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1. Présentation – un paysage de résistance ? La Gaule Narbonnaise est considérée comme une province très « romanisée », dominée par l’urbanisme, des villas romaines et une population bien intégrées dans les structures sociales, culturelles et économiques de l’Empire romain. En ce qui concerne la religion, on pense surtout aux grands temples de type romain, comme la Maison Carrée à Nîmes. Mais comme nous allons le voir, la Gaule Narbonnaise ressemble plutôt à un « paysage de résistance » : à côté d’une centaine de théonymes cel- tiques, il semble que même les grandes divinités romaines, comme Jupiter, Mars, Mercure et Minerve, ont un caractère plutôt « indigène » 1 . Le grand nombre de lieux de culte dans le territoire rural des deux colonies romaines Iulia Apta (Apt) et Aquae Sextiae (Aix-en-Provence), qui sont au centre de cette étude 2 , reflète des structures sociales et territoriales particulières à cette région. Pendant le Haut-Empire les lieux de culte sont absolument essentiels pour l’organisa- tion sociale d’une cité provinciale et son fonctionnement dans un système de patronage. Le paysage sacré est directement lié à la structuration du monde rural et c’est le but de cette étude d’essayer de mieux faire comprendre les rapports entre les lieux de culte et les changements dans l’organisation socio-géographique entre la proto- histoire et l’époque romaine. Dans ce contexte, il faut se Ralph HÄUSSLER * Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence * R. Häussler, Fachbereich 2 - Alte Geschichte und Archäologie, Universität Osnabrück, Schloßstraße 8, D-49069 Osnabrück, R. F. d’Allemagne. [email protected]. Chercheur associé à l’UMR 154, Lattes (1999-2001). Je remercie M. André Kauffman (conservateur du Musée d’Apt), M. P. Leveau (Université de Provence, Aix-en-Provence), M. J. Gascou (CNRS, Aix-en-Provence) pour leur aide et leur assistance. Je remercie surtout Mme Anne Roth-Congès (CNRS, Aix-en-Provence) et Mme Isabelle Fauduet (CNRS, Paris) pour la correction du manuscrit de mon article. Les recherches concernant ce dossier ont été financées par une bourse post-doctorale du Deutscher Akademischer Austauschdienst, Bonn en 2000-2001. J’ai essayé de tenir compte des publications qui sont parues depuis le colloque à Lattes en septembre 2001, surtout celle des tomes 84/2 et 13/4 de la Carte Archéologique de la Gaule (CAG) en 2006 et 2007. Parce que la CAG couvre maintenant toute la région de cette étude, voir en général la CAG pour les bibliographies antérieures. 1 Cf. Häussler 2001-2002 ; 2008 ; pour le terme « landscape of resistence », cf. S. Alcock 1997. 2 Cf. Gascou 1995 et Gascou et alii 1997 pour une définition récente des limites territoriales des deux cités, qui seront respectées dans cet article pour des raisons pratiques. 3 Le terme « chapelle » sert à définir des petits bâtiments rectangulaires de cultes (des édicules), comme à Lioux, pendant que le terme « fanum » sert à définir le type de bâtiment rectangulaire avec péribole. demander quel est le rôle des nombreux lieux de culte, surtout en milieu rural : sont-ils simplement un reflet de la religiosité de la population rurale et de la persistance des croyances préromaines en dehors de la ville ? Si on considère l’organisation géographique de la région (fermes, villas, agglomérations), un sanctuaire rural montre-il le besoin d’une « chapelle » 3 propre comme centre d’une communauté rurale ? Ou encore, témoigne- t-il de l’exploitation de la religion par les élites dans le but de consolider leur pouvoir ? L’épigraphie est une source indispensable pour cette étude. Quelles informations supplémentaires à celles de l’archéologie peut-elle nous apporter ? Tout d’abord, c’est surtout l’épigraphie qui nous donne des indications pour un caractère « non-romain » de la religion locale (par exemple les théonymes et les épithètes en langue cel- tique), alors que la plupart des sculptures et de l’architec- ture sacrée semble suivre la conception romaine (avec quelques exceptions comme Lioux, v. infra). Les inscrip- tions nous donnent aussi des informations sur les dédi- cants et leurs identités. Les élites locales sont en général au centre des études sur la « romanisation », parce que ce sont elles qui sont susceptibles d’initier de profonds changements sociocul- turels. Et quand on pense aux élites à l’époque romaine, il s’agit des élites urbaines parce que leurs choix culturels étaient motivés par un art de vivre urbain et par une carrière politique au sein de la municipalité. Toutefois ces – 155 – In: R. Häussler (dir.), Romanisation et épigraphie. Études interdisciplinaires sur l’acculturation et l’identité dans l’Empire romain (Archéologie et Histoire Romaine, 17), Montagnac 2008, 155-248.

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

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Page 1: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

1. Présentation – un paysage de résistance ?

La Gaule Narbonnaise est considérée comme une province très « romanisée », dominée par l’urbanisme,des villas romaines et une population bien intégrées dansles structures sociales, culturelles et économiques del’Empire romain. En ce qui concerne la religion, on pensesurtout aux grands temples de type romain, comme laMaison Carrée à Nîmes. Mais comme nous allons le voir,la Gaule Narbonnaise ressemble plutôt à un « paysage derésistance » : à côté d’une centaine de théonymes cel-tiques, il semble que même les grandes divinités romaines, comme Jupiter, Mars, Mercure et Minerve, ontun caractère plutôt « indigène » 1.

Le grand nombre de lieux de culte dans le territoirerural des deux colonies romaines Iulia Apta (Apt) etAquae Sextiae (Aix-en-Provence), qui sont au centre decette étude 2, reflète des structures sociales et territorialesparticulières à cette région. Pendant le Haut-Empire leslieux de culte sont absolument essentiels pour l’organisa-tion sociale d’une cité provinciale et son fonctionnementdans un système de patronage. Le paysage sacré est directement lié à la structuration du monde rural et c’estle but de cette étude d’essayer de mieux faire comprendreles rapports entre les lieux de culte et les changementsdans l’organisation socio-géographique entre la proto-histoire et l’époque romaine. Dans ce contexte, il faut se

Ralph HÄUSSLER*

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain :les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

* R. Häussler, Fachbereich 2 - Alte Geschichte und Archäologie, Universität Osnabrück, Schloßstraße 8, D-49069 Osnabrück, R. F. d’[email protected]. Chercheur associé à l’UMR 154, Lattes (1999-2001). Je remercie M. André Kauffman (conservateur du Muséed’Apt), M. P. Leveau (Université de Provence, Aix-en-Provence), M. J. Gascou (CNRS, Aix-en-Provence) pour leur aide et leur assistance. Jeremercie surtout Mme Anne Roth-Congès (CNRS, Aix-en-Provence) et Mme Isabelle Fauduet (CNRS, Paris) pour la correction du manuscrit demon article. Les recherches concernant ce dossier ont été financées par une bourse post-doctorale du Deutscher Akademischer Austauschdienst,Bonn en 2000-2001. J’ai essayé de tenir compte des publications qui sont parues depuis le colloque à Lattes en septembre 2001, surtout celle destomes 84/2 et 13/4 de la Carte Archéologique de la Gaule (CAG) en 2006 et 2007. Parce que la CAG couvre maintenant toute la région de cetteétude, voir en général la CAG pour les bibliographies antérieures.

1 Cf. Häussler 2001-2002 ; 2008 ; pour le terme « landscape of resistence », cf. S. Alcock 1997.2 Cf. Gascou 1995 et Gascou et alii 1997 pour une définition récente des limites territoriales des deux cités, qui seront respectées dans cet article

pour des raisons pratiques. 3 Le terme « chapelle » sert à définir des petits bâtiments rectangulaires de cultes (des édicules), comme à Lioux, pendant que le terme « fanum »

sert à définir le type de bâtiment rectangulaire avec péribole.

demander quel est le rôle des nombreux lieux de culte,surtout en milieu rural : sont-ils simplement un reflet dela religiosité de la population rurale et de la persistancedes croyances préromaines en dehors de la ville ? Si onconsidère l’organisation géographique de la région (fermes, villas, agglomérations), un sanctuaire rural montre-il le besoin d’une « chapelle » 3 propre commecentre d’une communauté rurale ? Ou encore, témoigne-t-il de l’exploitation de la religion par les élites dans lebut de consolider leur pouvoir ?

L’épigraphie est une source indispensable pour cetteétude. Quelles informations supplémentaires à celles del’archéologie peut-elle nous apporter ? Tout d’abord,c’est surtout l’épigraphie qui nous donne des indicationspour un caractère « non-romain » de la religion locale(par exemple les théonymes et les épithètes en langue cel-tique), alors que la plupart des sculptures et de l’architec-ture sacrée semble suivre la conception romaine (avecquelques exceptions comme Lioux, v. infra). Les inscrip-tions nous donnent aussi des informations sur les dédi-cants et leurs identités.

Les élites locales sont en général au centre des étudessur la « romanisation », parce que ce sont elles qui sontsusceptibles d’initier de profonds changements sociocul-turels. Et quand on pense aux élites à l’époque romaine,il s’agit des élites urbaines parce que leurs choix culturelsétaient motivés par un art de vivre urbain et par une carrière politique au sein de la municipalité. Toutefois ces

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In: R. Häussler (dir.), Romanisation et épigraphie. Études interdisciplinaires sur l’acculturation et l’identité dans l’Empire romain (Archéologie etHistoire Romaine, 17), Montagnac 2008, 155-248.

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4 C’est-à-dire que la campagne n’est pas la périphérie économique de la ville. Pour les études comparatives sur les rapports entre « ville » et « cam-pagne », voir Fulford 1982, Hanel 1999, Clément 1999 et Terrenato 1998 ; 2001. Pour la hiérarchie des habitats en Narbonnaise, voir Favory etalii 1996, les articles dans Pumain (1998), et, pour une étude micro-régionale sur la région de l’étang de Thau, cf. Bermond et Pellecuer 1997 ;sur Lunel, cf. Favory et alii 1994; pour une étude récente sur les pagi, voir Laubenheimer et Tarpin 1993 ; Garmy et Gonzalez-Villaescusa 1998 ;Tarpin 2002a-2002b. Pour un dossier sur l’ensemble des agglomérations secondaires, cf. Leveau 1993b ; pour la cité de Nîmes, cf. Fiches 1996.

5 Voir résumé par Gascou 1995 et Fraccaro 1953.6 Cf. Häussler 1997 pour une étude sur la Gaule Cisalpine occidentale qui montre que même une fondation coloniale romaine n’a pas forcément

d’impact culturel à cette époque. 7 Le terme propugnacula imperii est utilisé par Ciceron (leg. agr. 2. 73) quand il parle des colonies romaines en Gaule Cisalpine.8 Selon Strabon 4, 1, 5 et Cassiodore, Chronica p.131 (Mommsen), contre Tite-Live (Periocha 61), un contemporain de Strabon, qui mentionne la

fondation d’une colonia. Discussion récente et bibliographie dans Gascou 1995 ; Roman 1987. Il faut tenir compte que Rome a déjà commencéla colonisation en dehors de l’Italie sous les Gracques (par exemple à Carthage en 122 av. n. è., App., civ. 1,24), pendant que Fulvius Flaccus a euson propre programme de colonisation en Gaule Cisalpine entre 125 et 123 av. n. è. (cf. Fraccaro 1953 et Reiter 1978) ; en général, les témoigna-ges archéologiques des colonies du IIe s. av. n. è. sont presque négligeables, ce qui reflète la nature de la colonisation républicaine.

9 ILN-3, n° 22, 23, 27 et 29.10 Pour les Albici, cf. Barruol 1969, 273-7, une révision de Barruol 1958 ; cf. maintenant Garcia 2004b, 53.11 Barruol propose qu’Albici soit le nom du peuple, et Vulgientes celui d’un uicus.12 Barruol 1969, 204 pour la localisation des Dexiuates ; cf. Garcia 2004b, 53.13 Garcia 2004, 13-25 pour les concepts « celtique » et « celto-ligurien ».

élites résident dans la campagne et c’est là que se trouvent leur clientèle et leur base économique 4. Il fautcomprendre que la structure d’une cité romaine étaitcomposée d’une « métropole » centrale (le chef-lieu oucaput ciuitatis) à laquelle étaient rattachés de nombreux habitats/agglomérations/communautés (d’origine proto-historique), mais sans distinction administrative entreville et campagne. Dans ce cadre, on peut se demandercomment ces élites municipales exerçaient leurs fonc-tions civiques, administratives et religieuses dans l’en-semble de la cité. Ces élites, comment pouvaient-ellesrépondre à leur obligation comme protecteurs et patronsde leurs communautés rurales, et comment se servaient-elles de la religion ?

1.1 La conquête romaine et la municipalisationLes développements socioculturels s’insèrent dans une

période dominée par Rome. Déjà depuis la secondeGuerre Punique, Rome est maîtresse de la Méditerranéeoccidentale. Notre région d’étude a été particulièrementbouleversée par les campagnes de Fulvius Flaccus (125av. n. è.) et de C. Sextius Calvinus (124–123 av. n. è.) 5,mais la conquête n’a pas forcément d’impact sur la cul-ture indigène 6. À l’époque républicaine, Aix et Apt ontété des « bastions de l’Empire » 7, placées stratégique-ment sur les grands axes de transit vers l’Italie et situéesà proximité des agglomérations fortifiées préexistantes(Entremont et Péréal), dans le but de surveiller les popu-lations indigènes.

Aquae Sextiae, située sur la voie Aurélienne, est géné-ralement considérée comme une fondation de SextiusCalvinus en 122 av. n. è., après la prise de l’oppidum del’Entremont (v. infra). Le statut original et la dimensionde cette fondation, qui a peut-être intégré un sanctuaireexistant (à Bormanos, v. infra), sont discutés : concilia-bula ou colonia 8. D’après Pline (nat. hist. 3, 36), AquaeSextiae Salluuiorum (Aix-en-Provence) et Iulia Apta Vul-

gentium (Apt) étaient des oppida latina. Apt est située surla « voie hérakléenne » qui relie la Gaule et l’Italie par lecol du Mont-Genèvre et Suse ; cette voie fut réaménagéepar Gnaeus Domitius Ahenobarbus en 118 av. n. è. (voieDomitienne). Apt était une cité pérégrine qui a reçu ledroit latin pendant la période triumvirale ou augustéenne.Au début du Haut-Empire, elle a acquis le rang de colo-nie, col(oniae) Iul(iae) Aptae ; les citoyens romainsd’Apt étaient inscrits dans la tribu Voltinia 9.

Ce n’est pas ici le lieu de spéculer sur les « étiquettesethniques ». En réalité les identités ethniques sont beau-coup plus complexes que les informations anachroniquesdonnées par Pline, principalement parce qu’une identitéethnique n’est jamais fixe : c’est un concept qui dépenddu contexte (la même personne peut avoir plusieurs identités éthniques dépendantes du contexte, par ex.aixois, salyen, gaulois, etc.) et les labels ethniques changent aussi au cours du temps. De plus ce sont lesstructures sociales qui se modifient : la « tribu » proto-historique n’était pas nécessairement associée à un territoire fixe ; c’était plutôt une association de personnesreliées par des lignages ; mais jusqu’au Ier s. av. n. è. onvoit la création d’entités politiques territoriales et finale-ment de municipalités de droit romain. En principe,Entremont et Aix-en-Provence peuvent être attribuéesaux Salyens à l’époque républicaine, mais c’est un ethnosqui disparaît au cours du Ier s. av. n. è. Apt a été attribuéaux Albici par G. Barruol 10, mais aux Volgentii par Pline(nat. hist. 3, 36) 11. Il y a aussi les Dexiuates, qui habi-taient dans le territoire entre Durance et Lubéron autourdu sanctuaire de Dexiva ; s’agit-il d’une tribu d’originesalyenne ou d’un pagus de l’époque romaine 12 ? LesVordenses occupaient probablement la région autour deGordes dans le territoire d’Apt. En tout cas, la populationlocale, indigène, autochtone a parlé une langue celtique,comme le montrent l’onomastique, les théonymes et lesnoms des agglomérations, des montagnes et des fleuves 13.

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Quel est le « véritable » impact de l’urbanisme romainet de la municipalisation sur la société protohistorique etsur la religion indigène ? Dans ce contexte, il faut tenircompte que, depuis Auguste, la société était dominée parune « idéologie d’État », propagée par le régime et sesfonctionnaires. Par conséquent, l’urbanisme est devenuune nécessité, sous le Haut-Empire, pour créer un environnement physique destiné moins à des raisons éco-nomiques qu’à présenter l’art de vivre urbain (romain) età transmettre l’idéologie de l’État 14. Sous le Principat,nos deux colonies suivaient probablement en grande partie le modèle constitutionnel proposé par Rome, moinspar obligation que par choix des élites locales, car leurposition sociale était définie par leurs postes de magistra-tures 15.

En ce qui concerne la religion, le degré de centralisa-tion (cf. Van Andringa 2002) a souvent été surestimé, sur-tout pour les grandes cités territoriales. Ceci est aussi trèsévident dans notre région : une ville comme Aix-en-Pro-vence a seulement remplacé d’autres agglomérationsprotohistoriques 16, pendant que la plupart des dédicaceset des lieux de culte proviennent du contexte rural dansl’arrière-pays d’Aix, ce qui contredit le concept du caputciuitatis comme centre religieux. La fonction religieusede la ville semble largement limité au culte impérial avecces flamines et sévirs augustaux ; mais à Aix et à Apt, c’était simplement un moyen politique pour unifier lesrapports entre Rome et les communautés locales, qui étaitessentiel à la cohésion sociale de l’empire et à la trans-mission de l’idéologie impériale, mais autrement leshommages à l’empereur, comme celle pour la santé deNéron, n’ont pas grand chose à voir avec la pratique reli-gieuse personnelle des habitants.

La création d’une ville de type gréco-romain était sou-

vent une re-fondation d’une agglomération existantecomme chef-lieu de la nouvelle ciuitas. La nouvelle identité « romaine » est généralement montrée par l’acquisition d’un nouveau toponyme latin : les nomsAquae Sextiae et Iulia Apta rendent hommage aux(re)fondateurs Sextius Calvinus et Jules César ; le nomApta, signifiant « l’harmonieuse » ou « la favorable », estun toponyme qui reflète l’idéologie romaine de la Ré-publique, correspondant à plusieurs toponymes des autresfondations républicaines, comme Potentia, Pollentia ouIndustria (« force ») 17.

Mais l’existence d’un centre monumental n’indiquepas nécessairement la transformation complète du pay-sage socio-politique : beaucoup de cités provincialesmontrent fréquemment des écarts considérables par rap-port à l’idéal gréco-romain ; de même l’attribution dequelques peuples ou tribus à un nouveau centre urbainpeut être considérée comme une mesure administrativede durée temporaire pendant la période formatrice(autour de l’époque augustéenne) 18. À cet égard, les pagiont souvent été considérés comme une persistance desethnies préromaines 19. Par exemple, l’existence d’unpagus Dexiuates à l’époque romaine indique-t-il l’exis-tence d’une tribu salyenne nommée Dexiuates ? Pasnécessairement : comme M. Tarpin l’a montré 20, il fautconsidérer que les pagi sont plutôt des créations de l’époque romaine pour faciliter l’administration du territoire (pas forcément des créations de Rome, maiségalement voulues par les élites locales). Plusieurs pagisont attestés dans notre région, comme le pagusVordenses, celui des Dexiuates et le pagus Iuuenalis.

En ce qui concerne la campagne, la conquête romaineimplique un certain degré d’expropriation et de redistri-bution des terres 21, qui, parmi d’autres fonctions, ont

14 Sur la nécessité de l’urbanisme pendant les Ier et IIe siècles de n è. pour construire une identité romaine, voir Häussler 1997 et 1999. Sur le pro-cessus de l’urbanisation, voir maintenant les articles dans Fentress 2000, mais aussi Coarelli 1992 (pour l’« assimilazione forzata ») ; Gros etTorelli 1988. Pour l’attribution de tribus aux nouvelles cités, voir Laffi 1966. Pour l’urbanisation des sociétés non-urbaines, cf. La Regina 1970.Sur la ville romaine au début du Principat, voir Mansuelli 1982. Pour les effets socioculturels de l’urbanisation, Hanson 1988, 1997 ; Häussler1999, et pour une étude plus générale sur l’effet de l’urbanisation, voir King 1990 ; Rykwert 1976 n’est à utiliser qu’avec prudence.

15 Par conséquent, les particularités locales deviennent de moins en moins courantes, comme la persistance d’une magistrature « indigène », tel lepraitvr attesté sur une inscription gallo-grecque de Vitrolles : RIG G-108. Cf. aussi le modèle constitutionnel de la lex coloniae Genetivaed’Urso, qui laisse le choix des cultes publics aux magistrats locaux (Gabba et Crawford 1996 ; cf. Galsterer et Crawford 1996 pour la lexTarentina).

16 Voir Garcia 2004 pour les agglomérations protohistoriques en Gaule méridionale.17 Häussler 1997b.18 Voir Laffi 1966 sur l’adtributio. En ce qui concerne les peuples attribués à la colonie de Nîmes, il faut comparer leur architecture monumentale,

qui reflète un caractère assez autonome, par exemple à Laudun, à Gaujac, à Ambrussum, etc. (Roth Congès et Charmasson 1992 ont essayé demontrer que ces trois villages sont les oppida Latina autonomes, et non des oppida attribués à Nîmes ; cf. aussi Fiches 1996). La dimension etl’importance de sanctuaires extra-urbains de la Gaule du Nord ne sont pas conformes aux modèles gréco-romains (Derks 1998) ; pour l’Altbachtal,Trèves, voir Scheid 1995 ; Borbetomagus comme caput ciuitatis des Vangions avec plusieurs uici (Alzey, Eisenberg, etc., y compris la capitaleprovinciale (Mainz)), voir Häussler 1993 ; 2006 ; 2007b.

19 Cf. DNP 9, 146-147, s.v. pagus : cf. par ex. l’inscription du senatus populusque civitatium stipendiariarum pago Gurzenses (CIL VIII 68 = ILS6095) en contexte indigène.

20 Tarpin 2003.21 Par exemple, avec la création d’une ciuitas sine suffragio, les habitants ont acquis la citoyenneté romaine (y compris les munera, le tributum et

la participation militaire), mais la fondation a été suivie par la deditio, une mesure punitive (la terre devient ager publicus), décrite par Coarelli(1992, 29) comme l’« assimilation forcée ».

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ConstantineConstantine

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D u r a n c eD u r a n c eVernèguesVernègues

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AIXAIX

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310310311311

RiansRians

D u r a n c eD u r a n c e

RustrelRustrel

OppédetteOppédette

ÉguillesÉguilles

MimetMimet

LançonLançon

La RoqueLa Roque-d'Anthéron-d'Anthéron

Fig. 1 - Carte de répartition des sites dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence triangle : lieu de culte ; cercle : oppidum, site perché ; carré : autre habitat (de l’époque romaine) ;

pour les numéros cf. les tableaux de résumé ci-dessous.

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Ralph Häussler

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visé à consolider la nouvelle hiérarchie d’une élite muni-cipale pro-romaine 22. Mais il ne faut pas supposer uneréorganisation active du paysage rural en dehors de lacenturiation des terres 23. En effet, nous devons commen-cer par l’hypothèse que le paysage indigène (un conceptqui englobe la hiérarchie des sites, les rapports socio-éco-nomiques, mais aussi le paysage sacré) restait fonda-mentalement inchangé. Nous allons voir que les change-ments ont eu lieu plus tard, plusieurs générations après laconquête, largement tributaires de processus internes dela société et de l’économie locale. Par exemple, dans lecontexte de la paix romaine, la population, motivée par lamonétisation et par le besoin de créer des surplus, a établi une exploitation agricole plus efficace facilitée parla création de nombreux habitats ruraux dans les plaines.

Quel est l’impact de ces processus sur la religion dansle milieu rural ? Premièrement, la municipalisation pourrait suggérer la centralisation du pouvoir politique etdonc la centralisation du pouvoir religieux dans le chef-lieu d’une cité, ainsi que la présence de cultes re-produisant ceux du pouvoir romain, comme la triadeCapitoline, le culte impérial et les cultes encouragés parl’empereur (par exemple ceux de Mars Ultor ou SolInvictus). Deuxièmement, il faut insérer le paysage sacrédans les structures sociales qui sont dominées par les élites pro-romaines. Mais, comme nous allons voir, cen’est pas vraiment le cas dans les cités d’Apt et d’Aix :les chefs-lieux n’hébergent pas les cultes les plus impor-tants de la cité et, malgré la « romanisation » des élites,ce sont les cultes d’un caractère local et indigène quidominent dans notre région d’étude.

Dans cette étude, nous allons d’abord étudier lecontexte sociogéographique, c’est-à-dire la transforma-tion du paysage rural entre le IIe s. av. n. è. et le Haut-Empire (ch. 2), puis effectuer un petit sondage socio-démographique (ch. 3). Cela nous permettra de mieuxcomprendre l’évolution de la religion locale et du paysage sacré (ch. 4), dont l’approche sera complétée pardes études micro-régionales (ch. 5).

2. Le paysage ruralLa topographie est essentielle pour comprendre

l’organisation sociale de notre région d’étude 24. Le territoire est irrigué par la Durance, le Calavon, l’Arc etd’autres rivières, et dominé par les montagnes, parti-

culièrement le Lubéron et le plateau du Vaucluse. Celadétermine le contexte de certains lieux sacrés, comme lessanctuaires de hauteurs et de sources. Sur les hauteurs ontrouve de nombreux sites perchés protohistoriques, généralement abandonnés au Ier s. av. n. è. À l’époquegallo-romaine, nous voyons une région densément peuplée ; la plupart des sites ruraux sont établis le longdes voies et des fleuves, où se trouvent les fermes, lesvillages, les villas et les exploitations agricoles spéciali-sées. Le long de la voie Aurélienne, on a trouvé des tra-ces de la centuriation romaine, qui semble couvrir toutela région entre l’Étang de Berre, Entremont, Puyloubieret Trets 25.

Comment peut-on imaginer la « romanisation » dupaysage rural ? On pense notamment aux facteurs écono-miques qui produisent une augmentation des activitésagricoles (la centuriation, les monocultures, les villas, lesfermes, etc.). En dehors de l’importance de la productionartisanale et du commerce, la propriété de terres est tou-jours le critère essentiel du pouvoir social dans une société préindustrielle. Les élites locales, urbanisées etromanisées, gèrent les affaires municipales au sein del’ordo de la cité, mais en même temps ces grands pro-priétaires résident à la campagne. Le grand nombre d’habitats de l’époque romaine, qui sont identifiés parl’archéologie, est aussi la conséquence d’un mobilier plusabondant, et de ce fait les habitats agricoles de cetteépoque sont plus faciles à localiser et dater par l’archéologie.

Pour la création d’un paysage « romain » il faut consi-dérer plusieurs dynamismes, dont la plupart ont été initiéspar les motivations locales et indigènes, et non par lesRomains. L’influence directe de Rome sur l’organisationsociale du paysage me semble presque négligeable : les« villas » sont les résidences des élites locales qui aspirent à l’art de vivre à la romaine sous le Haut-Empire,et même la centuriation surpasse largement les besoinsd’une déduction coloniale ; c’est surtout un cadastre pourdéfinir la richesse des élites locales et à définir l’assiettede l’impôt ; la centuriation a aussi créé de nombreux chemins et fossés, qui ont facilité l’irrigation et le drainage des terres, ce qui donne des opportunités écono-miques à la population. Il se peut par ailleurs qu’une partie de la « centuriation » en Provence remonte à l’époque protohistorique, notamment les cadastres autourde l’oppidum d’Entremont 26.

22 Sur l’importance de créer une tabula rasa et de redistribuer la terre (et donc l’importance d’établir un cadastre et la centuriation), Gabba (1985,280) a dit que « esse non sono le premesse per distribuzioni di terra: sono, invece, aspetti della razionalizzazione dei rapporti sociali interni ainuovi municipi. »

23 Sur les témoignages (controversés) de la centuriation, voir Soyer 1973-1974 sur la Basse-Provence ; Assénat 1997 sur la vallée d’Apt et Boissinot2007 pour le Pays d’Aix.

24 Sur la topographie, voir l’étude de Barruol 1969 ; Verdin 1995 ; Garcia 2004.25 Soyer 1973-1974 ; Boissinot 2007.26 Cf. Boissinot 2007, 117 qui cite par exemple des parallèles britanniques.

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

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27 Voir Alcock 1993, 72 pour les modèles sur l’évolution de la stratification sociale et de la propriété des terres dans les régions rurales. Pour l’exploitation du sol, catalysée par les taxes qui entraînent la création d’un surplus, en Espagne pendant cette période de transition, voir Keay 1992.Pour l’adaptation et la transformation des habitats ruraux en Gaule Narbonnaise, voir Raynaud 1997.

28 Pour une étude d’un cas exemplaire de paysage rural, et pour les genèses théoriques, cf. Alcock 1993, 33-92.29 Sur celle-ci, voir Badan et alii 1995 et Leveau 1996.30 Cf. Bachimon 2004, 39 pour les ressources naturelles dans le Lubéron.31 Rustrel, au lieu-dit les Argières, CAG 84/2, p. 308, n° 103, 2* (Ier-IIIe s.) ; à Rustrel il y a aussi une petite agglomération perchée protohistorique

(ibd., p. 309, 4*).32 Laubenheimer 1984.33 CAGR-BdR 217.34 Almes 1983 ; cf. aussi Brun 1986 pour une étude sur la production de l’huile dans le Var.35 Vue d’ensemble par Leveau 1993, 1993b, 1993c. Pour une étude récente sur la société d’une agglomération secondaire (Aoste dans la cité de

Vienne), voir Rémy 1998.36 Pour les « oppida », leurs fonctions et la terminologie, cf. Woolf 1993.

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La création d’un centre urbain a certainement desrépercussions profondes sur le paysage socio-écono-mique : nous pouvons supposer une transformation graduelle de l’exploitation du sol, en particulier uneaccentuation de l’agriculture intensive et de la mono-culture, stimulée par la demande croissante des villesconsommatrices – un processus qui engendre aussi uneconcentration des terres entre les mains d’un petit nombre de grands propriétaires 27. L’urbanisation va doncdéséquilibrer la hiérarchie des sites de telle façon que ladifférence entre les petits habitats ruraux et les grandesagglomérations va augmenter considérablement.

Le paysage du Haut-Empire peut être considérécomme le résultat de structures économiques qui rendentpossible une exploitation plus intensive : les colons et lesindigènes profitent de nouvelles opportunités écono-miques. Ce processus commence vers 100 av. n. è. avecla création de nombreuses fermes et exploitations agri-coles, dont le nombre augmente ensuite considérable-ment : en général, le petit nombre de sites protohisto-riques (dont la plupart n’ont pas été construits avant ledébut du IIe s. av. n. è.) contraste avec une myriade d’habitats ruraux sous le Haut-Empire. Le nombre crois-sant des sites d’exploitation agricole, souvent spécialisés(par exemple les pressoirs à huile, la production de vin,les fours d’amphores et de céramique, etc.), peut êtrecomparé avec des processus analogues dans d’autres par-ties de l’Empire romain qui reflètent eux aussi l’investis-sement dans les formes de l’agriculture intensive et spé-cialisée 28. Cela a stimulé de la part de la population« indigène » une production de surplus, favorisée par uneinfrastructure améliorée, par la monétisation, par la paxRomana, et par la nécessité de payer des impôts, desannonae, etc.

Mais le catalyseur majeur de cette « révolution écono-mique » était l’investissement actif des élites riches, paspour des raisons économiques, mais pour des motivationsculturelles. Pour financer leur art de vivre d’un styleconsumériste qui leur permet d’exhiber leur richesse,cette élite avait besoin d’augmenter considérablement la

production de surplus ; cela a créé une nouvelle intensitédans la production agricole, symbolisée en Narbonnaisepar les Moulins de Barbegal et le début de la trans-humance des moutons à grande échelle dans la Crau 29.On observe aussi une exploitation minière extensive dansle Lubéron 30. Et il existe de nombreux témoignages pourune production artisanale spécialisée, par exemple unfour à tegulae à Rustrel 31, un four à poterie à Puy-loubier 32, et, dans le cadre de la production de l’huile, ily a un pressoir de contrepoids à huile à Vauvenargues 33

et l’huilerie du « Grand Verger » à Lambesc 34.Sous le Haut-Empire, l’occupation du sol et la révo-

lution économique sont, par conséquent, essentiellementle résultat des aspirations et des ambitions de l’aristo-cratie locale et de son concept de romanitas et humanitas.Pendant la période romaine se développe une forte hiérarchisation des sites ruraux qui crée une organisationcomplexe du paysage : on trouve de nombreuses agglo-mérations secondaires (uici, villages, habitat dispersé) 35,des fermes, des exploitations agricoles (poteries, huileries, etc.) et finalement des « villas ». Cela reflète lacomplexité des rapports socio-économiques dans la citéauxquels il faut ajouter les rapports au niveau de la province et de l’Empire. Il faut considérer également leslieux de culte associés au type de l’habitat particulier ;même un lieu sacré isolé, sur une colline ou dans unegrotte, n’est pas à l’écart de la société, parce qu’il y a toujours une communauté locale ou une association cultuelle qui le maintient, peut-être pour les fêtes saisonnières ou les pèlerinages annuels.

2.1 Les sites perchés (« oppida »)La plupart des « oppida » 36 protohistoriques ont été

encore fréquentés sous le Haut-Empire, même s’ils ontperdu leur rôle comme agglomération et centre socio-politique. Il faut tenir compte que les oppida ne sont pasdes vestiges de l’époque pré-romaine, car la plupart ontété construits au IIe s. av. n. è. Ils ont donc été le résultat

Ralph Häussler

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de structures économiques adaptées à la nouvelle situation en Gaule méridionale après la Deuxième GuerrePunique : en ce qui concerne l’économie, le pivot ne futpas vraiment la conquête de la Gaule Transalpine (la future Narbonnaise), mais plutôt la défaite d’Hannibal,qui a transformé notre région en pays de transit et qui acréé une augmentation significative des contacts entre leMidi de la Gaule et l’Italie (la conquête romaine de laProvence vers 125-123 av. n. è. peut être considéréecomme une simple « formalité »).

Cela implique aussi que l’organisation en oppida estabsolument typique de la transformation socio-écono-mique pendant le IIe et Ier s. av. n. è., entre la GuerrePunique et le règne d’Auguste. Il faut donc distinguerentre les oppida et les sites perchés qui ont été déjà aban-donnés au IIIe ou IIe s. av. n. è. (comme Roquepertuse,Roquefavour, Entremont, etc.), et ceux qui ont été seule-ment habités dès le IIe s. av. n. è. Il y a aussi des sites per-chés, comme Fort de la Roche (Buoux, n° 70), Saint-Jean-du-Puy (Trets, n° 343), qui continuèrent d’être occu-pés à l’époque romaine.

À l’époque républicaine, nous trouvons ici un paysagepolynuclée avec un très grand nombre d’oppida, souventde petit taille. Cela est peut-être le résultat d’un vide politique entre la prise militaire d’un centre politiquecomme Entremont en 123 av. n. è. et la constitution d’unemunicipalité territoriale (colonia) à la fin du Ier s. av. n. è.À la fin de l’âge du Fer, plusieurs oppida avaient deslieux de culte : les éléments de sculptures (piliers, chapi-teaux, stèles, représentations de têtes coupées, etc.) indiquent surtout un culte des héros-ancêtres (e.g., à Rus-trel, Pied de l’Aigue (n° 135), à Cadenet, Le Castellar (n°18), à Villelaure, Treize Émines (n° 31), à Lançon,Constantine (n° 283), etc., v. infra) 37. Sur l’oppidum deSaint-Julien (La Bastidonne, n° 47) on a trouvé un lionaccroupi du Ier s. av. n. è., comparable à la Tarasque deNoves. Encore sous le Haut-Empire, on trouve des lieuxde culte sur les oppida qui ne servent plus comme agglo-mérations secondaires, comme par exemple le sanctuairede Mars et Dexiva sur l’oppidum du Castellar (Cadenet)ou de Mars Giarinus au Castrum d’Orgnon (Saint-Zacharie).

2.2 Les uiciBien que le terme uicus puisse définir tout genre

d’agglomération secondaire d’échelle variable, la plupartdes uici dans l’Empire occidental pendant cette périodeont des fonctions administratives, religieuses, écono-miques et juridictionnelles 38 : par exemple, Festus mentionne les magistri uici comme magistrats locaux 39,et en épigraphie, on trouve plusieurs magistrats locaux,tel que les aediles 40 et même les uicani qui exerçaientdes fonctions communautaires 41. Et déjà dans la lex deGallia Cisalpina du Ier siècle av. n. è., les uici sontinscrits à côté des coloniae et des municipia comme uneforme d’organisation qui possède des magistrats avecautorité juridictionnelle 42. Le uicus peut être aussi le centre d’un pagus, mais pas nécessairement, comme l’amontré M. Tarpin 43.

Selon l’étude de Rorison sur les uici en Gaule, « le rôlereligieux était de grande importance dans les uici et envi-ron un quart des sites étaient des lieux de culte très impor-tants » 44. Surtout dans le cas des grandes ciuitates terri-toriales, les uici avaient des fonctions économiques, ad-ministratives et religieuses remarquables. Leurs centresétaient souvent monumentalisés par des thermes, desbasiliques et des temples 45. Dans le contexte d’un uicus,on peut attendre un lieu de culte important, géré par desélites locales et dédié aux divinités d’un statut plus élevé,qui sert à protéger la communauté (comme Mercure etMars toutatis, les dieux protecteurs de la touta (« le peuple »), Jupiter, comme dieu céleste indigène, et, dansnotre région, le dieu au maillet – Silvain/Sucellos), et ony trouve en outre des divinités protectrices, comme lesdéesses-mères.

2.3 Villages et habitat disperséUne agglomération secondaire ne se qualifie pas

nécessairement comme un uicus. Il en existe aussi sansfonctions administratives importantes, comme les petitsvillages ou l’habitat dispersé, mais aussi les fondationsromaines, comme les fora et les conciliabula ; ces dernières ont leur propre administration ; les conciliabu-la sont souvent devenus des municipia ou, comme pro-

37 Sur le culte des héros-ancêtres, cf. par exemple Arcelin 2000 ; Garcia 2004.38 DNP 12, 193, s.v. vicus.39 Festus 502L.40 Par ex. à York en Grande Bretagne : RIB 707 (York): (…) aedilis uici Petu[ar(iensis)] (…).41 Par exemple CIL XIII 6265 dans la ciuitas Vangionum.42 Laffi et Crawford 1996.43 Tarpin 2002a ; 2002b.44 Rorison 1996.45 Voir l’étude de Vermeulen 1995 sur les uici dans la Belgica.

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

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bablement dans le cas d’Aix-en-Provence, des colo-niae 46. Dans le contexte d’un habitat dispersé, un lieu deculte pourrait créer un point d’identification ; le choix desdivinités reflète peut-être les intérêts des villageois, parex. la fertilité, la mort, etc. ; on pense aux déesses-mères(les Parcae), mais aussi aux dieux associés à la vie, lamort et la fécondité, comme le dieu au maillet et Jupiterfrugifer (« Jupiter le fertile »).

On a identifié, surtout par prospection archéologique,plusieurs groupements de sites gallo-romains qui couvrent un vaste territoire. Cela peut indiquer un villageou un habitat dispersé, comme à Lourmarin (n° 11) 47, àCadenet (n° 17), à Vaugines (n° 22) 48, à Cabrières-d’Aigues (n° 36) 49, à Montsalier (n° 144), à Jouques, (n°306) et à Cucuron (n° 24) 50. Et à Sannes, aux Clots (n°33), le lieu de la plus grande nécropole en milieu rural aété choisi à cause de sa co-visibilité de plusieurs autreshabitats ruraux ; il s’agit donc probablement d’un cime-tière collectif, vraisemblablement d’un habitat dis-persé 51. Il semble que les lieux de culte communaux ontété fréquemment établis en dehors de ces agglomérations,par exemple sur un site de hauteur à proximité, souventun site visible depuis les habitats.

2.4 Les villas« Villa », pour notre étude, est défini comme la rési-

dence rurale des élites, l’incarnation visible de prospéri-

té, l’archétype de la romanitas (romanité) ; c’est le nœuddu réseau de patronat. Particulièrement pour une élite quiétait privée du vrai pouvoir politique, ce manque de pou-voir a été compensé par l’art de vivre : les « villae » sontdonc devenues les « regnae » de l’aristocratie romaine –déjà dès le IIe s. av. n. è., la « villa » est le lieu de l’otium(loisir) en Italie, comme nous l’apprend par exempleCicéron 52. Avec la rhétorique latine, la toge et les autresemblèmes qui servent à afficher le rang social d’un indi-vidu, la « villa » est devenue le symbole d’une identitéaristocratique sous le Haut-Empire. Ce sont donc dessites avec un décor élaboré, des statues, des péristyles,des thermes, des mosaïques et des salles de réunion pouraccueillir les clients. Sur les domaines, on trouve souventdes mausolées et parfois des lieux de culte. L’image de la« villa » rend visible la stratification sociale croissantedans les régions rurales sous le Haut-Empire.

Le développement parallèle de la « villa » dans plusieurs provinces occidentales montre qu’il s’agit icisurtout d’un phénomène culturel et non économique. Enconséquence, le choix du site ne reflète pas nécessaire-ment des raisons utilitaires et économiques. Donner unschéma-type d’organisation de « fundus » romain 53 n’estpas satisfaisant, parce que l’opulence d’une villa reflèteune consommation incontestable de revenus et de richesses, qui ont été produites ailleurs : on peut envisa-ger une grande variété de sources de revenu et une multi-tude de propriétés, qui ne se trouvent pas nécessairement

46 Cf. par ex. DNP 3, 113-114, s.v. conciliabulum.47 Voir BS PACA 1999, 177-8.48 CAG 84/2, p. 364, n°140, 27*.49 BS PACA 1998, 176-17 ; CAG 84/2, p. 209, n°024, 9*.50 Cf. Broise 1984.51 CAG 84/2, p. 83; p 345 sqq., n°121.52 DNP 12, 210-212, s.v. villa ; Meier 1995; Cic. Att. 14, 16, 1; Plin. epist. 7. 3. 2.53 CAG 84/2, p. 301 citant H. Broise (1973, p. 66, site 7), qui, à propos de la villa de la Verrerie, envisage l’organisation d’un « fundus ». Cf. aussi

Bentmann et Müller 1992.

Fig. 2 - Villelaure. Mosaïques de la villa (d’après CAG 84/2, fig. 467).

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54 Déjà Rivet 1958 a proposé que la villa représente la richesse : ce n’est pas un indicateur de production. De même Millett (1992) a écrit que « theopulent villa is the result not of a particular mode of wealth production, but of a decision to display existing wealth in a particular way » ; la villadonc reflète une « conspicuous consumption of wealth accumulated from across the Empire in a single building project » ; elle est « a statementof economic, social and political power. » L’inadéquation du concept d’une « économie de villa » est même évident en Italie impériale, où il suffit de mentionner la rareté (presque l’ab-sence) de résidences prestigieuses de l’aristocratie dans les plaines fécondes des rivières du Piémont, ou les sites scénographiques des villae surla côte rocheuse de la Ligurie, ou encore la concentration des villas dans un secteur unique en Etrurie, alors qu’on trouve la continuité des fermesindigènes partout à l’intérieur de cette région, qui dominent l’exploitation agricole dans la période romaine ; cf. Terrenato 1998 et 2001 ; Häussler1997.

55 Cf. DNP 12, 210-212, s.v. Villa.56 CAG 84/2, p. 258, n° 058, 1*; voir aussi le dossier de Congès et Leveau 2005, 100-102 ; Leveau 1991 pour les critères archéologiques d’identi-

fication d’une villa.57 CAG 84/2, p. 296, n° 089, 18*.58 CAG 84/2, p. 254-5, n° 052, 9* ; fig. 278.59 Au sud de la ferme de La Jaconne : CAG 84/2, p. 301-303, n° 095, 5*.60 CAG 84/2, p. 259-262, n° 065, 3*. 61 CAG 84/2, p. 299, n°093, 6*.62 Pour les opportunités économiques de l’Empire et contre l’argument conventionnel d’une opposition à la « romanisation » en Gaule romaine, cf.

Drinkwater et Vertet 1992. Pour l’exemple d’une étude sur les habitats agricoles, qui apparaissent pendant la période républicaine récente, cf. parexemple Bermond et Pellecuer 1997 pour l’étang de Thau (Hérault) ; cf. aussi Fiches 1987 pour le sud-est de la France.

63 CAG 84/2, p. 360-365, n° 140.64 CAG 84/2, p. 270-1, n° 073, 2* : les Bas-Heyrauds.65 CAG 84/2, p. 242, n° 047.

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dans la même cité ou province 54. Cela n’empêche pasl’existence d’une « pars rustica » sur un domaine, maiselle ne suffit toutefois pas à financer le luxe de cet art devivre 55. Il est donc difficile de parler, par exemple, des« dépendances » d’une villa.

Par conséquent, pour identifier un habitat rural comme« villa » (surtout dans le cas de prospections archéo-logiques), il ne suffit pas de trouver des tegulae romaines,mais surtout des fragments de marbre, de mosaïques,d’hypocaustes, de sculptures, de peinture murale, quiindiquent la présence de salles de réceptions, de thermes,etc. Comme on le voit sur les tableaux ci-dessous, il y aun très grand nombre de sites qui pourraient se qualifiercomme villas. Un des exemples majeurs est certainementla villa de Cucuron, située entre la Durance et le Lubéron,à laquelle nous pouvons associer des tombes dynastiquesde l’aristocratie (n° 23, 26). Mais il y a aussi des villasavec des mosaïques à Lacoste (n° 106) 56 et à Villelaure(n° 30), une villa à péristyle avec thermes à Mérindol (n°1), des villas avec hypocaustes à Pertuis (n° 45-46) 57 età Grambois (n° 40) 58, une villa avec un décor élaboré àPuyvert (n° 6) 59, une villa avec un quartier thermal, ali-menté par un aqueduc, à Lauris (n° 4) 60, et une autre auquartier de la Verrerie, à Puget (n° 3) 61, et beaucoupd’autres.

2.5 Les fermes et autres sites rurauxD’autre part, il existait beaucoup d’habitats isolés, qui

ne peuvent pas être nécessairement classées comme villasrésidentielles. Leur nombre avait déjà commencé à augmenter dès le IIe et Ier s. av. n. è., augmentation due àla présence des nouvelles opportunités économiques et àune mobilité sociale accrue 62. Il s’agit des fermes isolées

et des hameaux. De plus, les structures socio-écono-miques de l’époque romaine ont donné aux gens la possi-bilité de créer un grand nombre d’installations artisa-nales, comme les ateliers de potiers, les huileries, etc. : ily a au moins deux installations artisanales fabriquant desamphores à Vaugines 63 et un atelier de potier du Ier s. av.n. è. à Ménerbes 64.

Ces sites ont été aménagés par de petits propriétaireset par des entrepreneurs ; ils ont été principalement occupés par une population indigène. L’étude de Row-landson (1999) sur la société villageoise et les systèmesd’affrètement (de bail) dans l’Empire romain a montré lacomplexité et la diversité des rapports socio-écono-miques. Nous ne devons pas sous-estimer l’importancedes structures financières et économiques de l’Empireromain susceptibles de provoquer des réactions variéesau sein de la population rurale. Au IIe s. de n. è., il est difficile d’imaginer une élite riche et influente qui neserait pas romanisée. Les occupants des petites fermessont-ils les descendants d’une élite qui n’a pas réussi dansles structures municipales du Haut-Empire ? Ou biensont-ils les nouveaux riches des classes moyennes d’origine indigène et/ou de statut pérégrin ? Ou peut-êtredes métayers au service de l’élite locale indigène ou devétérans ?

Les trouvailles de tegulae et de dolia, de tessons d’amphores et de céramique sigillée et commune, ainsique les nécropoles, indiquent souvent des habitats rurauxde l’époque romaine. Par exemple dans la commune deGargas, on peut en identifier aux lieux-dits les Bonnets,les Chaffrets, les Rapugons, Les Lombards ou à la fermede l’Hermite (n° 91) 65. Et à Rustrel, au lieu-dit l’Alle-mand, un site agricole a été occupé dès le Ier s. av.

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

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n. è. 66 ; de même à Goult, au Jas, un habitat rural de l’âgedu Fer a continué d’être occupé jusqu’au IIe s. de n. è. 67 .À Lauris, le site de la villa est entouré par d’autres habi-tats ruraux (probablement occupés par des fermiers, desclients, etc.), des nécropoles (par ex. au quartier de Grés),une « bergerie » au quartier de la Marquette et une fermeau lieu-dit Travedent 68. De même à Puget on a trouvéune bergerie au quartier de Fontvieille 69, et à Puyvert ona identifié un groupement d’habitats de taille et de richesse très diverses 70.

Des tuiles et de grandes dalles, trouvées à Lacoste ausud de la ferme du Plan, n’indiquent pas nécessairementune villa, mais plutôt une ferme ou une autre installationagricole 71. De même à Tourville (Saignon, n° 134) 72 onmanque d’indices pour affirmer une occupation élitaire :à l’origine c’était une exploitation agricole spécialiséequi profitait de la proximité du Calavon et de la voieDomitienne ; déjà à la fin du Ier s. av. n. è. on a construitun bâtiment agricole, un chai, des fouloirs, des ateliers.C’est seulement au IIe s. de n. è. qu’on a construit desthermes et une cuisine, organisés autour d’une grandecour, au nord du chai. On voit ici que les fermes des classes moyennes de petits propriétaires indigènes ontacquis un peu de luxe, relativement tardivement, au IIe s.de n. è. De même aux Crottes, à Buoux, à une altitude de534 m, on a trouvé une grande exploitation agricole àcaractère rustique 73 : seules trois pièces, dont une avecchauffage, semblent avoir un caractère plus « luxueux ».Ces sites n’entrent pas dans notre définition de la « villa »parce qu’ils ne sont pas des résidences élitaires et nejouent donc pas de rôle important dans les structuressociales de la cité.

3. LE PAYSAGE SOCIAL3.1 Une population d’origine largement

« indigène »

Ce patchwork de sites montre la complexité de lasociété rurale, au sein de laquelle il faut imaginer deslieux cultuels avec des fonctions très diverses. Certes, lasociété en Provence n’était pas exclusivement constituée

d’autochtones d’origine préromaine, mais malgré lesdéductions de colonies, la redistribution des terres et l’ad-judication de l’ager publicus à des possessores, le tauxd’immigration des colons italo-romains est quantitative-ment sans importance 74. La loi romaine et la monétisa-tion donnent certainement la possibilité aux immigrantsd’acquérir des propriétés privées dans les provinces, maisRome a essayé d’éviter des conflits sociaux et on peutdonc imaginer que ce sont surtout les indigènes – princi-palement les élites – qui profitent de la propriété privéed’après les lois romaines.

Sous le Haut-Empire il faut éviter de construire uneopposition entre Romains/immigrés et Gaulois/indi-gènes ; c’est plutôt une question de position sociale d’unindividu : sénateur, chevalier, membre de l’élite munici-pale ou des classes plus humbles – et ce sont les élites quiexcellent dans leur romanitas – en Italie et en Nar-bonnaise. Dans notre étude, le mot « indigène » est utili-sé pour désigner la population plus ou moins « auto-chtone » et les valeurs et religions qui ont évolué enProvence depuis l’époque protohistorique.

Il faut prendre en considération que nos témoignagesépigraphiques ne sont pas représentatifs de l’ensemble dela population. Même dans le milieu rural, l’épigraphiereflète surtout un petit « club » de personnes : les élites etleurs clients, leurs esclaves et leurs affranchis. Et ce sontces élites et leur entourage qui jouent un rôle importantdans la gestion, le financement et la maintenance deslieux de culte.

La plupart des personnes attestées par l’épigraphie, etsurtout les grands propriétaires de la cité, semblent êtred’origine indigène. D’après leur onomastique, on peutidentifier des noms gentilices et des cognomina d’origineceltique ; de plus, un grand nombre de noms latins sonttypiques de la Gaule Narbonnaise parce qu’il s’agit des« Decknamen » (ou « noms d’assonance », cf. B. Rémy,dans ce volume). En outre, on peut retrouver plusieursnoms attestés dans l’épigraphie gallo-grecque aux IIe-Ier

s. av. n. è. dans l’épigraphie latine du Haut-Empire : parexemple, Koma (Commius, Comianus,… ?) attesté surl’oppidum du Castellar (Cadenet) ressemble au nom d’uncitoyen romain sur une inscription latine du même

66 CAG 84/2, p. 313, n° 103, 12*.67 CAG 84/2, p. 251, n° 051, 11*.68 CAG 84/2, p. 259-262, n° 065. 69 CAG 84/2, p. 299, n° 093, 2*.70 Au sud de la ferme de La Jaconne : CAG 84/2, p. 301-302, n° 095, 5* ; fig. 351.71 CAG 84/2, p. 257, n° 058, 4*.72 BS PACA 1999, 192-193 ; CAG 84/2, p. 316-322, n° 105, 5*; Kaufmann 2005. Il y a quelques indices d’une occupation protohistorique (VIe/Ve

siècle av. n. è.).73 CAG 84/2, p. 202-205, n° 023, 7* ; p. 203 ; BS PACA 93: 203-5.74 Le nombre de colonies et de déductions romaines est relativement limité en Narbonnaise ; les études onomastiques montrent l’importance de

l’onomastique indigène et locale (voir J. Gascou et B. Rémy, ce volume) qui indique une forte persistance de la population indigène, dans toutesles couches sociales, sous le Haut-Empire.

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Ralph Häussler

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endroit, A(ulus) Com(inius ?) Suc(cessus) et égalementau nom d’un pérégrin de Montjustin, Comia(nus?) 75 ; leVebru- (Oueb[---]) de Cadenet peut être associé au nomVerbronara de Gargas 76.

Enfin, il apparaît que les aristocraties locales occu-paient déjà l’espace partout dans le milieu rural pendantl’âge du Fer, à la veille de la « romanisation », et la répar-tition des villas montre donc probablement une certainecontinuité de l’organisation spatiale 77 ; le nombre crois-sant des petites sites rurales, créées au IIe et Ier s. av. n. è.,suggère l’existenace d’une petite paysannerie libre à lafin de l’âge du Fer.

Les aristocrates et les paysans qui se sont engagés aux côtés de César et d’Octave sont probablement lesbénéficiaires qui pourraient renforcer leur propriété etleur autorité, comme dans le cas de Craton à Aix et desIulii à Glanum (par contre, les colons d’origine étrangère forment une nouvelle élite à Arles, à Narbonne, Orange etFréjus). Mais il faut aussi tenir compte que les auto-chtones qui ont choisi le bon camp et se manifestent parl’épigraphie sous le Haut-Empire pourraient possible-ment être minoritaires par rapport à la masse des vaincus,déportés et tués qui disparaissent des sources visibles 78.

Au Ier s. de n. è. à coup sûr 79, nous trouvons les membres d’une élite riche et influente (en considérant lanature de l’inscription et leur rôle dans les activités cultuelles), qui paraissent plus attachés aux cultes et à laculture d’origine « indigène » et qui portent des nomsd’origine celtique (comme la stèle funéraire de caractère« non-romain » avec une onomastique pérégrine/celtiqueet une filiation : Virianto, Turi f(ilio) 80). On peut aussitrouver ce genre de stèles, peut-être inspiré par des précé-dents gallo-grecs 81, ailleurs, voir par exemple la dédi-cace à la déesse Bergonia de Viens (v. infra). Malgré leurcaractère plutôt simple, ces stèles montrent l’adoption de

l’épigraphie latine dans le répertoire indigène par les élites locales 82 : par exemple, la dédicace de Varus àLausc(us) 83 ; dans la commune de Buoux, deux épi-taphes simples commémorent les noms de deux femmes,Dubia, | C(ai) f(ilia) 84 et Verbron|ara, Apetemarif(ilia) 85.

3.2 Rapports sociaux au-delà de la sphère locale

Le pouvoir politique et le rang social de beaucoup defamilles aristocratiques vont au-delà des limites de la cité.Cela est bien documenté dans le cas des Domitii 86. Maisdans la colonie de Iulia Apta également beaucoup dedignitaires résidaient ailleurs, telle une flaminica d’Apt àArles 87, un seuir d’Apt à Glanum 88, ou le flamen etquattuoruir d’Apt qui était aussi duouir et pontifex àAvignon 89. Cela montre aussi que les structures socialespréromaines, à la base de la tribu, du clan ou du proto-état, ont largement cessé de fonctionner sous le Haut-Empire, pendant que les rapports sociaux externes, parexemple au niveau de la province et de l’état romain, sontdevenus de plus en plus importants 90.

Avec l’insertion de nombreuses communautés dans lesstructures de la cité du Haut-Empire, les liens sociaux etles rapports entre patron et client s’étendent loin au-delàde la sphère locale. Rome, ses lois et sa hiérarchie sociale concernent de plus en plus toutes les commu-nautés de la Narbonnaise. Par conséquent il était possiblede circonvenir la hiérarchie locale : par exemple, il y ades dédicaces de collèges, de pagani, de uicani et d’autres institutions « humbles » à l’empereur, commel’inscription du pagus Iuuenalis, un pagus non localiséd’Aquae Sextiae, pour la santé (pro salute) de Néron 91.

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75 RIG G-114 ; ILN-3, 18 ; 183 ; 220 (v. infra).76 RIG G-113 (Cadenet) ; ILN-4, 122 (Gargas).77 Cf. par exemple Fevrier 1981 pour la permanence des résidences rurales des élites urbaines en Gaule.78 A. Roth Congès, communication orale, octobre 2007.79 Voir J. Gascou, dans ce volume.80 ILN-4, 67 (Cereste) : Virianto | Turi f(ilio). Voir Holder III, 365 ; cf. aussi Delamarre 2003, 321, s.v. uiridio (pour Viredius, etc.).81 Pour les stèles gallo-grecques, voir Arcelin et alii 1992 ; Garcia 2004.82 Sur l’adoption de l’épigraphie latine pour les marqueurs de propriété, voir Cresci Marrone 1991 et ce volume ; cf. Häussler 1998 pour l’adoption

de l’épigraphie en Italie du Nord.83 ILN-3, 140 (de Garéoult).84 ILN-4, 121 (de Buoux).85 ILN-4, 122 (d’Apt) ; aujourd’hui perdu.86 Voir Burnand 1975.87 CIL XII 695. D(is) M(anibus) | Iul(io) C(ai) f(iliae) Tertullin(o) | flam(ini) col(oniae) Apta | L(ucius) Vallius Attilian(us) | nepos.88 CIL XII 1005.89 ILN-4, 27 : D(is) M(anibus) | L(ucio) Volus(io) L(uci) f(ilio) Vol(tinia) Seue|riano IIIIuir(o) c(olonia) I(ulia) Apt(a) II | et flam(ini) item IIuir(o)

c(olonia) I(ulia) | Had(riana) Auenn(iensi) et pontif(ici) | sacerdot(i) urbis Rom(ae) | aetern(ae) Vol(usia) Severiana | patri incomparabili.90 Cf. N. Elias (1974) pour un modèle théorique sur l’intégration des « tribus » indigènes dans les structures d’un « état ». Le mot « tribu » n’est pas

approprié ; cf. débat dans Häussler 2000 pour un cas analogue en Italie du Nord.91 ILN-3, 22 : Pro salute | Neronis Claud(i) | Caesaris Aug(usti) | Ger(manici) p(atris) p(atriae) sacr(um) | [p]agus Iu(u)enalis.

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

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L’importance croissante de la hiérarchie romaineexplique la grande variété de rangs sociaux dans nos deuxcités : parmi les dignitaires locaux, on trouve, par exemple un flamen du culte impérial à Vernègues 92, un

pontifex à Rognes 93, un quattuoruir à Saignon 94 et lesDomitii, famille influente d’Arles 95, à Rognes etEsparron ; il y a un chevalier romain au Tholonet 96 et letribunus militum de Rognes montre l’importance de l’armée romaine pour la mobilité sociale 97.

3.3 Les « villas », nœuds de jonction entre les structures sociales de la cité

Comme nous l’avons vu ci-dessus, la résidence aristo-cratique du Haut-Empire, la villa, est un phénomènesocioculturel qui reflète l’identité des membres de l’aristocratie et l’insertion des hiérarchies sociales existantes dans un nouveau système, au cœur duquel setrouve la villa. Le cadre monumental et artistique de lavilla est une scène pour les actes sociaux qui sont au centre des rapports entre patron et client et qui matéria-lisent physiquement les hiérarchies sociales (comme laréception des clients ou les dédicaces des esclaves et desaffranchis en l’honneur de leur patron) : le symposiumsemble au cœur de l’organisation sociale 98. Pour la communauté rurale, le patron a des obligations pro-tectrices, comme on le voit à Apt dans l’inscription dupagus Vordenses à son patron, C. Allius Celer 99, ou ladédicace des pagani au patronus à Cucuron (fig. 3) 100 (v.infra).

Beaucoup de mausolées servent à signaler le pouvoirdes élites sur les terres et les personnes. Il existe de nombreux mausolées, comme l’installation impression-nante de Cucuron (fig. 4 ; n° 26) ou le mausolée deMirabeau (n° 50) 101 ; autour d’Apt, on trouve plusieursmausolées et des statues funéraires ; la remarquable épi-taphe versifiée d’Hippodamie (avec ses 24 lignes) montre une élite adhérant à la culture gréco-romaine 102.

Mais les mausolées servent aussi à préserver les nomsde famille pour la postérité 103. Dans notre région d’étudenous trouvons, parmi d’autres, les Nouellii à Peypin-d’Aigues, les Attii à Saint-Zaccharie, les Domitii àEsparron, les Septumii de Meyrargues 104, ainsi que la

92 ILN-3, 261 : [---] Augusto Caesari | [---] Romae et August[i--].93 ILN-3, 245.94 ILN-4, 77.95 Pour les Domitii, voir Burnand 1975 ; Domitii à Rognes : ILN-3, 243 : D(ecimus) Domitius L(uci) f(ilius) Vol(tinia) Celer | tr(ibunus) mil(itum)

praef(ectus) fabr(um) uiuos fecit ; ILN-3, 244: L(ucius) Domitius L(uci) f(ilius) Vol(inia) Magu[---] | Domitia Sex(ti) f(ilia) mater.96 ILN-3, 193 (IIe s. de n. è.) : L(ucio) Virilio L(uci) f(ilio) | Volt(inia) Gratiniano | equiti R(omano) [---].97 ILN-3, 245 : [---] Domitius L(uci) f(ilius) Vol(tinia) Macer | tr(ibunus) mil(itum) ponti[fex uiuos fecit].98 Cf. par exemple l’étude de J. Slofstra (1995) sur l’idéologie de la villa ; a contrario, il est difficile d’accepter l’idée d’un développement indigène

relativement indépendant et d’une continuité inchangée entre protohistoire et Haut-Empire.99 ILN-4, 22 = ILS 6989 : C(aio) Allio C(ai) fil(io) | Volt(inia) Celeri | IIIIuir(o) flam(ini) | augur(i) col(onia) I(ulia) | Apt(a) ex V dec(uriis) | Vor-

denses | pa[ga]ni | pa(tro)no.100 ILN-3, 207 (Cucuron) : Pagan[i ---] | Petroniae [---].101CAG 84/2, p. 279-80, n° 076, 9* ; Roth 1972, 145-148.102CAG 84/2, p. 149 sqq., n° 003, 54*; 59*.103Cf. Häussler 1998.104 ILN-3, 192 : [---S]eptumio Fla[--- | Au]reliano pa[tri --- | Sep]tumio Flacci[no fratri | Septu]m[i]a L(uci) f(ilia) Pr[---].

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Ralph Häussler

Fig. 3 - Cucuron, dédicace des pagani à leur patronne Petronia (d’après ILN-3, 207).

Fig. 4 - Le mausolée de Cucuron (d’après CAG 84/2, n° 042, 10*).

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résidence de Lucius Virilius Gratinianus, de rang équest-re, au Tholonet 105.

Il y a bien sûr des liens très forts entre le chef-lieu dela cité et les résidences aristocratiques rurales. Il semblequ’on retrouve plusieurs personnes et familles en ville età la campagne 106. Par exemple, nous trouvons TitusAemilius Burrus et C. Aemilius Vastus à Aix-en-Provence 107, pendant que Cucuron pourrait indiquer labase rurale des Aemilii : là Titus et Gaius Aemilius sont

attesté sur une inscription qui semble dater de la même période108.

Le cas des Attii et des Nouellii nous informe sur lesrapports entre familles aristocratiques dans la cité : lecentre du domaine des Nouellii semble avoir été Peypin-d’Aigues, d’après une inscription élégante, trouvée prèsde la route communale et dédiée par Nouellia Paterna àses parents, à ses frères et aussi à ses petits-fils qui portent le gentilice Veratius 109 (un gentilice assez rare,

105 ILN-3, 193 (v. supra).106Il faut noter que certains gentilices sont très rares en Narbonnaise, comme Orbia/Orbius (un nom seulement attesté comme cognomen à Uzès, CIL

XII 2946 : [Dis Mani]bus Pomponio Orbo) ; 9 attestations pour les Nouellii ; environ 20 attestations pour les gentilices Vinucius/Vinicius, surtoutà Glanum, Nîmes et Narbonne ; env. 20 Heluii ; 30 Veratii ; par contres, les gentilices Aemilii (env. 80) et Attii (presque 100 attestations) sont pluspopulaires.

107 ILN-3, 43 : Sex(to) Aemilio Paullo patri | Aemiliae Q(uinti) f(iliae) Regillae matri | Sex(to) Aemil(io) Paullino fratri | T(ito) Aemil(io) Burro fra-tri | C(aius) Aemil(ius) Vastus | suis.

108 ILN-3, 206 : T(itus) Aemilius | G(aius) Aemil(ius) VIuir | suis ; cf. Guéry et alii 1990: 202. ILN-3, 43 (d’Aix-en-Provence) : Sex(to) Aemilio Paullopatri | Aemiliae Q(uinti) f(iliae) Regillae matri | Sex(to) Aemil(io) Paullino fratri | T(ito) Aemil(io) Burro fratri | C(aius) Aemil(ius) Vastus | suis.

109CAG 84/2, p. 297-299, n° 090 ; l’inscription a été trouvée au hameau des Dones (ibd. 2*); ILN-3, 189 ; ILGN 154 : Nouellia Nouani f(ilia) Paternasibi | P(ublio) Nouellio Nouano patri Sabi|nae Lenaei f(iliae) matri P(ublio) Nouellio | Vasto L(ucio) Nouellio Sabino fratri|bus Q(uinto) Veratio[Ve]ro Sex(to) V[er]atio | Paterno nepotibu[s]. (Ier s. de n. è.). N.B. : à Peypin-d’Aigues on a aussi trouvé une statuette d’Hercule.

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 5 - Carte de répartition des gentilices des citoyens romains en ville et à la campagne, qui montre des liens très forts entre le chef-lieu de la citéet les résidences aristocratiques rurales (un gentilices au pluriel indique plusieurs attestations de la même gentilice ; pour les numéros cf. les tableaux de résumé ci-dessous).

5 L. CORNELIVS5 L. CORNELIVS

CORDIVSCORDIVSC. IVLIVSC. IVLIVS

Sex. COM(INIVS)Sex. COM(INIVS)C. HELVIVSC. HELVIVS

Q. CORNELIVSQ. CORNELIVS

21-CORNELIA21-CORNELIA 26-pagani, patron26-pagani, patronAEMILII - sévirAEMILII - sévirSEXTIISEXTIIROSCIUSROSCIUST CORNELIVST CORNELIVS

34-COMMIVS34-COMMIVS42-T FLAVIVS42-T FLAVIVS

L. OCTAVIUSL. OCTAVIUSC. AC. ATTIVS NOVTTIVS NOVELLVSELLVS

78 78 sociisociiORBIVSORBIVSIVLIIIVLIIIOUVENTIVSIOUVENTIVS

84sqq 84sqq AEMILIIAEMILIIVALERIIVALERII

ATTIIATTIIVINICIVSVINICIVS

92-Taminius92-TaminiusMontaniusMontanius

98-Ammo Sol[98-Ammo Sol[

102- C IVVENTIVS102- C IVVENTIVS

121 - VALERII121 - VALERII

113-LICINII113-LICINII

112- socii112- sociiIVLIIIVLII

114-FLAVIA114-FLAVIA110-Q ANNIVS110-Q ANNIVS

147-C. IVLIVS147-C. IVLIVS

144-ATTIVS144-ATTIVSAURELIVSAURELIVS

150-CORNELIA150-CORNELIAPOMPEIAPOMPEIA

156156col() A(...)col() A(...)SEXTIVSSEXTIVSVINCI[VS]VINCI[VS]ComianusComianus

240 IVLIVS240 IVLIVS

Via DomitiaVia Domitia

ArcArc

Étang deÉtang de Berre Berre

Via Domitia

Via Domitia

131-VALERII131-VALERIICOELIICOELII

AEMILIVSAEMILIVSANNIIANNIIATTIVSATTIVSCORNELIICORNELIIHELVIAHELVIAIVLIIIVLIIBacchylusBacchylus

POMPEIIPOMPEIILICINIILICINII

PVNICIVSPVNICIVSSAMICIVSSAMICIVSVERATIVSVERATIVS

151510-1310-13

39 39 NOVELLIINOVELLIIVERATIIVERATII

226-VIRILIVS226-VIRILIVSequeseques

300 POMPONIVS300 POMPONIVS

312 IVLIA312 IVLIACn LICINIVSCn LICINIVS

360 360 ATTIIATTII

ATTIA NOVELLAATTIA NOVELLACORNELIICORNELIICLODIVSCLODIVS

Sex IVLIVSSex IVLIVS

366 366 Sex VINDIVSSex VINDIVS

365 Sex LICINIVS365 Sex LICINIVS

368 M. ERVCII368 M. ERVCIIQ LICINIVSQ LICINIVS

356 356 ATTIIATTII

Sex. ATTILIVSSex. ATTILIVSCORNELIACORNELIA

VALERIIVALERII

317 T DOMITIVS317 T DOMITIVSIVLIIIVLII

Q LVCANIVSQ LVCANIVS

372 372 VALERIIVALERII

POMPONIVSPOMPONIVS

378 378 L. VINIC[L. VINIC[

COR()COR()

284 VALERII284 VALERII

277 VERATII277 VERATIIflamen Romaeflamen Romae

272 - municipes272 - municipes

263 263 POMPEIIPOMPEII

249 249 DOMITIIDOMITIItrib.mil.trib.mil.pontifexpontifex

ATTIAN[IVS?]ATTIAN[IVS?]

291sqq. 291sqq. Sex. IVLIISex. IVLII

(patronus, flamen,(patronus, flamen,trib. mil. leg.)trib. mil. leg.)CORNELIACORNELIAVALERIAVALERIA

D u r a n c eD u r a n c e

201-IVLIVS Bacchylus201-IVLIVS Bacchylus

APTAPTM. VIBIVSM. VIBIVS

ATTIIATTIICORNELIICORNELII

IVLIIIVLIIORBIAORBIA

D u r a n c e

D u r a n c e

175-AIX-EN-PROVENCE175-AIX-EN-PROVENCE

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mais également connu à Aix-en-Provence 110). Dans uneinscription de Lourmarin, C. Attius Nouellus a pris lemême gentilice comme cognomen, ce qui pourrait signi-fier un lien dynastique par mariage 111, comparable avecle cas d’Attia Nouella, qui se trouve de l’autre côté de lacité, à Saint-Zacharie 112. Mais ce témoignage de Saint-Zacharie fait partie d’une longue inscription du Ier s. den. è., qui compte trois générations de la gens Attia (dontune personne mariée avec des Valerii : Valeria Attia) 113,à laquelle on peut ajouter l’inscription julio-claudiennede Lucius Attius Rufinus, fils de Quintus, de la tribuVoltinia 114.

On peut spéculer sur les autres rapports entre Aix etson arrière-pays, par exemple le cas de Pinaria 115, ungentilice qu’on retrouve à Reillane 116, ou de GnaeusLicinius Gratus, qui fait une dédicace aux Parcae àRians 117, pendant qu’un certain Gnaeus Licinius Marcusest commémoré par son épouse et par le collège desdendrophori d’Aquae Sextiae 118.

Dans les domaines ruraux, dans les sanctuaires rurauxet dans les villages, les affranchis manifestent leur éman-cipation et leur acquisition de la citoyenneté romaine (oula citoyenneté au sein de la colonie) par l’épigraphie.Beaucoup d’esclaves et d’affranchis portent un nom grec,comme Onesimus, Antenor, Syrillio et bien d’autres. ÀMénerbes (Apt), Onesimus et Licinia Quartula étaient lesaffranchis de Quintus Licinius Onesimus 119 ; uneinscription de la villa d’Esparron 120 mentionne Eu-tychion, l’affranchi de Titus Domitius Pedullo, un magis-

trat arlésien (v. supra) 121 ; à Cabrières-d’Aigues, Heleraétait l’affranchie de Gaius 122 ; à La Roquebrussane,Valens était un citoyen romain libre, mais il était le filsd’Agathangelus, qui lui-même était l’affranchi d’un cer-tain Titus Valerius 123 ; le nom rare et isolé Antenor, attesté à Rognes 124, se retrouve à Aix-en-Provence :Sextus Punicius Antenor, affranchi de la colonia Aquensiset seuir Augustalis 125.

À Roussillon une épitaphe commémore le meurtre deSeverianus qui a été assassiné par son propre affranchi –quem libertus suus hoccidit 126. Toujours à Roussillon,Satyrio était probablement un esclave à cause de son nomunique d’origine grecque 127. Et à Saignon, au sud d’Apt,Lucius Coelius Surillio a remercié Mercure pour sonaffranchissement avec les mots: ser(uus) u(ouit), libers(oluit) 128. Le cas de l’affranchi Sextius Iulius Bacchylusest intéressant : sur un domaine rural à Gardanne, au sudd’Aix-en-Provence, Bacchylus a consacré un autel àLiber Pater 129, un dieu approprié au contexte romaniséde la villa ; mais à la villa de Puyricard, près d’Aix, apparemment le même Bacchylus a consacré un autel,très proche par le style de celui de Gardanne, àJupiter 130 ; les deux autels ont été vraisemblablementélevés en accomplissement de son vœu pour son émanci-pation. Il faut prendre en compte que les affranchis sonttoujours sur-réprésentés dans l’épigraphie latine.

Si on considère l’impact de longue durée de la villegrecque de Marseille sur la région, du fait de la colonisa-tion et de l’interaction culturelle, il est probable que les

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110 ILN-3, 26 : deux Veratii, flamen et chevalier ; ILN-3, 30 ; 35 : Veratia.111 ILN-3, 235 (Lourmarin) : Marciae, Q(uinti) f(iliae), | Priscae | Gaius Attius Nouell(us) | matri.112 ILN-3, 170 (Saint-Zacharie) : Sex(to) Attio At[tico patri] | Valeriae Sexti[nae matri Vale|riae At]tia[e] sor[ori Sex(to) Attio Fes|to f]r[at]ri Attiae

[Novellae filiae] | Mem[mi]ae Pris[cae uxori] | L(ucius) Att[i]us [Se]cu[ndus sibi] | e[t] suis [u(iuus) f(ecit)].113 ILN-3, 170.114 ILN-3, 171 (v. supra).115 ILN-3, 81 : Pinar[---] | T[---].116 ILN-3, 176 : Pinaria [---|P]rimigen[ia.117 ILN-3, 161 (v. infra).118 ILN-3, 38 : [D(is) M(anibus)] | Cn(aei) Licini | Marci | Licinia | Veneria | marito | incomparabili | et | dendrophori | Aquenses.119 ILN-4: 148 : Onesimus | Q(uinto) Licini|o Q(uinti) lib(erto) | Onesimo | Licinia | Quartula ; cf. Gascou et alii 1997, 187.120À Notre-Dame-de-Revest, cf. CAG 83/1, n° 052.121 ILN-3, 156 ; pour la celticité de Pedullos, voir Holder II, 961-962 ; l’inscription date de l’époque julio-claudienne.122 ILN-3, 195 : Helara | C(ai) l(iberta) | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito).123 ILN-3, 145 : T(ito) Valerio V[a]|lenti an(norum) XX[II] | T(itus) Valerius Aga[th]|angelus et Iuli[a] | [---]e parentes fil(io) pie[n|tis]simo u(iui)

f(ecerunt) et s(ibi) (de La Roquebrussanne). Cf. Solin 1982, 3-4 pour Agathangelus.124 ILN-3, 240 (Rognes) : Verax Antenoris | f(ilius) et Potissuma | Ollunae f(ilia) Uroicis et | AII??[---]inensi[b]us loc[---].125 ILN-3, 36 (Aix) : Sex(tus) Punic(ius!) colon(iae) Aq[uens(is)] | libertus Anten[or] | IIIIIIuir Augustalis co[rp(oratus)] item [cor]|porat(us) cen-

tonar(ius) sibi [et] | Mercatiae [---]rinilla[e uxo]|ri piissimae in suo u(iuus) f(ecit).126 ILN-4, 131 : D(is) M(anibus) | G() Lucilia | G() Severiano | filio pientes|simo posuit | quem liber|tus suus | hoccidit(!).127 ILN-4, 132.128 ILN-4, 76 (Apt) : Mercurio | L(ucius) Coe(lius) Surillio | ser(vus) u(otum) libens s(oluit).129 ILN-3, 200 (Gardanne) : Libero Patri | Sex(tus) Iul(ius) | Sereni lib(ertus) | Bac[c]ylus.130 ILN-3, 8 (Aix) : Ioui O(ptimo) M(aximo) | Sex(tus) Iul(ius) S[e]ren(i) | lib(ertus) Bacchy[l]us.

Ralph Häussler

Page 15: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

noms grecs ont été adoptés dans le répertoire onomas-tique local ; c’est pourquoi il n’y a pas de raison d’attribuer chaque nom grec à des esclaves ou à desaffranchis. Dans certains cas, comme Lucius ClodiusP(h)osphorus de Saint-Zacharie 131, on ne doit pas néces-sairement conjecturer une origine servile.

3.4 L’adoption de conceptions romainesLa villa comme base dynastique d’une famille aristo-

cratique montre aussi deux concepts qui sont probable-ment d’origine romaine et diffèrent de l’organisation pré-romaine : le concept de la propriété privée et le conceptde la famille. Pour la société préromaine on peut envisa-ger d’autres formes d’organisation 132. Par exemple, laphrase Tricastini redditi du cadastre d’Orange montre quela terre est rendue en bloc à ce peuple, et non individuel-lement assignée, qui pourrait indiquer que les Tricastinin’avaient pas connu le concept d’une propriété privée etindividualisée 133.

Le domaine familial de l’époque romaine marque doncprobablement une situation nouvelle (différente duconcept collectif protohistorique des terres d’ancêtres).La villa témoigne aussi du concept de famille – une unitéqui prend forme par l’introduction du gentilice descitoyens romains et qui va finalement remplacer d’autresstructures sociales, comme les « clans », qui ne sont pasattestés sous le Haut-Empire : même si plusieurs généra-tions d’une seule famille sont attestées sur les inscriptionsfunéraires de notre région, on ne trouve jamais desfamilles étendues ou des clans 134.

3.5 RésuméCes nouvelles structures sociales avaient aussi un

impact sur la religion. Un clan ou un lignage a pu perdreson pouvoir traditionnel à cause des bouleversements duIer s. av. n. è. Cela a engendré plusieurs stratégies pourconsolider le pouvoir ancestral, parmi lesquelles la mani-pulation et le contrôle des lieux de culte ruraux sembleavoir été un choix récurrent des élites provençales sous leHaut-Empire, comme nous allons voir ci-dessus.

On voit que les aristocraties des cités d’Apt et d’Aix

essayent de dominer physiquement l’espace dans la cam-pagne, de créer une présence physique qui domine le pay-sage par le positionnement des villas, des mausolées etdes lieux de culte. Avec l’apparition d’une hiérarchie desites extrêmement stratifiée, la villa – comme centre duréseau de patronage – est devenue un moyen importantpour intégrer le populus rural et pour réaffirmer le rangsocial des familles élitaires locales vis-à-vis des autresfamilles aristocratiques et des classes sociales inférieures.

4. Le Paysage Sacré4.1 La visibilité des sites archéologiques

C’est dans ce contexte d’organisation socio-géo-graphique qu’il faut essayer de comprendre l’évolutiondu paysage sacré. Le paysage sacré, ce n’est pas seule-ment la distribution spatiale des lieux de culte, mais celaimplique aussi les rapports entre les caractéristiques topo-graphiques, l’organisation sociale du territoire et le choixd’un lieu sacré et d’une divinité. Le grand nombre delieux de culte dans le territoire d’Apt et d’Aix est exceptionnel en Gaule. Les nombreuses dédicaces encontexte rural pourraient probablement s’expliquer par lacapacité d’écrire en Provence romaine, mais cette apti-tude est également très élevée dans les autres cités de laNarbonnaise. Le grand nombre de lieux de culte dans lescités d’Aix et d’Apt est surtout un résultat de l’organi-sation socio-géographique du Haut Empire et de son évo-lution depuis la fin de l’âge du Fer : premièrement, unerégion densément peuplée ; deuxièmement, la présencedes élites en milieu rural ; troisièmement, une élite quicherche activement à consolider son pouvoir par lemoyen de la religion, peut-être inspirée par les cultesd’ancêtres de l’époque protohistorique 135.

En même temps, il y a des lieux de culte sans inscrip-tions, même en Gaule Narbonnaise 136. Cela pourrait re-fléter des coutumes religieuses locales, comme l’inter-diction druidique d’écrire des choses sacrées, rapportéepar César (BG, VI, 14). De plus, le nombre de dédicacespar lieu de culte est relativement limité en comparaisonavec des zones frontalières de l’Empire : souvent il n’y aque deux ou trois autels et/ou inscriptions par lieu de

131 ILN-3, 171 (Saint-Zacharie) : L(ucio) Attio | Q(uinti) f(ilio) Vol(tinia) | Rufino | L(ucius) Clodi[u]s | P(h)osphorus. (Phosphorus est probablementun ami de Rufinus, mais pas son affranchi : il porte un autre gentilice).

132Cf. en général les études anthropologiques : Häussler 1997b avec bibliographie antérieure.133CIL XII 1244 = AE 1951, 77. Voir aussi le conflit entre la ville de Gênes et les Ligures pour les terres en 117 av. n. è. et la façon dont Rome a

imposé le concept de la propriété privée aux peuples liguriens (CIL V 7749).134Les stèles gallo-grecques n’attestent en général que le nom d’un seul défunt avec filiation ; cela nous ne donne pas d’information sur les

structures sociales, sauf qu’on ne connaît pas le concept d’un nom familial.135Il semble que le résultat de l’évolution socioculturelle dans les cités d’Apt et d’Aix diffère de celui des Arécomiques sous le Haut-Empire. C’était

certainement un choix différent de la part de la population locale, surtout la concentration du pouvoir dans les centres urbains, comme à Nîmes(cf. Häussler 2007) : autour de Nîmes il y a d’autres centres urbains, comme Laudun et Gaujac, qui, d’après Roth Congès et Charmasson (1992),sont des oppida Latina autonomes, et non des oppida attribués à Nîmes.

136Par ex. le « fanum » de Colombières-sur-Orb (Hérault), cf. Guiraud 1992 ; voir aussi Häussler 2001-2002.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 16: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

culte ; même en Grande Bretagne il y a des sanctuairesavec une vingtaine d’inscriptions et plus, même pour lesdivinités indigènes 137. Dans le contexte de nombreuxlieux de culte ruraux de notre région, l’existence d’unautel épigraphié peut même être considérée commeexceptionnelle : c’est possible qu’il s’agit dans notrerégion des sites pour les fêtes religieuses saisonnières –comme Beltain le 1er mai et Samain le 1er novembre, lesamonios du calendrier de Coligny – probablement sansaucun bâtiment permanent, et dans ce contexte, un autel,dédié soit par un individu, soit par une collectivité (carbeaucoup d’autels ne mentionnent pas le nom du dédi-cant), ne marque que le lieu d’un culte 138. Cela pourraitexpliquer la relative rareté des ex-voto épigraphiquesdans nos deux cités.

4.2 Les dédicacesLioux, Vernègues et Le Castellar sont parmi les rares

sanctuaires qui ont été fouillés dans notre région. Il y aaussi des lieux de cultes identifiés par des dépôts votifs,des vases miniatures et des fragments architecturaux.Mais la plupart des lieux de culte dans notre région d’étude ne sont connus que par l’épigraphie et ce sontsurtout ces dédicaces qui montrent parfois un caractèreplutôt « indigène » de la religion dans notre région. (Lestableaux 9 et 10 ci-dessous montrent les divinités indigè-nes et romaines attestées dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence).

Mais il faut être prudent avec les informations quenous donnent les inscriptions. En général, il s’agit d’ex-voto en pierre, d’autels votifs, et donc d’une coutumegréco-romaine, déjà adoptée dans notre région aux IIe etIer s. av. n. è. 139. Bien que l’autel ait été déposé dans unespace public, il s’agit d’une affaire très personnelle entrel’individu et la divinité. Le nom de la divinité et le nomdu dédicant reflètent-ils donc les choix du second ? Dansce cas, le dédicant peut être motivé par des questions reli-gieuses, politiques et ethniques, ainsi que par sa propreidentité, sa romanitas. Par exemple : faut-il préférer unthéonyme latin ou plutôt, dans un contexte villageois, unthéonyme celtique ? Est-ce que l’inscription nous montrel’interpretatio du dédicant 140 ? Va-t-il essayer de traduireles théonymes et les épithètes indigènes en latin ? L’écri-

ture latine n’est pas bien adaptée pour écrire des théo-nymes celtiques ; cela crée des problèmes d’interpré-tation linguistique.

Quant aux noms des dédicants, un citoyen romain vapeut-être montrer son statut par son nom (tria nomina),mais les traditions d’un culte « ancien » peuvent aucontraire favoriser l’usage plus humble du cognomen oumême d’un nom celtique : c’est-à-dire qu’un nom singu-lier et même une filiation du type pérégrin ne montrentpas nécessairement le statut du dédicant, mais pourraientêtre un choix approprié au contexte d’un sanctuaire spé-cifique. Il faut aussi considérer que, au moins jusqu’auXIXe s., il était normal pour quelqu’un d’avoir plusieursnoms dépendant de son âge, de sa position sociale, ducontexte, etc. 141.

Plusieurs problèmes se posent lorqu’on utilise lesinscriptions de la période romaine, surtout la datation caril est rare de trouver une inscription votive datée ; de plus,il y a souvent des arguments circulaires dans la datationdes inscriptions 142. Un autre problème est la localisation,car la plupart des inscriptions ont été trouvées en remploicomme matériaux de construction plutôt que dans uncontexte stratigraphique. Cela rend une analyse contex-tuelle difficile, parce que les inscriptions qui ont été trou-vées dans la même commune (souvent dans l’égliseparoissiale) n’appartiennent pas nécessairement au mêmelieu de culte. Dans ce cas, il faut essayer d’identifier lelieu d’origine, comme nous allons voir dans les cas deVillars, Saint-Saturnin-lès-Apt et beaucoup d’autres sites,où on trouve des divinités différentes qui appartenaient àdes sanctuaires distincts. Par exemple dans le cas deVillars, les dédicaces à Mercure et à Jupiter, découvertesdans la même commune mais dans des contextes distincts, peuvent-elles provenir du même sanctuaire ?Cf. ci-dessous.

4.3 La genèse d’un lieu de culte ruralLes lieux de culte en milieu rural jouent plusieurs rôles

importants dans la société. Beaucoup de ces lieux de cultecréent des points centraux pour la population cam-pagnarde, pour les habitats dispersés, pour les uici et pourles autres communautés et groupements sociaux, y com-pris des collèges, des lignages familiaux, etc. La partici-

137Häussler 2001-2002.138Cf. aussi infra pour le rapport avec la stèle bilingue de Verceil.139Comme le montrent les dédicaces gallo-grecques, comme celle de Glanum aux mères glaniques (RIG G-64), celle d’Orgon à Taranus (G-27), celle

de Saint-Chamas à Belenos (G-28), etc.140Pour interpretatio, cf. Wissowa 1918 ; DNP 6, 869-871, s.v. interpretatio. Comme nous allons le voir, l’interpretatio romana/indigena est un

concept beaucoup plus compliqué.141Voir l’étude de Zonabend 1977 sur un village français du XIXe s., où chaque changement d’état correspondait une dénomination différente ; le

nom de l’individu exprime donc sa position dans la constellation sociale du village. 142Sur la chronologie des inscriptions datées en Narbonnaise, cf. Cibu 2003 ; sur les inscriptions votives datées en Gaule, voir Lajoye 2007. La plu-

part des inscriptions datées ont été élevées par des militaires ou des magistrats.

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Ralph Häussler

Page 17: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

pation active de l’aristocratie locale y affirme le pouvoird’une élite, que nous ne devons pas seulement imaginercomme gestionnaire financier du culte, mais qui agitaussi comme clergé dans les rituels. Évidemment la participation d’une aristocratie qui a accepté de plus enplus l’éducation et l’art de vivre gréco-romains aura desrépercussions importantes sur l’évolution des activitéscultuelles ; cet impact est probablement plus profonddans le cas d’une religion polythéiste, non écrite, con-frontée avec la puissance du mythe et de la littératuregréco-romaine.

4.4 Interpretatio romana / indigenaL’usage des théonymes latins pour les dieux indigènes

relève d’une interpretatio indigena, et, plus précisément,une identificatio 143 : la population indigène a choisi lesnoms des divinités romaines qui semblent les plus proches des fonctions des divinités indigènes. Au débuton a choisi délibérément le nom d’une divinité romaine et son iconographie pour représenter une divinité indi-gène.

Mais l’acte de l’adoption n’est pas la fin de ce proces-sus de « romanisation » ; au contraire, ces adoptions ontinitié d’autres processus à long terme 144 : déjà les imagesgréco-romaines et les noms latins vont influencer lapopulation locale dans la compréhension de leurs culteslocaux pendant les générations suivantes. Ces processussocioculturels vont changer l’essence des cultes indi-gènes, ainsi que le rôle des prêtres et des magistrats dansle culte, les fonctions d’un culte pour la communautélocale, et les rapports d’un sanctuaire avec d’autres cultesdans un monde romain de plus en plus interconnecté.

Comme Duval l’a déjà montré, le résultat est un syn-crétisme, par lequel les divinités prennent des fonctions etdes caractéristiques des deux mondes, de la religiongréco-romaine et la religion indigène 145. Mais il y a làplus qu’un mélange entre deux religions : la population acréé des cultes hybrides ou, selon la terminologie de J.Webster (2001), créoles ; la « créolisation », conceptiondéveloppée pour les Amériques, essaie de montrer com-ment une population locale a choisi certains éléments descultures entrantes, leur a accordé des significations différentes de la culture originale, puis ces éléments se

sont mêlés aux traditions indigènes : il en résulte la création de formes complètement nouvelles, et doncd’une nouvelle culture (et dans notre cas une nouvellereligion).

Dans ce concept de la créolisation, les éléments de laculture entrante qui ont été choisis par la population locale ne sont pas seulement les théonymes latins, lesreprésentations et la mythologie gréco-romaines, maisaussi les pratiques cultuelles, les rites, les sacrifices, leshymnes, les ex-voto, etc. Toutefois, il faut prendre enconsidération plusieurs facteurs. D’abord, il n’y a pas unseul processus de romanisation ou créolisation, mais unemyriade d’actions individuelles qui ont provoqué, avec letemps, la création de nouvelles religions locales. On voitaussi les diverses (et divergentes) motivations qui ontincité à l’adoption d’un caractère grec, italique ouromain : il faut considérer les questions de la religiosité etde l’identité du dédicant, les réponses à la « globalisationculturelle » 146 et aux cultes « orientaux », etc. Parailleurs les acteurs sont d’origine et de rang très différents ; leurs actions dépendent du contexte : sanctuaire public, culte civique, chapelle rurale, culteprivé. L’évolution continue des religions dans laProvence romaine est tributaire de l’ensemble de cesactions : ce sont des réalités complexes qui se cachentderrière l’interpretatio indigena.

Autour de l’époque augustéenne, on observe beaucoupde gestes publics qui ne montrent pas seulement la loyau-té à Rome et Auguste, mais aussi que l’idéologie duPrincipat a stimulé les actions de certains membres desélites locales. C’est à cette époque qu’on voit les change-ments les plus profonds en Gaule Narbonnaise, par exemple la re-construction de plusieurs sanctuaires indigènes et les constructions des temples à podium.

C’est aussi à cette époque que les cultes indigènes lesplus puissants ont été transformés en Narbonnaise : pourcette raison, les théonymes pan-celtiques n’y sont plusattestés sous le Haut-Empire, comme ceux mentionnéspar Lucain – Taranis, Lugus et Aesus 147. On pourrait spé-culer qu’à cause de leur importance pour les sociétésindigènes, les noms des principales divinités pro-bablement ont été les premières « victimes » de l’inter-pretatio, car un nom latin pourrait être considéré plusapproprié pour les inscriptions latines et dans le contexte

143Pour « identificatio » et « translatio » comme deux aspects de l’interpretatio, voir De Bernado Stempel 2007a ; 2007b.144Déjà Thurnwald (1932) a montré l’importance de ces processus à long terme.145Voir le concept des dieux « gallo-romains » dans Duval 1976, 66 sqq. ; il faut refuser par ailleurs son idée que les autres dieux gaulois (Sucellos,

matres, etc.) « sont restés eux-mêmes en pleine époque romaine ». De plus, il ne faut pas généraliser pour toute la Gaule, parce que nous trouvonsune multitude de religions locales (cf. aussi Brunaux 2000b : il n’y a pas de religion gallo-romaine).

146Pour la « globalisation » dans l’empire romain, cf. Häussler 1997 ; 2004-2006 ; Hingley 2006.147Et aussi les divinités attestées un peu partout dans le monde celtique à l’époque romaine, comme Rosmerta, Sirona, Smertrios, Grannos, etc. Il y

a des très rares dédicaces à Epona et Belenos : En Narbonnaise, Epona est seulement attestée deux fois à Glanum : autel (Rolland 1944, n° 10),et ex m(onitu) Ippo(nae !) (AE 1946, 151) ; pour Belenos, cf. Jufer et Luginbühl 2001, 28-29 : Nîmes (CIL XII 5693.12), Narbonne (CIL XII5958), Saint-Chamas (RIG G-28), Saint-Rémy (RIG G-63) ; Belinus à Gréasque (ILN-3, 191).

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 18: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

d’une nouvelle architecture cultuelle qui a été inspiréepar le modèle romain, comme à Vernègues, Glanum etNîmes.

De plus, les élites ont voulu insérer leur communautédans une narration mythologique gréco-romaine et il adonc fallu adopter une langue commune au monde médi-terranéen. Il faut aussi considérer la capacité de l’idéologie augustéenne, à cette époque, à influencer unepopulation qui a activement participé aux guerres deRome sous César et Octavien. Même si la période augus-téenne et son idéologie furent de courte durée, les déci-sions des élites locales pendant cette époque ont eu unimpact durable et presque irréversible. Par conséquent,Mars, Mercure, Jupiter, Apollon, Minerve et Silvain 148

représentent l’évolution continue des divinités d’origine« indigène », après avoir remplacé les théonymes cel-tiques.

Mais dans ce cas, comment peut-on expliquer la cen-taine de théonymes celtiques en Gaule Narbonnaise sousle Haut-Empire ?

Il faut d’abord constater qu’un nom de dieu celtiquen’indique pas nécessairement un dieu préromain.Certains théonymes ont pu être créés pendant le Haut-Empire. Il est possible que cette grande diversité de divi-nités soit largement le produit d’une « globalisation »culturelle dans l’Empire romain, le produit d’un discourssur le monde et ses diversités culturelles 149 : dans unmonde qui devient de plus en plus petit, on essaie derecréer une identité locale. Il y a des théonymes déono-mastiques (c’est-à-dire des théonymes formés d’après unnom personnel, un nom d’un fleuve, d’une montagne,d’une tribu ou peuple, d’un toponyme 150) et des tra-ductions de concepts gréco-romaines en gaulois 151. Etcomme dans les religions gréco-romaines, on trouve despersonnifications de concepts abstraits, comme le roicéleste (Albiorix), l’eau sacrée (Abianus), le Tout-Puissant (Lanoualus), le dieu de la justice (Britovius), lemaître de la Puissance (Belenos), etc. Iboita, par exemple, est un nom celtique (*pib-ot-ya), interprété parP. De Bernardo Stempel comme « Trinkgottheit (la dées-se à boire) » 152.

Pour plusieurs théonymes on peut évoquer des étymo-logies contradictoires, comme nous allons le voir plu-sieurs fois au cours de cette étude. Par exemple : qui est

Accorus/Acorus/Adcorus, dieu (ou genius) attesté à troisemplacements dans la cité d’Aix ? Un théonyme celtiquede la racine corro- « nain », comme proposé par X.Delamarre 153 ? Un théonyme qui dérive d’un nom per-sonnel celtique, comme Atecurus ? D’après P. DeBernardo Stempel, il pourrait s’agir d’un genius associéau culte de la déesse grecque de l’agriculture, Déméter etsa fille Koré-Perséphone : Ad-cor-us « chez KÒrh » – sonconcept de la régénération, du cycle de la mort et de la viesemble avoir des rapports avec ce que l’on sait de la reli-gion celtique ; peut-on imaginer un rapport entre Ad-cor-us et l’Eubuleus du mythe grec, dont le nom sert d’épi-thète à Zeus en tant que dieu de la fécondité ? Ou peut-être s’agit-il d’un théonyme dérivé du mot grec x≈ra,c’est-à-dire « ad chora », donc un genius loci ? En effet,le contexte de la dédicace de Rognes suggère plutôt unmilieu indigène pour ce culte (v. infra). En tout cas, l’étymologie, en général, nous montre seulement unmoment, un « instantané » de la fonction d’une divinité,c’est-à-dire que l’évolution continue d’un culte pourraitengendrer pour une divinité des fonctions très différentesde celles indiquées par l’étymologie du théonyme.

4.5 Le choix d’un lieu sacré et d’un culteLa multitude de divinités et de lieux de culte dans

notre région montre que l’administration de la cité n’apas restreint la création de nouveaux cultes. Les popula-tions de nos deux cités ont profité de cette opportunité etles élites ont eu la possibilité de se retirer sur leurs domaines où elles pourraient exercer leur pouvoir dansles lieux de culte ruraux. Il est donc difficile d’envisagerune continuité religieuse inchangée entre la période pré-romaine et le Haut-Empire, car la religion était per-pétuellement adaptée aux besoins de la société, et lesstructures sociales ont subi des transformations profondesaux Ier s. av./de n. è. 154. On peut supposer que certainscultes et lieux de culte (par ex. Dexiva au Castellar ouBormo/Bormanus à Aix-en-Provence) ont déjà existé àl’époque préromaine. Mais même dans les cas de conti-nuité du site, il y a eu inévitablement une transformationdu culte d’après les témoignages archéologiques : l’adop-tion de l’architecture romaine, les ex-voto romains, lesstatues et les statuettes du type romain, etc. montrent quele caractère de ces cultes a changé fondamentalement.

148Les cinq divinités mentionnées par César (BG, VI 16-17), plus Silvain qui peut probablement être identifié avec le Dispater de César. Cf. Häussler2001-2002 ; 2008 pour l’interpretatio des divinités pan-celtiques.

149Sur le concept de la globalisation culturelle, voir définition par Robertson 1987, 20-39 ; Robertson 1988.150Cf. définition de De Bernardo Stempel 2007a.151De Bernardo Stempel 2007a.152De Bernardo Stempel, 2007b.153Delamarre 2003, 126, s.v. corro-, coro- ‘nain’? (/’fermé’) ; De Bernardo Stempel 2007b; pour Demeter, cf. DNP 4, 235-242, s.v. Demeter; DNP

9, 602-603, s.v. Persephone (Kore); pour Eubuleus, cf. DNP 4, 210-211.154Häussler 2007.

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Ralph Häussler

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De plus, on peut s’interroger sur la persistance du cultedes héros-ancêtres entre protohistoire et Haut-Empire. Ilest intéressant de constater que ce culte, le mieux attestéà l’époque protohistorique, a été abandonné. Le guerrierassis en tailleur (l’« accroupi ») et le culte des têtes coupées, n’étaient-ils plus appropriés à la société duHaut-Empire, à l’humanitas des élites locales 155 ? Maisdu fait de l’importance et de l’extension de ce culte deshéros-ancêtres à l’époque préromaine 156, on peut ima-giner que les élites ont essayé de pérenniser leur pouvoirreligieux traditionnel en créant, peut-être chacun sur sondomaine, son propre culte local (v. infra).

Le fait qu’un site ait été choisi comme lieu sacré à l’époque protohistorique et sous le Haut-Empire n’implique pas nécessairement la continuité des activitéscultuelles, mais peut-être que les critères qui président auchoix d’un lieu sacré sont restés les mêmes : les sources,les montagnes, les formations rocheuses exceptionnelles,les grottes, etc. 157. De plus, les sites protohistoriques,comme les oppida ou les tumuli de l’âge du Fer, ont étéutilisés pour donner une certaine légitimité à un lieu deculte de l’époque romaine 158. Sur les sites de hauteur ontrouve des cultes à Dexiva, à Obio et aux autres divinités ;mais ce ne sont pas les mêmes cultes qu’auparavant : àl’époque protohistorique, on a vénéré des héros-ancêtrestandis que les autres formes de cultes et de rituels ne sontque rarement attestées avant le Ier s. av. n. è. (et en général dans un contexte plus privé). On peut aussiadmettre que le rôle socio-religieux d’un oppidum a puêtre transféré aux nouvelles agglomérations gallo-romaines. À cet égard, il est intéressant de voir que dansplusieurs agglomérations de l’époque romaine, comme

on pense d’avoir identifié à Cadenet (n° 17), à Lourmarin(n° 11) ou à Jouques (n° 306), on n’a pas pu identifier deculte public ; par exemple dans la commune de Cadenet,la plupart de lieux de culte étaient associés aux sitesprotohistoriques, comme des oppida abandonnés.

Un lieu de culte peut avoir plusieurs origines et raisonsd’être. À l’époque protohistorique et romaine, on a sou-vent choisi des endroits ayant une certaine particulariténaturelle, comme les cours d’eau, les sources, les cavernes, les grottes, les vieux arbres, etc. Ces lieux ontété associés à des divinités appropriées, comme les nymphes, qui représentent le divin dans toute la nature 159

(v. infra pour la dédicace aux nymphes qui a été trouvéedans une grotte à Goult), mais il y a aussi des nymphes del’arbre (les Hamadryades dans la religion grecque) et autres divinités de fécondité. En Narbonnaise, les théo-nymes, comme Percernae, Baginas, Buxenus, Neme-tiales, Urobrogiae, pourraient suggérer un culte des arbres – et on peut imaginer qu’un arbre a marqué le centre cultuel et politique d’une communauté rurale ; cerôle socio-politique important est réflété par le choix dela divinité : le culte de l’arbre était combiné avec celuides dieux puissants, comme Jupiter Baginas et MarsBuxenus 160.

Il y a aussi le dieu indigène des sources, Belenos engaulois (latinisé en Belinus) (v. supra), attesté dans notrerégion à Glanum 161, à Gréasque (n° 222) et à Lançon-Provence (n° 285) ; d’après X. Delamarre son nom veutdire le « Maître de la Puissance » et pourrait indiquer desfonctions plus variées 162. Un autre dieu de l’eau indigè-ne, Abianus, est attesté à Cucuron (n° 29), à Roussillon(n° 97) et à Glanum 163. Parmi d’autres divinités « natu-

155Le fait que les Romains aient essayé d’interdire la religion druidique et les têtes coupées (Strabon IV, 4, 5) montre que ces pratiques n’ont été pasappropriées à la société romaine.

156Aucun auteur antique ne parle d’ancêtres pour les têtes coupées, mais de crânes d’ennemis qui rappellent des victoires guerrières. Mais cela pro-bablement reflète simplement un topos adapté à l’audience romaine ; il s’agit peut-être d’un parmi plusieurs fonctions des têtes coupées. Il n’y apas seulement l’exposition des crânes, mais aussi des représentations sculptures. En général les crânes et les têtes coupées sont associées avec les« accroupis », les stèles, les portiques et d’autres éléments cultuels ; il s’agit donc des lieux de culte importants aux centres des oppida. Ces ensembles cultuels ont eu une signification politique bien plus que religieuse. Sur l’importance des cultes des héros-ancêtres dans la religion indi-gène, cf. Häussler 2008b. Pour les pratiques rituelles dans les espaces domestiques, cf. Nîn 1999.

157Cf. l’étude de H. Valk 2007.158Cf. par exemple la façon dont les ruines de l’âge du Bronze ont été utilisées pour créer des lieux de culte et des heroôn en Grèce de l’âge du Fer

(par ex. Antonaccio 1995) ou en Grande Bretagne entre 50 av. n. è. et 50 de n. è. (cf. Häussler 2008b).159Pour les nymphai/nymphes, cf. DNP 8, 1071-1072, s.v. Nymphen ; H. Herter et F. Heichelheim, RE 17, 1527-1599, s.v. Nymphai ; M. Halm-

Tisserant et G. Siebert, LIMC 8.1, 891-902; 8.2, 584-597 s.v. nymphes.160De Bernardo 2007b ; pour le culte d’arbre celtique cf. par ex. Arenas Esteban 2007. Pour les Percernae, cf. CIL XII 1329 (Vaison-la-Romaine) :

Nymphis Aug(ustis) | Percernibus | T(itus) Gingetius | Dionysius | ex uoto. Pour Baginas, cf. CIL XII 2383 = ILS 4620 (Morestel) : Ioui | Baginati| Corinthus | Nigidi | Aeliani | ex uot(o) ; ILGN 251 (Bellecombe) : Felix Sme|ri f(ilius) Bagino | et Bagina|tiabus | [u(otum)] s(oluit) l(ibens)m(erito) ; AE 2000, 884-890 (Sainte-Jalle) : Matribus Baginiensibus / Baginatiabus. Delamarre 2003, 64, s.v. bagos, ‘hêtre’. Pour Buxenus (lebuis), cf. CIL XII 5832 (Carpentras) : [Iul]ianus Ten[---] | deo | Marti Bu|xeno | [I]ulianus | [u]otum p(osuit). Pour Nemetiales, cf. CIL XII 2221(Grenoble) : Matris | Nemetiali[b(us?)] | Lucretia Q[---] | lib(erta) CIIVM[---] ; les ‘matres du sanctuaire’(?) ; cf. Delamarre 2003, 233, s.v. neme-ton, ‘sanctuaire’ (< ‘bois sacré’). Pour Urobrogiae, cf. CIL XII 1182 (Carpentras) : Urobro|cis. Cf. Delamarre 2003, 84, s.v. braca, bracca, ‘braie,culotte’ ; ibd., 329, s.v. uros, ‘aurochs’ (donc ‘Culs-d’Auroch’ (?)). Cf. aussi les autels avec des réprésentations d’arbres : infra, à Vernègues, maisaussi la dédicace à Mercure avec un laurier sur la face latérale (Vaison, Esp. 278).

161Roth Congès 1997.162Delamarre 2003, 72, s.v. ‘belo-, bello-’.163Rolland 1944, no. 39.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 20: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

164De Bernardo, 2007b (Berg-on-a), comparable avec Bergusia, pour laquelle voir Delamarre 2003, 73, s.v. Bergusia ‘mont’ ; voir aussi Barruol1958, 244, n° 2, qui associait Bergonia avec le mot allemand Berg (‘montagne’).

165Bauchhenß et Neumann (éd.) 1987 ; Derks 1998, 119-130 ; Duval 1976, 55-57 ; F. Heichelheim, s.v. matres, RE 14, 2213-2250. Pour les déesses-mères dans les religions antiques (et aussi pour l’intégration des déesses-mères dans un concept hénothéistique (v. infra), ainsi que sur le rôle universel des divinités importées, comme Isis), voir DNP 9, 237-239, s.v. Muttergottheiten ; cf. aussi Borgeaud 1996.

166Sur les Parcae comme divinités « indigènes », voir aussi Christol et Janon 1986 ; sur les Proxsumae cf. Buisson 1997.167Matrebo Glanikabo (RIG G-64, Glanum); Matrebo Namausikabo (RIG G-203, Nîmes). Cf. A. Mullen, ce volume.168Delamarre 2003, 283, s.v. su ‘bon-, bien-’ ; De Bernardo Stempel 2007b.169Parcae et Fates sont des théonymes synonymes ; cf. Varro: Gell. 3, 16, 9-10 pour les noms des Parcae. Pour tria Fata, cf. Gell. NA 3. 16. 9 sq. ;

cf. OCD, s.v. fate ; DNP 9, 327, s.v. Parcae ; DNP 8, 340-343, s.v. Moira ; F. Heichelheim, s.v. Parcae (keltisch), RE 18, 1417 sqq.170Théonyme celtique, cf. par exemple Kandler 1985 pour un sanctuaire à Silvain et les Quadriuiae en Norique.171 ILN-4, 69 : Mercurio | Veatori(!) | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Fronto | Kapinius ; cf. aussi CIL XII 5849 de Vercheny (Drôme, Dea

Augusta) : Me]ru[curio | --]Viat[ori?] ; et de Riez: ILN-2-Riez 9: Matri Terrae et Viator.

ristes », il y a Bergonia – une divinité de montagne ou derocher 164.

4.6 Les déesses-mèresLes déesses-mères sont appropriées au contexte d’une

communauté rurale 165. Il existe une grande variété dethéonymes : Matres, Proxumes, Suleviae, Parcae 166 et enoutre un grand nombre d’épithètes ont été employéesseule, surtout dans la région d’Apt. Leur caractère et leursfonctions dérivent des mentalités indigènes. Le théonymelatin, matres, est très répandu en Gaule, mais rare àRome ; il y a aussi les dédicaces gallo-grecques aux matîr( = matres) à Glanum et Nîmes 167.

Dans notre région, les dédicaces aux matres sont géné-ralement attestées sur des sites de hauteur dans la citéd’Aix (n° 312 à Rians, n° 365 à Saint-Zacharie, n° 366 àPlan-d’Aups, etc.), pendant que les Suleviae et lesProxsumes se trouvent aussi dans le contexte des commu-nautés agricoles (par ex. les Suleviae à Lambesc, n° 262).Les Suleviae portent un théonyme celtique : ce sont lesdéesses « qui conduisent bien » 168. Les Proxsumes sontdes divinités de proximité, très répandues en Narbonnaise(par ex. 20 dédicaces dans la cité de Nîmes), et générale-ment vénérées, d’après nos témoignages épigraphiques,par les dédicants plus « humbles ». Pour ces divinités dela fécondité, on peut attendre des lieux de culte modestes,périodiquement importants pour une communauté pendant les festivités et les rituels annuels (par ex. lesfêtes de la moisson), présents même dans les habitatsruraux de petite taille (ferme, habitat dispersé, village).

Mais ces déesses-mères ne sont pas propres à la religion celtique. On trouve aussi dans la religion gréco-romaine des divinités avec une triple fonction analogue,les trois Parcae, Fates (tria Fata) et Moirai (Nona,Decima et Morta ; Clotho, Lachesis, Atropos) 169 ; enGaule et en Grèce, les frontières entre une divinité singu-lière (Moira, Klotho) et une divinité collective (Moirai,Klothes) sont fluctuantes. Cela peut expliquer pourquoinous trouvons comme compagnes de Jupiter dans notrerégion soit une déesse singulière, soit une triade.

Souvent des épithètes ont été attribuées aux Matres(mais pas aux Proxsumes, Parcae et Suleviae ; quelquesfois aux nymphes). Parfois il s’agit d’épithètes topiques(par ex. les matres de Gerunda, les matres d’Almaha,etc.) ou d’attributs fonctionnels (Uroicae « les mères dela bruyère » ; Aiu[---?]inenses « les mères de longévité »et les matres Almahae peut aussi être expliqué comme« les mères nourrissantes ») (v. infra). Ces épithètes peuvent être employées toutes seules, comme dans le casdes Vogontiae, des Vessaniae, des Caudellenses, etc., oùil s’agit probablement aussi de déesses-mères locales.

4.7 Autres divinités indigènesLes lieux de culte le long des routes et des voies

romaines, surtout aux carrefours, sont typiques d’unesociété déterminée par la mobilité spatiale. Souvent on ytrouve des divinités du voyage, comme des Quadru-viae 170. Mercure, comme dieu du commerce (César, BGVI, 16-18, v. infra n° 77), est aussi très populaire dans cecas : par exemple à Rustrel on a trouvé, hors contexte, un autel à Mercure Veator / Viator (via = « route » ?) (n°136) 171.

– 174 –

Ralph Häussler

Fig. 6 - Aix-en-Provence, En-clos de la Seds : déesse-mèredrapée qui tient une corned’abondance et qui présente,de la main droite, un attribut,probablement une patère (Esp.8645 ; CAG 13/4, p. 409, 341*,fig. 517).

Page 21: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Toutefois, le culte de cette divinité, Mercure Veator,pourrait avoir des origines plus anciennes si on associecet autel au sanctuaire protohistorique du Pied de l’Aigue(n° 135), où on a trouvé un pilier (ou chapiteau) à têtes(fig. 7 ; comparable aux chapiteaux de Glanum du IIe s.av. n. è.) et un bloc ou un linteau décoré d’une tête coupée ; c’est un lieu qui a été choisi pour établir un« sanctuaire commun », d’après la C.A.G., parce qu’il est« parfaitement visible depuis les sites de hauteur proto-historiques de la région » 172. Au même lieu il y a plusieurs éléments qui ont probablement eu un rapportavec un culte des héros-ancêtres : il y a le culte des têtescoupées au Pied de l’Aigue et les tombeaux trouvés dansla chapelle Saint-Julien, qui ont livré, entre autres, desépitaphes (avec noms de citoyens romains) et – peut-êtreun indice pour les rites indigènes – des ossements de cheval 173.

Ceci nous amène aux lieux de culte sur les oppidaabandonnés, qui servent ensuite comme sanctuaires dansun contexte « public » et « civique » 174. Dans notrerégion, nous trouvons souvent les cultes de Jupiter sur dessites perchés. Et sur le vieil oppidum du Castellar(Cadenet), le culte à Dexiva était au centre du pagus desDexiuates à l’époque gallo-romaine. Mais il faut sedemander si la déesse a été nommée d’après le pagus ouplutôt le pagus d’après la déesse : Dexiva porte-t-elle un

172Arcelin et alii 1992, 195 ; CAG 84/2, p. 309, n°103, 5*.173CAG 84/2, p. 311-313, n°103, 10*.174Voir infra et cf. aussi l’exemple du sanctuaire sur l’oppidum abandonné de Titelberg dans le contexte des Trévires à l’époque romaine, Metzler et

alii 2006. Cf. aussi l’étude de Fiches et Py (1978) sur les cultes de hauteur à l’emplacement d’anciens oppida de la rive droite du Rhône. 175En général pour Mars et Mercure romains et gallo-romains, cf. Duval 1976, 66 sqq. ; Derks 1998 ; Scholz 1970 ; G. Bauchhenss, LIMC 6.1, 537-

554, s.v. Mercurius (avec bibliographie) ; J. Ch. Balty, LIMC 8.1, 1197, s. v. Teutates.176 ILN-4, 58 de Simiane-la-Rotonde : Fulgur | condit[um].177 ILN-3, 154 : Ioui | Frugifero | M(arcus) Erucius | [N]atalis.178 ILN-4, 79, v. infra.179 ILN-4, 80, v. infra.180 ILN-4, 16, v. infra.181César, BG, VI 18; cf. Häussler 2008 .182Tert. nat. 1,10,47; cf. apol. 15; DNP 3, 689.

théonyme déonomastique (v. supra) ou plutôt un nomévoquant la fécondité, « la Favorable », équivalent auculte de Bona Dea (v. infra) ?

Comme dans le cas du pagus des Dexiuates, certainsgroupements sociaux, comme les pagi, les uici, les villages, même les habitats dispersés et les lignages familiales, ont besoin un centre religieux pour renforcerleur identité et leur sens de la collectivité et/ou de la communauté. Il ne faut pas ignorer l’importance d’un lieude culte, notamment son aptitude à offrir un cadre pourles festivités saisonnières qui servent à rappeler l’identitélocale et la cohérence de la collectivité. Mais on observedes choix différents : de quelles divinités une petite communauté rurale, confrontée aux forces de la nature (lasècheresse, les inondations, la fécondité, les tempêtes,etc.), va-t-elle pratiquer le culte ? Les déesses-mères, lesProxumes, les Suleviae ? Ou plutôt Mars/Mercure commepatron de la communauté, c’est-à-dire de la touta(« populus »), donc un Mars toutatis 175. Jupiter n’est pasle Jupiter Capitolin. Sa présence dans un contexte ruralpeut être expliquée par son rôle de fécondation de la terrepar la foudre, comme dans les dédicaces au fulgur condi-tum à Simiane-la-Rotonde 176, une coutume très répandueen Narbonnaise : elle se réfère au maître du ciel indigène,qui porte, dans notre région, des épithètes comme frugi-fer (le « fertile ») 177, depulsorius (le « défendeur ») 178 etconseruator (le « sauveur ») 179.

L’épithète conseruator est aussi attribuée à Silvain :Siluanus conseruator 180. Dans le panthéon local, Silvainn’est pas le rusticorum deus des Romains, mais évidemment un dieu puissant d’origine indigène avec desfonctions omnipotentes. Il domine les témoignages épi-graphiques et iconographiques. C’est le dieu au maillet,nommé Sucellos en langue celtique, « le bon frappeur ».Par conséquent, Silvain ne semble pas être à l’origine unetraduction d’un théonyme d’une divinité d’« arbre celtique »(par ex. Callirius « Celui de l’Arbre »), comme a proposéP. De Bernardo Stempel (2007a). Sucellos est probable-ment le Dispater évoqué par César comme l’ancêtre desGaulois 181. C’est Tertullien qui a associé le maillet auDispater romain 182, mais le maillet était surtout l’attribut

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 7 - Rustrel, chapiteau à têtes (d’après F. Salviat 1967, p. 377, fig. 4).

Page 22: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

du dieu étrusque Charu(n), pour qui il est aussi apotro-paique, comme talisman contre le mal. L’image de Charuqui guide les âmes des morts à cheval dans l’Outre-Monde, peut aider à expliquer le rôle des représentationsdes chevaux sur de nombreuses stèles protohistoriques enGaule Méridionale 183.

Le choix des divinités domestiques dans le contexte dela villa est plutôt motivé par la romanité du propriétaire.Souvent il s’agit de Liber Pater (Bacchus) (par ex. n° 303,318), mais on ne trouve que rarement de dédicaces dansce contexte. Les représentations sur mosaïques et lessculptures nous donnent rarement des informations surles croyances des habitants, parce que le choix est plutôtmotivé par l’expression d’une culture élitaire qui se trouve partout dans l’Empire : on trouve par exemple desreprésentations des scènes mythologiques, comme lecombat de Darès et Antelles sur des mosaïques à Aix etVillelaure 184.

Bien qu’il soit difficile d’identifier un « vrai » dieuromain dans notre région d’étude, les théonymes cel-tiques du Haut-Empire n’indiquent pas non plus forcé-ment une divinité d’origine préromaine. Nous voyons lacréation d’une religion et d’un panthéon qui est spéci-fique pour chaque cité et probablement distinct pourchaque communauté rurale dans notre région.L’évolution continue a généré une religion qui n’est niromaine, ni grecque, ni celtique/indigène/préromaine.

183Cf. Bonfante et Swaddling 2006 pour le Charu étrusque. Le cheval joue un rôle important dans les sociétés celtes (et salyenne), mais la combi-naison entre chevaux et têtes coupées en iconographie pourrait indiquer un rôle religieux du cheval.

184Cf. Morvillez 2004, 74, fig. 22.185nat. hist. 3, 34 ; pour Barruol 1961, 80-81, n° 41 ; 1969, 203-6 : une peuplade « salyenne ».186Pour l’attribution des peuplades à une cité, voir Plin. nat. hist. 3, 20, 138 (adtributae municipiis lege Pompeia) et Laffi 1966.

5. ÉTUDES MICRO-RÉGIONALESDans ce qui suit, nous essayons d’examiner, région par

région, les lieux de culte. Le but est de mieux comprendre le contexte sociogéographique des lieux deculte et l’évolution du paysage entre protohistoire etHaut-Empire, et surtout les rapports d’un lieu de culteavec les communautés locales, les sites protohistoriqueset les domaines élitaires. Les tableaux résumés servent àdonner une vue d’ensemble des inscriptions et des sitesles plus importants.

5.1 Le pagus des DexivatesNous allons commencer avec la région attribuée aux

Dexiuates, un peuple mentionné par Pline 185. Il pourraits’agir d’un cas d’attribution (adtributio) d’une peuplade(tribus ; Dexivates) à une cité (Aquae Sextiae) 186, maiscomme nous avons déjà vu ci-dessus, il pourrait aussi s’agir d’un pagus créé (ou réorganisé) à l’époque romaine. Cette région, entre Durance et Lubéron, est largement couverte par les communes de Lourmarin,Cucuron et Cadenet et le pays d’Aigues, avec de nombreux habitats ruraux gallo-romains occupant les terres fertiles des versants du Lubéron ; c’est aussi unerégion de passage pour ceux qui voyagent le long de laDurance ou qui voyagent entre Aix et Apt.

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Ralph Häussler

Fig. 8 - Carte de répartition des sites au nord de la Durance : triangle : lieu de culte ; cercle : oppidum, site perché ; carré: autre habitat (de l’époqueromaine).

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CadenetCadenet

Villars

Via Domitia Catuiacia?

CucuronCucuron

Entremont

Saint-Zacharie

Arc

Roussillon

Goult

eOppède

L U B E R O NL U B E R O N

L U B E R O NL U B E R O NLacosteLacoste

Gordes

LourmarinLourmarin

La Tour-La Tour-d'Aiguesd'Aigues

VillelaureVillelaure

Montsalier

Gargas

BuouxBuoux

Reillane

La BastidonneLa Bastidonne

Jouques

Venelles

Vauvenargues

CabrièsGardanneBouc-

Bel-AirGréasque

Pourrières

Puyloubier

OllièresSaint-Maximin-la-Sainte-Baume

Plan-d'Aups

Rougiers

La Roque-brussanne

Garéoult

Trets

Roquefavour

Roquepertuse

RognesRognes

Lambesc

leinsAlleins

MérindolMérindol LaurisLauris

Saignon

Étang de Berre Vitrolles

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Rians

D u r a n c eD u r a n c e

Rustrel

Oppédette

Éguilles

Mimet

Lançon

La RoqueLa Roque-d'Anthéron-d'Anthéron

Page 23: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ; onomastique

autel, pierre référence

1 MÉRINDOL, auhameau de Borrys

• NYMPHIS PERENNIBUS • Octauia Secundilla,exuoto.

• CAG 84/2,n° 074, 3*

2 PUGET, Fontvieille :bergerie ?

• CAG 84/2,n° 093, 2*

3 PUGET, La Verrerie :villa ?

• CAG 84/2,n° 093, 6*

4 LAURIS, le Claut :villa, thermes, aqueduc

• CAG 84/2,n° 065, 3*

5 LAURIS, Travedent :habitat rural / villa ?

• CAG 84/2,n° 065, 14*

LAURIS, château • L(ucio) Cornelio [--- • stèle de calcaire • ILN-3, 249

6 PUYVERT, Jaconne :groupement d’habitat ;villa

• CAG 84/2,n° 095, 5*

7 LOURMARIN, Châ-teau Sarrazin : oppidum

• CAG 84/2,n° 068, 3*

9 LOURMARIN, Para-dou, au pied de l’oppi-dum : agglomération ?

• sanctuaire ? • CAG 84/2,n° 068, 4*

10 LOURMARIN,Château de la Corée

• MARTI DIV[ANNONI] • L(ucius) Octauius Diu[---]

• plaque de calcaire • ILN-3, 230

11 LOURMARIN, quar-tier des Ramades : agg-lomération secondaire ?

• CAG 84/2,n° 068, 11*

12 LOURMARIN, La Cavalière

• SILVANO • Verus, Gesati f(ilius) • autel de calcaire • ILN-3, 232 ;CAG n° 068, 2*

13 LOURMARIN (non localisé)

• P(ROXUMIS) • Canacia • autel en argile • ILN-3, 231• Aleasiumara, Virius f(ilia)• Camullia Tertulla• Marcia, Q.f., Prisca; C. Attius Nouellus

• épitaphes • ILN-3, 233• ILN-3, 234• ILN-3, 235

15 CADENET, châteauen ruines, alt. 280 m(CAG 84/2, n° 026, 6*)

• I(OVI) O(PTIMO)M(AXIMO)

• Cordius

• iter (?)

• autel de grès (enremploi)• bloc en calcaire

• ILN-3, 224

• ILN-3, 22916 CADENET, Croix-Blanche : hors contexte

• IOVI OPTIMO MAXIMO • C(aius) IuliusV|AVENNV (?)

• autel de grès • ILN-3, 225

17 CADENET, Vérunes :agglomération ?

• CAG 84/2,n° 026 16*

18 CADENET, Le Castellar (plateau, alt. 341,9m) :oppidum ; sanctuaire ;temple avec sedilia

(CAGR-7, n° 8 ; CAG84/2, n° 026, 4*)

• DEXSIVAE

• MARTI ; DEXIVAE• DEXIVAE ET CAUDEL-LENSIBUS • D]EXIVAE

• A(ulus) Com(inius)Suc(cessus)• Quartus• C(aius) Heluius Primus

• ? [---]ORARP[---

• disparue 187

• plaque, lamella • plaque de marbre

•autel de calcaire188

• ILN-3, 220

• ILN-3, 221• ILN-3, 222

• ILN-3, 223

• Metela • Ouebr[u…?] (=Vebru-)• Koma (=Commius ?)• Adreti

• 4 inscriptions gallo-grecques

• RIG G-112• RIG G-113• RIG G-114• RIG G-115

19 CADENET, au piedde l’oppidum

• LANOVALO

• LANOVALO

• Sex(tus) Celtiliu(s)Sencio; pro Sex(to) Veratio [---• Q(uintus) Corn(elius)Smertullus; pro Placido fratri

• bloc de calcaires

• bloc de calcaires

• ILN-3, 226

• ILN-3, 227

20 VAUGINES, Roucas:officine de potier

• CAG 84/2,n° 140, 13*

21 VAUGINES, lieu-ditla Melle, au quartier deFontenil

• BONAE DEAE • C]ornelia [-] f(ilia)Gratella

• Festi f(ilius/a ?)

• autel de calcaire(Ier-IIe s.)• plaque de marbre

• ILN-3, 218

• ILN-3, 219

22 VAUGINES, Roquede Maguelonne : hame-au

• CAG 84/2,n° 140, 27*

23 CUCURON, Le Viély,villa

• CAG 84/2,n° 042, 19*

187Découverte non localisée, qui a été signalée à Pertuis et à Cadenet, voir CAG 84/2, p. 222, n° 026, NL1*.188Découverte non localisée ; voir CAG 84/2, p. 222, n°026, NL2*.

Tableau 1 - Résumé : Les habitats et les lieux de culte dans le « pagus » des Dexivates (les numéros sont reportés sur la carte, voir fig. 8).

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

– 177 –

Page 24: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces : - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

24 CUCURON,Conques : nécropole ethabitat protohistoriqueset gallo-romains

• CAG 84/2,n° 042, 4*

25 CUCURON, Cha-bronne, Val de Peigus

• SILVANO • T(itus) Corn(elius)Maternus

• autel de calcaire • ILN-3, 205

26 CUCURON,Pourrières : Mausoléede Cucuron

• Petroniae • pagan[i --]• -]MA[-]ERNI[--

• plaque de marbre• fragments de

marbre

• ILN-3, 207• ILN-3, 210

27 CUCURON, Aumane • GENIO ADCORO • autel de calcaire • ILN-3, 202

28 CUCURON, nonlocalisé

• PARCIS • autel de grès • ILN-3, 204

29 CUCURON, rue dela vielle ville

• AVIANIO • Abasc[a]ntus • AE 2001, 1319

CUCURON• hors contexte (ILN-3,206,209)

• (non localisé)

• T(itus) Aemilius ; G(aius)Aemil(ius) VIuir• [Iuliae(?)], Sex(ti) fil(iae),[Ter]tiae ; [Sex(to) Iulio(?)],Sex(ti) f(ilio) Vol(tinia)Tertio; [---] M(arci f(iliae)M[ar]/cellina[e] ;[---Iul(ius?)] Sex(ti) f(ilius)Vol(tinia) Optatus• M(arco) Ro[s]ci[o] Restuto

• plaque de marbre

• perdue

• ILN-3, 206

• ILN-3, 209

• ILN-3, 208

30 VILLELAURE,Tuilière : villa avecmosaiques

• CAG 84/2,n° 147, 6*

31 VILLELAURE, oppi-dum Treize Émines

• ?ouatioounouisomene[.] |[.]toskommoueskegglou[---]

• bloc rectangulaire,hors contexte

• RIG G-154

32 VILLELAURE, • non localisé

• M(ARTI ?) S(ACRUM ?) ouS(UO)

• S(?) • --- • ILN-3, 211

33 SANNES, aux Clots :agglomération ?

• CAG 84/2,n° 121, 1*

34 ANSOUIS, Martialis(et pas à Cucuron)

• L]UCUTTECTO • [---] Commius [Sa]tur-nius

• plaque de calcaire • ILN-3, 203 ;CAG 84/2,n° 002, 10*

35 CABRIÈRES-D’AIGUES, non localisé

• IOVI OP(TIMO) M(AXIMO) --- • plaque de calcaire • ILN-3, 194

• Helara, C(ai) l(ib.)• Saturnini

• autel de grès• autel en calcaire

• ILN-3, 195• ILN-3, 196

36 CABRIÈRES-D’AI-GUES, Saint-Jean :agglomération

• CAG 84/2,n° 024, 9*

37 CABRIÈRES-D’AI-GUES, à la Ginestière :mausolée d’un richecommerçant

• CAG 84/2,n° 024, 28*

38 LA MOTTE D’AI-GUES, Cante Bonne :ferme

• CAG 84/2,n° 084, 28*

39 PEYPIN-D’AIGUES,au hameau des Dones

• Nouellia Nouani f(ilia)Paterna ; P(ublio) NouellioNouano ; Sabinae Lenaeif(iliae); P(ublio) NouellioVasto; L(ucio) NouellioSabino ; Q(uinto) Veratio[Ve]ro ; Sex(to) V[er]atioPaterno

• plaque de calcaire,Ier s. de n. è.

• ILN-3, 189 ;CAG 84/2,n° 090, 2*

40 GRAMBOIS, quartierdu Moulin, villa

• CAG 84/2,n° 052, 9*

41 ST MARTIN DE LABRASQUE : plusieurshabitats ruraux ; villa (?)au lieu-dit Crotonnes

• CAG 84/2,n° 113 ; ibd. 5*

42 LA TOUR-D’AI-GUES, non localisé

• MARTI BELADONI • T(itus) Fl(auius) Iustus(ex iussu)

• autel de marbreblanc, IIe s.

• ILN-3, 190

43 LA TOUR-D’AI-GUES, Saint-Medié :habitat rural

• CAG 84/2, n°133, 21*

– 178 –

Ralph Häussler

Page 25: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Cadenet : Les cultes de Dexiva, Lanovalus et Jupiter

Nous commençons avec Cadenet 189, commune situéeà un point de passage obligé nord-sud (route Aix-Apt) etest-ouest (Durance). Il semble qu’il y ait eu au moinstrois lieux de culte dans la commune. Cela implique uneorganisation sociale assez importante pour la main-tenance de ces cultes, par exemple des communautéslocales bien structurées (uicus ou habitat dispersé avec sapropre administration, cf. n° 17) et/ou le soutien des élites municipales, certainement pour le culte de Dexiva.Comme dans toute notre région d’étude, il s’agit d’unerégion densément peuplée. Les habitats gallo-romainssont essentiellement localisés sur les terrasses et lescoteaux, de part et d’autre du torrent du Laval. Il y a aussideux sites protohistoriques, le site du Château et duCastellar (n° 15 et 18).

À l’époque romaine, un sanctuaire à la déesse Dexivaétait localisé sur le site perché fortifié du Castellar (n°

189CAG 84/2, p. 213 sqq., n° 026.190CAGR-7, n° 8; CAG 84/2, p. 214, n° 026, 4*.191Guiliani 2001, 24 ; 29.192RIG G-112.193Voir Garcia 2004.194 ILN-3, 220: Dexsiuae | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | A(ulus) Com(inius) Suc(cessus) ; ILN-3, 221 : D(onum) d(edit) Quartus Mar(ti) |

secu|rem | d(onum) d(edit) O() Dexsiue | Quartus secu|rem u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; ILN-3, 222 = ILS 4703 : Dexiuae et Caudel|lensi-bus C(aius) Heluius Pri|mus sedilia u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; ILN-3, 223 : [D]exiuae | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | [---]ORARP[---].

195Delamarre 2003, 143, s.v. dexsiuo- ‘à droite, au sud, favorable’.196D’où le rapport avec Bona Dea proposé par De Bernardo Stempel (v. supra) ; pour le culte de Bona Dea à Rome (une adaptation romaine de la

Demeter grecque, peut-être combinée avec une déesse italique indigène) et ses fonctions (fertilité de l’homme et de l’agriculture ; déesse guéris-seuse), cf. DNP 2, 717-718, s.v. Bona Dea.

– 179 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

44 LA TOUR-D’AI-GUES, Viade : habitat rural

• CAG 84/2,n° 133, 23*

45 PERTUIS, Sainte-Thérèse : villa

• CAG 84/2,n° 089, 18*

46 PERTUIS, ValJoanis : villa

• Marcus Decinus ; Aelia ;Frontonia ;…

• épitaphe inédite • CAG 84/2, n°089, 22*, fig 343

47 LA BASTIDONNE;oppidum de Saint-Julien

• lion accroupi (Ier s. av.) • CAG 84/2, n°010, 1*; NL1*

48 LA BASTIDONNE,Chapelle Saint-Julien

• IOVI OP(TIMO) MAX(IMO) • --- • autel en molasse • ILN-3, 187 ;CAG 84/2,n° 010, 2*

49 MIRABEAU, Capon :oppidum - La Tène etépoque romaine

• CAG 84/2,n° 076, 2-3*

50 MIRABEAU, GrandLogis, mausolée

• CAG 84/2,n° 076, 9*

51 BEAUMONT-DE-PERTUIS, Négréoux,habitat

• CAG 84/2,n° 014, 1*

52 LA BASTIDE-DES-JOURDANS, Déroc

• sanctuaire (?) • CAG 84/2,n° 009, 1*

53 LA BASTIDE-DES-JOURDANS, Plan

• Ve]ct[u]marus, [V]ebrullif(ilius)

• fût de colonne,disparu

• ILN-3, 179;CAG 84/2,n° 009, 2*

18) 190, un oppidum de 1,5 ha, occupé du IIe s. av. n. è. auIIIe s. de n. è. Une portion d’un pilier à têtes coupées,trouvée dans le rempart 191, suggère qu’il y ait déjà eu iciun lieu de culte protohistorique. Il y a au total quatreinscriptions gallo-grecques – ce qui est très exceptionnel–, dont une stèle avec figuration cultuelle d’une paire depied (cf. aussi n° 88) 192. Il semble qu’il y a eu un cultedes héros-ancêtres, typique de la période préromaine.Notre connaissance de ces cultes est assez limitée, maisnous pouvons spéculer qu’il s’agit de cultes dynastiques,associés aux héros-protecteurs de la communauté 193.

À l’époque romaine, l’archéologie indique l’existenced’un temple de type romain, si on considère les élémentsarchitecturaux, comme les fûts de colonnes et un pave-ment en marbre. Il y a au total quatre dédicaces latines àDexiva 194. Selon Delamarre 195, Dexiva, dérivant de l’adjectif celtique dexsiuo, peut signifier « celle qui est ausud » ou « La Favorable » 196, et les Dexiuates sont donc

Page 26: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

soit « les Méridionaux » (ceux qui habitent au sud duLubéron ?), soit « Ceux de la déesse Dexiva ». Vénéréeen compagnie de Mars, qui joue souvent le rôle du touta-tis, les deux divinités pourraient être considérées commeun couple divin du type celtique, probablement des protecteurs de la communauté locale (uicus ou plutôtpagus). De plus, la lamella, dédiée à Mars et à Dexiva, nementionne pas seulement la dédicace d’une hache (ILN-3, 221), mais reproduit en effet la forme d’une hachesacrificielle ; on trouve parfois des haches miniaturesdans les sanctuaires gaulois et gallo-romains : est-ce uneréminiscence des cultes pré-romains (fig. 9) ?

Mais Le Castellar n’était pas une petite chapelle rurale, organisée par les classes rurales les plus basses.Les membres riches d’une élite bien intégrée dans la

Fig. 10 - Dédicace de Helvius à la déesse Dexiva et aux (matres ?) Caudellenses du Castellar (Cadenet) (d’après ILN-3, 222, photo : Centre Camille Jullian).

société romaine ont activement soutenu ce sanctuaire, parexemple Aulus Com(…) Successus et C. HelviusPrimus ; on peut même imaginer une élite d’origine indigène, parce que le gentilice Com(mius ?), par exemple, ressemble au Koma attesté ici sur une inscrip-tion gallo-grecque 197. Par leurs activités ces élites ont« romanisé » au moins l’apparence extérieure du sanctuaire, comme l’evérgésie d’Helvius, attestée par uneinscription précieuse sur marbre (fig. 10), qui a donné dessedilia (les bancs de repos pour les visiteurs d’un temple)à Dexiva et aux Caudellenses ; les Caudellenses, unique-ment attestés au Castellar, ne sont pas simplement leshabitants de Cadenet, mais probablement des divinitéstopiques (les matres ?) associées au lieu Cadenet.

Dexiva était-elle une divinité préromaine, un héritaged’une religion « celtique » ? L’occupation continue dusite n’implique pas nécessairement une persistanceinchangée des croyances religieuses. Dexiva probable-ment n’était pas un de ces « héros/heroïnes » divinisés del’âge du Fer. Mais on pourrait imaginer que l’anciennetédu site du Castellar pouvait simplement servir aux éliteslocales à justifier un culte pour le pagus des Dexivatesdans le paysage socio-politique du Haut-Empire 198 (ilfaut tenir compte que les pagi ne sont pas nécessairementd’origine préromaine) ; ces familles aristocratiquesessayent d’exercer leur pouvoir non seulement par lesstructures économiques, par leur patronage, par leur pou-voir politique, mais aussi, de façon peut-être analogue àl’époque préromaine, par le contrôle religieux. Les ruinesostensibles de l’âge du Fer pouvaient être employées parles élites pour forger un lien avec un passé mythique,avec le but de légitimer leur pouvoir et d’affermir

197Il semble qu’il y a une certaine continuité dans le dossier onomastique d’après les inscriptions gallo-grecques de Cadenet et les inscriptions latinesde la région. Par ex., Aulus Com(…) ressemble Koma sur une inscription gallo-grecque (RIG G-114) ; Koma se retrouve peut-être aussi dans leComia(nus?) de Montjustin (ILN-3, 183 : I VINVCI [---] | COMIA[---] | [---]SL[---]). Également Oueb[---] (Vebru?) (RIG G-113) peut être com-paré avec Verbron|ara, Apetemari f(ilia) à Gargas (cité d'Apt) (ILN-4, 122) ; de même le Diu[---] de Lourmarin (ILN-3, 230), voir par ex. Diucciusde Saint-Saturnin-lès-Apt (ILN-4, 107). Pour les Helvii au Castellar, voir aussi Hel[uia d’Aix-en-Provence (ILN-3, 70 : [---]Hel[uia ?] | ser[ ?---]) et surtout l’autre Helvius Primus, peut-être le même, qui fait construire à Lamanon (de l’autre côté de la Durance) une petite chapellecorinthienne à une divinité inconnue : CAG 13/2 p. 196-198.

198Pline, nat. hist. 3, 34.

– 180 –

Ralph Häussler

Fig. 9 - Dédicace à Mars et Dexiva sur une plaque en forme de lame dehache sacrificielle (ILN-3, 221).

Page 27: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

l’importance socio-religieuse du culte de Dexiva ; il n’y adonc pas nécessairement une continuité de culte auCastellar, et même un bref abandon du site est possible.

Au pied du site perché du Castellar, au bord du torrentdit le Laval, on a trouvé deux dédicaces au dieu Lano-valus 199. Il s’agit probablement d’une divinité indigè-ne 200 : les noms des dédicants, bien que tous les deuxsoient des citoyens romains, reflètent une certaine « cel-ticité » : Sextus Celtilius Sencio (IIe-IIIe s. de n. è. ; fig.11) et Quintus Cornelius Smertullus 201. Mais on observeégalement une forme de religiosité typique de la Gauleromaine : la vénération d’un dieu de l’eau.

À première vue, Lanovalus semble un théonyme déo-nomastique-topique, issu du nom antique du torrentLaval. Mais l’analyse de X. Delamarre penche plutôtpour le contraire : le théonyme celtique Lano-valus veutdire le « Tout-Puissant » (littéralement « Plein-Prince » ;voir aussi le Latin ualere « être fort ») 202, qui pourraitindiquer un dieu puissant (plutôt l’équivalent de Mars,Mercure ou Jupiter ?). Les deux dédicaces ont été dédiéespour la santé de quelqu’un autre ; s’agit-il d’un dieu gué-risseur dans le contexte d’un culte lié à l’eau ?

À Cadenet, on a aussi trouvé deux grands autels degrès (hauteurs : 73,5 et 83,5cm) avec des lettres peu regu-lières (n° 15-16) : un autel à Iuppiter Optimus Maximus,trouvé en remploi dans le château ruiné de Cadenet, lieud’un oppidum protohistorique d’une altitude de280 m 203, l’autre à D(ominus) (ou plutôt I(uppiter))O(ptimus) M(aximus) 204. Comme souvent dans notrerégion, Jupiter était vénéré sur un site de hauteur. Un desdédicants porte un nom pérégrin : Cordius pourrait êtreun nom d’assonance ou Deckname qui remplace ici unnom personnel celtique commençant en coro-, commeCorsius, Corus, Corritia, etc. 205.

On n’a pas encore trouvé de traces d’un lieu de culteau lieu-dit Les Vérunes, un habitat dispersé de l’époqueromaine qui couvre entre 3 et 8 ha de l’autre côté de lacommune de Cadenet 206. Comme centres religieux descommunautés rurales à Cadenet, ce sont plutôt les vieuxlieux d’origine préromaine, les oppida, qui serventcomme lieux sacrés. Peut-on proposer la hiérarchie suivante ? Sur le vieil oppidum, le culte de Dexiva est leplus prestigieux, pas seulement à cause de son ancienneté et de ses ex-voto coûteux (sedilia, plaque demarbre, etc.), mais surtout parce qu’il a été soutenu parplusieurs familles de l’aristocratie municipale d’AquaeSextiae, y compris des familles comme les Koma(…)/Com(…)ii éventuellement déjà attesté à l’époque proto-historique. Puis vient le culte de Lanovalus, « le Tout-Puissant », au pied de l’oppidum, qui semble complé-mentaire à celui de « La Favorable ». Est-ce que c’est unecoïncidence si les noms des deux dédicants montrent desaspects celtiques ?

199Voir CAG 84/2, p. 219, n° 026, 15*.200Comme proposé par la CAG 84/2, p. 220.201 ILN-3, 226 : Lanoualo | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Sex(tus) Celtiliu(s) | Sencio pro | Sex(to) Veratio | [---] ; ibd. 227 : Lanoualo | Q(uin-

tus) Corn(elius) | Smertullus | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | pro Placido | fratri.202Delamarre 2003, 196-197, s.v. lano- ; p. 306, s.v. ualos.203 ILN-3, 224 : I(oui) O(ptimo) M(aximo) | Cor|dius | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito). D’après CAG 84/2, p. 218, n° 026, 6* le lieu a été réoccu-

pé dans l’Antiquité tardive ; il n’y a pas de traces qui pourraient indiquer un sanctuaire gallo-romain.204CAGR-V, 7 ; ILN-3, 225: D(omino, deo ou plutôt I(oui)) O(ptimo) M(aximo) | C(aius) Iulius V | AVENNV | a(nimo) s(oluit) l(ibens) m(erito).205Delamarre 2003, 126., s.v. corro-, coro- ‘nain’.206CAG 84/2, p. 220 sq., n° 026, 16*.

– 181 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 11 - Cadenet. La dédicace de Sextus Celtilius Sencio à Lanovalos(d’après ILN-3, 226).

Page 28: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Cucuron : les dieux rustiques en milieu aristocratique

Cucuron est bien connu pour son mausolée (à l’est duvillage actuel) et sa villa romaine (au sud-ouest) 207, maisnous ne traitons pas ici d’une économie organisée autourdes grands domaines ou latifundia. Cucuron était claire-ment la résidence rurale de quelques gentes importantes,des citoyens romains, comme les Aemilii, les Iulii/Offilii,les Roscii… Et dans le contexte du mausolée on a trouvéune dédicace de marbre (et donc coûteuse) des pagani(probablement des Dexiuates ?) à leur patronne,Petronia 208. Mais les mausolées et les résidences aristo-cratiques sont les nœuds d’une organisation socio-géographique beaucoup plus complexe, dont on a identifié un grand nombre d’exploitations agricoles, d’habitats ruraux et de nécropoles (par ex. au quartier desConques, n° 24 209).

À première vue, les dédicaces à Silvain, à Adcorus etaux Parcae ne semblent pas appropriées à ce contexte« romanisé ». Le matériel et la gravure d’une qualité rela-tivement « pauvre » sont très différents de l’inscriptionélégante des pagani à leur patronne. On peut donc suppo-ser qu’il s’agit plutôt des cultes des communautés rurales,mais il faut tenir compte du contexte élitaire, parce queles rapports de patronage dominent toutes les structuressociales.

La dédicace à Silvain appartenait, semble-t-il, à un lieude culte au lieu-dit Chabronne, en bordure du val dePeigus (au sud de la commune, proche de Cadenet) (n°25) 210. Bien qu’il s’agisse ici d’un dieu d’origine indi-gène, il a été vénéré par un citoyen romain, Titus Cor-nelius Maternus ; le fait qu’on rencontre beaucoup deCornelii autour de Cucuron et de Cadenet pourrait impli-quer que ce culte était soutenu par les grands proprié-taires 211 ; de plus, le cognomen Maternus est aussi attesté sur des fragments de marbre trouvés au mausoléede Cucuron, dans le même contexte que la dédicace despagani à Petronia.

Les Parcae sont considérées en Narbonnaise comme

des « divinités domestiques », comparables aux Fates etaux Proxumes 212. Leur présence (en un lieu non précisé)peut donc indiquer une petite chapelle ou un autel dans lecontexte d’une ferme ou d’un habitat rural dispersé. Lecontexte plus « privé » peut aussi expliquer une gravuredes lettres plutôt irrégulière et un texte peu conven-tionnel, qui, pour Gascou 213, « fait penser que le dédicantappartenait à un milieu d’autochtones mal romanisés ».Par contre, le fait que nous ne trouvons pas d’accumula-tion de dédicaces/autels dans le même lieu, suggère qu’unseul autel épigraphique comme celui-ci peut être considé-ré un témoignage important dans le contexte d’un lieu deculte qui est autrement vide d’inscriptions.

L’autel au génie d’Adcorus, d’une hauteur de 58 cm, aété trouvé avec des débris d’amphores et de tegulae, àenv. 1 km à l’est de la villa de Cucuron, à mi-cheminentre Cucuron et Cabrières (n° 27) 214. Comme nousavons vu ci-dessus, l’étymologie de ce théonyme, exclu-sivement connu dans la cité d’Aix, est très controversée.Les trois inscriptions à Adcorus/Accorus/Acorus pro-viennent toutes d’un milieu rural et elles ne mentionnentjamais de dédicant : peut-être étaient-elles consacrées partoute la collectivité d’une communauté rurale, probable-ment pendant les fêtes saisonnières ? Dans ce cas, il nes’agirait pas de genius loci, mais plutôt, d’après la théo-rie de De Bernardo Stempel (v. supra), d’une divinitéassociée au culte des déesses grecques de l’agriculture :Demeter et Kore. Accorus et Acorus montrent donc peut-être une « vulgarisation » de ce théonyme (ou, au contrai-re, la latinisation d’un théonyme indigène Acorus ?).

La dédicace d’Abascantus, trouvée dans une rue duvieux village à Cucuron, a été adressée à Avianios 215. Ils’agit probablement de la même divinité qu’à Roussillon(Abianios ; v. infra), à Saussan (Hérault) (Abi[a]nio), et àGlanum, Cimiez et Castelnau-du-Lez (Abianos) 216. Lethéonyme dérive de la racine *Ab-ya « l’eau », probable-ment « l’eau sacrée », donc une divinité associée àl’eau 217.

207CAG 84/2, n°042, 10* (mausolée) et 19* (villa).208 ILN-3, 207: pagan[i---] | Petroniae[---].209CAG 84/2, p. 228 sqq., n° 042, 4*.210 ILN-3, 205 : Siluano | T(itus) Corn(elius) | Maternus. CAG 84/2, p. 228, n°042, 3*.211 Cornelius est un gentilice relativement populaire, mais la concentration des Cornelii autour de la vallée de la Durance et au sud du Lubéron paraît

particulière : ILN-3, 205 de Cucuron (v. supra), ibid. 218 de Vaugines ([B]onae | Deae | [C]ornelia | [---] f(ilia) Gratilla | v(otum) s(olvit) l(ibens)m(erito)), ibid. 224 (Cornelius ou Cordius) et 227 de Cadenet, ibid. 249 de Lauris et ibid., 217 du Puy Sainte-Réparade. Peut-être s’agit-il d’uneélite d’origine indigène : cf. par exemple le cognomen Smertullus dans la dédicace d’un Cornelius à Lanovalus (ILN-3, 227, v. supra) : celacontraste avec l’exemple unique de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume (ibid. 148) et le possible Cor(nelius?) à Garéoult (ibid. 141).

212Gascou 1995, 82 ; cf. Green 1992, 95, s.v. Fates.213Gascou 1995, 270 ; ILN-3, 204 = ILGN 154 : Parcis | merito | uotum | [f]e[ci]t.214 ILN-3, 202 : Genio Ad|coro. CAG 84/2, p. 228, no 042, 1*.215AE 2001, 1319 ; Lavergne 2000, 59-61.216CIL XII 6034 ; AE 2001, 1368 ; AE 1937, 143 ; CIL V 7865 ; ILGN 666.217De Bernardo Stempel 2007b ; voir aussi Delamarre 2003, 29-30, s.v. abona, abu- ‘rivière’. Y a-t-il un rapport avec le nom du lieu-dit : Saint-Jean

(le baptiste) ?

– 182 –

Ralph Häussler

Page 29: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Lourmarin, Mérindol, VillelaureÀ Lourmarin, la plupart des témoignages ono-

mastiques ont un caractère celtique et pérégrin, par ex.Canacia 218, Gesatus 219 ou Aleasiumara 220, tous sans trianomina, seulement avec une filiation de type pérégrin. Audeuxième âge du Fer, il y a eu un site perché à Lourmarin,au Château-Sarrazin, qui contrôle l’entrée sud de lacombe de Lourmarin (n° 7) 221. Au pied de l’oppidum, ontrouve des murs, des plaques de revêtement en marbreblanc, qui font penser à un temple de l’époque romaine 222, mais il n’y a pas d’inscription attribuée à cesite. Plus à l’est, au quartier des Ramades, la concentra-tion de sites gallo-romains indique la présence d’uneagglomération secondaire (n° 11) 223 ; non loin il y a unhabitat rural protohistorique et gallo-romain. Plus aunord, à La Cavalière, sur un coteau exposé au sud (n° 12),site probablement visible des autres habitats ruraux, on atrouvé une dédicace à Silvain par un pérégrin, Verus, filsde Gesatus, qui peut suggérer la présence d’une chapelleou d’un temple, peut-être associé à cette communautérurale 224. La dédicace aux divinités « domestiques »indigènes, aux Proxumes, trouvée hors contexte (n° 13),semble tout à fait appropriée à ce contexte rural, « indi-gène ».

Au sud de Lourmarin, dans la terre de la Corée (n° 10),on a trouvé une inscription (de qualité plutôt mauvaise,cf. fig. 12) dédiée à Mars Divannos (un théonyme aussiattesté à Béziers 225). C’est donc un Mars avec une épi-thète celtique : Mars « le Divin » ou, d’après X. Dela-marre, Mars « le Grand-Tueur » 226. La dédicace étaitconsacrée par un citoyen romain, Lucius Octauius Diu[---], avec un cognomen celtique (par ex. Diuicatos)ou latin (par ex. Diuinus).

Le lieu de culte semble très isolé, loin du plus prochehabitat : quels étaient les critères du choix de ce lieu pourMars Divannos ? Était-ce un lieu sacré de l’âge du Fer, un

lieu marqué par un tombeau spécial (qui est devenu unlieu de culte de héros et ensuite, à l’époque romaine, unculte d’un protecteur tribal puissant), ou s’agit-il d’unculte de frontière entre deux communautés rurales (del’époque romaine) ? Notre Mars Divannos était-il àBéziers et Lourmarin le « cruel Toutatis » qui avait été« honoré avec un sang terrible » (Lucain I 444 sq.) ?

Le contexte d’un ruisseau semble avoir motivéOctavia Secundilla a élever une dédicace aux nymphesperennis, les nymphes de la source pérennes, probable-ment en relation avec les thermes d’une villa à péristyle àl’est de Mérindol, au hameau des Borrys (n° 1) 227.

L’emplacement géographique de Villelaure 228, prochede la Durance, est idéal pour l’agriculture et le commerce,déjà à l’époque protohistorique. Au lieu-dit TreizeEmines, à une altitude de 323m (n° 31), il y a un oppidumde l’âge du Fer et de l’époque romaine ; on y a trouvé unlinteau avec des représentations d’au moins deux têtescoupées ovoïdes du IIe s. av. n. è. qui indiquent un cultede héros-ancêtres 229. Une inscription gallo-grecque, quidonne deux noms, pourrait provenir du même site 230.

218 ILN-3, 231 : Canacia | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) P(roxumis) ; voir Holder I 730 ; cf. Delamarre (2003, 102, s.v. caneco- ‘jaune clair, doré’(‘beau’ ?)) pour les noms comme Canicos, Cannicus, Canic(c)ius.

219 ILN-3, 232 : Siluano | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Verus | Gesati f(ilius) ; Holder I, 1517 ; Delamarre 2003, 174, s.v. gaiso- ‘javelot’ (pourGesatus) ; cf. Delamarre 2003, 317, s.v. ueru- ‘large’ ? (‘généreux’ ?) pour les noms celtiques comme Veruccius, Veruco, etc.

220 ILN-3, 233 : Aleasiumar|ae Viri f(iliae) ; Holder I 89.221CAG 84/2, p. 266 sqq., n° 068: 3*.222CAG 84/2, p. 268, n° 068, 4* ; d’après H. Broise, cela pourrait être aussi une agglomération à vocation routière.223Plus récemment pour Lourmarin, voir CAG 84/2, p. 266-270, n° 068.224 ILN-3, 232 (v. supra) ; CAG 84/2, n° 068, 2*.225CIL XII 4218 = ILGN 557 = ILS 4585 : L(ucius) Coelius Rufus | Iulia Severa uxor | L(ucius) Coelius Mangius f(ilius) | Diuanno | Dinomogetimaro

| Martib(us) | u(otum) s(oluerunt) l(ibentes) m(erito).226 ILN-3, 230 : Marti Diu[annoni] | L(ucius) Octauius Diu[---] ; voir Duval 1976, 87 pour Diuanno ; après De Bernardo Stempel 2007b : Diuannos

< *divános < *dívo-no-s « Der Göttliche ; le divin » ; Delamarre 2003, p. 307, s.v. -uanos. 227CAG 84/2, p. 277-278, n°074, 3* : Nymphis | Perennibus | Octavia | Secundilla | ex uoto.228CAG 84/2, p. 373 sqq., n°147, s.v. Villelaure.229CAG 84/2, p. 373, n°147 5*.230CAG 84/2, p. 376, n°147 HC1* ; RIG G-154.

– 183 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 12 - La dédicace à Mars Divannos de Lourmarin (ILN-3, 230).

Page 30: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Malgré une faible occupation à l’époque romaine, onne trouve plus d’indices d’une activité cultuelle continue,sauf une dédicace à M(ars?), par M() B(), trouvée près deVillelaure (n° 32) 231. Peut-être le site a-t-il persistécomme habitat rural pour les clients et les fermiers, maison peut imaginer que les grands propriétaires du Haut-Empire n’ont plus de rapports avec les cultes des héros-ancêtres préromains. En effet, tout près, de l’autre côté dela vallée, au lieu-dit la Tuilière, il y a une luxueuse villa,probablement occupée du IIe au Ve s., avec quatre impor-tantes mosaïques polychromes du IIe s. qui représententdes scènes mythologiques et des scènes de chasse, témoignant des nouveaux intérêts des élites de l’époqueromaine 232.

La Tour-d’Aigues et Ansouis

À La Tour-d’Aigues (n° 42-44), à l’est de Cadenet etde Cucuron, on trouve plusieurs habitats ruraux sous leHaut-Empire ; par exemple, le mobilier qui couvre env.3 ha au lieu-dit Saint-Médié (alt. 285m, n° 43) suggère ungrand habitat rural des Ier-IIe s. 233 ; un autre habitat estsitué au quartier de la Viade, où il y a une source abon-dante (n° 44) 234.

Les deux dédicaces qu’on a trouvées dans la régiontémoignent du soutien donné par des citoyens romainsaux dieux « indigènes » : autour de la Tour-d’Aigues, ona trouvé un autel de marbre, consacré à Mars Belados parTitus Flauius Iustus (n° 42) 235. S’agit-il ici d’une inter-pretatio romana ou indigena ? On trouve souvent cettecombinaison entre un théonyme romain et une épithèteceltique. Le Mars romain n’est pas l’équivalent duBelados celtique ; Belados est plutôt une épithète, c’estdonc « le Mars qui détruit » 236. Mars n’est pas un dieuguerrier, mais il est considéré comme le protecteur de lacommunauté rurale et l’attribution d’une épithète sert à

exprimer ou à créer une divinité locale. Mars Belados estaussi connu dans le territoire des Voconces 237.

La plaque en calcaire dédiée à Lucuttectos (fig. 13),attribuée à Cucuron par J. Gascou, mais à l’extrémité estde la commune d’Ansouis par la C.A.G. (n° 34) 238, doncproche de la commune de la Tour-d’Aigues, est aussiconsacrée par un citoyen romain, Commius Satur-ninus 239, qui porte un gentilice d’origine celtique, égale-ment connu au sanctuaire de Dexiva (Com(inius ?) etKoma(...), v. supra).

Cette divinité, autrement inconnue, pourrait être asso-ciée au dieu « pan-celtique » Lugus (le Lug irlandais, leLlew gallois) dont le nom n’a survécu que dans les topo-nymes, comme Lugdunum 240 ; le nom Lucuttectos, quipeut être traduit par le « descendant de Lugus », peutdonc incarner des concepts religieux locaux 241. On voitégalement qu’il n’y a pas de conflit entre l’identité et lestatut romain du dédicant et le choix d’un théonyme cel-tique.

231 ILN-3, 211 : M() s() u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | M() B().232CAG 84/2, p. 373-5, n°147 6*.233CAG 84/2, p. 359, n°133, 21*.234CAG 84/2, p. 359, n°133, 23*.235 ILN-3, 190 : Marti | Beladoni | T(itus) Fl(auius) Iustus | ex iussu ; voir CAG 84/2, p. 357-360, n° 133 pour La Tour-d’Aigues.236De Bernardo Stempel 2007b ; voir aussi Holder I 367 ; III, 823 ; Delamarre 2003, 70 ; 72, s.v. belo-, bello- ‘fort, puissant’.237Mars Belado de Limans (ILGN 219-220) et de Plaisians (AE 1991, 1197).238CAG 84/2, p. 86, n° 002, 10*.239 ILN-3, 203 : [L?]ucuttecto| [.] Commius| [Sa]turninus| [u(otum) s(oluit) l(ibens)] m(erito) (inscription trouvée en 1970). Commius dérive du nom

celtique Commios (Schulze 1904, 426) ; ce gentilice paraît plus commun pour la Gaule du Nord, par exemple CIL XIII 3313, pourtant il n’indiquecertainement pas une famille d’immigrants.

240Duval 1976, 66 ; cf. De Bernardo Stempel 2007b.241Voir Delamarre 2003, 178, s.v. genos : le nom personnel Lucoti-cnos (-cnos : ‘issu de’, ‘fils de’) ; ibd., 211, s.v. lugus ; ibd., 210, s.v. lucot- ‘sou-

ris’ pour Loukotiknow, ‘Fils de Lucots’.

– 184 –

Ralph Häussler

Fig. 13 - La dédicace à Lucutectus « le fils de Lugus » à Ansouis (ILN-3, 203).

Page 31: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

5.2 Apt et le nord de la citéCela nous mène à la colonia Iulia Apta. L’ono-

mastique, l’iconographie et les théonymes indiquent unecité avec une forte « persistance » des traditions proto-historiques, et pas seulement au Ier s. de n. è. 242. Le terri-toire de la cité s’étend des deux cotés de la voie Domi-tienne 243 ; par conséquent, nous ne sommes pas à lamarge de la « civilisation romaine », mais dans unerégion de transit très importante. Déjà à la fin de l’âge duFer, il y a un grand nombre d’inscriptions gallo-grecquesdans la cité d’Apt (RIG G-109 sq., G-146, G-151 sq.), qui

ne montrent pas seulement la capacité à écrire de l’élitelocale, mais aussi ses rapports socioculturels avec lesrégions voisines à cette époque. Dans cette région noustrouvons beaucoup de sites perchés fortifiés protohisto-riques qui continuent d’être occupés sous le Haut-Empire, comme à Buoux et à Péréal (v. infra).

Nous commencerons avec le chef-lieu de la cité, laville d’Apt, et les communes voisines : Buoux, Villars etSaint-Saturnin-lès-Apt. Puis, nous examinerons l’ouestde la cité (Lioux, Gordes, Roussillon, etc.) et l’est de lacité (Saignon, Rustrel, Montsalier, Viens, etc.).

242Voir J. Gascou dans ce tome.243Cf. Gascou 1995 pour une définition du territoire de la cité.

Fig. 14 - Carte de répartition des sites autour d’Apt : triangle : lieu de culte (certain, probable ou présumé) ; cercle : oppidum, site perché ; carré:autre habitat (de l’époque romaine).

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

– 185 –

Page 32: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

60 APT, BoulevardCamille Pelletan : sanc-tuaire public ? mithrae-um (IIe-IVe s. de n. è.) ?(CAG 84/2, 003, 35*)

• statue : déesse-mère

• DEO MERCURIO MITH-RAE• DEO MARTI• relief : Cautès

• ---

• ---

• ---• ---

• calcaire, fin IIe s.de n. è.• autel en calcaire

• idem• autel - haut relief

• CAG 84/2, p.133 = Esp 7617• ILN-4, 7

• ILN-4, 5• Esp 7613, 7623

61 APT rue Paul-Achard • VINTURI • M(arcus) Vibiu[s • • ILN-4, 17

62 APT, au nord • NYMPHIS • Attis • autel en calcaire • ILN-4, 10APT, sortie nord-estd’Apt

• sanctuaire (?) • CAG 84/2, n°003, 23*

APT, quartier du pré duCire ; CAG 84/2, n° 003,23* : sanctuaire ?

• I.O.M.• IOVI• LUN[AE ?]

• C. Attius Sequens• L. Cor[---] Sec[undus]• [---]

•• perdue• perdue

• ILN-4, 2• ILN-4, 3• ILN-4, 4

APT, non localisé • CA/CAE[… ?] • théonyme ou dédicant ? • disparue • CAG 84/2, n°003, NL23*

63 APT, au quartierSineti (5km d’Apt) : prèsdu château du Peyroles,un sanctuaire gallo-romain 244

• dedicace - non identifié

• SILVANO CONSERVATORI

• RIS[.]AM[.]N[--]T(ou théonyme ?)• C[---]us-

• autel

• autel en calcairelocal

• ILN-4, 21

• ILN-4, 16 ; CAG 103*

64 APT, le Piémont,CAG 84/2, 161-2, n°003, 90* : le site d’unevilla ?

• SILVANO • Sex(tus) Atius [--- • autel en calcaire • ILN-4, 15

65 APT, 5km au levantde la ville 245

• D(EO) S(ILVANO) • Exuperius • autel en calcaire • ILN-4, 13

66 APT, quartier Saint-Martian

• SILVAN(O) • L(ucius) Sesciu(s)Firmu[s]

• autel • ILN-4, 14

67 APT, Coulon • Chapiteau à figures, Ier s.av. n.è.

• CAG 84/2, n°003, 95* fig. 137

APT, à 1100 m d’Apt :colonne, chapiteau(perdu) ; tombeaux.

• dédicace ? • inscription gallo-grecque

• RIG G-110

68 APT - rural, lesTourettes

• MINERVAI• MINERVAE• statuette de Minerve

• [T]ulla, Aucalonis [f]• Optatus, Frontonis f.• ---

• base de statuette • base de statue

• ILN-4, 8• ILN-4, 9• CAG 84/2,n° 003, 72*

69 BUOUX, LesCrottes, alt. 534m, villa(Ier-IIe s. ap.)

• CAG 84/2, n°023, 7*

70 BUOUX, le Fort :oppidum important (Ier-Ve de n. è.)

• CAG 84/2, n°023, 8*

71 BUOUX, Fort de laRoche d’Espeil, oppi-dum âge du Fer - gallo-romain.

• CAG 84/2, n°023, 9*

=BUOUX, Para de laRoche d’Espeil

• Verbronara Apetemarif(ilia)

• julio-claudienne • ILN-4, 122

72 APT, sur la collinedes Puys, entre Apt etVillars

• VOGIENTIS ET V[---] MER-CURIO

• soci [vect(igalis?)] c(ent-esimae) et [r]o[t]ari : L.Iuuentius Ingenu[us] ;Donnius Saturninus ; Sex.Iul(ius) Maximus ;Au[l(us?)] Iul(ius)Pergam(us) ;M. [P]om-p(eius) Primitiuos ;[V]al(erius) Maternus ;[R]immius(?) Augurin[us

• ILN-4, 18; CAG84/2, n° 003, 94*

73 VILLARS, LaSaurette

• IOVI DEPULSORIO • C[or]nelius [Ex]soratu[s],ex iuss[u]

• autel en calcaire,150-250 de n. è.

• ILN-4, 79 ; CAG84/2, n° 145, NL4*

74 VILLARS, proche duvillage (Les Lieygues)

• I. [O.] M. [CO]NSER-VATORI

• [MERCURIO?]

• Q(uintus) I(ulius) M()

• soci propoli, T(itus) IuliusMopsin[us]; [-] ValeriusNiua[lis?]

• autel de calcaire

• ILN-4, 80

• ILN-4, 88

75 VILLARS, hors con-texte, église de Villars(CAG 84/2, n° 145, 7-8*)

• VOGIENT[IS E]T MER-CUR[IO

• MERCURI[O

• ? [---]IT[---

• [---]

ILN-4 87 .cf. aussi inscrip-tion d’Apt aux mêmes divi-nités, supra n° 72

• bloc en calcaire

• autel en calcaire

• ILN-4, 87

• ILN-4, 84

244Cf. Belliard 1995, vol. 2 ; CAG 84/2, p. 164 sq., n° 003, 103*.245CAG 84/2, p. 168, n° 003, NL20*.

– 186 –

Ralph Häussler

Page 33: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

76 VILLARS, GrandsCléments (CAG 84/2 3*)

• [---] • A(ulus) Vic() [L]uco[- • autel en calcaire • ILN-4, 89

77 VILLARS, CourreFrac, situé sur une colli-ne

• ME]RCURIO ..• MERC[URIO• VO[GON(TIAE?)• [---]

• [---]

• -• ? [---]AC[-------]M• --]MIL [--- • Soci mensur(atores) :L(ucius) Lyba[---]Marul(lus?); T(itus)Val(erius) [Sil]uanus(?) ;M(arcus) [---]us [---• T(itus) Orbius T. [f. --]Seuerus ; C(aius)Iouent[ius?] Corne[---]

• autel de calcaire

• bloc en calcaire• autel en calcaire

• bloc en calcaire

• ILN-4, 82• ILN-4, 83 • ILN-4, 94• ILN-4, 90

• ILN-4, 91

78 VILLARS,Fumeirasse, Saint-Pierre (CAG 84/2, n°145, 5*) : temple àSilvain ?

• I(OVI) OP[T(IMO)]MAX[I]MO• SILVANO

• VIR(O)LANTIAE

• M()

• [A]ris[---] [Dom]itiae(?)Seu[erin]ae(?) ser(uus?)• ---

• plaque de calcaire

• autel de calcaire

• plaque de calcaire

• ILN-4, 81

• ILN-4, 85

• ILN-4, 8679 VILLARS, au sud deFumeriasse, habitatgallo-romain

• CAG 84/2, n°145, 1*

80 VILLARS, Castillon,oppidum

• CAG 84/2, n°145, 14*

81 SAINT-SATURNIN-LÈS-APT chapelleSaint-Maurin (CAG 84/2n° 118, 28*)

• IOV(I) OPT(IMO)MAX(IMO)• autel anépigraphe

• Fon[---] • plaque de calcaire,perdue• marbre

• ILN-4, 96

• CAG 84/2, n°118, 28*

82 SAINT-SATURNIN,Saint-Pierre d’Aniane

• OBIONI

• autel anépigraphe

• L(ucius) BulloniusSeuerus• ---

• autel de calcaire

• autel de calcaire

• ILN-4, 106

• CAG l.c., 36*

83 SAINT-SATURNIN,église Saint-Etienne

• sanctuaire ? Autel à Silvain(non identifié)

• CAG 84/2,n° 118, 35*

84 SAINT-SATURNIN,non localisé

• ALBIORIC(A)E• [---]• [.]QUITE[?---]AUG(US-TO/AE)• -

• -• Aemili ex iussu• Secu[ndus ---]pi[---

• -

• autel• autel• autel

• autel décoré d'unarbre

• ILN-4, 95• ILN-4, 112• ILN-4, 116

• Esp. 242

SAINT-SATURNINnon localisé

• SILVANO

• SILVANO• SILVANO

• SILVANO

• Sex(tus) DiucciusPrimulus• Seruatus• Valeriu[s] [S]ecundinu[s]ex iussu• Dum[---?]

N.B: Seruatus n’est pasnécessairement un esclave(comme proposé dans laCAG).

• autels de calcaire • ILN-4, 107(CAG NL9*)• 108 (NL8*)• 109 (NL5*)

• ILN-4, 110• Solico [--- f(ilius)] ;

O[---]Daueri [f.?]• L. Firm[ ] Prim[ ]

• plaque brisée,augustéenne• perdue

• ILN-4, 115

• ILN-4, 114 (CAG NL12*)

SAINT-SATURNIN, horscontexte

• Ma[---]so[---] Sex. Gauius[---]

• bloc en calcaire • ILN-4, 102(CAG HC1*)

85 SAINT-SATURNINMoulin de Bourgane(CAG 84/2, n° 118, 22*)

• NYMPHIS• NYMPHIS

• VESSANIABUS

• Attius Asper• Maxsumina, Maxsumifil(ia)• Albanus ; Exsoratus

• autel • autel en grès

• autel en calcaire

• ILN-4, 104• ILN-4, 105

• ILN-4, 11186 SAINT-SATURNINChâteau de Bourgane

• --]us Messia[--- • corniche (d’unmausolée ?)

• ILN-4, 119 (CAGHC3*)

87 SAINT-SATURNINOppidum de Péréal

• [I]OVI O M

• IOVI O [M

• ---

• Sex(tus) SolimariusFronti[nus

• autel de calcaire

• pièce de marbre

• ILN-4, 97 (CAGNL10*) • ILN-4, 98 (CAG NL11*)

88 SAINT-SATURNINOppidum de Péréal,versant ouest (CAG 84/2, n° 118, 3*)

• IOVI OP. [MAX.]• [ME]RCURI[O]• ?.

• L(ucius) Vinicius Verinus• [Secu]ndina Pri[m]ulifil(ia)• oualikk ouerest[.] aiou-niai[.].

• eskeggai blandoouikouni-ai

• autel• autel

• dédicace ?

• épitaphe féminine

• ILN-4, 99• ILN-4, 103

• RIG G-152

• RIG G-146(commune deGargas)

89 GARGAS, Péréal (cf.aussi n° 88 : G-146)

• autel anépigraphique • CAG 84/2,n° 047, 21*

90 GARGAS, 600 m àl’est de Gargas

• SILVAN[O] • Vitalis [Sa]turni[ni---] • autel de grès • ILN-4, 120 ;CAG n° 047 7*

– 187 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 34: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Apt

De l’époque protohistorique, on a trouvé un chapiteauà figure à Coulon (Apt) (n° 67) 246, qui date du Ier s. av.n. è. ; nous retrouvons cette forme de chapiteau à Glanum– ils sont plus anciens – et à Vernègues (v. infra) 247. Celapeut indiquer l’emplacement d’un culte de la fin de l’âgedu Fer. On a aussi trouvé, près d’Apt, la partie supérieured’une colonne cylindrique en calcaire local qui porte uneinscription gallo-grecque ; selon M. Lejeune il s’agit pro-bablement d’une dédicace votive (cf. aussi Saignon,infra) 248.

De l’époque romaine, le nombre de dédicaces trouvéesdans la ville d’Apt est assez restreint et la plupart pro-viennent de lieux de culte qui ont été installés autour dela ville, situation comparable à celle d’Aix-en-Provence(v. infra).

On a essayé d’identifier plusieurs lieux de culte dansla ville : mais est-ce qu’il y a eu vraiment un temple deMars sur la colline nommée Pié-de-Mars (et podiumMartis dans le cartulaire de l’église d’Apt) 249 ? Plus probable est l’identification d’un petit sanctuaire deseaux, du IIe s. de n. è., à la sortie nord-est de la ville, àcause d’un dépotoir d’objets votifs ; près de la source deViton, des restes de canalisation romaine suggèrent quecette source aurait été captée 250. Peut-on associer ladédicace aux nymphes 251, trouvée au nord de la villed’Apt (n° 62), à ce sanctuaire ?

Un autre sanctuaire a été supposé à la suite de la dé-couverte d’un « trésor », déposé au début du IVe s., avecdes objets exceptionels en bronze et en cuivre ; unelampe à huile en bronze, datée de l’époque julio-clau-dienne par l’ILN, porte une dédicace au genius col(oniae)

par G(aius) Iulius Validus. S’agit-il seulement de l’éclairage d’un laraire, comme proposé par Espérandieu,ou fait-il partie d’un dépôt de sanctuaire ou d’une fauissa (une fosse-dépotoir) 252 ?

Au quartier du Pré du Cire on a trouvé deux dédicacesà Jupiter (ILN-4, 2-3) ; et un sanctuaire sous le BoulevardCamille Pelletan (n° 60) est indiqué par la statue d’unedéesse-mère et des dédicaces à Mercure et Mars, ainsique des éléments du culte de Mithra. On trouve aussi àApt une dédicace à Vintur, un théonyme oronymique issudu nom antique du mont Ventoux (une autre à Goult, v.infra, n° 105) 253.

Une dédicace inédite mentionnée par F. Sauve peutaussi être attribuée à Apt. D’après la C.A.G., on lit CAt |u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) 254. CA/CAt/CAE/CAL[---] semble être le nom de la divinité. De même àAix on trouve un théonyme CA[---] (ILN-3, 3). On peutimaginer Callirius (« Celui de l’arbre »), comparable auSilvain romain.

En ce qui concerne le culte impérial, on peut identifierplusieurs flamines de la cité d’Apt, comme le flamenRomae et diui Augusti qui a fait éléver des portiques et unarc et qui a organisé des jeux publics (ILN-4, 24). Ladédicace du sénat des Aptésiens à Titus CamulliusAemilianus, flamen et quattuoruir, a été trouvée dans lacrypte supérieure de la cathédrale (ILN-4, 23 ; CAG 84/2,16-A* p. 106) ; cela peut indiquer le lieu d’un templeassocié au culte de l’empereur. Il y a d’autres prêtres duculte impérial attestés à Apt, comme les sévirs 255. Ici, àproximité de la cathédrale et du forum romain, Barruol aproposé de localiser un temple capitolin 256.

La plupart des lieux de culte peuvent être localisés

246CAG 84/2, n° 003, 95*, fig. 137.247CAG 84/2, n° 003, 95* fig. 137.248Cf. RIG G-110.249Cf. CAG 84/2, p. 121-122.250CAG 84/2, n°003, 22* ; Barruol 1968, 113.251 ILN-4, 10.252CAG 84/2, n°003, 20*, p. 118-9 ; ILN-4, 1 ; Esp. 1899a, 146-147, n° 198 ; Esp. 1899b, 11, n° 108. 253 ILN-4, 17 : Vinturi | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | M(arcus) Vibiu[s.254CAG 84/2, n° 003, NL23*, p. 168 ; Sauve 1900-1910, III F 18.255Seviri à Apt : ILN-4, 29. Mentionnée au CIL (XII , 272) mais absente des ILN, l’épitaphe d’un sévir qui pourrait provenir d’Apt : CAG 84/2, n°

003, NL22*, p. 168.256CAG 84/2, 003, 14*, en particulier p. 98-99 ; pour le forum, cf. ibd. 15*.

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Ralph Häussler

91 GARGAS, lieu-ditLes Lombards, à l’ouestde Péréal : habitat gallo-romain

• nécropole gallo-romaine, Ier s. av.n. è.

• CAG 84/2,n° 047, 1-3*

92 SAINT-SATURNINCroagnes (CAG 84/2,n° 118, 19*)

• MARTI

• MART[I]

• M(arcus) Tam[i]niusMansuetus• G(aius) Montan[ius]Firmus Mo[ntani] f(ilius)

• inscriptions per-dues

• ILN-4, 100

• ILN-4, 101

93 SAINT-SATURNIN,Fontaube (CAG 84/2,n° 118, 27*)

• Melpomenes • env. 70-200 den. è.

• ILN-4, 113

Page 35: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

autour de la ville ; il pourrait s’agir de sanctuaires publics« péri-urbains » ; le choix peut être motivé par le caractè-re sacré d’un site, ou bien il s’agit de lieux de culte dansdes propriétés privées, dans le contexte de villas. Auquartier Sineti, près du château Peyroles (n° 63), on trou-ve un sanctuaire gallo-romain auquel on peut attribuerune dédicace à Silvain conseruator, « Silvain, le sau-veur », une épithète que nous avons déjà mentionnée ci-dessus (et v. infra pour le Jupiter conseruator à Villars).Il y a autres dédicaces à Silvain, trouvées sur plusieurssites autour d’Apt (n° 64-66). Aux Tourettes (n° 68), deuxdédicaces (par des pérégrins) et une statuette indiquentprobablement un sanctuaire à Minerve.

À seulement 4,5 km au sud d’Apt, aux Crottes dans lacommune de Buoux, on a construit une grande « villa » àune altitude de 534 m, occupée principalement entre laseconde moitié du Ier et la fin du IIe s. de n. è. (n° 69).Dans les montagnes de la commune de Buoux, on n’a pastrouvé de traces de lieu de culte. On y a reconnu un oppi-dum occupé à l’âge du Fer et à l’époque romaine (n° 71),où on a trouvé l’épitaphe julio-claudienne d’une péré-grine à onomastique celtique : Verbronara, fille d’Apte-temarus (ILN-4, 122). Le plus important oppidum de larégion était celui de Fort de la Roche (n° 70) ; il contrô-

lait les voies de communication entre Apt et la Combe deLourmarin et il a été occupé principalement à l’époqueromaine, du Ier s. av. n. è. jusqu’au milieu du Ve s. de n.è. 257.

Villars : Mercure & Vogontiae - Jupiter & Virolantia -Silvain

À Villars, à quelques kilomètres au nord du chef-lieude la cité, il y a eu, semble-t-il, au moins trois lieux deculte distincts : un sanctuaire à Mercure et aux Vogontiaeà Courre Frac, géré par des citoyens romains et des socii ;un contexte plus « indigène », avec des dédicaces àSilvain, Jupiter et Virolantia à Fumeirasse ; et au moinsun troisième lieu de culte à un Jupiter « gallo-romain »(n° 73-74 : La Saurette, Les Lieygues).

Au sanctuaire à Mercure et aux Vogontiae à CourreFrac (n° 77) 258, on a trouvé cinq inscriptions, deux dédicaces à Mercure, une aux Vogontiae et deux inscrip-tions fragmentées, dont seuls les noms des dédicants sontpréservés (fig. 15) 259. Les dédicants sont des citoyensromains, comme l’indiquent les tria nomina (cf. n° 77).Plusieurs sont membres des soci mensur(atores) 260. Uneautre dédicace à Mercure et aux Vogientae, trouvée entreApt et Villars, a été dédiée par les socii responsables de lacollecte des c(entisimae rerum uenalium) et du rotarium(n° 72) 261 ; une dédicace, consacrée par les soci propo-lae, trouvée aux Lieygues, présente un cas analogue (n°74) 262. Faut-il attribuer ces inscriptions au même sanctuaire ?

En considérant la présence des socii, le Mercure deCourre Frac était probablement le dieu du commerce etdes voyageurs 263. Les Vogontiae sont probablement desdéesses-mères. Dans notre région d’étude on trouve sou-vent que le compagnon d’un dieu, dans la conception cel-tique, n’est pas une déesse-mère, comme Mercure etRosmerta/Maia, Mars et Nemetona/Victoria ou Jupiter etJuno 264, mais une triade de déesses-mères, comme ici lesVogontiae ; cela pourrait refléter les multiples fonctionsFig. 15 - Dédicace des propoli de Villars (ILN-4, 88).

257CAG 84/2, p. 205-206, n° 023, 8*.258Proposé par ex. par Gascou 1995 (1998), 397.259 ILN-4, 90 : Soci mensur(atores) | L(ucius) Lyba[---] Marul(lus?) | T(itus) Val(erius) [Sil]vanus(?) | M(arcus) [---]us | [---] ; ibd. 91: T(itus) Orbius

T(iti) [f(ilius?)---] | Seuerus [---] | C(aius) Iouent[ius?] | Corne[---] | [---]A[---] | [---]NA[---]. On pourrait probablement attribuer deux autresinscriptions aux même divinités à ce site : trouvée à Courre Frac (CAG 84/2, p. 370-371, n°145, 6*) : ILN-4, 82 : [Me]rcurio | u(otum) s(oluit) ;ILN-4, 83 : ---] Merc[urio? ---] | [---]AC[---] | [-----] | [---]M ; ILN-4, 84 : Mercu|ri(o) ; ILN-4, 87 : ---] | Vogient[is] | [e]t Mercur[io] | [---]IT[--- ; ILN-4, 94 : [---] Vo[gon(tiae?)] | [---]MIL [---.

260 ILN-4, 90.261 ILN-4, 18 : [---] | Vogientis et V[---] | Mercurio soci [uect(igalis?)] | c(entesimae) et [r]o[t]ari u(otum) s(oluerunt) | L(ucius) Iuuentius

Inge|nu[us] Donnius Sa|turNinus Sex(tus) | Iul(ius) Maximus Au[l(us?)] | Iul(ius) Pergam(us) M(arcus) | [P]omp(eius) Primitivos | [- V]al(erius)Maternus [R]im|mius(?) Augurin[us---]. Voir l’étude de Gascou 1995 (1998) ; 1998.

262 ILN-4, 88 : [---] | soci propoli | u(otum) s(oluerunt) l(ibentes) m(erito) | T(itus) Iulius Mopsin[us] | [.] Valerius Niua[lis?] | [---]M[---] ; ILN-4,88 a été découverte dans le même contexte que l’inscription à Jupiter (ILN-4: 80), ce qui n’empêche pas Gascou et alii (1997, 131) d’attribuercette inscription à Mercure parce qu’elle a été elevée par des socii – une particularité importante des cultes aptésiens : sur la nature des soci pro-poli, voir Gascou et alii 1997, 131 et Gascou 1998.

263Voir Duval 1976, 24 ; 66.264Cf. par ex. la répresentation de Jupiter et Juno Regina sur un autel à Vaison-la-Romaine : Esp. 299.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 36: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

(trifonctionnelles, triparties ? 265) de la déesse-mère indi-gène. Le nom Vogontiae pourrait être un théonyme dé-onomastique : il s’agit peut-être des matres des Vocontii(qui habitent au nord de Villar) ou des Vulgientes (à l’estde la cité d’Apt) 266. Alternativement, et de façon peut-être plus appropriée dans ce contexte d’un carrefournord-sud / ouest-est, il pourrait s’agir de divinités routières, si on voit un parallèle avec le nom personnelVogitios « transporteur » 267.

Cet ensemble de dédicaces montre le rôle important dusanctuaire dans l’organisation de la cité d’Apt : on nepeut expliquer la participation de socii qu’en présumantque des fonctions financières ont été remplies à CourreFrac, comme cela se passait fréquemment dans les sanctuaires gréco-romains. On peut spéculer que ce n’estpas un culte dans le contexte d’une agglomération rurale,mais plutôt un sanctuaire extra-urbain (public ?) qui joueun rôle important dans la cité d’Apt. Mais pourquoi a-t-on choisi ce lieu à l’écart des grands axes de communica-tion ? L’importance du culte à l’époque romaine remonte-elle à l’époque protohistorique ? Ou y a-t-il une autre raison qui nous échappe ?

Fumeirasse et la chapelle Saint-Pierre sont situéesquelques kilomètres à l’est de Courre Frac (n° 78). Lesdédicaces indiquent un temple à Silvain ; une dédicace àSilvain contient, exceptionnellement, une prière (fig.16) : « Dans la mesure où il/elle aura agi sagement,qu’il/elle jouisse de la faveur de Silvain » 268.L’expression Siluanum propitium pourrait être associée àune dédicace rare à Sucellos du IIe s. de n. è. : Sucellumpropitium nobis (de Vichy, territoire des Arverni) 269 ;cela confirme encore l’équation entre Silvain et Su-cellos 270.

Il y a aussi deux autres dédicaces à Fumeirasse (n° 78),dont la gravure et le travail de la pierre sont de stylescomparables et il s’agit donc probablement d’une seuledédicace sur deux autels. Il semble qu’un certain M(…)ait fait une dédicace à Jupiter 271 et à Vir(o)lantia 272 –donc un autre couple divin, typique de la religion gallo-romaine, comme en trouve ailleurs en Gaule : Jupiter etJuno Regina par exemple. La mauvaise qualité des deux

autels pourrait suggérer qu’il s’agit de divinités indi-gènes.

Le nom Virolantia, un théonyme autrement inconnu,pourrait présenter une des fonctions de la déesse suprêmeceltique, donc une représentation de la Minerve de César.On peut peut-être associer ce théonyme au mot celtiqueuiros (« vraie »), ce qui pourrait refléter l’importance dela vérité dans la religion celtique pour garantir la prospé-rité de la société 273. Le contexte de ce lieu de culte(Silvain/Sucellos et un couple divin qui garantit la fécon-dité de la terre et des hommes) est plutôt celui d’unepopulation rurale : en bas de la colline on a trouvé unhabitat rural (n° 79) 274.

Deux autres dédicaces à Jupiter sont plus difficiles àlocaliser. Y a-t-il un ou deux autres lieux de culte, peut-être au lieu-dit La Saurette, sur une colline juste au-des-sus de la ville d’Apt (n° 73), et un autre aux Lieyguesproche du village de Villars (n° 74) 275 ? Un site de hau-

Fig. 16 - Villars, dédicace à Silvain (ILN-4, 85).

265Pour l’idéologie tripartie, cf. Dumézil 1958 ; Le Roux et Guyonvarc’h 1991.266Pline, nat. hist., 3, 36.267Pour cet argument, voir De Bernardo Stempel 2007b ; pour Vogitios cf. aussi Delamarre (2003, 326-327, s.v. uogi(tion)), qui cite aussi les

graffites gallo-grecs du Mont-Beuvray : Ougitivu (mais il s’agit sans doute seulement d’une marque de possesseur).268 ILN-4, 85 : Siluano | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | [A]ris[---] | [Dom]itiae(?) Seu|[erin]ae(?) ser(uus?) | [u]t fecerit sapie[n|ter sic h]abeat

Siluan|[um p]ropitium.269Voir Wuilleumier et Audin 1952, n° 104.270Sur l’inscription cf. aussi Leveau 1988.271 ILN-4, 81 : I(oui) Op[t(imo)] | Max[i]|mo | M() | u(otum) so[l|ui]t ; le M() est « sans doute un esclave » pour CAG 84/2, p. 369, 5*.272 ILN-4, 86 : Virlon|tiae | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | [---]T[---.273Pour Virlontia/Virolantia, cf. Delamarre 2003, 321-322, s.v. uiros: ici, pas uiros « homme », mais uiros « vraie ».274CAG 84/2, p. 368-369, n°145, 1* .275 ILN-4, 79 : trouvée à « La Saurette », sur une colline proche d’Apt, mais selon ILN-4, 80 l’inscription aurait été trouvée au lieu-dit « Lieygues »,

dans le même contexte que la dédicace des soci propoli (ILN-4, 88).

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Ralph Häussler

Page 37: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

teur semble très courant pour le culte d’un Jupiter indi-gène dans notre région. Ces deux dédicaces ont été consa-crées par des citoyens romains, Cornelius Exsoratus etQ(uintus) I(ulius) M(?) ; cela pourrait souligner l’impor-tance (publique ?) de ce(s) lieu(x) de culte.

Toutefois il ne s’agit pas du dieu suprême romain,mais, comme dans le cas du Jupiter tonans de Vernègueset du Jupiter corniger de Montjustin (v. infra), d’unJupiter local : une divinité qui n’est ni romaine, ni pré-romaine/celtique : Iuppiter depulsorius « défendeur »,probablement un dieu à fonction thérapeutique 276 (voiraussi le cas de Iuppiter repulsor en Lusitanie 277), etIupiter Optimus Maximus conseruator (fig. 17) 278.L’épithète conseruator (« sauveur »), qui indique desconcepts religieux non-romains, est assez répandue dans

la région 279 : il y a un Iuppiter conseruator omniumrerum à Rougiers, évoqué par un citoyen romain 280 etdeux I.O.M. conseruator à Glanum 281. Comme nous l’a-vons vu ci-dessus, l’épithète conseruator était aussi attri-buée au dieu indigène Sucellos/Silvain, donc on peut sup-poser une fonction semblable pour Jupiter 282 ; il y a doncpossibilité de confusion parce qu’il n’y a pas d’équivalentdirect entre les divinités romaines et celtiques 283.

Saint-Saturnin-lès-Apt

Dans la paroisse de Saint-Saturnin-lès-Apt il y a uneforte concentration d’habitats ruraux (n° 81-88, 92-93).Deux inscriptions gallo-grecques et 26 inscriptions latines montrent l’importance sociale de cette localité.Dans la commune il y a un site perché fortifié proto-historique à Péréal (ou Perréal), pendant qu’à l’époqueromaine on peut identifier de nombreux habitats ruraux,dont quelques-uns existaient déjà au Ier s. av. n. è., par ex.au Cadeton. Une petite agglomération semble se trouverprès de la petite nécropole du Quartier de Fontaube (àl’extrême ouest de la commune, entre Lioux etRoussillon ; fréquentée de l’époque augustéenne au Ier/IIe

s. de n. è.), à laquelle on peut attribuer une inscriptionfunéraire, mais pas d’indice pour un lieu de culte 284. Onpourrait aussi proposer des agglomérations secondairesplus importantes autour du village moderne de Saint-Saturnin et à Croagnes.

L’onomastique montre surtout des pérégrins avec desnoms principalement celtiques (par ex. des noms commeSolicos et Daverius 285, et même Messia(nus/-na) sembleêtre de l’origine indigène 286) ; cela ne montre pas unerésistance culturelle, mais plutôt l’adoption précoce del’épigraphie romaine dans cette société rurale un peu

276 ILN-4, 79 : Ioui dep[ul]|sorio C[or]|nelius [Ex]|soratu[s] | ex iuss[u] ; pour le contexte militaire de Jupiter depulsorius (et son origine danu-bienne), voir Pflaum 1955 et pour l’aspect thérapeutique, voir Lavagne 1979, 188-9. Cf. Hainzmann 2004 qui propose une explication militairede l’épithète depulsor, certaine dans le cas du Norique.

277Beltrán Lloris 2001-2002.278 ILN-4, 80 : I(oui) [O(ptimo)] M(aximo) [co]n|seruatori | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Q(uintus) I(ulius) M(), trouvée dans le même con-

texte que des sépultures du Ier-IIe s. ; CAG 84/2, p. 369, n° 145, 4*.279Grenier 1954, 328-329 ; mais on trouve aussi un Jupiter / IOM conseruator dans d’autres provinces : par ex. en Dacie (AE 1977, 700), en

Mésopotamie (AE 1934, 280) et en Égypte (AE 1948, 211).280 ILN-3, 153 = ILS 3016 : Ioui | Conseruatori | omnium rerum | M(arcus) [E]rucius Na[tal]is | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito).281CIL XII 994 : I O M | Con|serua[t]ori || D(ecimus) A(?) | Attianus ; CIL XII 995: I O M | Conseruatori | Sext(us) Iul(ius) Lutto | uoto dicauit.282 ILN-4, 16 : Siluano con|seruatori | C[---]us ; cf. Leveau 1988, 183-184 ; cf. aussi Ma[t]ribus Conseruatricibus (ILN-2-Riez, 8) ; cf. Häussler

2001-2002. Voir un autre exemple rare de Siluanus conseruator en Germanie Supérieure, où le dieu est associé à Iupiter et Diana : I.O.M. | SiluanoCo|ns(eruatori) Dianae | Aug(ustae) (CIL XIII 6618, Trennfurt).

283Comme au sanctuaire de Fumeirasse, on trouve souvent Silvain et Jupiter dans le même contexte ou sur le même autel.284 ILN-4, 113 : D(is) [M(anibus)]| Melpome|nes.285 ILN-4, 115 : Solico [--- f(ilius)] | sibi et O[---] | Daveri [f(ilio?) ---] | testame[nto fieri] | ius[sit] ; pour Solico, voir Holder II, 1604, Delamarre

2003, 283, s.v. su- ‘bon-, bien-’ (par ex. Solicia) ; pour Dauerius, un nom qui est aussi attesté à Vaison (CIL XII 1285) et dans la Narbonnaise(CIL XII 2448 ; 2679), voir Holder II 1244 ; Delamarre 2003, 136-137, s.v. dauios = ‘enflammé’ (par ex. Dauicius, etc.).

286 ILN-4, 119 : [---]us Messia[---] ; pour une possible origine indigène, cf. l’étude de G. Alföldy 1969, 99 ; 247.

– 191 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 17 - Villars, dédicace à Jupiter conseruator (ILN-4, 80).

Page 38: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

reculée.Au hameau moderne de Croagnes (n° 92), deux dé-

dicaces à Mars, dédiées par des citoyens romains, semblent indiquer un lieu de culte assez important 287.Cela peut être attesté par les trouvailles de deux statues auXVIIe siècle, dont une d’un dieu vêtu du paludamentumavec un fourreau d’épée (c’est-à-dire Mars) et l’autre probablement de Junon, ainsi qu’une tête de Minerve 288 ;une autre dédicace à Mars, une plaque de marbre dédiéeaussi par un citoyen, trouvée hors contexte au castrummédiéval de Saint-Saturnin 289, a des caractéristiques quinous permettent de l’attribuer à ce lieu. Au pied duhameau moderne, il y a un habitat du Ier-IIe s., qui est pro-bablement en rapport avec le sanctuaire de Mars ; celui-ci pourrait donc être le centre sociopolitique d’un village.

Il y aussi quatre dédicaces au dieu indigène Silvain,qui suggèrent un autre lieu de culte non localisé, peut-êtreproche du village de Saint-Saturnin-lès-Apt, où desinscriptions ont été trouvées en remploi dans l’égliseparoissiale (n° 84) 290. Ce lieu de culte semble être distinct du lieu de découverte d’une autre dédicace àSilvain, au sud de Péréal dans la commune de Gargas, lelong du ruisseau des Grandes Terres (n° 90) 291. Les nomsdes dédicants à Saint-Saturnin reflètent une certaine celticité, par exemple le gentilice Diuccius, le cognomenlocal Secundinus, et les deux pérégrins Seruatus et Dum[---].

Une dédicace aux nymphes a été trouvée, comme onpeut l’attendre, aux abords d’un ruisseau près d’une source au Moulin de Bourgane, à 2 kilomètres au sud duvillage de Saint-Saturnin (n° 85) 292. On peut probable-ment attribuer deux dédicaces non localisées à ce lieu deculte : une autre aux nymphes 293 et peut-être la dédicaceaux Vessaniae consacrée par deux pérégrins (Albanus etExsoratus) (fig. 18) 294. Les Vessaniae sont une forme des

déesses-mères (et donc comparable aux nymphes) 295. Cethéonyme n’est pas attesté ailleurs, mais on trouveVesunna à Cologne et à Périgueux 296, et les MatronaeVesuniahenae en Rhénanie 297. Au Moulin de Bourganenous avons donc une chapelle rurale, dans le contexted’une source sacrée (probablement un culte guérisseur),vénérée plutôt par des habitants ruraux à onomastiquepérégrine.

À Saint-Maurin, un site assez isolé des autres (doncprobablement un lieu de culte distinct), on a trouvé unedédicace à Jupiter (n° 81) 298 ; deux autres dédicaces à

287Voir Gascou 1997, ILN-4, 100 : Marti | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | M(arcus) Tam[i]nius | Mansuetus ; ILN-4, 101 : Mart[i] | G(aius)Montan[ius] | Firmus Mo[ntani] | f(ilius) u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito).

288CAG 84/2, p. 337-8, n°118, 19*.289 ILN-4, 102 : Ma[rti?] | So[---?] | Sex(tus) Gauius [---].290Cf. la dédicace de Silvain par un certain Diuccius – gentilice clairement celtique (ILN-4, 107 : Siluano | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Sex(tus)

Diucci|us Primulus) ; ILN-4, 108 : Silua|no u(otum) s(oluit) | l(ibens) m(erito) Se|ruatus ; ILN-4, 109 : [Siluano] | Valeriu[s] | [S]ecundinu[s] |ex iussu | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; ILN-4, 110 : Silu[ano] | Dum[---].

291CAG 84/2, p. 242, n°047, 7* ; ILN-4, 120 : Siluan[o] | Vitalis | [Sa]turni|[ni---] u(otum) s(oluit) | [l(ibens) m(erito)].292 ILN-4, 105 : Nymphis | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Maxsum|ina, | Maxsumi | fil(ia).293 ILN-4, 104 : Nymphis | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Attius | Asper (CAG 84/2 p. 342, n°118,. NL2*) ; ILN-4, 105 : v. supra.294 ILN-4, 111 : Vessaniabus | Albanus et | Exsoratus | u(otum) s(oluerunt) l(ibentes) m(erito) ; CAG 84/2, p. 341, n°118, NL1*, 2 : trouvée rémployée

dans un mur du village de Saint-Saturnin ; pour Albanus/Albanos, cf. Delamarre 2003, 37, s.v. albos, albanos ; pour Exso-ratus, cf. ibd., 170, s.v.exo; ibd., 255, s.v. rato-: ‘Chance Extra(ordinaire)?’.

295Pour lesquelles voir Duval 1976, 55-57 ; Lavagne 1979, 192-193 ; De Bernardo Stempel 2007b.296AE 1981, 670 ; CIL XIII 949 ; 956; Jufer et Luginbühl 2001, 71 ; voir Delamarre 2003, 318, s.v. uesu- ‘valable, bon, digne de’.297CIL XIII 7850-7854 ; 7925 ; Jufer et Luginbühl 2001, 71 ; voir Delamarre, l.c.298 ILN-4, 96 de la chapelle Saint-Maurin : Iou(i) Opt(imo) Max(imo) | u(otum) [s(oluit) l(ibens) m(erito)] | Fon[---]. CAG 84/2, n° 118, 28*, p. 339

cite H. F. Signoret qui a signalé une deuxième dédicace à Jupiter : IOVI.O.AV.

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Ralph Häussler

Fig. 18 - Saint-Saturnin-lès-Apt : La dédicace aux mères Vessaniae (ILN-4, 111).

Page 39: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Jupiter ont été trouvées à Péréal (n° 87) 299. Seule uneinscription donne le nom d’un dédicant : un citoyenromain à gentilice d’origine celtique, Solimarius 300.

Les cultes sur l’oppidum de Péréal : Obio et Albiorix

Comme souvent, sur le site d’un oppidum protohis-torique, un lieu de culte a été fréquenté à l’époque romaine : l’occupation de l’oppidum de Péréal a duré desVIe-Ve s. av. n. è. jusqu’au Ier siècle de n. è., avec sa fréquentation maximale entre 50 av. n. è. et 50 de n. è. (n°87-89) 301. Sur les versants ouests de Péréal 302, on a trouvé deux inscriptions gallo-grecques (dont une dédi-cace avec des empreintes cultuelles de chaussures ou despieds, comme nous avons déjà rencontré au Castellar (v.supra) 303), une dédicace à Jupiter par un citoyenromain 304, et une autre à Mercure par une pérégrine 305 ;un peu au sud, on a trouvé un autel anépigraphe 306.S’agit-il ici d’un lieu de culte préromain qui a persisté àl’époque romaine ? Ou est-ce que la répartition desinscriptions indique le développement et la création deplusieurs lieux de culte sous le Haut-Empire, sur l’oppi-dum lui-même et autour de l’oppidum ?

Le contexte de l’oppidum de Péréal semble très appro-prié pour une dédicace au dieu « indigène » Albiorix /Albiorica (fig. 19) 307. Pendant que A. Holder 308, P. DeBernardo Stempel et X. Delamarre proposent « roi dumonde » comme traduction d’Albiorix, parce que la racine alb- indique le « monde d’en-haut », le « ciel »,donc le « roi (rix) céleste », J. Gascou et G. Barruol ontavancé l’hypothèse du « roi des Monts d’Albion »comme éponyme et protecteur du peuple des Albici 309.Au contraire, ce pourrait être le peuple qui a pris le nomde la divinité (comme les Brigantes britanniques celui deBrigantia, etc.), parce qu’Albiorix, semble-t-il, indiquedes conceptions religieuses indigènes et peut-être même

pan-celtiques (il y a même une attestation d’Albiorix enGalatie) ; cela confirme plutôt l’interprétation d’Albiorixcomme « le roi céleste » 310. Delamarre parle d’une triplecosmologie verticale des trois mondes : il y a donc Albio-rix (le roi du ciel), Biturix (le roi du monde intermédiairedes hommes) et Dubnorix (le roi de l’enfer) 311.

Plus à l’ouest, à Saint-Pierre d’Aniane (n° 82), on atrouvé deux autels, dont un avec une dédicace par uncitoyen romain au dieu Obio, un théonyme autrementinconnu (fig. 20). G. Barruol 312 a associé Obio avec lenom provençal moderne, Aubioun (pour Albion), et il adonc interprété Obio comme le nom indigène de l’oppi-dum de Péréal, comme un théonyme déonomastique, tel

299 ILN-4, 97 : [I]oui O(ptimo) M(aximo) | [u(otum)] s(oluit) l(ibens) [m(erito)] ; ILN-4, 98 : Ioui O(ptimo) [M(aximo)] | Sex(tus) Solima|riusFronti|[nus].

300Delamarre 2003, 218, s.v. maros ‘grand’ ; 287, s.v. suli-/soli- ‘(bonne) vue’.301CAG 84/2, n° 118, 1*, p. 335.302CAG 84/2, n° 118, 3*.303Bats 1988, 140 considère que RIG G-152 est une inscription votive par les pèlerins ; voir supra RIG G-112 au Castellar.304 ILN-3, 99 : Ioui Op[t(imo) Max(imo)] | S[---] | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | L(ucius) Vinicius | Verinus.305 ILN-3, 103 : [Me]rcuri[o] | [u(otum)] s(oluit) l(ibens) m(erito) | [Secu]ndina Pri|[m]uli fil(ia).306CAG 84/2, n° 047, 21*.307 ILN-4, 95, v. infra ; Ésperandieu et Barruol (1963, 356) ont lu Albioric(i), c’est-à-dire Albiorix, pendant que l’ILN a lu Albioric(a)e. Pour Albiorix,

voir aussi l’article de Barruol 1963.308Holder I 85.309Barruol 1963 ; Gascou et alii 1997 ; Duval 1976, 71 ; Lavagne 1979, 171-173; Green 1992, 141, s.v. Mars Albiorix.310CIG 4039 = OGIS 533, 23. 32. 63.311 Delamarre 2003, 77, s.v. bitu-.3121969, 277.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 19 - Dédicace à la déesse Albiorica (Saint-Saturnin-lès-Apt) (ILN-4, 95).

Page 40: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

313Pour lesquels voir Duval 1976, 61.314Obiona en Tarraconaise (CIL II 5808) et la divinité ibérique Obana (CIL II 5849; Holder II: 822); à Trêves : d(e)ae Obelae (AE 1989, 550) ; à

Crossillac : Matris Aug(ustis) Obele(n)sibus (CIL XII 2672). Cf. Heichelheim, RE XVII.2 (1937), s.v. Obio, col. 1716 ; Freschi 1975-1976, 52.Pour le thème op- ‘œil’ cf. Delamarre 2003, 170-171, s.v. exsops.

315Voir De Bernardo Stempel 2007a ; Delmarre 2003, 287, s.v. suli-/soli- ‘(bonne) vue’.316CAG 84/2, p. 340, n°118, 36*.

que Vasio, Vintur, Nemausus ou Glanis 313. Mais le théo-nyme Obio est aussi attesté ailleurs : par exemple enEspagne on trouve Obione, et le thème op- « œil » seretrouve également dans les théonymes d(e)ae Obelae et,en Narbonnaise, Matris Aug(ustis) Obele(n)sibus 314.

La racine op- nous ne donne pas d’explication étymo-logique complète de ce théonyme, mais ce thème indiqueprobablement une fonction importante d’une divinité :l’œil joue aussi un rôle dans autres cultes gallo-romains,comme le culte britannique de Sulis Minerva, « Minervade l’œil » 315, dans le contexte d’un sanctuaire de sourceà Aquae Sulis. Également ici à Saint-Pierre d’Aniane, il ya une source qui peut indiquer une situation parallèle ;l’hypocauste et les bâtiments trouvés à proximité 316

pourraient théoriquement indiquer les installations d’unculte de l’eau, plutôt que les thermes d’une villa.

Pourquoi y a-t-il un si grand nombre de lieux de culte

autour de Péréal et dans la commune de Saint-Saturnin ?On peut envisager plusieurs raisons interconnectées : onpeut imaginer qu’il y a eu plusieurs lieux sacrés, commedes sources, des sites de hauteurs, des roches, etc. Maisen même temps il faut considérer que l’oppidum dePéréal (pour Barruol la capitale des Vulgientes) a perduson rôle socio-religieux, et par conséquent plusieursfamilles et/ou communautés ont installé leurs propreslieux de cultes indépendants, chacun avec une identitéspécifique et chaque famille voulant montrer l’ancienne-té et la légitimité de son culte.

5.3 Autour du pagus VordensesDans la partie occidentale de la cité d’Apt, conven-

tionnellement attribué au pagus Vordenses, il y a une sérieintéressante de sites, répartie sur les communes deRoussillon, Gordes, Goult et surtout Lioux où se trouveun sanctuaire rural de caractère « indigène ». Les dédi-caces à Silvain sont plus nombreuses ici qu’ailleurs dansnotre région d’étude. Malgré la proximité de la voieDomitienne, nous trouvons ici aussi des divinités decaractère plutôt indigène : à part Silvain, on trouveAbianus, Vintur, Uxovinus, les Suleviae et probablementRonea et le dieu indigène du tonnerre et de la foudre.

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Ralph Häussler

Fig. 20 - Dédicace à Obio (Saint-Saturnin-lès-Apt) (ILN-4, 106).

Fig. 21 - Autel avec arbre (Saint-Saturnin-lès-Apt) (Esp. 242, CAG84/2 fig. 425 ; Musée Calvet, Avignon).

Page 41: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Fig. 22 - Carte de répartition des sites : triangle : lieu de culte ; cercle : oppidum, site perché ; carré: autre habitat (de l’époque romaine).

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

commune, lieu-dit, identification

dédicaces- numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

94 ROUSSILLON, lieu-dit les Yves.

• SILVANO ET SILVAN(A)E • --- • autels de calcaire • ILN-4, 130

• G() Lucilia ;G() Seueriano• Satyrio ;Iulia Saturni[na

• autels en calcaire(env. 100-250 den. è.)

• ILN-4, 131• ILN-4, 132

95 ROUSSILON, lesEscoubets : villa

• CAG 84/2,n° 102, 2*

96 ROUSSILLON,Petite Verrière

• FULGUR CONDITUM • ---- • ILN-4, 129

97 ROUSSILLON, lieu-dit Saint-Jean

• DEO ABIANIO • --- • autel en calcai-re,140-250 ap. J.-C.

• ILN-4, 128

98 LIOUX, ferme deVerjusclas

• RONEAI• M(ARTI)• [---]• [---]• M[ARTI?]• [---]

• Ammo Sol[---] • H() L() F() L()• ]VS[--|--]AVOT[--|--]I[-• D?]EO | [---]EM [---• [---]• --]S[--|--]M[--

• pierre rectangulaire• autels de calcaire

• ILN-4, 136• ILN-4, 135• ILN-4, 137• ILN-4, 138• ILN-4, 139• ILN-4, 140

99 LIOUX, Baumelle • MARTI • Vectirix, Reppaui f(ilius) • augustéenne • ILN-4, 134

100 GOULT, mansio AdFines ? (ou à GORDES) 317

101 GOULT, plateaudes Artêmes, 2 km deMaquignon

• sanctuaire proto-historique (?)

• CAG 84/2,n° 051, 1*

102 GOULT, proche duvillage, grotte

• NIMPHIS (!) • C(aius) Iuuentius Hono-r[at]us(?)

• perdue • ILN-4, 141

103 GOULT, le Jas :habitat de l’âge du Feret romain.

• CAG 84/2,n° 051, 11*

104 GOULT, Bastidonne(215 m alt.)

• SILVANO• et 2 autels anépigraphes

• ? SICVO[---?] • autel de calcaire • ILN-4, 142

105 GOULT,Maquignons

• VINTURI • [---] • autel de calcaire • ILN-4, 143

106 LACOSTE, Bas-Clos: villa ; Haut-Clos :nécropole

• CAG 84/2,n° 058, 1*, 3*

317Cf. Barruol et alii 1997 pour une borne milliaire de la voie domitienne de la commune de Goult.

Page 42: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

107 LACOSTE,Claparèdes, à l’ouest duchâteau

• SILVANO • T(itus) T() M() ;M(arcus) A() S()

• autel de calcaire • ILN-4, 144

108 BONNIEUX, Pont-Julien

• CAG 84/2,n° 020, 4*

109 BONNIEUX, auPetit Saint-Jean (1500mNO de Bonnieux)

• Deux autels anépigraphes • CAG 84/2,n° 020, 26* ; fig.191.

110 BONNIEUX, nonlocalisé.

• UXOVINO • Q(uintus) Annius Bottus • ILN-4, 124

111 MÉNERBES, Bas-Heyrauds : atelier depotier

• sanctuaire ? • CAG 84/2,n° 073, 2*

112 MÉNERBES, quar-tier Guimberts

• DO(MINUS) SELVANUS (!) • soci Sextus IuliusB[e]latullus ; Ga(ius) IuliusMarcellinus

• autel de calcaire(fin IIe - IIIe s.)

• ILN-4, 146

113 MÉNERBES, aupied des murailles deMénerbes

• M[ARTI ?----ou Mercurio ?].

• Tullius [---]TANCONISI[---]SV (=Tancius Onesi-mus(?))

• Q. Licinio, Q. lib., Onesi-mo; Onesimus; LiciniaQuartula

• 150-250 de n. è. ?

• flavienne

• ILN-4, 145

• ILN-4, 148

113 MÉNERBES, quar-tier Saint-Alban

• Flauiae [---|G]raecinif(iliae) [---] Vale[---

• stèle en marbre,70-100 de n. è. (?)

• ILN-4, 147

114 OPPÈDE, La CroixBlanche

• MIIRCURIO (!) • Vicinia • autel en molasseblanche

• CAG 84/2, n°086, 1*; fig. 329

115 OPPÈDE, l’églised’Oppède-le-Vieux :oppidum

• CAG 84/2,n° 086, 2*

116 OPPÈDE, chapelleSaint-Laurent : bâtimentromain

• CAG 84/2,n° 086, 7*

117 GORDES, Ville-neuve : villa ou AdFines ?

• CAG 84/2,n° 050, 17*

118 GORDES, LesBouisses : sanctuaireou sépultures ?

• CAG 84/2,n° 050, 2*

119 GORDES, 3 km ausud

• relief : Mercure etMars/Silvain

• CAG 84/2,n° 050, HC2*

120 GORDES, LesRocassiers, alt. 262 m

• SULEV[IAE (?) • [---?] • autel ; inédit • CAG 84/2,n° 050, 13*

121 GORDES, réem-ployée

• FAT(IS) SUPERIS ETINFERIS

• Valerius Iuuentius ;Valerio Hilari

• epitaphe • ILN-4, 149

122 GORDES, Busans :habitat rural

• CAG 84/2,n° 050 3*

Ralph Häussler

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Page 43: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Lioux – un sanctuaire du type indigène à Mars et Ronea

Nous commençons avec le sanctuaire rural de Lioux(n° 98), un site qui domine la plaine de Roussillon et duCalavon, proche de la ferme de Verjusclas, à quelqueskilomètres à l’ouest du sanctuaire de Mars à Croagnes(supra, n° 92), séparés l’un de l’autre par la montagne deLouvière 318. Un premier lieu de culte a été déjà fréquen-té ici de la fin du Ier s. av. n. è. jusqu’aux années 20-30 den. è. ; il n’y a pas de construction, seulement deux dépres-sions/fossés, typiques des lieux de culte protohistoriques.Après un abandon (?) de « quelques décennies » on voitla monumentalisation du site à l’époque flavienne avec laconstruction de quatre cellae ou « chapelles », entouréespar un péribole (fig. 23). Une cinquième chapelle a étéconstruite plus récemment (IVe s. de n. è.) en dehors dupéribole, qui a pris, semble-t-il, le relais du vieux sanc-tuaire 319.

Dans cette cinquième « chapelle » on a trouvé les res-tes d’une statue de Mars avec une inscription sur le socle(ILN-4, 140), ainsi que d’autres inscriptions. La plupartdes inscriptions sont très fragmentées 320. Ce sont, sem-ble-t-il, des dédicaces à Mars, comme l’inscription trèsabrégée M.V.S.L.M.| H.L.F.L. dédiée à M(ars) parH.L.F.L. : peut-être les dua nomina de deux dédicants (?).Une dédicace à Mars de l’époque augustéenne, offertepar un personnage qui porte un nom pérégrin d’origineceltique, Vectirix, fils de Reppavus 321, n’a été pas trouvéà Verjusclas mais plus au nord de la commune, àBaumelle (n° 99).

Dans la « cella » CB III, on a trouvé une dédicaced’une qualité surprenante, probablement de date julio-claudienne d’après la gravure de lettres (fig. 24). Le théo-nyme Ronea nous pose des problèmes. S’agit-il d’unedivinité topique ? Il y a des noms celtiques commençanten ro- (« très, trop »), comme la déesse Rosmerta ou lenom Ro-biow 322, mais pas de Ronea ; il est possible qu’ilmanque une ou deux lettres au début du nom, mais d’après nos corpus épigraphiques, on ne pourrait complé-ter que Fe]ronea - Feronia la déesse étrusque du LucusFeroniae ! Mais pourquoi pas ? C’est une déesse du feuet de la fertilité, donc tout à fait appropriée dans le con-texte de Lioux ; aussi cette déesse a-t-elle été associée àJunon à l’époque romaine (par ex. ILS 3482 : Iunoni Fe-ron[iae]), et Junon est aussi très populaire en Gaule 323.

Fig. 23 - Le sanctuaire flavien de Lioux (lieu-dit Verjusclas) avec sesquatre cellae, chapelles ou fauissae ; la cinquième – en dehors du péri-bole – a été construit dans l’Antiquité tardive (d’après Borgard etRimbert 1994).

318Borgard et Rimbert 1994 ; voir maintenant CAG 84/2, p. 262-266, n° 066 ; cf. aussi Barruol et Carru 2001, 38-42.319Le sanctuaire semble avoir été occupé jusqu’au Ve siècle de n. è., et malgré la christianisation, la persistance des rituels païens montre le carac-

tère « conservateur » de la population de Lioux.320 ILN-4, 135 : M(arti?) u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | H() L() F() L() ; ILN-4, 136 : Ammo Sol[---] | Roneai u(otum) s(oluit) [l(ibens) m(erito)] ;

ILN-4, 137 : ]VS[---] | [---]AVOT[---] | [---]I[---] ; ILN-4, 138 : [---]EO | [---]EM | [---] ; ILN-4, 139 : M[(ars ?)---] ; ILN-4, 140 : ---]S[---] | [---]M[---].

321CAG 84/2, p. 262, n° 066, 2* ; ILN-4, 134 : Marti | Vectirix Repp|avi f(ilius) u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; pour l’origine celtique de Vectirix,voir Holder II, 132, pour Reppavus, voir ibid. II, 1175.

322Delamarre 2003, 261, s.v. ro- ‘très, trop’.323Iuno Feronea : AE 1983, 405-408 ; 1985 378a-b ; CIL I 2869a-c.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 24 - Dédicace à [.?]ronea par Ammo Sol[---] (ILN-4, 136).

Page 44: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Le dédicant de Lioux porte un nom pérégrin : AmmoSol[---] 324 ; Solimarius et Solico sont deux noms possibles qui sont attestés dans la cité d’Apt 325, le nomSolito est attesté à Glanum sur la céramique campanien-ne. Le statut pérégrin n’empêche pas qu’il s’agisse d’unmembre d’une famille aristocratique riche qui exprimeune identité « indigène » (le choix de l’onomastique et duthéonyme), alors qu’il utilise un moyen et une langueromains. Ensemble, Mars et [.]Ronea pourraient repré-senter un couple divin typique de la religion indigène.

D’après les témoignages épigraphiques, qui ne men-tionnent que deux divinités, Mars et [.]Ronea, on n’auraitjamais imaginé un sanctuaire avec quatre « chapelles »(s’agit-il des fauissa ?). Leur orientation suggère deuxgroupes de divinités fondamentalement distinctes, parceque trois « cellae » ouvrent vers l’est (ce qui est normaldans le monde celtique !), la quatrième vers le sud(comme le temple toscan de Glanum) 326. La chapelle« CB III », en face de l’entrée du temenos, semble avoireu une place privilégiée : elle est à l’aplomb de l’une desdépressions d’époque augustéenne et on trouve, à l’inté-rieur, des dépôts votifs, dont trois autels 327 ; cela indiquedes activités cultuelles d’un caractère non-romain. Lesvases miniatures (fig. 25) qu’on a trouvés dans l’enceinte et dans les chapelles, pourraient indiquer deslibations et probablement aussi une fonction guérisseusedes divinités.

Il y a eu aussi des sacrifices d’animaux d’après lesossements calcinés, en majorité des ovicaprinés et unpetit nombre (env. 1,5% chacun) d’ossements équins et

humains 328. Les ossements équins et humains se trouventsouvent, en petite quantité, dans la majorité des sanc-tuaires romano-celtiques 329 ; cela indique donc ici despratiques indigènes. Cependant, les ossements humainsn’indiquent pas nécessairement de sacrifices humains, niun culte des têtes coupées, mais plutôt l’existence d’untombeau : il semble que des sépultures soient à l’originede plusieurs sanctuaires romano-celtiques en Gaule et enGrande Bretagne 330. Par ailleurs le sacrifice des chèvresest normal à l’époque protohistorique et à l’époqueromaine.

On trouve ailleurs en Gaule Narbonnaise cette formede chapelle rectangulaire, d’environ quatre mètres carrés,par exemple la chapelle d’Hercule à Glanum, où on aaussi trouvé des autels et une statue dans la « cella »,ainsi que les « chapelles » du sanctuaire du Chastellard-de-Lardiers (Alpes-de-Haute-Provence) dans la cité deVienne et celle du « fanum » de Nages, la plus ancienne(env. 70 av. n. è.) 331. Certaine de ces « cella » ont été probablement des fauissa. Dans la religion indigène enGaule, il était important de démarquer le monde del’homme du monde des dieux par des fossés ou des palissades ; les « fana » gallo-romains étaient égalemententourés, par exemple par des périboles et des por-tiques 332.

Situé loin des artères principales de l’infrastructureromaine, Lioux était probablement capable de conserverun certain degré de persistance culturelle ; cela pourraitexpliquer pourquoi ce lieu de culte continuait d’être fréquenté malgré la christianisation dans l’Antiquité tar-dive. Mais il n’était pas le centre d’une certaine résistancereligieuse ou culturelle : le culte ne se limite pas au Haut-Empire, mais il a continué d’évoluer pendant toute lapériode romaine.

Mais quel est le rôle de ce sanctuaire rural ? La con-struction de bâtiments permanents et les sacrifices d’animaux de Lioux reflètent son importance pour unecommunauté rurale. Les dimensions du sanctuaire in-diquent l’existence d’une organisation sociale qui gère ceculte ; de fait, les prospections récentes semblent avoir

Fig. 25 - Lioux : Dépôt votif des vases miniatures de la cella CB III(d’après CAG 84/2, fig. 294).

324Cf. Holder I 131-132; III 598; cf. Delamarre 2003, 43, s.v. ami(no)-, ‘ami’ (par ex. Amminus, Aminorix, etc.) ; pour les noms personnels en Sol-, cf. Holder III 1599; 1614 ; cf. Delamarre 2003, 201, s.v. Solicana, Solicia, Solicuri, Solimarus, Solirix, etc.

325 ILN-4, 98 ; 115.326Sur l’importance de l’orientation pour la religion et les pratiques rituelles, voir Aveni et Romano 1994 et, sur la Gaule du nord, Haselgrove 1995.327 ILN-4, 135 ; 136 ; et (seulement) le socle du troisième autel.328Voir Borgard et Rimbert 1994 ; d’après CAG 84/2, p. 263 seulement dans la première phase.329Cf. par ex. P. Méniel 2006. 330En Grande Bretagne par exemple à Folly Lane (St. Albans), Hayling Island, etc., cf. King 2005 ; cf. Brunaux 2000, 153-6 pour la Gaule du Nord.331Pour Nages cf. CAG 30/3, n° 186 avec bibliographie ; pour le sanctuaire gallo-romain du Chastellard-de-Lardiers (Alpes-de-Haute-Provence), cf.

CAG 04, n° 101. 332Cf. Fauduet 1993.

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Ralph Häussler

Page 45: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

identifié un site perché fortifié à Verjusclas, certainementoccupé au IIe âge du Fer 333.

Le pagus Vordenses entre le plateau de Vaucluse et leLubéron

La région entre le plateau de Vaucluse et le Lubéronétait densément peuplée dans l’Antiquité. La forte conti-nuité d’habitats entre la protohistoire et le Haut-Empirepeut suggérer, en majeure partie, une continuité de lapopulation et donc une évolution graduelle de la religionindigène. On trouve un grand nombre d’oppida, des habitats ruraux (par ex. n° 103, 111, 116, 122) et plusieursvillas (par ex. n° 95, 106, 117).

Ainsi dans la commune de Gordes on trouve des oppi-da (par ex. à Gordes, Plateau des Roques) et, à l’époqueromaine, un réseau dense d’habitats ruraux, comme l’habitat du quartier des Molliards et celui indiqué parune nécropole au quartier de la Carcarille ; égalementautour de Roussillon, il y a des habitats ruraux et aumoins une « villa » au lieu-dit les Escoubets (Ier s. av.n. è. – Ve s. de n. è.) (n° 95) 334. Mais au contraire d’autres régions, le nombre d’épitaphes aristocratiques,qui habituellement sert à affirmer le droit d’une gens surla terre, est assez limité, malgré la proximité de la voieDomitienne qui offre un emplacement idéal pour exhiberles valeurs aristocratiques. Dans cette région se trouve lamansio Ad Fines, soit dans la commune de Goult (n° 100sqq.) 335, soit à Gordes, au quartier Villeneuve, proche dela voie romaine, où on a trouvé des thermes qui appar-tiennent soit à une villa soit à la mansio (n° 117) 336.

Le pagus Vordenses peut être localisé dans cette régionparce qu’on peut associer Vordenses sur critères linguis-tiques au toponyme moderne du village de Gordes 337. Onpourrait donc imaginer que Gordes symbolisait un centre(administratif et/ou religieux ; un uicus ?) pour ce pagus.Mais selon nos connaissances actuelles il n’y a pas, semble-t-il, d’agglomération secondaire à l’époque ro-maine dans cette commune. Il n’y a pas non plus d’in-

dices d’un lieu de culte qui pourrait représenter un pointde repère pour le pagus Vordenses, analogue au sanctuaire de Dexiva pour les Dexiuates (v. supra).

Mais au sud de Gordes (n° 119), on a trouvé un bas-relief qui pourrait procéder d’un tel sanctuaire régional(fig. 26) : il montre deux divinités principales, Mercureau caducée et une autre divinité masculine (peut-êtreMars ou Silvain ?) 338. Il faut insérer ce bas-relief dans lecontexte socio-géographique de Gordes : plusieurs sitesperchés montrent une occupation continue dès l’époqueprotohistorique, comme l’oppidum du deuxième âge duFer au lieu-dit Plateau des Roques ; au sud de l’oppidum,aux Rocassiers, on a trouvé un autel aux déesses-mèresceltiques, les Suleviae (n° 120) 339 (leurs équivalentsromains, les Fates, sont vénérées sur une épitaphe du IIIe

s. de n. è. (n° 121) 340). Au quartier des Bouisses (n° 118),la découverte d’un chapiteau dorique, d’un fragment decolonne et d’une monnaie de Nîmes, suggèrent, selon laCAG, des sépultures gallo-romaines, mais pour J.-L.Morand, « les restes d’un petit temple » 341.

Mars et Mercure, qui jouent souvent le rôle de dieuprotecteur de la communauté, ont été aussi trouvés à

333CAG 84/2, n° 066, 9* : au nord-ouest de Verjusclas, oppidum avec enceinte ; ibd., 10* : dans la partie ouest du lieu-dit Verjusclas, oppidum à l’altitude de 340 m.

334CAG 84/2, n°102, 2*.335Voir BS PACA 99: 173-4 et CAG 84/2, n° 051 pour les fouilles récentes à Goult.336CAG 84/2, p. 248-9, n° 050, 17*.337Cf. Barruol 1969.338D. Carru, Archéologie en Vaucluse, 36, janvier 2001, p. 1 et 3 ; CAG 84/2, p. 250, n° 050, HC2*.339Inédit ; Suleuiae dans l. 1 après le photo ; voir CAG 84/2, p. 247, n° 050, 13*, fig. 271 ; Morand 1987, 325.340 ILN-4, 149 : D(is) M(anibus) Valerius Iu|uentius Va|lerio Hilari | f(ilio) pientissi|mo hoc do Fat(is) superis | et inferis q(uorum) | me his an|nis

tangit | relicio (u)issi(!) | annorum o|cto me(n)sium | septe(m) dies(!) oc|to M H.341CAG 84/2, p. 244-5, n° 50, 2* ; Morand 1987, 19.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 26 - Gordes, bas-relief de Mercure et peut-être de Silvain ou Mars.

Page 46: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Ménerbes et à Oppède. À Ménerbes (n° 113), la dédicaceà M(ars) ou M(ercure) a été consacrée par une certainTancius Onisi[---] ; Tancius est un nom celtique 342. Dansle même contexte on a trouvé le monument funéraire dedeux affranchis d’un certain Onesimus, probablement undescendant de Tancius 343 ; et une épitaphe en marbre,trouvée proche du village, à Saint-Alban 344, indique larésidence d’une famille aristocratique dans ce territoire(n° 113). Sur la rive du Cavalon, près de la voieDomitienne, D. Carru a découvert un chapiteau ioniquesurmontant un fût de colonne, qui pourrait indiquer unbâtiment à destination cultuelle, par exemple en façaded’un temple à l’extrémité d’un quadriportique (n°111) 345.

Cet endroit est très proche du quartier de la CroixBlanche, sur le versant nord du Lubéron, dans la commu-ne d’Oppède, où on a trouvé la dédicace à Mercure d’unecertaine Vicinia (n° 114) (fig. 27) 346. Pour mieux com-prendre le contexte de cette dédicace, il faut tenir compte d’un oppidum du IIe-Ier s. av. n. è. à Oppède (n°115) 347, qui montre l’importance socio-politique de cetendroit à la fin de l’âge du Fer. D’ailleurs, au nord de lachapelle Saint-Laurent d’Oppède (n° 116), on a trouvé unbâtiment avec colonne et chapiteaux en marbre qui pour-rait indiquer un lieu de culte à l’époque romaine 348.

À Goult également on peut supposer une certainecontinuité entre la protohistoire et le Haut-Empire : auJas, par exemple, on a identifié un habitat occupé à l’âgedu Fer et à l’époque romaine (n° 103). Et sur le rebord duplateau des Artêmes, à l’ouest de l’oppidum du Castellar,on a trouvé des dépôts successifs (principalement demonnaies) qui indiquent probablement un sanctuaireprotohistorique (n° 101) 349. À proximité, au hameau desMaquignons (Goult) (n° 105), au sud de la voieDomitienne, on a trouvé un autel fragmenté consacré audieu Vintur. Il s’agit d’une divinité déonomastique asso-ciée au Mont-Ventoux ; le fait que Vintur est aussi attesté

Fig. 27 - Oppède : dédicace à Mercure (d’après Gallia 1962, 674).

au chef-lieu Apt (supra, n° 61), indique l’importance dece dieu et de le caractère sacré du Mont-Ventoux pour lapopulation locale 350.

On trouve aussi des divinités de l’eau. Près du villagede Goult, une dédicace aux nymphes locales – lesNimphis – a été consacrée par un citoyen romain, CaiusIuuventius Honoratus 351 ; selon Calvet, la dédicace a ététrouvée dans une grotte où il y avait eu autrefois une fontaine, ce qui évoque le type d’un nymphée grec (n°102) 352.

À Roussillon, au lieu-dit Saint-Jean, on a trouvé unautel au dieu Abianius qui date d’environ 140-250 de n. è.(n° 97) 353. Le théonyme présente une variante orthogra-phique par rapport à l’Abianus de Glanum et l’Avianios

342 ILN-4, 145 : M[arti ?---] | Tullius [---] | Tanc(ius?) Onisi[mus?-]SV | et sui u(otum) s(oluerunt) l(ibentes) m(erito) | in uenatione. CAG 84/2, p.277, n° 074, NL1*; pour Tancius, cf. Delamarre 2003, 289, s.v. tanco- ‘paix’ pour les noms comme Tancius, Tanco, Tancinus, etc. ; ILN a resti-tué Onesismus, mais voir aussi les noms celtiques en Onno-, comme Onnius, Onnio, Onniorix, etc. (Delamarre 2003, 242, s.v. onno- ‘frêne’).

343 ILN-4, 148 ; CAG 84/2, p. 277, n°074, NL2* (v. supra).344 ILN-4, 147 : Flauiae [---|G]raecini f(iliae) [---] | Vale[--- ; CAG 84/2, p. 273, n° 073, 12*.345CAG 84/2, p. 270-1, n° 073, 2*. Je remercie A. Roth Congès pour le renseignement : cette colonne pourrait provenir d’un temple, mais pas d’un

mausolée ; selon la taille, ce type de colonne double peut aussi provenir du « péristyle rhodien » – selon Vitruve – d’une villa ou d’une basilique.346CAG 84/2, p. 288, n° 086, 1* fig. 329 : MIIRCV|RIO VICI|NIA « À Mercure. Vicinia ». 347CAG 84/2, p. 288, n° 086, 2*348CAG 84/2, p. 289-290, n° 086, 7*.349CAG 84/2, n° 051, 1*. On n’a pas identifié de bâtiments.350 ILN-4, 143 à Goult : Vinturi | [---]. CAG 84/2, p. 252, n° 051, 12*.351 ILN-4, 141 : Nimphis(!) | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | C(aius) Iuuenti|us Hono|r[at]us(?) | M(?) N(?) ; pour l’abréviation MN, voir peut-

être RIB 320: ex monitu « selon leur conseil » ; CAG 84/2, p. 254, n° 051, NL1*.352Cf. DNP 8, 1069-1070, s.v. Nymphäum ; au contraire, le terme nymphaeum est utilisé à Rome pour des fontaines et des thermes.353 ILN-4, 128 : Deo | Abia|nio | u(t) u(ouerat) l(ibens) l(aetus) ; CAG 84/2, n°102, p. 307, 14*, fig. 354.

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de Cucuron (v. supra) 354. L’interprétation comme dieu del’eau correspond bien au contexte du site, encadré pardeux ruisseaux affluents de l’Imergue et par un troisièmequi provient de Pied Bousquet. Le théonyme celtiquen’indique pas nécessairement une divinité préromaine,mais plutôt un nom régional approprié au contexte d’unculte lié à l’eau ; c’est pourquoi il est très répandu enNarbonnaise.

À Roussillon encore on a trouvé un autre indice de lavénération du maître du ciel indigène (c’est-à-dire tara-nis) sous la forme du fulgur conditum (n° 96).

À l’époque romaine, la commune de Bonnieux était uncarrefour entre la voie Domitienne, qui passe par le Pont-Julien, et la route nord-sud qui traverse le Lubéron. Latopographie et l’infrastructure, ainsi que la proximitéd’Apt, expliquent le grand nombre d’habitats ruraux danscette commune, par exemple à La Colombine, à Thou-rame, aux Tours, à La Bastide Neuve, à La Ferraille,etc. 355. Deux autels anépigraphes ont été trouvés au PetitSaint-Jean (n° 109), site d’une large exploitation agricole,semble-t-il, occupé à partir du IIe s. de n. è. 356.

C’est dans ce contexte d’une population bien intégréeéconomiquement et socialement qu’il faut placer la dédi-cace d’un citoyen romain à une divinité qui porte un théo-nyme celtique, inconnu par ailleurs : Uxovinus (n°110) 357 ; le dédicant, Quintus Annius Bottus, porte uncognomen d’origine celtique possible. Uxovinos est ledieu « très blanc » ou, selon X. Delamarre, le dieu « (quia) un Haut-Char », comme dans le cas de Mars Vegnio enLuxembourg : « qui combat en char ». Pour Delamarre ils’agit d’un surnom qui correspond à une épithète d’Indra(la force guerrière, donc comparable avec Mars gallo-romain) dans la religion védique (Brhad-ratha) ; mais onpourrait aussi envisager qu’Uxovinos soit une divinitédéonomastique, nommée d’après un toponyme en uxello.

Dédicaces à Silvain

Comme nous avons déjà vu ci-dessus (par ex. à Saint-Saturnin), Silvain/Sucellos, le dieu au maillet d’origineindigène, est très répandu dans la partie occidentale de lacité d’Apt : à Goult, Lacoste, Ménerbes et Roussillon. Parexemple, à Goult, au lieu-dit la Bastidonne à une altitudede 215 m, des fragments de céramiques miniatures, dé-couverts en 1995, indiquent un sanctuaire de Silvain-Sucellos (n° 104) 358. Ici on a découvert trois autels àSilvain, décorés avec le maillet attribut du dieu, dont l’unporte une dédicace à Silvain par un certain SICVO[---](nom celtique (?), cf. aussi le nom Siccius, infra, n° 138)(fig. 28) 359.

Les autels de Lacoste et de Ménerbes ont été trouvésdans le contexte d’anciennes carrières et Silvain pourraitdonc être considéré comme le dieu protecteur des

354Glanum : AE 1937, 143 ; voir aussi Abian (---) (associé avec Mercure) à Castelnau-le-Lez (ILGN 666) et Abinius à Cimiez (ILS 4664) ; peut-êtrecf. le cas de Deus Aband[i]nos de Godmanchester (AE 1975, 544).

355Cf. AAVV., L’occupation de la moyenne vallée de Calavon du Néolithique à la fin de l’Antiquité, Avignon (Notices d’archéologie vauclusienne,service d’archéologie de Vaucluse).

356CAG 84/2, p. 195, n° 020, 26* ; fig. 191.357 ILN-4, 124 : Uxouino | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Q(uintus) Annius | Bottus ; pour l’origine celtique du cognomen Bottus, voir Holder I

496 ; Delamarre 2003, 79-80, s.v. bo- < bou- ‘vache, bœuf’. Pour le dieu Uxovinos « le très blanc », cf. De Bernardo Stempel 2007b : « Der sehrWeiße »; pour le dieu « qui a un char », cf. Delamarre 2003, 127, s.v. couinnos + add. p. 433 : Ux ; mais cf. ibd., 330, s.v. uxellos, ouxellos :Uxovinus dérive de uxs- ‘haut’ ; cf. aussi (deus) Uxellus. Pour Uxovinos comme divinité topique, voir Holder III 68 ; comme théonyme déono-mastique, cf. les toponymes comme par exemple : Uxello-dunum (‘Haut fort’) (Issoudun (Creuse, Indre)).

358CAG 84/2, p. 253, n° 051, 18*.359 ILN-4, 142 : SICVO[---] | Silua|no s(acrum) uot|us(!) libe(n)s | so(l)u(i)t ; pour Silvain, voir l’étude de Dorcey 1992, 47.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 28 - Dédicace àSilvain de la Bastidonne,Goult (Vaucluse) (ILN-4, 142 ; cliché CCJ).

Page 48: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

carriers 360. Mais il faut aussi tenir compte qu’il y a ungrand nombre d’habitats ruraux à proximité, par exempleune villa au lieu dit Bas-Claux (Lacoste) 361 et un habitatindiqué par la présence d’une nécropole (Ier-VIe s.) auHaut-Clos (n° 106) 362. À Lacoste, l’autel de Silvain porteun maillet sur la face latérale droite et une dédicace par T.T. M. et M. A. S. (n° 107) : les abréviations sont certaine-ment les tria nomina des deux dédicants, elles témoignentd’un certain « anonymat » qui est très courant en Nar-bonnaise : cela montre que l’accomplissement d’unuotum est probablement plus important que la commémo-ration d’un nom familial pour la postériorité. Dans lacommune de Ménerbes, on a trouvé deux autels, dont unanépigraphe, au quartier Guimberts. L’autel au Do(mi-nus) Siluanus était consacré par les Iulii, deux socii ou« associés » 363 ; il s’agit peut-être des socii exploitant lacarrière, mais leur présence, comme nous l’avons déjà vudans le cas de Villars, pourrait aussi indiquer l’impor-tance socio-politique du lieu de culte.

Cette dédicace a été elle aussi trouvée dans le contexted’une ancienne carrière de pierre. Mais la présence deSilvain à proximité des carrières pourrait d’abord indi-quer son caractère chthonien, son association au Dis Paterromain ou au Charu étrusque, c’est-à-dire que les carrières pouvaient être considérées comme l’entrée del’Outre-Monde. De plus, pour la répartition dans notrerégion, il ne faut pas sous-estimer le rôle important deGlanum dans la diffusion de son culte le long la voieDomitienne et de la vallée de la Durance : à Glanumaussi, il a été vénéré comme dominus Siluanus, de mêmequ’à Ménerbes 364. Et à Glanum, Silvain était aussi undieu guérisseur, comme montré par A. Roth Congès 365.

La dédicace (anonyme) à Silvano e[t] Silvan(a)e, trou-vée au lieu-dit les Yves (Roussillon) est particulièrementintéressante (n° 94). Il s’agit d’un autel avec au sommetun focus en forme de tête de maillet 366. Cette séparationen divinités masculine et féminine semble typique de lareligion celtique (comme dans le cas de Brigans-Brigantia, etc.) 367. Les conceptions religieuses « indi-gènes » et le contexte aristocratique et « romanisé » sontinséparables : cet autel a été trouvé en association avecdes épitaphes des IIe-IIIe s., qui proviennent vraisembla-

blement d’une nécropole associée à une résidence aristo-cratique : celles de G() Severianus, tué par son affranchi,et de Satyrio.

Mais Silvain et Silvana ne reflètent pas un « cultedomestique » 368. Il s’agit probablement d’un lieu deculte sur le domaine d’un grand propriétaire, phénomènequi est bien connu en Gaule et en Grande-Bretagne. Onpeut imaginer que les élites créent des lieux de culte surleurs propriétés pour éviter tout conflit avec autresfamilles aristocratiques de la cité. Un tel culte sert à ren-forcer les liens avec la population rurale, la clientèle dupatron. Le choix d’un couple divin indigène – Silvanus etSilvana – reflète donc la mentalité de la population rura-le de la région, des croyances qui ont été activement sou-tenues par l’aristocratie municipale (nous sommes au IIe

ou IIIe. s. de n. è., et il n’y a donc pas de conflit entre cultes « romains » et « indigènes »).

360D’après Lavagne 1979, 179-180 ; voir Labrousse 1948 pour Silvain dans les Pyrénées ; Bedon 1984, 179-188 pour la relation entre Silvain et lescarrières.

361CAG 84/2, 258, n° 058, 1*.362 Ibid., 3*.363 ILN-4, 146 : Do(mino) Seluano(!) | soci Sext|us Iulius B|[e]latullus | Ga(ius) Iulius Mar|cellinus u(otum) | s(oluerunt) l(ibentes) m(erito) ; Gascou

1995 (1998), 397-399 ; CAG 84/2, p. 272, n° 073, 6*.364CIL XII 1001, add. p. 820 (N.B. : le dédicant était aussi un Helvius comme au sanctuaire de Dexiva au Castellar (Cadenet) et à Lamanon).

Dominus Silvanus n’est attesté que très rarement, mais un peu partout dans l’Empire occidental, par ex. en Moesie inférieure (CIL III 6143, add.p. 1338) et à Rome (par ex. ILS 3534).

365Roth Congès 1997.366 ILN-4, 130 ; CAG 84/2, p. 306-307, n° 102, 18*.367De Bernardo Stempel 2007b.368CAG 84/2, p. 307.

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Ralph Häussler

Répartition des dédicaces à Silvain dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence.

Page 49: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

5.4 Le territoire oriental de la cité d’Apt

Malgré la proximité de la voie Domitienne, cetterégion montagneuse à l’est d'Apt a un caractère plutôt« indigène ». Il y a un grand nombre de sites perchésprotohistoriques jusqu’au Ier s. av. n. è (n° 138, 140,147) ; la région a été aussi intensément cultivée à l’époque romaine. Il y a en effet un grand nombre d’exploitations agricoles et d’activités dérivées (par ex.des fours, n° 142 et 149), des agglomérations secondaires(n° 144) et d’autres formes d’habitat. Outre lesDecknamen, l’onomastique consiste en noms celtiques

abondants (comme par ex. Ateponus (ILN-4, 70),Troccius (ILN-4, 71), Siccius (ILN-4, 62), Dagovir (ILN-3, 182), etc.), tandis qu’il y a plusieurs théonymes indi-gènes, comme Albiorix, Bergonia, Bruatus, Veator etCorniger, qui servent aussi comme épithètes pour lesdieux syncrétiques comme Jupiter Corniger ; il y a aussides indices de cultes protohistoriques, comme un pilier detêtes coupées (n° 135). Au contraire de la région précé-dente, Silvain n’est attesté qu’une fois ! À cause de saproximité au chef-lieu de la cité, Saignon semble être unerégion résidentielle pour l’élite municipale, par ex. pourle quattuoruir Valerius Fronto (ILN-4, 77).

Fig. 29 - Répartition des sites dans la partie orientale de la cité d’Apt : triangle : lieu de culte ; cercle : oppidum, site perché ; carré: autre habitat (del’époque romaine).

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 50: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

130 SAIGNON, presby-tère

• ---]dro[---]ioo[--|-]oueimati-kan[--|-]lioueikapnitou

• stèle gallo-grecque • RIG G-151

131 SAIGNON, abbayeSaint-Eusèbe, lieu deculte (CAG 84/2, n° 105,4*, 6*)

• MERCURIO •L(ucius) Coe(lius) Surillio • autel de calcaire • ILN-4, 76

• V]alerius Fronto IIIIuir bisi(ure) d(icundo)

• entablement enmarbre

• ILN-4, 77

132 SAIGNON, Saint-Donat : villa

• CAG 84/2,n° 105, 14*

133 SAIGNON non localisé

• LIBERO PATRI • M(arcus) V() S() • autel? – disparu • ILN-4, 75

134 SAIGNON, Tourville- exploitation agricole

• CAG 84/2,n° 105, 5*

135 RUSTREL, Pied del’Aigue : pilier à têtescoupées ; • chapelle Saint-Julien :tombeaux

• pilier à têtes coupées • CAG 84/2, n°103, 5* ; ibd. 10*

136 RUSTREL, près duchâteau

• MERCURIO VEATORI (!) • Fronto Kapinius • autel • ILN-4, 69

136 RUSTREL, égliseruinée du vieux château(CAG 84/2, n° 103, p.315 : hors contexte)

• Fronto Ateponis f(ilius)• T(itus) Troccius Virilis ;Maria Priuata

• ILN-4, 70• ILN-4, 71

137 CASENEUVE, Tourde Massieyes

• lieu de culte ? • CAG 84/2,n° 032, 16*

138 OPPÉDETTE, pla-teau, oppidum, âge duFer

• MARTI BRUAT[O] • Siccius Secundu[s] • bloc de calcaire • ILN-4, 62 ; CAG04, n° 142

139 SIMIANE-LA-ROTONDE, Chaloux

• [FU]LGUR [C]ONDITUM • bloc de grès • ILN-4, 57

140 SIMIANE, oppidumdes Terres Longues

• CAG 04, n° 208,33*

141 SIMIANE, LaTuilière

• FULGUR CONDIT[UM • bloc en calcaire • ILN-4, 58

142 SIMIANE, LaBuissonade: établisse-ment / four gallo-romain

• CAG 04, n° 208,16*

143 SIMIANE, Cheyran:habitat rural Ier s. av.-IVe

de n. è.

• CAG 04, n° 208,21*

144 MONTSALIER, LesBaumes, La Ferrade,agglomération

• SILVANO • Pefirus• Attius Zoficus ; Aureli[us]Victorinus

• autel avec focus• stèle de calcaire

• ILN-4, 54• ILN-4, 56

145 MONTSALIER,Saint-Pierre

• MARTI ALBIORI]CI (?) • L(ucius) Can[ini]us(?)Seue[rus]

• bloc de calcaire • ILN-4, 55

146 VIENS (non localisé)

• BERGONI(A)E• IOVI

• G(aius) L() Caluo• Valeria

• stèle de calcaire• perdue (pas au CILni dans les ILN)

• ILN-4, 63• CAG 84/2,n° 144, NL3*

147 VIENS, Vache d’Or,oppidum

• C(aius) Iuliu[s] Seruatu[s] • ILN-4, 64

148 VIENS, Tuilière,chapelle Saint-Laurent,site perché romain

• CAG 84/2, n°144, 10*

149 VIENS, Verger dePrunier, four de tuilier

• CAG 84/2, n°144, 9*

150 CERESTE, Saint-Saveur-les Astiés :=mutatio Catuiacia (?)

• Corneliae L. f. Seruanda ;Rufinus

• disparue • ILN-4, 65 ; CAG04, n° 045, 3*

151 CERESTE, Figuière • Virianto, Turi f(ilio) • stèle de calcaire • ILN-4, 67

152 CERESTE, Carluc • [---] Porcius • perdue • ILN-4, 68

153 REILLANE • Pompeia C(ai) [f(ilia)]Ruf[i]n[a]

• plaque de marbre • ILN-4, 66

154 REILLANE, près deReillanne

• Q. Pompei[o] Montano • cippe; disparu • ILN-3, 177

155 REILLANE,Granons

• Pinaria [--? P]rimigen[ia • cippe • ILN-3, 176, CAG04, n° 160 (cf.aussi ILN-3, 175)

Tableau 4 - Résumé : Les lieux de culte dans la partie orientale de la cité d'Apt (les numéros sont reportés sur la carte).

Ralph Häussler

– 204 –

Page 51: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Saignon : des résidences élitaires

Plusieurs sites protohistoriques sont connus àSaignon ; leur importance est soulignée par la présenced’une des rares inscriptions gallo-grecques (n° 130),comparable à la colonne votive gallo-grecque d’Apt (v.supra) ; une fonction cultuelle de ces inscriptions plutôtobscures ne peut pas être exclue, surtout, selon Le-jeune 369, par comparaison du texte de la colonne avecdes documents cisalpins.

Pendant le Haut-Empire, on trouve ici plusieurs résidences aristocratiques à cause de la proximité auchef-lieu, comme celle des Valerii. Près du Calavon et dela voie Domitienne, il y a plusieurs habitats ruraux,comme à Tourville (n° 134), à Saint-Donat (n° 132) 370 etau nord de la ferme de Tourel 371, etc.

Autour de l’abbaye Saint-Eusèbe à Saignon nous trou-vons un contexte très « romanisé ». À 200 mètres au nordde l’abbaye, D. Carru a trouvé un mobilier très riche,avec des fragments de marbre, qui fait penser à un lieu deculte (plutôt qu’au balnéaire d’une villa ?) 372. À l’abbayeon a aussi trouvé un entablement de marbre (d’un mauso-lée ou la dédicace d’un temple ?), qui signale les nomsd’une famille aristocratique riche : en proximité il fautdonc localiser la résidence des Valerii, y compris ValeriusFronto, qui a obtenu le prestigieux quattuorvirat pour ladeuxième fois 373. L’Eros ailé 374 et le petit autel à LiberPater 375 sont plutôt un signe de l’art de vivre romain de

l’aristocratie municipale et proviennent probablementd’une résidence aristocratique. Un grand autel à Mercureavec bas-relief, dédié par un affranchi 376, L. CoeliusSurillio, est issu du même contexte ; peut-être s’agit-ild’un lieu de culte au sein d’un domaine ; le choix deMercure par un affranchi montre aussi son rôle de dieu decommerce.

Montjustin et le sanctuaire de Jupiter Corniger

La situation est très différente à Montjustin (n° 156).Le site domine une longue crête du Lubéron (alt. 677 m),il est situé à moins de 2 km au sud de la voie Domitienneet à la frontière des cités d’Aix-en-Provence et d’Apt, etconventionnellement attribué à la cité d’Aix 377. Unedizaine d’inscriptions trouvées à l’emplacement du village actuel, à une altitude de 570 m, peut indiquer laprésence d’un site socialement très important, malgré lalocalisation relativement isolée, mais aucune aggloméra-tion secondaire de l’époque romaine n’a encore été loca-lisée.

L’identification d’un sanctuaire paraît certaine, surtoutsur la base d’une inscription qui mentionne la construc-tion d’un temple a solo 378, probablement consacré àJupiter 379. Comme l’indique la dédicace d’un certainSextius Coinn(agi) (cognomen celtique) datée du IIe s. den. è., il s’agit de Jupiter Corn(iger?), le « Jupiter cornu »(fig. 30) 380. Comme il semble improbable de trouver à

369Lejeune 1985, 201.370CAG 84/2, p. 325, n°105, 14*, lieu-dit Saint-Donat. 371 ibd., 16*.372CAG 84/2, p. 316, n°105, 4*.373 ILN-4, 77 : [--Va]lerius Fronto, IIIIuir bis i(ure) d(icundo)[---].374CAG 84/2, p. 326, n° 105, NL3*.375 ILN-4, 75 : Liber(o) | patri | M(arcus) V() S() | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; CAG 84/2, p. 326, n° 107, NL5*.376V. supra ; ILN-4, 76 ; CAG 84/2, p. 322, n° 105, 6*.377CAG 04, p. 307-309, n° 129.378 ILN-3, 181 : ---] | Regil[l]us | cum templo | a solo | consecrauit ; selon Leveau (1988, 184), consecrauit, au contraire de dedicauit, n’implique pas

la participation des magistrats de la cité.379 ILN-3, 186 : ---] | VO[---] | I(oui) O(ptimo) M(aximo)[---].380 ILN-3, 180 = AE 1990, 711 : Ioui Corn(igero) | Sex(tius) Coinn() | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; on peut aussi reconstruire Ioui Corn[uto].

Pour le nom de personne Coinnagi, cf. CIL XIII 2449 ; 4468 ; AE 1903, 181.

– 205 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

156 MONTJUSTIN • IOVI CORN(IGERO)• I. O. M.• -

• cum templo a solo conse-crauit

• Sex(tius) Coinn()• ? ] VO[---] • ---]i col(onia)A[pta/Aquae?---• Regil[l]us

• Dagouiro [---]ENG[---• Vinci[us?]; Comia[nus?]• Alap[---] Coi[---]• Fermo, Magullonis f(ilius)

• autel de calcaire• bloc de pierre• architrave en cal-caire• cippe/socle• bloc de pierre• -• bloc de calcaire • dalle de calcaire

• ILN-3, 180.• ILN-3, 186• ILN-3, 185

• ILN-3, 181• ILN-3, 182• ILN-3, 183• ILN-3, 184• CAG 04, n° 129,2*

Page 52: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Montjustin la divinité cornue d’origine orientale évoquéepar Ovide et Lucain à l’époque augustéenne (c’est-à-direJupiter/Zeus Ammon) 381, ce Jupiter Corniger était pro-bablement le résultat d’une association du Jupiter romainavec une divinité locale. On considère conventionnelle-ment que l’équivalent indigène de Jupiter était Taranis (sice théonyme a vraiment existé ; nous entendons en toutcas le dieu suprême céleste de la religion locale). Maisdans ce cas, il s’agit plutôt du dieu cornu bien attesté dansle monde celtique (et qui remonte aux temps préhisto-riques, voir par exemple le relief du « C]ernunnos » de laVal Camonica) 382, qui n’est pas normalement associé àJupiter.

L’évergète du temple de Montjustin porte un cogno-men plutôt romain, Regil[l]us 383, tandis qu’autrement les

noms celtiques dominent à Montjustin, comme Coin-n(ag(i)us?) 384, Dagovir 385, Fermus, fils de Magullo 386,Comianus et Vinucius 387. Par contre, plus proche de lavoie Domitienne, à Céreste et Reillane, on trouve plutôtdes citoyens romains (n° 150-155, sauf n° 151).

À part l’importance de l’endroit et la présence d’untemple, le caractère officiel de Montjustin est suggéré parune architrave fragmentée, avec des lettres d’une factureexcellente de la période julio-claudienne, qu’on inter-prète généralement comme col(onia) A[---] et qu’on peutcomprendre comme A[quae Sextiae], plutôt que (Iulia)A[pta] 388. Comme ailleurs, cela peut indiquer la créationd’un lieu de culte (ou sa remise à neuf) au début du Haut-Empire.

Avec le culte de Montjustin, a-t-on affaire à une simple « chapelle » villageoise ? ou s’agit-il plutôt de cegenre de lieu de culte que l’on rencontre à la limite entredeux cités ? Mais cela n’expliquerait pas pourquoi ontrouve ici des épitaphes en si grand nombre de personnes,surtout celles qui montrent leur identité avec leurs nomsceltiques. Était-ce un choix d’être enterré sur ce lieu montagneux, peut-être motivé par la sacralité de ce lieuqui pourrait remonter à l’époque préromaine ?

Les cultes indigènes : Bergonia, Britovius, Veator et Albiorix.

Les témoignages de la partie orientale de la cité montrent aussi un caractère très indigène en ce quiconcerne les cultes, l’onomastique de la population et lacontinuité des sites entre protohistoire et Haut-Empire.

À Caseneuve, une région densément peuplé dansl’Antiquité, il y a plusieurs sites ruraux du Haut-Empire,comme un grand centre d’exploitation avec un atelier detuilier 389 ; cela nous rappelle que nous ne sommes jamaisà la périphérie ou à la marge d’une cité, car les structuressociales et économiques concernent toutes les régions dela cité. À la Tour de Massieyes (n° 137), en face de l’oppidum protohistorique du Pointu de Rustrel, la position du site et le mobilier indiquent, d’après Barruol,un lieu de culte fréquenté du Ier au IIe s. de n. è. 390. Le casde Rustrel a été déjà étudié ci-dessus : il y a un lieu deFig. 30 - Jupiter Corniger de Montjustin.

381Cf. Ovide, Ibis 298 ou Lucan. 9, 545 ; voir aussi CIL VIII 9018 cornigeri (…) tonantis pour Jupiter Hammon ; cf. également la représentationd’un Jupiter Ammon barbu du Ier s. à Caderousse (Esp. 273).

382Déjà Ph. Leveau (1988, 185-6) a fait le rapprochement avec « Cernunnos », pour lequel voir par ex. Duval 1976 ; Ross 1967, 127 sqq.383Kajanto 1965, 316 ; peut-on imaginer le Deckname d’un nom celtique en -rix ? Cf. Delamarre 2003, 260-261, s.v. rix ‘roi’.384Holder I 1073 ; voir aussi des exemples dans CIL XIII 2449 ; 4468.385Épitaphe ILN-3, 182 ; pour Dagovir, cf. Holder I 1215; Delamarre 2003, 134, s.v. dagos ‘bon’.386Inédit, voir CAG 04, p. 308, n°129, 2* ; pour Magullus, cf. Delamarre 2003, 214, s.v. magus ‘enfant, servant, valet’.387 ILN-3, 183 ; pour Comianus, cf. Delamarre 2003, 227, s.v. minio-, meno- ‘doux’ (par ex. Co-minius). Un Vinicius se trouve aussi à Saint-Saturnin-

lès-Apt (ILN-4, 99).388Voir aussi Leveau 1988, 184-185, pl. 18, n° 5a qui a proposé [cultores gen]i col(oniae) A[ptae ou A[quae…389CAG 84/2, p. 227, n° 032, 12*/13*.390Barruol 1961, 78, n° 33 ; CAG 84/2, p. 227, n° 032, 16*.

– 206 –

Ralph Häussler

Page 53: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

culte protohistorique avecdes têtes coupées (n° 135)et une dédicace à MercureVeator (une des rares épi-thètes associées à Mer-cure, n° 136). Nous avonségalement mentionné ci-dessus la dédicace àBergonia – « la déesse dela montagne » –, trouvéehors contexte à Viens (n°146) (fig. 31) 391. Si onconsidère les structuressocio-géographiques deViens, il semble probableque la dédicace ait ététrouvée près de l’oppidumde la Vache d’Or (n° 147),comme suggéré par le

théonyme Bergonia, plutôt que dans le nord de la com-mune, où on trouve surtout des habitats ruraux gallo-romains.

Une dédicace à Mars Bruatus par un personnage à gentilice d’origine celtique, Siccius Secundu[s], a ététrouvée à Oppédette (n° 138), où il y a aussi un oppidumde l’âge du Fer 392. Peut-on envisager un théonymeBrivatios/Brivatos – un Mars du pont ou du gué (voiraussi le Brivatio du menhir de Naintré, RIG L-3) 393 ? Onpeut aussi considérer le « pont » au sens figuré dans lecontexte d’un lieu de culte qui est associé aux rites depassage 394.

À Simiane-la-Rotonde, à 12 km au nord d’Apt, on

trouve plusieurs habitats ruraux, avec une forte continuitéd’occupation : l’habitat rural à Cheyran a été installé auIer s. av. n. è. (n° 143) et aux Terres Longues il y a unoppidum (n° 140395). Dans cette région, le fer a étéexploité de manière intensive et on a trouvé, parmi d’autres, un fourneau à fondre le fer (n° 142) 396. Malgrécette occupation intense, on n’a pas identifié un lieu deculte qui pourrait avoir été au centre d’une communauté.On a seulement trouvé deux dédicaces à la foudre (n°139, 141), qui peuvent être associées au dieu céleste indi-gène 397.

À Montsalier la céramique et les restes architecturaux,dont quelques-uns d’origine pré-romaine selon C.Jullian 398, associés au dossier épigraphique, semblentindiquer deux lieux de culte importants. Pour le premier,dans la plaine à La Ferrade, on peut proposer un habitat(dispersé ?), dont le nœud social est concentré autourd’une « chapelle » à Silvain 399 : c’est probablement aussile site d’une résidence prestigieuse que l’on peut associerà l’inscription funéraire d’Aurelius Victorinus des IIe-IIIe

s. de n. è. 400. Le deuxième, le prieuré médiéval de Saint-Pierre, à une altitude de 815 m, semble marquer l’endroitd’un sanctuaire de l’époque romaine (Ier-IIIe s. de n. è.),associé avec la dédicace de Lucius Caninius Severus,probablement à un Mars indigène : [Marti Albiori]ci (v.supra pour Albiorix) 401.

Fig. 32 - Montsalier. Scène religieuse et tête coupée, Ier s. av. n. è. ?(Esp. 36).

391 ILN-4, 63 : Bergoni|(a)e G(aius) L() Caluo | u(otum) s(oluit) l(ibens) merito.392 ILN-4, 62 ; CAG 04, n° 142.393Comme le propose par P. De Bernardo Stempel 2007b.394Cf. le sanctuaire de Lenus Mars à Trèves comme centre pour les rites de passage (cf. communication de Ton Derks, “Romanisation and the issue

of identity. A view from the field of religion”, dans la section “Romanisierung und die Transformation ethnischer und kultureller Identitäten”,XIIIth International Congress of Celtic Studies, université de Bonn, 26 juillet 2007, actes de la section à paraître, sous la direction de N. Roymans).

395CAG 04, p. 458, n° 208, 33*.396CAG 04, p. 454, n° 208, 2*.397 ILN-4, 57 : [Fu]lgur | [c]onditum ; ILN-4, 58 : Fulgur | condit[um].398Voir CAG 04, n° 132.399 ILN-4, 54 : Siluano | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Pefirus.400 ILN-4, 56 : D(is) M(anibus) | Attius Zoficus | Aureli[o] Vic|torino.401 ILN-4, 55 : [Marti Albiori?]|ci L(ucius) Can[ini]|us(?) Seue[rus] | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; v. supra ILN-4, 95 de Saint-Saturnin-lès-

Apt.

– 207 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 31 - Viens : dédicace à Ber-gonia, la déesse des montagnes,par C. L. Calvo (d’après ILN-3,63 ; photo : CCJ).

Page 54: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

5.5 Aix-en-Provence et Entremont

Fig. 33 - Carte de répartition : triangle : lieu de culte ; cercle : oppidum, site perché ; carré: autre habitat (romain). N° 175 = Aix.

– 208 –

Ralph Häussler

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

160 ENTREMONT,oppidum, IIe s. av. n. è.(CAG 13/4 n° 001)

• DIANAE • E[uty]chus • petit autel, perdu • ILN-3, 4 ; CAG 13/4,p. 137

161 AIX-EN-PROVEN-CE, Loubassane, siteperché, IIe-Ier s. av. n. è.

• CAG 13/4, 487*

162 AIX, Puyricard : villa(CAG 13/4, 429-430*)

• IOVI O(PTIMO)M(AXIMO).

• Sex(tus) Iul(ius)S[e]ren(i) lib(ertus)Bacchy[l]us.

• Sex. Iulius Sextinus,flamen, aedil[is]

• autel de grès

• cippe de marbre blanc

• ILN-3, 8

• ILN-3 29

163 AIX, Saint-Jean dela Salle : pas de sanc-taire salyen ; établ. agri-cole Ier-IVe s. de n. è.

• CAG 13/4, 437*

164 AIX, Mikély : villa • fanum ? • CAG 13/4, 435*

165 AIX, Antonelle, villa • CAG 13/4, 444*

166 AIX, Les Lauves,site perché protohist. -occup. Ht. Emp.

• CAG 13/4, 454*

167 AIX, route desAlpes, Lenfant

• divinité féminine • statuette (torse), h. 19cm

• CAG 13/4, 461*; fig.588

Tableau 5 - Résumé : Les lieux de culte dans la commune d’Aix (seulement une sélection des épitaphes trouvée dans la commune d’Aix, cf. ILN-3)(les n° sont reportés sur la carte, voir fig. 33).

Page 55: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

168 AIX, Colline desPauvres

• --- • G Pompeius Hospes • autel, perdu • CAG 13/4, 467*;ILN-3, 20

169 AIX, Bastide Forte,Figons

• temple à podium ; puits ;sanctuaire (?)

• CAG 13/4, 481*

170 AIX, La Chevalière,grand établissementagricole (?) ; bassin

• CAG 13/4, 484*

171 AIX, Maruèges,route des Alpes

• grande statue acéphale,Priape

• statue • CAG 13/4, 491*

172 Aix, Parc Mozart • dendrophori Aquenses • Gn. Licinius Marcus • épitaphe, cippe encalcaire

• CAG 13/4, 497*;ILN-3, 38

173 AIX, chapelle Saint-Mitre, pas de templeantique

• CAG 13/4, 500*

174 AIX, la PetiteMolière, villa

• CAG 13/4, 504*

175 AIX-EN-PROVEN-CE - VILLE, établisse-ment thermal ; thermesde cure

• BORBANO • Pompeia Antiopa • autel de grès ;début Ier s. de n. è.

• ILN-3, 1; CAG13/4, p. 251, 69*

• BORM[ANO] • Q(uintus?) Titu(s?) • fragment • CAG 13/4, p.251, 69*

176 AIX, origine incon-nue

• BORMAN(O) • Dexter • base, perdue • ILN-3, 2

177 AIX, Saint-Saveur • 'Hrv Lusandrou • --- • Hermès en marbre • ILN-3, 6

178 AIX • VICTORIAE CUMUIAIR(Cumulatrici ?)

• [---Se]xtus [---]ii[---]us [---] Vitalis

• autel de grès • ILN-3, 19

179 AIX, quartierSainte-Croix

• IOVI • Seru[at]us • perdue • ILN-3, 7

180 AIX, Arc de Meyran • VIuir • Sex. Punicius Antenor, lib.,VIuir• L. Pompeius Hermeros,VIuir

• IIe - IIIe s. de n. è.

• IIe s. de n. è.

• ILN-3, 36• ILN-3, 35 ; CAG13/4, 519*, 522*

181 AIX, église Saint-Jean ; bord de l’Arc ; 2autels dont 1 anépigr.

• MINERVAE • --- • disparue • ILN-3, 13 ; CAG13/4, 528*

182 AIX, Loqui : occu-pation 100 av. - VIe s.de n. è.

• CAG 13/4, 531*

183 AIX, Beauvale • HERCULI S(ACRUM) • autel de calcaire;julio-claudien ?

• ILN-3, 5 ; CAG13/4, 520*

184 AIX, origine incon-nue

• MATRIB(US) • T. Pomp(eius) Fel(ix) • perdue • ILN-3, 9• PAR(CIS) • Firma • autel de calcaire • ILN-3, 17

• [SILVA]NO (?) • --- • autel de grès • ILN-3, 18

• CA(---?) • C() Neca() • autel de grès • ILN-3, 3

185 AIX, au nord de laville

• MERCURIO • Sex. Annius C(ai) f(ilius)Verus

• autel; perdu • ILN-3, 10

AIX ou ÉGUILLES? • MERCURIO • Priscilla • plaque de grès • ILN-3, 11

186 AIX, origine incon-nue

• MERCURI(O) • ?---]us S[yn]eros (?) • perdue • ILN-3, 12

AIX, origine inconnue • PRO SALUTE NERONIS • [p]agus Iu(u)enalis • perdue • ILN-3, 22

AIX, terrain Coq : fossé,122 av. J.-C.,drainage ? non cultuel.

• CAG 13/4, 8*

187 AIX, quartier de laTorse, à l’est de la ville :• buste (Hadrien) ;• bas-relief (maréchale-rie)

• (Sol) • P. Tallius Onesimus

• Sex Samicius Maximinus,aed. dec. quaest. ; SexSamicius Verus ; Iulia Syria.

• autel de calcaireIIIe s. de n. è.• épitaphe

• ILN-3, 21 ; CAG469 sqq*• ILN-3, 30 (ILN-4, 114)

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

– 209 –

Page 56: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

188 AIX, Luynes, Saint-Jean : villa (aug. - Ht.Emp.)

• CAG 13/4, 533*

189 AIX, Luynes : villa • pas de fanum (?) • CAG 13/4, 534*

190 AIX, aux Milles • [MI]NERV(A)E • Anilla • autel de grès • ILN-3, 14• NIMP(H)I(S!) • P(r)iam(us) • perdue • ILN-3, 15 ; CAG

13/4, 543*• NIMFI(S) • Pri(a)m(us) • perdue • ILN-3, 16 ; CAG

13/4, 543*191 Ibid., Saint-Hilaire,établissem. rural IIe s.av. - Ant. tardive

• CAG 13/4, 542*

192 AIX, Saint-Pons,habitat IIe s. av. - Ve s.de n. è.

• CAG 13/4, 544*sqq

193 AIX, la Valette :villa, avec fanum oumausolée ; Ier s. av.n. è. - Ht Emp.

• fanum (?) • CAG 13/4, 548*

194 AIX, GrandeDuranne : villa

• C]ornelia [ ]spetia[ • épitaphe, IIe-IIIe s.de n. è.

• CAG 13/4, 550-553* ; ILN-3, 61

195 AIX, Clos Marie-Louise : site Bronzeancien - tardo républ.

• Dépôt rituel : cheval (165 av. - 80 ap.)

• CAG 13/4, 560*

196 AIX (pas Velaux),Meynes : oppidum, VIes. av. n. è.- début épo-que romaine (proche del’oppidum Sainte-Propice (Ventabren))

• CAG 13/4 562*

197 MEYREUIL, LouCasteou, habitat perché

• petit Mercure en bronze • statuette • CAG 13/4,n° 060, 1*

198 MEYREUIL • [.]ero[ni]a[ S]erua[nda] ;[Vic]torinus

• cippe calcaire • ILN-3, 89

199 MEYREUIL, laMorée, domaine anti-que, citerne

• CAG 13/4,n° 060, 5*

200 MEYREUIL, LaMartelière, tête sculptée

• CAG 13/4,n° 060, 11*

201 GARDANNE, cha-pelle des Pénitents dela Trinité

• LIBERO PATRI • Sex(tus) Iul(ius) Serenilib(ertus) Bac[c]ylus

• autel de grès • ILN-3, 200CAG 13/4,n° 041, 17*

202 GARDANNE, Av. dela Gare, sépultures

• Philippus • ILN-3, 201, CAG13/4, n° 041, 15*

203 GARDANNE,Notre-Dame, habitat/villa : Ier s. av. - VIe s.de n. è.

• CAG 13/4,n° 041, 7*

204 GARDANNE, laCrau : établ. agricole VIes. av. n. è.- Ant. tardive

• CAG 13/4,n° 041, 10*

205 GARDANNE, laGarde : établ. agricole-villa, 2e âge du Fer -Ant. tardive

• CAG 13/4,n° 041, 11*

206 GARDANNE, Abis,établ. agricole, âge duFer, Ht Emp., Ant. tardi-ve

• CAG 13/4,n° 041, 5*

207 GARDANNE,Verdillon, site de hau-teur: 2e âge du Fer ; HtEmp.

• CAG 13/4,n° 041, 1*

208 MIMET, Tête del’Ost, oppidum, âge duFer, rempart (200-150av. n. è.), fréqu. épisodi-quement à l’époqueromaine

• fosse (ossements d'ani-maux) - rituel ?; bâtiment public ? lieu deculte ?

• CAG 13/4,n° 062, 3*

Ralph Häussler

– 210 –

Page 57: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

209 MIMET, lesCastangs : villa (enduitpeint)

• CAG 13/4,n° 062, 4*

210 MIMET, les VignesBasses, installation depressage

• CAG 13/4,n° 062, 11*

211 MIMET, égliseNotre-Dame-du-Cyprès

• C. C. August[..] fil[ius • CAG 13/4, n°062, 12* ; CIL XII630

212 BOUC-BEL-AIR,Village / Rocher deBouc, oppidum, aban-donné : IIe s. av. n. è.

• CAG 13/4,n° 015, 19*

213 BOUC-BEL-AIR,Baou Roux, oppidum,VIe-IIe s. av. n. è.

• AEIOUITAI KONGENNO-MAROS

• Dédicace • CAG 13/4, n°015, 1* ; p. 522

214 CABRIÈS, Saint-Pierre-du-Pin : villa : Ier-Ve s. de n. è.

• CAG 13/4,n°n. è. 019, 3*

215 CABRIÈS, laTrébillanne : villa gallo-romaine

• CAG 13/4,n° 019, 5*

216 CABRIÈS Collinede Trébillanne

• cella et chapiteau ro-main (?)

• CAG 13/4,n° 019, 6*

217 CABRIÈS, Clos desPrieurs, villa (Ht Emp. -Moyen Âge)

• CAG 13/4,n° 019, 8*

218 CABRIÈS, Calas(ouà Simiane-Collongue ?)

• 3 divinités ? déesses-mères ?

• pierre sculptée • CAG 13/4, n°019, fig. 709

219 CABRIÈS, lesPatelles : villa, faune enmarbre ; épitaphe

• Magna ; Materinus

• Verginia Paterna

• épitaphes

• sacrophage enmarbre

• CAG, 13/4, n°019, 12* • CAG 11*; CIL182

221 GRÉASQUE, ruis-seau du Grand Vallat,habitat gallo-romain

• CAG 13/4,n° 046, 4*

222 GRÉASQUE,Notre-Dame-des-Mines

• BELINO • Qu[a]rtu[s] • autel de calcaire • ILN-3, 191CAG 2*

223 BELCODÈNE• oppidum le Baou de l’Agache (Ier s. av. n. è.)• oppidum du Tonneau

• [---]

• CAG 13/4, n°013, 1*, 2*;

• ILN-3, 188

225 FUVEAU, Saint-Jean de Mélissane :villa

• CAG 13/4, n°040, 7*

226 LE THOLONET,Ferme Michel ; lesFourches (voieAurélienne)

• L. Virilio L. f. Volt(iniatribu) Gratiniano equitiR(omano) [---

• perdu,IIe s. de n. è.

• ILN-3, 193; CAG13/4, n° 109, 5*

227 LE THOLONET,oppidum de l’Infernet

• CAG 13/4,n° 109, 1*

228 BEAURECUEIL, lePas du Berger (site per-ché, Ier s. av. n. è.) ;Roques Hautes (siteagricole, Ier s. av. - IIe s.de n. è.) ; Riouffé: (petitétabl. agricole Ier-IIe s.de n. è.)

• CAG 13/4,n° 012, 1*, 2*

229 SAINT-ANTONIN-SUR-BAYON, oppidumdu Bayon, 125-50 av.n. è.

• CAG 13/4,n° 090, 2*

230 SAINT-ANTONIN,Roque Vaoutade, oppi-dum, 130-50 av. n. è.

• CAG 13/4,n° 090, 3*

231 SAINT-ANTONIN,La Coquille, établ. agri-cole, fin âge du Fer -gallo-romain

• CAG 13/4,n° 090, 13*

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

– 211 –

Page 58: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

232 SAINT-ANTONIN,Maurély, huilerie gallo-romaine

• CAG 13/4,n° 090, 23*

233 VAUVENARGUESoppida - âge du Fer(VIe-IVe s. av. n. è.)

• CAG 13/4,n° 111, 1-3*

234 VAUVENARGUES,Bourgarels-Lambert :villa gallo-romaine

• CAG 13/4,n° 111, 14*

235 VENELLES, FontCuberte - établissementrural Ier-IIIe s. de n. è.

• CAG 13/4,n° 113, 2*

236 VENELLES, Terre-Rouge, château deViolaine

• IOVI O(PTIMO) M(AXIMO) • Ta(?) • autel en grès avecbase (début Ier s. den. è.)

• ILN-3, 198 ;CAG 13/4, n°113, 8*

237 VENELLES, Château de Violaine

• DEO SILVANO • Niceta • autel de calcaire • ILN-3, 199

238 VENELLES,Château Saint-Hippolyte

• GENIUS RESTITUTUS • --- • autel de calcaire • ILN-3, 197; CAG13/4 n° 113, 9*

239 ÉGUILLES, Bastidedes Lilas, Pland’Aureille,

• chapiteaux de marbre,vestiges romains

• CAG 13/4,n° 032, 3*

240 ÉGUILLES, près dePierredon, oppidum (IIIes. - fin Ier s. av. n. è.)

• --] Iu[li]us [---]ratus • ILN-3, 237 ;CAG 13/4,n° 032, 1*

241 ÉGUILLES, Plan deValserre, villa

• CAG 13/4,n° 032, 6*

242 ÉGUILLES, prèsdes Figons, tête d’hom-me barbu (Esculape ?)

• [---]o Grato f(ilio) ;[--Qu]intina f(iliae) ; [---]Nigrino [f(ilio)] ; Lucc[eiae ---] so[rori]

• CAG 13/4,n° 032, 14-16*• ILN-3, 238

243 ÉGUILLES, quartierde Saint-Mitre

• LIBER PATER • C(aius) Iulius Paternus • autel de grès • ILN-3, 236; CAG13/4, n° 032, 18*

Après la prise militaire en 123 av. n. è. par le consulSextius Calvinus (Diod. de Sicile, XXIV, 23), il sembleque l’habitat fut reconstruit, avant être finalement aban-donné, en tant qu’agglomération permanente, probable-ment entre 110 et 90 av. n. è., peut-être après 90, à l’issuede la seconde guerre salyenne 403.

Au IIe s. av. n. è., Entremont était, semble-t-il, un im-portant centre religieux, social et politique, réuni autourd’un « sanctuaire », qui était probablement contrôlé pardes familles aristocratiques. Déjà pour la fin du premierâge du Fer et le début du deuxième, donc bien avant lacréation de l’agglomération, on a soupçonné la présenced’un sanctuaire 404. On a découvert des têtes humainesexposées par enclouage ou suspension en relation avecune salle monumentale comportant en remploi des élé-ments monolithiques bien antérieurs au IIe s. av. n. è. 405.

En général, à Entremont, il s’agit de pratiques et d’édifices collectifs, car, contrairement à d’autres sites

L’oppidum d’Entremont

Ici nous revenons à la question du « vrai » impact dela création d’une municipalité de type romain sur lasociété indigène : en général, il n’y a pas de rupture, maisdes processus graduels et modérés qui suggèrent uneforte persistance de la population, malgré les déductionsde colonies et la redistribution des terres. Déjà à l’époqueprotohistorique, le territoire autour d’Aix-en-Provenceétait densément peuplé ; il était dominé par plusieurs sitesperchés, dont la plupart ont été occupée du IIe au Ier s. av.n. è., comme à Loubassanne (n° 161) ou aux Lauves (n°166) ; certains sites perchés ont été occupés sur une pluslongue durée : Meynes, par exemple, l’a été du VIe s. av.n. è. jusqu’au début de l’époque romaine.

L’agglomération protohistorique la plus importante estl’oppidum d’Entremont constitué vers 180/170 av. n. è. etqui est considéré comme « capitale » des Salyens 402.

402Cf. maintenant Arcelin 2006 avec bibliographie antérieure.403Arcelin, Congès et Willaume 1987 et 1990 ; Arcelin 2001 (2004).404Arcelin 2006, 125.405Arcelin 2006, 149.

Ralph Häussler

– 212 –

Page 59: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Mais que s’est-il est passé dans cet important lieu deculte après la conquête romaine et la prise d’Entremonten 123 av. n. è. ? Il semble que les représentations sta-tuaires ont été détruites violemment 413. Mais par qui ? Lescénario le plus vraisemblable est que les Romains ontdétruit les symboles de l’autorité des vaincus, cependantcela ne peut pas suffisamment expliquer le général aban-don du culte des héros-ancêtres en Narbonnaise. Il fautaussi tenir compte que les indigènes eux-mêmes sontresponsables pour la destruction des symboles qui ontperdu leur signification, si on considère que les principa-les familles aristocratiques, probablement celles repré-sentées dans l’« herôon », ont abandonné la communau-té, après l’émigration du « roi » Toutomotulus/Teutomalios et des « princes » salyens chez leurs alliésAllobroges (Tite-Live, abrégé du livre 61) ?

Le fait que le sanctuaire ne soit pas reconstruit après laconquête pourrait aussi indiquer qu’il a d’abord servi plu-tôt comme nœud socio-politique et qu’il a maintenantperdu cette fonction ; comme nous allons le voir, Aix-en-Provence n’a pas pris le relais comme centre religieuxdes Salyens, car si les élites de l’époque romaine conti-nuent à exercer leur pouvoir religieux, celui-ci est désor-mais réparti dans toute la chora de la cité : l’exemple deDexiva (supra) montre comment les élites du Haut-Empire se servaient des lieux emblématiques de l’âge duFer pour légitimer leur pouvoir ; par contre Aix-en-Provence a été entouré de lieux de cultes, mais le sited’Entremont n’a pas été repris par les élites aixoises. Leseul indice cultuel de l’époque romaine à Entremont,c’est un petit autel carré (hauteur 12 cm) dédié à Dianapar un certain Eutychus, probablement un esclave (n°160).

406À part de quelques pécules monétaires sous les sols ; cf. Arcelin 2006, 149.407Arcelin, Dedet et Schwaller 1992, 187 ; 233.408Cf. maintenant Congès 2001 (2004) ; Arcelin 2006, 150 sqq. et fig. 50.409Arcelin 2006, 155 ; Arcelin et Congès 2001 (2004) ; cf. Boissinot 2005. Il faut tenir compte que cette datation repose uniquement sur des critères

stylistiques fragiles, armes et bijoux.410Arcelin 2006, 157.411 Arcelin 2006, 155 sqq.412Arcelin 2006, 156 ; Arcelin, Gruat et alii 2003, 202-3 : pour dissocier cette pratique guerrière de celle des cultes ancestraux.413Congès 2001 (2004).

– 213 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

régionaux, on ne trouve pas de pratiques et rituels fami-liaux ou individuels, comme des fosses avec offrandesvotives sous le sol d’habitation 406. Au IIe s. av. n. è., onpeut proposer que le vaste espace n° 2 de l’îlot 29 dansl’habitat 1 ait eu une vocation cultuelle à cause de laquantité de petits objets, qui semblent être des vestigesd’offrandes (des centaines d’objets en métal ; environ800 perles en verre, etc.) 407.

Autrement, ce sont surtout les représentations sculptéesqui nous donne une idée des pratiques cultuelles préro-maines, comme les bas-reliefs avec des scènes cultuelleset les sculptures en ronde-bosse du second âge du Fer 408.On a trouvé environs 18 à 20 statues de personnages masculins assis en tailleur et armés, de personnages fémi-nins (accroupis ou assis sur des sièges bas) et de cavaliersavec leurs montures. La production de ces statues date,d’après les critères stylistiques, du début du IIIe s. au pre-mier quart du IIe s. av. n. è. et donc antérieurement à l’installation du premier habitat sur le plateau ; les statuesauraient été amenées à l’Entremont d’un ou d’autressites 409. L’ensemble statuaire montre une volonté poli-tique : il s’agit d’un herôon qui sert à légitimer le pouvoirde certaines familles aristocratiques, en évoquant uneascendance héroïque.

À cet ensemble on peut associer trois blocs décorés descènes cultuelles (figuration de têtes humaines ; ex-pression probable de l’âme des disparus dans le cycle del’Au-delà), qui pourraient appartenir à un édifice cul-tuel 410. Une grande salle hypostyle a probablement euune vocation cultuelle 411 ; on y a trouvé au moins 20 crânes de personnages entre 20 et 30 ans (certainsencloués ou suspendus) ; pour Arcelin il s’agit ici desreliquats exposés des rites de victoire 412.

Page 60: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Aix-en-Provence : chef-lieu de la cité

L’abandon de l’agglomération d’Entremont et la créa-tion d’Aquae Sextiae ne constituent pas une rupture pro-fonde ; la plupart des habitats perchés dans la régioncontinuent d’être occupés et même Entremont est tou-jours fréquenté pendant au moins une génération après lafondation d’Aix-en-Provence (v. supra). Entre le IIe s. av.et le Ier s. de n. è. nous voyons une adaptation graduelledes structures socio-économiques, semblable aux proces-sus que nous avons observés dans les autres régions denotre étude. La plupart des sites perchés ont été abandon-nés à la fin du Ier s. av. n. è., pendant que dans les plainesse multipliaient les établissements ruraux et, dès le Ier s.de n. è., les élites locales construisent des « villas » rési-dentielles luxueuses. Nonobstant les processus de migra-tion humaine à cette époque, on peut probablement supposer une continuité de la population et des éliteslocales 414. À cet égard, le dossier épigraphique n’est pasreprésentatif pour la ville d’Aix : il est largement dominépar les affranchis, les esclaves et les étrangers, c’est-à-dire par ceux qui ont besoin de montrer leur statut ; il n’ya pas d’onomastique celtique, pendant que la majorité del’élite municipale est attestée sur ses domaines ruraux.

Sous le Haut-Empire, Aquae Sextiae était une colonielatine importante 415. Si on considère le statut et son appa-rence « romaine », on attendrait que le chef-lieu d’unecolonia fût dominé par les cultes « romains », comme leculte impérial, attesté par la dédicace des pagani à l’empereur Néron (n° 186) et par le grand nombre de prêtres du culte impérial de la cité d’Aix : les flamines 416

et les seuiri 417, mais là encore la plupart sont attestéedans le contexte de leur résidence rurale, qui semble avoirété la scène la plus importante pour la représentation desélites aixoises ; cela n’empêche pas qu’ils exercent leuractivité cultuelle à Aix, mais on ne trouve presque aucune ex-voto dans la ville, pendant que les dédicacesplus élaborées se trouvent au milieu rural.

Autrement le caractère de nombreuses divinités semble plutôt indigène. L’exemple principal est celui deBorbanos/Bormanos (n° 175-176). Ce théonyme dérivedu mot bormo « source chaude », et c’est donc la divini-té de la source 418 ; les autels à Borbanos (premièresdécennies du Ier s. de n. è.) et Bormanos, trouvés sous

l’établissement thermal, pourraient suggérer l’existenced’un culte lié à l’eau d’origine protohistorique qui a per-sisté dans le toponyme Aquae Sextiae. Mais même si lasource était déjà vénérée à l’époque protohistorique, celan’implique pas que son caractère n’a pas changé à l’époque romaine avec son élévation comme culte publicau sein d’une ville romaine.

À l’endroit de l’établissement thermal, nous trouvonsplusieurs monuments des eaux, comme « les thermes decure » 419 et déjà à l’époque tardo-républicaine (milieu Ier

s. av. n. è.), on a construit un monument à colonnade àdeux nefs dans la partie sud-ouest des terrains de l’éta-blissement thermal : il pourrait s’agir d’un marché,comme proposé par N. Nîn, ou peut-être d’une partied’un nymphée 420. Sous le Haut-Empire, on peut proba-blement associer à un culte lié à l’eau deux dédicaces,trouvées à Aix mais sans localisation précise, dédiéesl’une aux Matres (ILN-3, 9), l’autre, un petit autel en cal-caire (h. 18,5 cm) aux Parcae (ILN-3, 17), parce que cesdivinités possèdent des fonctions protectrices compara-bles et complémentaires à celles de Borbanos (mais onpeut les associer soit à Borbanos, soit au culte des nym-phes aux Milles, v. infra).

Au total, le nombre de dédicaces attestées au chef-lieude la cité semble être très limité (par rapport avec desvilles comme Nîmes, Glanum ou Vaison, cf. tableau 10).Le choix des divinités montre un répertoire absolumentnormal pour la Gaule Narbonnaise (Jupiter, Mercure,Minerve, Silvain, Hercule, les déesses-mères, etc.) et,comme dans toute la région d’étude, il s’agit ici de divi-nités locales (« indigènes », « gallo-romaines »), c’est-à-dire de divinités particulières à la cité d’Aix, malgré leursnoms latins et malgré le contexte urbain. Il n’y a que deuxdédicaces à Jupiter (il n’y en a que 5 à Nîmes, 3 à Glanumet 6 à Vaison), dont une par un certain Servatus – le nomunique pourrait indiquer un pérégrin ; c’est aussi un nomparticulièrement populaire en Narbonnaise, et donc peut-être un personnage d’origine indigène (ILN-3, 7). Lasituation est comparable pour Minerve, avec une seuledédicace (ILN-3, 13-14) ; d’après Duval (1976, 83), laMinerve « gallo-romaine », la seule déesse des Gauloismentionnée par César, était la « patronne des petitsgens », et le petit autel de grès d’une hauteur de seule-ment 20 cm, qui a été dédié par Anilla (le nom uniqueindique une pérégrine), semble très approprié (n° 181 ;

414Pour Gascou 1995, 24 « une ville pérégrine étroitement contrôlée par un praesidium romain… ».415Pour Aix-en-Provence, cf. CAG 13/4, n° 001.416 ILN-3, 26, 33, 24 = 216, 261.417 ILN-3, 23, 32, 34-37, 105,?118, 120, ?128, 131.418De Bernardo Stempel 2007b (Bormos ([Bor?os] < *bhor-mos-s ‘sprudelnd, aufwallend’, dont Bormanos et Bormana sont des théonymes secon-

daires) ; Delamarre 2003, 83, s.v. boruo, bormo ‘source chaude’.419Nîn 2006, 247 sqq., 69*.420Nîn 2006, 183-5.

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Ralph Häussler

Page 61: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

ILN-3, 14).Une autre divinité locale est Mercure. Les dédicants à

Aix sont probablement d’origine « indigène », commePriscilla (pérégrine ?) 421 ou le dédicant Sextus AnniusVerus : le gentilice Annius est attesté très souvent enNarbonnaise parce qu’il s’agit probablement d’unDeckname, et ce pourrait donc être un indice pour uneorigine « indigène » des Annii. Le nom du dédicant de latroisième inscription à Mercure (---]|VSSIAE|ROS|MERCVRIO, aujourd’hui perdue) a été reconstituécomme le cognomen S[yn]e|ros ; au contraire, A. Holdera proposé d’identifier un théonyme Ussiae, suivi d’unnom personnel Ros (attesté à Rome) ou Ros(cius) ; peut-on imaginer un théonyme Ros[merta], Ros(merta) quiprécède le théonyme masculin 422 ?

Un certain Sextus [---] Vitalis a érigé un autel en l’honneur de Victoria CumuIAIR[---] (n° 178). Gascou aproposé de reconstruire l’épithète cumulatrix, donc la« Victoire qui dispense ses faveurs ». Cela pourrait reflé-ter une Victoria dans le rôle d’une déesse celtique,comme Andarta 423. Il y a aussi un petit autel qui porte la

dédicace votive de C() Neca( ?) à la divinité Ca(?)(ILN-3, 3) ; comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus, ilpourrait s’agir de Callirius, mais peut-être aussi Cantis-merta ou les Caudellenses. Et pour Silvain, tellementrépandu en Narbonnaise, nous trouvons une dédicace(ILN-3, 18) et un autel qui montre Silvain comme dieubarbu (Fig. 34) 424.

Autour d’Aix, un paysage de « villas » et decultes indigènes

Dans la région autour du chef-lieu Aix-en-Provence, ily a une forte densité d’habitats ruraux à l’époque romaine ; plusieurs ont été déjà construits très tôt, parexemple au IIe s. av. n. è., comme à Saint-Hilaire (n° 191)et Saint-Pons (n° 192) ; les autres au Ier s. av. n. è. ou àl’époque augustéenne. Parmi ces habitats, on a identifiéun grand nombre de villas résidentielles, comme à laPetite Molière, Mikély, Antonelle, etc., qui ont été proba-blement les résidences aristocratiques de magistratslocaux, comme le flamen et édile Sextius Iulius à la villade Puyricard (n° 162), le décurion Sextius Samicius à laTorse (n° 187) et la résidence d’un eques au Tholonet (n°226). C’est dans ce contexte de villas qu’on a trouvé desdédicaces aux divinités comme Liber Pater (Bacchus)(par ex. à Éguilles 425). À Gardanne, dans un territoirecenturié 426, où se trouvent plusieurs « villas », il y a ladédicace de l’affranchi Sex. Iulius Bacchylus à LiberPater (Bacchus) (n° 201) ; il s’agit probablement dumême affranchi qui a fait une dédicace à Jupiter à Puyri-card, la résidence de son patron, le flamen Sex. Iulius

Fig. 35 - Aix-en-Provence : Herculegaulois (?) (Esp 95).

421 ILN-3, 11. Le nom unique indique sans doute un statut pérégrin. Elle n’était pas une esclave si on considère la belle gravure et l’élégance des lettres, mais il y a aussi des esclaves riches…

422 ILN-3, 12 préfère Syneros ; A. Holder (III, 54) : Ussia – une déesse ; Ros – cognomen attesté à Rome : CIL VI 9696 ; cf. aussi le nom Ros(cius).423 ILN-3, 19. Pour Andarta, cf. Duval 1976, 52 ; 58-59.424De provenance inconnue, mais déjà à Aix-en-Provence au XIXe siècle, cf. Esp. 93.425 ILN-3, 200 ; 236.426Cf. Boissinot 2007, 118, fig 18.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 34 - Aix-en-Provence : Silvanus (Esp. 93).

Page 62: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Sextinus (n° 162) ; cela pourrait indiquer aussi que lespropriétés de Sex. Iulius s’étendent dans plusieursendroits distincts.

C’est dans ce contexte socio-géographique qu’il fautcomprendre le grand nombre de lieux de culte dans cemilieu rural. Comme nous avons déjà pu le constater pourle Lubéron et le pays d’Apt, les élites et la populationlocales semblent être plus actives en matière de cultes àla campagne qu’au chef-lieu de la cité.

À part Entremont, les lieux de culte protohistoriquesles plus anciens à Aix semblent se trouver sur un site fréquenté du Bronze ancien jusqu’à l’époque tardo-répu-blicaine au Clos Marie-Louise (dépôt rituel d’un cheval,daté entre 165 av. et 80 de n. è.) (n° 195), et également àl’oppidum de la Tête de l’Ost (à Mimet), une fosse avecdes ossements d’animaux indique probablement un lieude culte des IIe-Ier s. av. n. è. (n° 208). Une inscriptiongallo-grecque de l’oppidum du Baou Roux (Bouc-Bel-Air) pourrait être une dédicace à une divinité dans lecadre d’un rituel domestique, selon Boissinot et Bats(1988) (n° 213).

Aux Milles, à 6 km au sud-ouest d’Aix, des dédicacesà Minerve et aux Nymphes indiquent un lieu de culteimportant, probablement un sanctuaire de l’eau (n°190) 427 ; l’association de Minerve et des nymphes pour-rait indiquer le même concept religieux : une déesse indi-gène de la fertilité. La plupart de dédicants aux Millessont, semble-t-il, des pérégrins ou des esclaves parcequ’ils ne portent qu’un nom. Toujours dans la communed’Aix-en-Provence, à la Bastide Forte, près du hameauLes Figons, se trouvait (d’après un dessin de Peiresc, datéde 1628) un temple, composé de deux chambres voutées(pronaos et cella) sur un podium, et un puits circulaire,qui indiquent un sanctuaire, probablement consacré à unedivinité des eaux (n° 169 428). À Mikély, il semble qu’ona construit un « fanum » à côté d’une « villa » (n°164 429) ; également à la Valette on a identifié une« villa » avec une structure rectangulaire qui pourrait êtresoit un « fanum » soit un mausolée (n° 193 ; fréquentéentre le Ier s. av. n. è. et le Haut-Empire). Au contraire, ily a des fausses interprétations : par exemple à Saint-Jeande la Salle, il n’y a pas eu de sanctuaire salyen, maisseulement un établissement agricole du Ier au IVe s. den. è. (n° 163) ; également, il n’y a pas de temple antiqueà la chapelle Saint-Mitre (n° 173) et pas de « fanum » à la« villa » de Luynes (n° 189). Au-dessus de la villa de

Trébillanne I (commune de Cabriès), on a mentionné en1866 une cella en petit appareil au-dessous de l’actuellechapelle Notre-Dame de Trébillanne, qui pourrait indi-quer un lieu de culte de l’époque romaine (n° 216).

À Lenfant (Aix-en-Provence), le long de la route desAlpes, on a trouvé le bas-relief d’une divinité féminine(déesse-mère ?) (n° 167) et à Cabriès une pierre sculptéede trois divinités, probablement une triade des déesses-mères (fig. 36). À Gréasque, un pérégrin, Quartus, a faitune dédicace à Belinus (le Belenos celtique) (n° 222). Àla Torse, à l’est d’Aix-en-Provence, on a trouvé un busted’Hadrien et une dédicace importante à Sol, offerte par P.Tallius Onesimus, qui indique plutôt un rapport au culteimpérial. Dans le même milieu on trouve aussi l’épitaphed’un édile et décurion de la ville, qui porte un gentiliced’origine celtique, Samicius (n° 187) 430. À Venelles, ils’agit probablement de trois lieux de culte, aux trois divi-nités bien différentes : la dédicace au genius restitutus aété trouvée au Château Saint-Hippolyte, emplacementprésumé d’un bâtiment agricole romain, peut-être unevilla (n° 238) 431. Une dédicace à Iuppiter O(ptimus)M(aximus), par un citoyen romain, se trouvait au quartierTerre-Rouge (n° 236) 432, et une autre au Deus Siluanus,par une pérégrine (ou esclave), Niceta, a été trouvée dansle contexte d’un aqueduc (n° 237) 433.

427 ILN-3, 14-16.428CAG 13/4, 481* : il ne s’agit pas d’un mausolée, mais probablement d’un temple. Ce monument a été détruit en 1760.429CAG 13/4, 435*.430 ILN-3, 21 ; CAG 13/4, p. 469 sqq. Pour l’épitaphe de Sextus Samicius Maximinus, cf. ILN-3, 30 ; Holder, II, col. 1339 ; Syrus/Surus est aussi un

nom très répandu dans les régions celtiques.431CAGR-5, 228; ILN-3, 197 : Geni|us Res|titu|tus fe|liciter.432CAGR-5, 229 ; ILN-3, 198 : Ioui O(ptimo) | M(aximo) p(onendum) c(urauit) Ta(…?) ; mais un nom unique abrégé en Ta(), comme proposé par

ILN, semble improbable ; l’abréviation de tria nomina, très répandue dans notre région, est donc plus vraisemblable : p(osuit) C(aius) T(…) A(…).433CAGR-5, 230 ; ILN-3, 199 : Deo Si | Deo Siluan|no Nice|ta | u(otum) s(oluit) l(ibens) me(rito).

Fig. 36 - Cabriès : bas-relief avec des déesses-mères (d’après CAG 13/4,p. 534, fig. 709, photo Ph. Foliot, Centre Camille Jullian).

– 216 –

Ralph Häussler

Page 63: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

5.6 À l’ouest de la cité d’Aquae Sextiae

– 217 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Commune,lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

244 ROQUEFAVOUR245 ROQUEPERTUSEsanctuaire ; abandonnédébut IIe s. av. n. è.

• Gérin-Ricard1927 ; Lescure1990

246 SAINT-CANNAT, • Décanis : villa• Espinet : villa

• CAG 13/4, n°091, 6*• ibd., 7*

247 ROGNES, GrandSaint-Paul, villa

• Romanus, Itti f(ilius) • stèle • ILN-3, 246 ;CAG 13/4,n° 082, 22*

248 ROGNES, Cauvins- site perché 200-50 av.n. è., - IIIe s. de n. è. ?

• CAG 13/4,n° 082, 2*

249 ROGNES,Barbebelle, mausoléefamilial, 2 étages

• D. Domitius L. f. Vol.Celer, trib. mil., praef. fabr.,L. Domitius Magu[---];Domitia ; [.] Domitius Macer

• ILN-3, 243-245 ;CAG 13/4,n° 082, 24*

250 ROGNES, lieu-ditTournefort: 3,5 km SEdu bourg de Rognes.

• ACCORO • --- • autel de grès • ILN-3, 239

• M(= MARTI ? MER-CURIO ? MINERVAE ?)

• --- • autel de pierre deRognes

• ILN-3, 241, CAG13/4, n° 082, 27*

251 ROGNES, Conil • VI[ ]NO[ ]CO[ ]SO[ ]I[ ] • colonne • ILN-3, 248

ROGNES, Conil • statue de la divinité ? • Statia Pthengis • ex-voto • ILN-3, 242, CAG13/4, n° 082, 29*

252 ROGNES, Beaulieu • UROICIS et A[---]INENSI[B]US

• Verax, Antenoris f(ilius)Potissuma, Ollunae f(ilia)

• bloc rectangulaire(début Ht Empire)

• ILN-3, 240 CAG 32*

Tableau 6 - Résumé : Les lieux de culte dans la partie occidentale de la cité d’Aix (les numéros sont reportés sur la carte).

Fig. 37 - Carte de répartition des sites : triangle : lieu de culte ; cercle : oppidum, site perché ; carré: autre habitat (de l’époque romaine).

Page 64: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

253 ROGNES, Foussa,oppidum 200-100 av.n.è. - abandonné HtEmpire

• CAG 13/4,n° 082, 3*

254 ROGNES, vieux vil-lage

• KAPIKKOY | [.]IOS OYE-PETIA

• bloc taillé, pierrede Rognes

• CAG 13/4,n° 082, 5a* citantBats

255 ROGNES, Gouled’Agoulit

• NYMPHIS • P Attian[us] • autel, trouvé en2006

• CAG 13/4, n°082, 6*, fig. 883

256 ROGNES, laChapusse

• Iunia Nasa • épitaphe • CAG 13/4, n°082, 20*

257 ROGNES, Cannes • ? PILORV[---] FRATR[ • ILN-3, 247 CAG 17*

258 ROGNES, Saint-Marcellin, villa, Ier-IVe s.de n. è. ; autel paléoch-rétien

• CAG 13/4,n° 082, 11*

259 LAMBESC, vasteoppidum du plateau deManivert, VIe-Ier s. av.

• CAG 13/4,n° 055, 2*

260 LAMBESC, quartierdes Taillades : fanum,lié à l’eau

• fanum ? • ibd., 5*

261 LAMBESC, Douau,établissements agrico-les, dès 2e âge du Fer

• ibd., 6-8*

262 LAMBESC, GrandVerger, villa, Ier s. av.-Xe

s. de n. è.

• SULEVIAE• statuette en plomb

• [S]extus • autel de calcaire • ILN-3, 256CAG 13/4,n° 055, 32*

263 LAMBESC, la Font-d’Arles, 1,2 km deLambescibd. : oppidum - âge duBronze - Fer

• IBOIT(A)E

• IBOIT(A)E

• [IB]OIT(A)E

• M() Amena Pompeiael(iberta)• [S]ex(tus) PompeiusProculi l(ib.) Teopil(us)• D(ecimus) RatiusD(ecimi) l(ib.) Bassus

• plaque de calcaire

• plaque de calcaire

• cippe en molasse

ibd., 37*, 38*• ILN-3, 252

• ILN-3, 253

• ILN-3, 254

264 LAMBESC, vallondes Fédons, habitatsâge du Fer, gallo-romains

• CAG 13/4,n° 055, 56*

265 LAMBESC, San-Peyre (en remploi)

• MERC[URIO] • [---]D[---] • autel de calcaire • ILN-3, 255 ;CAG 13/4,n° 055, 20*

266 LAMBESC, Saint-Estève, exploitationrurale gallo-romaine

• CAG 13/4,n° 055, 22*

267 LAMBESC, Bonre-cueil, villa, Ier-IIIe s. ap.

• CAG 13/4,n° 055, 48

268 LAMBESC, Cala-von, site protohist. ;oboles ; villa, HautEmpire

• CAG 13/4,n° 055, 63-65*

269 LAMBESC, Suès,oppidum, âge du Fer

• CAG 13/4,n° 055, 53*

270 LAMBESC, laCrémade: villa

• CAG 13/4,n° 055, 55*

271 LAMBESC, prove-nance inconnue

• ]CE[---]REPE[---]VS FRA[• C(… ?)

• plaque de calcaire• perdue

• ILN-3, 257• ILN-3, 258

272 ALLEINS, cimetièred’Alleins. CAG 13/4, n° 003

• IOV[I O(PTIMO)]M(AXIMO)

• S(extus) P() Proc(ulus) • autel de calcaire • ILN-3, 267

• (Arelatenses?) mu]ni-cipii[---• KongenolitanosKarthilitanios

• dalle ?

• ILN-3, 268

• RIG G-1; CAG13/4, fig. 644

274 ALLEINS, Tambar-lette, petite villa (august.- IIIe s. de n. è.)

• CAG 13/4, n°003, 30*

275 ALLEINS, Vabre dela Rocassière : site del’âge du Fer et gallo-romain

• CAG 13/4,n° 003, 22*

Ralph Häussler

– 218 –

Page 65: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

276 ALLEINS, CampCaïn, petit établ. rural(tibér. - IIe s. ap. J.-C.)

• CAG 13/4,n° 003, 65*

277 VERNÈGUES,Château Bas: temple etuicus(Cf. CAG 13/4, n° 115,6 sqq.*)

• IOVI TONANTI• NYM[PHAE]• ]Augusto Caesari [---]Romae et August[.

• ?• (Jupiter, Minerva,Mercurius, Neptunus?)

• [?]• [--- ?]• [--- ?].

• ?•

• L. Verat[io] Veran[o]

• autel de calcaire• frise ?• marbre ?

• stèle de grès• fragments• autel anépigraphe

• ILN-3, 259• ILN-3, 260• ILN-3, 261

• ILN-3, 262• ILN-3, 263-266• CAG p. 716

278 VERNÈGUES, lePuech de Vallon, oppi-dum de Saint-Saens,VIIe s. av.-Ier s. de n. è.

• CAG 13/4, n°115, 22*

279 VERNÈGUES,Veignes, établ. agricole(fin âge du Fer - Ier s. den. è.)

• CAG 13/4, n°115, 18*

280 VERNÈGUES, nonloin de ~

• (roue, maillet, arbre) • autel anépigr. enmarbre blanc

• Esp. 1691 (àAvignon)

281 PÉLISANNE,Sainte-Garjanne

• ---]tia Pater[n]a ;-B?]asil(ius) Iustinus

• cippe, perdu • ILN-3, 269

282 LANÇON-PRO-VENCE

• GENIO ACORO • --- • autel de calcaire • ILN-3, 270

283 LANÇON,Constantine, oppidum

• sanctuaire ? • CAG 13/1,n° 051, 27*

284 LANÇON, PetitPommier (CAG 13/1, n° 051, 12*)

• IOVI• PARCIS

• Val(erius) Sexti[---]• Valeria Eleutheris

• disparue• bloc de calcaire

• ILN-3, 271• ILN-3, 272

285 LANÇON,Calissanne : torse ;habitat ; près de la sour-ce de la Durançole

• BELEINO • --- • vasque en molasse locale

• RIG G-28

286 MALLEMORT,établ. agricole Ier av. - IIede n. è.

• CAG 13/4,n° 053, 2*

287 LA ROQUE-D’ANTHÉRON,Jacourelle

• DIANAE • autel de grès • ILN-3, 250 CAG 13/4, n°084, 6*

288 LA ROQUE-D’ANTHÉRON, quartierde Fenouillier

• Aphrodisia ; Comice • stèle en calcaire • ILN-3, 251CAG 13/4,n° 084, 7*

289 LA ROQUE-D’ANTHÉRON,Aubergue : villa

• CAG 13/4,n° 084, 9*

290 LA ROQUE-D’ANTHÉRON, oppi-dum de la Borie duLoup (250-200 av. n. è.)

• CAG 13/4, n°084, 2*

291 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE,Costefrède/Papéty

• Cornel(ia) Felicula • cippe de calcaire(julio-claud.)

• ILN-3, 217 ;CAG 13/4,n° 080, 23*

292 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE, Fouquet :villa (Ier s. av. n. è. - HtEmp.)

• CAG 13/4n° 080, 25*

293 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE, la Quille :oppidum, 2e âge du Fer

• CAG 13/4,n° 080, 1*

294 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE, quartierRégine, habitat IIe-Ier s.av. n. è., puis villa (100-250 de n. è.)

• CAG 13/4, n°080, 4*, Delestre2005, 105

295 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE, les Goi-rands : villa (100 av.n. è. - Ht Emp.).

• CAG 13/4, n°080, 9*

296 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE, Saint-Pierre : villa (Ier-IIIe s. den. è.)

• CAG 13/4, n°080, 36*

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

– 219 –

Page 66: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Dans le territoire à l’ouest d’Aix-en-Provence égale-ment on voit des changements importants entre le IIe s.av. n. è. et le début du Haut-Empire. À la fin de l’âge duFer, le territoire était dominé par plusieurs sites perchésfortifiés. À la marge méridionale de la cité se trouvaientde grands centres protohistoriques, bien connus pour leculte des héros-ancêtres, comme Roquefavour et Roque-pertuse (n° 244-245). Lorsque que ces oppida furentabandonnés (au début du IIe s. av. n. è.), un paysage poly-nucléé se développa avec plusieurs sites perchés dontl’occupation commence au IIe s. av. n. è., comme parexemple à Rognes (Les Cauvins, 200–50 av. n. è. et LeFoussa, abandonné sous le Haut-Empire) (n° 253) ; auvillage de Rognes on a aussi trouvé une épitaphe gallo-grecque (n° 254).

La plupart de ces oppida étaient déjà abandonnés à lafin du Ier s. av. ou au début du Ier s. de n. è. ; on ne peutpas exclure une certaine fréquentation pendant le Haut-Empire (par ex. aux Cauvins, n° 248), mais en général iln’y a pas d’indice d’habitat ou d’agglomération. Même levaste oppidum du plateau de Manivert (Lambesc) (n°259) et les oppida de Vernègues (par ex. l’oppidum deSaint-Saens au Ier s. de n. è. ; n° 279) ont été abandonnéset la population a construit de nouveaux habitats (fermes ;habitats dispersés ; uici), comme à Château Bas (n° 277,v. infra).

Dès le IIe âge du Fer également, le nombre des habi-tats ruraux dans les plaines ne cesse pas d’augmenter ; ontrouve plusieurs établissements agricoles, comme àLambesc (Douau, n° 261) et dans le vallon des Fédons(habitats de l’âge du Fer et gallo-romains, n° 264). Dansles plaines de cette région, par exemple au Château Bas

(Vernègues), on peut aussi observer des traces de centu-riation, qui datent probablement de l’époque romaine 434.

Enfin, dès l’époque augustéenne, on trouve de plus enplus de sites présentant les caractéristiques de « villas »résidentielles (marbre, peinture murale, etc.). Les villasd’Alleins (Tambarlette, n° 274) et probablement du Puy-Sainte-Réparade (Fouquet, n° 292 ; les Goirands, n° 295)ont été probablement construites à l’époque augustéenne,mais la plupart d’entre elles ont existé dès le Ier s. de n. è.,comme à Lambesc (n° 262 ; 267 ; 268 ; 270), à Saint-Cannat (n° 246), à Rognes (n° 246-247), à la Roque-d’Antheron (290), au Puy-Sainte-Réparade (n° 295).Dans certaines de ces « villas » il y a des traces d’occu-pation protohistorique (par ex. à Lambesc, Calavon, n°268). Dans le contexte de ces domaines aristocratiques ontrouve aussi des mausolées. Le mieux connu est celui àdeux étages des Domitii à Rognes (Barbebelle, n° 249 435)ou le mausolée de patrons d’Aquae Sextiae, des Iulii (auPuy-Sainte-Réparade, n° 297, v. infra).

Ces indices suggèrent une continuité de la population,y compris les élites, qui ont vu des changements écono-miques importantes pendant leur vie. Mais les facteurséconomiques ne nécessitent pas forcément de change-ments géographiques : ce sont des processus plus pro-fonds, comme l’abandon des oppida et de leur rôle poli-tique, l’apparition de la villa comme demeure élitairereprésentative, etc. Pour les communautés rurales, onpeut constater une migration de l’oppidum vers les fermes et les agglomérations (parfois l’habitat dispersé)dans la plaine.

C’est dans ce contexte d’une dense occupation de l’ensemble du territoire, y compris les importantes

434Boissinot 2007, 118, fig 17.435Pour les Domitii, cf. Burnand 1975.

– 220 –

Ralph Häussler

297 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE, Fontvert,Saint-Canadet

• NENPIS (!) • NYMPHIS

• Seruatus• C(aius) P() Satur.

• Valeria [---]C.f.;T.Ho[s]til(io?)?

• autel de grès• disparue• fragment de calcaire

• ILN-3, 213• ILN-3, 212 • ILN-3, 215 (CAG 13/4,n° 080, 38*)

id., Saint-Canadet (ou àAix-en-Provence, aumausolée de la ported’Italie ?)

• Sex. Iul(ius) Vero,patro[no col]oniae ;Sex[tus] Iul(ius) Paternotrib. m]il. leg. VIIGem(inae) Fel(icis)honore flamo[nii (!) func-to II]viro(?) patronocol(oniae) ; M. Iul(io) [--trib. m]il. leg. VIII Aug.flam[ini Aug(usti)patro]no coloniae

• plaque de marbre(appartenant au mauso-lée des trois patronsd’Aix)

• ILN-3, 216 + 24 = AE2001, 105 ; CAG 13/4,n° 080, 37*

299 LE PUY-SAINTE-RÉPARADE, à 2 km auSE de Saint-Canadet

• PARCAE • Materna • Plaque • ILN-3, 214

Page 67: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

résidences et domaines de l’aristocratie municipale, qu’ilfaut insérer les témoignages cultuels qui attestent surtoutune religion locale d’origine indigène. Par exemple, l’apparence du petit autel à Diana, à l’écriture irrégulière,trouvée à la Roque-d’Antheron, au quartier de laJacourelle, n’est guère appropriée au contexte d’unevilla ; ce n’est donc pas la déesse romaine des chasseurs,mais une déesse du contexte indigène, celtique : l’équiva-lent irlandais, par exemple, Flidais, la déesse des bois,dirige un chariot attelé par des cerfs ; par sa fonction etson nom, on pourrait aussi faire un rapport avec la déesse « gallo-romaine » Arduinna (« Éminente »), quiest représentée avec un sanglier 436. Diana était donc probablement l’épigone de la terra mater indigène,comme Abnoba ou Arduinna ; elle est aussi la « déesse del’outre-tombe » 437. Dans ce contexte, il est étonnant quela seule autre dédicace à Diana de la région ait été trou-vée à l’oppidum abandonné d’Entremont 438.

Autrement, ce sont les théonymes celtiques qui dominent dans le territoire. Déjà aux IIe–Ier s. av. n. è. il ya eu, semble-t-il, un sanctuaire à Calisanne (n° 285), prèsde l’oppidum de Constantine (Lançon). Les témoignagesindiquent un culte comparable aux autres cultes de cetteépoque : le torse masculin d’un guerrier du IIIe-IIe s. av.n. è. 439, qui appartient probablement à un culte deshéros-ancêtres, et, trouvée sur la partie occidentale dudomaine de Calissanne dans un contexte du Ier s. av. n. è.,une vasque en calcaire qui porte une dédicace votive encaractères gallo-grecs au dieu indigène Belenos, consa-crée par [E]porix, fils de Iougillios (cf. aussi Belinus àGréasque, n° 222) 440.

À Rognes et à Lançon, on trouve des dédicaces àAccoros (fig. 38) et au genius Accoros, que nous avonsdéjà rencontré à Cucuron et dans lequel nous avons pro-posé de voir une divinité agricole (v. supra) 441. ÀLançon, la proximité à l’oppidum de Constantine (env. 3km), avec son espace sacré, qui a été abandonné à la findu Ier s. av. n.è. 442, pourrait appuyer l’hypothèse d’unepersistance religieuse et donc probablement d’une origine indigène d’Accoros, mais sous le Haut-Empire le

Fig. 38 - Rognes : autel dédié à Accoros (d’après ILN-3, 239).

contexte comprend surtout les habitats et les villas autourde Lançon ; les dédicaces aux deux divinités locales,Jupiter et les Parcae, proviennent du même contexterural 443.

À Rognes également, nous trouvons plusieurs sitesprotohistoriques (par ex. Les Cauvins (n° 248), Le Foussa(n° 253)) et même une des rares inscriptions gallo-grecques (n° 254). Une migration graduelle de la popula-tion des sites perchés aux habitats dans les plaines pour-rait indiquer une certaine persistance de la populationrurale entre la fin de l’âge du Fer et le Haut-Empire etdonc probablement une persistance des croyances reli-gieuses et leur évolution progressive. Dans le village deRognes, dans un contexte d’occupation de l’âge du Fer auVIe s. de n. è., on a trouvé un petit autel avec une dédi-cace aux nymphes (n° 255).

Pour appuyer l’hypothèse d’une origine indigène

436Cf. McKillop 2004, 138 ; Green 1992, 33-4, s.v. Arduinna ; ibd. 80, s.v. Diana (aussi comme compagne du dieu au maillet) ; Botheroyd etBotheroyd 2004, 22, s.v. Arduinna ; ibd., 84, s.v. Diana ; ibd., 127-128, s.v. Flidais ; pour l’étymologie d’Arduinna, cf. Delamarre 2003, 51-52,s.v. arduo- ‘haut’ ; Il n’y a que deux témoignages épigraphiques pour Arduinna (Jufer et Luginbühl 2001, 23) : à Düren/Gey (deae Ardbinnae, CILXIII 7848).

437Pour les rapports entre la Diana romaine et la déesse indigène/celtique, cf. Häussler 2007b ; 2008. Pour terra mater, cf. ILN-2-Riez 9 : Matri Terraeet Viator.

438 ILN-3, 4: Dianae | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | E[uty]chus : est-ce que le nom unique d’Eutychus marque le statut d’esclave du dédicantou plutôt le statut pérégrin d’un « indigène » ?

439CAG 13/1, p. 216, n° 051, 30*.440CAG 13/1, p. 217, n° 051, 37* ; RIG G-28.441 ILN-3, 239 : Ac|co|ro ; pour Lançon-Provence, cf. CAG 13/1, p. 206-218, n° 051 ; ILN-3, 270 : Genio | Acoro ; v. supra.442Pour Constantine, cf. CAG 13/1, p. 212-216, n° 051, 27*. 443Autel trouvé au lieu-dit Petit Pommier, à proximité de plusieurs habitats ruraux (CAG 13/1, p. 207, n° 051, 12-15*, etc.) : ILN-3, 271 : Pro

Val(erio) Sexti|[---] finitumi | Iou(i) uot(um) sol(uerunt) | l(ibentes) m(erito) ; ILN-3, 272 : Valeria | Eleuteria | Parcis u(otum) s(oluit) l(ibens)m(erito).

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 68: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

444Cf. aussi Coquet 1970 pour la région de Rognes.445 ILN-3, 240 : Verax Antenoris | f(ilius) et Potissuma | Ollunae f(ilia) Uroicis et | AII[---]inensi[b]us loc[---] ; pour Uxovinus cf. Delamarre 2003,

329, s.v. uroica ‘bruyère’ ; pour Ollouna, cf. ibd., 242, s.v. ollos ‘grand’ ; pour Antenos, cf. ibd., 49, s.v. anto- ‘limite, borne’ ; Antenos commelégende monétaire, cf. RIG-4, n° 31. Pour AII[---]ienses, cf. peut-être la racine aiu- : Delemarre 2003, 36. s.v. aiu- ‘éternité, longévité’. Cf. aussiA. Allmer (Revue épigraphique du Midi de la France 1890, p. 51, n° 833) qui a proposé une parenté philologique d’Uroicis avec le nom deRognes ; pour Burnand 1975, 183 cette proposition est « aventureuse » ; il propose plutôt de voir ici le nom de l’habitat préromain du Foussa.

446 ILN-3, 242 ; CAG 13/4, n° 082, 29* ; Burnand 1975, 168-169 ; 189-190.447Lafaye 1881, 225 ; ILN-3, 241 ; Mercure pour Burnand 1975, 169, n. 158.448Voir BS PACA 1998, 104-5 ; ibd. 1999, 113-115.449Depuis la publication de l’ILN on a remarqué que ILN-3, 24 et ILN-3, 216 sont deux fragments de la même inscription (cf. Christol, Gascou et

Janon 2000, 29-38 = AE 2001, 105 = CAG 13/4, p. 375-376 ; fig. 452) ; d’après Christol et alii 2000, le gentilice Iulius ferait penser à une famillelocale intégrée de longue date dans la colonie latine. Gascou a daté la partie gauche de l’épitaphe de l’époque julio-claudienne et la partie droiteaprès 161 de n. è. ! La localisation reste incertaine : soit à Aix-en-Provence (peut-être au mausolée de la porte d’Italie, cf. CAG 13/4, p. 373), soitau Puy-Sainte-Réparade.

d’Acoros on peut aussiconsidérer que deux péré-grins à onomastique celtique(Verax, fils d’Antenor etPotissuma, fille d’Olluna)ont fait une dédicace à deuxdivinités indigènes à Rognes(Beaulieu : n° 252) (fig.39) 444 ; comme Acorus,leurs théonymes ne sont pasconnus ailleurs : les Uroicaeont été peut-être les déesses-mères de la bruyère, et lesAII[---]inenses ont été éven-tuellement les déesses-mères de la longévité ou de

l’éternité 445. Pas loin de la ferme de Conil (propriété deRobineau de Beaulieu), on a trouvé la statue d’un person-nage (une divinité, peut-être aussi une déesse-mère ?)avec l’ex-voto d’une certaine Statia Phtengis (le gentiliceest populaire en Narbonnaise et le surnom d’originegrecque, Phtengis, est aussi attesté à Nîmes) (n° 251) (fig.40) 446.

À Rognes, il y a aussi un grand autel (h. 68 cm) sur

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Ralph Häussler

Fig. 39 -Rognes : Autel dedié aux déesses-mères Uroicae et les AII[---]inenses (photo Ph.Foliot, Centre Camille Jullian).

lequel est gravée une seule lettre : « M » et un objet quiressemble une bourse ou une bouche (n° 250) (fig. 41).S’il ne s’agit pas simplement d’un motif géométrique, le« M » peut indiquer soit Mars, Mercure, Minerve oumère 447.

Fig. 40 - Rognes: une déesse-mère? Dédicace de Statia Phtengis (photoPh. Foliot, Centre Camille Jullian).

Fig. 41 - Rognes : un autel dédié à Marsou Mercure (?) (d’après ILN-3, 241,photo Ph. Foliot, Centre Camille Jullian).

Le Puy-Sainte-Réparade

Le Puy-Sainte-Réparade est situé au nord-ouest deVenelles (v. supra). C’est un endroit idéal pour les rési-dences aristocratiques à cause de la vue sur la vallée de laDurance et de la proximité au chef-lieu de la cité. Unevilla gallo-romaine récemment fouillée, avec péristyle etthermes (Ier-IVe s. de n. è.) 448, était probablement la rési-dence d’une famille influente de la cité d’Aix, comme lesValerii (n° 297), les Cornelii (cippe de l’époque julio-claudienne ; n° 291) et probablement les Iulii, flamines etpatrons de la cité (n° 297) 449.

Il y a d’autres villas (n° 292, 294-6) dont certaines (par

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ex. au Fouquet, aux Goirands et au quartier Régine) ontété occupées depuis env. 100 av. n. è. et qui ensuite ontacquis les caractéristiques des villas luxueuses sous leHaut-Empire. Ce paysage polynucléé a remplacé le rôlede l’oppidum La Quille du second âge du Fer, qui couvrait 1,8 ha sur une plate-forme rocheuse d’une alti-tude de 454 m (n° 293).

Dans ce contexte plutôt aristocratique du Puy-Sainte-Réparade, on a trouvé, à Saint-Canadet, un ensembled’inscriptions dédiées aux nymphes, motivées moins parla proximité à la Durance que par une source locale (n°297). L’inscription d’un certain Servatus est intéressanteà cause de son orthographe, Nenpae (Nenpis (!)) 450,pour laquelle on trouve un parallèle direct, Nimpae, auchef-lieu à Aix 451. Les variations orthographiques pourles nymphes pourraient suggérer qu’il s’agisse ici de l’appropriation de ce théonyme dans la langue et la religion locale (une celtisiation, vulgarisation). La dé-dicace aux Parcae paraît également mieux appropriée àun contexte plutôt indigène (par exemple, la chapelled’une communauté rurale), si on considère le style dutexte et l’onomastique pérégrine de la dédicante, Ma-terna 452.

Lambesc

Comme nous avons déjà vu ci-dessus, il y a une occu-pation très dense dans la région de Lambesc : plusieurssites perchés des IIe-Ier s. av. n. è. (par ex. Manivert, laFont-d’Arles, Suès) et un dense réseau d’établissementsruraux : sur seulement 5 km au sud de la chaîne desCostes il y a 13 établissements ruraux sous le Haut-Empire. Comme ailleurs, on peut aussi supposer queLambesc a connu une large continuité de la populationautochtone et c’est dans ce contexte qu’il faut com-prendre la présence des divinités indigènes : Suleviae,Iboita et Mercure. Par exemple, l’autel aux Suleviae, lesdéesses-mères indigènes avec théonyme celtique, a ététrouvé à la ferme/villa du Grand Verger, associé à unepetite statuette en plomb (hauteur de 5 cm) qui représenteune déesse (n° 262).

Au quartier de la Font d’Arles, près de Lambesc, aupied d’un oppidum de l’âge du Fer (qui se trouve sur lepromontoire du Coulet de Viret, n° 263 453) et à l’endroitoù une source naissance 454, on a trouvé trois dédicacesoffertes par des affranchis qui ont vénéré la déesse Iboita.

Il s’agit soit d’une divinité topique des eaux (probable-ment un sanctuaire de la source Iboita), soit, comme proposé par P. De Bernardo Stempel, de la « déesse àboire ? » (v. supra). Bien que seuls les affranchis, proba-blement associés aux domaines voisins, aient élevé desautels en pierre, cela n’exclut pas que la déesse ait étéaussi vénérée par la population rurale.

Au quartier des Taillades on a trouvé un bâtiment quipeut être identifié comme un « fanum » : il consiste enune cella (sans mobilier, mais avec des dispositifs liés àl’eau) entourée d’une galerie dans laquelle se trouvait latotalité du mobilier (fin Ier - IIe s. de n. è.) (n° 260).

Le grand autel à Mercure (h. 94 cm, mais brisé en bas)provient probablement de la chapelle de San-Peyre, où ila été trouvé en remploi (n° 265 455) ; les lettres sont d’unebonne facture (bien que l’autel soit aujourd’hui trèsendommagé) et ce monument peut donc marquer un lieude culte socialement et politiquement important.

Vernègues : Sanctuaire de Jupiter tonans

Le sanctuaire de Vernègues (Château-Bas) est situé àproximité de la voie Aurélienne à la marge occidentale duterritoire d’Aquae Sextiae 456. Une source karstique est àl’origine de ce lieu sacré, dont la monumentalisation acommencé vers la moitié du Ier s. av. n. è. ; les chapiteauxà têtes (dont la forme existe déjà sur les chapiteaux deGlanum du IIe s. a.v. n. è.) peuvent être attribués à un premier bâtiment cultuel (50–25 av. n. è.). Mais déjàquelques années plus tard on a suivi le modèle architec-tural romain : environ à la même époque que les temples géminés de Glanum, vers 30–20 av. n. è., on a construitun temple à podium (tout à fait proche stylistiquement etchronologiquement des temples géminés de Glanum) surune impressionnante plate-forme semi-circulaire de55,60 m. La source a été captée au moyen d’une galerieen grand appareil, d’une forme typique de l’époque hel-lénistique et augustéenne, et il y a au moins trois grandsbassins ; au-dessous du temple, des constructions peuventêtre associées à un complexe thermal.

C’était un investissement financier important en archi-tecture, au-delà de ce qu’on peut attendre pour un culterural : on peut l’expliquer de plusieurs façons l’éla-boration du sanctuaire.

Par exemple, on peut rappeler la popularité des sanctuaires guérisseurs en Narbonnaise et dans tout

450 ILN-3, 213 : Nenpis | u(otum) l(ibens) m(erito) | Seruat|us.451 ILN-3, 15 : Nimp(h)i(s!) | P(r)iam(us) | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito).452 ILN-3, 214 : Parcis | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Materna.453CAG 13/4, n° 055, 38*454D’après Gérin-Ricard 1911-1914, 251-253.455CAG 13/4 n°055, 20*.456Fournier et Gazenbeek 1999 ; BS PACA 1999, 122-4 ; CAGR-5, p. 112 sqq., n° 370 ; CAG 13/4, n°115, 6* sqq.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 70: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

l’Empire romain. Les bassins (et peut-être aussi les thermes) pourraient probablement être attribués à cecomplexe sacré, parce qu’à l’époque romaine beaucoupde lieux sacrés ont été convertis en établissements ther-maux. Pour un culte guérisseur il est habituel de trouverdes ex-voto dédiés par les patients guéris, mais ce n’estpas le cas à Vernègues.

Deuxième hypothèse : un ensemble cultuel, qui domine une agglomération de 10 à 15 hectares, pourraitêtre le centre religieux d’un uicus, mais cela n’a pas étéle cas dans un premier temps à Vernègues parce que levillage, semble-t-il, a été construit en grande partie aprèsla fondation du sanctuaire, tandis que les habitats proto-historiques (comme l’oppidum de Saint-Saens, n° 278)sont trop loin pour avoir un rapport avec lui. La proximitéde la voie Aurélienne est certainement une raison pour lafondation de ce sanctuaire et de l’agglomération.

Troisième hypothèse : on peut imaginer qu’il s’agit, àl’origine, d’un sanctuaire extra-urbain de la cité, peut-êtredédié au culte impérial. La présence d’un flamen Romaeet Augusti 457 et des sculptures qui probablement repré-sentent une dea Roma et des petits-fils d’Auguste, pour-rait indiquer une association avec le culte de l’empereur.Mais le culte de l’empereur n’était pas, semble-t-il, à l’origine de Vernègues, pendant que l’insertion du culteimpérial est absolument normale pour un lieu de culte

socialement et politiquement important pendant le HautEmpire : cela montre surtout le caractère officiel du sanctuaire de Vernègues qui a été inséré dans le fonction-nement de la cité et géré par les magistrats de la munici-palité (cf. la mention d’un flamen et des mu]nicipe[s 458).

Quatrième hypothèse : A. Roth Congès a proposé quel’agglomération secondaire romaine de Château-Bas,succédant à l’oppidum du Vieux-Vernègues, pourrait bienêtre la capitale Anatilia, oppidum Latinum, selon Pline,dans la regio Anatiliorum (Pline, nat. hist., 3, 34-36). Il sepourrait alors que le temple de Vernègues soit celui duforum d’Anatilia, mais la topographie locale est trop malconnue pour l’affirmer, et on peut avoir comme à Nîmesun sancturaire de l’eau récupéré ensuite par le culte impé-rial.

Mais qui sont les divinités vénérées ici ? La sourcesacrée suggère un culte des divinités guérisseuses etchthoniennes. Pour un culte lié à l’eau, le fragment d’unfrise avec une dédicace aux Nymphes, attribuée àVernègues, semble approprié 459, également la présencede Neptune sur une représentation (v. infra). Dans les rui-nes du temple on a aussi trouvé un petit autel au dieucéleste : Jupiter tonans (« Jupiter tonnant ») (fig. 42) 460.L’épithète tonans est équivalente avec le théonyme cel-tique taranis 461 et on peut y voir un rapport avec lesinscriptions à la foudre qui sont très répandues en Nar-

Fig. 42 - Vernègues, Château Bas :l’autel à Ioui tonanti et l’autel à quatre divinités (photo : T. Valérian, T., Archives Photographiques, Médiathèquedu Patrimoine © CMN).

457 ILN-3, 261 : ---] Augusto Caesari | [---] Romae et August[i--].458 ILN-3, 268 : ---]O ADQV[---] | [--mu]nicipii[---] | [---]O[.459 ILN-3, 260 : NYM[---].460 ILN-3, 259 : Ioui | tonanti.461Delamarre 2003, 290, s.v. taranus ‘l’orage’.

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Ralph Häussler

Page 71: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

bonnaise, comme nous l’avons déjà vu ci-dessus 462.Mais est-ce vraiment une divinité romano-celtique ?

En même temps qu’on a construit le temple à Vernègues,Auguste a édifié un temple à Jupiter tonans sur leCapitole en 22 av. n. è. 463. Coïncidence ? Dans les religions indo-européennes, les théonymes en rapportavec le tonnerre sont bien sûr très répandus : taranis cel-tique, donar germanique, tonans latin, bront«n grec 464.Les indigènes pourraient donc avoir identifié leur dieucéleste avec le Jupiter d’Auguste ; ils ont ainsi intégréleur dieu indigène dans une narration politico-religieusede l’Empire, non pour montrer leur loyauté à Rome, maispour amplifier la puissance du culte local.

Il y a aussi un autel à quatre divinités (probablementdu Ier s. de n. è. selon E. Espérandieu) qui montre Jupiter,Neptune, Mercure et Minerve (fig. 42) 465 et qui ressemble aux blocs à quatre divinités très répandus enGaule orientale (Rhénanie). Cette association de divinitésmontre plutôt des conceptions indigènes 466 : on pourraitimaginer une triade masculine (comparable à Taranis,Esus, Toutatis de Lucain ; Neptune ici pourrait représen-ter le dieu chthonien, le dieu de la source de Vernègues)et la déesse-mère celtique nommée Minerve par César.Cela ressemble aussi à des représentations sur les chapi-teaux archaïsants de Vernègues qui montrent les têtes des

divinités masculines et féminines – analogues, semble-t-il, à ceux de Glanum.

On a aussi trouvé à Vernègues un autel anépigrapheavec les représentations d’une roue, d’un maillet et d’unarbre 467 : cela pourrait représenter les attributs de troisdivinités : la roue pour Jupiter taranis et le maillet deSilvain sucellos ; comme nous l’avons déjà vu, l’arbrejoue un rôle important dans le culte indigène et il peutaussi être le symbole d’une divinité indigène : à partCallirius « Celui de l’Arbre » (mais il pourrait être équi-valent à Silvain), on pense par exemple à Esus qui est entrain d’élaguer un arbre sur le pilier des nautes àParis 468 ; Esus peut-être identifié à Mars ou Mercuredans notre région 469. Les deux autels pourraient doncreprésenter une triade indigène.

C’est donc un sanctuaire d’origine indigène qui a ététransformé à l’époque augustéenne par les interventionsdes élites et de la cité (par les magistrats locaux s’il s’agit d’un oppidum Latinum). On a adapté un culte indi-gène au Zeitgeist, à l’esprit du temps du Haut-Empire.Autour du sanctuaire une agglomération s’est développéeen profitant de la proximité de la voie Aurélienne.

Dans la commune voisine, Alleins, on a aussi trouvéune dédicace à Jupiter (n° 272).

Fig. 43 - Vernègues, Château-Bas : statue d’une déesse (photo : Valérian, T. : Archives Photogra-phiques, Médiathèque du Patrimoine © CMN).

462Rémy et Buisson 1992.463Aug., Res gestae, 19 : (…) aedes in Capitolio Iouis Feretri et Iouis Tonantis (...) feci.464Par exemple, le Ioui sancto brontonti de Rome (CIL VI 432 = ILS 3046) ; pour Zeus Bronton (un dieu indigène en Asie Mineure), cf. maintenant

G. F. Chiai (dans ce volume).465Esp. 127.466Pour les colonnes de Jupiter en Rhénanie, cf. Bauchhenß 1981.467N° 280 ; Esp. 1691.468Pour le pilier des nautes, cf. Esp. IV 3132-3135 = ILS 4613 = CIL XIII 3026a = CAG 75, p. 445-452, 760*.469Cf. la représentation d’un arbre/laurier sur la dédicace à Mercure, Esp. 278.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 44 - Vernègues, Château-Bas : le temple à podium (photo : Valérian, T. : ArchivesPhotographiques, Médiathèque du Patrimoine © CMN).

Page 72: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

5.7 L’est de la cité d’Aix : une région montagneuse et ses cultes indigènes

Fig. 45 - Carte de répartition des sites : triangle : lieu de culte ; cercle : oppidum, site perché ; carré: autre habitat (de l’époque romaine).

Tableau 7 - Résumé : Les lieux de culte dans la partie orientale de la cité d’Aix (les numéros sont reportés sur la carte, fig. 45).

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Ralph Häussler

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

300 MEYRARGUES,château, en remploi ;CAG 13/4, n° 059

• Pomp(onius) Vit(alis) ;Anni Veri Quint(anensis)

• plaque de marbre • ILN-3, 192

301 MEYRARGUES,Vauclaire, villa

• CAG 13/4,n° 059, 5*

302 MEYRARGUES,Plateau de l’AnciennePapeterie : oppidum (IIe-Ier s. av. n. è. ; romaine ;Ant. tardive) : ensemblearchitectural important

• CAG 13/4,n° 059, 8*

303 PEYROLLES-EN-PROVENCE, Notre-Dame-d’Astors, site per-ché âge du Fer ; villa,tête de Bacchus(?)

• (Bacchus ?) • CAG 13/4,n° 074, 5-6*

304 PEYROLLES, lePlan, les Rivaux : villa

• CAG 13/4,n° 074, 10*

305 PEYROLLES, lesBlanquettes, site dehauteur en légère émi-nence, Ier s. av. - IIIe s.de n. è.

• CAG 13/4,n° 074, 4*

306 JOUQUES, laGarduelle: villa romaine,probablement pas d’ag-glomération secondaire

• CAG 13/4,n° 048, 8*

307 JOUQUES, Notre-Dame-de-la-Conso-lation, oppidum, VIe-IIes. av. n. è.

• CAG 13/4,n° 048, 6*

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Cadenet

Villars

Via Domitia Catuiacia?

Cucuron

montEntremont

Saint-ZacharieSaint-Zacharie

ArcArc

Roussillon

Goult

Oppède

L U B E R O N

L U B E R O NLacoste

Gordes

Lourmarin

La Tour-d'Aigues

ureVillelaure

Montsalier

Gargas

Buoux

Reillane

La BastidonneLa Bastidonne

JouquesJouques

VenellesVenelles

VauvenarguesVauvenargues

CabrièsGardanneGardanneBouc-

Bel-AirGréasqueGréasque

PourrièresPourrières

PuyloubierPuyloubier

OllièresOllièresSaint-Maximin-Saint-Maximin-la-Sainte-Baumela-Sainte-Baume

Plan-d'AupsPlan-d'Aups

RougiersRougiers

La Roque-La Roque-brussannebrussanne

GaréoultGaréoult

TretsTrets

Roquefavour

Roquepertuse

Rognes

Lambesc

Alleins

Mérindol Lauris

Saignon

Étang de Berre Vitrolles

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372372

375375

378378380380

245285283

284

282

Constantine

281

269 268264

277

279

278272

274286

287-9290

259275-6

261263

262265

267 266247

248-9

253-5

256-7

294295295

291251

252250

D u r a n c eD u r a n c eVernègues

201201

IXAIX

270

310310 311311

RiansRians

D u r a n c e

Rustrel

Oppédette

Éguilles

MimetMimet

Lançon

La Roque-d'Anthéron

Page 73: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

308 JOUQUES, Gerleet Marine : villas

• CAG 13/4,n° 048, 11-12*

309 JOUQUES, Sous-la-Sicarde, oppidum, IIe-Ier s. av. n. è.

• CAG 13/4,n° 048, 2*

- JOUQUES, Saint-Estève (cf. n° 312 : encommune de Rians)

• autel aux MATRES GERU-DIATIAE (cf. n 312)

• CAG 13/4, n°048, 16*, p. 562

- JOUQUES, source deTraconnade

• C(aius) Mar[ius ?] • perdue • ILN-3, 178

310 SAINT-PAUL-LÈS-DURANCE, Les Cou-vents, villa, Ier-IVe s.

• CAG 13/4,n° 099, 8*

311 VINON-SUR-VER-DON : villa

• Stefanis; Neaniscus • cippe, détruit • ILN-3, 159 CAG 83/2, n° 151

312 RIANS, chapelle St-Estève ; Sinne : tumuli

• MATRIBUS GERUDIA-TABUS

• Iulia Minia • autel, perdu • ILN-3, 160

313 RIANS, égliseSaint-Pierre, oppidum

• CAG 83/2, n°104, 6*

314 RIANS, LesToulons, La Vicarie :villa et mausolée

• CAG 83/2, n°104, 24*, 25*

315 RIANS, La Blanque • PARCIS • Cn. Licinius Gratus • autel de calcaire • ILN-3, 161 CAG 83/2,n° 104, 27*

316 RIANS, MontMajour : oppidum IIe-Ier

s. av. n. è.

• CAG 83/2,n° 104, 5*

317 ESPARRON • T. Domitius Pedullus,Ter(entina), Arelatensi ;Eutychion• G Iulius Vitio ; Q. IuliusSupestes ; Iulia Avita ; Q.Lucanius Insequens

• bloc de calcaire

• stèle de calcaire

• ILN-3, 156

• ILN-3, 157

318 ROUSSET,Pascoun

• bas-relief, Bacchus (?) • bas-relief de marbre blanc

• CAG 13/4,n° 087,13*

319 Rousset, Favary :villa

• CAG 13/4,n° 087, 2*

320 ROUSSET, lePlantier : occupation100 av. - 300 de n. è.(bassin hydraulique)

• CAG 13/4,n° 087, 7*

321 ROUSSET, fermedu Défends (Saint-Chamat)

• petit autel votif anépigraphe • CAG 13/4,n° 087, 5*

322 PUYLOUBIER;Richeaume I: villa, Ier av.- VIe s. de n. è.

• CAG 13/4,n° 079, 10* 470

323 PUYLOUBIER;Bramefan: oppidum, finIIe s. - fin Ier av. n. è.

• CAG 13/4,n° 079, 1*

324 PUYLOUBIER,Mitronet, site perché,env. 250 - Ier s. av. n. è.

• CAG 13/4,n° 079, 6*

325 PUYLOUBIER,l’Avocat ; occupationprotohistorique

• IUNONI • Trebia Lucilla, ex uisu • autel de calcaire • ILN-3, 174 <CAG 13/4, n°079, 25*

326 PUYLOUBIER, laTour, petit établissementIIe-Ier s. av. n. è.

• CAG 13/4,n° 079, 29*

327 PUYLOUBIER, leJasmin, constructiongallo-romaine

• ? torse de statue (fin âgedu Fer)

• CAG 13/4,n° 079, 34*

328 PUYLOUBIER,Saint-Pancrace ; villa

• fanum • CAG 13/4,n° 079, 37*

470Cf. aussi Delestre 2005, 101 ; BS PACA 2003, 152-3.

– 227 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 74: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune, lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité - dédicants

épitaphes ;onomastique

autel, pierre référence

329 PUYLOUBIER,Meironnette, établ. agri-cole, 2e âge du Fer -Ant. tardive

• CAG 13/4,n° 079, 40*

330 POURRIÈRES,oppidum Pain deMunition

• CAG 83/2,n° 097, 5*

331 POURRIÈRES, auvillage

• C(aio) M[an?]lio Tyrann(o) • perdue • ILN-3, 165

332 POURRIÈRES,Trophée de Marius

• N(-) D(EO ?-) • --- • autel avec dieudans une niche

• ILN-3, 164 ;CAG 83/2, n°097, 22*

333 POURRIÈRES, LaPetite Pugère, uicus deTegulata (?)

• CAG 83/2,n° 097, 23*

334 POURRIÈRES,Saint-Andéol

• CEILNIIO • Placidus, Advetisson(is)f(ilius)

• mausolée

• autel en forme decippe

• ILN-3, 163

• CAG 83/1,n° 097, 25*

335 POURRIÈRES, LesEyssalettes, proche deSt-Andéol : villa

• statue de Vénus • ---• ---]itti Cris[---. • perdue • ILN-3, 166

• CAG 83/2,n° 097, 27*

336 POURRIÈRES,Roquefeuille, villa gallo-romaine (près de 337)

• tête de statue de Silvain • CAG 83/2,n° 097, 17*, fig.666a-b

337 POURRIÈRES,Mont Aurélien (878 m),habitats de l’âge du fer

• CAG 83/2,n° 097, 8-16*

338 POURRIÈRES ouplutôt à TRETS ?

• ACT[-] (?) • ? FOMV[---]I VALERA[---]S[---]

• bloc cubique enmolasse

• ILN-3, 162

339 TRETS, v.338supra340 TRETS, GrandePugère, “ferme gauloi-se” (non datable)

• CAG 13/4,n° 110, 12*

341 TRETS, Bendel :villa - Ier-IIe s. de n. è.

• CAG 13/4,n° 110, 6*

342 TRETS, Kirbon,installation de pressage

• CAG 13/4,n° 110, 5*

343 TRETS, Saint-Jean-du-Puy: site perché, 200av. n. è. - Ant. tardive

• CAG 13/4,n° 110, 2*

344 TRETS, MontOlympe : agglomérationperchée, IIe-Ier s. av.n. è.

• CAG 13/4,n° 110, 1*

345 TRETS, val deTrets

• [---] • u.s.l.m. • petit autel • CAG 13/4,n° 110, p. 695

346 POURCIEUX,Moulin de Vitalis : bâtiment agricole

• CAG 83/2,p. 569, n° 096

347 POURCIEUX,Grand / Petit Fort desAgaux, enceinte rectan-gulaire ; oppidum del’âge du Fer

• CAG 83/2,n° 096.

348 OLLIÈRES, LaCaillère, villa

• CAG 83/2,n° 089

349 OLLIÈRES, Saint-Jean, lieu de culte

• HERCULI• statuette en calcaire

• Fausta • autel de calcaire • ILN-3, 158• CAG 83/2, n° 89

350 SAINT-MAXIMIN-LA-STE BAUME, Puitsde la Vieille

• -]ANOTE[-|-]ARINI • disparue • ILN-3, 151

351 SAINT-MAXIMIN,Verdagne : villa

• CAG 83/2,n° 116, 21*

352 ST-MAXIMIN,Saint-Jacques, habitatrural

• Siluanus, Litum[a]ri f(ilius) • julio-claudienne • ILN-3, 149 CAG 83/2, n°116, 18*

355 SAINT-MAXIMIN,Les Mourgues

• Ti]tullinu[s ?] • bloc de calcaire • ILN-3, 152

– 228 –

Ralph Häussler

Page 75: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Commune,lieu-dit, identification

dédicaces - numen de la divinité dédicants

épitaphes ;onomastique autel, pierre référence

356 SAINT-MAXIMIN,provenance incertaine

• S]ex. Atilius Optatus ;[C]ornelia Q. f. Secundio ;[Se]x. Attilius Firmianus• Va]leria Thematiliana ; L.Valerius Certus ; L. ValeriusLicinus

• plaque de grès

• perdue

• ILN-3, 148

• ILN-3, 150

360 SAINT-ZACHARIE,Couvent des Béné-dictines (CAG 83/2, n° 120, 11*)

• [[IOVI O(PTIMO)MAX(IMO)]]

• --- • autel de calcaire • ILN-3, 168

• Sex. Attius At[ticus ;Valeria Sexti[na ; [ValeriaAt]tia ; [Sex. Attius Festus] ;Attia [Nouella] ; Mem[mi]aPris[ca] ; L. Att[i]us[Se]cu[ndus] • L. Attius Q. f., Vol(tiniatribu), Rufinus ; L. Clodi[u]sPosphorus

• plaque de grès

• stèle de calcaire

• ILN-3, 170

• ILN-3, 171

361 SAINT-ZACHARIE,plateau, près du village

• REPVSI CIIIEII [----] IIIV-MII (?)

• cippe en pierre • ILN-3, 172

362 SAINT-ZACHARIE,Le Camp d’Aga : villa

• CAG 83/2,n° 120, 13*

363 SAINT-ZACHARIE,habitat perché :Castrum d’Orgnon (5*)

• MARTI GIARINO • Sex(tus) Iul(ius)Firminus

• autel de calcaire • ILN-3, 169

364 SAINT-ZACHARIE,La Taurelle : ferme

• CAG 83/2,n° 120, 14*

365 SAINT-ZACHARIE,au nord de Saint-Pilon /AURIOL, Moricaude

• MATRIBUS UBELNABUS• temple ?

• Sex(tus) LiciniusSuccessus

• cippe • CIL XII 333 (p.809) 471

366 PLAN-D’AUPS,Sainte-Germaine, habi-tat rural

• MATRIBUS ALMAHABU[S • Sex(tus) Vin[d]iu[s]Sabinus

• autel de calcaire • ILN-3, 167 ;CAG 83/2, n° 093

367 ROUGIERS, LePiégu : oppidum IIe-Ier s.av. n. è.

• CAG 83/2,n° 110, 4*

368 ROUGIERS, Vieux-Rougiers ; chapelleSaint-Jean, habitat del’âge du Fer

• IOVI CONSERVATORIOMNIUM RERUM• IOVI FRUGIFERO

• M(arcus) [E]ruciusNa[tal]is• M(arcus) Erucius [N]atalis

• perdue

• autel de calcaire

• ILN-3, 153

• ILN-3, 154CAG 83/2, n° 110,10*; 12*

369 ROUGIERS,Grande-Rue

• Q(uintus) Licin[ius] TrocusMa[---?]

• bloc de calcaire • ILN-3, 155

370 LA ROQUEBRUS-SANNE, La Baume duMuy : oppidum

• CAG 83/2,n° 108, 2*

371 LA ROQUEBRUS-SANNE, La Croix deBérard : oppidum

• CAG 83/2,n° 108, 6*

372 LA ROQUEBRUS-SANNE, La Frise (LaBatarelle) : villa

• T. Valerius V[a]lentius ;T(itus) Valerius Aga-[th]angelus ; Iuli[a---

• ILN-3, 145

373 LA ROQUEBRUS-SANNE, Le GrandLoou: villa

• CAG 83/2,n° 108, 15*

374 LA ROQUEBRUS-SANNE

• Pomp(onius) Vit(alis) expr(aediis) Anni VeriQuint(anensis)… ?

• AE 1965, 192

375 GARÉOULT, Saint-Etienne, habitat et lieude culte

• autel anépigraphe • CAG 83/1,n° 064, 7*

378 GARÉOULT, au village, Saint-Martin

• LAUSC(O?) • Varus • stèle • ILN-3, 140

• VES[TAE?]/VES[SANIAE?] • L Vinic[---] • bloc rectangulaire • ILN-3, 143• ---]COR NAS[---• ---]REG[---

• ILN-3, 141• ILN-3, 144

379 GARÉOULT, rueLouis Cauvin: nécropole

• CAG 83/1,n° 064, 5*

380 GARÉOULT, Saint-Martin / Cros Laugier :habitat rural

• C(aio) Iulio Reburro ; Iuliae C(ai) f(iliae) Prim(a)e

• ILN-3, 142CAG 83/1, n° 0642*

471Cf. CAG 13/3, p. 774-5, n° 007, 6*, s.v. Auriol, à la Moricaude (alt. 230 m) : l’autel a été trouvé dans le champ de Moricaud, près de la frontièreavec la commune de Saint-Zacharie.

– 229 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 76: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

La région orientale de la cité d’Aix semble dominéepar des cultes indigènes. Les déesses-mères ont été véné-rées dans toute la région ; on les trouve souvent dans leszones un peu reculées et sur des sites de hauteurs, commeà Saint-Zacharie, Rians, Plan-d’Aups, chaque fois avecune épithéte unique (Gerudiatiae, Ubelnae, Almahae) (n°312, n° 365, n° 366) ; on trouve aussi d’autres déesses-mères indigènes, les Parcae (n° 315) et probablementJuno (n° 325). Nonobstant le grand nombre des villasromaines, on trouve aussi de nombreuses divinités por-tant des théonymes celtiques, comme Giarinos (n° 363),Lauscos (n° 378) et Ceilniios (n° 334), ainsi qu’un Jupiterindigène à Rougiers, le Jupiter frugifer et conseruator (n°368).

Au sud de la Durance : les déesses-mères

D’après les prospections, ce territoire montagneux ausud de la Durance semble être assez densément peuplé.Au IIe-Ier s. av. n. è. nous trouvons ici un grand nombrede sites perchés (mais pas nécessairement des oppida,c’est-à-dire des agglomérations de hauteur protégées parun rempart), comme à Meyrargues (n° 302), à Peyrolles(n° 303, 305), à Jouques (n° 307, 309 : une agglomérationà Notre-Dame de Consolation) et à Rians (infra), dontcertains continuaient d’être occupé sous le Haut-Empire :par ex. l’habitat rural (une ferme ?), sur un plateau peuélevé et sans enceinte, aux Blanquettes à Peyrolles (n°305).

Dès le Ier s. de n. è., on trouve aussi un grand nombre de « villas » résidentielles, surtout entre laDurance et les versants nord des montagnes, par exempleà Meyrargues (n° 301), à Peyrolles (n° 303, 304), àJouques (n° 308), à Saint-Paul-lès-Durances (n° 310) et àVinon-sur-Verdon (n° 311), mais il y a aussi des rési-dences aristocratiques en région plus montagneuse,comme à Rians (n° 314) ; à Esparron on trouve le domi-cile des Domitii de la cité d’Arles et de Iulii (n° 317) 472.Dans la commune de Jouques on trouve une agglomé-ration (ou une villa ?) à la Garduelle à proximité de laconfluence de la Durance et le Réal, sur la voie des Alpes

(n° 306) 473. Par contre, les indices pour des lieux de cultesont rares dans cette région, avec l’exception de Rians.

À Rians, territoire montagneux un peu à l’écart desgrandes voies de communication, on trouve dix habitatsperchés fortifiés de l’âge du Fer, par exemple au MontMajour et à Saint-Pierre (n° 313, 316) 474. Pendant le Ier

s. av. et le Ier s. de n. è., ce paysage fut progressivementtransformé en une campagne parsemée de petits habitatsruraux. Une villa avec mausolée, comme aux Toulons (n°314), montre encore une fois qu’il s’agit ici d’une élitequi semble investir plus dans ses domaines ruraux quedans le chef-lieu de la cité, même ici, dans un endroitreculé.

Pour l’analyse des deux cultes aux déesses-mères deRians, il faut donc tenir compte de la présence d’une élitequi essaie de montrer son pouvoir sur la terre et le peupleavec sa villa et son mausolée.

La dédicace aux mères Gerudiatae par Iulia Minia aété trouvée à la chapelle Saint-Estève (n° 312), entre lescommunes de Rians et Jouques. Il est envisageable que laproximité des tumuli de l’âge du Fer, comme à Sinne et àLambruisse 475, ait peut-être forgé la sacralité de ce lieu,ou alternativement l’ancienneté du lieu à servi à légitimerle culte des mères et le pouvoir des patrons locaux. Lethéonyme Gerudiatae pourrait être déonomastique, maisnous ne connaissons pas de toponyme comparable dans larégion 476. Si ce n’est pas le cas, l’étymologie du théo-nyme est plus problématique : on peut peut-être le mettreen rapport avec la racine celtique garo- « cri » ou la racine grecque gerus- « voix », comme dans le cas de ladea Garmangabi « Preneuses-de-Cris » 477.

L’autel aux Parcae (n° 315), avec de belles lettres etdédié par un citoyen romain (n° 315), a été trouvé de l’autre côté de la commune de Rians, non dans un con-texte d’habitat du Haut-Empire 478, mais à La Blanque, àproximité des habitats perchés de 1’âge du Fer au MontMajour et à Castillon 479 – donc dans un contexte qui semble mieux approprié pour des déesses-mères d’uncaractère « indigène ».

472Pour les Domitii, cf. Burnand 1975.473Congès 1986b, 27.474CAG 83/2, p. 596, 5*-6*.475CAG 83/2, p. 596, n° 104, 12*-13*.476 ILN-3, 160 : Matribus | Gerudatiabus | Iulia Minia | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; CAG 83/1, n° 104, p. 605, 31*; p. 596, 13* ; la dédicace

a été trouvée dans la commune de Rians et pas à Jouques, cf. CAG 13/4, p. 562, n° 048, 16*, s.v. Jouques ; pour Minia comme nom celtique, voirHolder II 596-597 ; Delamarre 2003, 227, s.v. minio-, meno- ‘doux’ (par ex. Minius, etc.). Selon P. De Bernardo Stempel (2007b) Gerud-atiaepourrait dériver d’un toponyme, comme Gerunda (Gerona).

477Delamarre 2003, 176, s.v. garo- ‘cri’ ; pour la dea Garmangabi de Lanchester (Angleterre) (RIB 1074), G. Olmsted (1994) a proposé une déesseceltique *Carmana ou Garmana « (She of the) Weaving Beam » ou « Weaver (of Fate) », donc *Carmana et peut-être aussi Garmangabis pour-raient être l’équivalent des Fates romaines et des Klothes et Moirai grecques.

478Il y a peut-être un habitat de la période romaine au lieu-dit Collet Saint-Martin (CAG 83/2, p. 604, n° 104, 26*).479CAG 83/2, p. 596, n° 104, 4* ; 5* ; 27* ; ILN-3, 161 : Parcis | u(otum) s(oluit) | Cn(aeus) Licinius | Gratus.

– 230 –

Ralph Häussler

Page 77: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Autour de la voie Aurélienne : dieux indigènes dans un contexte romain

Dans le territoire entre Puyloubier et Ollières noustrouvons des zones distinctes. D’un côté, il y a la régionproche de la voie Aurélienne et la plaine de l’Arc, entreTrets, Pourrières et Ollières, où on trouve un grand nombre d’habitats ruraux, des « villas » et une grandevariété d’exploitations agricoles spécialisées (commel’installation de pressage à Trets (n° 342), un bassinhydraulique à Rousset (n° 320) ou un four de poterie àPuylobier 480).

De l’autre côté, ce sont des régions plus montagneusesdes deux côtés de la voie Aurélienne : au nord, versRians, on trouve des oppida, comme Bramefan (n° 323),Mitronet (n° 324) et le Pain de Munition (n° 330). Maisc’est surtout au sud dans un contexte un peu « reculé »,où les montagnes couvrent toute la région entre la voieAurélienne et la Chaîne de la Sainte-Baume, qu’on trouve un grand nombre de lieux de culte, d’oppidaprotohistoriques et de fermes gallo-romaines. Le rôle desoppida comme agglomérations, comme au Mont Olympeà Trets (n° 344), a largement disparu au Ier s. av. n. è.,mais sur ces sites perchés on trouve des cultes d’origineindigène ou protohistorique, comme Mars Giarinos auCastrum d’Orgnon (n° 363).

Puyloubier : Iuno

Le paysage de Puyloubier aussi a été marqué, jusqu’auIer s. av. n. è., par des sites perchés (n° 323, 324), puis pardes habitats agricoles dans la plaine. À Puyloubier, aulieu-dit l’Avocat (n° 325), une citoyenne romaine a élevé,à la suite d’une vision, un grand autel (hauteur 130 cm) àJunon 481. Mais ici il y a eu aussi une occupation proto-historique et on peut donc imaginer que ce lieu a été choisi à cause de sa sacralité à la fin de l’âge du Fer. EnGaule romaine, Junon est souvent la compagne du Jupiter

gallo-romain et donc la déesse-mère suprême celtique(une variation de la Minerve de César), tandis qu’en Nar-bonnaise, on trouve aussi les Iunones 482, des déesses-mères indigènes, comparables aux Suleviae et aux Prox-sumes.

Au lieu-dit le Jasmin on a trouvé le torse d’une statuequi semble dater de la fin de l’âge du Fer : peut-être unefonction cultuelle (n° 327) ? Dans le contexte d’une« villa » à Saint-Pancrace (Puyloubier) (n° 328) on aidentifié un « fanum » (n° 328).

Pourrières : divinités indigènes dans un contexte « romanisé »

À Pourrières 483, à quelques kilomètres au nord de lavoie Aurélienne, le site perché fortifié pré-romain du Painde Munition a été, semble-t-il, seulement occupé à la finde l’âge du Fer (n° 330) 484. Selon Soyer 485, il y a desindices de centuriation romaine dans le territoire au nordde la rivière Arc. Des deux côtés de l’Arc et de la voieAurélienne, le territoire est dominé par des fermes impor-tantes et des mausolées associés : par exemple, une sériede villas à Bauvoisin 486, à Roquefeuille 487, à Berthoire(associée à un mausolée) 488 ; il y a aussi une villa avecmausolée au lieu-dit Les Eyssalettes (n° 335) 489, prochede Saint-Andéol (n° 334 : dédicace à ACT[---], v. infra).Un hameau au lieu-dit La Petite Pugère (n° 333) couvreenv. 2 ha (traditionnellement attribué au uicus de Tegu-lata, mais v. supra, s.v. Puyloubier) 490. À l’emplacementd’une villa à Roquefeuille, on a trouvé un trésor des monnaies marseillaises et la tête d’une statue de Silvain(n° 336) 491. Deux autels de caractère indigène ont ététrouvés à côté de deux mausolées : l’autel à N() D() aulieu-dit Trophée de Marius (n° 332) 492, et l’autel àCeilniio à Saint-Andéol (n° 334) 493. S’agit-il de lieux deculte contrôlés par les grands propriétaires locaux, cultesprobablement installés sur leurs propres domaines ?

480Laubenheimer 1984.481 ILN-3, 174 : Iunoni | ex uisu | Trebia Lucilla.482Par ex. à Glanum : AE 1958, 305.483CAG 83/1, p. 570-581, n° 097.484Bérato et alii 1994.4851973, 231 ; cf. Boissinot 2007.486CAG 83/1, p. 576, n° 097, 19*.487CAG 83/1, p. 575-576, n° 097, 17* : villa avec péristyle.488CAG 83/1, p. 576, n° 097, 20*-21*.489 ibid. p. 580-581, n° 097, 27*.490CAG 83/1, p. 578-579, n° 097, 23*.491CAG 83/1, p. 575-576, n° 097, 17*.492CAG 83/1, p. 577-578, n° 097, 22*.493CAG 83/1, p. 579-580, n° 097, 25-26*.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Page 78: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Dans le cas de Ceilniio, près de la chapelle de Sala-von/Saint-Andéol, la présence d’une église médiévalepourrait appuyer la thèse d’un lieu sacré assez importantpour la société de l’Antiquité qui été donc transformé enculte chrétien 494. La présence d’un bas-relief en marbreà Saint-Andéol, qui provient probablement d’un mauso-lée 495, montre que nous avons affaire ici à un contextearistocratique. Néanmoins le père du dédicant, Aduetis-sonis, un pérégrin, porte un nom d’origine celtique 496.Tout cela indique, d’après Jullian 497, une divinité topiquenommée d’après le mons Celeus (un toponyme seulementattesté pour la première fois en 1050 !), le Cengle moder-ne. Mais l’interprétation de P. de Bernardo Stempel sem-ble plus convaincante : elle explique Ceilniios comme*keil-n-yo-s « le dieu du compagnon », et donc peut-êtreune divinité de la vie, par exemple responsable des maria-ges 498.

Un autre autel, avec la représentation d’une divinitédans une niche (ou peut-être d’un dédicant qui fait un

Fig. 46 - Pourrières : autel avec la représentation d’une divinité dans uneniche (ou peut-être d’un dédicant qui fait un sacrifice ?) (ILN-3, 164 ;Esp. 47).

Fig. 47 - Pourrières, « Trophée de Marius » (d’après CAG 83/1, p. 577,fig. 670).

sacrifice sur un autel ?) (fig. 46), provient des environs dumausolée dit Trophée de Marius (fig. 47) 499. Gascou pré-fère de lire N() d(eo), mais d(eo) en deuxième position estrare ; est-ce une dédicace au n(umen) d(omini) (par ex. aunumen domini Augusti) ou au d(omino) n(ostro) (c’est-à-dire l’empereur) ? Ou s’agit-il simplement des dua nomi-na du dédicant ?

La lecture de l’autel à Act[---] 500, trouvé à Pourrièresou à Trets et aujourd’hui perdu, est controversée. Act[---] est la lecture la plus récente, mais on a aussi pro-posé de lire Acilu[d]eo et Aciva[---]eo 501. Les théo-nymes commençant par Act- posent des problèmes ; s’il ya une autre ligne avant celle-ci, on pourrait proposer[Virod]acti 502 ou [Vanat]actus 503 ; avec cette lectureincertaine, on pourrait aussi envisager un théonyme enacito- « plaine, champ » 504, peut-être la « divinité duchamp (?) ». Toutefois s’il y a eu une ligne illisible avantcette première ligne, Act[---] n’est pas nécessairement lenom de la divinité, mais pourrait être aussi un act[or] !

494 ILN-3, 163 : CeILNiio | Placidus | Aduetisson(is) | f(ilius) u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito). Le fait qu’on ait construit une église au même endroitn’indique pas nécessairement une continuité de culte, mais la sacralité du lieu, cf. Valk 2007.

495CAG 83/1, p. 579-580, n° 097, 26* ; fig. 675-7 ; et il y a un autre mausolée, un édifice en grand appareil de 5,50 m de côté (ibid., 25*).496Holder III 514 (pas dans Delamarre 2003).497Jullian, REA 2, 1900, p. 233 sq.498De Bernardo Stempel 2007b.499 ILN-3, 164 : N() d(eo?).500 ILN-3, 162 : ACT[---]M | FOMV[---]I | VALERA[---]S[---] | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito).501Jullian et Chaillan, REA 2, 1900, 234-236.502Cf. par ex. CIL XIII 6761 (Mayence).503Cf. par ex. AE 1946, 254 (Lausanne).504Pour acito, cf. Delamarre 2003, 31.

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Ralph Häussler

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Ollières : Hercules gallicus ?

Nous suivons la voie Aurélienne vers l’est. À Ollières(n° 349), une dédicace isolée à Hercule 505 n’indique pasnécessairement un lieu de culte. Cependant en 1978, lesfouilles ont permis d’en identifier un sur la base de dépôtsvotifs nombreux (surtout du Ier au IIIe siècle de n. è.),dont un deuxième autel (anépigraphe), de petits vasesvotifs, une statuette en calcaire (déesse-mère ?) 506 et desmonnaies du Ier s. av. n. è. (par ex. un petit bronze deNîmes, mais pas de monnaies des Ier et IIe de n.è. ; lesmonnaies dominent comme ex-voto au IVe et au Ve

siècles) 507. Le contexte de ce sanctuaire, ce sont les nombreuses

d’exploitations agricoles, qui profitent de la proximité dela voie Aurélienne 508. Les circonstances (seulement deuxautels, encore moins qu’à Lioux, malgré le contexte« romanisé » ; une dédicante pérégrine ; de petites vasesvotifs (un sanctuaire guérisseur ?) ; la longue durée de celieu de culte du Ier s. av. n. è. au Ve s. de n. è.), pourraientévoquer un Hercule « indigène », l’Hercules gallicus 509,peut-être accompagné de sa parèdre féminine (la sta-tuette). L’iconographie d’Hercule ressemble à celle de ladivinité Smertullos/Smertrios représentée sur le pilier desnautes à Paris et on peut envisager que Hercule/Smer-tullos ait été le protecteur de la déesse-mère celtique 510.

Saint-Maximin-la-Sainte-Baume

À Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, nous trouvonsplusieurs sites protohistoriques et romains, par exempleune « villa » à Verdagne (n° 351) 511. Une épitaphe pro-venant d’un habitat rural (n° 352) mentionne un certainSilvanus (nom théophorique), fils de Litumaros 512, unnom aussi attesté à Aubagne 513 et près de Glanum(Litoumareow) 514.

Cultes indigènes dans la région montagneuse

Saint-Zacharie

Dans le nord de la commune de Saint-Zacharie, ontrouve plutôt des sites protohistoriques, des sites perchésdes IIe-Ier s. av. n. è. L’autel à Mars Giarinus (fig. 48) aété trouvé au Castrum d’Orgnon, un site perché fortifié del’âge du Fer, situé à grande distance de la concentrationdes habitats ruraux romains 515 ; donc un contexte tout àfait comparable avec Le Castellar ou avec Péréal 516, et en

Fig. 48 - Saint-Zacharie : Mars Giarinos (ILN-3, 169).

505 ILN-3, 158 : Fausta | Herculi | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito).506Gallia 1979, fig. 9.507Fouillé par François Carrazé, CAG 83/2, p. 539-541, n° 089. Voir aussi Gallia 1979, 559. Il n’y a pas d’agglomérations importantes, mais des

fermes isolées, dont quelques-unes reflètent une construction plus complexe (« villa » de La Caillère/Saint-Hilaire).508CAG 83/2, p. 539-541, n° 089.509CIL IX 2322 (Allife, Italie) ; peut-être une liaison avec Ogmios et Smertullos/Smertrios ; cf. aussi Bauchhenß 2007.510Cf. Häussler 2007b.511 CAG 83/2, n° 116, 18*; 21*, etc.512ILN-3, 149.513AE 1965, 196.514RIG G-69 ; G-71.515CAG 83/2, 120.516L’importance religieuse du site se manifeste aussi par la présence de la chapelle Notre-Dame-de-Nazareth à Orgnon.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

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conséquence, il semble possible que Mars Giarinus soitle dieu protecteur de la communauté 517. Peut-on suivreX. Delamarre, qui établit un rapport avec giamoni(o)s –le nom du septième mois (de giamos « hiver »), attestédans le calendrier de Coligny 518 ?

Il y a en outre des inscriptions d’origine inconnue dansla commune Saint-Zacharie : la dédicace à IuppiterO(ptimo) M(aximo) 519 et aussi les monuments funé-raires, surtout celui des Attii 520 ; ce dernier peut être attri-bué aux villas et aux habitats ruraux situés à l’ouestd’Orgnon.

Au nord du Saint-Pilon (Saint-Zacharie), sur le terri-

Fig. 49 - Dédicace aux Matres Almahae (ILN-3, 167).

toire de la commune d’Auriol (au lieu-dit Moricaude), àune altitude de 230 m, plusieurs éléments architecturauxet sculptures pourraient indiquer la présence d’un temple,probablement pour les mères Ubelnae (n° 365) 521. Lesmères Ubelnae sont uniquement attestées ici, à la Mori-caude. Pour P. De Bernardo Stempel il s’agit plutôt d’unedivinité éponyme parce que le théonyme pourrait être d’origine déonomastique, dérivant d’un toponyme,comme Obilinum/Obilonna en Savoie ou Obila (Avila)en Espagne ; le changement de « O » à « U » est normalen Celtique. Chez les Trévires il y a aussi une Dea Obela,tandis que nous avons déjà rencontré ci-dessus un autrethéonyme commençant en op- (« œil ») : Obio (n° 82).

Plan d’Aups

Au Plan d’Aups, à Sainte-Germaine, près d’un habitatrural gallo-romain, un autel aux Matres Almahae a ététrouvé près d’une source, sur les bords du « bassin despeupliers » (fig. 49). Des céramiques sigillées et des tuiles, trouvées dans le même contexte que l’autel, à LaFont Saint-Antoine, pourrait accrédier l’hypothèse d’unlieu de culte 522. Les Almahae peuvent être associées autoponyme médiéval de Plan d’Aups, le castrum Almis ;Almis pourrait dériver d’un toponyme oronymique pré-indo-européen 523. En conséquence, le culte des mèresAlmahae, nommées d’après le lieu, peut donc servircomme centre d’une identité historique et religieuse.Mais Almaha peut être aussi le nom primitif de la source 524. Par contre, en latin et en grec il y a aussi l’épithète de Zeus et Poseidonios : almus, futãlmiow« nourrissante, la bénédiction ». La présence de plusieurstumuli du début de l’âge du Fer peut-elle expliquer lasacralité du lieu ? Le dédicant, un citoyen romain, porteun gentilice d’origine celtique, Vindius 525. On peut ima-giner un sanctuaire d’une communauté rurale qui avaitabandonné le site perché fortifié à La Tour de Cauvinpendant la période romaine et s’est installé dans la plaineoù on trouve de nombreuses fermes 526.

517À Narbonne on trouve le nom personnel Giaria Q(uinti) f(ilia) Atoliso (CIL XII 4842).518Delamarre 2003, 178-179.519 ILN-3, 168 : [[Ioui]] | [[O(ptimo) Max(imo)]] ; christianisation de l’autel sur l’autre face, où se trouve un Chi-Rho ; cela montre l’importance de

cet autel dans la religiosité de la population locale.520 ILN-3, 170-171 ; v. supra.521Cf. CAG 13/3, n° 007, 6*, commune d’Auriol : s’agit-il d’un temple aux mères Ubelnae ou d’un sanctuaire dans le contexte d’une villa ?

Hirschfeld (CIL XII 333 et add. p. 809) a proposé Ubelkabus au lieu de la lecture de C. Jullian Ubelnabus. CIL XII 333 (add. p. 809) : Matribus| Ubelnacus | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) | Sex(tus) Licinius | Successus (pas dans les ILN). Cf. la Dea Obela de Trèves : AE 1989, 550. Pourl’étymologie, cf. De Bernardo Stempel 2007b ; je remercie aussi P. De Bernardo Stempel pour sa communication personnelle en novembre 2006 ;elle critique aussi la transition de *kw à b proposée par Delamarre 2003, 171.

522 ILN-3, 167 : Matribu[s] | Almahabu[s] | Sex(tus) Vin[d]iu[s] | Sabinus | u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito) ; CAG 83/2, p. 563, n° 093 ; l’habitatrural n’a pas été retrouvé.

523Racine *AL-M ; cf. Rostaing 1950, 50 ; De Bernardo Stempel 2007b. Delamarre 2003, 40, s.v. *al- ‘nourrir, croître, grandir’.524C. Jullian 1885, 5 ; cf. aussi De Bernardo Stempel 2007b : “« zum Fluß *Alma (nisi « zu Flüssen/ Almen ») gehörig », mais qui considère le théo-

nyme comme germanique. Il faut rejeter l’interprétation de Faillon, citée par la CAG 83/2, p. 563 : les « mauvaises déesses ». 525Delamarre 2003, 320, s.v. uindos ‘blanc ; heureux’, aussi connu sur des légendes monétaires (RIG-4, n° 305).526Voir CAG 83/2, p. 560-563, n° 093 pour l’inventaire des habitats ruraux, par ex. aux lieux-dits Les Glacières, Béthanie, Les Béguines, Giniez, etc.

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Ralph Häussler

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Rougiers

À Rougiers, l’oppidum du Piégu est occupé aux IIe etIer s. av. n. è. 527 ; un autre habitat de la même période setrouvait au lieu-dit le Vieux-Rougiers, à l’emplacementdu castrum médiéval. Il n’y a pas eu d’habitat à l’époqueromaine, mais peut-être un sanctuaire : dans la chapelleSaint-Jean, deux dédicaces à Jupiter « gallo-romain »(frugifer « fertile » (fig. 50) et conseruator omniumrerum « le sauveur de toutes choses », v. supra), ont étéoffertes par Marcus Erucius Natalis, dont le nom suggèreune origine indigène 528.

La Roquebrussanne

À La Roquebrussanne on trouve plusieurs sites per-chés fortifiés de l’âge du Fer et, à proximité, des « villas »aménagées sous le Haut-Empire, comme à la Frise, oùune épitaphe atteste la romanité des grands proprié-taires 529. Il n’y a pas d’indice pour un lieu de culte.

GaréoultÀ Garéoult 530, à la frontière orientale de la cité d’Aix,

il y a deux dédicaces d’origine inconnue, dont l’une audieu Lausc(us?) 531, l’autre à Ves(ta?) 532. Vesta sembleinattendue parce qu’elle est rarement attestée hors deRome et d’Italie, sauf parfois dans le contexte du culteimpérial 533. S’il s’agit vraiment d’une dédicace, et pasd’une épitaphe, on peut aussi imaginer un théonyme cel-tique commençant par uesu- « valable, bon, digne de »,comme les noms personnels Vesuavius, Vesus, Vesuccius,etc. ou les théonymes Vesuniahenae (Matronae) enRhénanie 534 et les Vessaniae attestées à Saint-Saturnin-lès-Apt (supra).

La signification de Lauscus pose également des pro-blèmes : s’agit-il d’un théonyme déonomastique, nomméd’après une rivière, une montagne, une peuplade ou unhabitat 535, ou plutôt d’un théonyme dérivant de lauenos« heureux », de lauo « petit »,… 536 ?

Peut-on imaginer au moins un lieu de culte autour deSaint-Martin ? On a trouvé une nécropole à Garéoult (rueLouis Cauvin) avec 22 sépultures de l'époque romai-ne 537. Est-ce le cimetière d’une petite agglomération,auquel on peut attribuer un lieu de culte villageois auxdivinités topiques, Lauscus et Ves(saniae ?) ? Il faut aussitenir compte que dans le monde celtique, les sépulturessont souvent devenues des lieux sacrés pendant l’époqueromaine ; trois dépôts d’ossements de porcs pourraientindiquer que le lieu de culte de Lauscus se trouvait ici. On

527Cf. CAG 83/2, p. 628-633, n° 110.528Pour Erucius, Gascou cite Schulze 1904, 112 ; 170 ; 411, qui suggère une origine étrusque ; mais après Delamarre (2003, 166), on peut imaginer

un nom composé avec le terme celtique eri- ‘autour, alentour, peri-’ : par ex. Ericus, Ericco, Erikk[---]. Natalis est un surnom romain, mais trèsrépandu dans les pays celtiques ; peut-être s’agit-il d’un nom d’assonance (Deckname) : il y a des noms celtiques commençant par nato-, par ex.Natomus, Nattus (Delamarre 2003, 232, s.v. natu-,-a ‘chant, poème’).

529 ILN-3, 145.530Rue Louis Cauvin, voir CAG 83/1, p. 424-428, n° 064.531 ILN-3, 140 : Lausc(o) u(otum) | l(ibens) m(erito) | s(oluit) Varus.532 ILN-3, 143 : Ves[ta ? -] | V[---] | L VINIC[---]. 533À Garlitos/Norba (Lusitanie), le cas d’une dédicace à Vesta par un pérégrin à onomastique celtique est intéressant : Tongius | Bouti f(ilius) | Vestae

| u(otum) s(oluit) (AE 1913, 6) ; à Dalheim/Ricciacum, s’agit-il de la Vesta romaine : For(tuna) Ves(ta?) || Ricc(iacenses) (AE 2000, 984) ? Ontrouve aussi Vesta dans les colonies et dans le contexte militaire, comme à Xanten (AE 1902, 250) ; aussi à Nîmes (CIL XII 3058) ; dans le con-texte du culte impérial, souvent avec autres divinités, comme à l’Ara Romae et Augusti à Lyon (CIL XIII 1676) ; aussi à Sens en Lyonnaise (CILXIII 2940 = ILS 7050) et à Nimègues (CIL XIII 8729).

534Cf. Delamarre 2003, 318, s.v. uesu-.535Cf. Clerc, REA 16, 1914, 79-80 qui associe Lauscus avec le lieu-dit Lausa (au Moyen Âge, aujourd’hui Le Laus).536De Bernardo Stempel 2007b ; Delamarre 2003, 208-209, s.v. louo- < lauo- ‘petit, léger’.537CAG 83/1, p. 425-427, n° 064, 5*.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Fig. 50 - Rougiers, Saint-Jean : autel à Jupiter « le fertile » (photo : A.Chéné et G. Réveillac, Centre Camille Jullian).

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tions se réalisent beaucoup plus vite qu’auparavant. Celaest dû aux nouvelles idéologies et mentalités qui ontmotivé les acteurs et les dédicants sous le Haut-Empire,et surtout les élites ; l’occupation continue d’un site pour-rait donc ne pas nécessairement indiquer la vénérationinchangée d’un culte protohistorique, mais seulement l’adaptation d’un culte au Zeitgeist, susceptible de per-mettre à la vénération de se poursuivre sous le Haut-Empire.

Nous avons tenté d’identifier des lieux de culte sur labase de données épigraphiques. Mais il faut penser qu’ily a aussi d’autres lieux de culte, qui sont difficiles à iden-tifier sous le Haut-Empire : il en existe sans d’inscription,du fait du rejet de la culture épigraphique dans le contex-te religieux comme César nous en informe à propos de lareligion druidique (BG 6, 14). En outre, il y a des lieux deculte sans bâtiments cultuels, même à l’époque romaine :outre le nemeton ou bois sacré protohistorique, il y a euprobablement un grand nombre de lieux de culte qui ontété seulement marqués par un fossé ou/et par des palissa-des pour la durée d’une cérémonie saisonnière ou annuel-le du calendrier indigène, comme Samain et Beltain (v.supra, chapitre 4). Cela nous rappelle la stèle bilingue deVerceil et la définition d’un campus pour deuogdonioi,pour comunem deis et hominibus, « commun aux dieux etaux hommes » 541. Dans de tels cas, l’archéologie ne peutidentifier que des dépôts structurés (fosses, puits, etc.),tandis qu’un autel n’est pas approprié, sauf si le choix dulieu était renouvelé chaque année. Cela peut fournir uneexplication à la rareté des autels en Narbonnaise, contrai-rement au cas des zones militaires.

Théonymes, divinités et « celticité »

Comme nous l’avons vu, ce sont notamment les dédi-caces qui, avec le témoignage d’une trentaine de théo-nymes celtiques, suggèrent le caractère plutôt « non-romain » des cultes dans nos deux cités. Mais un nom cel-tique ne prouve pas l’origine préromaine d’une divinité :il s’agit souvent de théonymes déonomastiques, qui déri-vent de noms de peuples, de rivières, de montagnes, devilles ou de noms personnels, par ex. Vintur comme dieudu Mont Ventoux ; les matres aussi ont souvent des épi-thètes toponymiques. Mais il faut se demander si, à l’ori-gine, le théonyme a été nommé d’après le toponyme(comme probablement dans le cas de Vintur d’après leMont Ventoux), ou si un théonyme antique a été à l’origi-ne d’un toponyme (en particulier ceux qui ne sont pasattestés avant l’époque médiévale, par ex. le castrum

a aussi supposé un habitat rural et un lieu de culte (àcause d’un autel anépigraphe) à Saint-Etienne, à environ2 km au sud-ouest de Garéoult 538.

5. Synthèse – Persistance et innovationsdans les religions locales

Cette enquête a eu comme objectif d’analyser les lieuxde culte dans leur contexte socio-géographique afin demieux comprendre la genèse du paysage sacré des citésd’Apt et d’Aix-en-Provence à l’époque romaine. Nousavons vu qu’on ne peut pas parler de la « romanisation dela religion » : elle n’a pas servi comme signe de la roma-nitas des dédicants, il n’y a pas eu d’intervention de lapart des conquérants romains et elle montre en définitivedes particularités locales, typiques de la Provence et de laGaule Narbonnaise, donc un caractère indigène 539. Lareligion n’a pas été transformée par un événementunique : elle n’était pas statique, mais s’adaptait constam-ment pour répondre aux besoins de la société. Nousvoyons notre région s’interconnecter de plus en plus avecles autres régions de la Gaule et de la Méditerranée, etdans un monde qui devient de plus en plus petit, on essaied’exprimer une forte identité locale avec le répertoire« global » (culture matérielle, mythologie, latin et grec),qui sert comme un moyen de communication, une langueintelligible dans l’empire romain.

Dans cette évolution, c’est au cours de l’époqueaugustéenne que les élites ont introduit les changementsles plus important qui ont généré des répercussions fon-damentales pour la religion locale ; c’est surtout à cetteépoque qu’on a construit des mausolées et des templessur podium. En même temps, nous voyons des processusplus graduels qui montrent une évolution plutôt lente dela religion indigène.

Nous avons identifié un grand nombre de processusparallèles et contradictoires, entre continuité et transfor-mation. Dès l’époque protohistorique, on peut identifierdes changements culturels importants (par ex. la naissan-ce d’un proto-urbanisme, l’adoption de l’écriture, de l’artgrec, des sculptures anthropomorphes…), mais à causede la relative stabilité sociale, ces processus d’adaptationsont restés très graduels 540. Ce n’est pas au moment de laconquête romaine, mais au cours de la période riche enévolutions qui s’étend entre le proconsulat de César et ledébut de l’époque flavienne, que l’on peut constater unerupture sociale, culturelle et cultuelle signifiante ; mêmesi cette rupture dure quelques générations, les transforma-

538CAG 83/1, p. 428, n° 064, 7* ; cf. Saglietto 1952-1953, 117.539Sauf les hommages à l’empereur – attestés par les nombreuses dédicaces de flamines et sévirs du culte impérial dans nos deux cités – un moyen

politique pour unifier les rapports entre Rome et les communautés locales.540Cf. Häussler 2007 ; l’évolution religieuse entre le Ier et le IIIe s. de n. è. est également caractérisée par une certaine stabilité sociale.541RIG II.1, *E-2 ; Delamarre 2003, 141-142, s.v. deuogdonioi ‘les dieux-et-les-hommes’.

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Ralph Häussler

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Almis probablement nommé d’après les Almahae).Comme dans toutes les religions indo-européennes 542,nous trouvons une grande variété d’épithètes/théonymes.Il s’agit souvent de personnifications de valeurs et d’ap-titudes (Divannos, Iboita,…). Dans l’analyse linguis-tique, il y a aussi un problème fondamental qui est d’i-dentifier clairement la langue : par exemple, Almahaepourrait être un théonyme d’origine déonomastique (cf.castrum Almis), celtique (cf. Alma), germanique (à causede la lettre « h »), latin (cf. almus) ou grec (cf. futãlmiow,un épithète de Zeus).

On observe aussi un processus de diversification descultes et de spécialisation des fonctions des divinités.

Mais les changements religieux semblent avoir déjà com-mencé à l’époque protohistorique. La religion du IIe s. av.n. è. a déjà beaucoup évolué, après avoir adopté beau-coup d’éléments hellénistiques : sculpture, mythes, ico-nographie, épigraphie et peut-être aussi des conceptionsreligieuses, comme Héraklès, ou les divinités protectricesd’une polis (par ex. Glanis et Nemausus ?). C’est aussi àcette époque que les déesses-mères sont attestées pour lapremière fois sur des dédicaces gallo-grecques à Glanumet Nîmes : les matîr sont-elles des déesses-mères cel-tiques, des déesses pré-celtiques (indo-européennes), ouune adoption de la religion gréco-romaine (Fates/Par-cae), ou un syncrétisme issu des religions indigène et

542Cf. Olmsted 1994.

– 237 –

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

Romanisation et acculturation

Évolution continue de la religion entre protohistoire et Haut-Empire.Rupture : autour de la période augustéenne :

Constructions de temples à podium, mausolées, sanctuaires… (entre 50 av. - 50 de n. è.).

Motivations idéologiques : humanitas, pietas,… Adoptions des conceptions gréco-romaines en matière

religieuse et culturelleUne phase brève, avec des répercussions importantes pour les générations suivantes !

L’acte d’adoption d’un trait gréco-romaine a initié des processus de longue durée.

Adaptations religieuses aux structures sociogéographiques. L’abandon des oppida - fin Ier s. av. n. è. : un paysage polynucléé.Rôle des chefs-lieux, Apt et Aix : pas de centre religieux.Les rituels : de la collectivité à l’individualisme(processus initié au IIIe - IIe s. av. n. è.).

Les cultes de héros-ancêtres (cultes dynastiques ?) :Cultes publics les plus visibles aux VIe-Ier s. av. n. è.Abandon pour raisons idéologiques et politiques:

Intégration des élites locales dans les structures romaines humanitas romaine vs. le topos de la cruauté celtique.

Abandon – probablement parce que les gentes/clans associés aux ancêtres ont perdu leur pouvoir.Le pouvoir religieux des familles aristocratiques :

Adaptation aux nouvelles conditions : répartition du pouvoir cultuel dans les multiples lieux de culte ruraux, contrôlés par les élites locales

N.B.: importance des mausolées sur les domaines (surtout entre 50 av. et 50 de n. è.).

Ên Narbonnaise : religion - pas de signe de romanitas, ni de loyauté à Rome (sauf le « culte » impérial).Persistance des croyances indigènes, mais pas de paysagede « résistance » religieuse.Le « culte » impérial

hommage à Rome et à l’empereur ;nombre de flamines très limitée; - pouvoir supra-régional (cf. l’origine des flamines d’Apt); rapport avec l’empereuren Narbonnaise, pas octroyé par Rome

La nature des religions locales

Des religions d’origine indigène à l’époque romaine : Interpretatio indigena : dieux « romains » avec des caractéristiques indigènes :

Silvain - sucellos au maillet ; Jupiter - taranis à la roue ; Mars - toutatis ;…

Théonymes celtiques - pourraient être des créations de l’époque romaine (dans le but de créer une identité locale) :

Pas de dieux « pan-celtiques » Lieux de culte sans bâtiment, sans épigraphie :

campus de type indigène pour les fêtes saisonnières ? interdiction druidique de l’épigraphie ?

Survie (et transformation) de la mythologie indigène. La « créolisation » (J. Webster) : création d’une nouvelle religion et de cultes " hybrides " :

Un processus trop arbitraire, qui n’explique pas une certaine « homogeneisation » de l’expression culturelle sous le Ht Empire.

Le rôle des centres religieux (comme par ex. Glanum) pour la diffusion des cultes dans la region : par ex. le rôle de Glanum dansla diffusion des cultes de Silvain, Bona Dea et Abianus« Globalisation culturelle » et identité locale :

Une langue cultuelle intelligible dans l’empire.Intégration d’une communauté / d’un culte dans une narration mythologique. Exprimer une identité locale plus forte (processus de la particularisation).

La « globalisation culturelle » rend possible l’hénothéisme(hénothéisme < « un dieu »). Dans un contexte polythéiste(comme dans les religions gréco-romaines et dans l’Hindouisme),les dieux ne sont que l’expression multiple de l’unité divine, l’ex-pression de ses multiples principes. Un seul dieu ne peut pasêtre supérieur ou meilleur que les autres. La même conceptiondivine peut donc avoir des noms différents selon les peuples (parex. Ammon ~ Zeus ~ Jupiter ~ Taranis); cela rend possible l’inter-pretatio (romana, graeca, indigena,...)

Plusieurs différences entre hellénisation et romanisation : par ex. les structures du pouvoir romain et les ambitions des élites pro-romaines de s’intégrer,…

Archaïsmes intentionnels : Les nouveaux cultes de l’époque romaine sont légitimés par l’association avec :

les lieux de l’âge du Fer (tumuli, oppida, même après un abandon) ;l’usage des théonymes celtiques pour montrer l’ancienneté d’un culte, etc.

Tableau récapitulatif : La « romanisation » de la religion entre rupture et persistance dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence.

Page 84: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

gréco-romaine, ou plutôt un concept commun aux reli-gions indo-européennes – peut-être un concept de la reli-gion populaire qui s’est matérialisé dans la société du Ier

s. av. n. è. ?Les divinités romaines – surtout Mars, Mercure, Jupi-

ter, Minerve et Silvain – sont étroitement liées à la reli-gion indigène dans notre région d’étude. Les théonymesassociés aux dieux romains, comme Mars, sont principa-lement des épithètes. Par exemple, dans le cas de MarsDivannos, il n’y a probablement pas de dieu celtiquenommé Divannos, mais c’est plutôt une épithète, c’est

« Mars le divin » ; de même Mars Belados est le « Marsqui détruit », ou Mars Nabelcus, à Monieux, est probable-ment Mars « l’instigateur », « le pilote à navire » (d’unsens imagé) 543. Si l’on excepte Mercure Veator à Apt, cedieu, selon César le plus important en Gaule, ne prendque rarement d’épithète, ni latine, ni celtique, en GauleNarbonnaise. Minerve non plus ne prend pas d’épithète :les fonctions diverses de la déesse suprême sont indi-quées par des théonymes divers, comme Junon et les matres variées.

Alors que des épithètes celtiques ont été associées à

543CIL XII 1171 (et add. p. 823). Monieux est situé au nord de la cité d’Apt. Mars Nabelcos est aussi attesté à Saint-Didier (CIL XII 1170), Carpentras(CIL XII 1169) et à Châteauneuf-Miravail (ILGN 222). Selon De Bernardo Stempel, Mars Nabelcos est probablement Mars Navelcos, un Mars« Schiffsantreiber », « le pilote du navire » dans une translatio Celtica (*nau-wel-ko-s) ; moins probablement, l’étymologie serait à rechercherdans l’épithète latine nablium / grecque nábla(s), liée à un instrument de musique (un soufflet, un accordéon,…). Voir aussi l’étude de Barruol1963 : il pourrait aussi s’agir d’une épithète deonomastique (par exemple une divinité nommée après la rivière Nesque. D’après Duval (1976, 10)il pourrait s’agir d’un nom préceltique (mais le culte pourrait être plus récent, car les inscriptions datent du IIe-IVe s. de n. e.).

– 238 –

Ralph Häussler

Divinités celtiquessupra-régionales (?)

Personnifications etnoms fonctionnels

Théonymes déonoma-stiques ?

Épithètes celtiques &théonymes latins

Épithètes des matres Théonymesnon celtiques ?

Abianus, Auianus < « l’eau sacrée » 4,128, AE 2001, 1319

Albiorix / Albiorica « roi/reine céleste » 4, 55; 95

Belenos/Belinus « Maît-re de la Puissan-ce » 3, 191

Ca[llirius ?] « Celui del’Arbre » 3, 3 ; CAG84/2, p. 168

Diuannos « Le Divin »,« Grand-Tueur »3, 230

Lucuttectos « Descen-dant de Lugus » ?3, 203

Suleviae « (les déessesqui) ConduisentBien » 3, 256; CAG84/2, n° 050, 13*

Interpretatio indigenaÉvolution des dieux indi-gènes avec nom latin,par ex. :Jupiter - le maître céles-

te, le « tonnerre »,taranis, tonans

Mars - protecteur de latouta : toutatis

Mercure - dieu de commerce

Silvain - dieu au maillet,sucellos « le bonfrappeur »

Juno, Minerve, Iunones,matres : incarna-tions de la déessesuprême indigène-celtique

Nymphes : par ex. Nis-ka, démons indi-gènes

Abianus, Avianus <« l’eau sacrée ? »(supra)

Accoros < « nain » ? 3, 202; 239; 270

Ac(i)t[--- ?] < «champ»?3, 162

A[---]inenses < ? aiu-« éternité, longe-vité » 3, 240

Albiorix (supra)Belenos (supra) Bergonia < « mon-

tagne » 4, 63Bruatos/Britouius « Dieu

de la Justice » ou« Mars du Pont » ?4, 62

Ca[llirius ?] (supra)Ceilniio « Dieu du com-

pagnon » 3,163Dexiua « La Favorable »

3, 220 sqq.Diuannos (supra)Iboita < « boire »

3, 252-254Lanoualus « Le Tout-

Puissant » 3, 226Lausc(us?) < lauenos

« heureux » ? 3, 140

Obio < « eye » ? 4, 106Suleuiae (supra)Uroicae < « bruyère »

3, 240Uxouino « Le Très

Blanc » 4, 124Vessaniae, Ves[---?]

< uesu « bon » ? 4, 111; 3, 143

Virolantia < ? uiros« vraie » 4, 86

Vogontiae < ? uogitios« transporteur »(infra)

Adcoros (< NP Ate-curus, etc.) 3, 202;239; 270

Albiorix/-ca (< peupleAlbici) 4, 55; 95

Almahae (< Almis; sour-ce Almaha) 3, 167

Bergonia (< Berg) 4, 63Caudelenses (< topony-

me Cadenet) 3, 222Ceilniio (< toponyme

Cengle) 3, 163Dexiua (< pagus Dexi-

uates) 3, 220 sqq.Dexiua « La Méridio-

nale » 3, 220 sqq.Lanoualus (< fleuve

Laval) 3, 226Lauscos (< toponyme

Le Laus) 3, 140Obio (< toponyme

Aubion) 4, 106Vintur (< mont Ventoux)

4, 17; 143Vogontiae (< peuple Vo-

contii, Vulgientes)4, 18; 87; 94

Mars belados « Marsqui détruit » 3, 190

Mars bruatos « Mars duPont » ? 4, 62

Victoria cumulair(?), =cumulatrix ? « Vic-toire qui dispenseses faveurs » 3,19

Mars divannos « Marsle divin » 3, 230

Mars giarinos < ? gia-mos « hiver » 3, 169

Mars nabelcus « Marsl’instigateur » ?XII 1169-1171

Mercure veator-viator« de la route » ?4, 69

Épithètes latines :

Jupiter conseruator « lesauveur » 3, 153 ;4, 80

Jupiter depulsor « ledéfendeur » 4, 79

Jupiter frugifer « le ferti-le » 3, 154

Jupiter tonans « Jupitertonnant » 3, 259

Silvanus conseruator« le sauveur » 4, 16

matres ~Almahae 3, 167Gerudiatae 3, 160Ubelnae XII 333

épithète ou théonyme :

A[---]inenses 3, 240Caudellenses 3, 222Proxsumes 3, 231Suleuiae 3, 256; CAG

84/2, n° 050, 13*Vessaniae 4, 111Vogontiae 4, 87; 94Uroicae 3, 240

?A[---]inenses 3, 240?Adcoros (Ad-Koré ?,

ad-chora ?) 3, 202;239; 270

?Act[----?] (par ex. ac-tor) 3, 162

?-]Ronea (Feroneaétrusque ?) 4, 136

? Ves[ta ?] 3, 143

Tableau 9 - Les noms celtiques des divinités dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence (3 = ILN-3 ; 4 = ILN-4 ; XII = CIL XII) (cf. fig. 51-53 pourles cartes de répartitions).

Page 85: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

– 239 –

19 LANOVALO19 LANOVALO

18 DEXIVAE18 DEXIVAECAUDELLENSIBUS CAUDELLENSIBUS

27-29 27-29 AVIANIOAVIANIOADCOROADCORO

34 L]UCUTTECTO34 L]UCUTTECTO

42 BELADONI42 BELADONI

10 DIV[ANNONI10 DIV[ANNONI

72 VOGIENTIS72 VOGIENTIS

75 VOGIENT[IS75 VOGIENT[IS

77 VO[GON(TIAE?)77 VO[GON(TIAE?)78 VIR(O)LANTIAE78 VIR(O)LANTIAE82 OBIONI82 OBIONI

85 VESSA-85 VESSA-NIABUSNIABUS

98 RONEA98 RONEA

97 ABIANIO97 ABIANIO

108108

120 120 SULEVIAESULEVIAE

105 VINTURI105 VINTURI110 UXOVINO110 UXOVINO

APTAPTVINTURIVINTURICA[...CA[...

136 VEATORI136 VEATORI

146 BERGONIAE146 BERGONIAE

138 BRUAT[O?138 BRUAT[O?

145 ALBIORICI145 ALBIORICI

AIX-EN-PROVENCE :AIX-EN-PROVENCE :BORBANOBORBANOBORMANOBORMANOCA[---]CA[---]

Via DomitiaVia Domitia

ArcArc

L U B E R O NL U B E R O N

L U B E R O NL U B E R O N

Étang deÉtang de Berre Berre

84 ALBIORICAE84 ALBIORICAE

222 BELINO222 BELINO

312 GERUDIATABUS312 GERUDIATABUS

338 ACT[-?338 ACT[-?332 ND?332 ND?

334 CEILNIIO334 CEILNIIO

363 GIARINO363 GIARINO

366 ALMAHABUS366 ALMAHABUS365 UBELNABUS365 UBELNABUS

378 LAUSCO378 LAUSCOVES[SANIAE?]VES[SANIAE?]

285 BELENO285 BELENO282 ACORO282 ACORO

263 IBOITAE263 IBOITAE

262 SULEVIAE262 SULEVIAE252 UROICIS252 UROICIS

A[---]INENSI[B]USA[---]INENSI[B]US

250 ACCORO250 ACCORO

D u r a n c eD u r a n c e

D u r a n c eD u r a n c e

11 13 PROXUMES13 PROXUMES

21 BONA DEA21 BONA DEA

28 PARCAE28 PARCAE

62: NYMPHAE62: NYMPHAE- LUNA- LUNA

68 MINERVA68 MINERVA

72-VOGIENTIS72-VOGIENTIS

75 VOGIENTIS75 VOGIENTIS

77 VOGONTIAE77 VOGONTIAE

78 VIROLANTIA78 VIROLANTIA84 ALBIO-84 ALBIO-RICARICA

85 NYMPHES85 NYMPHESVESSANIAEVESSANIAE

94 SILVANA94 SILVANA

98 [.]RONEA98 [.]RONEA

120 SULEVIAE120 SULEVIAE

121 FATIS121 FATIS

146 BERGONIA146 BERGONIA

160 DIANA160 DIANA

190 NYMPHAE190 NYMPHAEMINERVAMINERVA

Via DomitiaVia Domitia

ArcArc

L U B E R O NL U B E R O N

L U B E R O NL U B E R O N

NYMPHESNYMPHES

ang deÉtang deBerre Berre

178 VICTORIA178 VICTORIA

299 PARCAE299 PARCAE

297 NENPIS297 NENPIS

312 MATRES312 MATRESGERUDIATIAEGERUDIATIAE

315 PARCAE315 PARCAE

325 325 IUNOIUNO

366 MATRES366 MATRESALMAHAEALMAHAE 365 MATRES365 MATRES

UBELNAEUBELNAE

378 - VES[TA/378 - VES[TA/VES[SANIAE?VES[SANIAE?

284 PARCAE284 PARCAE

277 NYMPHAE277 NYMPHAE

287 DIANA287 DIANA

263 IBOITA263 IBOITA

262 SULEVIAE262 SULEVIAE

255 NYMPHES255 NYMPHES

252 UROICIS 252 UROICIS A[---]INENSI[B]USA[---]INENSI[B]US

D u r a n c eD u r a n c e

181sqq.181sqq.MINVERVAMINVERVAMATRESMATRESPARCAEPARCAE

D u r a n c eD u r a n c e

18 DEXIVA18 DEXIVACAUDELLENSESCAUDELLENSES

Fig. 51 - Répartition des théonymesen celtique (y compris des théony-mes incertains comme Ceilniio,Adcoro, etc.) attestés dans les citésd’Apt et d’Aix-en-Provence.

Fig. 52 - Répartition des divinités femi-nines :triangle = nymphes ;étoile = déesse : Minerve, Junon,Dexiva, Virolantia,... ;cercle = multitude de déesses(-mères) :matres, Proxsumes, Parcae, Suleviae.

Page 86: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

de sites très hiérarchisée ; le nombre de petitshabitats agricoles identifiés par l’archéologies’est multiplié par cinq et plus. C’est-à-dire,par exemple pour l’oppidum du Castellar(Cadenet), que le site perché fortifié du IIe s.av. n. è. a perdu son rôle politique, écono-mique, social et religieux pour plusieurs rai-sons : sous le Haut-Empire, les élites localesvivent dans les « villas » de la région qui sontdevenues les centres névralgiques des rap-ports sociaux en tant que résidences despatroni ; les mêmes élites exercent leur pou-voir politique dans le chef-lieu de la cité ; etla population rurale ne vit plus dans uneagglomération comme Le Castellar, maisdans de nombreux habitats ruraux. C’est dansce contexte rural qu’on trouve un grand nom-bre de lieux de culte (Jupiter, Silvain,Lanovalos, etc.), tandis que le culte de ladéesse Dexiva sur le vieil oppidum duCastellar n’est plus qu’un seul culte parmibeaucoup d’autres dans la région. Pour main-tenir l’importance socio-religieuse du sanc-tuaire du Castellar, certains membres de l’élite font des investissements importants.Mais ici comme ailleurs, ces cultes ne sontpas des vestiges d’une époque protohisto-

rique révolue : ils se sont adaptés à la société du Haut-Empire pour rester significatifs, pour garder leur spiritua-lisme, et pour établir des liens entre les familles élitaireset une communauté rurale.

La motivation des individus pour initier latransformation religieuse

En adoptant une idéologie nouvelle dès l’époqueaugustéenne, les élites (indigènes) ont – involontairementou intentionnellement – initié une transformation pro-fonde de la religion et du paysage sacré. L’aspiration à laromanitas concerne surtout l’apparence d’un culte (lestypes des ex-voto, l’architecture cultuelle, etc.). L’adop-tion des conceptions sociétales, comme l’humanitas et lapaideia gréco-romaines, a joué un rôle plus important dufait que ces valeurs sous-tendent les motivations et lesdécisions des élites. Par conséquent, les conceptions quine se conformaient pas à l’image de la société du Haut-Empire ont perdu leur signification et elles ont été doncabandonnées ; déjà au cours du Ier s. av. n. è. les cultes deshéros-ancêtres avec les têtes coupées et les personnagesassis en tailleur ont été abolis, probablement à cause deleur apparence belliqueuse qui était en contradiction avecles idéaux de l’humanitas romaine ; ce processus a étéencore encouragé depuis Auguste par l’interdiction de lareligion druidique.

– 240 –

Ralph Häussler

Fig. 53 - Répartition de Mars (carré), Mercure (étoile), Jupiter et fulgur conditum (triangle),Silvain (cercle) et Hercule (no 349) dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence.

12121515

1818

2525

32323434

3535

42421010

4848

60-6260-626868

7272 7373

74-7574-75

7676

7777 787881.8481.84

87878888

9090

92929494

9696

9898 9999

9797

113113

112112114114 107107

104104 APTAPT

136136

131131147147

139139138138

141141144144

145145

156156

175175

243243

Via DomitiaVia Domitia

ArcArc

L U B E R O NL U B E R O NL U B E R O NL U B E R O N

Étang deÉtang de Berre Berre

236236237237

360360

363363

368368

349-HERCULES349-HERCULES

284284

277277

272272

265265

250250

D u r a n c eD u r a n c e

AIX-EN-PROVENCEAIX-EN-PROVENCE

D u r a n c eD u r a n c e

Mars, des épithètes latines ont été attribuées à Jupiter (ledieu céleste « indigène ») et à Silvain (le dieu au maillet :Sucellos), comme Jupiter/Silvain conseruator « le sau-veur », depulsor « le défendeur », frugifer « le fertile »,tonans « le tonnerre », corniger « le cornu », etc. Celaaussi montre que le choix d’une épithète dépend surtoutde la divinité et non de l’identité ou du statut du dédicantcomme l’a proposé H. Lavagne 544 ; le faible nombre dedédicaces par lieu de culte en Narbonnaise n’est pas sta-tistiquement représentatif et donc ne permet pas de trou-ver un rapport entre le statut du dédicant et le choix duthéonyme.

Le tableau 9 récapitule la genèse des théonymes cel-tiques dans les cités d’Apt et d’Aix. Il est difficile de dis-tinguer nettement ces théonymes, parce que certains peu-vent être attribués à plusieurs catégories pour les raisonsdonnées ci-dessus.

Le contexte socio-géographiqueIl faut prendre en considération les changements du

paysage entre la protohistoire et le Haut-Empire pourmieux comprendre la transformation du paysage sacré.Au IIe et Ier s. av. n. è., nous avons affaire à un paysagedominé par des « oppida ». Jusqu’au Ier s. de n. è., ce pay-sage a été remplacé graduellement par une organisation

544Lavagne 1979.

Page 87: Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d'Apt et

À la fin de l’âge du Fer, nous voyons des changementsprofonds dans la société indigène. Un facteur importantdoit être identifié dans les structures hiérarchiques qui ontété mises en question par les événements du Ier s. av. n. è.(par ex. la municipalisation, la colonisation, la monétisa-tion, les actions de César, les guerres, la conscription desGaulois dans les armées romaines, le droit latin) ; cesprocessus ont catalysé l’intégration des indigènes dans

théonym/épith. Aix Apt Nîmes Glanum Vaison théonym/épith. Aix Apt Nîmes Glanum Vaison Abianus / Avianus 1 1 - 1 - Lanovalus 2 - - - - Accorus 3 - - - - Lauscos 1 - - - - Act[---?] 1 - - - - Liber pater 2 1 2 - - Aesculapius - 1 - - L]ucuttectus 1 - - - - A[---]inenses 1 - - - - Luna - - - 1 3 Albiorix/-ca - 2 - - - M(…) 2 3 Almahae 1 - - - - Mars 5 6 4 1 9 Apollo - - 1 1 1 Mater Magna 1 Auribus [= Bona Dea, Roklosia ?]

- - - 1 - Matres (cf. aussi épithètes)

3 - 1 - 11

Avicantus - - 1 Matîr/matrebo - - 1 1 - Belados 1 - - - - Meldios - - - 1 - Belesami - - 1 Mercurius 8 5 1 9 Belenos/Belinus 2 - 1 - Minerva 2 2 2 2 5 Bergonia 1 Mithras (Merc) - 1 - - - Bona Dea 1 - 1 - N(…) d(eo) 1 - - - - Borbanus/-manus 2 - - - - Nemausus 13 - - Boutrix - - - 1 Nymphae 5 4 5 - 5 Britovius/Bruatos - 1 - - - Obio - 1 - - - Ca[---?] 1 1 - - - Parcae 5 - 1 1 - Caudellenses 1 Proxumis 1 20 - 6 Ceilniios (?) 1 - - - - Roklosiae - - 1 Dexiva 3 - - - - ]ronea - 1 - - - Diana 2 - - 1 Serapis - 1 - - Divannos 1 - - - - Silvanus 4 15 9 8 5 Dulovio - - - 2 Sol Invicto (1)1 - 1 - Epona - - 1 - Suleviae 1 1 Fatae - 1 2 - 1 Terra mater - - 1 - - Fortuna - - 1 - 2 Ubelnae 1 - - - - Gerudiatae 1 - - - - Ura, Urnia - - 2 - - Giarinos 1 - - - - Uroicae 1 - - - - Glanis - - 1 - Uxovinus - 1 - - - Glanicae - - 1 - Valetudo - - - 2 - Hercules 2 - 8 - Vasio - - - - 7 Heros 1 - - - - Veator - 1 - - - Ialonus - 1 - - Ventus - - 1 - - Iboita 3 - - - - Vessaniae - 1 - - - Isis - 4 - - Ves[ta / -saniae?] 1 - - - - Iuno 1 7 1 1 Victoria (Aug) 1 - 1 - 2 Iunones - 1 1 Vintur - 2 - - 1 Iuppiter 15 10 5 3 6 Virolantia - 1 - - - -Fulgur conditum - 3 3 - 1 Vogientae - 3 - - - Vulcanus - - 1 - 2 Total n°

dédicaces 85 72 97 41 83

Tableau 10. - Témoignages épigraphiques de théonymes dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence, par comparaison avec Nîmes, Glanum et Vaison-la-Romaine – autres villes avec un panthéon de type « indigène » ; les colonies romaines à déduction assurée, avec en partie au moins de populationallogène, comme Arles, disposent d’un panthéon plus « romain » (à Arles on trouve par exemple les dédicaces au numen et aux génies de l’empereuret de la colonie, mais il n’y a qu’un seul théonyme indigène (Cailarus, CIL XII 655) et aucune dédicace à Mars ou à Mercure). Il faut mettre en relation les témoignages épigraphiques avec les représentations iconographiques (les sculptures, les bas-relief), mais là aussi il fautêtre prudent: premièrement, l’iconographie des divinités « indigènes », « gallo-romaines » peuvent provenir des représentations et des attributs typi-quement gréco-romains ; deuxièment, beaucoup de ces objets cultuels, comme des statuettes, pourraient provenir d’un contexte privé, par exempled’un laraire.

les structures de l’empire.

Les acteurs de ce processus ne sont donc pas seule-ment les élites, mais une grande partie de la population,parce que ce sont eux (les vétérans, les commerçants,etc.) qui contestent la place traditionnel de l’aristocratieet le rôle des cultes existants ; et ce sont donc les élitesqui répondent à cette menace.

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Pouvoir et religion dans un paysage gallo-romain : les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence

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Dans ce contexte on peut proposer que le culte proto-historique des héros-ancêtres, qui était très répandu dansla Provence, a été attaché aux groupes familiaux. Si c’estle cas, on peut supposer que le pouvoir des élites danscette région était nettement fondé sur leur fonction reli-gieuse ; la restructuration des hiérarchies sociales et l’abandon des oppida peut être à l’origine de l’interrup-tion du culte des héros-ancêtres ; ce culte très politiqueétait destinés à créer une identité collective et à maintenirla cohésion dans la communauté.

Donc, dès le Ier s. av. n. è., pour préserver leur pouvoirsocio-religieux, les élites ont probablement adopté plu-sieurs stratégies, entre autres la construction de mauso-lées monumentaux pour afficher leur pouvoir en milieurural (donc un culte d’ancêtres au contexte très localisé –surtout entre 50 av. et 50 de n. è.). Le « culte » de l’em-pereur, dont le rôle évoque celui des héros protohisto-riques, est davantage destiné à organiser les rapportsentre Rome et une cité provinciale ; comme nous avonsvu, les flamines dans nos deux cités appartiennent à unpetit groupe de notables et à Apt ils sont pour la majoritéoriginaires des autres cités de la Narbonnaise.

Par conséquent, le culte impérial ne semble pas ouvertà la plupart des familles aristocratiques. Pour préserverleur pouvoir socio-religieux, les élites ont probablementcontribué à fonder de lieux de culte susceptibles d’êtrefrequentés par la population rurale tout en étant confor-mes à l’idéologie et aux mentalités du Haut-Empire ; lesélites pouvaient s’approprier des conceptions divinesdans lesquelles le peuple est souvent personnellementimpliqué par l’intermédiaire de la prière et du vœu.

Ces (nouveaux) lieux de culte s’attachent à servir depoint de repère aux communautés rurales et ont parfoisété construits sur des propriétés privées. Un tel lien entrefamilles aristocratiques et culte des ancêtres à l’époqueprotohistorique expliquerait la raison pour laquelle on areconnu autant de lieux de culte en Provence au début del’Empire ; ceci contrairement à d’autres régions de laNarbonnaise où la plupart des cultes semble associée auxagglomérations, où les élites s’accordent pour une centra-lisation du pouvoir religieux. Ce choix des élites pourraitpeut-être aussi expliquer pourquoi les chefs-lieux de nosdeux cités n’ont pas développé de centres religieuximportants (sauf probablement pour le « culte » de l’em-pereur) comme la plupart des autres cités de la Gauleromaine.

Romanitas et religionDans notre région, la religion ne sert à exprimer ni la

résistance culturelle, ni la romanitas des dédicants. Parcontre, les cultes ont pour fonction de créer une identitélocale – pour les uici, les pagi, les autres communautésrurales – et il n’y a pas de contradiction dans le fait queles élites se servent volontiers des théonymes celtiquespour constituer un culte local distinctif et singulier. Les

noms celtiques et l’association fréquente des cultes auxlieux protohistoriques aident à légitimer ces cultes enmontrant leur ancienneté. Il en résulte la formation denouveaux cultes qui sont profondément différents de l’époque protohistorique (si on analyse les ex-voto, lesobjets, l’architecture, les sacrifices, les fossés, etc.). Unecatégorisation en cultes romains, celtiques/indigènes ougallo-romains ne semble pas très significative : les divini-tés romaines ont généralement des éléments indigènes etles théonymes celtiques n’indiquent pas nécessairementdes dieux préromains.

Il est étonnant de voir la facilité avec laquelle on amélangé les éléments grecs, (italo-)romains et indigènes(celtiques) pour élaborer des cultes de l’époque romaine.D’un côté il y a des éléments de persistance : même sicertains aspects de la religion préromaine ont perdu leursignification au Ier s., d’autres, comme certaines croyan-ces, persistent (par ex. les fonctions divines, les croyan-ces sur la vie après la mort et les pratiques cultuelles) ;d’un autre côté, sous le Haut-Empire certains points derepère sont développés qui nécessitent une réorientationdes pratiques religieuses ; toutefois cette « romani-sation » ne crée pas une homogénéisation, mais plutôtune régionalisation des pratiques religieuses, en adoptantnéanmoins une langue culturelle intelligible dans toutl’empire. Cette « globalisation » culturelle a suscité desparticularismes qui résultent de l’évolution d’un pan-théon spécifique à chaque cité. Les traits cel-tiques/indigènes visibles dans les pratiques cultuelles nerelèvent pas d’une persistance ou d’une résistance cultu-relle, mais sont le résultat des stratégies locales em-ployées pour consolider le pouvoir dans une période derupture politique et culturelle.

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