Poursuite de Gesca contre Sophie Durocher pour atteinte à la réputation

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  • 8/22/2019 Poursuite de Gesca contre Sophie Durocher pour atteinte la rputation

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    Gesca lte c. Corporation Sun Media 2013 QCCS 3689

    COUR SUPRIEURE

    CANADAPROVINCE DE QUBECDISTRICT DE MONTRAL

    N : 500-17-066444-111

    DATE : 5 AOT 2013

    ______________________________________________________________________

    SOUS LA PR SIDENCE DE : LHONORABLE EVA PETRAS, J.C.S.______________________________________________________________________

    GESCA LT EDemanderesse

    c.

    CORPORATION SUN MEDIA

    etCANO INC.etSOPHIE DUROCHER

    Dfenderesses

    ______________________________________________________________________

    JUGEMENT______________________________________________________________________

    I INTRODUCTION

    [1] La demanderesse poursuit les dfendeurs pour atteinte la rputation.

    JP 1884

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    II MISE EN CONTEXTE

    [2] La demanderesse Gesca Lte ( Gesca ) est une entreprise qui uvre dans ledomaine des mdias et qui est propritaire, entre autres, du quotidien La Presse.

    [3] La dfenderesse Corporation Sun Media uvre dans le domaine des mdias etpublie le quotidien Le Journal de Montral.

    [4] La dfenderesse Cano Inc. exploite divers sites internet de nouvelles continuesnotamment sur les adresses cano.ca, cano.qc.ca et toile.com.

    [5] La dfenderesse Sophie Durocher est une journaliste et chroniqueuse de SunMedia qui publie rgulirement dans le Journal de Montral une chronique ayant pourtitre Culture et mdias , dans la section de ce journal intitule Arts et Spectacles .

    [6] Dans son dition du 17 juin 2011, la page 46 de la section Arts et Spectacles,le Journal de Montral publie un article intitul Les copains dabord crit par ladfenderesse Sophie Durocher1(l Article ).

    [7] Le mme jour, lArticle est diffus sur le site cano.ca et continue tre diffusdepuis lors2.

    [8] LArticle rsulte dun historique de commentaires et chroniques par madameDurocher.

    [9] En effet, depuis quelque temps, madame Durocher publie des articles ouchroniques dans le Journal de Montral parlant de lomniprsence (selon elle) des

    journalistes de La Presse sur les ondes de Radio-Canada. Elle parle aussi duneentente secrte entre Gesca et la Socit Radio-Canada ( Radio-Canada ),entente qui vise une certaine collaboration entre ces deux socits mdiatiques.

    [10] Entre autres, madame Durocher commence utiliser le sobriquet Radio-Gesca dans ses articles.

    [11] Le 16 juin 2011, La Presse publie un article de Marc Cassivi intitul Ce nestplus un secret 3. Les passages clefs sont les suivants :

    Ce nest plus un secret : Catherine Perrin succdera Christiane Charette la

    Premire Chane de Radio-Canada, en septembre. Ce nest un secret pourpersonne : Catherine Perrin est cultive, brillante, curieuse, pertinente. Jaisecrtement pari un ptit 20 $ quelle aurait le job. Une question de feeling,comme dirait lautre.

    1 Pice P-1.2 Pice P-2, version internet de larticle Les copains dabord .3 Pice D-13.

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    Attendez. En vantant les mrites dune consoeur de Radio-Canada, viens-jeencore de donner des munitions ceux qui dnoncent les effets pernicieux delentente secrte Radio-Canada-Gesca? Misre.

    Vous ne le savez pas, puisque cest un secret bien gard, mais lentente secrteRadio-Canada-Gesca, rendue publique par communiqu de presse le 19 janvier2001 (donc extrmement secrte), prvoyait une collaboration entre Radio-Canada et Gesca, propritaire entre autres de La Presse, pour des vnementsspciaux et autres promotions, notamment sur linternet.

    Lentente, on ne peut plus secrte, nest plus en vigueur depuis 2003. Mais lesecret demeure : sil ny a plus dentente secrte, y a-t-il donc msententesecrte? Et pourquoi lentente secrte est-elle toujours rpute secrte si elle at rendue publique il y a 10 ans? Mystre.

    Jai beau examiner le tableau de tous les angles possibles, je narrive pas

    comprendre pourquoi Radio-Canada na pas sign une entente secrte avec leJournal de Montral, proprit de Quebecor galement dtenteur de TVA, sonprincipal concurrent -, plutt quavec Gesca. Ce nest pas logique

    La presse, qui ne sen cache pas, fait plus que quiconque une place de choix aujournalisme dopinion, contrairement Radio-Canada, qui pratique de manireplus uniforme un journalisme dobjectivit. Pourquoi diantre Radio-Canada feraitappel des ditorialistes et chroniqueurs de La Presse pour commenter desactualits que ses propres journalistes ne peuvent commenter avec la mmelibert de ton?

    Pourquoi Le Devoir, qui a quoi, deux ou trois columnists dans ses pages, nest

    pas aussi prsent sur les ondes de Radio-Canada que La Presse, qui compteune vingtaine de columnists et au moins quatre fois plus de journalistes? Etpourquoi Richard Martineau, pourtant libre de toute activit professionnelle undimanche sur deux entre 13 h 24 et 14 h 18, na pas sa propre mission laradio publique?

    La situation, je vous ne le cacherai pas, me semble scandaleuse. Aussi, jenaurais volontiers fait une chronique plus tt, si ce nest du fait que 156 autreschroniques ont t crites ce sujet bien prcis, depuis un an, par certains demes confrres, valeureux chiens de garde de la dmocratie.

    Je pense en particulier Sophie Durocher, qui nous rappelle au moins une fois

    par semaine, dans diffrents mdias de Quebecor, que trop de journalistes deGesca sont invits dans des missions de Radio-Canada. Elle ne sen vante pas,Sophie, ce nest pas son genre, mais elle a dj travaill Radio -Canada. Envoudrait-elle, trs secrtement, son ancien employeur? Tant de questions sansrponses.

    Mardi, en annonant lembauche de Catherine Perrin pour le crneau de 9 h, lenouveau patron de la radio franaise de Radio-Canada, Patrick Beauduin, ainsist sur le fait quil y aurait une plus grande diversit de points de vue

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    son mission. Sil faut en comprendre quil y aura moins de journalistes de LaPresseen ondes, cest Sophie Durocher qui sera contente. Jusqu ce quelle serende compte quelle vient de perdre le tiers de ses sujets de chroniques. Je laplains sincrement.

    On dira que je ne suis pas neutre dans ce dbat. Cest vrai. Ce nest plus unsecret, je ne le nierai pas : je suis journaliste La Presse. Depuis 18 ans. Je suisaussi, quelques mois par anne, collaborateur lmission Cest juste de la TV, ARTV, devenue depuis peu la chane culturelle de Radio-Canada. Et jai t,pendant plus de quatre ans, un collaborateur rgulier de lmission de ChristianeCharette la Premire Chane.

    Je ne men cacherai pas davantage : lentente secrte qui me lie Radio-Canada est ce point secrte que je nen ai jamais vu lombre. Je nen ai mme

    jamais entendu parler. Le mmo top secret qui minterdit, sans doute parobligation contractuelle, dmettre la moindre rserve surune mission de Radio-

    Canada a d avoir t envoy pendant mes vacances.

    Je ne lai jamais reu. Aussi, je critique quasi chaque semaine Radio -Canada,souvent durement, sur une chane qui appartient Radio-Canada. Je le faisrgulirement dans La Presse (mardi, encore). Je reste convaincu, mme sil nyen a pas de preuve tangible, que mes confrres du Journal de Montralpeuventcritiquer aussi librement que moi toute mission de TVA. En secret, videmment.

    Parlant de TVA, je me souviens dune poque o jy tais invit pour parler decinma ou de phnomnes culturels. Ctait avant lre Quebecor. Depuis,silence radio. Ai-je dj t invit une mission du 98,5 FM? Je nen ai passouvenir. En revanche, jai crois rcemment Sophie Durocher lmission de

    Christiane Charette.

    Comme Patrick Beauduin, un homme brillant pour qui jai beaucoup destime (jefais bien sr ces compliments par contrainte contractuelle), je crois que ladiversit de points de vue est essentielle dans tout mdia. La presse en est bienla preuve. Mais je me demande : taper avec une insistance maladive sur lemme clou pendant un an, est-ce faire preuve dun point de vue diversifi?

    (Le Tribunal souligne)

    [12] Madame Durocher se prcipite crire, ds le lendemain, sa rponse Lescopains dabord et les prsentes procdures en sont le rsultat.

    [13] Gesca allgue que dans lArticle rdig par Sophie Durocher, publi par SunMedia et diffus par Cano sur leur site Web, on retrouve lallgation fausse, trompeuseet injurieuse voulant quen avril 2011, loccasion de lorganisation du dbat des chefsde la dernire lection fdrale, Radio-Canada aurait tent de soutirer en faveur decyberpresse.ca, le site Web des quotidiens de Gesca, et linstigation de cettedernire, le privilge de diffuser gratuitement ce dbat.

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    [14] Il serait utile de reproduire lArticle au complet.

    Les copains dabord

    Cest comme deux amants qui continuent de nier quils vivent une liaison torride alors que toute la ville les a vus se prendre une chambre au motel.

    Il ny a pas dentente entre Radio-Canada et Gesca .

    Cest ce que les deux rptent chaque fois quon aborde les liens entre lediffuseur PUBLIC (qui doit servir les intrts de tous les contribuables) et uneentreprise PRIVE (qui sert uniquement les intrts de ses propritaires).

    Et pourtant

    Pas plus tard quau mois davril, on a eu une preuve flagrante que Radio -Canada

    et Gesca couchent dans le mme lit. Et que leur union est bel et bienconsomme.

    LES VASES COMMUNICANTS

    Lors des dernires lections fdrales, avant le dbat des chefs, le consortiumdes radiodiffuseurs (CBC et Radio-Canada, CTV, Global, TVA) sest runi plusieurs reprises. En effet, de nombreux mdias veulent avoir accs ladiffusion en direct du dbat et il fallait tablir une grille tarifaire pour leur vendreces images.

    Des reprsentants de chaque diffuseur discutaient des demandes des radios,

    des journaux ou des sites Internet qui voulaient avoir accs la transmission endirect du dbat.

    Or, jai appris quun des reprsentants de Radio-Canada a demand si latransmission du dbat pouvait tre DONNE Cyberpresse, le site Internet des

    journaux de Gesca!

    Autrement dit, le reprsentant de Radio-Canada ngociait au profit de Gesca,comme on le ferait pour aider un ami. Comme s il tait leur porte-parole auprsdes autres diffuseurs.

    Daprs moi, le reprsentant de Radio-Canada stait tromp dans ses notes. Il a

    d confondre Le dbat des chefs et Les Chefs, lmission de Radio-Canadaproduite par La Presse Tl.

    UN BEAU CADEAU

    Les trois autres rseaux membres du consortium TVA, Global et CTV ont refusla demande de Radio-Canada.

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    Vous allez me dire que TVA aurait fait pareil avec les journaux de Quebecor? Ehbien non. Tous les mdias qui souhaitaient diffuser les images devaientcontacter les reprsentants du consortium, sans passe-droit pour personne.

    Si les journaux de Quebecor voulaient diffuser en direct le dbat des chefs surleur site Internet, ils devaient se mettre en ligne comme tous les autres. EtPAYER le consortium comme tout le monde.

    Alors que les gens de Gesca avaient, comme on dit, un ami dans la place.Radio-Canada tait prte faire circuler son contenu entre le consortium et lessites de Gesca, selon le principe de ce qui est moi est toi .

    Et aprs a, on veut nous faire croire que ces gens-l ne se parlent pas, quilsnont pas dintrts communs, quils ne sont pas copains-copains?

    LES TAPES DANS LE DOS

    Si ce nest pas une entente qui unit Radio-Canada et Gesca, pouvez-vous medire cest quoi, alors?

    Un accord? Une alliance? Un partenariat? Une association, une coalition, unecollaboration, une coopration? Une complicit, une fraternit?

    Non, non. Je lai! Cest une franche camaraderie! Cest srement une franchecamaraderie qui fait que Radio-Canada organise un Gala excellence avec LaPresse. Que la radio et la tl de Radio-Canada reoivent tous les lundis lapersonnalit de la semaine de La Presse. Que Radio-Canada refusesystmatiquement dannoncer dans les journaux de Quebecor, les comptiteurs

    de Gesca.

    Cest dans un esprit de franche camaraderie que lditorialiste-en-chef de LaPresse est chroniqueur chaque semaine une des missions les plus coutesde la radio de Radio-Canada. Que pour commencer le conflit au Journal deMontral, la radio de Radio-Canada a invit deux journalistes de La Presse. Etqu la dernire mission de Christiane Charette, la moiti des invits taient des

    journalistes de La Presse.

    Moi, toute cette belle camaraderie, franchement, je trouve a mouvant.

    Surtout que, comme toutes les amitis, elle est tout fait dsintresse.

    (Le Tribunal souligne)

    [15] Le 20 juin 2011, la demanderesse Gesca transmet une mise en demeure4 laprsidente et ditrice du Journal de Montral, Lyne Robitaille, la secrtaire de CanoInc., Claudine Tremblay, ainsi qu Sophie Durocher afin de leur demander de se

    4 Pice P-3.

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    rtracter entirement, avec excuses, de ces propos contenus dans lArticle diffus le 17juin 2011 dans le Journal de Montral et sur le site cano.ca.

    [16] Au surplus, le jour mme de la parution de cet Article, le 17 juin 2011, leprsident du consortium des radiodiffuseurs, Troy Reeb (vice-prsident de Shaw Mediaet Global), transmet par courriel au Journal de Montral le message suivant :

    Les allgations publies dans le Journal de Montral par la chroniqueuse SophieDurocher ne sont aucunement fondes. Aucun reprsentant de Radio-Canadana jamais cherch obtenir laccs la transmission des dbats ou offrirquelque autre traitement de faveur Cyberpresse ou quelque autre mdia.

    [17] Le 27 juin 2011, les procureurs de Sophie Durocher, du Journal de Montral etde Cano Inc., rpondent la mise en demeure de Gesca et ils refusent formellementde donner suite la demande de rtractation et dexcuses5.

    III QUESTIONS EN LITIGE

    [18] Les principales questions en litige sont les suivantes.

    a) Est-ce que les dfenderesses ont publi des commentaires diffamatoiresqui ont port atteinte la rputation de Gesca quand elles ont publilArticle Les copains dabord ?

    b) Si oui, est-ce que Gesca a droit des dommages moraux en plus dunertractation?

    IV POSITION DES PARTIES

    A. Position de la demanderesse

    [19] Gesca prtend que la diffusion de la fausse allgation contenue dans lArticle,relativement des dmarches qui auraient t entreprises par Radio-Canada, au nomde la demanderesse Gesca, auprs des membres du consortium des tldiffuseurs, estdiffamatoire car elle dnigre la demanderesse aux yeux du public et remet en causeson intgrit ainsi que le caractre indpendant de ses activits.

    [20] Gesca rclame des dommages moraux de 75 000 $ des dfenderesses.

    [21] De surcrot et plus important pour elle, la demanderesse rclame desdfenderesses quelles se rtractent entirement, avec excuses, des propos contenusdans lArticle diffus le 17 juin 2011, en publian t un rectificatif dans le Journal deMontral et sur le site cano.ca, la deuxime page de la section Arts etSpectacles de ce journal ainsi que sur la page douverture de ce site Internet, dont la

    5 Pice P-4.

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    visibilit et le format devront tre au moins quivalents ceux de lArticle. Gescademande ce que le texte de ce rectificatif et de ces excuses se lise comme suit :

    Gesca : Sophie Durocher Rtractation ordonne judiciairement

    Dans un article paru le 17 juin 2011 sous la signature de notre journaliste SophieDurocher, le Journal de Montral a affirm que la Socit Radio-Canada aessay, pour la part de Gesca Lte , dobtenir du consortium des tldiffuseursdu dbat des chefs de la dernire campagne lectorale fdrale le privilge dediffuser gratuitement ces dbats sur le site Cyberpresse.ca, laissant limpressionque cest Gesca Lte qui avait investigu cette demande.

    Il appert que cette affirmation qui mettait indment en cause lintgrit de Gesca,de La Presse et de Cyberpresse.ca tait fausse. Le Journal de Montral,Corporation Sun Media, Cano.ca et Sophie Durocher sexcusent desinconvnients et prjudices causs par leurs propos.

    [22] Gesca demande au Tribunal dordonner la dfenderesse Cano Inc. dediffuser, dans les vingt-quatre (24) heures du jugement, un hyperlien portant le titre durectificatif et menant au texte intgral de celui-ci sur la page douverture du site decano.ca pendant une priode dau moins vingt-quatre (24) heures, et, ensuite, surcano.ca pour une priode au moins quivalent celle de la diffusion de lArticle encause.

    B. Position des dfenderesses

    [23] Les dfenderesses contestent toutes les prtentions et rclamations de la

    demanderesse.[24] Les dfenderesses demandent au Tribunal de :

    a) Rejeter la requte introductive dinstance de la demanderesse;

    b) Dclarer abusive la requte introductive dinstance de la demanderesse.

    [25] Les dfenderesses allguent en dfense :

    a) Labsence de preuve devant le Tribunal dun manquement aux normesjournalistiques;

    b) Le droit de Sophie Durocher sa libert dopinion et dexpression;

    c) Elle na jamais dit que Radio-Canada avait fait la demande linstigationde Gesca;

    d) Les propos ne sont pas diffamatoires;

    e) Subsidiairement, mme si diffamatoires, les propos ne sont pas fautifs;

    f) La dfenderesse Durocher a suivi la dmarche journalistique;

    g) Les dfenderesses Sun Media et Cano nont commis aucune faute en

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    publiant lArticle contenant un sujet dintrt public de trs grandeimportance pour la gouvernance des entreprises de mdias et de plus,que Sun Media et Cano nont commis aucune faute tant donn quils

    ont effectu les vrifications usuelles en supervisant le travail effectu parSophie Durocher avant la parution de son Article;

    h) Le fardeau de la preuve ne favorise pas la demanderesse parce quils nesont pas en mesure dtablir que les propos de Durocher taient faux;

    i) Absence dintrt juridique de Gesca : en tant que socit de holding,Gesca na aucun intrt juridique poursuivre. Elles soulvent donclarticle 165 (3) du Code de procdure civile ( C.p.c. )

    [26] Finalement, les dfenderesses plaident que le recours de la demanderesse estabusif et quil sagit dune poursuite-billon.

    V ANALYSE ET DISCUSSION

    Le droit

    A. Lgislation

    [27] La loi applicable dans la prsente cause trouve les sources dans diffrentsarticles du Code civil du Qubecet de la Charte des droits et liberts de la personne.

    i) Char te qubcoise

    3. Toute personne est titulaire des liberts fondamentales telles la libert de

    conscience, la libert de religion, la libert d'opinion, la libert d'expression, lalibert de runion pacifique et la libert d'association.

    []

    44.Toute personne a droit l'information, dans la mesure prvue par la loi.

    ii) Code c iv il d u Qubec

    DE LA JOUISSANCE ET DE LEXERCICE DES DROITS CIVILS

    Art. 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalit, tels le droit la vie, linviolabilit et lintgrit de sa personne, au respect de son

    nom, de sa rputation et de sa vie prive.

    Ces droits sont incessibles.

    []

    Art. 6. Toute personne est tenue dexercer ses droits civils selon lesexigences de la bonne foi.

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    Art. 7. Aucun droit ne peut tre exerc en vue de nuire autrui ou dunemanire excessive et draisonnable, allant ainsi lencontre des exigencesde la bonne foi.

    DU RESPECT DE LA RPUTATION ET DE LA VIE PRIVE

    Art. 35. Toute personne a droit au respect de sa rputation et de sa vieprive.

    Nulle atteinte ne peut tre porte la vie prive dune personne sans quecelle-ci y consente ou sans que la loi lautorise.

    153. L'ge de la majorit est fix 18 ans.

    La personne, jusqu'alors mineure, devient capable d'exercer pleinementtous ses droits civils.

    LES PERSONNES MORALES

    298. Les personnes morales ont la personnalit juridique.

    Elles sont de droit public ou de droit priv.

    301. Les personnes morales ont la pleine jouissance des droits civils.

    303. Les personnes morales ont la capacit requise pour exercer tous leursdroits, et les dispositions du prsent code relatives l'exercice des droits civilspar les personnes physiques leur sont applicables, compte tenu des adaptationsncessaires.

    Elles n'ont d'autres incapacits que celles qui rsultent de leur nature ou d'unedisposition expresse de la loi.

    2805. La bonne foi se prsume toujours, moins que la loi n'exige expressmentde la prouver.

    DE LA RESPONSABILIT CIVILE

    1457.Toute personne a le devoir de respecter les rgles de conduite qui,suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent elle, de

    manire ne pas causer de prjudice autrui.Elle est, lorsqu'elle est doue de raison et qu'elle manque ce devoir,responsable du prjudice qu'elle cause par cette faute autrui et tenue derparer ce prjudice, qu'il soit corporel, moral ou matriel.

    Elle est aussi tenue, en certains cas, de rparer le prjudice caus autruipar le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle asous sa garde.

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    [28] Plus spcifiquement, concernant la diffamation crite dans les journaux, la Loisur la presse6 trouve application.

    [29] La Loi sur la presse exige certaines formalits avant dintenter une action endiffamation et les articles pertinents sont les suivants :

    2. Toute personne qui se croit lse par un article publi dans un journal et veutrclamer des dommages-intrts, doit intenter son action dans les trois mois quisuivent la publication de cet article, ou dans les trois mois qu'elle a euconnaissance de cette publication, pourvu, dans ce dernier cas, que l'action soitintente dans le dlai d'un an du jour de la publication de l'article incrimin.

    3. Aucune telle action ne peut tre intente contre le propritaire du journal,sans que la partie qui se croit lse, par elle-mme ou par procureur, n'en donneavis pralable de trois jours non fris, au bureau du journal, ou au domicile dupropritaire, de manire permettre ce journal de rectifier ou de rtracterl'article incrimin.

    [30] Pour intenter les procdures, la demanderesse a respect les formalits exigespar la Loi sur la presse.

    [31] Dans la prsente cause, la dfenderesse doit donc dmontrer, selon laprpondrance des probabilits, lexistence dune faute, dun prjudice et dun lien decausalit entre les deux.

    [32] Dans Prudhomme c. Prudhomme7, la Cour suprme du Canada a ainsi rsumltat du droit en matire de diffamation

    [32] Le droit civil qubcois ne prvoit pas de recours particulier pour latteinte la rputation. Le fondement du recours en diffamation au Qubec se trouve lart. 1457 C.c.Q. qui fixe les rgles gnrales applicables en matire deresponsabilit civile. Ainsi, dans un recours en diffamation, le demandeur doitdmontrer, selon la prpondrance des probabilits, lexistence dun prjudice,dune faute et dun lien de causalit, comme dans le cas de toute autre action enresponsabilit civile, dlictuelle ou quasi dlictuelle8.

    [33] Pour dmontrer le premier lment de la responsabilit civile, soitlexistence dun prjudice, le demandeur doit convaincre le juge que les proposlitigieux sont diffamatoires. Le concept de diffamation a fait lobjet de plusieurs

    dfinitions au fil des annes. De faon gnrale, on reconnat que la diffamation consiste dans la communication de propos ou dcrits qui font perdre lestime

    6 Loi sur la presse, L.R.Q., c. P-19.7 [2002] 4 R.C.S. 663; 2002 CSC 85.8 Voir N. Vallires, La presse et la diffamation (1985), p. 43; Houde c. Benoit, [1943] B.R. 713, p. 720;

    Socit Radio-Canada c. Radio Sept-les Inc., 1994 CanLII 5883 (QCCA), [1994] R.J.Q. 1811 (C.A.),p. 1818.

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    ou la considration de quelquun ou qui, encore, suscitent son gard dessentiments dfavorables ou dsagrables9.

    [34] La nature diffamatoire des propos sanalyse selon une norme objective10

    Il faut, en dautres termes, se demandersi un citoyen ordinaire estimerait que lespropos tenus, pris dans leur ensemble, ont dconsidr la rputation dun tiers .

    cet gard, il convient de prciser que desparoles peuvent tre diffamatoirespar lide quelles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui sen dgagent. Dans laffaire Beaudoin c. La Presse Lte11, le juge Sencal rsumebien la dmarche suivre pour dterminer si certains propos revtent uncaractre diffamatoire :

    La forme dexpression du libelle importe peu; cest le rsultat obtenudans lesprit du lecteur qui cre le dlit . Lallgation ou limputationdiffamatoire peut tre directe comme elle peut tre indirecte par voie desimple allusion, dinsinuation ou dironie, ou se produire sous une forme

    conditionnelle, dubitative, hypothtique . Il arrive souvent quelallgation ou limputation soit transmise au lecteur par le biais dunesimple insinuation, dune phrase interrogative, du rappel dune rumeur,de la mention de renseignements qui ont filtr dans le public, de

    juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapportentre eux .

    Les mots doivent dautre part sinterprter dans leur contexte. Ainsi, ilnest pas possible disoler un passage dans un texte pour sen plaindre,si lensemble jette un clairage diffrent sur cet extrait. linverse, ilimporte peu que les lments qui le composent soient vridiques silensemble dun texte divulgue un message oppos la ralit . On peut

    de fait dformer la vrit ou la ralit par des demi-vrits, des montagestendancieux, des omissions, etc. Il faut considrer un article de journalou une mission de radio comme un tout, les phrases et les mots devantsinterprter les uns par rapport aux autres.

    [35] Cependant, des propos jugs diffamatoires nengageront pasncessairement la responsabilit civile de leur auteur. Il faudra, en outre, que ledemandeur dmontre que lauteur des propos a commis une faute. Dans leurtrait, La responsabilit civile12, J.-L. Baudouin et P. Deslauriers prcisent, aux p.301-302, que la faute en matire de diffamation peut rsulter de deux types deconduites, lune malveillante, lautre simplement ngligente:

    La premire est celle o le dfendeur, sciemment, de mauvaise foi, avecintention de nuire, sattaque la rputation de la victime et cherche la

    9 Radio Sept-les, prcit, p.1818.10 Hervieux-Payette c. Socit Saint-Jean-Baptiste de Montral, [1998] R.J.Q. 131 (C.S.), p. 143,

    infirm, mais non sur ce point, par Socit Saint-Jean-Baptiste de Montral c. Hervieux-Payette,2002 CanLII 8266 (QCCA), [2002] R.J.Q. 1669 (C.A.).

    11 [1998] R.J.Q. 204 (C.S.), p. 211.12 La responsabilit civile, 5e d., 1998.

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    ridiculiser, lhumilier, lexposer la haine ou au mpris du public oudun groupe. La seconde rsulte dun comportement dont la volont denuire est absente, mais o le dfendeur a, malgr tout, port atteinte larputation de la victime par sa tmrit, sa ngligence, son impertinenceou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnentdroit rparation, sans quil existe de diffrence entre elles sur le plan dudroit. En dautres termes, il convient de se rfrer aux rgles ordinairesde la responsabilit civile et dabandonner rsolument lide fausse quela diffamation est seulement le fruit dun acte de mauvaise foi emportantintention de nuire.

    [36] partir de la description de ces deux types de conduite, il est possibledidentifier trois situations susceptibles dengager la responsabilit de lauteur deparoles diffamantes. La premire survient lorsquune personne prononce despropos dsagrables lgard dun tiers tout en les sachant faux. De tels proposne peuvent tre tenus que par mchancet, avec lintention de nuire autrui. La

    seconde situation se produit lorsquune personne diffuse des chosesdsagrables sur autrui alors quelle devrait les savoir fausses. La personneraisonnable sabstient gnralement de donner des renseignementsdfavorables sur autrui si elle a des raisons de douter de leur vracit. Enfin, letroisime cas, souvent oubli, est celui de la personne mdisante qui tient, sans

    justes motifs, des propos dfavorables, mais vridiques, lgard dun tiers13.

    [37] Ainsi, en droit civil qubcois, la communication dune information faussenest pas ncessairement fautive. linverse, la transmission dune informationvridique peut parfois constituer une faute. On retrouve l une importantediffrence entre le droit civil et la common law o la fausset des proposparticipe du dlit de diffamation (tort of defamation). Toutefois, mme en droit

    civil, la vracit des propos peut constituer un moyen de prouver labsence defaute dans des circonstances o lintrt public est en jeu14.

    (Le Tribunal souligne)

    [33] Pour tre en mesure de dcider du bien-fond de la demande de Gesca, leTribunal doit examiner tous les faits et circonstances de la cause.

    [34] Il faut analyser ou apprcier les faits en fonction dun critre objectif, celui ducitoyen ordinaire.

    [35] Lauteure Nicole Vallires, La presse et la diffamation, Wilson & Lafleur, 1985,

    page 58 crit ceci, concernant la responsabilit dun journaliste, en citant laffaireClaude Larouche c. Jean-Pierre Bonneville :

    13 Voir J. Pineau et M. Ouellette, Thorie de la responsabilit civile, 2e d., 1980, p. 63-64.14 Voir les propos de Vallires, op. cit., p. 10, approuvs par la Cour dappel du Qubec dans Radio

    Sept-les, prcit, p. 1819.

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    Le journaliste, fut-il pamphltaire et polmiste, ne jouit daucune immunit etest, devant la loi, lgal du plus humble voire du plus illettr des citoyens. Aucontraire, en raison de la diffusion rapide de ses crits et de la propensionnaturelle ajouter foi tout ce qui est publi, le journaliste doit sattacher lavrit avec une plus grande rigueur que le citoyen ordinaire.

    (Le Tribunal souligne)

    [36] Plus rcemment dans la cause Bou Malhab c. Diffusion Mtromdia CMR15, lajuge Marie Deschamps de la Cour suprme du Canada a ritr les mmes principes :

    [24] De manire gnrale, la faute correspond une conduite qui scarte dela norme de comportement quadopterait une personne raisonnable (Ciment duSaint-Laurent inc. c. Barrette, 2008 CSC 64, [2008] 3 R.C.S. 392, par. 21). Ilimporte de signaler que le concept de personne raisonnable a un caractrenormatif plutt que descriptif. Il sagit du comportement quune personne

    informe adopterait dans les circonstances. Malgr toute limportance accordepar la Charte qubcoise la protection des droits individuels, un comportementattentatoire un droit quelle garantit ne constitue pas ncessairement une fautecivile (Qubec (Curateur public) c. Syndicat national des employs de lhpitalSt-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, par. 116; Qubec(Commission des droits dela personne et des droits de la jeunesse) c. Communauturbaine de Montral,2004 CSC 30, [2004] 1 R.C.S. 789 ( Larocque )). En effet, encore faut-il quelatteinte constitue une violation de la norme objective prvue par lart. 1457C.c.Q. qui est celle du comportement de la personne raisonnable et quaucunautre motif ne limite la conclusion concernant la faute, par exemple, lexistencedune immunit (Larocque et Prudhomme) ou la prise en considration de droitsconcurrents, comme celui de la libert dexpression.

    []

    [30] Mes commentaires sur la faute rvlent dj que le recours une normeobjective nest pas nouveau. En ralit, le citoyen ordinaire est le pendant, pourle prjudice, de la personne raisonnable auquel le droit a recours pourlvaluation de la faute. Sils ont en commun leur caractre objectif, les deuxconcepts ne se confondent toutefois pas. Le comportement de la personneraisonnable exprime une norme de conduite dont la violation constitue une faute.Le citoyen ordinaire constitue plutt une incarnation de la socit qui reoit lespropos litigieux. Cest donc travers les yeux de ce citoyen ordinaire, rcepteurdes propos ou des gestes litigieux, que le prjudice est valu.

    [31] Le juge charg de lvaluation de la faute impose lauteur des propos lecomportement quune personne raisonnable aurait eu dans les circonstances. Enmatire de diffamation, le juge tient compte du droit la libert dexpression delauteur des propos. Il tolrera mme, dans certains cas, que celui-ci ait mis desopinions exagres. Lorsquil value le prjudice, le juge tient galement comptedu fait que le citoyen ordinaire a bien accept la protection de la libert

    15 2011 CSC 9, 2011, 1 R.C.S. 214.

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    dexpression et que, dans certaines circonstances, des propos exagrs peuventtre tenus, mais il doit aussi se demander si le citoyen ordinaire voit diminuerlestime quil porte la victime. En consquence, bien quil sagisse dune normeobjective dans les deux cas, il est prfrable de conserver deux vocablesdistincts personne raisonnable et citoyen ordinaire parce quilscorrespondent des concepts visant deux situations distinctes : lvaluation du comportement et lvaluation de leffet de ce comportement du point de vue de lasocit. Les questions poses aux deux tapes sont diffrentes.

    []

    [40] La personne raisonnable agit de manire normalement avise etdiligente. Soucieuse dautrui, elle prend les prcautions ncessaires pour viterde leur causer des prjudices raisonnablement prvisibles (Ouellet c. Cloutier,[1947] R.C.S. 521, p. 526). Elle respecte les droits fondamentaux en ce sens,elle ne peut faire abstraction des protections tablies par les chartes. Parce

    quelle partage des normes conformes aux valeurs protges par les chartes,elle prend garde de ne pas causer datteintes aux droits dautrui.

    (Le Tribunal souligne)

    [37] Le juge charg de lvaluation de la faute doit imposer lauteur des propos lecomportement quune personne raisonnable aurait eu dans les circonstances. En laprsente instance, il sagit dvaluer si une personne raisonnable, savoir une

    journaliste raisonnable, aurait crit et publi les propos reprochs dans lArticle.

    [38] Par la suite, le Tribunal doit valuer non seulement le comportement desdfenderesses et surtout celui de madame Durocher, mais galement leffet de cecomportement du point de vue de la socit16, dun citoyen ordinaire.

    [39] La convention collective du Journal de Montral aux articles larticle 7.02 et7.03 a) dit ceci :

    7.02 Les parties considrent essentiel dassurer et de prserver leurindpendance et sassureront que les informations et commentaires publissoient exempts de pressions internes ou externes et ne soient pas influencs parces dernires.

    Dans la rdaction et le choix des informations, aucun fait ne sera exagr ouintentionnellement omis dans lintrt dune personne, dun groupe ou duneinstitution.

    7.03 LEmployeur et le Syndicat conviennent que linformation publie dans leJournal de Montral et dans tous ses cahiers et supplments dinformation doittre soumis aux rgles suivantes :

    16 Id.

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    a) 1) tout journaliste collectera les nouvelles, rendra compte des faits et, sison mandat lui permet, les commentera dans le respect de la vrit;

    2) linformation doit tre conforme aux faits et de nature ne pas tromper

    le public. Elle doit tre exacte et complte, cest--dire que nonseulement elle doit tre conforme aux faits, mais encore doit-ellecomprendre autant que possible tous les lments essentiels de cesfaits. Elle doit tre respectueuse du droit des personnes leur vie priveet du droit des institutions et des personnes leur rputation, sansprjudice une information libre et la plus complte possible sur toutequestion dintrt public. Elle doit tre libre de toute contrainte extrieure.Elle doit tre ouverte au droit du public dexprimer son opinion sur lessujets dintrts public. Elle doit tre indpendante de la publicit. Dansle cadre de ce qui prcde, les parties conviennent toutefois que lerreurcommise de bonne foi nentrane aucune sanction, moins dengligence.

    (Le Tribunal souligne)

    [40] Dans le Guide de dontologie des journalistes du Qubec produit par laFdration professionnelle des journalistes du Qubec, 1996 et 2010, deuxparagraphes sont dintrt :

    3 (a)Vracit des faits

    Les journalistes ont lobligation de sassurer de la vracit des faits quilsrapportent au terme dun rigoureux travail de collecte et de vrification desinformations. Ils doivent corriger leurs erreurs avec diligence et de faon

    approprie au tort caus.

    9.Conflits dintrts

    Les journalistes doivent viter les situations de conflits dintrts et dapparencede conflits dintrts[]

    Il y a conflit dintrts lorsque les journalistes, par divers contrats, faveurs etengagements personnels, servent ou peuvent sembler servir des intrtsparticuliers, les leurs ou ceux dautres individus, groupes, syndicats, entreprises,partis politiques, etc. plutt que ceux de leur public. Le choix des informationsrendues publiques par les journalistes doit tre guid par le seul principe de

    lintrt public. Le choix des informations rendues publiques par les journalistesdoit tre guid par le seul principe de lintrt public. [] Les conflits dintrtsfaussent ou semblent fausser ce choix en venant briser lindispensable lien deconfiance entre les journalistes et leur public.

    (Le Tribunal souligne)

    [41] La demanderesse allgue que madame Durocher tait ngligente. De plus, elletait en conflit dintrts parce quelle voulait absolument se dfendre et rpondre

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    larticle de monsieur Cassavi dans La Presse. Son aveuglement la mise dans unesituation de fausse urgence, elle sest empresse publier lArticle ds le lendemain.Elle aurait d tre plus vigilante et prudente, surtout parce quelle tait dans une

    position de conflit dintrts selon la demanderesse.Lintrt dune personne morale

    [42] Les dfenderesses soulvent le manque dintrt lgal de Gesca de poursuivre,et demandent le rejet de la poursuite sur cette base.

    [43] Larticle 165 C.p.c. se lit comme suit :

    Le dfendeur peut opposer lirrecevabilit de la demande et conclure son rejet :

    1. []2. []

    3. Si le demandeur na manifestement pas dintrt;

    4. []

    [44] La demanderesse a, comme toute autre personne, droit au respect de son nomet de sa rputation.

    [45] Les tribunaux qubcois ont dcid maintes reprises quune personne morale

    peut tre victime de diffamation et subir un prjudice moral, et que des dommagesmoraux peuvent tre octroys une personne morale pour compenser un prjudicemoral17.

    [46] Cependant, les dommages moraux octroys des personnes morales sontvalus dune faon diffrente que pour une personne physique et sont normalementplus modestes, souvent entre 10 000 $ et 25 000 $.

    [47] Malgr cette tendance, Gesca demande 75 000 $ en tant que dommagesmoraux cause de la gravit, selon Gesca, des propos dans lArticle.

    17 Sunrise Tradex Corporation c. Tri-Caddi International inc., 2011 QCCA 2064, par. 42 44; GenexCommunications inc. c.Association qubcoise de lindustrie du disque, du spectacle et de la vido,2009 QCCA 2201, par. 84; Fondation qubcoise du cancerc. Patenaude, 2006 QCCA 1554, par. 73 75; Voltec lte c. CJMF FM lte, AZ-50145796, 25 septembre 2002 (C.A.), par, 79, 80; Socit demanutention de mtaux liquides ALSIFEMG lte c. Novelis inc., 2011 QCCS 4927, par. 107-108;GIFRICc. Corporation Sun Media (Journal de Qubec), 2009 QCCS 4148, par. 277 281; Houle c.Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 R.C.S. 122.

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    [48] Les dfenderesses plaident que Gesca na pas dintrt lgal pour poursuivreparce que lArticle vise Cyberpresse (maintenant appele Lapresse.ca), le site Internetde la Presse.

    [49] Le Tribunal nest pas daccord.

    [50] En effet, le nom de Gesca apparat partout lArticle.

    [51] Madame Durocher dit spcifiquement que la demande a t faite pour donner latransmission du dbat des chefs Cyberpresse, le site Internet des journaux deGesca .

    [52] Elle dit que Radio-Canada ngocie au profit de Gesca.

    [53] En effet, dans dautres articles de madame Durocher ainsi que dans lArticle

    Les copains dabord , madame Durocher rfre parfois Gesca et parfois LaPresse. Cest madame Durocher qui rfre Radio-Gesca .

    [54] Oui, Gesca est la compagnie holding pour La Presse et Cyberpresse(Lapresse.ca), mais cest Gesca elle-mme qui est vise par les commentaires de ladfenderesse Durocher. Gesca englobe La Presse et le site Web Cyberpresse.ca(maintenant Lapresse.ca). Cest Gesca qui est lme dirigeante de La Presse etCyberpresse.ca pour madame Durocher et cest cela qui ressort de lArticle.

    [55] Gesca a un intrt juridique suffisant en lespce. Dans le contexte, elle est lapersonne morale approprie pourpoursuivre en diffamation parce que lArticle touche la

    rputation de Gesca elle-mme.[56] Le Tribunal naccueillera donc pas la requte en rejet formule en vertu delarticle 165 (3) C.p.c.

    Les tmoignages

    Tmoignages en demande

    Monsieur ric Trottier

    [57] Le premier tmoin entendu par le Tribunal est monsieur ric Trottier, vice-

    prsident linformation et diteur adjoint de La Presse. Il est intressant de noter quemonsieur Trottier est considr comme un employ de Gesca et est pay par Gesca.

    [58] Monsieur Trottier dit quil tait choqu et fch en lisant lArticle parce quil savaitquece qui a t allgu tait faux.

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    [59] Il savait que ni Gesca ni La Presse navait jamais demand la faveur dobtenir ladiffusion en direct du dbat des chefs et encore moins gratuitement. Il croit que lacrdibilit de Gesca et de La Presse a t attaque.

    [60] Monsieur Trottier explique quen lisant le texte, il tait clair pour lui que madameDurocher infrait quil existait un genre de complot entre Radio-Canada et Gesca et quectait Gesca qui avait fait la demande auprs de Radio-Canada.

    [61] Monsieur Trottier dit quil na pas reu decommentaires ngatifsdu public aprsla publication de lArticle.

    [62] Par contre, plusieurs journalistes de La Presse lont questionn pour savoir si lesfaits rapports dans lArticle taient vrais.

    [63] Monsieur Trottier explique quil avait tout de suite fait des vrifications auprs

    des hauts dirigeants de La Presse ainsi que des chefs de division, incluant le directeur Ottawa.

    [64] Toutes les personnes consultes ont confirm quaucune demande na t faitepar Gesca ou La Presse Radio-Canada cet effet.

    [65] Par la suite, il a fait des vrifications auprs des directeurs principaux delinformation de Radio-Canada. Il a parl, entre autres, messieurs Alain Saulnier etPierre Tourangeau, galement tmoins.

    [66] Toutes les personnes quil a consultes Radio-Canada lui ont confirm quelles

    nont jamais fait de demande au consortium pour donner le droit de transmission dudbat des chefs Cyberpresse.

    [67] Monsieur Trottier explique que la rputation de Gesca et de La Presse estfonde sur sa crdibilit, intgrit, honneur et indpendance.

    [68] Monsieur Trottier confirme quil y a une bonne relation et une collaborationponctuelle entre Gesa et Radio-Canada. Il explique davantage que La Presse et Gescaont des ententes avec tous les autres mdias Montral pour collaborer diffrentesmissions, programmes, vnements, ou produits.

    [69] Il tmoigne sur la fameuse entente secrte .

    [70] Il explique quil y avait une entente entre Radio-Canada et La Presse18(l Entente ) compter de novembre 2000, pour unir les efforts de La Presse et de laRadio et la Tlvision franaise de Radio-Canada de faon crer des synergies et augmenter, par une action complmentaire, leur impact dans lenvironnementmdiatique actuel. Cette collaboration visait la promotion croise et lInternet.

    18 Pice D-1.

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    [71] Cette Entente a commenc le 1er novembre 2000 pour une dure illimite etchaque partie avait le droit de mettre fin lEntente en donnant lau tre partie unpravis crit de 30 jours cet effet19.

    [72] Le paragraphe 12 de lEntente spcifie que lEntente pourra stendre toutecompagnie ou entit appartenant au Groupe Gesca Lte, ses principales affilies ousocits lies, avec lapprobation pralable des deux parties.

    [73] Un communiqu de presse conjoint a t mis par Radio-Canada et La Pressele 19 janvier 200120pour confirmer quils ont convenu dunir leurs efforts dans certainsdomaines de leurs activits respectives, principalement lInternet, les vnementsspciaux et la promotion, de manire profiter des synergies manant de leur actioncomplmentaire.

    [74] Monsieur Trottier explique que lEntente a pris fin en octobre 2003.

    [75] En effet, monsieur Andr Beaudet, responsable des communications Radio-Canada, a envoy un courriel dautres employs de Radio-Canada, confirmant la finde lEntente, mais disant que La Presse et Radio-Canada ont dcid de ne pasannoncer officiellement et publiquement la fin de lEntente, tant donn que cetteEntente ne comportait aucune chance prcise et parce que des collaborationsponctuelles pour diffrents vnements ou produits conjoints sont devenues la norme,par exemple, Les Confrences, le Gala et autres21.

    [76] Aucun tmoin ne pouvait tablir une date exacte de la fin de lEntente, mais leTribunal a suffisamment de preuve pour accepter qu la fin octobre 2003, lEntente

    ntait plus en vigueur.

    [77] Monsieur Trottier explique qutant donn que Radio-Canada est le plus grandtldiffuseur au Qubec, il y a plusieurs ententes ponctuelles avec Radio-Canadatoutes les annes.

    [78] Le tmoin explique que La Presse/Gesca a aussi des ententes avec Tl-Radio,Canal Vie, Astral, Cogeco, RDS, Canal D et Canal vasion pour la coproduction dediffrents vnements ou produits.

    Monsieur Troy Reeb

    [79] Monsieur Troy Reeb, le Senior Vice President News and Station Operations forGlobal News / Shaw Media a tmoign par visioconfrence.

    19 Article 4 de la pice D-1.20 Pice D-2.21 Pice D-21.

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    [80] Monsieur Reeb tait le prsident du consortium des mdias de tlvision lpoque en question.

    [81] Il explique que le consortium est une organisation ou association ad hoc dungroupe de mdias qui ont dcid de se runir et partager ensemble les cots de lacouverture tlvise des dbats des chefs lors des lections fdrales et que cela taitencore le cas en 2011.

    [82] Les membres du consortium taient Global, CTV, Radio-Canada, CBC et TVA.

    [83] Pour discuter de la couverture du dbat des chefs lors des lections en 2011, lesmembres se sont runis cinq reprises, Ottawa ou Toronto, et une dizaine de fois pardes confrences tlphoniques.

    [84] Monsieur Reeb a assist toutes les runions.

    [85] Les runions se droulaient exclusivement en anglais.

    [86] Monsieur Reeb explique quil a reu lArticle par lentremise de monsieur MarcoDub qui oeuvrait en communication Radio-Canada.

    [87] Aprs avoir reu une traduction de lArticle, il a dit quil tait daccord avecmonsieur Dub, savoir que lArticle tait faux et quil fallait envoyer une rponse.

    [88] Il explique que mme les filiales des membres du consortium, incluant leurs sitesWeb, navaient pas le droit de tldiffuser les dbats en direct sans tre approuvs etsans payer pour ce droit.

    [89] Monsieur Reeb a immdiatement demand son assistant, monsieur BarryWilson, denvoyer une lettre aux rdacteurs du Journal de Montral, niant les allgations dans lArticle. La rponse de monsieur Reeb est envoye le 17 juin 2011 parmonsieur Barry Wilson monsieur Dany Doucet, le rdacteur du Journal de Montral 22.

    [90] Monsieur Reeb explique, par contre, quil na retrac aucune copie son bureauet que monsieur Wilson avait quitt son emploi un an avant la date du procs. Il a reuune copie de sa rponse du procureur de Shaw Media le 13 janvier 2013, grce leurdpartement IT, qui a russi la retracer dans leurs archives.

    [91] Une lettre du procureur de Shaw Media envoye La Presse Lte et Gesca Lteen date du 15 janvier 2013 a confirm que monsieur Wilson avait envoy la rponse demonsieur Reeb par courriel monsieur Doucet 16 h 46 le 17 juin 2011 23.

    22 Pice P-13, texte dj cit au complet dans le prsent jugement.23 Pice P-13, partie 2.

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    [92] Monsieur Reeb confirme que les allgations publies dans le Journal deMontral par la chroniqueuse Sophie Durocher ne sont aucunement fondes etquaucun reprsentant de Radio-Canada na jamais cherch obtenir laccs la

    transmission des dbats des chefs ou offrir quelque autre traitement de faveur Cyberpresse ou quelque autre mdia.

    [93] Monsieur Reeb confirme que pour la part de Gesca et La Presse, ctaitnormalement monsieur Saulnier ou monsieur Tourangeau qui tait prsent auxrunions du consortium et souvent les deux.

    [94] Il confirme galement que de temps en temps, il y avait des discussions enfranais entre les membres francophones.

    Monsieur Alain Saulnier

    [95] Monsieur Alain Saulnier tait le directeur gnral de linformation (service intgrde Radio-Canada) de 2006 mars 2012.

    [96] Il tait lemploi de Radio-Canada dune faon ou dune autre compter de1982. Il enseigne actuellement le journalisme lUniversit de Montral.

    [97] Cest monsieur Saulnier qui tait mandat pour reprsenter Radio-Canada auconsortium de 2006 jusquen 2011-2012.

    [98] Il explique que lobjectif du consortium est de rentabiliser les oprations et ladiffusion des dbats. Le consortium fixe les grilles tarifaires pour la vente des droits de

    tldiffusion. Les grilles tarifaires tablissent les prix payer par les tiers non membresdu consortium. Il faut approuver chaque tiers et le prix payer selon la grille tarifaireapplicable.

    [99] Il tait accompagn au consortium de monsieur Pierre Tourangeau, qui taitresponsable des nouvelles et collection dinformation.

    [100] Le dbat des chefs a eu lieu le 12 avril 2011 et la dernire entente pour le dbatet le format du dbat a t finalise le 1er avril 2011, lors dune runion partlconfrence.

    [101] Cest lors de cette runion que la demande par Radio-Canada pour la part de

    Gesca (Cyberpresse) a supposment t faite.

    [102] Monsieur Saulnier confirme quil avait assist toutes les runions et quil taitdonc prsent la runion du 1eravril avec monsieur Tourangeau.

    [103] Monsieur Saulnier explique qu lpoque de mars/avril 2011, le site InternetCyberpresse.ca est devenu le plus gros comptiteur du site Internet Radio-Canada.ca.

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    [104] Selon lui, lArticle tait faux pour plusieurs raisons. Il explique que ctaittotalement contre la politique et philosophie de Radio-Canada de donner des avantagesde ce genre des concurrents avec qui ils taient en comptition froce.

    [105] Il dit que lArticle la agac galement parce quil tait prsent au consortium etque ce nest pas du tout ce qui sest pass.

    [106] Il explique que si une demande avait t faite, comme allgu lArticle, cestmonsieur Saulnier, le reprsentant officiel au consortium pour Radio-Canada, qui auraitfait cette demande. Il affirme au Tribunal quil ne la jamais fait.

    [107] Questionn concernant le message laiss par madame Durocher le 16 juin 2011,lui demandant de la rappeler, il explique que sa politique est de rediriger des

    journalistes au service de communication Radio-Canada, savoir monsieur MarcPichette.

    [108] Le tmoignage de monsieur Saulnier est confirm par un change de courrielsentre diffrents dirigeants de Radio-Canada le 27 avril 201124.

    [109] Cet change confirme que Radio-Canada sopposait vhmentement ce queCyberpresse puisse avoir accs la webdiffusion du dbat des chefs parce quelle estla principale concurrente de Radio-Canada.

    [110] Il serait donc encore plus illogique de donner Cyberpresse.ca le droit detldiffuser le dbat gratuitement.

    Monsieur Pierre Tourangeau[111] Monsieur Pierre Tourangeau, occupe actuellement leposte dOmbudsman desservices franais de Radio-Canada, et ce, depuis novembre 2011. Avant cette date, iltait le premier directeur des nouvelles et actualits du service dinformation Radio-Canada.

    [112] Il confirme que les deux reprsentants au consortium pour Radio-Canada taientmonsieur Saulnier et lui-mme.

    [113] Essentiellement, il confirme le tmoignage de monsieur Saulnier. Il dit quil apeut-tre manqu une runion du consortium vers la fin.

    [114] Il explique que lorganisation et la tldiffusion du dbat des chefs cote cher,quil fallait obtenir des partenaires pour rduire les cots, la raison dtre au consortium.La faon de partager encore plus les dpenses tait de vendre les droits detldiffusion dautres mdias aux prix tablis selon la grille tarifaire.

    24 Pice P-7.

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    [115] Cest monsieur Reeb qui obtenait les demandes et aprs consultation avec lesmembres du consortium, la dcision tait prise soit daccepter ou de refuser.

    [116] Il explique que monsieur Saulnier et lui-mme ont spcifiquement dit auxmembres du consortium quils ne voulaient pas vendre le droit de tldiffuser le dbatdes chefs Cyberpresse parce que Cyberpresse tait leur principal concurrent.

    [117] Lorsquil a lu lArticle de la dfenderesse Durocher, le matin du 17 juin, il na past trs surpris parce que cela faisait partie des commentaires habituels de madameDurocher et du Journal de Montral concernant les relations entre Radio-Canada etGesca.

    [118] Par contre, il tait surpris et fch parce que lallgation concernant la diffusiondu dbat tait totalement fausse. Il affirme, lui aussi, que Radio-Canada n a jamaisdemand, qui que ce soit au consortium, pour vendre le droit de tldiffuser le dbat

    Cyberpresse et encore moins donner ces droits Cyberpresse gratuitement.

    [119] Il confirme que monsieur Trottier tait trs fch aprs avoir lu larticle.

    [120] Finalement, il dit quil ne se souvient pasdavoir reu lappel de la dfenderesseDurocher, mais que la politique habituelle linterne chez Radio-Canada est de rfrerce genre dappel, par des journalistes, au service de relation publique de Radio -Canada.

    Monsieur Marc Pichette

    [121] Monsieur Marc Pichette, est directeur des relations publiques de la promotion etdu partenariat Radio-Canada.

    [122] Il confirme avoir reu une copie de la rponse officielle du prsident duconsortium, monsieur Reeb, envoye au Journal de Montral le 17 juin 201125, de soncollgue monsieur Marco Dub vers 16 h 46, vendredi le 17 juin 2011.

    Rsultats des tmoignages en demande

    [123] Les tmoins ont tmoign dune faon franche, ouverte et crdible. Lorsquils nese souvenaient pas des faits ou ne se rappelaient pas des dates exactes, ils le disaient.Le Tribunal na aucune hsitation accepter ces tmoignages comme vridiques.

    [124] Selon une preuve prpondrante, le Tribunal conclut que personne de Radio-Canada navait demand au consortium ce que Gesca/La Presse/Cyberpresse.capuisse avoir le droit de tldiffuser sur leur site Web le dbat des chefs.

    25 Pice P-15.

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    [125] Le consortium a t cr pour partager les cots normes de la prparation et latldiffusion des dbats des chefs avant les lections.

    [126] Il serait donc illogique de penser quun des partenaires aurait voulu offrir le droitde tldiffuser ces dbats un comptiteur.

    [127] Il serait encore plus illogique de penser quun des membres du consortium auraitvoulu donner quelque droit que ce soit gratuitement un autre mdia et surtout leurcomptiteur principal.

    [128] Le Tribunal conclut galement que Gesca na pas demand Radio -Canadadintervenir auprs du consortium pour obtenir cette faveur.

    Tmoignages en dfense

    Monsieur Dany Doucet

    [129] Le premier tmoin entendu par le Tribunal en dfense tait monsieur DanyDoucet, le rdacteur en chef du Journal et Montral et vice-prsident de linformation deSun Media / Quebecor.

    [130] Monsieur Doucet a tmoign uniquement sur le fait quil na jamais reu lecourriel de monsieur Reeb du 17 juin 201126.

    [131] La preuve a rvl que ladresse courriel utilise par monsieur Barry Wilson pourenvoyer la rponse officielle de monsieur Reeb larticle de madame Durocher est uneadresse courriel que monsieur Doucet nutilisait pas etqui na pas t publie commeladresse courriel officielle de monsieur Doucet.

    [132] Par contre, la preuve a aussi rvl que cette adresse courriel fonctionne.

    [133] Le Tribunal ne peut que conclure que monsieur Doucet na pas vu la rponse demonsieur Reeb parce quil nutilisait pas cette adresse courriel.

    [134] Cependant, tout ce dbat, savoir est-ce que oui ou non, il a reu le courriel, estnon pertinent pour les fins du prsent litige et na pas dimpact sur la question que leTribunal doit trancher.

    Monsieur Marc Gilbert

    [135] Un tmoin important pour les dfenderesses tait monsieur Marc Gilbert.Monsieur Marc Gilbert est journaliste depuis 40 ans. La plupart du temps, il travaillait Radio-Canada. Il tait directeur de service dinformation Radio-Canada avant dequitter. Il travaille depuis six ans TVA.

    26 Pices P-13, P-15 et D-24 la deuxime page.

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    [136] Monsieur Gilbert confirme avoir assist quatre ou cinq dbats des chefs, au fildes annes, titre de producteur Radio-Canada ou TVA.

    [137] En 2011, il est devenu le reprsentant de TVA au consortium, et ce, aprs lapremire runion. Il confirme quil y avait une confrence tlphonique du consortium le1eravril 2011.

    [138] Monsieur Gilbert avait gard des notes de onze lignes trs laconiques, crites la main, de la confrence tlphonique tenue le 1eravril 201127.

    [139] Il se rfre la cinquime ligne o il a marqu : Web durant le dbat . Selonmonsieur Gilbert cela voulait dire que quelquun de Radio-Canada avait pos laquestion : Est-ce que cest possible de donner Cyberpresse.ca la diffusion desdbats? Selon lui, ctait soit monsieur Saulnier ou monsieur Tourangeau oumonsieur Woods, le ralisateur de Radio-Canada et producteur des dbats en franais.

    Il ne se souvient pas qui, parmi ces trois personnes, avait fait la demande, mais ilpensait que ctait peut-tre Pierre Tourangeau.

    [140] Il se rappelle que la question tait pose en anglais de la faon suivante: Canwe give that program to La Presse on their Web Site? Il dit que monsieur MarkBulguch de CBC Toronto (la mme entit que Radio-Canada), a rpondu: No. Weonly give the diffusion to members. Monsieur Gilbert se dit avoir t surpris parceque cela na jamais t discut avant et que cela aurait t un problme pour TVA quiavait galement un site Web, qui navait pas le droit de di ffuser.

    [141] Monsieur Gilbert dit avoir t surpris dentendre cette demande parce quil savait

    que La Presse tait un comptiteur de Radio-Canada.

    [142] Monsieur Gilbert explique qu la fin de la confrence tlphonique, il est all voirdeux rdacteurs en chef de TVA, messieurs Serge Fortin et Paul Larocque ainsi quedeux ou trois autres personnes et quil a pass en revue les points soulevs lors de laconfrence tlphonique.

    [143] Il leur a mentionn la demande de Radio-Canada de permettre au rseau Webde La Presse de diffuser le dbat des chefs.

    [144] Lors de son contre-interrogatoire, monsieur Gilbert ne se souvenait pas desdiscussions concernant les tarifs parce quil ntait pas prsent toutes les runions,mais il tait toutes les runions lorsque cela visait TVA.

    [145] En regardant les notes prises par monsieur Gilbert lors de ces runions, lesseules notes avec une date en haut de la page, taient celles du 1eravril 2011.

    27 Pice D-26.

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    [146] Malgr le fait quil a t surpris lorsquila entendu la demande de Radio-Canada,il ncrit que : Web durant le dbat . Il crit la note en franais mme si la question at pose en anglais. De surcrot, les autres dix lignes de ses notes taient en anglais,

    chose un peu curieuse. Il ne mentionne pas Radio-Canada ni La Presse niCyberpresse.

    [147] Mme si monsieur Gilbert a rpt les paroles, selon lui, de Radio-Canada : Can we give that program to La Presse on this Web Site? , il explique au Tribunalquil na jamais dit messieurs Serge Fortin et Paul Larocque ou aux autres personnesde TVA prsentes, que Radio-Canada voulait dire donner gratuitement.

    [148] Monsieur Gilbert raconte que monsieur Fortin a ragi vivement et qu lpoque,monsieur Fortin dtestait La Presse. Il explique quil y avait beaucoup danimosit entremonsieur Serge Fortin et La Presse cause dune poursuite entre TVA et La Presse.

    [149] Le souvenir de monsieur Gilbert concernant la tlconfrence tait que monsieurReeb na pas ragi la demande, mais que la seule personne qui a rpondu laquestion ctait Mark Bulguch de CBC.

    [150] Finalement, monsieur Gilbert, toujours en contre-interrogatoire, rpond quil estpossible que la discussion concernant le droit de Cyberpresse de tldiffuser lesdbats, aurait pu avoir lieu quand le prsident monsieur Reeb sest absent pourquelques minutes ou durant une pause lors des discussions informelles parmi lesmembres du consortium. Il ne se souvient pas qui a pos la question et qui a rpondu,mais il dit que a venait de Radio-Canada. Par contre, il ne se souvient pas si ctaitvraiment une demande ou tout simplement une question dinformation.

    [151] Il dit avoir parl madame Durocher uniquement aprs la parution de sonArticle. Il se rappelle avoir dit madame Durocher que ce quelle avait crit ctaitcorrect.

    [152] Il confirme que madame Durocher lui a laiss un message le 16 juin, mais quillavait rappele le 17 juin aprs la parution de lArticle.

    [153] Monsieur Gilbert ne se souvient pas si madame Durocher lui a dit, dans sonmessage, quil fallait la rappeler parce que ctait urgent.

    [154] Madame Durocher ne lui a pas divulgu les sources des informations publiesdans son Article.

    [155] Finalement, il confirme, en contre-interrogatoire, que possiblement la question at pose durant une pause et que la discussion a dur un maximum de 15 20secondes.

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    [156] Malgr le fait que monsieur Gilbert avait dit madame Durocher Pour moi toutest correct , il a confirm, en contre-interrogatoire, quil y avait des lments faux danslArticle.

    [157] Ctait faux que les trois autres rseaux membres du consortium TVA, Glob al, etCTV ont refus la demande de Radio-Canada. Selon le tmoignage de monsieurGilbert, cest uniquement monsieur Mark Bulguch de CBC qui avait rpondu.

    [158] Contrairement ce que madame Durocher a crit dans son Article, monsieurGilbert a confirm que Radio-Canada na pas ngoci pour la part de Gesca ouCyberpresse. Il a dit que le mot ngocier tait incorrect, imprcis et tendancieux. Ilny navait quune simple question de Radio-Canada et une simple rponse de CBCToronto.

    Tmoignage de la dfenderesse Sophie Durocher

    [159] Madame Durocher possde 25 ans dexprience dans le monde des mdias qubcois. Elle a dbut sa carrire La Presse et avait travaill galement pourRadio-Canada.

    [160] Elle crit sa chronique dopinion culture et mdias tous les lundi s, mercredis etvendredis dans le Journal de Montral et de Qubec.

    [161] Madame Durocher explique quelle tait au courant de lEntente entre Gesca etRadio-Canada, mais quelle a appris le contenu de lEntente uniquement en avril 2008,lorsque le journaliste Patrick Bourgeois a obtenu une copie de lEntente en vertu de la

    Loi sur laccs linformation et a publi le texte sur le Web.[162] Elle a expliqu que cet aspect est important pour elle et quelle avait critplusieurs articles concernant les relations entre Gesca et Radio-Canada.

    [163] Cest dans son article du 7 mai 2010 intitul Ici Radio-Gesca 28quelle utilisepour la premire fois le sobriquet Radio-Gesca .

    [164] Madame Durocher explique avoir invent cette expression cause de la grandeprsence des journalistes de La Presse sur diffrentes missions Radio-Canada.

    [165] Selon elle, il y a une omniprsence de journalistes de Gesca sur les missions

    de Radio-Canada et elle est proccupe par ce fait.

    [166] Madame Durocher raconte quaprs avoir, selon elle, lanc une petite bombe en parlant de Radio-Gesca , elle a eu des reproches par certains journalistes quilont critique en disant quelle tait en conflit dintrts mme si elle est pigiste, sonclient principal est Quebecor.

    28 Pice D-8.

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    [167] Madame Durocher rpond que la relation entre Gesca et Radio-Canada estincestueuse et son devoir comme journaliste est dinformer le public qui a droit linformation, donc que cest dintrt public.

    [168] Elle est fire de ses articles et de cette expression Radio-Gesca etmentionne dans quelques-uns de ses articles que cest elle qui avait invent cetteexpression.

    [169] Madame Durocher tmoigne quelle a bien lu larticle de Marc Cassivi LaPresse publi le 16 juin 201129.

    [170] Elle explique que selon elle, plusieurs commentaires crits par monsieur Cassividans cet article taient faux. Elle prtend quil est faux de dire que lEntente a trendue publique en 2001 parce que le contenu de lEntente au complet na jamais tpubli cette poque.

    [171] Elle prtend quelle ne savait pas que lEntente ntait plus en vigueur depuis2003 parce que cela na jamais t confirm formellement ou officiellement.

    [172] Elle allgue que les commentaires de monsieur Cassivi, leffet quun tiers deses sujets de chronique traite de Radio-Gesca et des relations troites entre Radio-Canada et Gesca ne sont pas exacts.

    [173] Elle dit que monsieur Cassivi ne lavait pas croise rcemment lmission deChristiane Charette.

    [174] Elle soppose au dernier paragraphe de larticle dans lequel il dit que : Taperavec une insistance maladive sur le mme clou pendant un an, est-ce faire preuve dunpoint de vue diversifi?

    [175] Elle explique quelle voulait remettre les pendules lheure , donc, elle acontact ses sources pour crire une rponse larticle de monsieur Cassivi.

    [176] Cependant, elle admet quelle avait linformation concernant la supposedemande de Radio-Canada au consortium pour la part de Gesca au moins depuisquelques semaines, que ses sources lui ont communiqu cette information.

    [177] Elle explique quelle parle de sources au pluriel pour protger sa ou ses sources.

    [178] Chose certaine, ce nest pas monsieur Marc Gilbert, selon le tmoignage mmede monsieur Gilbert.

    [179] Elle explique les dmarches journalistiquesquelle avait faites, comme suit.

    29 Pice D-13.

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    [180] Dabord, le 16 juin 2011, elle contacteses sources dinformation et ensuite, elleappelle aux bureaux de monsieur Pierre Tourangeau et monsieur Alain Saulnier Radio-Canada. Elle parle leurs secrtaires.

    [181] Elle explique au Tribunal quelle avait inform leurs secrtaires quelle taitjournaliste chroniqueuse au Journal de Montral, quelle allait crire un texte sur leconsortium et que ctait urgent de parler avec lun ou lautre parce quelle allait publierle lendemain.

    [182] Elle explique que tt le matin, la secrtaire de monsieur Tourangeau lappellepour lui dire que monsieur Tourangeau na pas de commentaire et quil la rfre monsieur Saulnier.

    [183] Elle explique que monsieur Saulnier na la jamais rappele.

    [184] Elle a donc crit son texte et elle a communiqu, encore une fois, avec sessources pour confirmer si le texte tait correct et elle envoie le texte madame Coud-Lord, son vis--visau Journal de Montral.

    [185] 5 h 40 le matin du 17 juin, la troisime version est envoye. Le texte estapprouv par son superviseur.

    [186] Son Article est publi et diffus par les autres dfenderesses.

    [187] En dfendant son Article, elle dit ne pas avoir crit que Radio-Canada avait faitla demande linstigation de Gesca , tel quil est allgu dans les procdures de

    Gesca.[188] De plus, elle dit que le mot gratuitement nappert pas dans son texte, tel quilest allgu dans les procdures de Gesca.

    [189] Elle soppose galement au terme acharnement utilis contre elle dans lamise en demeure envoye aux dfenderesses. Elle explique quelle fait un travail

    journalistique rigoureux et quelle crit dans lintrt public, mais a ne veut pas direquelle dmontre de lacharnement.

    [190] Son seul souci est le droit du public linformation.

    [191] Selon madame Durocher, le seul but des prsentes procdures cest pour lafaire taire, que Gesca veut quelle cesse dcrire concernant Radio-Canada et Gesca.

    [192] Elle prtend que la requte introductive dinstance est abusive et quelle a tbranle autant par la mise en demeure que par laction intente contre elle et lesautres dfenderesses.

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    [193] Elle explique comment elle se sentait quand elle a lu lchange de courriels entremessieurs ric Trottier et Mario Girard de La Presse, dans lesquels monsieur Girardutilise certains propos insultants son gard et parle de la poursuivre 30.

    [194] Il faut noter que ces courriels ont t reus par la dfenderesse suite auxengagements pris lors de linterrogatoire de monsieur ric Trottier aprs dfense, et lespropos taient changs entre collgues et non pour tre diffuss en public.

    [195] La raction de madame Durocher tait tout fait naturelle, comme dailleurs laraction de monsieur Girard aprs avoir lu lArticle.

    [196] Madame Durocher dit quelle ne se laissera pas influencer par la peur oulintimidation et quelle continuera faire son travail de faon rigoureuse.

    [197] En contre-interrogatoire, madame Durocher confirme quelle nest pas membre

    de la Fdration professionnelle des journalistes du Qubec, qui est un organisme ouun regroupement de journalistes sur une base volontaire.

    [198] Par contre, madame Durocher explique quelle a dj vu le Guide de dontologiedes journalistes du Qubec31.

    [199] Elle confirme que les journalistes ont lobligation de sassurer de la vracit desfaits quils rapportent au terme dun rigoureux travail de collecte et de vrification desinformations.

    [200] Madame Durocher confirme quviter des conflits dintrts32 est galement une

    norme applicable aux journalistes.[201] Aprs avoir dit ceci, madame Durocher explique que cest ironique mais ellenest pas membre de la Fdration des journalistes du Qubec parce quelle estime quela Fdration est elle-mme en conflit parce que deux des principaux commanditairesde la Fdration sont Gesca et Radio-Canada.

    [202] Elle explique que Quebecor nest pas un commanditaire et que Quebecor neparticipe pas, non plus, au Conseil de La Presse.

    [203] Madame Durocher, en contre-interrogatoire toujours, explique quelle na pasparl ni mme appel monsieur Reeb, le prsident du consortium, avant dcrire et de

    publier son article.

    30 Pice D-18, onglet 3.31 Pice P-19.32 Voir larticle 9 du Guide de dontologie des journalistes du Qubec, dj cit dans ce jugement.

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    [204] Madame Durocher confirme quelle reoit ses chques de paie de Sun Medialorsquelle travaille pour le Journal de Montral et que la majorit de ses clients pour quielle crit appartient Quebecor.

    [205] Quebecor est le concurrent principal de Gesca, et elle tait au courant de ce faitlorsquelle a crit son Article.

    [206] Questionne sur son insistance de continuer parler dune Entente secrte ,madame Durocher rpond que cest parce que mme si Gesca nie lexistence, il y a desapparences, selon elle, dune entente toujours existante et quil ny a aucu ne preuveque lEntente a pris fin, toujours selon elle.

    [207] En effet, malgr une mise en demeure envoye au Journal de Montral, le 11avril 200833, dans un autre contexte, par les procureurs de La Presse Lte qui confirmeque lEntente a pris fin en 2003, madame Durocher croit quil y a toujours une entente

    quelconque parce que personne ne connat lampleur de chaque entente ponctuelleentre Radio-Canada, un diffuseur publique et Gesca, une entreprise prive.

    [208] Par contre, madame Durocher confirme quelle na jamais essay dobtenir, envertu de la Loi sur laccs linformation, copie de quelque entente que ce soit entreGesca / La Presse et Radio-Canada.

    [209] Elle insiste sur le fait quelle na pas rpondu aux attaques personnelles, contreelle, de larticle de Marc Cassivi le 16 juin 2011.

    [210] Par contre, le Tribunal note quelle a travaill toute la journe du 16 juin pour

    crire et publier une rponse avec des faits quelle connaissait depuis quelquessemaines.

    [211] Malgr linsistance de madame Durocher leffet quelle na pas rpondu larticle de monsieur Cassivi pour se dfendre et pour corriger des commentaires quellea catgoriss comme tant faux, le Tribunal croit que cest effectivement le dsir de sedfendre qui a guid et pouss madame Durocher, la journe du 16 et le matin du 17

    juin 2011. Elle avait perdu son objectivit.

    [212] Parce que madame Durocher voulait tout prix rpondre monsieur Cassivi lelendemain, elle na pas fait les vrifications rigoureuses ncessaires pour confirmer lesfaits. Elle na pas jug bon dattendre avant de publier.

    [213] Elle na pas parl avec monsieur Gilbert.

    [214] Elle na appel personne La Presse ou Gesca.

    [215] Elle na pas parl monsieur Tourangeau ni monsieur Saulnier.

    33 Pice D-5.

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    [216] Elle na pas essay dappeler quelquun dautre Radio-Canada qui auraitten position de lui confirmer la vrit.

    [217] Elle na pas appel monsieur Reeb ou un autre membre du consortium.

    [218] Elle na pas confirm avec une seule personne qui tait prsente lors de larunion du consortium le 1eravril 2011.

    [219] Madame Durocher a pris le risque de publier son article sans parler personnechez Gesca ni Radio-Canada et sans parler monsieur Gilbert qui aurait pu, au moins,corriger certains aspects importants de son article.

    [220] Madame Durocher savait ou aurait d savoir que ctait un risquederreur troplev. Elle na pas respect les normes journalistiques quelle a confirmes elle-mme.

    [221] Elle navait pas une preuve flagrante que les faits quelle voulait rapportertaient vridiques. Elle na pas fait la vrification rigoureuse ncessaire quun journalisteraisonnable et prudent doit faire avant de publier.

    [222] Les dfenderesses argumentent que la Cour na pas de connaissance judiciairedes normes journalistiques applicables la dtermination du comportement raisonnablerequis par larticle 1457 C.c.Q. et aucune preuve par un expert dans le domaine na tproduite. Cependant, les dfenderesses, elles-mmes, prtendent que les normes

    journalistiques usuelles ont t respectes par madame Durocher avant la publicationde lArticle, sans produire aucune preuve par un expert cet effet.

    [223] la lecture des jugements dans le domaine de diffamation journalistique, il estvident que les journalistes sont tenus accomplir leur devoir avec la rigueur dunjournaliste raisonnable.

    [224] Madame Durocher a confirm, elle-mme, les normes journalistiquesimportantes suivre. Elle avait cru important dessayer dobtenir de la corroboration despropos de monsieur Gilbert rapports par un tiers. Elle savait quun journaliste prudentavait besoin dune corroboration.

    [225] Il ny avait aucune urgence pour publier lArticle le lendemain.

    [226] Malheureusement, madame Durocher na pas eu la patience dattendre au

    lendemain pour essayer de parler avec quelquun de Radio-Canada. Elle na pas parl monsieur Gilbert. Elle na pas essay dappeler quelquun La Presse ou Gesca. Ellena jamais appel le prsident du consortium. Elle sest fie du ou-dire, ses sources.

    [227] Le Tribunal peut comprendre les sentiments qui ont pouss madame Durocher revenir lattaque sans dlai, mais un journaliste avec autant dexprience quemadame Durocher aurait d tre plus prudent.

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    [228] En effet, le Tribunal estime que madame Durocher a agi dune faon ngligenteet peut-tre avec une certaine malice ou mpris envers Gesca et La Presse et Radio-Canada.

    [229] Par contre, le Tribunal ne croit pas que madame Durocher tait de mauvaise foi.Elle a cru ce quelle avait crit parce que ses sources lui ont dit et confirm ces faits et elle a cru ses sources.

    [230] Le Tribunal, aprs avoir entendu tous les tmoins et surtout les tmoins faisantpartie de la confrence tlphonique avec les membres du consortium, le 1eravril 2011,a conclu que Radio-Canada na jamais cherch obtenir le droit pour Cyberpresse dediffuser le dbat des chefs et encore moins gratuitement.

    [231] Aucune demande na t faite au consortium afin de permettre Cyberpresse dediffuser le dbat des chefs.

    [232] Forcment, il ny a jamais eu de refus par TVA, Global et CTV.

    [233] Concernant le tmoignage de monsieur Gilbert, le Tribunal croit quil sagit plutt,comme le disait monsieur Gilbert, lui-mme, dune discussion informelle entre lesreprsentants de la mme entit (Radio-Canada et CBC), que monsieur Gilbert a malentendu ou mal interprte.

    [234] Il se peut que la discussion visait le traitement des sites Web des mdias engnral.

    [235] Le Tribunal croit que madame Durocher sest laiss influencer par larticle deMarc Cassivi un tel point quelle a pris le risque de ne pas suivre une conduiteprudente et rflchie.

    [236] Les dfenderesses argumentent que madame Durocher est une chroniqueuse eten tant que chroniqueuse, elle a le droit dexprimer son opinion, mme errone.

    [237] Le Tribunal nest pas daccord.

    Analyse des passages clefs de lArticle

    [238] Quest-ce quun citoyen ordinaire comprendrait, en lisant cet Article?

    [239] Le Tribunal doit se demander si un citoyen ordinaire, qui prend connaissance delArticle au complet, estimerait que les propos tenus par cette dernire, pris dans leurensemble, dconsidrent la rputation de Gesca.

    [240] Tel qutablit par la jurisprudence, les mots doivent sinterprter dans leurcontexte. Il faut apprcier limpression cre par lArticle au complet surtout les deuxsections de lArticle intitul : Les Vases Communicants et Un beau cadeau .

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    [241] Il ressort clairement dune faon non quivoque du tmoignage de tous lestmoins, incluant monsieur Gilbert, que Radio-Canada na pas ngoci au profit deGesca pour obtenir le privilge pour le site Web Cyberpresse.ca de diffuser

    gratuitement le dbat des chefs.[242] De plus, selon une preuve prpondrante, aucune demande na t faite parRadio-Canada (ou un reprsentant de Radio-Canada) au consortium de soutirer ceprivilge de diffuser les dbats des chefs pour la part de Cyberpresse.

    [243] Il ny a eu aucun refus des trois autres rseaux membres du consortium, savoirTVA, Global et CTV.

    [244] Le Tribunal est davis quun lecteur ordinaire comprendra que Radio -Canadaavait demand ce que Cyberpresse, site Internet des journaux de Gesca puisserecevoir le droit de diffuser le dbat des chefs gratuitement. Cest la faon logique de

    comprendre le sens du mot DONNE .

    [245] De surcrot, au premier paragraphe dans la section Les VasesCommunicants , madame Durocher explique que le consortium a tabli une grilletarifaire pour vendre les images du dbat aux autres mdias qui voulaient avoir accs la transmission en direct du dbat. La juxtaposition de vendre avec DONNE na pas t faite sans raison.

    [246] Le Tribunal na aucune hsitation dire que lorsque madame Durocher parledans son Article que Radio-Canada a demand si la transmission du dbat pouvaittre DONNE Cyberpresse , elle voulait dire gratuitement. Autrement, elle ne laurait

    pas crit en majuscule surtout aprs avoir parl que le consortium sorganisait pourvendre laccs au dbat.

    [247] La conclusion logique est quune journaliste chroniqueuse dexprience commemadame Durocher savait trs bien limpression quelle crait en crivant comme ellelavait fait.

    [248] Les autres passages disant que Radio-Canada ngociait au profit de Gesca,comme sil tait porte-parole de Gesca, encouragent un lecteur croire fortprobablement que Gesca avait fait la demande Radio-Canada dagir et de ngocierpour sa part et soutiennent implicitement lide de gratuit.

    [249] Le citoyen ordinaire sera port penser quil y a un complot entre Radio-Canadaet Gesca pour obtenir un avantage gratuitement, avantage quaucun autre mdianavait.

    [250] Limpression que lArticle laisse dans la pense dun citoyen ordinaire cest quil ya quelque chose de louche et dirrgulier, quil y a quelque chose de reprochable dansla conduite de Gesca et Radio-Canada, aprs tout, comme le dit lArticle, Radio-Canada et Gesca couchent dans le mme lit, que leur union est bel et bien

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    consomme , quils sont copains-copains , que Radio-Canada tait prte fairecirculer son contenu entre le consortium et les sites de Gesca, selon le principe de cequi est moi est toi .

    [251] Limage que lArticle aurait pu crer pour le citoyen ordinaire cest que Gesca aun certain contrle sur Radio-Canada pour demander des faveurs ou que Radio-Canada est tellement sous le contrle de Gesca quelle demande des faveurs pourGesca. Cest cela qui ressort de lArticle Les copains dabord. Plus grave encore,cest que larticle donne limpression que Gesca essaie dobtenir des faveurs sanspayer le prix que tous les autres mdias sont obligs de payer.

    [252] Le Tribunal en vient la conclusion que les propos de madame Durocher danslArticle Les copains dabord concernant la diffusion du dbat sont diffamatoires etont port atteinte la rputation de Gesca.

    [253] LArticle entache lintgrit et lindpendance non seulement de Gesca et LaPresse mais galement de Radio-Canada. Lindpendance et lintgrit des journalisteset des mdias sont des valeurs fondamentales en notre socit.

    [254] Madame Durocher a commis une faute en nagissant pas comme une journalisteprudente et exprimente34.

    [255] Les dfenderesses soumettent que les propos de madame Durocher ne sont pasdiffamatoires parce que des faits relats illustrent la thse soutenue par madameDurocher de lexistence dune relation troite entre Gesca et Radio-Canada.

    [256] Cependant, la question en litige nest pas de savoir si une bonne relation ou unerelation troite de collaboration existe entre Gesca et Radio-Canada.

    [257] Les dfenderesses soutiennent que Sun Media et Cano nont commis aucunefaute en publiant larticle parce que larticle contenait un sujet dintrt publicdimportance pour la gouvernance des entreprises de mdias gnralement, et plus particulirement les entreprises mdiatiques publiques.

    [258] Cet argument naide pas Sun Media et Cano en lespce.

    [259] Sun Media et Cano ont commis une faute en publiant lArticle. Dans le contextede la concurrence existante entre Gesca et Sun Media et Cano, on ne demande pas

    pourquoi elles ont publi lArticle comme tel et sans dlai.

    [260] La prpondrance de la preuve est en faveur de la demanderesse et le Tribunalaccueille la demande de Gesca.

    34 Socit Radio-Canada c. Radio Sept-les inc., 1994 CanLII 5883(QCCA), par. 14 24;Prudhommec. Prudhomme, [2002] 4 R.C.S. 663, par. 32 38, 40, 45 et 83; Nron c. Chambre des notaires duQubec, [2004] 3 R.C.S. 95, par. 56; Grantc. Torstar Corp., [2009] 3 R.C.S. 640, par. 47.

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    Dommages

    [261] Gesca rclame 75 000 $ en tant que dommages moraux, mais confirme que laconclusion la plus importante pour elle est dobtenir la rtractation.

    [262] La preuve a rvl que ni Gesca ni La Presse nont reu aucun commentairengatif du public aprs la publication de lArticle.

    [263] Monsieur Trottier a confirm que Gesca na reu aucun commentairengatif dupublic aprs la parution de lArticle. Cela veut dire quaucun lecteur na tsuffisamment excit par lArticle pour vouloir crire un commentaire ou poser desquestions Gesca.

    [264] Mais lArticle porte atteinte la rputation de Gesca et Radio-Canada. Ce nestpas parce Gesca na reu aucun commentaire ngatif du public que lon peut prsumer

    que limage de Gesca na pas t ternie, que son intgrit et indpendance nont past attaqus.

    [265] En se rfrant aux jugements concernant la diffamation dune personne morale,le Tribunal en vient la conclusion quun montant appropri pour des dommagesmoraux dans la prsente cause est 10 000 $, compte tenu de toutes les circonstances.

    [266] Le Tribunal condamnera donc les dfenderesses conjointement et solidairement payer la somme de 10 000 $ en tant que dommages moraux.

    [267] De surcrot, le Tribunal juge quil faut dordonner la rtractation avec excuses de

    lArticle, tel que demand par Gesca. Il est important de corriger limpression erroneprojete par lArticle.

    [268] Compte tenu des conclusions du Tribunal, la prtention des dfenderesses leffet que la poursuite en diffamation est un abus de procdure (en vertu de larticle54.1 C.p.c.), nest pas justifie.

    [269] Le Tribunal estime que Gesca na pas intent des procdures pour limiter lalibert dexpression des dfenderesses dans le contexte dun dbat public.

    [270] Gesca ne demande pas aux dfenderesses de se taire et de ne plus parler dunecollaboration ou dune relation quelconque entre Radio-Canada et Gesca. Gesca ne

    demande pas ce que les dfenderesses cessent dcrire ou de publier descommentaires sur Radio-Gesca si elles le dsirent.

    [271] Le but de la poursuite nest pas pour billonner la libert de presse.

    [272] Gesca cherche plutt responsabiliser les dfenderesses faire les vrificationsqui simposent avant de se lancer crire ou publier des propos qui sont nonseulement inexacts ou faux, mais qui portent atteinte sa rputation.

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    [273] Le fait que Gesca avait rclam 75 000 $ en dommages moraux ne rend pasnon plus les procdures de Gesca