaît clairement qu’il est possible d’établir les contours des territoires de chaque communautés qui généralement sont organisés autour des chefferies traditionnelles, institutions communautaire la mieux structurée, est reconnue par le décret N°77/249 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles (modifié et complété par le décret N°82/241 du 24 juin 1982), qui prévoit qu’elles regroupent des « collectivités traditionnelles »9, « organisation sur une base territoriale »10, et accordant une place importante à la tradition locale dans son organisation et son fonctionnement internes.11 Le territoire des communautés ainsi délimité pourrait leur être effectivement octroyé, dans le cadre d’un régime de possession collective matérialisée par un titre foncier établi au nom de la communauté.(Nguiffo et Djeukam ; 2007) . Mais il convient de noter que la situation spécifique des communautés autochtones chasseurs-cueilleurs semi-nomades est de ce point de vue plus délicate, leur mode de vie s’accommodant mal des limites du territoire de plusieurs chefferies traditionnelles Bantous. Il faudrait d’avantage approfondir la réflexion pour déterminer les modalités l’organisation de cette reconnaissance pour les communautés autochtones pygmées.

9 Article 1er du décret de 1977. 10 Article 2er du décret de 1977. 11 Voir l’article 6 du décret de 1977.

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Conclusion : Cette étude avait pour objectif d’approfondir la réflexion sur les modalités de reconnaissance des droits coutumiers des communautés locales autochtones qui vivent dans et autour de la Réserve de Biosphère du Dja, et proposer des options politiques pour la reconnaissance de ces droits et leur implication dans la vie desdites communautés. Il ressort de ce qui précède que la création de cette aire protégée par le colonisateur français s’est fait sans implication aucune des populations tant locales qu’autochtones et les programmes de gestion mis en place n’ont pas réussi à garantir leurs droits ceci à cause du fait que les textes de loi ont fait recours à la notion de domanialité publique pour méconnaître les droits et intérêts des « propriétaires » coutumiers des forêts, rejeter les droits coutumiers des communautés locales et des peuples autochtones dans le champ subalterne des « droit d’usage », catégorie résiduelle du droit de propriété du Code Civil. Ceci a pour conséquence l’absence d’un véritable système de cogestion ou les communautés pourraient jouer un rôle de premier plan avec plus de pouvoir de décision et de contrôle des ressources naturelles. Sur le plan politique, il s’agira pour les pouvoirs publiques d’accepter d’engager des reformes plus courageuse incluant la refonte radicale du processus de production des normes régissant la forêt, la reconnaissance des officielles des modes d’appropriation traditionnelles et la reconnaissance des territoires traditionnelles des communautés locales et autochtones.

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Bibliographie

Barume. Albert K. 2005. Etude sur le cadre légal pour la protection des droits des peuples indigènes et tribaux au Cameroun. OIT. Mengue-Medou. C. 2002. Les aires protégées en Afrique : perspectives pour leu conservation. La revue en sciences de l'environnement sur le WEB, Vol 3 No 1, Avril 2002 Nguiffo Samuel. 2007. Forest Governance report; Cameroun; Nguiffo Samuel ; Robinson Djeukam. 2007. Législation forestière et droits coutumiers des populations riveraines sur les forets du Cameroun. 26p Owono. J. C. 2001. The extent of Bagyeli pygmy involvement in the development and Management Plan of the Campo Ma’an UTO Guy Patrice DKAMELA. 2000. Les institutions communautaires de gestion des produits forestiers non ligneux dans les villages périphériques de la Réserve de Biosphère du Dja ; Septembre, Ministere des Forets et de la faune .2006. Plan d’aménagement de la Réserve de Biosphère du Dja Décret N° 95/466/ du 20 juillet 1995-fixant les modalités d’application du régime de faune Lois N° 94/01 du 20 janvier 1994 - portant régime des forets, de la faune et de la pêche Samuel Nguiffo et Robinson Djeukam. 2007. Législation forestière et droits coutumiers des populations riveraines sur les forets au Cameroun Seme P M. 2003. Droits d’usage et participation des populations locales dans la gestion durable des ressources fauniques autour de la réserve du Dja. Dossier technique de la DFAP.

Serge Bahuchet. 1996. The situation of the indigenous peoples in tropical forest

Z.Tchanou, Timote Fomete. Décembre 1998. La gestion des écosystèmes forestiers à l’aube de l’an 2000 : Monographie des sites critiques et annexes ;; IUCN ; Yaoundé ; Cameroun René P. Oyono. 2002.Conflit entre développement villageois et aires protégées ; Center for International Forestry Research, Yaoundé, Cameroun Germain NGANDJUI. 1993 ; La Réserve de la Biosphère de la Boucle de Dja, inventaire des ressources faunistiques et des impacts humains, 66 pp, 6 figs (1993). Jean LEJOLY.2001. Les recherches sur la biodiversité végétale dans les 6 sites du programme ECOFAC entre 1997 et 2000

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RAPAC. Octobre 2008. Concilier les priorités de conservation des aires protégées et de développement local : expériences, leçons apprises et perspectives en Afrique Centrale ; octobre 2008 Alison Hoare. Novembre 2008. La Recherche de Choix Innovants pour les Forêts de la République Démocratique du Congo Compte Rendu d’un Processus de Table Ronde Nelson et Tchoumba. 2006. Protéger et encourager l’usage coutumier des ressources biologiques par les Baka à l’ouest de la Réserve de biosphère du Dja : Contribution à la mise en oeuvre de l’article 10 (c) de la Convention sur la diversité biologique Serge Bahuchet. Juin 1993. Situation Des Populations Indigènes Des Forêts Denses Humides

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CONTRIBUTION A LA RECONNAISSANCE DES DROITS COUTUMIERS DES COMMUNAUTES LOCALES ET AUTOCHTONES DANS LE PARC NATIONAL DE

CAMPO MA’A

Par

NGUINLONG John Carlos

Ingénieur agronome, socio économiste (Consultant) Et

HANDJA Georges Thierry Chargé de Projet CED

-Janvier 2009-

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Table des matières

Page Liste des tableaux i Liste des figures ii Liste des abréviations ii Résumé exécutif iii 1. Introduction 2 2. Méthodologie 2 3. Concept du droit coutumier des communautés dans la politique forestière 2

4. Présentation générale du Parc de Campo Ma’an 3

4.1. Localisation 3 4.2. La faune et la flore 4

4.3. le milieu humain 4 5. Implication des populations locales dans la création et la gestion du parc 5 5.1. Place et rôle des populations locales à la création du parc 5 5.2. Implication des populations dans la gestion actuelle du Parc 7 5.3. Perceptions des communautés riverains du PNCM 8

6. Impact de la création du parc National du Campo sur les populations 9

6.1. Impacts positifs 9 6.2. Impacts négatifs 10 6.3. Les problèmes liés aux nouvelles alternatives à la chasse traditionnelle 11 7. Modalités de prise en compte des droits coutumiers dans les aires protégées 13 8. Conclusion 14 Bibliographie 16

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Liste des tableaux Page

Tableau : Répartition des populations riveraines du parc en 2002 4

Liste des figures

Figure 1 : Localisation du parc National de Campo Ma’an 3

Figure 2 : Le séchage des amandes de mangues sauvages pour la commercialisation 10

Figure 3 : Crottes d’éléphants dans un champ de manioc et de bananiers plantains 11

Figure 4 : Du bois scié dans la forêt communautaire d’Akak et abandonné au village 12

Liste des abréviations

CBD : Convention pour la Biodiversité

CED : Centre pour l’Environnement et le Développement

CEPFILD: Centre pour la Promotion des Forets et des Initiatives Locales de Développement

CPF : Chef de poste Forestier

FODER : Forêt et développement Rural

ONG : Organisation Non Gouvernementale

PAPNCM : Plan d’Aménagement du Parc National de Campo Ma’an

PFNL : Produits Forestiers Non Ligneux

PNCM : Parc National de Campo Ma’an

SOCAPALM : Société Camerounaise de Palmeraies

UICN : Union Mondiale pour la Conservation de la Nature

UTO : Unité Technique Opérationnelle

UFA : Unité Forestière d’Aménagement

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Résumé exécutif La présente étude a pour l’objectif est d’approfondir la réflexion sur les modalités de reconnaissance des droits coutumiers des communautés locales et autochtones autour des aires protégées. Elle s’est intéressée au PNCM qui a été crée en janvier 2000 et qui renferme une faune et une flore riches et diversifiées, étalées sur une superficie de 264 064 ha. La zone périphérique étant habitée par les populations locales bantous et autochtones bagyelies. Les enquêtes ont été réalisées dans cinq villages bantous et trois campements Bagyélis. Les informations recueillies ont été complétées par les entretiens réalisés auprès des responsables des services de la conservation du PNCM. Il ressort de l’étude que :

Dans le processus de création du PNCM, les populations locales et autochtones n’ont pas été consultées selon un processus participatif pouvant favoriser leur réaction. L’article 7 du Décret de 95 fixant les modalités d’application du régime de faune tel que formulé, prévoit dans le processus de classement des forêts en aire protégées que, les populations riveraines soient seulement informées par avis public. Cette approche limite leur participation et restreint leurs droits coutumiers. De plus, l’avis de classement du PNCM n’a pas été affiché dans les chefferies des villages comme prévu par la réglementation. De ce fait, les populations situées à des dizaines de kilomètres des chefs lieu d’Arrondissements et des bureaux de l’administration n’ont pas eu à le consulter. Enfin, les termes utilisés dans ces avis public ne tiennent pas compte du faible niveau de scolarisation des populations concernées. Celles-ci ne seront informées de l’existence du parc que par les sensibilisations menées par les ONG. La gestion actuelle du PNCM se caractérise encore par le monopole de l’Etat dans le contrôle et la protection des ressources, la faible implication et l’exclusion des populations des instances de décision, et les restrictions des utilisations traditionnelles de la faune et de la flore. Les populations dans l’ensemble se plaignent de la suppression de leur droit d’accès au parc et aux ressources localisées dans le parc, de la forte répression sur la chasse villageoise, de la destruction de leurs parcelles agricoles par les animaux. Avec pour corollaire la baisse de leur revenus. Ce qui les emmène à percevoir le parc comme « une grande perte pour les villageois ».

Certes avec la création du PNCM, les populations en particulier les communautés bantous, se sont vues être orientées et appuyées vers de nouvelles activités comme la foresterie communautaire, l’éco tourisme et l’agriculture durable. Mais ces mesures ne se traduisent pas encore par une véritable amélioration dans les conditions de vies de ces populations. Bien plus, elles semblent en réalité poser aujourd’hui plus de problèmes qu’elles n’en résolves. Beaucoup d’efforts doivent donc encore être fait pour assurer la participation effective des communautés locales et autochtones du PNCM, en tenant compte de leurs coutumes. Cela passe aux dires des populations par la création des emplois, par un partage des responsabilités et des revenus dans un climat de confiance et de respect mutuel.

Il est donc indispensable pour le PNCM et même des autres aires protégées du pays de repenser aux approches de gestion qui devraient concilier conservation et satisfaction des populations locales. A cet effet, l’étude recommande que : les approches de communication avec les populations locales et autochtones soient repensées en les reconnaissant comme des partenaires indispensables dans la conservation ; la représentativité coutumière soit renforcée dans les instances de décision et de gestion du PNCM et des aires protégées ; le droit d’accès dans le parc pour la récolte et commercialisation des PFNL soit reconnu aussi aux communautés bantous; les membres des communautés locales et autochtones soient recrutés pour travailler dans le parc; la promotion de la propriété et la gestion collective des ressources fauniques soit entrepris en rétrocédant certaines parties des forêts aux populations par la création des zones cynégétiques à gestion communautaire.

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1. Introduction

Le continent africain abrite une richesse floristique et faunique impressionnantes, allant des espèces individuelles à des habitats endémiques (Mengue, 2002). Durant ces deux dernières décennies, la conservation de la biodiversité est devenue un élément à part entière des politiques et planifications nationales. Cet intérêt grandissant accordé à la protection de l’environnement en général et aux écosystèmes en particulier a amené plusieurs Etats africains à créer des aires protégées sur leur territoire (UICN, 1994). Les aires protégées sont définies par l’UICN comme “une portion de terre, de milieu aquatique ou de milieu marin, géographiquement délimitée, vouée spécialement à la protection et au maintien de la diversité biologique, aux ressources naturelles et culturelles associées; pour ces fins, cet espace géographique doit être légalement désigné, réglementé et administré par des moyens efficaces, juridiques ou autres". Six catégories d’aires naturelles protégées sont ainsi définies parmi lesquels les parcs nationaux qui sont des aires protégées, administrées principalement dans le but de préserver les écosystèmes et aux fins de récréation.

D’autre part, la thématique de la reconnaissance des droits coutumiers des communautés locales et autochtones est au cœur des débats actuels sur les réformes de la politique foncière et forestières, dans de nombreux pays d’Afrique parmi lesquels le Cameroun. En effet depuis l’époque coloniale, les textes législatifs mettent en exergue l’appropriation par l’Etat des espaces et des ressources de la forêt et la marginalisation des communautés locales et des peuples autochtones dans la gestion de ceux-ci, ces textes mettent un accent sur la notion de domanialité publique pour méconnaître les droits et intérêts des « propriétaires » coutumiers des forêts, et rejeter ainsi les droits coutumiers des communautés locales et des peuples autochtones dans le champ subalterne des « droit d’usage », catégorie résiduelle du droit de propriété du Code Civil1.

Les reformes engagés jusqu’à ce jour par les pouvoirs publics camerounais prévoient plusieurs mécanismes de responsabilisation des populations riveraines dans la gestion des ressources forestières mais insistent plus sur l’exploitation industrielle du bois, la protection de la faune et un encadrement strict des usages locaux, ce qui rend difficile voir impossible le contrôle et la régulation par les pouvoirs locaux. Bien que ces reformes constituent une avancée indéniable, on déplore encore à ce jour d’une part le fait que la nature et l’étendue des droits coutumiers soient encore considérablement limitées par la loi et/ou la pratique et d’autre part le caractère inopérant de certains desdits mécanismes dans le cas des populations pygmées.

Le PNCM fait partir du réseau des aires protégées du Cameroun qui couvrent environ 15,3 % du territoire national. Il a été crée en 2000 comme site de compensation des effets néfastes de la construction du Pipeline Tchad-Cameroun sur les forêts atlantiques. Il est situé à l’intérieur d’une UTO qui est un ensemble de plantations industrielles, d’UFA et d’espaces à usage multiple géré de manière à intégrer la conservation et le développement. Dans son plan d’aménagement, l’Etat met en exergue « le rôle privilégié des populations dans la gestion des ressources biologiques » et présente les initiatives pilotes telles que la foresterie communautaire, la création des zones de chasse communautaires, comme des progrès réalisés au plan politique et réglementaire pour le passage de la gestion monolithique et conflictuelle de la faune et des aires protégées vers une gestion participative2.

1 Voir Législation forestière et droits coutumiers des populations riveraines sur les forets au Cameroun ; Nguiffo et Djeukam. 2007 2 Voir Plan d’aménagement Parc de Campo Ma’an

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Mais il convient ici de se demander si ces nombreuses initiatives légales et judiciaires et la mise en œuvre du plan d’aménagement de ce parc ont aidé à garantir les droits coutumiers ; c’est a dire l’ensemble des régulations de nature coutumière, fondées sur les normes sociales locales, et mises en œuvre par les pouvoirs locaux et une implication effective et durable des populations dans la gestion des ressources, notamment leur participation aux prises de décision, leur accès aux ressources et leur intéressement au partage des revenus et autres bénéfices découlant de l’utilisation des ressources forestières conformément aux objectifs de la Convention sur la Biodiversité à laquelle le Cameroun est signataire ?

La présente étude vise à approfondir la réflexion sur les modalités de reconnaissance des droits coutumiers des communautés locales et autochtones dans le PNCM. Il s’agit spécifiquement de : décrire le PNCM, les conditions de sa création et ses impacts sur les populations locales et autochtones, d’identifier les perceptions qu’ont les communautés locales et autochtones du PNCM, et d’identifier de façon participative les modalités de prise en compte des droits coutumiers et les options politiques pour la reconnaissance de ces droits et leur implication dans la vie des communautés locales et autochtones. 2. Méthodologie

Pour conduire cette étude, nous avons adopté une démarche essentiellement participative avec une consultation des principaux acteurs impliqués et concernés dans la création et la gestion du PNCM. Pour ce faire, des entretiens collectifs ont été ainsi réalisés auprès des communautés locales et autochtones. Ces entretiens ont été réalisés avec des groupes de discussion dans cinq villages bantous (Ebiemvok, Nyabitande, Njabilobé, Nko’élon et Mvilli), et trois villages bagyelis (Nyabitande, Nyamabande et Nyamalande). Nous avons aussi eu des entretiens de manière séparés avec le Chef du groupement Bulu centre ainsi que celui du groupement Mvae qui sont les principaux représentant des populations riveraines dans les rencontres concernant le PNCM. D’autre part, les informations ainsi recueillies auprès des populations ont été confrontées dans les entretiens réalisés avec les responsables de la conservation notamment le Chef de l’Unité de protection du PNCM, le Chef de Poste Forestier d’Akom II et le Conservateur du PNCM. 3. Concept du droit coutumier des communautés dans la politique forestière La Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts et de la faune au Cameroun, dans son article 8 donne du droit d’usage la définition suivante : “ le droit d'usage ou coutumier est [...] celui reconnu aux populations riveraines d'exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à l'exception des espèces protégées, en vue d'une utilisation personnelle. ”. Ce droit consiste à l’exercice par les populations à l’intérieur de la forêt de leurs activités traditionnelles telles que la chasse traditionnelle, la collecte du raphia, du palmier, du bambou, du rotin, des plantes médicinales, des produits alimentaires, du bois de chauffage ou de construction ainsi que les pratiques culturelles. Il dispense les populations riveraines de l’achat ou du paiement de taxes sur les produits concernés. Toutefois, d’après Nguiffo et Robinson (2007), cette conception du droit coutumier traduit en réalité un long héritage colonial car « depuis l’époque coloniale, les textes législatifs tour à tour introduits dans l’ordre juridique national par les Allemands, les Français et les Anglais pour régir les forêts mettent en exergue l’appropriation par l’Etat des espaces et des ressources de la forêt et la marginalisation des communautés locales et des peuples autochtones dans la gestion de ceux-ci, ces textes mettent un accent sur la notion de domanialité publique pour méconnaître les droits et intérêts des « propriétaires » coutumiers des forêts, et rejeter ainsi les droits coutumiers des communautés locales et des peuples

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autochtones dans le champ subalterne des « droit d’usage », catégorie résiduelle du droit de propriété du Code Civil3. Dans le même sens, Mvondo et Ngono (2007) estiment que la notion de droit des communautés locales, recouvre plusieurs facettes, qui ne sauraient être ainsi réduites aux simples droits d’usage, comme le dispose la loi forestière du Cameroun. Loin de réduire le concept des droits coutumiers des communautés locales et des peuples autochtones dans le champ des droit d’usage, il s’agit dans cette étude de le comprendre dans la logique de certains auteurs comme Ph. Lavigne (2006) qui utilise le terme droit coutumier pour qualifier les situations où les régulations sont de nature coutumière, c’est-à-dire fondées sur les normes sociales locales, ancrées dans les réseaux sociaux, et mises en œuvre par les pouvoirs locaux. Ainsi, la reconnaissance des droits coutumiers au sens de Mvondo et Ngono; 2007, renvoie à la reconnaissance et de la protection des savoirs locaux, du partage équitable des bénéfices liés à ses connaissances, de la participation aux processus de prise de décisions, et du droit de disposer librement et de protéger leurs semences végétales. 4. Présentation générale du Parc de Campo Ma’an

4.1. Localisation

Figure 1 : Localisation du parc National de Campo Ma’an

Situé à proximité de l’océan atlantique, le Parc national de Campo Ma’an d’une superficie de 264 064 ha est crée par arrêté n° 2000/004/PM du 06 janvier 2000. Il se trouve sur un grand paysage dominé par deux principaux types de reliefs : la partie nord couverte par les montagnes et quelques plateaux et la partie sud couverte de collines et de petites vallées.

3 Voir Législation forestière et droits coutumiers des populations riveraines sur les forets au Cameroun ; Nguiffo et Djeukam. 2007

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L’altitude d’ensemble est inférieure à 200 m. Le parc appartient au domaine de la forêt dense humide guinéo-congolaise sempervirente qui garde sa verdure toute l’année. 4.2. La faune et la flore La région de Campo-Ma'an a une flore riche et diversifiée. Plus de 1500 espèces de plantes réparties dans près de 640 genres et 141 familles ont été inventoriées. On y retrouve près de 114 espèces endémiques parmi lesquelles 29 ne sont connues que dans le Parc (Plan d’aménagement PNCM ; 2004). Pour ce qui est de la faune, les inventaires réalisés jusqu'à ce jour mentionnent la présence de 80 grands et moyens mammifères parmi lesquels, certaines espèces de grande importance et parfois considérées comme menacées (23 sont sur la liste rouge de l’UICN). 390 invertébrées, 249 espèces de poissons, 112 reptiles, 80 amphibiens, 302 oiseaux. Avec cet important nombre d’oiseaux, cette zone est classée par Birdlife International comme « Zone d’importance pour la conservation des oiseaux ».

4.3. Le milieu humain

La zone périphérique du parc compte environ 120 villages sédentaires localisés essentiellement le long des principales routes, 25 « campements »4 pygmées disséminés en forêt dans les arrondissements d’ Akom II, Campo et Kribi, et des agglomérations créées autour des sociétés agro-industrielles et forestière.

Le tableau ci-après présente la répartition des populations dans les différentes unités administratives ou industrielles.

Tableau : Répartition des populations riveraines du parc en 2002

Unités administratives ou agro-industrielles

Populations Bantoues et autres Population Pygmée Bagyéli Population totale Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total

Kribi* 1 308 1 366 2 674 120 104 224 2 898Campo 2 748 2 693 5 441 35 31 66 5 507Akom II 5 779 5 581 11 360 112 94 206 11 566Ebolowa* 1 076 1 113 2 189 0 0 0 2 189Ma’an 6 924 6 783 13 707 0 0 0 13 707Ambam* 136 146 282 0 0 0 282Sous-Total 17 971 17 682 35 653 267 229 496 36 149HEVECAM** - - 18 216 57 61 118 18 334SOCAPALM** - - 5 855 0 0 0 5 855Sous-Total - - 24 071 57 61 - 24 189Total - - 59 724 324 290 614 60 338* Données concernant uniquement les parties de l’unité administrative comprises dans l’UTO ** Données fournies par les agro-industries Source : Plan d’Aménagement du PNCM (2004) En 2002 la population totale était de 60 338 habitants dont 24 189 personnes vivant dans les concessions d’HEVECAM et de SOCAPALM. Cette population est composée de deux grands groupes ethniques. Il s’agit d’une part des populations Bantou composées des côtiers

4 Les lieux ou vivent les communautés Bagyéli ici sont appelés des Campements, bien qu’ils soient pour la plus part stables aujourd’hui, ce terme n’a pas évolués preuve de leur marginalisation

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Yasa et Batanga, des agriculteurs Bulu, Mvae et Ntumu, des pêcheurs fluviaux Mabéa et d’autre part des populations pygmées Bagyéli ou Bakola essentiellement chasseurs-cueilleurs. Traditionnellement, les chasseurs-cueilleurs Bagyéli sont organisés en clans, essentiellement communautaire. Leur organisation sociale est faite autour de la chasse, de la cueillette et de leurs produits desquels découle tabous, interdits, préférence et répugnances alimentaires dans la périphérie du parc. Il s’agit de Bibabimvoto, Nyabitandé, Bissono, Kongo, Awomo, Nyamalande, Nazaret, Mabiogo, Bovini, Nkoelon, Nyamabande, Nsbito, Oveng, Atong et Ayaminken en guinée équatoriale. À ces populations natives qui vivent dans la région depuis plusieurs générations se sont ajoutées de nombreux immigrants, d’origines diverses, attirés par les activités industrielles et les possibilités d’emploi direct ou indirect.

5. Implication des populations locales dans la création et la gestion du parc 5.1. Place et rôle des populations locales à la création du parc Le Décret de 95 fixant les modalités d’application du régime de faune précise dans son article 7, pour ce qui est de la création ou de l’extension d’un parc, que le publique est « informé » du projet par un avis publié au journal officiel par voie écrite ou par toute autre voie utile et affiché pendant trente jours continus dans les chefs lieu des unités administratives, dans les mairies et les chefferies traditionnelles dont les territoires sont inclus dans la zone concernée. Au niveau de chaque département, il existe une commission chargée d’examiner et de donner un avis sur les éventuels réclamations ou oppositions des populations. Les populations dans la presque totalité des villages enquêtés, déclarent avoir été informés de la création du PNCM entre les années 2000 et 2005. Principalement par le biais des ONG (FOGAPE, CED, CEPFILD) et dans une moindre mesure par les responsables de Tropenbos International.

Les mesures prévues par la loi même si au dire des responsables de la faune d’Akom II, et de Campo ont été suivies dans le processus de mise en place du PNCM, il n’en demeure pas moins que cette procédure est difficile à suivre par les populations riveraines et n’a pas favorisée la réaction des communautés locales et autochtones au moins pour trois raisons : Dans un premier temps, comme le déclarent les populations, les termes utilisés dans ces avis de classement sont le plus souvent « techniques » et ne tiennent pas compte du niveau de scolarisation des populations concernées si on s’en tient au taux élevé d’analphabétisme dans les villages notamment chez les Bagyéli. Il s’avère alors difficile pour les populations riveraines de les comprendre et de prendre position pour leurs droits comme nous l’ont déclaré les membres de la communauté bantou de Nyabitandé : « Le parc est délimité mais pas matérialisé, donc on ne peut rien réclamer, car nous ne savons pas lire les cartes et les notes que l’on affiche à la sous préfecture. Ils disent souvent que les élites sont chargés de nous informer, mais aucune élite n’est venu ici nous parler de cette question ». Dans un second temps, il ressort des entretiens avec les chefs de groupement, de villages et les populations que, l’avis de classement du PNCM n’a été affiché dans aucune chefferie des huit villages enquêtés contrairement à ce qui est prévu par la réglementation. Or comme le reconnaissent les autorités (Chef de Poste Forestier d’Akom II, Conservateur du PNCM), lorsque les avis au public sont affichés à Akom II où à Campo, les populations ne viennent pas les consulter soit parce qu’elles ne sont pas au courant ou encore à cause de la distance qui sépare ces centres administratifs des villages d’autant plus que certaines communautés

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concernées sont situées à des dizaines voire des centaines de kilomètres du chef lieu d’Arrondissement et fréquentent rarement les mairies et les bureaux de l’administration locale. Enfin, l’article 7 du Décret de 95 fixant les modalités d’application du régime de faune selon qu’il est formulé n’offre pas un cadre pour la consultation ou le débat vers une reconnaissance des droits coutumiers des populations locales et autochtones concernés lors de la création des parcs. La participation des populations locale est limitée dans la mesure où le décret prévoit que le public- y compris les populations vivant dans les territoires inclus dans la zone concernée - soit « informé »- et non consulté par le projet. Et quand bien même les communautés seraient consultées, la loi ne dit presque rien sur les modalités de prises en compte de leurs « doléances » formulées lors des rencontres de sensibilisation. Ainsi formulée, la loi forestière et ses Décrets d’application excluent une véritable consultation des populations locales dans le processus de classement des forêts, limite leur participation et restreint leurs droits coutumiers. En conséquence, le rôle ou la contribution des populations locales et autochtones dans la création du PNCM s’est limité à accepter l’information qui leur était apporté par les différents démembrements de l’Etat du Cameroun. « Nous savons que on ne discute pas avec l’Etat, ils sont venus ici nous dire que la forêt à proximité de notre village était transformée en parc où la chasse ne devrait plus être pratiquée, on n’était pas d’accord, mais on n’y peut rien » déclare un paysan de Ndjabilobé. Cette situation de résignation des populations face aux décisions de l’Etat est bien encadré par les chefs traditionnels qui sont en même temps représentants des populations et auxiliaires de l’administration publique, l’un d’eux lors de nos discussions déclare « il n’était pas question de remettre en question la création du parc National de Campo Ma’an, car l’Etat est au dessus de nous tous et travaille pour l’intérêt de tous ». Les communautés Bagyéli enquêtées affirment également n’avoir pas été consultées lors de la création du parc, mais qu’à un moment, les représentants de certaines ONG sont venus leur dire que le parc existait et qu’ils devraient changer d’attitude vis-à-vis de la forêt et même pour d’autres il fallait changer de mode de vie, la chasse et la cueillette étant désormais réglementées dans toute l’Unité Technique Opérationnel Campo Ma’an. Or il convient également de noter que ces populations locales et autochtones considèrent la forêt comme leur propriété coutumière collective, dont l’accès aux ressources et leur partage obéissait à une certaine réglementation propre à la tribu et transmis de générations en générations. Par conséquence ces populations comme le soulignait Mengue (2002), estiment dans leur large majorité que le choix et les modalités de zonage du PNCM ont été faits de façon ambiguë, ce qui pourrait entrainer de multiples conflits entre les services de la conservation et les populations riveraines. Dans l’ensemble, il n’y aurait apparemment pas eu de conflits ouverts lors de la création du PNCM mais ces conflits pourrait surgir à tout moment car les communautés que nous avons rencontrées affirment qu’elles ne pouvaient pas réagir lors de la création parce que les limites du parc n’étaient pas encore matérialisées et depuis qu’elles ont été informées des limites du parc lors des rencontres d’informations tenues dans leurs villages et ailleurs, ils n’ont cessé de dire aux autorités du parc de les reculer car à certains endroits, les populations n’ont presque plus d’espaces pour les cultures et avec la croissance démographique, le problème ne pourra que s’accentuer. Mais si les limites du parc restent comme telles, les populations souhaitent simplement que les mesures de compensation soit proportionnelles aux pertes encourues.

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5.2. Implication des populations dans la gestion actuelle du Parc

Selon Borrini-Feyerabend (1997), le concept de participation, fait référence à la recherche d’une forme de partenariat permettant aux différents acteurs intéressés de se partager les fonctions, les droits et les responsabilités relatives à la gestion d’un territoire ou d’une gamme de ressources jouissant d’un statut de protection. Ceci veut dire qu’on ne peut réellement parler de participation et d’implication des communautés que si l’organisation ou le projet d’exécution ou l’Etat se prépare et accepte de changer et apprendre à changer, ces changements concernent :

• La perte de pouvoir : l’Etat doit être prêt à céder une partie de son pouvoir aux bénéficiaires (les communautés)

• Apprendre à écouter : Il doit être prêt à écouter activement les bénéficiaires et s’assurer que les propositions pertinentes sont prises en compte

• Perte de contrôle : L’Etat doit accepter de céder une partie du contrôle de la gestion et du processus aux communautés bénéficiaires

Le programme de gestion du PNCM tel que formulé dans son plan d’aménagement s’articule autour de quatre grands axes. Il s’agit de la gestion administrative, de la recherche et du suivi écologique, de l’éco-développement et co-gestion, et de la protection. Un examen rapide du contenu des cahiers de charge de ces différentes composantes montre que la population est sollicitée uniquement au niveau de la protection et de la cogestion du parc. L’unité responsable de la protection est chargée entre autre d’organiser et coordonner les patrouilles de lutte anti-braconnage et de développer des dispositifs de participation des populations à la protection du PNCM entre autre : les comités de surveillance, les comités villageois, les informations et consultations.

Des efforts ont été fait dans le souci d’intégrer les populations locales Bantous dans la protection des ressources du parc par le biais des comités de surveillance villageois dans certains villages comme Nko’élon et Mvini. Toutefois, ces essais de collaboration ont connu des difficultés dans leur fonctionnement. A Nko’élon par exemple, un comité de vigilance locale à existé entre 1985 et juin 2009 avec à leur disposition, une guérite et un émetteur radio relié aux services de la conservation à Campo. Aux dire des populations de Nko’élon par exemple, leur bonne connaissance de la forêt leur a permis en 1997, de faire sortir de manière pacifique plus de 68 braconniers du parc pour les confier au service de lutte anti braconnage. Aujourd’hui cette collaboration n’existe plus et pour cause, les populations se plaignent du manque de confiance et de l’absence de rémunération de leurs activités par des responsables des services de la conservation. Ceci peut se justifier par ces propos d’un paysan enquêté « aujourd’hui, les autorités du parc nous ont retiré tout le matériel sous prétexte disent t’il que nous l’utilisons pour nos propres fin. En plus, ils nous considèrent comme des braconniers alors que nous avons beaucoup travaillé pour ce parc ». Dans le sens de motiver leur participation à la protection des ressources du parc contre les braconniers, les populations réclament qu’il y ait partage des moyens financiers disponibles pour lutter contre le braconnage.

Quant au volet Eco-développement et co-gestion, il a pour rôle : d’organiser les comités villageois de gestion des ressources, d’informer et former les communautés, de diffuser les informations auprès des populations, d’assurer l’interface entre le personnel du parc et les communautés, d’identifier, d’initier, d’encadrer et encourager les initiatives génératrices de revenu au sein des communautés et de gérer les conflits entre le parc et les populations.

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S’il est vrai que les populations, par le biais de certains leaders villageois prennent part aux réunions du comité de gestion, ces derniers se plaignent du fait de ne pas avoir suffisamment d’influences sur les décisions prises et sur les orientations de gestion jusque là appliquées, il ne s’agit pour eux que des rencontres d’information. Le rôle des chefs des communautés locales dans la gestion actuelle est d’emmener les populations à accepter la situation que leur imposent les autorités du Parc.

Les populations Bagyéli ne s’estiment pas impliquées dans la gestion du parc car disent- elles, les jeunes Bagyélis, malgré leur bonne connaissance de la forêt ainsi que des ressources floristiques et fauniques qu’elle regorge ne sont pas employés comme guides touristes ou guide pour chercheurs. Et parfois quand ceci est fait, ils sont mal traités et très mal rémunérés. Il en est de même pour les populations locales Bantou des groupements bulu et Mvae, qui dans l’ensemble ne se sentent pas impliqués, car elles ne sont pas employées comme personnel à quelque niveau que ce soit dans les services de la conservation. Bien que le tourisme en soit reste encore embryonnaire dans le PNCM, les quelques touristes en visite dans le parc sont guidés généralement par certains éléments (fonctionnaires) du service de la conservation.

En somme, la gestion du PNCM se caractérise encore aux dires de populations par le monopole de l’Etat par le biais des services de la conservation dans le contrôle, la protection et la gestion des ressources du parc. On assiste à une faible implication voire une exclusion des populations locales et autochtones dans les instances de décision et de gestion, les multiples interdictions des utilisations traditionnelles de la faune et de la flore au détriment des populations qui réclament une participation effective dans la gestion du PNCM. Cette participation devrait se traduire par une plus grande importance accordée aux représentants des communautés, la création des emplois, des formations, un partage des revenus et un partenariat de confiance mutuel. Ceci est d’autant plus important que ces populations se disent les plus préoccupé par la conservation de la biodiversité de la région « La foret ‘est notre tout, nous serons les premiers perdants si la forêt disparait….. » déclarent ils.

5.3. Perceptions des communautés riverains du PNCM

De manière générale, la perception du parc par les bantous diffère de celle des Bagyélis. Pour la majorité des populations locales bantous consultées, le parc est perçu comme une superficie de forêt délimitée pour protéger et conserver les nombreuses espèces animales et végétales qu’elle contient: tout dans cet espace est interdit, rien ne peut être fait sans autorisation. Pour certain encore, le parc est une grande perte pour les villageois car ils avaient beaucoup d’activités qu’ils menaient dans la forêt qui aujourd’hui sont interdites « ce qui entraîne notre chute et notre pauvreté » disent ils. Pour d’autres enfin, le parc est un bien de l’Etat sur lequel les populations n’ont aucun intérêt. Le PNCM pour les Bagyélis quant à eux, est une forêt comme les autres où ils ont la liberté de prélever les ressources nécessaires pour leur survie ainsi que de mener leurs activités culturelles ceci d’autant plus que le lobbying mené par certaines ONG à permis depuis peu la reconnaissance des droits d’usage de ce peuple à l’intérieur du PNCM. Dans toute cette atmosphère de complaintes, il convient de signaler que pour un nombre de plus en plus croissant de populations riveraines du PNCM, le parc est perçu comme une bonne initiative, parce que déclarent ils « Il y’a beaucoup d’animaux qui avaient disparus de nos forêts, mais depuis quelque temps, nous sommes content de les rencontrer ».

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6. Impact de la création du parc National du Campo sur les populations

6.1. Impacts positifs

On devrait pouvoir évaluer l'efficacité du PNCM du point de vue de la protection de la diversité biologique, et des bénéfices sociaux sur les conditions de vie des populations. Il est clair que le PNCM contribue efficacement à la protection de la nature étant donné que la forêt dense qui y est permanente est non seulement un facteur de régulation du climat locale, mais aussi un lieu d’épanouissement des animaux prisés. Sur le terrain la totalité des populations bantous et Bagyélis enquêtés déclarent réaliser depuis peu, que certaines espèces animales qui avaient disparues ou devenaient rares dans leur forêt sont à nouveau visibles avec la création du parc. L’existence des forêts communautaires dans certains villages Bantous est perçue par les responsables des services de la conservation comme un bénéfice lié à la création du parc car depuis la création du parc, ces villages riverains bénéficient de l’accélération du processus d’attribution des forêts communautaires. A ce titre, pour la zone d’Akom 2, deux forêts communautaires ont déjà été attribuées et les dossiers pour l’attribution de 9 autres forêts communautaires sont en cours de traitement. Mais au niveau des communautés, une analyse rapide montre que les perceptions quant à la capacité des forêts communautaires à améliorer le niveau de vie varient en fonction que la communauté soit en voie d’acquisition de sa forêt communautaire ou qu’elle soit déjà entrain de l’exploiter. Ainsi, si l’on se réfère aux communautés en voie d’acquisition, comme c’est le cas de Djabilobé, la perspective d’exploiter une forêt communautaire suscite beaucoup d’enthousiasme et d’espoir. Cependant, les sentiments sont contraires pour les populations du groupement Akak mentionnées ci dessous qui exploitent déjà leur forêt communautaire, les difficultés qu’elles rencontrent leur donnent de percevoir la forêt communautaire comme un cadeau empoisonné. Les populations tant bantous que Bagyélis, bénéficient également de l’appui plus intense des ONG (WWF, CED, CEPFIELD, CADER, FODER, etc.) qui interviennent principalement dans la promotion des activités alternatives à la chasse villageoise telle que foresterie communautaire, apiculture, la pêche et l’agriculture durable. On note à cet effet des appuis pour créer les palmeraies, dans certains villages bantous comme Nko’élon. Chez les bagyélis, depuis quelque temps aucune activité n’est formellement proscrite dans le parc en dehors de la chasse commerciale. « Nous ne sommes dérangé que lorsque nous sommes en compagnie des braconniers ou des bantous, ou encore s’ils nous trouvent avec des armes a feu » ces propos des bagyélis sont évocateurs d’un début de reconnaissance des droits d’usage de ce peuple dans le PNCM. Mais les bagyelis restent encore fortement influençables par leurs voisins bantous qui leur fournissent dans la clandestinité les armes et les munitions, ainsi que par les braconniers. Ce qui justifie le fait qu’ils peuvent être trouvé en compagnie de ces derniers dans le parc. C’est le cas d’un bagyeli de Nyabitandé qui pour avoir été surpris dans le parc en compagnie des braconniers et n’ayant pas de l’argent pour payer son amende qui s’élevait à 30.000 FCA a été emprisonné. Il est récemment sortit de prison après y avoir passé trois mois lorsqu’un prêt lui a été fait par une de ses voisines Bantou pour payer cette caution. Assurer la totale reconnaissance des droits coutumiers de ce peuple autochtone dans le PNCM passe par le brisement de ces influences qu’exercent les Bantous sur les Bagyelis.

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De plus, il convient de relever que le problème de la commercialisation des produits de chasse et de la cueillette issue de ces espaces de forêts reste entier et mérite qu’on s’y attarde réellement. « Aujourd’hui, nous avons besoin des habits, du savon, du sel, de l’huile…, pour vivre, tout ceci ne peut se faire sans argent, d’où viendra notre argent si on nous empêche de vendre une partie du produit de la chasse et de la cueillette ? » s’interrogent les Bagyéli de Nyamabandé.

Figure 2 : Le séchage des amandes de mangues sauvages pour la commercialisation

6.2. Impacts négatifs

Les impacts négatifs sont de plusieurs ordres. Les communautés Bantous mentionnent principalement :

- La suppression du droit d’accès au parc et aux ressources localisées dans le parc. A ce jour, toute personne trouvée à l’intérieur du parc même pour une simple promenade, fait l’objet d’une interpellation.

- La répression de plus en plus forte qui est faite par des services de conservation sur les

chasseurs. En effet, avec la création du parc, le nombre de patrouilles anti- braconnage a augmenté, les populations se plaignent que cette répression ne se limite pas aux braconniers à l’intérieur du parc, mais des postes de contrôle sont installés à des dizaines de kilomètres du parc, permettant ainsi aux services de la conservation d’influencer négativement l’activité de chasse dans des villages qui sont parfois très éloignés du parc, pour les populations rencontrées, ceci est un abus et une fuite de responsabilités. « Ils laissent les braconniers dans le parc et viennent nous brimer ici à plus de 30 km du parc, ceci est anormal ». Il s’agit en général des brimades, des menaces, et du retrait du gibier, que les populations subissent au quotidien. Du fait que les limites du parc ne soient pas matérialisées, il est difficile pour les chasseurs locaux d’apporter la preuve que le gibier provient de la zone agro forestière ou du parc. C’est le cas d’une femme de Njabilobé qui s’est vue ravir sur la route Akom-Ebolowa trois morceaux de gibier attrapé hors du PNCM et qu’elle destinait offrir à sa famille d’Ebolowa.

- La perte de la principale source de revenu. Comme le disait une dame à Akak, « le gibier est le cacao des populations de campo ». Le véritable problème pour les populations tant bantous que bagyélis, est que « nous ne pouvons pas vendre le produit de la chasse et de la cueillette et même partager avec nos enfants et nos frères qui sont

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en ville ». Pour ce qui est de l’exploitation des PNFL, la répression n’est pas moindre. Il est exigé aux populations d’avoir le certificat d’exploitation, ce qui pour eux est difficile, voire impossible « beaucoup de gens dans ce village n’ont jamais été à Akom II, et s’ils peuvent même y aller, ou prendront ils les moyens pour payer pour ce certificat. » déclare le chef de Nyabitandé.

- les brimades et la méfiance de la part des responsables des services de la conservation

sont à l’origine de nombreuses frustrations des populations. Comme ces derrières ont pu le déclarer dans le village Mvini, « depuis la création du parc, nous vivons un temps d’abus d’autorité, jusque là, nous qui sommes à l’entrée du parc, nous n’avons encore rien eu comme compensation, le fait de brimer les gens n’empêchera pas de continuer de chasser ».

- les conflits homme - animal résultant de la destruction plantations paysannes par les animaux du parc. En effet, les populations sont confrontées aux problèmes liés à l’augmentation des troupeaux d’animaux dans le parc, troupeaux qui ne sont pas contrôlés par l’administration locale. Dans les villages situés à proximité du parc, principalement ceux du canton Akak, des villageois se plaignent de la destruction de leurs cultures agricoles par les éléphants, les potamochères et les singes, qu'ils n'ont même pas le droit de tuer.

Figure 3 : Crottes d’éléphants dans un champ de manioc et de bananiers plantains à Akak - Des frustrations de la part des populations liées aux nombreuses promesses dans le

sens de l’amélioration de leurs conditions de vie, qui jusqu'à ce jour restent non encore perceptibles. Il s’agit principalement du désenclavement de la zone par la création des routes, des visites des touristes qui devraient générer des revenus pour les villages, la création des emplois et revitalisation des activités culturelles.

6.3. Les problèmes liés aux nouvelles alternatives à la chasse traditionnelle

Avec la création du parc, les populations locales et autochtones se sont vues être orientées vers de nouvelles activités, qui se veulent être des alternatives à la chasse villageoise. Ces dernières sont difficiles à s’intégrer dans les habitudes et la culture ces communautés. Il s’agit principalement de l’éco tourisme, de la foresterie communautaire et de l’agriculture durable. L’activité touristique est pratiquement inexistante dans le secteur d’Akom 2 contrairement au secteur de Campo où des infrastructures touristiques ont été récemment

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construites dans certains villages. Il s’agit en particulier des cases touristiques dans les villages Ebodje et Nko’élon. Mais les retombées de ces cases son encore difficilement perceptibles. Dans le cas de Nko’élon, le projet éco tourisme qui semblait au départ très intéressant, est aujourd’hui de plus en plus hypothétique. Les touristes sont de plus en plus rares (un seul groupe de touristes pour la période de novembre - décembre 2008). La cause serait l’enclavement et les grandes distances que les touristes doivent parcourir à pied du foyer touristique de Nko’élon à l’entrée du parc pour pouvoir voir les animaux (plus de 15 km). Par conséquent, les recettes (3000 Fcfa la nuitée), trouvent de plus en plus insuffisantes pour couvrir les charges entretien des cases qui s’élèvent à 15 000 Fcfa par mois. Les fonds générés par cette activité (environ 58 000 Fcfa) ont permis la réalisation d’une ferme porcine avec l’appui d’une ONG. Malheureusement, ces porcs sont morts. Ceci illustre encore combien cette activité l’élevage reste une pratique qui n’est pas dans les habitudes des populations locales. Pour rendre leur activité touristique plus rentable, les population du village se disent prêt a mettre la main d’œuvre locale a profit pour ouvrir la route qui permettrait aux motos de circuler jusqu’au parc avec les touristes. Les difficultés des activités touristiques peuvent aussi s’expliquer par le fait que jusqu’ici, le tourisme est centré sur les animaux du parc. Les activités touristiques devraient être organisées de manière à valoriser aussi la culture des populations locale et autochtones notamment Bagyeli (habitat, danse, etc…), ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

La Foresterie communautaire est présentée dans le Plan d’aménagement du PNCM comme une alternative à l’exploitation des ressources du parc. C’est dans cet objectif que le groupement Mvae d’Akak dispose aujourd’hui d’une forêt communautaire. Cependant, les conditions d’exploitation de cette dernière pose de multiples problèmes. Il s’agit en particulier des efforts physiques intenses que les populations doivent faire pour l’ouverture et l’entretien manuel des pistes, le transport du bois sur la tête, la disponibilité des véhicules pour le transport du bois, une commande de bois non livrée depuis novembre 2007. Tous les membres de la communauté s’en plaignent. « Actuellement nous avons l’impression qu’il s’agit d’un « cadeau politique » parce que on nous demande de faire des routes à la main, porter le bois à la tête, ce qui est très compliquée ». Ces propos d’un paysan nous donne de comprendre que la foresterie communautaire ne joue pas encore son rôle d’alternative efficace à la chasse traditionnelle, car elle pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Dans ce cas beaucoup reste encore à faire pour que ses objectifs soient atteints.

Figure 4 : Du bois scié dans la forêt communautaire d’Akak et abandonné au village

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Pour ce qui est de l’agriculture, les paysans rencontrent trois principales difficultés. Il

s’agit de la destruction des plantations paysannes par les animaux évoqués plus haut. A titre d’exemple, le GIC de Nko’élon reçoit et plante en 2006 huit cents pieds de bananiers plantain. Aujourd’hui affirment les responsables du GIC, « seul huit plants sont restés débout » le reste ayant été dévasté en deux nuits par les éléphants. En plus des dégâts causés par les animaux, s’ajoute le mauvais état des routes qui ne facilite pas l’évacuation des produits et un manque d’encadrement technique.

7. Modalités de prise en compte des droits coutumiers dans les aires protégées Il est important avant d’envisager d’éventuelles modalités de prise en compte des droits coutumiers dans la création et la gestion des aires protégées d’essayer un temps soit peu d’évoquer succinctement le contenu du droit coutumier relatif aux espaces et aux ressources de la forêt d’une part chez les bagyélis et d’autre part chez les bantous. D’autant plus qu’il a été démontré que la réussite des projets de conservation dans les zones habitées par les populations locales et autochtones, dépend au préalable du degré de reconnaissance des droits préexistants desdits acteurs, sur cet espace et de leur implication active à la gestion de l’aire protégée. Dans la conception du peuple « pygmée », la terre est considérée comme un bien que personne ne peut s’approprier. Elle appartient à la communauté toute entière et doit être utilisée de manière non exclusive (Serge Bahuchet ; 1996). Les Bagyeli de ce fait se considèrent propriétaires des espaces forestiers sur lesquels ils campent et de toutes les forêts voisines qu’ils utilisent pour la chasse et sur lesquelles ils exercent d’autres activités. Leurs droits fonciers comprennent également l’accès aux ressources ligneuses et non ligneuses dont regorgent les terres en question. Il ne s’oppose pas à l’usage de ses terres ancestrales par une personne étrangère à sa communauté. Par ailleurs, il identifie clairement ses terres, bien qu’il n’existe pas de nette démarcation entre ses terres et celles d’autres communautés (Barume 2005). Tandis que chez les bantous de la forêt, les codes coutumiers sont marqués par la superposition des droits sur les espaces et des droits sur les ressources. Il s’agit d’après Seme (2002), d’un model non accumulatif, conçu non pour faire de l’argent mais pour faciliter la redistribution des possibilités de subsistance au sein de la société. Il se traduit par une propriété collective basée sur un régime d’accès ouvert (libre pour les membres de la communauté et retreint pour les autres intervenants potentiels) qui jouent un rôle de cohésion et protection des membres du groupe. La prise en compte de ces droits coutumiers des populations locales et autochtones dans la création et la gestion des aires protégées passe dans un premier temps par une révision du processus d’information et de communication aussi bien dans le fond que dans la forme. Il est donc impératif pour l’Etat par le biais de ses agents d’exécution d’apprendre à écouter activement les bénéficiaires et de s’assurer que les propositions pertinentes sont prises en compte.

• Pour ce qui est du fond, les populations Bantous comme Bagyélis doivent être reconnues et placées par les autorités au rang de partenaires indispensables et expérimentés dans la conservation de la biodiversité. C’est-à-dire comme des personnes ou des communautés capables d’aider et de travailler à la conservation des ressources du PNCM, d’autant plus que comme le signale Hanna (1992), plusieurs

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espèces animales, de plantes, quelques fois des espaces forestières étaient protégées traditionnellement dans le respect des coutumes ancestrales ou pour des considérations religieuses. Il s’agit en d’autre terme de ne plus donner l’impression aux populations locales que les services de la conservation du PNCM les considèrent comme des braconniers. Mais il faut communiquer plus pour que les communautés comprennent qu’ils sont considérés comme des alliés des services de la conservation comme le déclare M Seme le Conservateur du PNCM. Ceci est d’autant plus important que l’Etat ne dispose pas véritablement des moyens matériels, financiers et humains nécessaires pour contrôler l’ensemble du PNCM.

• Il convient aussi que les textes et les décisions affectant les populations locales et

autochtones doivent être largement diffusés avec des méthodes et outils de communication adaptés auxdites populations. A cet effet, le choix de l’affichage comme moyen d’information n’est pas approprié il faut revoir le model de communication.

L’Etat doit en même temps accepter de céder, de perdre une partie du contrôle et de la gestion du PNCM aux communautés bénéficiaires. Ceci devrait pouvoir s’observer de manière pratique à au moins quatre niveaux.

• L’Etat doit renforcer la représentativité coutumière dans les instances de décision et de gestion du PNCM. Aujourd’hui encore, les chefs traditionnels biens que prennent part aux rencontres du comité de gestion du PNCM ne sont pas reconnus comme membres statutaires de ce dernier.

• L’Etat doit continuer à promouvoir la propriété et la gestion collective des ressources fauniques et floristiques en rétrocédant certaines parties des forêts aux communautés locales par la création des zones cynégétiques à gestion communautaire.

• Les populations locales pourraient conserver le droit de pénétrer dans le parc où elles pourraient continuer à récolter les PFNL. les membres des communautés locales et autochtones devraient également travailler dans le parc, ce qui leur procurerait des revenus.

• Mettre en place un mécanisme devant permettre aux communautés locales et autochtones de vivre des produits de la chasse et de la cueillette.

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8. Conclusion

Il ressort de la présente étude que : dans le processus de création du parc, les populations n’ont pas été véritablement consultées selon un processus participatif, mais elles ont été informées de l’existence du parc entre 2000 et 2005 par les sensibilisations menées principalement par les ONG. Beaucoup d’efforts doivent encore être fait pour une implication effective des populations dans la gestion actuelle du PNCM qui se caractérise encore par le monopole de l’Etat par le biais des services de la conservation en matière de contrôle, le protection, des ressources du parc, par une faible implication voire une exclusion des populations locales dans les instances de décision et, les multiples interdictions des utilisations traditionnelles de la faune et de la flore au détriment des populations qui, jusqu’ici perçoivent le parc comme « une grande perte pour les villageois » et , réclament fortement une participation effective dans la gestion du PNCM qui devrait se traduire par la création des emplois, des formations, des responsabilités, un partage des revenus et un partenariat de confiance mutuel. Certes la création du PNCM permet aux populations locales bantous de bénéficier d’un traitement de faveur dans l’attribution des forêts communautaire, de bénéficier également de l’appui des ONG pour la promotion des activités alternatives à la chasse villageoise tel que l’agriculture durable, apiculture, la pêche et foresterie communautaire. Mais ces mesures ne se traduisent pas encore par une véritable amélioration dans les conditions de vies des populations. Les impacts négatifs demeurent. Il s’agit entre autre de la suppression du droit d’accès au parc et aux ressources localisées dans le parc, d’une forte répression sur les chasseurs et la chasse villageoise, de la destruction des parcelles agricoles paysannes lié à l’augmentation des troupeaux d’animaux dans le parc ayant pour corollaire une baisse des revenus.

Il apparaît donc indispensable pour le cas du PNCM et peut être des autres aires protégées du pays de repenser les approches de gestion qui doivent concilier conservation et satisfaction des populations locales. Pour cela, il serait important de repenser les approches de communication avec les populations en les reconnaissant comme des partenaires indispensables et expérimentés dans la conservation, en renforcer la représentativité coutumière dans les instances de décision et de gestion du PNCM, en continuant à promouvoir la propriété et la gestion collective des ressources fauniques et floristiques en rétrocédant certaines parties des forêts par la création des zones cynégétiques à gestion communautaire, les forets communautaires et en conservant aux communautés riveraines le droit de pénétrer dans le parc où elles pourraient continuer à récolter le miel et cueillir des plantes médicinales. Certains de ses membres devraient également travailler dans le parc, ce qui leur procurerait des revenus.

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