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Pratiques de détermination de l’âge : revue documentaire
1. Contexte : la nécessité de déterminer l’âge
Dans le monde en développement, la naissance de seulement la moitié des enfants
de moins de cinq ans est enregistrée. En Afrique subsaharienne, 64 % des
naissances ne sont pas enregistrées, et elles sont 65 % en Asie du Sud (UNICEF,
2010, p. 44). Les conséquences pour les enfants peuvent être immenses. Leur
« invisibilité » officielle aggrave leur vulnérabilité et le risque que leurs droits soient
violés sans que personne ne s’en aperçoive. Faute de document attestant leur âge,
les enfants sont par exemple plus vulnérables à l’enrôlement au sein de forces
armées, aux formes dangereuses de travail ou au mariage précoce. Ils risquent
également davantage d’être traités en adultes, plutôt que comme enfants ou
mineurs, lors de procédures judiciaires ou s’ils cherchent à obtenir une protection
internationale en tant que demandeurs d’asile.
Un enfant en conflit avec la loi a le droit d’être traité « d'une manière tenant compte
des besoins des personnes de son âge » (CDE-ONU, article 37). Les lacunes en
matière d’enregistrement des naissances et de délivrance de documents d’identité
laissent le champ libre aux abus de la part des forces de l’ordre, les plaignants
comme la défense pouvant faire passer des enfants pour des adultes (afin d’éviter
toute complication ou de garantir une condamnation) ou des adultes pour des
enfants (afin de bénéficier d’un verdict indulgent ou des meilleures conditions
d’accueil en vigueur dans les centres éducatifs fermés pour mineurs). Pour un
mineur, être identifié à tort comme adulte peut avoir des conséquences irréversibles
sur sa vie, alors qu’il ou elle devrait bénéficier de considérations eu égard à ses
capacités et sa maturité, des garanties du respect de ses droits et d’un soutien en
faveur de sa réinsertion. Être considéré comme adulte augmente les risques que
l’enfant soit victime de mauvais traitements dans le cadre de procédures qui ne
prennent pas en compte sa situation, son âge ou sa maturité. Un enfant n’ayant pas
atteint l’âge de la responsabilité pénale mais étant considéré à tort comme un
mineur pénalement responsable risque d’être soumis à une procédure pénale pour
jeune délinquant au lieu de bénéficier d’une attention et protection particulières.
C’est pourquoi la détermination de l’âge est cruciale pour s’assurer que les enfants
et les mineurs sont identifiés et traités correctement (UNICEF, 1995, p. 20).
Les enfants non déclarés, déplacés et migrants sont exposés à de nombreuses
formes de discrimination et d’abus. En Guinée, par exemple, beaucoup d’enfants
réfugiés non déclarés ont été arbitrairement détenus par des officiers de police.
Incapables de prouver leur âge, ils sont nombreux à avoir été emprisonnés en tant
qu’adultes (UNICEF, 2007b). Les enfants séparés réfugiés en Europe peuvent
2
également se retrouver dans cette situation (voir par exemple Ruxton, 2003). Si leur
âge est contesté, leur demande d’asile est souvent traitée selon les procédures
appliquées aux personnes majeures et ils ne peuvent donc pas bénéficier des
dispositions particulières en faveur des enfants dont l’âge n’est pas contesté. Au
Royaume-Uni, ils disposent ainsi d’un délai plus limité pour transmettre les détails de
leur demande d’asile, sont convoqués à un entretien pour lequel il n’existe pas de
financement public permettant de disposer d’un avocat commis d’office, ne
bénéficient pas de la présence d’un adulte indépendant pour les aider lors de
l’entretien et risquent d’être placés en détention dans l’attente de la décision
(Crawley, 2007). Le fait d’être traité en adulte a également des conséquences sur la
possibilité pour l’enfant de bénéficier d’aides sociales et d’assistance.
Cipriani (2005) fait état d’avancées liées à l’organisation de campagnes nationales
d’enregistrement des naissances. Certains pays, notamment l’Afghanistan et le
Bangladesh, sont parvenus à mettre en place leur premier système public
d’enregistrement des naissances, tandis que l’Inde et le Pakistan ont joué un rôle de
premier plan en faveur de l’enregistrement des naissances dans toute l’Asie
(Cipriani, 2005). Cependant, malgré les progrès accomplis et les efforts continuels
de l’UNICEF et d’autres organisations nationales et internationales, des millions
d’enfants ne sont pas enregistrés. De ce fait, lorsque l’État ou d’autres organismes
ont besoin de connaître l’âge d’un enfant ne disposant pas d’état civil, les tentatives
pour déterminer son âge font appel à une variété de méthodes d’évaluation. Ce
rapport passe en revue la documentation existante sur les différentes pratiques de
détermination de l’âge. Il examine les méthodes disponibles, leur application et leur
impact sur la vie des enfants, ainsi que la signification de la notion d’« âge » et la
façon dont elle peut déterminer le développement futur des différentes approches en
matière de détermination de l’âge.
2. Comprendre l’âge et l’enfance
2.1 L’enfance en tant que construction sociale
Depuis l’émergence des lois sur le travail des enfants il y a plus d’un siècle, l’âge
chronologique s’est imposé dans la définition de l’enfant alors que l’âge précis
revêtait une valeur sociale dans le contexte législatif. La ratification de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989) par tous les pays du monde
sauf deux a renforcé la signification de l’âge en imposant la première définition
internationale de l’enfant en tant qu’« être humain âgé de moins de dix-huit ans »
(art. 1). Dans le cadre de ce modèle politique et législatif de l’enfance, la preuve
documentaire de l’identité et de l’âge est essentielle mais, malgré le droit universel
des enfants à l’enregistrement à la naissance (art. 7), l’enregistrement des
naissances n’est pas toujours mis en œuvre dans certains pays ou au sein de
certaines communautés.
3
Au cours des dernières décennies, l’« enfance » en tant que sujet d’étude a fait
l’objet d’une reconnaissance et d’un intérêt accrus. Des études ont examiné et décrit
la façon dont l’enfance s’est définie comme une construction sociale renvoyant à un
statut social dont les contours varient de façon importante d’une culture ou d’une
société à l’autre (Jenks, 2005, p. 7). Plusieurs études de référence ont exposé de
nombreux exemples illustrant comment la notion et la signification de l’enfance
recouvrent en fait les idées et attentes à l’égard des jeunes et de leur rôle au sein de
la société (voir par exemple James et Prout, 1990; Jenks, 2005). Elles montrent
comment la signification de l’« enfance » est socialement construite et peut varier
d’une époque ou d’une culture à l’autre sans se fonder sur un sens universel
(Cipriani, 2009, p. 3).
Ces constructions revêtent une importance particulière en ce qui concerne les droits
et responsabilités des enfants. Par exemple, l’approche judiciaire qui définit l’âge
minimum de responsabilité pénale (AMRP) ne se fonde pas de fait sur les capacités
morales normatives ou les responsabilités des enfants. Au contraire, les différentes
forces entrant en jeu dans la construction sociale influencent la définition des limites
d’âge et les conceptions dominantes sur les capacités des enfants se traduisent par
la fixation d’un âge légal précis qui détermine la limite entre enfance et adolescence.
La loi, en prescrivant un âge limite à partir duquel l’enfant jouit de compétences
légales dans un domaine particulier, quelles que soient les conceptions et
hypothèses justifiant cet âge, marque l’accession au droit à une liberté particulière
(Cipriani, 2009, p. 3).
Rosen nomme cette idée la « politique de l’âge ». Cette notion utilise les
représentations de l’enfance pour étayer les décisions politiques et légales, en
négligeant les conceptions variées et plus complexes de l’enfance mises en lumière
par les recherches anthropologiques (2007). Dans de nombreux pays, les droits et
responsabilités sont explicitement structurés à partir de l’âge chronologique. Les
exemples les plus évidents de ces réglementations portent sur l’âge du droit de vote,
la possibilité de travailler et de se marier ou encore le droit à l’éducation. Comme
tous les pays sauf deux ont ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits de
l’enfant, les droits qui y sont énoncés et l’âge à partir duquel ils peuvent être exercés
devraient être universels. Pourtant, des études continuent à mettre en avant des
disparités importantes entre les pays dans la façon dont les réglementations et les
préférences liées à l’âge sont intégrées aux lois et aux politiques sociales,
notamment au niveau local.
Une étude interculturelle sur l’âge menée dans sept communautés à Hong-Kong,
aux États-Unis, en Irlande et au Botswana a montré que l’âge chronologique est un
critère particulièrement prépondérant au sein des communautés appartenant aux
sociétés modernes industrialisées (Keith et al., 1994). Dans les autres
communautés, des mesures et repères différents sont utilisés pour déterminer les
différentes étapes de la vie et leurs transitions. De nombreuses études
anthropologiques portant sur les étapes de la vie et les rites de passage en Afrique
4
illustrent cet aspect. Pour de nombreuses communautés africaines, par exemple, le
début de la puberté définit le passage de l’enfance à la vie adulte pour les femmes,
tandis que les hommes sont considérés comme adultes une fois devenus
indépendants et chefs de famille. La maturité masculine est également étroitement
liée à l’engagement au sein de troupes de « combattants », de milices ou de
groupes d’initiation qui constituent des espaces importants de socialisation et d’auto-
détermination permettant aux jeunes d’accomplir leur passage à l’âge adulte (Waller,
2006, p. 82). D’autres exemples portent sur le droit coutumier du peuple des Fithi
Mehari Woadotat en Érythrée, qui prescrit que les garçons atteignent la majorité non
à un âge spécifique, mais lorsque la communauté les juge suffisamment mûrs, à un
moment donné entre 13 et 20 ans. Une fois qu’ils ont atteint la majorité, ils peuvent
témoigner, participer au conseil de la communauté, payer des taxes et posséder des
armes (Gouvernement d’Érythrée, Rapport initial de l’Érythrée au Comité des droits
de l’enfant, in Lansdown, 2005, p. 50).
De nombreux anthropologues ont étudié les systèmes d’âge en Afrique, où l’âge
constitue souvent un principe structurant majeur (voir par exemple Foner et al.,
1978; Dyson-Hudson, 1963). Les systèmes d’âge couvrent à la fois les différents
groupes formels d’individus du même âge numérique, les classes d’âge ou étapes
de développement qui se fondent sur le développement biologique et social et l’âge
relatif des individus, qui se traduit souvent en termes d’habileté. Ces niveaux d’âge
contribuent à définir les individus les uns par rapport aux autres et au sein de la
société de façon fonctionnelle. Dans son étude sur les Kusasi du nord-est du Ghana,
Cleveland a décrit les sept étapes de développement individuel et expliqué la façon
dont les individus entrent et sortent de chacune de ces étapes en fonction de leur
stade de développement biologique et social, qui est étroitement lié aux valeurs
sociales de production et de reproduction. Cleveland montre que si les membres
d’un groupe d’âge n’ont pas nécessairement le même âge numérique et si la
moyenne et le type d’âge d’un groupe peuvent varier dans le temps, ces catégories
reflètent parfois mieux la réalité sociale et biologique que l’âge numérique
« occidental ».
Stade 1 de la naissance jusqu’à ce que l’enfant soit capable de s’assoir et de
ramper
Stade 2 l’enfant passe la plupart de son temps à jouer mais commence à aider
aux tâches comme porter l’eau, s’occuper des enfants plus jeunes et
du bétail
Stade 3 l’enfant devient un membre productif important au sein du foyer; les
garçons s’occupent des travaux agricoles pénibles; les filles ramassent
du bois, vont chercher l’eau et font la vaisselle
Stade 4 l’enfant devient sexuellement mature, est considéré comme bon à
marier et peut commencer à faire la cour; les filles commencent à avoir
5
des seins, ont leurs règles; la circoncision est opérée
traditionnellement à ce stade pour les deux sexes; l’individu réalise
tous les travaux des adultes
Stade 5 la plupart des individus sont mariés et reconnus comme des membres
adultes de la communauté; période reproductive
Stade 6 la charge de travail et les responsabilités sociales commencent à être
réduites; la barbe de l’homme commence à blanchir; les femmes sont
entrées dans la ménopause
Stade 7 personnes très âgées, deviennent séniles, très peu productives
(Cleveland, 1989, p. 405)
Les attentes sociales et culturelles des différentes sociétés modèlent les
sollicitations qui pèsent sur chaque groupe d’enfants et donc leurs capacités à
exercer des responsabilités de nature variée. Les recherches de Cleveland montrent
que les deux sexes évoluent parallèlement durant les deux premiers stades, tandis
que les différences sociales et biologiques s’accentuent à partir du troisième stade,
la moyenne d’âge des femmes étant nettement plus basse que celle des hommes
lors des stades suivants. Les femmes sont en effet âgées de sept à huit ans de
moins que les hommes aux stades 4 et 6. Ces différences se manifestent de
diverses façons selon les sociétés. Au Népal par exemple, les filles commencent à
réaliser les travaux des adultes à 12 ans, alors que les garçons ne commencent qu’à
l’âge de 14 ans (Lansdown, 2005, p. 26).
Étant donné que le droit international se fonde sur une définition de l’enfance
inspirée des conceptions occidentales, il entre inévitablement en conflit avec de
nombreuses conceptions locales. Cela peut notamment être le cas concernant les
enfants soldats ou impliqués dans la guerre, le travail des enfants, le mariage
précoce et la « prostitution infantile » (Rosen, 2007, p. 297). Dans son article sur les
enfants soldats et le droit humanitaire, Rosen affirme que selon les recherches
anthropologiques, les jeunes gens présents sur les champs de bataille n’y accèdent
pas à un âge chronologique fixe. Les Dinka du Soudan initient les jeunes garçons à
l’art de la guerre entre 16 et 18 ans, les Amérindiens participent souvent à leur
première cérémonie de guerre vers 14 ou 15 ans, tandis que chez les Yanamamo au
Venezuela et au Brésil, les adolescents choisissent le moment où ils souhaitent
endosser le rôle de guerrier. On constate ainsi que les limites chronologiques entre
l’enfance et l’adolescence, puis entre l’adolescence et l’âge adulte, sont très
variables et restent ancrées dans l’expérience historique de chaque société et
culture (2007, p. 297).
Cependant, il mérite d’être remarqué que les stades et âges auxquels ont lieu les
rites de passage peuvent également varier dans le temps. Des groupes
générationnels ou tranches d’âge entières peuvent par exemple être initiés en même
6
temps tandis qu’en situation de conflit ou d’instabilité politique, les rites de passage
ayant lieu habituellement chaque décennie peuvent être retardés de quelques
années, ce qui implique que plusieurs tranches d’âge l’accomplissent ensuite en
même temps, voire ne le font pas de tout (conversation avec Nicholas Argenti,
septembre 2010)1. De plus, grâce aux dispositions du droit international telles que la
Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant, les très grandes disparités
historiques dans l’âge auquel les protections ou acquisitions de droits qu’elle prescrit
s’appliquent s’atténuent progressivement et les modèles législatifs fondés sur des
limites d’âge fixes deviennent la norme, même s’ils provoquent souvent des débats,
voire des conflits.
Certains anthropologues ont exprimé leurs préoccupations quant aux éventuelles
conséquences involontaires pouvant résulter de l’application d’une approche
universelle des droits de l’enfant (voir par exemple Rosen, 2007) et pensent que
celle-ci peut servir d’écran pour imposer les valeurs et pratiques occidentales dans
le monde entier. Cependant, un nombre croissant d’anthropologues admettent qu’un
consensus de plus en plus général se fait jour concernant les droits humains de la
femme, de l’enfant et des minorités, et beaucoup reconnaissent l’importance des
débats éthiques par rapport au relativisme culturel (Scheper-Hughes et al., 1998).
La mise en œuvre d’une approche universelle des droits de l’enfant et des concepts
d’âge correspondants relève du défi. Par exemple, depuis la promulgation de la loi
relative aux droits de l’enfant en Sierra Leone en 2007, les forces de l’ordre
éprouvent des difficultés à s’entendre sur la nouvelle définition de l’enfance et de
l’âge minimum de responsabilité pénale. Les anciennes pratiques, conformément à
l’ancienne loi relative aux enfants et aux jeunes, se fondaient sur une définition de
l’enfant comme toute personne âgée de moins de 14 ans, tandis que l’âge de la
responsabilité pénale était défini en fonction du concept de doli incapax qui suppose
qu’un enfant de moins de 10 ans est incapable de concevoir une intention coupable,
ce qui établissait de fait la responsabilité pénale à l’âge de 10 ans. Même si la loi de
2007 relative aux droits de l’enfant fait foi aujourd’hui et si l’âge minimum de
responsabilité légale est de 14 ans, Kamara (2008, p. 1) a relaté de « vifs débats et
argumentations » concernant la vérification de l’âge des enfants qui caractérisent
désormais les procédures pénales sur mineurs.
La religion véhicule également d’autres conceptions et définitions de l’enfance, qui
ont un impact important sur le développement des systèmes juridiques. L’islam,
l’hindouisme et le bouddhisme exercent une forte influence sur différents systèmes
juridiques d’Asie du Sud et ont des implications directes sur la définition de l’AMRP.
Il existe huit grandes écoles de pensée au sein du droit musulman, qui prônent
différents points de vue sur les questions de l’âge des enfants et de leur
responsabilité. Cependant, le droit musulman prescrit dans tous les cas la
1 Nicholas Argenti, professeur d’anthropologie à l’Université Brunel à Londres, a été contacté dans le cadre de
cette étude pour orienter l’examen de la documentation existante sur les rites de passage.
7
détermination de la responsabilité pénale en fonction de certaines caractéristiques
individuelles, parmi lesquelles la capacité de raisonnement intelligent (akl) et
l’existence d’une liberté de choix sont primordiales. L’akl est lié à la capacité de
comprendre et à la faculté de discerner le bien du mal. Dans le droit pénal
musulman, seuls ceux qui sont en mesure de comprendre la norme juridique et
d’agir en fonction de cette compréhension peuvent être considérés comme
pénalement responsables en cas de violation de cette norme. L’akl est une capacité
qui se développe progressivement. Le Coran ne fournit pas d’indications précises
sur l’âge auquel on accède à l’akl, c’est pourquoi les juristes musulmans et érudits
religieux interprètent certains âges comme des critères objectifs pertinents pour
déterminer son développement. À partir de ce fondement conceptuel, le droit
musulman divise l’enfance en trois classes d’âge à l’égard de la responsabilité
pénale :
1) De la naissance à l’âge de sept ans : les enfants sont considérés comme
incapables de discernement et ne peuvent donc en aucun cas être tenus pour
responsables d’un point de vue pénal.
2) De l’âge de sept ans au début de la puberté : à « l’âge de discrétion », les
enfants ne peuvent pas non plus être tenus responsables pénalement parce
que le développement de leur capacité de raisonnement n’est pas achevé.
Cependant, certaines écoles de pensée estiment qu’à cet âge, les enfants
doivent être tenus responsables d’une autre manière. L’école hanafite
(prédominante en Asie du Sud) autorise certaines conséquences ou
conclusions avantageuses pour les enfants à cet âge ou, dans certaines
circonstances, une conclusion neutre. Al-Shafei a affirmé que les enfants
peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires et de limitations durant cette
phase, mais aucune punition ou aucun châtiment n’est autorisé.
3) À partir du début de la puberté : les enfants ayant atteint la puberté et
possédant le rushd (capacité de discernement ou maturité des actes) peuvent
être tenus responsables pénalement.
(Cipriani, 2009, p. 78).
Ainsi, dans le droit musulman traditionnel, un enfant qui n’a pas atteint la puberté ni
le rushd (maturité mentale) n’est pas responsable pénalement. Cela implique une
présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale supposant qu’un enfant non
pubère n’est pas capable de commettre un crime (Khan et al., 1998, in Cipriani,
1995, p. 21).
Il n’existe cependant pas de consensus clair sur un signe physique permettant
d’établir le début de la puberté pour les garçons et les filles. La plupart des écoles de
pensée musulmanes définissent une tranche d’âge délimitée par un âge minimum
avant lequel la puberté ne peut être établie et un âge maximum au-delà duquel la
puberté est établie avec certitude. Entre ces deux âges, la puberté doit être
déterminée en fonction du développement physique de l’individu. Les signes
8
physiques permettant d’établir la puberté sont pour les garçons la capacité à
produire du sperme et pour les filles leur première menstruation. La croissance des
poils pubiens est un autre signe physique reconnu par les Chiites, tandis que
d’autres écoles se basent sur la grossesse et la mue de la voix (Cipriani, 2009,
p. 79).
Dans presque tous les cas, les dispositions portant sur l’AMRP du droit musulman
vont à l’encontre des normes internationales en matière de discrimination fondée sur
le sexe puisqu’en assignant explicitement la responsabilité pénale sur la base de la
puberté, le risque de discrimination à l’égard des femmes est accru. Au Pakistan, par
exemple, l’Ordonnance de Zina de 1979 définit comme infractions l’adultère, les
relations sexuelles avant le mariage, le viol et d’autres crimes du même type. Étant
donné que les filles atteignent la puberté plus tôt, elles peuvent être tenues
pénalement responsables plusieurs années avant les garçons du même âge. De
plus, les exigences en matière de preuves et de procédures pour établir la puberté
ont tendance à retarder et même éviter le verdict de responsabilité à l’égard des
garçons. Pour les filles au contraire, l’apparition de la menstruation ou de la
grossesse constituent des signes clairs et irréfutables. En l’absence de preuve
directe de viol, la grossesse d’une femme est considérée comme une preuve
d’adultère ou de relations sexuelles avant le mariage (Cipriani, 2009, p. 83).
Les préceptes fondamentaux hindous penchent nettement en faveur de l’innocence
des enfants et prescrivent généralement un AMRP plus élevé (Yubaraj, 2004, in
Cipriani, 1995, p. 22), de même que le bouddhisme. La législation du Bhoutan se
fonde sur les principes du bouddhisme, qui sont considérés comme favorables à la
protection des droits de l’enfant. Du point de vue bouddhiste, les enfants viennent au
monde avec un esprit pur, mais qui est vulnérable à l’influence de quelque
80 000 types identifiés de nuisances externes. Étant donné que les enfants et les
jeunes peuvent être affectés par ces nuisances, les adultes qui ont leur charge sont
responsables de protéger le développement des enfants. Inspiré par ces principes,
le code pénal rejette toute possibilité de responsabilité pénale pour les enfants âgés
de moins de 10 ans et autorise explicitement les juges à envisager des peines
réduites ou d’autres aménagements substitutifs à l’emprisonnement pour les enfants
ayant dépassé l’AMRP (Cipriani, 1995, p. 23).
Même si les définitions juridiques de l’enfance et de l’accession aux droits et
responsabilités se fondent de plus en plus sur des limites d’âge chronologiques
précises, les conceptions anthropologiques de l’âge, des coutumes et traditions ainsi
que des rites de passage ne doivent pas être ignorées car elles peuvent
véritablement aider les personnes en charge de l’évaluation de l’âge d’un enfant à
comprendre le contexte culturel dont il est issu. Les observations anthropologiques
peuvent permettre de comprendre pourquoi certains enfants présentent un aspect
ou un comportement plus âgés que ce qu’on attendrait d’enfants dans d’autres
sociétés.
9
2.2 Les mesures de l’âge : âge chronologique, biologique, social et de
développement
L’importance de l’âge chronologique a pris le pas du fait des progrès du droit et des
politiques fondées sur l’âge comme limite ou repère, mais aussi des preuves
biologiques d’un développement physique et cognitif universel chez l’enfant. Les os
des enfants semblent suivre un développement prévisible, de même que le
développement musculaire et les différentes étapes qu’il implique (voir la partie 4.1
ci-après). Il est ainsi généralement admis que certains changements importants
apparaissent à des stades précis du développement de l’enfant en termes de force
physique, d’agilité et de capacités sociales et cognitives (Lansdown, 2005, p. 23).
Cependant, certains estiment qu’il est erroné de déterminer les capacités de prise de
décision à partir d’hypothèses basées sur l’âge et que l’application rigide de lois
prescrivant l’âge auquel certains droits peuvent être exercés ne reflète pas la réalité
des capacités de décision et de responsabilité des enfants (Lansdown, 2005, p. 49).
Les résultats issus de comparaisons interculturelles des compétences montrent que
les niveaux d’évolution des enfants sont loin d’être universels et que les
comportements et pratiques diffèrent en fonction des hypothèses applicables en
matière de capacités. Au même titre que l’âge, des facteurs comme le sexe, la
classe sociale, la culture, le handicap et l’origine ethnique influencent la vie des
enfants et leurs capacités (Settersten et al., 1997).
D’autres critères de mesure portent sur l’âge biologique, l’âge social et l’âge
psychologique. L’âge biologique se définit en fonction de la situation présente d’un
individu par rapport à son espérance de vie potentielle, ce qui implique qu’un
individu puisse être plus jeune ou plus vieux que son âge chronologique. L’âge
social est déterminé par les rôles, responsabilités et habitudes d’un individu par
rapport aux autres membres de la société à laquelle il appartient. Ainsi, une
personne peut être plus ou moins « jeune » en fonction de la façon dont son
comportement reflète les attentes de sa société ou culture à l’égard de sa tranche
d’âge, comme nous l’avons décrit à la partie 2.1 ci-dessus. L’âge psychologique se
caractérise par les capacités comportementales des individus à s’adapter aux
différentes exigences, notamment en termes de mémoire, d’apprentissage,
d’intelligence, d’habileté, de sentiment, de motivations et d’émotion, dans le but de
contrôler et de réguler sa conduite (Settersten et al., 1997, p. 240). Au Bangladesh,
par exemple, on considère que les enfants franchissent un cap qui sépare l’âge de
l’innocence et de l’ignorance, nommé shishu, de celui de la connaissance, de la
compréhension et du comportement responsable, mais cette transition n’est pas liée
à un âge particulier (Lansdown, 2005, p. 26).
Lansdown (2005, p. 24) pose certaines limites aux évaluations et aux hypothèses
sur les compétences basées sur l’âge et souligne le fait qu’un nombre croissant de
10
recherches prouvent l’existence d’un ensemble de facteurs qui influencent la façon
dont fonctionne un enfant, notamment l’environnement dans lequel il évolue ainsi
que l’enfant lui-même. Le sexe influence également les niveaux de compétence. Des
analyses des différences entre les sexes ont montré que, de façon universelle, les
filles âgées de 7 à 11 ans sont plus matures que les garçons, que celles âgées de 3
à 7 ans sont plus responsables que les garçons et que ceux-ci sont généralement
plus agressifs que les filles. Il est donc largement admis que l’âge chronologique est
un critère qui comporte d’importantes limites pour définir l’âge biologique, social ou
psychologique, car il ne fournit qu’un « indicateur grossier » de l’état d’un individu
vis-à-vis des dimensions biologiques, sociales ou psychologiques (Settersten et al.,
1997, p. 240).
Comme nous l’avons déjà montré, le droit musulman prend en compte le concept de
rushd, ou maturité mentale, qui est établi pour chaque enfant au cas par cas. Le
Code provisoire des mineurs en Afghanistan prescrit par exemple la prise en compte
du rushd pour les enfants ayant dépassé l’AMRP (12 ans), les juges devant estimer
le développement psychologique, le caractère, l’intelligence et le comportement de
chaque enfant au moment et après l’infraction (Cipriani, 1995, p. 22). Ainsi, même
lorsque l’âge chronologique d’un enfant est connu, il est admis qu’il existe d’autres
mesures de l’âge et de la maturité importantes pour déterminer l’issue de toute
décision en rapport avec cet enfant. De fait, les normes du droit international relatif
aux mineurs appuient une perspective basée sur le développement qui tient compte
de l’évolution des capacités de l’enfant et de son droit à participer véritablement aux
questions touchant la justice pour les mineurs et à bénéficier de procédures et d’un
traitement en accord avec son âge. Les Règles de Beijing font référence à la
protection accordée du fait de la prise en compte de l’évolution des capacités et
mentionnent que l’AMRP « ne doit pas être fixée à un âge trop bas, en gardant à
l’esprit le critère de maturité intellectuelle, mentale et affective. »
De plus, les commentaires à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies
concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing, 1985)
insistent sur le facteur culturel pour définir les concepts d’âge et de responsabilité et
mentionnent que « le seuil de responsabilité pénale varie largement selon les
époques et les cultures. L'attitude moderne serait de se demander si un enfant peut
supporter les conséquences morales et psychologiques de la responsabilité pénale,
c'est-à-dire si un enfant, compte tenu de sa capacité de discernement et de
compréhension, peut être tenu responsable d'un comportement essentiellement
antisocial. » (§ 4.1)
En attirant l’attention sur le développement moral et psychologique, le discernement
et la compréhension, les commentaires aux Règles de Beijing mettent l’accent sur
certaines compétences particulièrement pertinentes à l’égard de la responsabilité
pénale (Cipriani, 2009, p. 32) et comportent ainsi l’obligation implicite d’adapter les
mécanismes de la justice des mineurs aux différents besoins des enfants selon leur
âge et leurs capacités.
11
L’âge de développement est également reconnu par les Principes directeurs du HCR
sur les demandes d’asile d’enfants, qui mentionnent que :
« Le fait d’être jeune et vulnérable peut rendre une personne particulièrement
sensible à la persécution. Par conséquent, il peut y avoir des cas exceptionnels dans
lesquels ces Principes directeurs sont pertinents même si la ou le requérant(e) a
18 ans ou est légèrement plus âgé(e). Cela peut particulièrement être le cas lorsque
les persécutions ont entravé le développement de la ou le requérant(e) et que sa
maturité psychologique reste comparable à celle d’un enfant. » (HCR, 2009, § 7).
Cependant, ces Principes directeurs du HCR ne sont pas contraignants et ne
constituent que des recommandations en matière de traitement des enfants en
quête d’asile. L’absence de dispositions légales permettant de prendre en compte
l’âge de développement d’un enfant a entraîné une focalisation sur l’établissement
de l’âge chronologique des enfants migrants et demandeurs d’asile, comme nous le
présentons à la partie 4. De plus, il est clair que malgré l’existence de dispositions
légales au sein du système de justice pour mineurs visant à prendre en compte l’âge
de développement de l’enfant, elles ne sont pas toujours appliquées.
Lansdown (2005) propose, pour résoudre ces difficultés, de supprimer toutes les
limites d’âge légales et de les remplacer par une évaluation individuelle de l’enfant
permettant de déterminer ses capacités en matière de prise de décision. Cependant,
Lansdown reconnaît que cette approche comporte d’importantes limites, notamment
les difficultés de mise en œuvre de ce modèle et le risque d’exploitation de l’enfant
ou de violation de ses droits.
3. Directives internationales
Dans le cadre d’un système juridique qui prescrit de façon de plus en plus
consensuelle la prise en compte de limites d’âge pour déterminer la capacité des
individus à exercer leurs droits et responsabilités, les enfants dont l’âge ne peut être
prouvé font forcément l’objet de désaccord et les institutions chargées de prendre
une décision sur l’aide sociale à laquelle ils ont droit doivent trouver une méthode
pour déterminer leur âge en l’absence de documents officiels. Cette partie présente
les directives internationales existantes pour assister les pays à cet égard.
Le cadre qui sous-tend toutes les directives internationales portant sur le traitement
des enfants est la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant (CDE) (1989).
La CDE établit un ensemble de normes et d’obligations non négociables et
reconnues universellement qui définissent les droits et libertés minima qui doivent
être respectés par les pouvoirs publics. L’article 1 de la CDE limite de fait l’exercice
des droits énoncés aux enfants, c’est-à-dire les personnes âgées de moins de
18 ans, à moins que la législation applicable ne prévoie l’atteinte de la majorité à un
âge plus précoce. Ainsi, l’incapacité à reconnaître qu’une personne est un enfant
l’empêche de bénéficier des droits prévus par la Convention. Cela peut avoir des
conséquences graves sur sa protection, son développement et l’attention dont il
12
bénéficie et accentue la nécessité pour les États parties de considérer la question de
la détermination de l’âge avec sensibilité et une diligence raisonnable.
Les quatre principes clés de la Convention sont la non-discrimination (art. 2); la
considération de l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3); le droit à la vie, à la survie et
au développement (art. 6); et le respect du droit de l’enfant d’exprimer librement son
opinion (art. 12). De plus, l’article 7 stipule un droit qui est particulièrement pertinent
concernant les désaccords sur l’âge et son évaluation, selon lequel tout enfant doit
être enregistré dès sa naissance et les États parties doivent garantir la mise en
œuvre de ce droit conformément à leur législation nationale et aux obligations que
leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier
dans les cas où faute de cela, l'enfant se trouverait apatride.
La Convention reconnaît également que chaque enfant, vivant dans un contexte et
une culture particuliers et étant confronté à différentes expériences, peut acquérir
certaines capacités à un âge variable selon les circonstances (art. 5 et 12). Elle
constate ainsi que les capacités des enfants peuvent varier en fonction du droit à
exercer et qu’ils doivent pouvoir bénéficier de différents niveaux de protection, de
participation et de possibilité de prendre une décision autonome selon le contexte.
L’article 5 de la Convention mentionne que les parents ou autres personnes en
charge de l’enfant doivent lui prodiguer conseils et orientations afin qu’il puisse
exercer ses droits d’une manière qui corresponde au développement de ses
capacités. L’article 12 porte sur le droit de l’enfant à exprimer son opinion et précise
qu’elle doit être dûment prise en considération eu égard à son âge et son degré de
maturité. Pris ensemble, les articles 5 et 12 établissent le rôle de l’enfant comme une
personne prenant une part active aux processus de prise de décision. Même si on
ne peut attendre des enfants qu’ils assument des responsabilités au-delà de leurs
capacités, ils ont le droit de participer à certaines décisions et activités pour
lesquelles ils sont compétents. De plus, les articles 13, 15 et 16, qui prévoient la
liberté d’expression, d’association et à la vie privée, mettent l’accent sur le droit des
enfants au respect de leur dignité et individualité fondamentale, leur droit d’être
différents et de porter un regard personnel sur la réalité. Aucun de ces articles ne
prescrit un âge spécifique à partir duquel l’enfant aurait la capacité d’exercer ces
droits. Ils prévoient, au contraire, la prise en compte des capacités individuelles de
chaque enfant à l’égard de chacun de ces droits (Lansdown, 2005, p. 23).
L’article 40.3.a de la CDE, qui porte plus particulièrement sur l’âge de la
responsabilité pénale de l’enfant, mentionne que « les États parties s'efforcent
d’établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir
pas la capacité d'enfreindre la loi pénale. » Cet article recommande aux États parties
d’établir un âge minimum, en rapport direct avec l’évolution des capacités de
l’enfant, dans le but explicite de le protéger. Cependant, il peut également être
interprété du point de vue du développement et de l’émancipation de l’enfant
puisqu’il part du principe que les capacités de l’enfant augmentent progressivement
grâce au soutien et à l’encouragement (Cipriani, 2009, p. 33).
13
La CDE ne stipule pas explicitement la question du désaccord sur l’âge ou son
évaluation, mais le Comité de l’ONU examine ce problème dans deux de ses
observations. Par son Observation générale no 10, le Comité des droits de l’enfant
stipule que « si, faute de preuve, il ne peut être établi qu’un enfant a l’âge minimum
de la responsabilité pénale ou plus, il n’est pas tenu pénalement responsable »
(Comité des droits de l’enfant de l’ONU, 2007, § 35). Le Comité précise également
qu’« à défaut de la preuve de son âge, l’enfant a le droit à un examen médical fiable
ou à une enquête sociale propre à déterminer son âge et, en cas d’éléments non
concluants ou divergents, a le droit au bénéfice du doute » (Id., 2007, § 39). Il
mentionne également la nécessité de mettre en place des dispositifs officiels de
vérification de l’âge qui se fondent sur des preuves objectives telles que la
déclaration de naissance ou les registres scolaires (Observations finales : Népal,
2005 et Observations finales : Bangladesh, 2006 in Cipriani, 2009, p. 135).
L’Observation générale no 6 du Comité des droits de l’enfant de l’ONU portant sur le
traitement des enfants non accompagnés et séparés en dehors de leur pays
d’origine stipule que les mesures de « détermination requièrent, entre autres,
d’évaluer l’âge − opération qui ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence
physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette
évaluation doit en outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de
l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement,
afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant; cette
évaluation doit en outre se faire avec tout le respect dû à la dignité humaine »
(Comité des droits de l’enfant de l’ONU, 2005, § 31).
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a élaboré deux
documents importants posant les principes directeurs à suivre en ce qui concerne la
détermination de l’âge. Dans ses Principes directeurs sur la demande d’asile
d’enfants non accompagnés, le HCR précise que les déterminations de l’âge
devraient prendre en compte à la fois l’apparence physique et la maturité
psychologique de l’enfant, et insiste sur l’importance d’une utilisation fiable, sûre et
respectueuse de la dignité des évaluations médicales. Il recommande ainsi que les
autorités reconnaissent les marges d’erreurs inhérentes à toute évaluation médicale
(HCR, 1997, p. 5).
Il est intéressant de noter que ce document précise également que « le principe
directeur est de déterminer si l’individu présente un niveau d’"immaturité" et de
vulnérabilité impliquant la nécessité d’un traitement plus sensible » (HCR, 1997,
p. 5). Un document plus récent sur les demandes d’asile élaboré en 2009 pousse
plus loin ce principe et affirme qu’« il peut y avoir des cas exceptionnels dans
lesquels ces Principes directeurs sont pertinents même si la ou le requérant(e) a
18 ans ou est légèrement plus âgé(e). » (2009, § 7). De plus, il précise que :
« L’évaluation de l’âge se fait dans les cas où l’âge d’un(e) enfant est mis en doute,
et doit faire partie d’une évaluation complète qui tient compte tant de l’apparence
14
physique que de la maturité psychologique de la personne. Il est important de
procéder à une telle évaluation dans une atmosphère sûre, propice aux enfants et
attentive aux questions de genre, et avec le respect dû à la dignité humaine. La
marge d’appréciation inhérente à toutes les méthodes d’évaluation de l’âge doit
s’appliquer de manière à ce que, en cas d’incertitude, la personne soit considérée
comme un(e) enfant. Comme l’âge n’est pas calculé de la même manière partout
dans le monde ou qu’il ne lui est pas accordé la même importance, il faut faire
attention à ne pas tirer de conclusions défavorables en matière de crédibilité lorsque
les normes culturelles ou les normes en vigueur dans un pays semblent diminuer ou
augmenter l’âge d’un(e) enfant. Il faut donner aux enfants des informations claires
sur le processus d’évaluation de l’âge et son but, et dans une langue qu’elles et ils
comprennent. Avant de procéder à l’évaluation de l’âge, il est important de nommer
une tutrice ou un tuteur qualifié(e) et indépendant(e) pour conseiller l’enfant. » (HCR,
2009, § 75).
La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres d’humains
(2005) mentionne également la question du désaccord sur l’âge et précise qu’« en
cas d’incertitude sur l'âge de la victime et lorsqu’il existe des raisons de croire qu’elle
est un enfant, elle est présumée être un enfant et il lui est accordé des mesures de
protection spécifiques dans l’attente que son âge soit vérifié » (art. 10.3).
En accord avec les Principes directeurs du HCR et l’Observation générale no 6 du
Comité des droits de l’enfant de l’ONU (§ 31 et 95), la Déclaration de bonne pratique
du Programme en faveur des enfants séparés en Europe formule des
recommandations sur la pratique de détermination de l’âge, notamment :
Les procédures de détermination de l’âge ne doivent être menées qu’en
mesure de dernier ressort, et non comme une pratique normale ou
habituelle, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de douter de l’âge et que les
autres approches comme les entretiens et les tentatives de rassembler des
documents probants ont échoué à établir l’âge d’une personne. Si la
détermination de l’âge est jugée nécessaire, il est indispensable d’obtenir un
consentement éclairé et la procédure doit être pluridisciplinaire et menée
par des professionnels indépendants disposant de l’expertise nécessaire et
familiers du contexte ethnique et culturel de l’enfant. Ils doivent tenir compte
des facteurs physiques, psychologiques, environnementaux, culturels
et de développement. Il est important de souligner que la détermination de
l’âge n’est pas une science exacte et que cette procédure comporte toujours
une marge d’incertitude importante. Dans cet exercice, il convient d’accorder
le bénéfice du doute aux personnes dont l’âge est évalué. Les examens ne
doivent jamais être effectués sous la contrainte ou aller à l’encontre de la
culture de l’enfant. La possibilité la moins intrusive doit toujours être choisie
afin de respecter en toute circonstance la dignité de la personne. Il
convient de veiller tout particulièrement à ce que les évaluations soient
15
appropriées au sexe de l’enfant et qu’un tuteur indépendant supervise la
procédure et puisse être présent si la personne en exprime le besoin.
La procédure, les résultats et les conséquences de l’évaluation doivent être
expliqués à la personne concernée dans un langage qu’elle comprend.
Les résultats doivent également lui être présentés par écrit. Il doit exister une
procédure de recours contre la décision et des dispositions garantissant le
soutien nécessaire à cette démarche.
En cas de doute, la personne qui déclare avoir moins de 18 ans sera
provisoirement traitée comme telle. Une personne doit pouvoir refuser de
se soumettre à une détermination de l’âge si la procédure constitue une
offense à sa dignité ou si celle-ci est préjudiciable à sa santé mentale ou
physique. Le refus de se soumettre à cette procédure ne doit pas
influencer l’évaluation de l’âge ou le résultat de la demande de
protection.
(Programme en faveur des enfants séparés, 2009, p. 25)
4. Méthodes de détermination de l’âge
Cette partie passe en revue la documentation existante sur les méthodes les plus
courantes de détermination de l’âge chronologique. Ces méthodes regroupent des
évaluations de différentes natures, notamment médicale, physique et psychosociale,
ou des approches intégrant l’utilisation de connaissances locales. Il est reconnu que
la plupart des experts ne considèrent pas la détermination de l’âge comme une
science exacte mais plutôt comme le produit d’une supposition éclairée, et que celle-
ci ne peut fournir qu’une indication du niveau de maturation ou de développement
osseux à partir duquel une conclusion concernant l’âge chronologique peut être
inférée (Crawley, 2007, p. 36).
4.1 Détermination médicale de l’âge
4.1.1 Détermination de l’âge osseux
La détermination de l’âge osseux est réalisée la plupart du temps à partir de
radiographies de la main et du poignet, qui sont comparées avec un ou deux atlas
de référence similaires, à savoir celui de Greulich et Pyle (GP) et celui de Tanner et
Whitehouse (TW2). La méthode de GP a été mise au point suite à une étude
réalisée en 1935 visant à évaluer la maturation osseuse plutôt que l’âge et ne prend
en compte aucune différence raciale ou socioéconomique. Les auteurs eux-mêmes
reconnaissent qu’il n’existe pas de lien absolu entre l’âge chronologique d’un enfant
et le niveau de maturation osseuse atteint par rapport à un squelette adulte
(Médecins pour les droits de l’homme et al., 2003, p. 131).
16
De nombreuses recherches ont été menées sur la méthode et les normes de GP et
la plupart ont mis en lumière des variations et divergences importantes. Par
exemple :
Ontell et al. (1997) ont conclu que l’utilisation des normes de GP pour déterminer
l’âge osseux doit être réalisée avec circonspection, en particulier lorsqu’il s’agit de
filles noires ou hispaniques et de garçons asiatiques ou hispaniques à la fin de
l’enfance et à l’adolescence.
Mora et al. (2001) ont montré qu’il est nécessaire de définir de nouvelles normes afin
de garantir des conclusions fiables en matière d’âge osseux qui représentent de
façon précise la population pédiatrique multiethnique.
La méthode de détermination de l’âge osseux de Tanner et Whitehouse (TW2) se
fonde sur l’évaluation de la maturation osseuse et une estimation de la taille atteinte
à l’âge adulte. Chacun des 20 os de la main est comparé à une série d’images
présentant les différents niveaux de développement de cet os. Cependant, les
normes de référence utilisées ont été établies dans les années 1950 et 1960 et l’on
sait que la maturation osseuse est aujourd’hui atteinte plus tôt qu’il y a quarante ou
cinquante ans. Cette méthode est considérée comme particulièrement peu fiable
pour les groupes les plus âgés (de 15 à 18 ans) et les personnes issues de
contextes ethniques et raciaux différents (Einzenberger, 2003, p. 38). Ranta (2003)
estime que la méthode TW2 n’est pas pertinente pour les personnes âgées de plus
de 16 ans.
Les autres méthodes de détermination de l’âge osseux sont notamment :
La méthode RUS qui a recours à la radiographie des os courts, le radius et le
cubitus;
L’évaluation de la fusion de la clavicule : cette méthode ne peut être utilisée
que pour établir si une personne est âgée de plus ou de moins de 21 ans,
âge auquel la clavicule atteint généralement sa pleine maturation. Au Pays-
Bas, cette technique est utilisée en association avec la radiographie du
poignet pour déterminer si un mineur est âgé de moins de 21 ans (Crawley,
2007 et Essakkili, 2007);
L’échographie de la hanche : la précision de cette technique est assez faible
car elle comporte une marge d’erreur de 4 à 5 ans (Chateil, 2002, p. 24);
La radiographie de la ceinture pelvienne pour évaluer l’ossification des crêtes
iliaques (test de Risser). Cette technique est considérée comme relativement
fiable pour estimer l’âge des personnes entre 12 à 16 ans. Cependant, les
conséquences des rayonnements sur les glandes génitales doivent être
prises en compte (Jacques, 2003, p. 18);
17
La radiographie de l’épaule : il s’agit d’une technique élaborée récemment au
Danemark qui suppose qu’une analyse radiographique de la zone de l’épaule
serait la technique la plus fiable pour évaluer l’âge réel (Ranta, 2003).
Concernant les méthodes GP et TW2, il est aujourd’hui admis que la maturation
osseuse dépend de facteurs ethniques, socioéconomiques et nutritionnels (Crawley,
2007). Cependant, selon certaines études (voir Schmeling et al., 2000), la pertinence
de l’origine ethnique dans l’évaluation de l’âge osseux a été écartée. De plus,
l’Association allemande d’odontostomatologie médico-légale de la Société
allemande d’odontologie et la Société allemande de médecine légale sont arrivées à
la conclusion que l’origine ethnique n’influe pas sur la maturation osseuse (2002,
p. 2).
Le contexte socioéconomique et la nutrition ont cependant été identifiés comme des
facteurs pouvant avoir un impact sur les estimations de l’âge chronologique
réalisées à partir d’analyses de l’âge osseux (Pedersen C., 2004, p. 5; Schmeling et
al., 2000);
« La nutrition est un facteur relativement important. Si la nutrition est
significativement réduite, la maturation sera sans aucun doute retardée. Quel que
soit l’âge chronologique réel, l’âge osseux sera plus faible que prévu. Par contre, la
nutrition ne peut pas accélérer ou renforcer la maturation. Ce facteur ne peut
qu’entraîner une sous-estimation et non une surestimation de l’âge
chronologique2. »
En outre, des données probantes montrent que les enfants se développent
aujourd’hui plus rapidement qu’ils ne faisaient dans les années 1930, au moment où
cette technique a été mise au point, ce qui implique que de nombreux sujets risquent
d’être plus jeunes que ne le laisse penser leur développement osseux, en particulier
en ce qui concerne les filles (Save the Children Norvège, 2006, p. 2). Le Collège
royal de pédiatrie et de santé infantile (RCPCH) a estimé que le squelette d’un
garçon atteint aujourd’hui sa pleine maturation entre 16 et 17 ans et celui d’une fille
entre 15 et 16 ans. Les normes ont donc évolué dans les deux cas de deux à
trois ans par rapport à l’atlas de GP (1999).
En ce qui concerne la précision, Ranta (2003) signale que les divergences prises en
compte en Suède sont de l’ordre de 6 mois pour les enfants âgés de 0 à 2 ans,
12 mois pour ceux âgés de 2 à 9 ans et de 24 mois pour ceux âgés de 9 à 18 ans.
Dans la plupart des cas, les marges d’erreur sont estimées à plus ou moins
deux ans. Comme l’a expliqué le Pr Peter Hindmarsh, « la maturation osseuse peut
être exprimée en termes de temps alors qu’elle ne représente que le niveau de
2Témoignage du Dr Kevin Osborn devant le Comité juridique et constitutionnel du Sénat australien le 2 mars
2001, projet de loi de 2001 portant amendement des références pénales (détermination de l’âge) in Pedersen, C.
2004.
18
croissance atteint par rapport à celui d’un adulte dont les plaques de croissance ont
fusionné. L’âge osseux est simplement une façon abrégée de décrire le pourcentage
de croissance atteint3. »
4.1.2 Détermination de l’âge dentaire
Une des autres méthodes les plus courantes est l’évaluation de l’âge dentaire, soit
par examen, soit par radiographie. La maturation dentaire, qui s’exprime par l’âge
dentaire, est un indicateur de la maturation biologique de la croissance de l’enfant,
qui peut être évaluée par différentes méthodes. On peut par exemple déterminer par
radiographie l’existence et le développement des dents de sagesse, établir les
valeurs de référence d’éruption dentaire à partir d’une radiographie de la dentition
entière (technique considérée comme plus fiable pour les adultes) ou examiner la
minéralisation de dents (Ranta, 2003, p. 48).
Les radiographies visant à déterminer l’existence et le développement des dents de
sagesse sont souvent utilisées pour les enfants plus âgés, généralement ceux entre
16 et 22 ans. En effet, dans ce groupe d’âge, toutes les dents ont atteint leur
développement complet sauf la troisième molaire, dont l’édification radiculaire n’est
pas achevée. Cependant, les déterminations de l’âge basées sur l’éruption des
dents de sagesse sont considérées comme moins précises que les autres
méthodes, puisque les intervalles de confiance sont de plus de deux ans par rapport
à l’âge estimé (Kullman, 1995, p. 1). Cette méthode est celle utilisée par le Conseil
américain d’odontologie médico-légale, mais fait l’objet de critiques aux Pays-Bas où
l’évaluation de l’âge dentaire est considérée comme peu valable car 25 % de la
population n’a pas de dents de sagesse et car l’édification radiculaire des dents de
sagesse présente des variations très importantes entre les individus au cours du
processus de maturation. Selon un rapport du Comité sur la détermination de l’âge,
« environ 10 % des filles et 16 % des garçons présentent un critère d’exclusion
avant d’atteindre l’âge de 18 ans et il pourrait donc leur être injustement refusé d’être
traités en tant que mineurs » (Comité sur la détermination de l’âge, 2006, in Crawley
2007, p. 33).
La méthode de Kvaal a recours à la radiographie des dents de devant ainsi que
l’examen clinique de la cavité buccale. Cette technique peut éventuellement être
utilisée pour lever les doutes sur le fait qu’une personne est âgée de moins de
18 ans ou non et calculer l’âge au-delà de ce seuil. La méthode de Kvaal se fonde
sur une étude norvégienne et est utilisée dans très peu d’autres pays. Les
chirurgiens-dentistes en Suède et au Danemark considèrent cette pratique comme
inadaptée pour les enfants âgés de 12 à 18 ans. Cette méthode présente par ailleurs
un écart-type de 9,5 ans. La faculté d’odontologie d’Oslo, qui effectue des examens
dentaires sur des enfants demandeurs d’asile, confirme que cette méthode donne
souvent des résultats trop élevés pour les personnes jeunes. La faculté
3 Pr Peter Hindmarsh (Institut de santé infantile, UCL), lettre au Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre,
29 mai 2007.
19
d’odontologie précise cependant que, même si la méthode de Kvaal ne peut fournir
un âge précis, elle peut être utile pour déterminer si la personne est âgée de moins
de 18 ans/plus jeune que l’âge indiqué (Save the Children Norvège, 2006, p. 3).
La technique reconnue comme la plus fiable est celle développée par Demirjian, qui
évalue la maturation dentaire d’un enfant. Les stades de formation des dents
mandibulaires gauches (à l’exception de la troisième molaire) sont estimés, puis les
résultats pour chacun des sept stades sont additionnés pour produire un âge
dentaire unique qui représente l’âge moyen d’un enfant présentant ce résultat. Les
conclusions font alors l’objet d’une interprétation clinique afin de déterminer si
l’évolution dentaire de l’enfant est en avance, en retard ou dans la moyenne par
rapport à la référence (Liversedge, 2010, p. 96).
Cependant, à l’instar des évaluations de l’âge osseux, l’opinion des médecins est
qu’il existe toujours des divergences entre l’âge chronologique et l’âge dentaire et
qu’« un consensus absolu se dégage de la documentation scientifique sur
l’impossibilité de déterminer exactement l’âge chronologique d’un patient à partir de
radiographies dentaires » (Déclaration du Dr Herbert F. Frommer, 28 janvier 2002 in
Médecins pour les droits de l’homme, 2003, p. 132).
Des critiques, notamment de la part de l’Association allemande de médecine légale
et de chercheurs en Suède, Finlande, France et aux États-Unis, mettent l’accent sur
le fait que la maturation dentaire dépend de l’environnement, de la nutrition, ainsi
que de l’origine ethnique et la race (Pedersen C., 2004, p. 4). En outre, plusieurs
études menées dans le but de tester l’applicabilité de la détermination de l’âge
dentaire sur différentes populations ont montré qu’il existe d’importantes variations
de l’âge chronologique associé à un stade de maturation dentaire. Par exemple :
Koshy et Tandon (1998) ont découvert que la méthode de détermination de
l’âge de Demirjian n’est pas fiable pour évaluer les enfants d’Inde du Sud. Ils
ont mis en lumière des surestimations respectives de 3,04 et de 2,82 ans
pour les garçons et les filles. Leur étude a donc conclu que cette méthode est
inapplicable pour ce groupe d’enfants;
Thorson et Hagg (2001) ont cherché à déterminer la fiabilité de la maturation
d’une molaire, qui est souvent utilisée pour évaluer l’âge chronologique. Ils
ont mis au jour une différence importante entre l’âge chronologique réel et
l’âge estimé, à savoir de plus ou moins 4,5 ans pour les filles et 2,8 ans pour
les garçons. Ils ont conclu que le rapport entre l’âge dentaire et l’âge
chronologique, exprimé en coefficient de corrélation, est faible;
Eid et al. (2002) ont appliqué la méthode de Demirjian à des enfants
brésiliens âgés de 6 à 14 ans et ont découvert que les garçons et les filles
brésiliens présentent une maturation dentaire en avance de 0,6 an par rapport
à l’échantillon d’enfants canadiens-français utilisé par Demirjian;
McKenna et al. (2002) ont appliqué la méthode de Demirjian à des enfants
d’Australie du Sud et en ont conclu que les écarts observés sont de façon
20
constante plus importants que ce qui est considéré comme acceptable pour
une détermination médico-légale de l’âge;
Des différences ethniques en matière de minéralisation de la troisième
molaire ont été mises en lumière par Olze et al. (2004, 2006);
Kullman (1995) a associé la mesure de l’âge osseux et les examens dentaires
et montré que les évaluations conjointes produisent aussi d’importantes
surestimations de l’âge chronologique dans une étude portant sur des
adolescents suédois.
La principale lacune que mettent en lumière toutes ces études est l’absence de
données de référence portant sur des enfants d’origines diverses. Ranta (2003) en
conclut qu’en l’absence de données de référence et de différences raciales
prouvées, une moyenne de valeurs maximales et minimales doit être établie en
intégrant une marge d’approximation dans les deux sens.
Cependant, certaines autres études (Liversedge, 2010; Diamant-Berger in
Einzenberger, 2003; et Schmeling et al., 2000) remettent en question les écarts
existants entre les différents groupes de population. Liversedge avance que les
différences de maturation dentaire mises en lumière entre différents groupes lors de
l’utilisation de la méthode de Demirjian ont été interprétées à tort comme des
différences entre populations parce qu’elles entrent en désaccord avec les preuves
existantes de similarité des stades de maturation dentaire entre les différents
groupes mondiaux (Liversedge, 2010, p. 100). L’Association allemande
d’odontostomatologie médico-légale n’a pas identifié de différence significative entre
les personnes d’origine européenne ou africaine mais précise qu’elle n’a analysé
qu’un nombre restreint de personnes (Einzenberger, 2003, p. 42).
Une autre limite importante identifiée est que de nombreux échantillons existants
portant sur d’autres populations ne regroupent que des enfants beaucoup plus
jeunes, généralement de moins de 14 ans. Au cours des stades précoces de
développement, la maturation dentaire des garçons et des filles coïncident
étroitement. Cependant, au cours des stades plus tardifs de développement, des
différences notables apparaissent entre les sexes, notamment en ce qui concerne
l’édification radiculaire, les filles étant plus avancées que les garçons (voir par
exemple McKenna et al., 2002, in Crawley, 2007, p. 32).
De même que pour les examens osseux, la plupart des études concluent que l’âge
dentaire ne peut fournir qu’une indication concernant l’âge chronologique. Le
Collège royal de pédiatrie et de santé infantile (RCPCH) déclare ainsi qu’il « n’existe
aucune corrélation absolue entre l’âge dentaire et l’âge physique de l’enfant.
Cependant, l’estimation de l’âge physique d’un enfant à partir de sa maturation
dentaire est fiable avec une marge de plus ou moins deux ans pour 95 % de la
population et constitue la technique médico-légale de base de la plupart des
estimations de l’âge ». Pour les enfants plus âgés, la marge d’incertitude rend peu
fiable une estimation basée uniquement sur l’âge dentaire (1999, p. 14). Kullman
21
(1995, p. 1) affirme ainsi que « la précision et la fiabilité de la plupart des méthodes
d’évaluation dentaire utilisées sur les enfants ont été évaluées et jugées assez
faibles et, étant donné que de nombreux autres paramètres de développement
peuvent être utilisés pour les jeunes enfants et que leur rythme de développement
est plus rapide, la précision et fiabilité de cette technique sont considérées plus
faibles pour les mineurs plus âgés. » Kullman estime que la plupart des techniques
de détermination de l’âge présentent un intervalle de confiance d’environ deux ans,
fiable à 90-95 %, par rapport à l’âge estimé (1995, p. 1).
4.1.3 Détermination médicale de l’âge en pratique
Comme le laissent supposer de nombreuses conclusions concernant la fiabilité de la
détermination médicale de l’âge, l’application et l’interprétation de ces techniques
dans la pratique suscitent de grands débats. Les méthodes de détermination de
l’âge osseux sont pratiquées dans plusieurs pays, notamment la Belgique, la
Finlande, la Lituanie, la France, la Norvège et les États-Unis (Réseau européen des
migrations, 2010; Save the Children Norvège, 2006 et US Immigration and Customs
Enforcement, 2004). Cependant, ces méthodes sont largement critiquées par les
professionnels et autorités d’autres pays. L’Autriche et la Suisse ont récemment
cessé d’utiliser la radiographie osseuse, même si en Autriche il est possible de
« réaliser, à la demande d’un étranger, une radiographie des os du carpe à sa
charge ». En septembre 2000, la Commission suisse de recours en matière d’asile a
décidé que l’évaluation radiographique ne peut être que d’une fiabilité limitée dans la
mesure où elle ne prend pas en compte les différences contextuelles et ethniques
(2001, in Einzenberger, 2003, p. 37). Le Comité juridique et constitutionnel sénatorial
du Parlement du Commonwealth d’Australie (2001) insiste également sur « les
connaissances limitées qui semblent disponibles sur l’âge osseux dans les cultures
autres qu’européennes » et déclare que « nous ne pouvons savoir si cette pratique,
n’ayant été testée que sur des personnes de type européen en Amérique du Nord,
est plus fiable que l’opinion d’une personne qualifiée fondée sur un autre type de
test. » (2001, p. 24 in Einzenberger, 2003).
Aux Pays-Bas, le Comité sur la détermination de l’âge ne prend pas en compte les
résultats d’une évaluation de l’âge réalisée uniquement à partir de radiographies du
poignet et de la main car « l’analyse du poignet et de la main seule implique
qu’environ 90 % des filles et 50 % des garçons présentent un critère physique
d’exclusion avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans et qu’il pourrait donc leur être
injustement refusé d’être traités en tant que mineurs. » (Comité sur la détermination
de l’âge, 2006, p. 9). Les autorités des Pays-Bas ont recours à la radiographie de la
clavicule en complément de celle du poignet et de la main pour déterminer l’âge,
mais ce procédé peut être beaucoup plus intrusif et comporte également une marge
d’erreur importante (Crawley, 2007, p. 30). Un rapport de Save the Children Norvège
et de l’Organisation norvégienne pour les demandeurs d’asile (2006, p. 3) conclut
que les examens osseux ne sont pertinents que dans les circonstances suivantes :
22
Lorsque le squelette n’a pas atteint son développement complet, ils
constituent une indication assez fiable du fait que le demandeur d’asile est
âgé de moins de 18 ans.
Lorsqu’il existe une différence importante entre l’âge donné et la norme
raisonnable/adéquate de maturation osseuse, l’analyse devant être
complétée par l’examen dentaire et l’étude de la situation particulière de la
personne. Sur la base des normes établies par le RCPCH, nous estimons que
ce cas peut s’appliquer à un garçon ayant affirmé être âgé de 15 ans ou
moins et une fille de 14 ans ou moins, alors que la radiographie des os du
carpe a établi une maturation osseuse complète.
Lors d’une conférence organisée par l’ONG autrichienne Kinderstimme le 7 mars
2000, les experts ont conclu que la détermination de l’âge n’est pas réalisable avec
les méthodes médicales existantes. Selon Lery et Goldberg de « Droit et éthique de
la santé », de nombreux experts estiment également qu’il n’est pas possible de
déterminer l’âge chronologique à partir de l’âge osseux (Einzenberger, 2003).
L’évaluation de l’âge dentaire est pratiquée en Suède, au Portugal, en Pologne, en
Italie, en Allemagne, en France, en Finlande, en République tchèque, en Belgique,
en Autriche, ainsi qu’aux États-Unis (Réseau européen des migrations, 2010). Les
examens dentaires et radiographiques sont également souvent utilisés par les
services d’immigration et de naturalisation (INS) des États-Unis pour déterminer
l’âge, un seul dentiste ayant notamment examiné 1 500 personnes à New York. Les
militants, avocats et experts médicaux mettent fortement en doute ce procédé et
critiquent le fait que les pouvoirs publics se fondent sur ces analyses pour
déterminer l’âge en mettant en lumière l’inexactitude de ce type d’évaluation :
« L’une des notions fondamentales qu’ignore la méthode actuelle de détermination
de l’âge de l’INS est que l’âge chronologique, l’âge dentaire et l’âge osseux ne
coïncident pas forcément pour un individu donné. De fait, les écarts entre ces trois
types d’âge sont courants et bien évalués dans la pratique pédiatrique et dentaire.
Les divergences entre ces trois âges peuvent aller jusqu’à cinq ans – ce qui est
énorme lorsque l’on considère une durée aussi courte que les vingt premières
années de la vie. » (Ferraro, INS Public Comment in Médecins pour les droits de
l’homme et al., 2003, p. 131)
En dépit des limites et des inquiétudes concernant les évaluations fondées sur les
radiographies dentaires et osseuses, le ministère de l’Intérieur britannique a décidé
de modifier en profondeur sa politique, dont les directives étaient auparavant qu’« un
assistant social ne doit en aucun cas proposer une radiographie à cette fin »
(Einzenberger, 2003, p. 37), pour imposer désormais un usage beaucoup plus
courant des radiographies visant à évaluer la maturation osseuse lorsqu’il existe un
doute raisonnable sur l’âge déclaré. Dans un document de consultation, le ministère
de l’Intérieur a affirmé (mais sans préciser ses sources) que « certaines études
23
récentes montrent que les analyses radiographiques (des dents, de la clavicule et
des os du poignet) peuvent constituer un moyen plus fiable de déterminer l’âge
qu’on ne le croyait auparavant. En effet, cette conviction est partagée par certains
États membres de l’UE qui utilisent régulièrement ces techniques dans le domaine
de l’immigration » (ministère de l’Intérieur, 2007 in Crawley, 2007, p. 35). En
réaction, l’ancien Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre, pédiatre
endocrinologue réputé, a exprimé avec franchise ses propres craintes sur l’utilisation
des radiographies dentaires ou osseuses pour déterminer l’âge chronologique, qu’il
considère comme peu fiables et injustifiées d’un point de vue éthique, voire
illégales4.
Au-delà des critiques déjà présentées, la Société européenne d’endocrinologie
pédiatrique a déclaré que « la maturation dentaire et osseuse ne peut pas être
utilisée pour déterminer l’âge chronologique d’un enfant » et recommande que les
évaluations soient réalisées par des personnes qui connaissent la langue et le pays
d’origine de l’enfant5.
Cependant, même si le milieu médical reconnaît que les techniques de
détermination de l’âge permettent uniquement d’estimer l’âge d’une personne, les
professionnels et universitaires craignent que ces estimations soient utilisées par les
autorités publiques comme une preuve irréfutable de l’âge d’un requérant (Parsons,
2010, p. 54), tel que décrit à la partie 5.
4.2 Détermination physique
Les déterminations de l’âge fondées sur le développement physique peuvent être
réalisées à partir de certaines mesures anthropométriques, notamment la taille, le
poids, la peau et une estimation de la puberté qui ne nécessite pas le recours à la
radiographie. Cependant, ces méthodes ont été fortement critiquées parce qu’elles
ne prennent pas en compte les variations dues à l’origine ethnique, l’apport
nutritionnel et le contexte socioéconomique (voir Einzenberger, 2003 et Crawley,
2007).
L’anthropométrie consiste à prendre les mesures d’un individu afin de comprendre
les différences physiques humaines et est reconnue par l’Organisation mondiale de
la Santé comme étant l’unique méthode existante qui soit universellement applicable
et adaptée, peu coûteuse et non intrusive pour évaluer les dimensions, la taille et la
composition du corps humain. De façon pratique, les valeurs anthropométriques
4 Voir la lettre datée du 06/08/09 adressée à Save the Children Bruxelles, Conférence de Bruxelles sur la
politique européenne relative aux enfants séparés. 5 Lettre datée du 10/11/2007 adressée au professeur Sir Albert Aynsley-Green, Commissaire à l’enfance pour
l’Angleterre, Usage inapproprié des « examens médicaux » pour évaluer l’âge des enfants demandeurs d’asile dans les pays européens.
24
peuvent être comparées entre les individus et les populations par rapport à un
ensemble de valeurs de référence (de Onis et al., 1996a, p. 650).
Diamant-Berger (cité in Einzenberger, 2003, p. 40) précise que les mesures
anthropométriques doivent être utilisées avec prudence car les facteurs influents
comme le terrain génétique et ethnique ou les déficiences nutritionnelles et
endocriniennes sont nombreux. Elle souligne également que les tableaux de
référence utilisés sont souvent désuets et donne l’exemple de la France où les
tableaux de référence utilisés ont plus de 40 ans et ne correspondent plus aux
mesures de la population française actuelle. Elle affirme qu’il est prouvé
factuellement que les adolescents d’aujourd’hui sont en moyenne beaucoup plus
grands que leurs aînés, qu’il s’agisse de leur tour de taille, pointure ou tour de tête.
Durant de nombreuses années, les données de référence utilisées pour les mesures
anthropométriques des enfants étaient fondées sur un échantillon restreint et non
représentatif d’enfants américains de l’Iowa des années 1940. Dans les années
1960 et 1970, deux ensembles de données étaient utilisés comme référence de
croissance : la courbe de croissance d’Harvard et la courbe de Tanner au Royaume-
Uni. Les courbes d’Harvard étaient basées sur des données issues d’enfants de type
européen de Boston relevées entre 1930 et 1956, permettant une étude
longitudinale. Cependant, ces données ont été critiquées du fait du nombre restreint
d’enfants utilisés comme échantillon pour l’étude et du manque de représentativité
génétique (de Onis et al. 1996b, p. 75). Même si les données de référence ont été
mises à jour progressivement, en particulier pour établir des références
internationales d’évaluation nutritionnelle, l’OMS a identifié certaines limites relatives
à l’établissement de données ou de normes de référence locales, en particulier le fait
que la définition de telles références est une tâche compliquée qui ne peut être
réalisée fréquemment et que l’établissement de ces données au niveau local coûte
très cher (de Onis et al., 1996b, p. 78).
Il existe des techniques bien définies pour évaluer le niveau de puberté, décrites par
Tanner en 1962. Elles permettent d’établir l’âge correspondant aux différents stades
de développement apparent de la puberté, à partir de l’âge de 11 ans pour les
garçons et les filles jusqu’aux derniers stades atteints deux ou trois ans plus tard.
Ces méthodes impliquent que ces différents stades soient atteints dans un ordre
bien défini. Or, le début de la maturation pubère est extrêmement variable. Les filles
peuvent présenter les premiers signes dès l’âge de 8 ou 9 ans et les garçons vers 9
ou 10 ans. Il peut également arriver que la puberté soit retardée et que les premiers
signes n’apparaissent que vers 14 ou 15 ans chez les garçons. À cette complexité
s’ajoutent les conditions nutritionnelles et sanitaires qui peuvent accentuer encore le
retard de la puberté, de sorte qu’une personne peut être plus âgée que ne le laisse
penser sa maturation pubère. Il existe également des différences de nature ethnique
influant sur l’âge de début de la puberté. Sur le sous-continent indien par exemple, il
est fréquent que la puberté commence un peu plus tôt. Un garçon présentant une
pilosité achevée du visage et du corps peut donc paraître plus âgé qu’il ne l’est en
25
réalité, par rapport aux normes de développement de type européen (The King’s
Fund et le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile, 1999, p. 13).
Le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile conclut que « de façon générale, il
n’est pas possible de déterminer effectivement l’âge d’une personne à partir de
mesures anthropométriques, et cela ne devrait pas être pratiqué. » (The King’s Fund
et le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile, 1999, p. 40).
4.2.1. Détermination physique de l’âge en pratique
En pratique, les évaluations anthropométriques ou physiques sont généralement
pratiquées par des pédiatres qui mènent parallèlement des examens osseux et
dentaires, ainsi que des évaluations sociales et psychologiques, en fonction de
l’expérience, des compétences et des intérêts de chaque pédiatre. Cependant, il est
prouvé qu’il existe d’autres types d’évaluations plus « informelles » menées par une
variété de professionnels et de praticiens dans certains pays, qui n’ont que peu à
voir avec les mesures anthropométriques et qui n’estiment pas que l’expertise d’un
médecin soit indispensable. Ces « évaluations » se fondent souvent sur une
appréciation visuelle rapide au cours de l’entretien de demande d’asile d’enfants,
notamment en Allemagne, Autriche et Grèce (Réseau européen des migrations,
2010; Crawley, 2007). Ce type d’évaluations soulève des inquiétudes éthiques et
des doutes sur leur fiabilité.
Au Royaume-Uni, les débats ont été vifs sur la confiance à accorder aux évaluations
pratiquées par des pédiatres par rapport à celles menées par des travailleurs
sociaux. Par exemple, au début de la décennie, l’Autorité d’appel en matière
d’immigration et la Cour suprême ont donné la préférence aux évaluations
médicales; si une différence apparaît entre l’évaluation d’un travailleur social local et
celle d’un spécialiste en pédiatrie, ce dernier doit être privilégié. Lors de l’affaire The
Queen on the Application of I & Another v. Secretary of State for the home
Department6, le Juge Owen a établi que le rapport d’un spécialiste en pédiatrie
expérimenté faisant plus autorité grâce à son expertise de spécialiste que celui des
travailleurs sociaux, celui-ci est qualifié pour pratiquer des examens dentaires
permettant de déterminer un âge fiable à plus ou moins deux ans (Bhabha et Finch,
2006, p. 62).
Cependant, l’arrêt plus récent concernant le cas R(B) v. London Borough of Merton7
a souligné la nécessité d’une évaluation holistique qui prenne en compte les facteurs
sociaux. Au paragraphe 23, il est mentionné que « pour obtenir un avis médical
fiable, il faut recueillir l’expertise de l’un des rares pédiatres ayant une expertise
dans ce domaine. Et même eux ne peuvent donner qu’une indication. »
6 ([2004] EWHC 2297 (Admin)),
7 R(B) v. LB Merton [2003] EWHC 1689 - Stanley Burnton J - « jugement de Merton ».
26
Dans le même sens, un jugement de la Cour suprême de 20098 a mis en doute la
fiabilité des preuves médicale en affirmant qu’« un pédiatre est peu susceptible de
pouvoir tirer une conclusion plus fiable que celle d’un travailleur social expérimenté,
à condition bien sûr que ce travailleur social soit correctement formé et
expérimenté » (§ 25). Pourtant, la Chambre des Lords a rendu un jugement dans les
affaires R (on the application of A) (FC) (Appellant) v. London Borough of Croydon
Respondents) et [2009] UKSC 8 précisant que la décision de déterminer si une
personne est un enfant ou non relève du tribunal, tandis que celle de déterminer si
un enfant est dans le besoin relève des services sociaux. Ce jugement précise
également qu’afin de déterminer l’âge, un tribunal peut prendre en compte une
grande variété d’éléments, notamment de nature médicale (Brownlees et Finch,
2010, p. 51).
Dans son manuel à l’intention des pédiatres, The King’s Fund indique que les agents
en charge des questions d’immigration et les juges doivent, lorsqu’ils reçoivent les
rapports des pédiatres, tenir compte aussi bien des facteurs sociaux et culturels que
physiques, au vu des difficultés inhérentes à la détermination de l’âge d’une
personne. Il estime également qu’il peut être pertinent de juger les caractéristiques
physiques en fonction de son ancien mode de vie, en tenant compte par exemple
des responsabilités endossées dans le pays d’origine, du niveau d’études, etc.
(1999, p. 14).
La Suède et la Roumanie effectuent des examens anthropométriques associés à
d’autres analyses, même si la Roumanie reconnaît que « les données fournies par
cet examen ne sont pas suffisantes pour déterminer de façon satisfaisante l’âge d’un
mineur. » (Ranta, 2003, p. 32). Crawley (2007) attire également l’attention sur les
risques éthiques qu’implique toute évaluation de la puberté basée sur un examen
des parties génitales, qui se situe à la limite du comportement abusif, tandis que
l’ONG allemande Pro Asyl insiste sur le caractère « indigne » des examens de
maturation pubère (Holzcheiter, 2001, in Einzenberger, 2003, p. 43).
4.3 Détermination fondée sur les aspects psychosociaux et le
développement
Les données sur la façon dont les déterminations de l’âge fondées sur les aspects psychosociaux et le développement sont menées sont très rares, et le peu d’informations disponibles se limitent au contexte des enfants migrants sans papiers en Europe. Les Principes directeurs du HCR relatifs aux enfants demandeurs d’asile, récemment révisés, indiquent explicitement que la détermination de l’âge « doit faire partie d’une évaluation complète qui tient compte tant de l’apparence physique que
8 EWHC 939 : audition RCJ 8/5/09, juge Collins.
27
de la maturité psychologique de la personne » et que dans certains cas exceptionnels, ces principes peuvent s’appliquer à des requérants âgés de plus de 18 ans, soulignant que la maturité psychologique et le niveau de développement sont aussi importants que l’âge chronologique (HCR, 2009, § 75). Le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile insiste également sur l’importance
du passé social de l’enfant pour déterminer son âge, exige que les fonctionnaires en
charge des questions d’immigration et les juges tiennent compte des facteurs
sociaux et culturels en prenant connaissance des rapports des pédiatres et conseille
aux pédiatres de toujours préciser dans leur rapport en quoi le passé social de
chaque enfant est significatif pour déterminer son âge (The King’s Fund et le Collège
royal de pédiatrie et de santé infantile, 1999, p. 14). L’étude d’un enfant dans le
temps et l’observation de la façon dont il réagit à différents types de situations peut
donner une bonne indication de son âge, en particulier si ces observations sont
réalisées par des professionnels de différentes disciplines. Il est important de
collecter des informations sur le passé social et le développement de l’enfant,
notamment la composition de sa famille, les activités auxquelles il a participé ou son
niveau d’éducation, d’indépendance et d’autonomie. Si l’enfant est demandeur
d’asile ou en procédure pour obtenir un titre de séjour à l’étranger, il convient de
replacer cette expérience dans le contexte et les conditions du pays d’origine et de
tenir compte des données de nature ethnique et culturelle pour former un jugement.
Il est également important que l’enfant soit informé du fait qu’une procédure
d’évaluation de son âge est menée (Conseil danois pour les réfugiés, 2010).
Le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile (2007) et le Conseil consultatif
autrichien en matière de droits de l’homme pour les mineurs en détention (voir
Einzenberger, 2003) insistent sur le fait que la procédure de détermination de l’âge
doit tenir compte des évaluations fondées sur les aspects sociaux et le
développement, conduites par des professionnels spécialisés très fréquemment en
contact avec des jeunes mineurs (tels que des agents en charge de la protection de
la jeunesse, des travailleurs sociaux, des pédiatres et des pédopsychologues),
tandis que la jurisprudence britannique met l’accent sur l’importance d’évaluations
holistiques basées sur une variété d’informations et de techniques.
Des évaluations de nature sociale sont réalisées en Allemagne, Autriche, Suède,
Irlande, au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais leur qualité ainsi que la définition
de la notion d’« évaluation sociale » varient considérablement. Dans certains cas,
une évaluation sociale n’est rien de plus qu’un entretien rapide complété par une
évaluation physique basée sur l’observation lors du premier entretien avec l’enfant
demandeur d’asile. En Allemagne et en Autriche, par exemple, une « évaluation
sociale » comprend un entretien rapide conduit par un officier de police et un agent
des services d’immigration plutôt que par un travailleur social (Réseau européen des
migrations, 2010), qui ne remplit pas les conditions précisées ci-dessus. Dans
certaines régions d’Autriche, les agents chargés du traitement des demandes d’asile
réalisent cette évaluation accompagnés d’un agent chargé de la protection de la
28
jeunesse. Cependant, certains agents chargés de la protection de la jeunesse
refusent de coopérer car ils estiment ne pas être compétents pour déterminer l’âge
d’une personne qu’ils n’ont rencontrée que cinq minutes auparavant. Les
informations recueillies durant l’entretien portent sur le cursus d’études, les dates de
naissance des membres de la famille et d’autres éléments pouvant corroborer ou
non l’exactitude de l’âge déclaré. Dans les deux cas, l’apparence physique constitue
la base de l’évaluation, alors que la maturité psychologique de la personne n’est
dans aucun cas prise en compte (Einzenberger, 2003, p. 43).
En Suède, il est proposé à un requérant dont l’âge est contesté de défendre sa
demande par le biais d’un « entretien d’orientation ». Il s’agit d’une évaluation
générale de l’enfance du requérant, de son parcours scolaire et de l’âge de ses
parents et de ses frères et sœurs. Si un doute subsiste après cet entretien et les
autres entretiens de suivi, il est proposé au requérant d’appuyer sa demande par la
collecte d’autres informations d’ordre médical, notamment des radiographies
dentaires ou osseuses (Réseau européen des migrations, 2010, p. 54).
Les règles élaborées par l’équipe des services sociaux d’un organisme local au
Royaume-Uni comportent une liste de facteurs dont doivent tenir compte les
travailleurs sociaux lorsqu’ils réalisent des évaluations de l’âge. Ces facteurs
comprennent l’apparence physique et le comportement, l’interaction durant
l’entretien, le passé social et la composition de la famille, des éléments relatifs au
développement, le niveau d’éducation, l’expérience et la capacité de la personne à
prendre soin d’elle-même. Une note de conseil accompagnant chacun des facteurs
que propose cette liste encourage le travailleur social à prendre en compte les
éléments culturels et ethniques pouvant avoir une influence sur ces facteurs. Par
exemple, il est recommandé de « tenir compte des pratiques culturelles différentes,
un regard direct dans les yeux pouvant notamment être considéré comme impoli par
certaines personnes » (Détermination de l’âge d’enfants isolés demandeurs d’asile,
2005).
Cependant, en dépit de ces conseils, Crawley (2007) indique que certains
professionnels et représentants d’ONG sont préoccupés par le manque de formation
de certains travailleurs sociaux en charge de déterminer l’âge et par le fait qu’ils
puissent être influencés négativement par le traitement médiatique des questions
liées à l’immigration et à l’asile. De plus, certains travailleurs sociaux en charge de
déterminer l’âge fondent trop leurs conclusions sur l’apparence physique et le
comportement, en s’appuyant sur leur propre conception de ce dont doit avoir l’air un
enfant, qui n’est qu’une construction sociale. De même, les données factuelles
provenant des États-Unis montrent que l’évaluation initiale de l’âge est
excessivement fondée sur l’apparence physique d’une personne et sur les
documents dont elle dispose (département de la Sécurité intérieure, Bureau de
l’inspecteur général, 2009).
29
En réaction au contexte particulier de la détermination de l’âge d’enfants
demandeurs d’asile au Royaume-Uni, qui soulève de plus en plus de controverses,
Latham (2004) s’est appuyé sur des directives pratiques et des jugements
prononcés dans deux affaires significatives, Merton et Enfield, pour établir une série
de critères à l’intention des travailleurs sociaux en charge d’évaluer l’âge, afin de
déterminer la légalité, la rationalité et l’impartialité de cette évaluation :
Afin d’être légale, une telle évaluation ne doit pas se baser uniquement sur
les décisions prises par le ministère de l’Intérieur mais tenir compte des
éléments disponibles. Si le requérant s’est montré cohérent par rapport à la
date de naissance qu’il a déclarée, ce facteur peut être décisif en l’absence
de preuve du contraire. L’autorité est tenue de justifier toute décision
différente;
Afin d’être rationnelle, une autorité locale doit prendre en compte tous les
éléments pertinents pour l’évaluation et ignorer tous les éléments non
pertinents. Il s’agit notamment de comprendre pourquoi un requérant pense
qu’il est né à une certaine date et d’examiner la composition de la famille, le
passé social et le niveau d’éducation du requérant. Une histoire qui semble
compatible avec un âge inférieur à 18 ans doit mener à la conclusion que le
requérant est bien mineur, tandis qu’à l’inverse, une histoire mensongère,
même si elle est pertinente, ne doit pas nécessairement constituer une
indication de l’inexactitude de l’âge déclaré par le requérant. Un processus
d’évaluation rationnel doit également tenir dûment compte des données des
spécialistes fournies pour appuyer l’âge déclaré par le requérant; et
Afin d’être impartial, le processus d’évaluation doit être conduit par deux
évaluateurs en tenant compte de l’état de fatigue du requérant, du
traumatisme, de la confusion et de l’anxiété et en s’assurant que la personne
comprend bien le but de l’entretien et le rôle de l’évaluateur. Les questions
posées doivent être ouvertes et non directives et le questionnement doit être
mené de façon structurée et généralement compréhensive. Plus important
encore, l’entretien doit être mené sans parti pris. En cas de besoin, il faut
recourir aux services d’un interprète compétent, de préférence présent
physiquement plutôt que par téléphone. Si l’évaluateur estime que le
requérant ment sur son âge, il est indispensable de fournir au requérant la
possibilité de présenter les éléments qui l’ont mené à déclarer cet âge et de
se justifier.
Ce cadre est considéré comme utile au vu du niveau de cohérence et de
compétence des résultats des évaluations d’âge conduites actuellement par les
services sociaux locaux (Crawley, 2007).
Cependant, il semble qu’il existe des lacunes dans les informations pratiques
fournies pour réaliser ce type d’évaluations. Même si les directives internationales
insistent sur l’importance des évaluations pluridisciplinaires, il n’existe aucun manuel
ni aucune méthode scientifiquement valide permettant de définir les marge d’erreur
30
des différents types d’évaluation (Cipriani, 2009, p. 134). En conséquence,
l’approche adoptée par défaut est de considérer les données médicales et
« factuelles » comme les plus fiables, comme nous le présentons à la partie 5.
4.4 Détermination de l’âge à l’aide des documents existants, du savoir local
et des informations fournies
Avant d’avoir recours aux méthodes d’évaluation intrusives présentées aux parties
précédentes, l’âge d’un enfant peut être établi par la recherche de documents
attestant sa date de naissance ou donnant une idée de son âge approximatif. Les
directives internationales ne fournissent aucune indication sur le type de document
acceptable à cet égard, mais les codes de procédure juridique (civils et pénaux)
précisent parfois quels types de documents peuvent être acceptés comme justificatif
d’identité et donc d’âge.
La connaissance de l’âge chronologique n’est pas uniquement pertinente
relativement aux droits de l’enfant et aux systèmes juridiques, mais constitue
également la base de nombreux mécanismes de collecte de données tels que les
recensements nationaux et locaux, ainsi que les dispositifs visant à évaluer et
déterminer le niveau de croissance et le bien-être nutritionnel de l’enfant. Dans les
pays où le taux d’enregistrement des naissances est faible, mais où il est nécessaire
de collecter des données à une échelle relativement importante, il existe de
nombreux exemples d’évaluations de l’âge réalisées à partir de documents autres
que la déclaration de naissance associés aux calendriers autochtones et au savoir
local comme la mémoire de l’intervalle entre les naissances.
Par exemple, pour collecter des données de recensement, des agents ont cherché,
dans certaines régions d’Afrique, à utiliser les événements des calendriers nationaux
et locaux pour déterminer l’âge des personnes d’une communauté (Cleveland,
1989). Au sein de certaines communautés, la période à laquelle est née une
personne peut être connue à partir de son nom, par exemple « né pendant la récolte
du millet ». D’autres communautés ont recours au calendrier lunaire, notamment les
Indiens de San Blas au Panama, et se réfèrent par exemple à « la lune de la ponte
des iguanes », « la lune de la germination du maïs », etc. (Jelliffe, 1966, p. 827).
McKay (1970) présente une approche similaire en matière de collecte de données
sur la croissance des enfants en Malaisie et montre que les communautés
traditionnelles musulmanes se réfèrent plus facilement aux mois du calendrier
musulman qu’au calendrier romain officiel. Cependant, il est signalé que ces
estimations de l’âge sont souvent peu fiables, et même si des données calendaires
précises sont utilisées, les communautés locales ont du mal à relier les dates de
naissance aux événements du calendrier (Cleveland, 1989, p. 402). Même si
certains parents sont en mesure de se souvenir de la date de naissance exacte de
leur enfant (par ex. « le 13e jour de mouharram »), d’autres, qui connaissent moins
31
bien le calendrier, peuvent se souvenir du mois de naissance ou le mettre en relation
avec un mois plus connu du calendrier religieux comme celui du Ramadan. Alors
que certains parents se souviennent bien du mois de naissance, ils ont par contre du
mal à se souvenir de quelle année il s’agissait (McKay, 1970, p. 24).
McKay estime que les références à des événements naturels comme la saison des
semences ou des récoltes, la saison des moussons ou d’autres événements
climatiques particuliers permettent rarement de préciser les souvenirs des
personnes incapables de relier une naissance à un mois ou à une année
particulière. Le fait de demander combien de fois le riz a été récolté ou planté depuis
la naissance de l’enfant ne donne généralement pas plus de résultats que de
simplement demander de quelle année il s’agissait. McKay montre également que
les références aux événements nationaux ou politiques sont peu utiles, car les
communautés qu’il a étudiées ne semblaient pas établir de relation temporelle entre
les événements extérieurs et la naissance des enfants. Les souvenirs portent en fait
plutôt sur la naissance elle-même, et si une femme était enceinte ou avait enfanté
depuis peu lorsqu’est advenu une naissance chez un voisin, cela marque sa
mémoire. Dans la culture malaise, la période d’enfantement est marquée par des
restrictions particulières portant sur le régime et les activités en fin de grossesse et
après l’accouchement. Ainsi, une femme se souviendra qu’« elle était encore assise
dans la cuisine » (en référence à la période traditionnelle de 44 jours après
l’accouchement) lorsqu’une voisine a accouché. C’est pourquoi une femme qui ne
connaît pas la date de naissance de son enfant est souvent capable d’établir
l’intervalle de temps en jours ou en mois avec la naissance d’un autre enfant du
village (McKay, 1970, p. 25).
De la même façon, en Afrique, une méthode utilise les connaissances sur le
système de classes d’âge et au Kenya, des « tableaux de conversion » ont été
élaborés grâce à une chronologie des différents stades. Les âges relatifs peuvent
également servir de base à une estimation numérique de l’âge, en particulier dans
les petites communautés où tout le monde se connaît et dans les communautés où
prévaut une notion stricte d’âge relatif qui est souvent cité dans les formes de
politesse utilisées pour s’adresser à quelqu’un. Convertir cette chronologie relative
en âge numérique nécessite de classer la population des plus jeunes aux plus âgés,
en commençant par les jeunes dont la date de naissance a pu être établie puis en
utilisant le calendrier local pour estimer l’âge des personnes plus vieilles (Cleveland,
1989, p. 403). La date de naissance des membres les plus jeunes d’une
communauté peut être déterminée grâce aux registres scolaires, aux cahiers
d’exercices ou aux registres du centre médical, par exemple, même si Cleveland a
remarqué que les dates de naissance apparaissant sur les registres sanitaires sont
généralement inexactes, à moins que la première visite au centre médical n’ait été
effectuée au cours des premiers mois suivant la naissance (1989, p. 404).
Cependant, la fiabilité des évaluations de l’âge réalisées à partir des systèmes
communautaires de classes d’âge dépend de nombreux facteurs, notamment
32
l’ampleur de la communauté et l’âge relatif des enfants. McKay (1970, p. 27)
souligne que dans les grands villages (plus de 400 habitants), le nombre de mères
qui n’ont pas connaissance des autres naissances advenues à la même période est
plus important. Il estime qu’il est également plus difficile d’établir l’âge d’enfants plus
âgés (cinq ans ou plus) lorsque la mémoire de la mère est confuse à la suite de
plusieurs naissances consécutives, ainsi que dans les petits villages (moins de
100 habitants) lorsque les naissances sont trop éloignées les unes des autres pour
établir un schéma de classes d’âge. De plus, l’établissement de ces calendriers de
classes d’âge prend du temps, parfois plusieurs semaines, et est coûteux (Jelliffe,
1966, p. 827).
4.5 Préoccupations éthiques à l’égard des méthodes de détermination de
l’âge
Au-delà des craintes concernant la fiabilité des déterminations de l’âge dentaire et
osseux, de nombreux membres de la communauté médicale et des critiques
extérieurs ont exprimé leurs craintes quant au caractère éthique de ces types
d’examens médicaux. Le Collège royal des radiologues à Londres a ainsi indiqué à
ses membres et confrères qu’il n’est « pas convenable » d’effectuer des examens
radiographiques dans le but de déterminer l’âge (Ruxton in Einzenberger, 2003).
De plus, même si l’exposition aux rayons X est très faible durant une radiographie
visant à déterminer l’âge, certains s’inquiètent des risques pour les enfants liés aux
rayonnements, quelle que soit la dose. La Directive du Conseil de l’Europe
97/43/Euratom relative à la protection sanitaires des personnes contre les dangers
des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales signale que les
expositions à des fins médicales constituent la principale source d'exposition à des
rayonnements ionisants artificiels des citoyens de l'Union européenne. L’article 3 de
cette directive stipule que l’exposition doit présenter un avantage net suffisant par
rapport au préjudice individuel potentiel. Il est difficile de prouver que l’exposition aux
rayonnements à des fins d’évaluation de l’âge puisse présenter un avantage
quelconque pour une personne. L’article 3 précise également qu’une attention
particulière doit être accordée à la justification des expositions qui ne présentent pas
un avantage médical direct pour la personne qui les subit. La directive recommande
en outre d’accorder une attention particulière à l’exposition des enfants et insiste sur
le fait que les États membres doivent utiliser un équipement radiographique et des
accessoires appropriés et avoir recours à des pratiques adaptées lorsqu’il s’agit
d’enfants. L’exposition doit impérativement être réalisée avec le consentement de la
personne et après avoir informée celle-ci des risques inhérents à cette procédure.
Crawley précise que les codes éthiques des professions médicales et dentaires au
Royaume-Uni reposent sur les principes d’autonomie, de bien-être et de
consentement du patient. Les examens visant à déterminer l’âge osseux ou dentaire
sont conduits par un nombre restreint de praticiens rémunérés et sous contrat d’État,
ce qui va à l’encontre de ces trois principes éthiques (Crawley, 2007). Ranta (2003)
33
remarque également que les évaluations de l’âge réalisées dans un cadre médico-
légal ne posent généralement pas de problèmes relatifs aux raisons et aux
conséquences de l’évaluation, mais que des questions éthiques surgissent
lorsqu’elles sont réalisées sur des personnes vivantes. Elle affirme qu’il faut
notamment se poser la question suivante : « Dans l’intérêt de qui cet examen est-il
pratiqué ? Celui de la société ou celui de l’enfant en question ? »
Toute forme d’examen médical réalisé à des fins d’évaluation de l’âge doit soulever
des considérations d’ordre éthique. L’enfant a-t-il donné son consentement éclairé à
la conduite de cette procédure, en gardant à l’esprit son âge, sa maturité et sa
compréhension du processus ? Si le praticien qui réalise l’évaluation a des doutes
sur le fait que l’enfant comprenne bien la procédure ou qu’il ait été d’une certaine
manière menacé, forcé ou incité à donner son accord à la conduite de la procédure,
le fondement éthique de l’examen doit être remis en question. Pour les enfants ayant
déjà subi un traumatisme ou étant en situation de détresse, un examen physique
peut aggraver leur état. Tout professionnel de la santé qui entreprend une procédure
à des fins autres qu’un diagnostic doit se demander pourquoi il réalise cette tâche, à
qui bénéficie cet examen et si l’enfant en tire un avantage. Même si un examen
physique mené par un praticien expérimenté peut permettre d’identifier un problème
médical susceptible ensuite d’être traité, une telle éventualité ne peut à elle seule
justifier l’examen9. Quel que soit le contexte, les déterminations de l’âge ne doivent
pas contrevenir aux droits de l’enfant tels qu’énoncés par la CDE. Les principaux
droits relatifs à l’éthique des méthodes de détermination de l’âge sont que l’intérêt
supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale pour toutes les actions
menées en rapport avec l’enfant (art. 3); l’opinion de l’enfant doit être dûment prise
en considération eu égard à son âge et son degré de maturité (art. 12); et l’enfant a
droit à la protection de la loi contre les immixtions ou les atteintes à sa vie privée, sa
famille, son domicile ou sa correspondance (art. 16).
5. Intégration des directives internationales dans les pratiques
Cette partie étudie la façon dont les pratiques menées au niveau national ont intégré
ou non les directives internationales et ont réagi aux recherches sur les différentes
méthodes de détermination de l’âge. Elle se penche en particulier sur les principes
énoncés dans la Déclaration de bonne pratique du Programme en faveur des
enfants séparés en Europe (qui relaie lui-même un certain nombre de directives
internationales) et présente des éléments probants relatifs aux bonnes pratiques
lorsque les principes clés sont mis en œuvre, ainsi que des exemples où ces
principes ne sont pas respectés dans la pratique.
9 Appréciation personnelle de l’auteur.
34
Il a été difficile d’établir l’existence de directives nationales spécifiques dans la
plupart des pays. Cependant, à partir des données disponibles, il apparaît clairement
que la majorité des pays ne disposent pas de directives spécifiques sur le moment et
la façon de mener les évaluations de l’âge, ainsi que sur les personnes devant
réaliser cette procédure.
Dans de nombreux pays, l’absence de directives officielles aboutit à privilégier
l’approche par défaut qui consiste dans des examens physiques informels souvent
fondés sur la seule observation. Ces examens sont très fréquemment conduits par
des agents peu qualifiés pour cette procédure comme des officiers de police (voir
par exemple Kamara, 2008; Réseau européen des migrations, 2010). Dans le cadre
du système judiciaire pour mineurs, il est courant que les juges endossent la totale
responsabilité d’établir l’âge des enfants, sans disposer d’aucune directive claire. De
nombreux rapports signalent qu’au Bangladesh, au Népal et au Pakistan, les
officiers de police et le procureur surestiment l’âge des enfants dans les documents
judiciaires, en général pour éviter d’avoir à respecter les mesures supplémentaires
prévues par la loi en faveur des enfants, mais également pour gonfler les taux
d’arrestations et d’inculpations. Les magistrats acceptent bien souvent sans poser
de question l’âge signalé par les officiers et procureurs, et les enfants sont ainsi
souvent privés de la représentation légale nécessaire pour faire reconnaître les
falsifications d’âge (Cipriani, 1995, p. 14). Même lorsqu’il existe des directives
spécifiques, il est prouvé qu’elles ne sont pas toujours mises en pratique, ce que
nous allons montrer.
Les procédures encadrant les déterminations officielles de l’âge se sont souvent
révélées irréalisables. Les examens médicaux, par exemple, sont obligatoires dans
de nombreux pays mais le manque de connaissances détaillées et de ressources
ainsi que la faible disponibilité des médecins entraînent d’importants retards dans le
traitement des affaires. Les juges surchargés ne prennent pas le temps d’examiner
les données factuelles disponibles, par exemple les registres scolaires, ni
d’interroger les témoins en mesure d’établir l’âge véritable des enfants, et ignorent
très souvent les procédures prévues. Si le doute subsiste sur l’âge d’un enfant
lorsque son cas est porté à l’attention d’un juge, celui-ci peut se contenter de deviner
l’âge sur son apparence, comme au Bangladesh (Cipriani, 1995, p. 13).
Au Sierra Leone, la loi relative aux enfants et aux jeunes prévoit que les tribunaux
doivent enquêter afin d’établir l’âge d’une personne qui leur est présentée.
Cependant, cette loi ne précise pas comment cette enquête doit être conduite. Il est
désormais courant de demander conseil à un professionnel médical, mais étant
donné qu’un seul médecin est en charge de déterminer l’âge et que le personnel
manque pour enregistrer le résultat, cela entraîne d’importants retards, voire
l’ajournement des procédures judiciaires, et l’allongement de la durée de détention
des enfants (Kamara, 2008, p. 3). Cipriani (2009, p. 133) affirme que « cette
situation se produit trop fréquemment » car les tribunaux, dans les pays comme
Oman, l’Éthiopie et le Sri Lanka, exigent que les évaluations de l’âge soient
35
réalisées par des professionnels médicaux qui ne sont pas disponibles à la
demande, entraînant le placement en détention provisoire des enfants.
Le coût des évaluations médicales ne doit pas être sous-estimé. Cipriani affirme
qu’une radiographie du poignet coûte entre 60 et 85 euros, tandis que les examens
dentaires coûtent environ 90 euros. La nécessité de disposer de professionnels
hautement qualifiés, associée au coût de ces examens, implique pour de nombreux
pays l’incapacité financière de réaliser ces examens (2009, p. 134). Ainsi, la Bulgarie
et la République tchèque négligent ces méthodes pour cette raison (Réseau
européen des migrations, 2010; Programme en faveur des enfants séparés en
Europe, 2003).
La lenteur du processus permettant de déterminer l’âge a des conséquences sur
tous les aspects des procédures pour mineurs et va à l’encontre du but même du
système judiciaire pour mineurs, qui consiste à réhabiliter le mineur et à travailler à
sa réinsertion au sein de la société. Kamara (2008) montre qu’au Sierra Leone,
lorsque l’âge d’un mineur est contesté, celui-ci est maintenu en détention dans une
prison pour adultes. Le processus de détermination de l’âge rallonge la durée des
procès et empêche donc la tenue de procès rapides.
On peut également douter du fait que les tribunaux respectent le droit des enfants à
bénéficier d’un procès équitable. Kamara donne l’exemple d’un cas où le rapport
médical demandé par le parquet a été soumis par le médecin de la police avec
beaucoup de retard. Le rapport en question indiquait que l’accusé était âgé de 16 à
17 ans et qu’il avait donc le droit de comparaître devant un tribunal pour mineurs.
Malgré ce fait, le parquet a ordonné un second examen médical (2008, p. 5). Des
pratiques similaires ont été signalées en France et au Royaume-Uni, où ces
évaluations sont de plus en plus contestées (voir par exemple Terrio, 2008; Crawley,
2007; et Brownlees et Finch, 2010). Selon Cipriani, certains pays ont modifié leurs
procédures de détermination de l’âge afin d’éviter de telles situations et d’offrir une
meilleure protection aux enfants, à l’image de la loi indienne relative à la justice pour
mineurs (protection de la jeunesse) de 2000 qui rend irréversible la détermination de
l’âge d’un enfant par une autorité compétente (1995, p. 14).
5.1 La procédure de détermination de l’âge est-elle menée en dernier
ressort ?
Les procédures de détermination de l’âge ne doivent être menées qu’en mesure de
dernier ressort, et non comme une pratique normale ou habituelle, lorsqu’il
existe des raisons sérieuses de douter de l’âge et que les autres approches comme
les entretiens et les tentatives de rassembler des documents probants ont échoué à
établir l’âge d’une personne.
Déclaration de bonne pratique du PESE, 2009
36
Si la contestation de l’âge d’une personne est due généralement à un manque de
documents, elle peut également provenir d’une incompréhension de la façon dont
les dates de naissance et les calendriers sont calculés dans les autres pays et
cultures ou d’une confusion et d’une mauvaise compréhension des déclarations de
l’enfant sur son âge (Crawley, 2007, p. 20). Cependant, il est parfois difficile de
déterminer si les autorités ont fait le nécessaire pour savoir si une déclaration de
naissance existe ou si elles ont pris la peine de tenir compte d’autres types de
documents comme preuve de l’âge. De même, les directives internationales
existantes ne précisent pas l’importance qui doit être attribuée aux différents types
de documents et les efforts à mettre en œuvre pour identifier ces documents avant
de lancer les procédures de détermination formelle de l’âge ne sont qu’à leurs
débuts.
Certains exemples de jurisprudence montrent que l’importance attribuée à des
documents probants comme le certificat de naissance ou autres preuves
d’enregistrement n’est pas toujours suffisante. En France, par exemple, la Cour
d’appel s’est contentée d’accepter la déclaration orale de M. X selon laquelle il était
mineur, attestée par le certificat d’inscription de son école au Ghana, mentionnant sa
date de naissance. Deux évaluations médicales conduites par l’administration
française ont donné des résultats contradictoires, l’une établissant l’âge de M. X à
25 ans, l’autre affirmant qu’il était âgé de 16 à 18 ans. Face à une telle incertitude, la
Cour a tranché en faveur de M. X10. Dans le cadre d’une autre affaire en France, la
Cour d’appel a confirmé que seule la date de naissance attestée par l’acte de
naissance de B.X. était valable, et non les résultats de l’évaluation osseuse. L’acte
de naissance avait été établi par la Cour d’appel de Conakry, en Guinée11. Dans les
deux cas, le fait que des examens médicaux aient été menés malgré l’existence de
documents pertinents est préoccupant, de même que ces personnes aient dû se
soumettre à une procédure d’appel potentiellement traumatisante.
Aux Philippines, les directives relatives à la détermination de l’âge d’enfants en
situation de conflit avec la loi établissent qu’un certificat de naissance constitue la
meilleure preuve, suivie d’autres documents authentiques similaires comme un
certificat de baptême, un certificat de scolarité ou tout autre document pertinent
mentionnant la date de naissance de l’enfant. En l’absence de tels documents, les
directives recommandent de considérer le témoignage de l’enfant ou d’un membre
de sa famille lié à l’enfant par le sang ou par l’attachement et qualifié pour témoigner
au sujet de l’âge exact ou de la date de naissance de l’enfant, le témoignage d’une
autre personne, l’apparence physique de l’enfant ou tout autre élément probant
10
Cour d’appel administrative de Douai, décision rendue sur le cas opposant le Préfet de Seine-Maritime et M. Raphaël X, le 8 janvier 2009 (Cour administrative, 2
e instance)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000020252928&fastReqId=1018623592&fastPos=1 11
Cour d’appel de Lyon, Chambre spéciale des mineurs, décision rendue sur le cas opposant le Président du Conseil général et B. X., le 26 avril 2004 (arrêt
du Tribunal d’instance en appel)
http://www.gisti.org/IMG/pdf/jur_ca_lyon_2004-04-26.pdf
37
pertinent comme preuve suffisante (JLP, 2007). En Sierra Leone, de nombreux
enfants n’ont jamais eu de certificat de naissance ou l’ont perdu au cours du conflit.
À la place de ce certificat, les mineurs présentent souvent au tribunal une
déclaration écrite sous serment dont la validité est parfois remise en cause, car
celle-ci est généralement réalisée après que le crime ou délit a été commis (Kamara,
2008). Kamara expose l’exemple d’un mineur accusé de vol pour lequel l’avocat a
plaidé un abandon des poursuites parce que l’enfant était âgé de moins de 14 ans.
Malgré le fait qu’un certificat de naissance a été présenté par l’avocat de la défense
au tribunal, le parquet a contesté cette preuve au motif que le certificat avait été
délivré après que le délit a été commis et ordonné un examen médical par un
professionnel afin que l’âge soit validé par le greffier en chef. Dans un autre cas, le
procureur a contesté l’âge d’un mineur alors même qu’un certificat de naissance
avait été versé au dossier. Le motif de l’objection était que l’âge estimé par le
médecin était entre 17,5 ans et 18 ans, ce qui ne correspondait pas à l’âge stipulé
sur le certificat (2008, p. 2).
Aux États-Unis, lorsque le département de la Santé et des Services aux personnes
(DHS) conduit une évaluation de l’âge, il doit d’abord rechercher si des documents
sont disponibles, par exemple un certificat de naissance. Si aucun certificat de
naissance original ne peut être trouvé ou si son authenticité est remise en cause, le
DHS doit consulter le consulat ou l’ambassade du pays d’origine de l’enfant pour
vérifier la validité du certificat12. D’autres types de documents objectifs comme un
certificat de baptême, un certificat de scolarité ou une attestation médicale
mentionnant la date de naissance de la personne doivent également être pris en
compte. Si l’étranger est déjà en détention, une déclaration écrite sous serment des
parents ou d’autres membres de la famille mentionnant l’âge de l’étranger ou sa date
de naissance doit être prise en compte. Les directives recommandent de ne
conduire des évaluations biométriques ou médico-légales qu’en dernier recours, si
aucun des éléments présentés ci-dessus n’est disponible (département américain de
la Santé et des Services aux personnes, 2009).
Cependant, le Bureau de l’inspecteur général du département de la Sécurité
intérieure s’est dit inquiet du fait que les services de l’immigration et des douanes
soient incapables de fournir des données indiquant le nombre de personnes ayant
subi des examens radiographiques entre avril 2008 et avril 2009. Il semble prouvé
que les évaluations radiographiques et dentaires ne sont pas menées en dernier
recours. Un dentiste de New York a affirmé avoir réalisé à lui seul 1 500 évaluations
(Médecins pour les droits de l’homme, 2003) et des coordinateurs pour mineurs
interrogés par l’inspection ont signalé que des radiographies dentaires sont effectués
à la fréquence de deux à cinq fois par mois dans leur région (Bureau de l’inspecteur
général du département de la Sécurité intérieure, 2009, p. 8)
12
Les directives recommandent de NE PAS contacter l’ambassade ou les fonctionnaires consulaires si l’étranger est ressortissant d’un pays produisant des réfugiés de façon notoire, comme la Birmanie, ou si l’étranger a affirmé être l’objet d’un risque plausible de persécution de la part de son gouvernement.
38
En Finlande, les déterminations de l’âge n’étaient réalisées qu’occasionnellement
jusqu’en 2009, six ayant été menées en 2008. Cependant, entre janvier et
septembre 2009, un total de 92 déclarations de détermination de l’âge ont été
délivrées (Parsons, 2010, p. 54) et un amendement à la loi relative aux étrangers a
permis d’ajouter une disposition qui prévoit d’intégrer la détermination de l’âge au
processus de demande d’asile (Réseau européen des migrations, 2010, p. 51).
Crawley signale également que le nombre de cas de contestations de l’âge a
fortement augmenté au Royaume-Uni au cours des dernières années, et l’opinion
dominante au sein des services d’immigration à cet égard est qu’un grand nombre
de demandeurs d’asile n’ont pas l’âge qu’ils indiquent et sont des adultes prétendant
être des enfants afin de bénéficier d’avantages et de politiques d’asile plus
favorables. Crawley affirme que ses recherches mettent en lumière le
développement d’une « culture de l’incrédulité » à l’égard des enfants demandeurs
d’asile, sans qu’il existe nécessairement de raison logique ou rationnelle de ne pas
les croire (2007). Tous ces éléments tendent à montrer que dans le cadre des
services d’immigration au Royaume-Uni, les évaluations de l’âge ne sont pas
utilisées en dernier ressort, mais de façon bien plus fréquente.
Il est également prouvé qu’au Royaume-Uni, l’âge des enfants est contesté dans un
nombre croissant de circonstances. À la fin des années 1990 et au début des
années 2000, par exemple, lorsque la question de l’âge et de la façon de le prouver
pour les enfants demandeurs d’asile a pris de l’importance, l’objectif principal était de
déterminer si la personne était âgée de plus ou de moins de 18 ans, ce fait ayant
des conséquences sur son traitement et le soutien apporté par les services
d’immigration et d’aide sociale. Mais au cours des dernières années, les autorités
locales ont contesté de plus en plus fréquemment l’âge d’enfants reconnus par
ailleurs comme étant mineurs, car elles doutent de l’exactitude de leur déclaration à
ce sujet (Brownlees et Finch, 2010). La contestation porte souvent sur la question de
savoir si l’enfant a plus ou moins de 16 ans, car cela a des conséquences sur le type
de protection auquel il peut prétendre en vertu de la loi sur les enfants de 1989
(Crawley, 2007, p. 16).
5.2 Le consentement éclairé et la communication avec l’enfant
Si la détermination de l’âge est jugée nécessaire, il est indispensable d’obtenir un
consentement éclairé. La procédure, les résultats et les conséquences de cette
détermination doivent être expliqués à la personne concernée dans un langage
qu’elle comprend. Les résultats doivent également lui être présentés par écrit. Il doit
exister une procédure de recours contre la décision et des dispositions garantissant
le soutien nécessaire à cette démarche.
Déclaration de bonne pratique du PESE, 2009
Étant donné que les examens médicaux visant à déterminer l’âge constituent une
atteinte à la vie privée à des fins non thérapeutiques, il est particulièrement important
39
d’obtenir un consentement éclairé. Cependant, des craintes ont été exprimées, en
particulier en ce qui concerne les enfants demandeurs d’asile arrivés récemment sur
le territoire, quant au fait que peu d’enfants sont en position de fournir un
consentement qui soit à la fois sincère et éclairé car peu ont conscience de
l’importance que peut revêtir la détermination de leur âge pour les suites données à
leur demande d’asile et le respect de leurs droits (voir Crawley, 2007). Même s’il est
précisé aux enfants qu’ils ont le droit de refuser une évaluation de leur âge, la
majorité a le sentiment qu’ils doivent accepter. Parsons remarque qu’en Finlande, le
médiateur parlementaire a recommandé l’adoption d’une législation en matière de
détermination de l’âge au motif qu’il est difficile d’établir avec certitude, en particulier
pour les enfants les plus jeunes, s’ils sont ou non en mesure de juger de
l’importance de leur consentement pour mener des examens visant à déterminer
leur âge (Parsons, 2010).
Un rapport de Save the Children Norvège met en lumière le fait que les lacunes en
matière de soutien juridique rendent particulièrement difficile pour les enfants de
comprendre ou de contester les décisions prises en cas de litige sur l’âge. Le rapport
s’inquiète du fait « qu’il dépend dans une large mesure de la chance qu’un
demandeur d’asile reçoive un soutien l’aidant à documenter son âge » (2006, p. 6).
Les enfants ont également le droit de contester une décision et de disposer de
différentes possibilités pour prouver leur âge. Au Royaume-Uni, par exemple, si un
enfant n’est pas d’accord avec la conclusion rendue par l’évaluation d’un travailleur
social, il peut demander un examen médical par un pédiatre. Malheureusement, si
ce droit doit être respecté en principe, la question des ressources disponibles peut
entraver son application dans la pratique. En Afghanistan, si un enfant souhaite
contester l’âge établi, cela implique qu’il dispose d’une représentation légale et des
ressources nécessaires à cette contestation (UNICEF, 1995, p. 20). Le problème est
le même en Autriche, où les amendements apportés en 2003 à la loi autrichienne
sur les étrangers autorisent à « réaliser, à la demande de l’étranger, une
radiographie des os du carpe à sa charge » (Einzenberger, 2003, p. 38).
Dans le cadre d’un recours judiciaire déposé par Andy Moke et le Commissaire aux
demandes d’asile (2004, No 374JR), le jugement a formulé un certain nombre de
conditions minimales pour définir un consentement éclairé, à savoir :
1) Le requérant doit être informé du but de l’entretien dans des termes simples.
Il peut s’agir tout simplement d’informer le requérant que les enquêteurs
cherchent à déterminer s’il est âgé de plus ou de moins de 18 ans.
2) Lorsqu’un requérant affirme être âgé de moins de 18 ans et que les
enquêteurs estiment que cette déclaration est fausse, le requérant a le droit à
ce qu’on lui explique en termes simples les raisons ou les motifs pour
lesquels les enquêteurs considèrent que sa déclaration peut être fausse et à
ce qu’on lui donne l’opportunité de réagir à ces raisons ou motifs.
40
3) Lorsque, comme dans le cas présent, un requérant produit un document
censé être officiel qui mentionne la date de naissance déclarée mais dont les
enquêteurs ne sont pas prêts à reconnaître la validité, le requérant a le droit
d’être informé de ces réserves et à ce qu’on lui donne l’opportunité de réagir.
4) Si la décision est défavorable au requérant, il doit être clairement informé de
la décision et de ses motifs. Il n’est pas nécessaire de développer longuement
la nature de ces motifs, mais de faire comprendre clairement au requérant
pourquoi son affirmation selon laquelle il est âgé de moins de 18 ans n’a pas
été considérée comme crédible. Ces éléments peuvent être communiqués
dans un premier temps à l’oral, mais doivent rapidement être confirmés par
écrit.
5) Lorsque la décision est défavorable au requérant et qu’il existe, comme
indiqué, une possibilité de recours pour réévaluer son âge, cette information
doit être communiquée clairement au requérant à l’oral dans un premier
temps, puis également par écrit. Une telle communication doit préciser la
façon dont le requérant peut bénéficier d’une réévaluation.
Le lieu et l’opportunité des entretiens de détermination de l’âge ou des évaluations
sont des éléments cruciaux pour s’assurer que l’enfant comprend bien ce qu’il se
passe, que celui-ci est en mesure de donner son consentement éclairé, que le
processus de détermination de l’âge est équitable et que la conclusion est conforme
à l’âge et aux besoins de l’enfant. Crawley (2007) s’inquiète du fait qu’il existe de
façon certaine un nombre croissant d’évaluations réalisées par des travailleurs
sociaux dans les aéroports ou les centres de rétention. Elle apporte la preuve que
les ports et les locaux de contrôle ne constituent pas des lieux appropriés pour
évaluer l’âge d’enfants demandeurs d’asile, récemment arrivés sur le territoire
britannique ou en situation de détention, fatigués, stressés ou anxieux. Dans ces
circonstances, les enfants sont peu susceptibles de comprendre le but de
l’évaluation ou d’avoir accès à une représentation ou un conseil juridique. Il n’est pas
non plus possible d’avoir recours à l’avis d’un expert sur l’âge de l’enfant ou
d’observer ses interactions avec ses semblables. Il est prouvé que ces pratiques
existent dans d’autres pays européens et que de nombreuses évaluations de l’âge
sont menées dans le cadre du premier entretien de contrôle lorsque l’enfant vient
d’arriver. En Irlande, par exemple, la détermination de l’âge est effectuée en premier
lieu au point d’entrée par un entretien (Réseau européen des migrations, 2010). Des
éléments viennent également attester de pratiques similaires en Allemagne
(Einzenberger, 2003).
41
5.3 Les procédures de détermination de l’âge sont-elles menées par des
professionnels ?
Si la détermination de l’âge est jugée nécessaire, la procédure doit être
pluridisciplinaire et menée par des professionnels indépendants disposant de
l’expertise nécessaire et familiers du contexte ethnique et culturel de l’enfant.
Déclaration de bonne pratique du PESE, 2009
Les éléments rapportés ci-dessus sur des « déterminations » de l’âge improvisées
par des agents disposant de beaucoup de pouvoir mais de peu de formation en la
matière semblent montrer que ces évaluations sont rarement menées par des
professionnels. Même lorsqu’elles impliquent des experts professionnels et qualifiés,
il est rare – sans aucun doute selon les informations disponibles sur les procédures
judiciaires pour mineurs – qu’une équipe pluridisciplinaire regroupant des
professionnels de différentes spécialités y participe.
Dans les pays européens où des directives et des techniques de détermination de
l’âge ont été mises au point, il apparaît cependant que la plupart des personnes en
charge de déterminer l’âge ne sont pas suffisamment formées ou indépendantes
pour mener à bien une telle évaluation. Au Royaume-Uni, par exemple, certains
travailleurs sociaux ont signalé travailler dans un contexte où l’on ne croit pas aux
récits que font les enfants de leurs expériences et où la crédibilité de l’âge déclaré
est de plus en plus souvent remise en cause et contestée, les responsables faisant
pression pour que les travailleurs sociaux évaluent de préférence l’âge des enfants à
plus de 16 ou 18 ans (Crawley, 2007). De plus, il semble que ces déterminations
menées par des personnes peu formées ou ne disposant d’aucune directive,
notamment des travailleurs sociaux, des représentants légaux, des fonctionnaires de
l’immigration et d’autres professionnels, ont trop tendance à reposer sur une
appréciation basée uniquement sur l’apparence physique, comme c’est le cas en
Allemagne, en Autriche et en Grèce. En Grèce, par exemple, l’âge des mineurs non
accompagnés est établi principalement dans le cadre d’une appréciation arbitraire
d’officiers de police qui réalisent des entretiens avec le mineur (Réseau européen
des migrations, 2010, p. 52). Ces professionnels tirent souvent la conclusion que
l’individu n’a pas l’air d’un enfant, en se basant uniquement sur leur notion
personnelle – qui n’est qu’une construction sociale – de ce à quoi doit ressembler un
enfant (Crawley, 2007, p. 49). Parsons rapporte des pratiques similaires en
Finlande, où des officiers de police évaluent grossièrement l’âge à partir d’une
appréciation visuelle et traitent ensuite le requérant en adulte, en dépit du fait qu’il se
présente comme étant un enfant, ou enregistrent l’âge de l’enfant tel qu’il a été
évalué en mentionnant l’année de naissance établie par cette procédure. De cette
façon, les officiers de police peuvent modifier le mois de naissance de l’enfant de
plusieurs mois voire de presqu’un an, fixant ainsi un âge plus élevé que celui qu’il a
déclaré et/ou que son âge réel (2010, p. 55).
42
Il existe des inquiétudes concernant la qualification de certains pédiatres à mener
des évaluations médicales et/ou physiques de l’âge, en particulier à cause du fort
parti pris en faveur de ce type d’approche (Crawley, 2007). Le type d’autorités ou
d’organismes ayant la responsabilité finale de prendre une décision sur l’âge en cas
de contestation soulève également des inquiétudes, car il est jugé inapproprié que
les autorités contestant l’âge déclaré d’un enfant aient également la responsabilité
d’établir la détermination finale en raison du conflit d’objectifs. Il est au contraire
recommandé que les décisions finales soient prises par un organisme professionnel
indépendant ou un conseil distinct composé de professionnels compétents dans ce
domaine (voir Save the Children Norvège, 2006; Crawley, 2007).
Comme le montre clairement cette revue, les occasions où les « bonnes pratiques »
sont mises en œuvre et où un enfant a droit à une évaluation de son âge par un
professionnel qualifié sont rares. En Afghanistan, par exemple, l’avis d’un
professionnel médical est recherché en cas de contestation de l’âge dans le cadre
du système judiciaire pour mineurs. Si l’avis du médecin légiste ou d’autres
médecins est contradictoire avec les éléments du dossier ou l’apparence physique
de l’enfant, la décision de déterminer l’âge doit être assumée par une équipe
médicale comptant au moins trois médecins (UNICEF, 1995, p. 20).
5.4 Les procédures de détermination de l’âge sont-elles pluridisciplinaires ?
Si la détermination de l’âge est jugée nécessaire, la procédure doit être
pluridisciplinaire et menée par des professionnels indépendants disposant de
l’expertise nécessaire et familiers du contexte ethnique et culturel de l’enfant.
Déclaration de bonne pratique du PESE, 2009
Malheureusement, peu d’informations sont disponibles sur les pratiques adoptées
hors d’Europe et d’Amérique du Nord, ce qui ne permet pas de tirer des conclusions
fiables sur les méthodes de détermination de l’âge. Cependant, malgré l’obligation
prévue par le droit international (Règle de Beijing 4.1) de prendre en considération
l’âge de développement d’un enfant dans le cadre de la justice pour mineurs, il
semble que cela ne soit pas toujours respecté en pratique et que les évaluations
soient souvent réalisées par un juge et basées sur la seule appréciation physique. Il
apparaît clairement qu’en Europe et en Amérique du Nord, la détermination de l’âge
se fonde trop souvent sur des examens médicaux et non sur des évaluations
psychosociales. Ces pratiques perdurent malgré les directives élaborées aux
niveaux national et international, qui insistent sur l’importance des évaluations
holistiques.
Un rapport récent du Réseau européen des migrations (2010) présente un tableau
général des pratiques de détermination de l’âge utilisées dans 22 pays européens.
16 de ces pays ont recours aux évaluations de l’âge osseux et 10 utilisent les
méthodes d’évaluation de l’âge dentaire. Tandis que bon nombre de ces pays ont
recours à ces deux types de détermination de l’âge, généralement en complément
43
d’un entretien et/ou d’un examen des documents disponibles, seuls cinq utilisent les
évaluations « psychologiques ». De plus, la terminologie utilisée dans le rapport ne
permet pas d’établir avec certitude si des évaluations à caractère « social » sont
réalisées et à quel moment.
Malheureusement, les données laissent penser que ce que l’on appelle « évaluation
sociale » ne répond que rarement aux exigences formulées par les directives
internationales (comme nous l’avons vu à la partie 4.3). Les questions portant sur le
passé social de l’enfant sont au contraire soulevées lors du premier entretien,
comme par exemple en Irlande (Réseau européen des migrations, 2010, p. 52), ce
qui permet de douter sérieusement de l’obtention d’un consentement éclairé.
Les données disponibles montrent qu’en Suède uniquement, et dans certains cas au
Royaume-Uni, des évaluations de l’âge que l’on peut caractériser de
pluridisciplinaires sont menées, même si ces données mettent en évidence un
niveau de qualité très variable au Royaume-Uni, selon le degré d’engagement et
d’expérience des différents professionnels sollicités (voir partie 4.3). Cette
observation reste vraie malgré les nombreux rapports et décisions judiciaires dans
d’autres pays qui recommandent d’accorder une importance égale aux évaluations
sociales et de développement. Le Comité consultatif national d’éthique pour les
sciences de la vie et de la santé13, par exemple, conclut qu’il est plus important de
prendre en considération le comportement de la personne, car son âge biologique
ne fournit pas d’indication sur le degré d’autonomie de cette personne.
Certains fonctionnaires ont affirmé avoir des difficultés à comprendre ce qu’est une
détermination « holistique », en particulier comment prendre en compte les éléments
psychosociaux et l’importance devant leur être accordée. Les directives14 relatives à
l’élaboration des procédures de détermination de l’âge aux États-Unis définissent
comme obligation minimale que les procédures publiques prennent en compte
plusieurs types de preuves, y compris mais de façon non exclusive, les
radiographies d’évaluation de l’âge. Le Comité des finances de la Chambre des
représentants a également proposé que les services en charge de l’immigration et
des douanes aient recours à des « méthodes holistiques de détermination de l’âge »
pour évaluer l’âge des personnes en détention, et de nombreuses critiques se sont
élevées de la part de militants et du monde médical sur l’importance excessive
accordée aux déterminations médicales de l’âge. Cependant, dans le rapport sur la
détermination de l’âge du Bureau de l’inspecteur général, l’inspecteur affirme qu’« il
ne nous est pas possible d’arrêter une définition unique et faisant autorité d’une
méthode de détermination holistique de l’âge (...) et plusieurs membres de la
communauté médicale ont déclaré qu’il serait difficile de déterminer l’âge par des
13
Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé : Avis no
88 sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques. 14
Voir William Wilberforce Trafficking Victims Protection Reauthorization Act of 2008, (Public Law 110-457), 23 décembre 2008.
44
examens psychologiques » (département de la Sécurité intérieure, Bureau de
l’inspecteur général, 2009, p. 7).
D’autres pays ont également signalé des problèmes pour identifier des procédures
de détermination psychosociale de l’âge, comme en Belgique où la « procédure
d’examen psychoaffectif » (regroupant notamment des tests de personnalité et
d’intelligence) est prévue par la loi mais n’est pas mise en pratique, suite à « des
problèmes de fiabilité ». En Finlande, les évaluations psychologiques ne sont pas
considérées comme suffisamment fiables du fait de la subjectivité de l’âge (Réseau
européen des migrations, 2010).
Comme nous l’avons remarqué à la partie 4.3, il existe peu de directives détaillées
sur la façon de mener à bien des évaluations psychosociales ou de développement
dans la pratique, bien que les directives internationales insistent sur ces pratiques et
reconnaissent qu’il faut donner la priorité aux évaluations holistiques. La principale
recommandation formulée lors de la revue des procédures de détermination de l’âge
au Royaume-Uni et aux États-Unis est qu’il faut identifier des professionnels
spécialement formés et qualifiés pour réaliser cette tâche. Au Royaume-Uni,
Crawley (2007) recommande que les déterminations de l’âge ne soient pas réalisées
par des services sociaux particuliers mais par des travailleurs sociaux basés dans
quelques centres régionaux disposant de ressources adaptées et indépendantes.
Aux États-Unis, le département de la Sécurité intérieure (2009) recommande de
publier des directives concernant la sélection des professionnels « les mieux
qualifiés » pour mener des examens radiographiques et rapporter les résultats.
Les données montrent également que l’importance excessive accordée aux
examens médicaux au détriment des approches pluridisciplinaires provient moins
d’un manque de directives sur les modes d’évaluation psychosociale de l’âge que
des perceptions concernant la crédibilité et la fiabilité de ces méthodes. Il semble en
effet que les fonctionnaires en charge des questions d’immigration et les juges
soient parfois plus influencés par des conclusions médicales que par des récits de
nature sociale, même si les facteurs sociaux peuvent être d’une importance extrême
(The King’s Fund, 1999, p. 14). Par conséquent, une légitimité scientifique injustifiée
peut être attribuée à des examens médicaux peu fiables afin de trouver une solution
simple à un problème complexe (Parsons, 2010, p. 54). Un rapport de Save the
Children Norvège reconnaît le manque de fiabilité des déterminations de l’âge
fondées sur des facteurs sociaux ou sur le développement mais conclut que « même
si toute tentative d’évaluer la maturité d’une personne ne peut être qu’approximative
et tâtonnante, il semble plus problématique de ne fonder cette procédure que sur
une appréciation du développement physique, sans prendre en compte la maturité
mentale » (2006, p. 5).
5.5 Le bénéfice du doute et le respect de la dignité
45
Il est important de souligner que la détermination de l’âge n’est pas une science
exacte et que cette procédure comporte toujours une marge d’incertitude importante.
Dans cet exercice, il convient d’accorder le bénéfice du doute aux personnes dont
l’âge est évalué.
Déclaration de bonne pratique du PESE, 2009
La difficulté d’établir l’existence de directives nationales ou internationales sur la
détermination de l’âge complique les tentatives d’apprécier les pratiques nationales
en ce qui concerne le principe du bénéfice du doute. Même lorsqu’il existe des
directives, il est difficile d’établir si ce principe est effectivement respecté. Une
anecdote, que nous avons déjà présentée, montre qu’en pratique, peu d’enfants se
voient accorder le bénéfice du doute et bien souvent, les décisions sont prises sur la
seule appréciation physique ou à partir des résultats des examens médicaux.
Les pays où il est établi que le principe du bénéfice du doute est appliqué après
qu’une évaluation de l’âge a été menée mais considérée comme peu concluante
sont l’Autriche, la Belgique, la Suède, la Finlande et les États-Unis. D’autres pays
comme le Royaume-Uni et l’Italie ont indiqué appliquer ce principe en début de
procédure afin que le requérant dont l’âge est contesté soit traité comme un enfant
jusqu’à preuve du contraire (Réseau européen des migrations, 2010). Cependant,
l’application de ce principe est variable et au Royaume-Uni, par exemple, les
policiers orientent certains enfants vers les services d’immigration en tant qu’adultes
car ils n’ont aucune obligation de respecter le bénéfice du doute et ne sont pas
formés à la détermination de l’âge (Crawley, 2007, p. 21).
En Belgique, la détermination de l’âge comprend trois types de tests : des examens
radiographiques des dents et des os du poignet et de la main ainsi qu’un examen
des extrémités médiales des deux clavicules. L’âge moyen calculé à partir du
résultat des trois examens est approximatif et prévoit une marge d’erreur. En cas de
doute, l’âge le plus faible est pris en compte. En Suède, si un doute subsiste après
un entretien d’évaluation sociale de l’âge, une évaluation médicale est réalisée,
généralement à partir d’examens dentaires ou osseux. Une marge d’erreur est prise
en compte de façon à ce qu’un requérant ne soit considéré comme âgé de plus de
18 ans qu’à condition que les deux examens aient révélé un âge supérieur à 21 ans
(Réseau européen des migrations, 2010).
Aux États-Unis, les services en charge de l’immigration et des douanes doivent
respecter l’Accord de règlement Florès. Il s’agit de directives relatives au traitement
des mineurs en détention à l’attention des agents de l’immigration, élaborées par le
ministère de la Justice et une coalition de groupes de défense des droits des
immigrants. L’Accord indique que si une « personne raisonnable » peut conclure
qu’un étranger gardé en détention par les services de l’immigration est un adulte,
celui-ci doit être traité en adulte même s’il indique être mineur (département de la
Sécurité intérieure, Bureau de l’inspecteur général, 2009, p. 3).
46
Au Royaume-Uni, l’âge d’un enfant est dans la plupart des cas évalué en premier
lieu par le personnel des services d’immigration de l’Agence britannique pour la
gestion des frontières (UKBA). Cependant, en l’absence d’élément probant, l’UKBA
doit traiter les requérants en enfants s’ils affirment être âgés de moins de 18 ans (à
moins que leur apparence physique et leur comportement laisse supposer avec une
forte certitude qu’ils sont âgés de plus de 18 ans) pour permettre de produire ensuite
des preuves ou des évaluations établissant qu’ils sont mineurs (UKBA, 1995). Cette
pratique reflète un changement politique opéré depuis 2007, puisqu’auparavant,
l’UKBA traitait les requérants dont l’âge était contesté en adultes jusqu’à et à moins
qu’il soit prouvé qu’ils étaient âgés de moins de 18 ans. De plus, avant la mise en
œuvre des changements politiques en matière de suivi accéléré des demandeurs
d’asile en détention, les enfants dont l’âge était contesté étaient souvent détenus
sous le régime des adultes dans l’attente d’une évaluation formelle de leur âge
(Crawley, 2007, p. 17).
En Finlande, les déterminations de l’âge sont par principe favorables au requérant,
et si une marge d’erreur de plusieurs années apparaît, l’âge du requérant est établi
en fonction de l’âge le plus faible obtenu à partir des évaluations (Parsons, 2010,
p. 54).
Les professionnels médicaux et autres experts reconnaissent les limites des
différentes méthodes de détermination de l’âge (dans le but d’établir le plus
précisément possible l’âge chronologique d’un enfant et non son âge social ou
biologique) et insistent sur le fait que ces évaluations comportent une marge d’erreur
d’au moins deux ans, ce qui peut avoir des conséquences, positives ou négatives,
pour l’enfant en question. Les fourchettes d’âge fournies par les examens médicaux
(par exemple, entre 15 et 17 ans ou entre 11 et 12 ans) laissent toujours la porte
ouverte à des contestations dont les conséquences peuvent être cruciales, par
exemple en Afghanistan où la peine maximale pour un mineur âgé de 15 ans
représente le tiers de la peine maximale pour un adulte, mais la moitié lorsque le
mineur est âgé de 16 ans. De même, en Afghanistan, un mineur de 11 ans n’est pas
considéré comme pénalement responsable, alors qu’un enfant de 12 ans l’est
(UNICEF, 1995, p. 20). Dans de tels cas, le fait d’accorder le bénéfice du doute à un
enfant est crucial.
Il a été proposé de prendre en compte en priorité non pas l’âge de la personne, mais
les conditions sociales qui l’ont menées à se retrouver en conflit avec la loi ou dans
une situation où son âge et son accès à certains droits sont remis en cause.
L’objectif doit être d’identifier l’assistance qui peut être fournie à un enfant dans cette
situation, en particulier au regard des circonstances qui le rendent plus vulnérable
face à des adultes malintentionnés. Se fonder sur des radiographies et les signes
47
d’apparition de la puberté simplifie de façon excessive une situation complexe.
L’objectif devrait être celui de la protection et non de la détermination15.
5.6 Que se passe-t-il si un enfant refuse de se soumettre à ces procédures ?
Le refus de se soumettre à la procédure (de détermination de l’âge) ne doit pas
influencer l’évaluation de l’âge ou le résultat de la demande de protection.
Déclaration de bonne pratique du PESE, 2009
Il est prouvé que dans certains pays, si les enfants refusent de se soumettre à une
évaluation de leur âge, cela a des conséquences négatives directes sur leur
situation juridique. Dans le cas des enfants demandeurs d’asile en Europe, il ne
semble pas qu’un tel refus influence la décision concernant leur demande d’asile,
même si en Lituanie, le refus d’une personne de soumettre à cette procédure peut
être interprété comme une volonté d’atermoyer et aboutir à un rejet de sa demande
d’asile. Dans la plupart des cas, le refus de se soumettre à la procédure a des
conséquences sur le traitement du requérant en tant qu’enfant ou adulte et donc, par
défaut, sur la manière dont sa demande d’asile est considérée. En Hongrie, si une
personne refuse de se soumettre à une détermination de l’âge, certaines
dispositions (favorables) prévues pour les mineurs peuvent ne pas être appliquées.
De la même façon en République tchèque, s’il refuse de se soumettre à un examen
médical, le requérant est considéré comme majeur (et donc adulte). Il en va de
même en Pologne (Réseau européen des migrations, 2010). La situation est
également préoccupante au Royaume-Uni car si une personne refuse de se
soumettre aux examens médicaux, elle sera considérée comme un adulte, ce qui va
à l’encontre du « consentement éclairé » et aboutit plutôt en pratique à un accord
sous la contrainte (Crawley, 2007, p. 35). En Autriche uniquement, il est
explicitement précisé qu’un refus de se soumettre à une évaluation de l’âge ne doit
pas avoir de conséquences sur la détermination finale de l’âge ou le traitement
accordé à la personne. La loi relative aux étrangers stipule que « le fait qu’un
étranger ne souhaite pas se soumettre à une radiographie des os du carpe ne
signifie pas que cette personne refuse de coopérer à la clarification de sa situation et
ne doit pas influencer les résultats de l’évaluation » (Einzenberger, 2003, p. 38).
6. Conclusion
La Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant (1989) prévoit des avantages
universels, des protections, privilèges et droits associés à l’enfance. Cependant, le
bénéfice de chacun de ces droits dépend de certains critères, en particulier de celui
de l’âge. Même si toutes les sociétés établissent une différence entre l’enfance et
l’âge adulte, la distinction traditionnelle entre ces deux stades de la vie varie de
15
Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé : Avis no 88 sur les méthodes
de détermination de l’âge à des fins juridiques.
48
façon importante entre les cultures et les sociétés qui prennent en compte différents
éléments marquants tels que la puberté, le mariage ou le degré de responsabilité et
d’engagement dans le travail. Les anthropologues des sociétés et les sociologues
ont depuis longtemps défini l’enfance comme une construction sociale, ce qui
implique une variété de manifestations concrètes. La relativité sociale de l’enfance a
néanmoins été remise en cause par le développement d’un corpus de droit
international qui culmine dans la ratification de la CDE de l’ONU et établit une
définition internationale de l’enfance caractérisée par l’âge chronologique.
Bien que cette convention ait été ratifiée par une vaste majorité de pays, la
conception de l’enfance varie toujours d’une société à l’autre et dans beaucoup
d’entre elles, l’âge ou la date de naissance de l’enfant sont rarement enregistrés. De
nombreux enfants dans le monde ne connaissent pas leur date de naissance ou leur
âge, en dépit du fait qu’un document attestant l’âge d’une personne constitue un
élément important pour le respect de ses droits. L’application de toute législation
prévoyant un âge minimum dépend de l’existence d’un document officiel attestant de
l’âge de l’enfant, qu’il s’agisse de la protection contre l’enrôlement forcé au sein de
forces ou de groupes armés, du mariage précoce ou de la protection contre le travail
dangereux. Dans ce contexte, la détermination de l’âge d’un enfant est devenue un
élément essentiel de sa protection.
Ce rapport a mis en lumière le fait qu’en l’absence de documents officiels, la
détermination de l’âge représente une question complexe qui peut avoir des
conséquences importantes, et souvent préjudiciables, pour l’enfant concerné. Il est
particulièrement inquiétant de voir que les techniques de détermination de l’âge sont
souvent appliquées sans directives précises et se fondent sur des jugements établis
hâtivement et au pied levé par des personnes ne disposant pas, ou insuffisamment,
de l’expertise et de la formation nécessaires pour tenir dûment compte des facteurs
culturels pertinents. Il est prouvé que les techniques de détermination de l’âge
appliquées se concentrent de façon excessive sur le seul établissement de l’âge
exact de l’enfant, alors que cette procédure ne repose pas sur une science exacte et
que les commentateurs les plus avertis reconnaissent que quelle que soit la
méthode utilisée, celle-ci comprend toujours une marge d’erreur importante. Cette
course à la certitude se pratique souvent au détriment d’une évaluation de la
situation psychosociale et du développement de l’enfant en tant qu’indication de son
âge.
Concrètement, la détermination de l’âge fondée sur l’observation physique par des
agents souvent mal formés est la pratique d’évaluation de l’âge la plus courante.
Lorsqu’une procédure plus sophistiquée est suivie, il apparaît clairement qu’à ce
jour, les évaluations médicales jouent un rôle excessif dans les décisions finales sur
l’âge des enfants et sont considérées comme plus exactes et fiables que les autres
méthodes d’évaluation. Pourtant, les données présentées dans ce rapport
corroborent la conclusion d’Einzenberger selon laquelle « ni un médecin, ni aucun
professionnel ne peut déterminer de façon exacte (...) l’âge d’une personne » et
49
« même en prenant en considération différents facteurs internes et externes, l’âge
ne peut être qu’estimé et jamais établi avec certitude » (2003, p. 44).
Il est prouvé que, du fait de l’évolution des capacités des enfants, il existe des
différences physiques et affectives, de besoins et de degré de vulnérabilité entre des
enfants du même âge qui ont pourtant la même origine ethnique et ont été éduqués
dans des conditions économiques et sociales similaires. Ces différences ne peuvent
qu’être exacerbées chez des enfants se retrouvant en situation de conflit avec la loi,
ayant dû émigrer seuls ou ayant été témoins ou acteurs de conflits armés ou d’actes
de violence organisée – c’est-à-dire justement les enfants dont l’âge est contesté et
qui sont soumis à des procédures de détermination de l’âge. Dans ces cas, la tâche
d’établir une appréciation raisonnablement précise de l’âge est encore plus difficile,
et il ressort clairement que les caractéristiques et besoins uniques de chaque enfant
sont très rarement pris en compte de façon adaptée lors de cette procédure.
Une façon d’améliorer cette pratique serait peut-être d’accorder plus de poids à
l’appréciation de la maturité et des capacités d’accommodation de l’enfant pour
déterminer son âge. Afin que cet aspect soit reflété dans la pratique, il est
nécessaire de répondre au besoin de directives internationales précises sur la façon
de mettre en œuvre ce type d’évaluation et l’importance à accorder à cet aspect
dans le cadre d’une évaluation holistique de l’âge. Étant donné les ressources
nécessaires aux évaluations fondées sur l’expertise médicale et les coûts associés,
il pourrait être recommandé que les évaluations sociales prenant en compte les
connaissances locales sur l’enfant et/ou l’enfance dans une région précise
constituent la base de toutes les procédures de détermination de l’âge.
50
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