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18/20 Excellent travail sur tous plans, tant la question 1 que dans la question 2 PRAGMATIQUE, ANALYSES DES INTERACTIONS ET DIDACTIQUE DE L’ORAL Devoir d’entraînement Question 1 Injonction L’injonction est, tout comme l’exclamation, l’interrogation et l’assertion, un type d’énoncé qui entre dans la catégorie des modalités syntaxiques. Une simplification consisterait à n’envisager l’injonction – donner un ordre que sous le couvert de l’impératif. Il n’en est rien : il y a plusieurs manières de « parvenir à ses fins », de façon plus ou moins directe, plus ou moins détournée. Il ne convient pas de réduire une tonalité injonctive à l’usage de certains outils linguistiques. La prosodie, la kinésie peuvent être tout aussi performants. Il est donc important de sensibiliser les apprenants à la diversité des approches que le français leur offre. Listez rapidement les formes linguistiques servant à accomplir un acte injonctif. Face Cette notion est étroitement associée à Goffman (sociologue américain) qui l’a théorisée. Elle se décline selon deux modes : la face positive (l’image valorisante que l’on a de soi, ce qui rejoint la notion de narcissisme) et la face négative qui comprend le territoire propre à chaque individu, qu’il soit physique (proxémie), affecti f ou matériel. Selon cette logique, les actes de parole peuvent être classés en actes flattant la face (FFA face flattering acts) ou menaçant la face (FTA face threatening acts). La majeure partie des interactions tendent à assurer une protection de sa propre face et de celle d’autrui. Dans le cas contraire, on se situe sur un terrain d’agressivité latente. Il faut enfin souligner que ce ne sont pas tant les outils linguistiques (verbaux) qui jouent un rôle en matière de face ; le non verbal et les vocalisations peuvent parfois s’avérer encore plus « lisibles » que les mots… Modalisation La modalisation est un procédé langagier qui permet, avant tout, de se situer par rapport à ce qui est dit, de ciseler son action par rapport à autrui. Elle permet de renforcer ou au contraire d’atténuer les propos, elle est une sorte de nuancier linguistique. Il s’agit ici de savoir utiliser sa compétence linguistique à bon escient : il est donc nécessaire d’avoir clairement identifié l’objectif de la modalisation (enflammer/ pacifier), son contexte (situation de communication, statut

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18/20 – Excellent travail sur tous plans, tant la question 1 que dans la question 2

PRAGMATIQUE, ANALYSES DES INTERACTIONS ET DIDACTIQUE DE L’ORAL Devoir d’entraînement

Question 1

Injonction L’injonction est, tout comme l’exclamation, l’interrogation et l’assertion, un type d’énoncé qui entre dans la catégorie des modalités syntaxiques. Une simplification consisterait à n’envisager l’injonction – donner un ordre – que sous le couvert de l’impératif. Il n’en est rien : il y a plusieurs manières de « parvenir à ses fins », de façon plus ou moins directe, plus ou moins détournée. Il ne convient pas de réduire une tonalité injonctive à l’usage de certains outils linguistiques. La prosodie, la kinésie peuvent être tout aussi performants. Il est donc important de sensibiliser les apprenants à la diversité des approches que le français leur offre. Listez rapidement les formes linguistiques servant à accomplir un acte injonctif.

Face Cette notion est étroitement associée à Goffman (sociologue américain) qui l’a théorisée. Elle se décline selon deux modes : la face positive (l’image valorisante que l’on a de soi, ce qui rejoint la notion de narcissisme) et la face négative qui comprend le territoire propre à chaque individu, qu’il soit physique (proxémie), affectif ou matériel. Selon cette logique, les actes de parole peuvent être classés en actes flattant la face (FFA – face flattering acts) ou menaçant la face (FTA – face threatening acts). La majeure partie des interactions tendent à assurer une protection de sa propre face et de celle d’autrui. Dans le cas contraire, on se situe sur un terrain d’agressivité latente. Il faut enfin souligner que ce ne sont pas tant les outils linguistiques (verbaux) qui jouent un rôle en matière de face ; le non verbal et les vocalisations peuvent parfois s’avérer encore plus « lisibles » que les mots…

Modalisation La modalisation est un procédé langagier qui permet, avant tout, de se situer par rapport à ce qui est dit, de ciseler son action par rapport à autrui. Elle permet de renforcer ou au contraire d’atténuer les propos, elle est une sorte de nuancier linguistique. Il s’agit ici de savoir utiliser sa compétence linguistique à bon escient : il est donc nécessaire d’avoir clairement identifié l’objectif de la modalisation (enflammer/ pacifier), son contexte (situation de communication, statut

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et rôle des interlocuteurs) pour pouvoir choisir au mieux les outils linguistiques à même de traduire la nuance que l’on veut apporter. La modalisation impose que l’on sache quoi dire à qui et en quelles circonstances. Elle est donc porteuse de savoir-faire psychosociaux et pas seulement linguistiques.

Mise en relation L’injonction, de par sa nature même, est menaçante pour la face d’autrui, à un degré plus ou moins grand selon les cultures d’appartenance – même si l’on peut remarquer des variations sensibles au sein d’une même culture. La modalisation, en « colorant » les propos, joue un rôle primordial quant au maintien – ou à la remise en cause – de la face. Sans supprimer le contenu intrinsèque du message (ordre/ requête), elle permet d’exprimer les choses de telle sorte que l’interlocuteur :

- ne se sente pas blessé, insulté ni mis dans une position (trop) inconfortable par rapport aux gens qui l’entourent (maintien de la face)

- sache exactement ce qu’on attend de lui, sans équivoque possible (perte possible de la face).

Il est donc important que les apprenants comprennent les modalités de fonctionnement de la modalisation, sachent utiliser cette dernière à bon escient en étant conscient des conséquences tacites que son utilisation risque de provoquer chez l’interlocuteur.

Question 2 – exploitation didactique

Institution : Association de soutien scolaire, Zurich (Suisse alémanique).

Public Classe de 8 apprenants adolescents de niveau intermédiaire (B1-B2 selon le CECR), plurilingues. Tous les apprenants sont soit nés à l’étranger, soit évoluent dans des milieux linguistiques proches de la région d’émigration de leurs parents. Ils ont tous effectué la majeure partie de leur scolarité en Suisse alémanique. Milieu d’enseignement exolingue (langues communes : allemand et anglais).

Objectif de la séquence : Initier les apprenants à certains outils de modalisation (verbaux et non verbaux) :

- atténuer un ordre – le renforcer - la réalisation de l’acte injonctif : directe/ indirecte, explicite/ implicite - les émotions : exprimer vs masquer

Remarque : le conditionnel et l’impératif ont déjà été vus avec la classe. Si un rappel s’avère nécessaire, il doit être bref.

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1. Présentation de l’objet [Discussion en grand groupe] Qu’est-ce qu’un ordre ? Les apprenants sont invités à donner leur avis en situant le contexte : s’agit-il d’une perception qu’ils ont acquise à l’école ? Dans le cercle familial ? Ailleurs ? Comment donner un ordre ? Y-a-t-il plusieurs manières de s’y prendre ?

2. Atténuer et renforcer un ordre

2.1 Différentes situations, différentes réactions Travail individuel Consigne : transformez les phrases pour atténuer/ renforcer l’ordre, c’est-à-dire le rendre moins dur, plus acceptable ou au contraire plus clair et définitif. Situation Atténuer Renforcer

1. Vous voulez qu’on ferme une fenêtre, il fait froid

1a. Pourriez-vous fermer la fenêtre s’il vous plaît ?

1r. Fermez donc cette fenêtre !

2. Tu es invité(e) à une fête d’anniversaire samedi soir et tes parents te disent…

2a. J’aimerais que tu sois de retour avant minuit.

2r. Je t’interdis de rentrer après minuit !

3. Tu es au téléphone mais tu n’entends rien parce que ta petite sœur fait trop de bruit

3a. Tu peux aller jouer ailleurs s’te plaît ?

3r. Tais-toi !!!

4. Tu as cherché ta montre partout et te rends compte que c’est ton frère qui la porte

4a. Ce ne serait pas ma montre par hasard ?

4r. Donne-la-moi immédiatement !

2.2 Comment s’y prend-on ? Consigne : les apprenants doivent souligner dans les phrases ce qui permet de donner l’ordre (ils ne sont pas censés donner la liste exhaustive, mais doivent au moins mentionner les modes des verbes). Les propositions sont ensuite énoncées à voix haute et notées au tableau :

- Atténuer : o Conditionnel o Verbe modalisateur (pouvoir) o Formule de politesse (s’il te/vous plaît) o Adverbe (ouverture)

- Renforcer : o Impératif o Verbe d’injonction (interdire) o Adverbes (insistance, soudaineté)

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On remarque trois choses : - Le mode utilisé indique très clairement le type de modalisation. - Le conditionnel induit une politesse, ce que l’impératif ne fait absolument pas. - Les adverbes jouent un rôle très important au niveau du sens (sémantique) et

permettent de « rajouter une couche », que ce soit dans le sens de l’atténuation ou dans celui d’un renforcement.

2.3 Qu’est-ce qui fonctionne le mieux ? Discussion en groupe Il y a différentes façons de dire la même chose et les réponses ne sont en général pas les mêmes... A votre avis, qui a le plus de chance d’obtenir la coopération de l’interlocuteur ? Celui qui atténue ou celui qui renforce ? Pourquoi ? (les réponses peuvent être : la politesse, la gentillesse, on ne se sent pas attaqué/ agressé, etc.).

3. Réalisation de l’acte injonctif : directe/ indirecte, explicite/ implicite

3.1 Définition des termes employés Injonction directe : l’ordre est très clair, on ne peut pas ne pas le comprendre (ex : va te coucher !) Injonction indirecte : l’ordre n’est pas clair. Ce que dit le locuteur peut être interprété différemment (tu pourrais aller te coucher) Injonction explicite : le choix du verbe est explicite, clair (ex : ordonner, exiger, interdire) Injonction implicite : le choix du verbe ne fait pas immédiatement penser qu’il s’agit d’un ordre. En résumé :

- Direct/ indirect : la question à se poser est : « est-ce que l’ordre est clair et sans équivoque ou est-ce que je peux l’interpréter différemment, pour éviter de faire ce qu’on me demande ? »

- Explicite/ implicite : cette différence se concentre plus sur la sémantique : est-ce que le sens du verbe employé est clairement lié à la notion d’ordre – ou non ?

3.2 Qui cherche, trouve ! Travail en dyade Consigne : en reprenant les phrases ci-dessus1 (qui ont été écrites entre-temps au tableau noir et recopiées par les apprenants), il faut trouver un ordre direct, un ordre indirect, un ordre explicite et un ordre implicite. Chaque dyade doit faire ses propositions au reste de la classe qui dit ce qu’il en pense.

1 Cf. section 2.1

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4. Les émotions : exprimer vs masquer

4.1 Jeux de rôles Dyades Les apprenants reprennent les phrases qu’ils ont écrites auparavant et doivent jouer les scènes correspondantes. Il faut être convaincant, faire attention à la façon de s’exprimer, aux gestes, à l’intonation. Consigne : l’enseignant fait tirer au sort les saynètes à interpréter (une dyade, une saynète). NB : les apprenants peuvent se servir de leurs notes s’ils se sentent plus à l’aise, mais ce n’est pas recommandé. Une seule dyade joue à la fois, le reste du groupe doit ensuite évaluer la performance et dire ce qui a plu/ n’a pas convaincu, etc., puis on passe à la dyade suivante.

Premier exercice : donner un ordre sans montrer ses émotions.

Deuxième exercice : reprendre les mêmes saynètes en montrant ses émotions (gestes, intonation).

4.2 Discussion conclusive Discussion en grand groupe Qu’est-ce qui était plus facile ? Montrer ses émotions ? Les cacher ? Comment s’est senti l’apprenant à qui on donnait un ordre ? Respecté ? Traité comme un enfant ? Remarque : il faut (essayer de) donner le temps à chaque apprenant de s’exprimer.

NOTA BENE – Evaluation Un petit mot sur l’évaluation. Une sorte de « profil cognitif » a été établi pour chaque membre de ce groupe, de façon à pouvoir suivre son évolution. Etant donné que ce n’est pas toujours le même enseignant qui suit cette classe, il est important que les activités prévues au cours de cette séquence soient évaluées. Points de focalisation : les émotions exprimées, leur adéquation avec la situation, la gêne, la confusion, le retrait de l’interaction, la participation ou éventuellement l’ennui de tout ou partie de la classe. Ces observations seront à rapporter dans la grille d’évaluation qui a été agrémentée tout au long de l’apprentissage.