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1 Simon BACHELIER [email protected] N°étudiant : 10321810 Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art Approche des mutations d’un support d’étude Mémoire de Master 2 Soutenu le 10 juin 2009 Sous la direction de Michel Poivert et Corinne Welger-Barboza UFR 03 - Histoire de l’Art et Archéologie

Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

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1

Simon BACHELIER

[email protected]

N°étudiant : 10321810

Pratiques de l’image numérique en histoire

de l’art

Approche des mutations d’un support d’étude

Mémoire de Master 2

Soutenu le 10 juin 2009

Sous la direction de Michel Poivert

et Corinne Welger-Barboza

UFR 03 - Histoire de l’Art et Archéologie

Page 2: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

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TABLE DES MATIÈRES

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3

Avant-propos p.5

Introduction p.8

1ère

partie : Évolution et historicité du support d’étude en

histoire de l’art p.11

I – Diffusion et survivance des œuvres d’art au travers de la

gravure, ou la constitution d’une mémoire faussement

objective des images p.13

II – La photographie comme outil didactique en histoire de l’art p.17

III – Indispensable technologie ? Question posée à l’égard des

reproductions photographiques des œuvres d’art p.23

2ème

partie : Technicité et théories des images numériques p.35

I – Technicité des images numérisées p.37

A. Définition et résolution : la numérisation des images p.37

B. La compression des images p.39

II – Technicité des images de synthèse p.43

A. Les images vectorielles et les formats multirésolutions p.43

B. Les images de synthèse en trois dimensions p.46

III – Théories et débats autour de la nature de l’image numérique p.50

A. De l’indicialité en photographie : prétexte pour une controverse

autour du médium numérique p.51

B. La structure informationnelle de l’image numérique p.55

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3ème

partie : Pratiques de l’imagerie numérique en histoire

de l’art p.60

I – Disponibilité et accès des images numériques sur le web p.62

II – L’image numérique comme outil : terrain d’expérimentations

et d’investigations p.70

III – HDRI et perspectives d’applications en histoire de l’art p.78

Conclusion p.82

Annexes p.86

Catalogue d’illustrations p.87

Bibliographie p.135

Webographie p.141

Lexique p.148

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AVANT-PROPOS

« Il faut avoir une haute idée, non pas de ce qu’on fait, mais de ce qu’on

pourra faire un jour ; sans quoi ce n’est pas la peine de travailler. »

Edgar Degas (cité par Paul Valéry, Degas. Danse. Dessin., Paris, Gallimard, 1938)

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Le sujet de ce mémoire de Master 2 est la suite logique de réflexions amorcées lors de

mon Master 1 concernant les usages des outils numériques en histoire de l’art. Ayant abordé

succinctement la question des images numériques, de nombreuses interrogations ont été

soulevées sans que je sois en mesure d’approfondir véritablement le sujet. C’est pour cette

raison que j’ai décidé, suite à ma soutenance de mémoire de Master 1, de focaliser mes

recherches sur les questions complexes que soulève l’image numérique appliquée à la

discipline de l’histoire de l’art. Soucieux d’apporter un regard actuel et innovant autour des

nouvelles pratiques de l’historien de l’art à l’ère du numérique et de l’internet, j’ai rapidement

constaté que le terrain d’étude et d’analyse offert par le domaine de l’imagerie numérique

ouvrait un très large champ de recherche qu’il fallait impérativement développer, mais aussi

baliser, sous peine de se perdre dans les nombreux débats interdisciplinaires qui s’animent

autour du sujet. Une articulation en trois parties m’a paru être la meilleure approche pour

aborder cette matière, dans l’optique d’apporter un éclairage sur la nature historique et

technique de ce nouveau support d’étude, mais également d’en comprendre pleinement les

potentialités et les nouvelles applications qui pouvaient en découler.

Sensible à l’histoire et l’évolution de la discipline, il m’a semblé intéressant d’étudier

la transformation progressive des supports d’études visuels des historiens de l’art à l’aube du

XXIe siècle, en m’appuyant sur l’expérience historique des reproductions manuelles, puis

photographiques, jusqu’à l’imagerie numérique qui a totalement transformé notre rapport aux

œuvres d’art. Dans cette optique de recherche, j’en suis venu à soulever des indices qui

mettent en avant une évolution des pratiques via l’impact du numérique et d’internet sur notre

discipline. Travaillant à l’Institut National d’Histoire de l’Art pour la deuxième année

consécutive, j’ai pu bénéficier d’un regard général sur les pratiques, souvent hétérogènes, de

divers spécialistes de la discipline. Cette expérience m’a permis d’évaluer la pertinence et

l’importance d’un axe de recherche comme le mien, qui s’inscrit entre la méthodologie et

l’histoire de l’histoire de l’art.

Substantiellement, mes objectifs auront été de mettre en lumière l’intérêt et les

potentialités d’usages de l’imagerie numérique dans l’enseignement et la recherche en histoire

de l’art, et, en fond de trame, de mettre en évidence certains signes d’une mutation de ladite

discipline par le biais d’un usage croissant, de plus en plus immersif et quotidien, de l’outil

informatique et internet, qui enrichissent les approches méthodologiques et pratiques de

l’étude et de la recherche.

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J’aimerais avant tout adresser mes remerciements à Michel Poivert pour la confiance

qu’il m’a accordée en acceptant de diriger ces travaux portant sur des aspects peu explorés du

travail de l’historien de l’art, mais également Corinne Welger-Barboza pour m’avoir suivi et

soutenu tout au long de l’année. Sa disponibilité et ses précieuses réflexions à l’égard de mes

recherches m’ont sans cesse permis d’enrichir mon travail universitaire. Je tiens aussi à

remercier Anne-Laure Brisac pour ses relectures et ses importantes corrections, ainsi

qu’Astrid Thibert dont l’attention et les innombrables conseils en méthodologie m’ont été des

plus précieux au cours de l’intégralité de ma rédaction.

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INTRODUCTION

« Il aura parfois fallu l'apparition de nouveaux médiums pour qu'on prenne

enfin conscience de certaines propriétés des anciens médiums restées jusque

là inaperçues.»

Hans Belting (Pour une anthropologie des images, Gallimard, coll. Le temps des images, 2004, p.68)

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Un des sujets les plus discutés dans le domaine de l’histoire de l’art et qui a suscité la

multiplication des débats tout au long du XIXe et du XX

e siècle est vraisemblablement celui

du regard et du rapport de l’historien de l’art à l’œuvre avec l’apparition et l’usage de la

photographie. Les ouvrages sur la question de l’image et de l’œuvre d’art sont légion. Parmi

eux se trouvent certains écrits incontournables comme ceux du philosophe Walter Benjamin

(1892-1940), mais également Print and Visual Communication de l’historien de l’art William

Mills Ivins (1881-1961) ou encore le Le Musée imaginaire de l’écrivain André Malraux

(1901-1976), traduit dans sa version anglaise sous le titre non moins explicite de Museum

Without Wall. Or, étudier l’évolution des pratiques en histoire de l’art débute par le constat et

l’analyse des techniques et méthodes employées par notre discipline au fil du temps. Si, dans

la pratique, le recours aux photographies comme support d’études des œuvres d’art est ancré

dans les méthodes des historiens de l’art, il persiste, encore aujourd’hui, des critiques

imputées à cette démarche. Indépendamment de la théorie, nous pouvons amplement constater

qu’à l’aube du XXIe siècle, le support d’étude des spécialistes tend à se dématérialiser par le

biais de son évolution numérique. Ainsi les images des objets d’art passent progressivement

par une dématérialisation de leur médium traditionnel pour se « réincarner » sur les

ordinateurs et, par extension, sur le réseau mondial du web. Se révélant à la lueur de nos

écrans, ces nouvelles images soulèvent en elles-mêmes de nombreuses questions relatives à

leur nature et concept, mais interrogent également l’observateur-utilisateur à propos de ses

propres usages et analyses de l’objet.

Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre

de l’ampleur, encore peu d’ouvrages et d’articles scientifiques se sont consacrés à la question

de l’impact de l’imagerie numérique sur la discipline de l’histoire de l’art. Bien que nous

puissions disposer d’une large gamme de sources françaises afin de comprendre l’aspect

technique du médium numérique, c’est à l’étranger, notamment en Angleterre et aux États-

Unis, qu’il faudra aller chercher l’actualité scientifique de telles recherches appliquées à notre

discipline. La réflexion et l’analyse de notre étude prendra principalement appui sur différents

travaux réalisés par des spécialistes issus de diverses disciplines au cours des quinze dernières

années.

Pour bien comprendre la pratique de l’image numérique en histoire de l’art, nous

diviserons notre approche en trois parties distinctes, dont l’articulation s’opérera au fil des

chapitres. Dans un premier temps, nous retracerons synthétiquement, sous un regard

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historiographique, l’évolution du support d’étude en histoire de l’art, en abordant le passage

des reproductions manuelles des œuvres d’art depuis la Renaissance, aux reproductions

photographiques du XIXe siècle qui ont permis à l’histoire de l’art de renforcer la légitimité

scientifique de ses méthodes d’analyses. C’est en examinant le débat critique autour du

rapport distancié à l’œuvre par le biais des reproductions photographiques que nous

introduirons les premières notions d’usage des images numériques. Dans notre deuxième

partie, nous aborderons les aspects techniques de ce nouveau support d’étude en expliquant

clairement sa nature, ses différentes formes, ainsi que les concepts théoriques qui l’entourent

en confrontant un regard critique envers certaines théories actuelles qu’il suscite à son égard.

C’est en étudiant au plus près la nature numérique de ces nouvelles images que nous pourrons

mettre au jour les aspects inédits du support d’étude auxquels l’historien de l’art pourra être

confronté face à ce médium d’un nouveau genre. Enfin, notre dernière partie explorera les

pratiques de l’imagerie numérique en histoire de l’art en estimant son impact sur la discipline

depuis le développement du web, mais également en examinant des cas concrets

d’expérimentation de l’image dans lesquels l’interactivité des supports numériques prend tout

son sens. Nous terminerons également cette partie en ouvrant des questions autour d’un récent

procédé technologique de création d’images photographiques numériques à des fins d’études

des objets d’art. Le fil de notre pensée empruntera à la tradition historiographique de l’histoire

de l’art tout en bravant parfois les frontières de la pluridisciplinarité, en lui ralliant une

approche engagée et critique dans le modernisme du numérique.

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1ère

partie :

Évolution et historicité du support d’étude en

histoire de l’art

« Si nous nous interrogeons aujourd'hui sur nos propres actes d'historiens de

l'art, si nous nous demandons au fond - et nous devons le faire constamment

- à quel prix se constitue l'histoire de l'art que nous produisons, alors nous

devons interroger notre propre raison, ainsi que les conditions de son

émergence. »

Georges Didi-Huberman (Devant l'image, Paris, Les éditions de minuit, 1990, p. 109)

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Dans l’introduction de son ouvrage Prints and Visual Communication, William M.

Ivins annonce : « Les historiens de l’art et les théoriciens de l’esthétique sont passés outre le

fait que la majeure partie de leur réflexion s’est fondée sur des supports picturaux en tout

point reproductibles concernant les œuvres d’art, plutôt que sur des contacts directs avec

celles-ci.1 ». En effet, si l’étude d’une œuvre d’art implique théoriquement une approche

physique avec celle-ci, force est de constater que la pratique actuelle des historiens de l’art

consiste majoritairement à poser son regard sur une reproduction "papier" ou numérique de

l’objet en question. A la suite de son commentaire, Ivins ajoute également que « La

photographie et les procédés photographiques […] sont responsables de l’un des plus grands

changements jamais intervenu dans les habitudes et les connaissances visuelles, et ont conduit

à une réécriture quasi-complète de l’histoire de l’art ainsi qu’à une entière réévaluation des

arts du passé.2 ». Bien qu’il soit incontestable que la photographie ait profondément modifié

les pratiques de la discipline, ainsi que le regard porté sur les œuvres et les objets d’art, une

première étape historique et technique a joué un rôle important dans la diffusion des

représentations et des connaissances de l’art : celle de la gravure de reproduction, mise en

place à la fin du Bas Moyen-âge, puis couramment utilisée sous la Renaissance, par le biais

d’artistes soucieux d’accroitre le rayonnement de leur production artistique.

Nous étudierons dans un premier temps les différents usages de cette diffusion des

images d’art issue des gravures, au travers d’exemples historiques. Si le recours à l’outil

photographique n’intervient qu’en second lieu dans l’histoire des représentations des œuvres

d’art, son impact reste toutefois considérable quant au regard posé sur l’œuvre. Ce sont sur les

répercussions de la photographie que nous nous pencherons par la suite. Celles-ci furent

suffisamment importantes pour contribuer à la naissance progressive et officielle d’une jeune

discipline « scientifique » au sein des plus grandes institutions universitaires et/ou

académiques d’Allemagne, d’Angleterre, de France ou encore des États-Unis. Il s’agit de

l’histoire de l’art telle que nous la connaissons aujourd’hui, qui a pu se développer et naître

grâce à de nouvelles méthodes d’enseignement dérivées des technologies de la photographie

et de l’imprimerie. Néanmoins, en se fondant principalement sur les reproductions des images

1 William Mills Ivins, Prints and Visual Communication, MIT Press, 1969, p. 2 : « Historians of art and writers

on aesthetic theory have ignored the fact that most of their thought has been based on exactly repeatable pictorial

statements about works of art rather than upon firt-hand acquaintance with them. » (Traduction personnelle) 2 Ibidem : « Photography and photographic process,[…] have been responsible for one of the greatest changes in

visual habit and knowledge that has ever taken place, and have led to an almost complete rewriting of the history

of art as well as a most thoroughgoing revaluation of the arts of the past. » (Traduction personnelle)

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des œuvres d’art plutôt que sur les œuvres d’art elles-mêmes, les historiens de l’art ont bâti

leur regard et leur compréhension du sujet de manière déterminante et orientée. C’est ce que

nous interrogerons et approfondirons dans un troisième point.

I - Diffusion et survivance des œuvres d’art au travers de la

gravure, ou la constitution d’une mémoire faussement objective

des images

Avant que la photographie ne naisse et se répande au XIXe siècle, les reproductions

d’œuvres d’art étaient principalement constituées de reproductions manuelles comme les

dessins et les estampes – nous entendons par "estampe", toute espèce d’image obtenue par un

procédé d’impression. La circulation des images d’art a été l’objet de préoccupation de

nombreux artistes dès la Renaissance. Le souci de la reproduction par gravure de leurs œuvres

originales était directement lié à leurs rayonnements, même si cette diffusion des exemplaires

se restreignait à un nombre limité d’amateurs et clients. Les techniques de gravures qui ont

facilité cette quête se sont développées à partir du XIVe siècle avec les procédés de "taille

d’épargne"3, puis dès le XV

e avec la "taille-douce"

4 qui progressivement supplanta la

première près d’un siècle plus tard. Les reproductions des œuvres visaient généralement à

amplifier le prestige et la notoriété des artistes, et en ce sens développer une demande

supplémentaire dans le commerce des arts. Ajoutons à cela que cette technique permettait aux

artistes de découvrir et d’étudier les œuvres de leurs pairs, sans avoir besoin de voyager

jusqu’à celles-ci.

Le biographe Giorgio Vasari (1511-1574) souligne dans son imposant ouvrage Les

Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes que la notoriété de l’œuvre du peintre

Andrea Mantegna (1431-1506) doit beaucoup à son investissement dans la gravure à des fins

de diffusion : « Il [Andrea Mantegna] aimait aussi, on l’a dit, graver sur cuivre ses figures,

procédé vraiment très original, par lequel le monde a pu connaître non seulement ses propres

3 La taille d’épargne consiste à creuser la matrice en laissant intacts les traits qui émergent en relief pour recevoir

l’encre. Il s’agit donc d’une impression en relief. 4 La taille-douce est, à l’opposé de la taille d’épargne, une impression en creux sur métal qui englobe les

techniques en taille directe (burin, pointe sèche, etc.) et de gravure à l’acide (eau forte).

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œuvres […], mais aussi l’art de tous les autres maîtres5 ». La renommée artistique d’un objet

et de son créateur passait donc, à cette époque, par la diffusion de son image au travers les

estampes. Bien entendu, nous ne prétendons pas croire au seul facteur de la circulation

d’images d’arts dans le processus constituant la carrière de l’artiste. Le mécénat et les

témoignages écrits tels que celui de Vasari prouvent bien qu’il s’agit en réalité d’un ensemble

d’éléments. Néanmoins, nous pouvons constater l’importance accordée par les artistes eux-

mêmes à la reproduction de leurs travaux, à des fins de diffusion. Certains artistes se sont, par

ailleurs, voués à en faire leur principale production artistique, comme c’est le cas du réputé

graveur italien Marcantonio Raimondi, dit Marc-Antoine Raimondi (1480-1534), connu pour

ses nombreuses gravures des travaux de Raphaël (1483-1520), et que Vasari ne manque pas

de mentionner : « Marc-Antoine, réfléchissant à l’honneur et au profit qu’aurait pu tirer celui

qui eût pratiqué cette technique en Italie, décida d’y consacrer tous ses efforts6 ». L’auteur fait

par ailleurs mention d’un procès qui aurait été engagé par l’artiste Albrecht Dürer (1471-

1528) à l’encontre de Raimondi. Ce dernier aurait copié la « Passion en trente-six planches y

inscrivant le monogramme A.D.7 », signature originale de Dürer. Bien que ce procès soit

rapporté par Vasari dans son ouvrage, plusieurs faits historiques et matériels, dans lesquels

nous ne rentrerons pas dans le détail, semblent néanmoins contredire les propos du

biographe8. Si l’histoire du procès appartient à la légende, nous pouvons retenir une fois de

plus par l’intermédiaire de ce témoignage que le travail du graveur depuis la Renaissance joue

un rôle important dans la renommée des artistes et plus encore dans la circulation des images

d’art.

Indépendamment de l’usage fait par les artistes de la production de gravures, les

anciennes expéditions archéologiques produisaient également un grand nombre d’estampes

avant que ne soit développé le daguerréotype. Ainsi dessinateurs, savants et peintres

accompagnèrent les troupes napoléoniennes durant la campagne d’Égypte menée de 1798 à

1801, pour effectuer des relevés graphiques de paysages, monuments, sculptures, inscriptions,

peintures, ainsi que tout élément en rapport avec les diverses formes d’art issues de l’Égypte

ancienne. De cette campagne fut publié, par l’Imprimerie Impériale, un recueil savant intitulé

5 Giorgio Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, livre IV, Paris, Actes Sud, 2005,

p. 309. 6 Ibidem, livre VII, p. 66.

7 Ibid., livre VII, p. 66.

8 Christopher L. C. E. Witcombe, Copyright in the Renaissance: prints and the privilegio in sixteenth-century

Venice and Rome, Leiden, Brill, 2004, p. 81-85.

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Description de l’Égypte regroupant plus de trois milles illustrations sous la forme de 837

planches gravées sur cuivre, en couleurs et en noir et blanc9. D’autres expéditions similaires

furent lancées dans l’objectif de créer et d’accumuler un savoir et une imagerie savante

pouvant servir aux spécialistes. Citons à titre d’exemple l’expédition franco-toscane de 1828 à

1829 dirigée par les égyptologues Jean-François Champollion (1790-1832) et Ippolito

Rosellini (1900-1843), dont les travaux furent publiés sous le titre de Monuments de l’Égypte

et de la Nubie. La réalisation de ce type d’estampes était destinée à une large diffusion

d’images savantes à des fins scientifiques, mais également artistiques lorsque les peintres et

les sculpteurs s’en emparaient. Véritables répertoires iconographiques de la mémoire

historique des arts, les gravures de reproduction n’en restent pas moins des modèles

interprétés d’œuvres originales. Si la fidélité aux règles de la composition est généralement

respectée, les détails iconographiques ou chromatiques ne peuvent pas toujours être

correctement restitués par le dessinateur ou peintre. Nous pouvons, par ailleurs, nous

demander si les graveurs cherchaient systématiquement à vouloir reproduire une œuvre dans

sa parfaite ressemblance, ou si plutôt, ils recherchaient une parfaite vraisemblance avec leur

modèle.

Dans sa Grammaire des arts du dessin, architecture, sculpture, peinture de 1867,

l’historien de l’art Charles Blanc (1813-1882) écrit au sujet du graveur Marc-Antoine

Raimondi : « Sous la surveillance de Raphaël, sous l’empire de ses conseils souverains, Marc-

Antoine conçoit la gravure comme il la faut concevoir quand on est aux prises avec les grands

maîtres. Il la conçoit comme une traduction concise qui met en lumière l’essentiel, qui sait

tout indiquer, sait tout dire et qui, privée du langage des couleurs, insiste sur la suprême

beauté des contours, accentue le caractère des têtes, les formes choisies, les fières tournures,

la force ou la finesse des attaches et des extrémités.10

». Les mots de l’auteur désignent bien le

travail du graveur comme étant celui d’un interprète, qui « traduit » une réalité. Alors qu’il lui

manque la couleur, ce dernier contrebalance en accentuant les contrastes et les formes, ce qui

a pour effet de remodeler en partie l’objet référent. Nous ne pouvons toutefois pas soutenir

simplement que Raimondi déformait l’œuvre qui lui servait de modèle, d’autant plus que dans

cet exemple, le peintre Raphaël – tout comme les autres artistes pour lesquels le graveur

devait travailler – veillait à ce que la reproduction lui convienne. Cependant, nous pouvons

9 Jean-Claude Chirollet, L'art dématérialisé. Reproduction numérique et argentique, Wavre, éd. Mardaga, 2008,

p. 8. 10

Charles Blanc, Grammaire des arts du dessin, architecture, sculpture, peinture, Paris, Ve J. Renouard, 1867,

p. 666.

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soulever l’hypothèse que la reproduction du graveur pouvait contenir des retouches ou des

altérations de la réalité qui n’existaient pas comme telles dans l’original afin d’obtenir,

volontairement ou non, un rendu plus esthétique, voire peut-être plus flatteur de l’objet d’art

une fois reproduite en estampe. Au demeurant, dès la Renaissance, l’origine des gravures de

reproduction visaient à diffuser des images porteuses d’un modèle, soit économique (faire

connaître les talents de l’artiste et générer une demande), soit "artistico-prosélytique" (diffuser

un modèle de goût et d’inspiration), et par conséquent pouvaient parfaitement représenter ce

qui devait être "juste" vis-à-vis du modèle, plutôt que ce qui était "juste". À l’image des

infographistes actuels, retouchant la moindre forme ou couleur sur une image pour en donner

une représentation de la réalité non pas "juste", mais dont l’aspect général confère cette

impression au regardeur.

L’historien de l’art Heinrich Wölfflin (1864-1945) compare à ce propos en 189711

une

gravure de Raimondi qu’il pense être une représentation de l’Apollon du Belvédère conservé

au musée du Vatican, avec un cliché photographique de l’original (ill.1). Si nous considérons

qu’il s’agit bien de la même œuvre, le constat est frappant. Le rapport des formes est

sensiblement faussé dans la gravure de Raimondi. Wölfflin accompagne cette confrontation

visuelle du commentaire suivant : « La différence entre les deux images n’est certes pas

insignifiante […] le torse y gagne une puissance insoupçonnée, à la fois verticale et

horizontale… »12

. Sans vouloir donner de conclusion hâtive à notre hypothèse, nous pouvons

tout de même observer, par le biais de cette démonstration, que le degré d’interprétation

présent dans la réalisation d’une estampe peut aisément induire en erreur quant à la réalité

plastique et esthétique de l’œuvre originale. Comme le souligne avec pertinence le théoricien

Jean-Claude Chirollet : « les empreintes de la liberté artistique du graveur tenaient donc lieu

de mémoire "objective" et fidèle de l’œuvre originale. »13

, et cela continua de l’être jusqu’au

XIXe, siècle où la photographie vint progressivement supplanter la reproduction manuelle des

œuvres d’art.

11

Heinrich Wölfflin, « Wie man Skulpturen aufnehmen soll (Teil II) », Zeitschrift für bildende Kunst, Neue

Folge 8/1897, Leipzig, ed. Seeman, p.295, In, Heinrich Wölfflin, Comment photographier les sculptures: 1896,

1897, 1915. Paris, Harmattan, 2008, p. 77. 12

Heinrich Wölfflin, Comment photographier les sculptures: 1896, 1897, 1915. Paris, Harmattan, 2008, p. 45. 13

Jean-Claude Chirollet, L'art dématérialisé. Reproduction numérique et argentique, op. cit., p. 12.

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II - La photographie comme outil didactique en histoire de l’art

Si l’usage de photographies dans l’étude des œuvres d’art est une pratique banale et

quotidienne pour les historiens de l’art actuels, l’histoire de la discipline démontre que cela

n’a pas toujours été le cas et que cette pratique s’est introduite progressivement dans un

contexte qui ne lui a pas toujours été favorable. Le rapport sur le daguerréotype du savant

François Arago (1786-1853), lu à la Chambre des députés le 3 juillet 1839, puis à l’Académie

des sciences le 19 août de la même année, inscrit l’outil photographique dans un discours

persuasif qui tend à légitimer son développement et ses recours. Soutenu de près par le peintre

Paul Delaroche (1797-1856), il tente de convaincre les assemblées savantes de l’excellente

fiabilité scientifique avec laquelle l’héliographie est capable de reproduire les formes

« réelles » des objets en tous leurs détails. Quelques mois après ces discours, le peintre

Horace Vernet (1789-1863), en compagnie de ses neveux Charles Burton (1813–1889),

officier du génie, et Frédéric Goupil-Fesquet (1817–1878) peintre de genre, font partie des

premiers voyageurs à emporter des appareils daguerréotypes en Égypte. Leur mission reprend

le pas sur les traces des premières expéditions archéologiques menées quelques décennies

plus tôt lors des campagnes napoléoniennes et celle de Champollion. Leur voyage sera

l’amorce, pour de nombreux artistes et connaisseurs, de projets pour daguerréotyper l’Orient.

La création de la « mission héliographique »14

par la Commission des monuments

historiques en 1851, constitue très certainement l’une des premières reconnaissances

institutionnelles de l’outil photographique à des fins scientifiques. Cette dernière chargea la

Société héliographique, composée de cinq photographes (Édouard Baldus, Hippolyte Bayard,

Gustave Le Gray, Henri Le Secq et Auguste Mestral), de « recueillir des dessins

photographiques d’un certain nombre d’édifices historiques »15

. Indépendamment de

l’avancée technique (l’adoption du daguerréotype), cette commande publique marque un point

historique important dans l’acceptation des images photographiques, et leur apporte une

certaine crédibilité. Il est intéressant de relever l’emploi du terme de « dessins

photographique » par la Commission, pour qualifier le daguerréotype. L’état d’esprit dans

14

Selon les propos de l’historienne de la photographie Anne de Mondenard, le terme de « mission

héliographique » ne serait apparu qu’à partir de 1979 par les écrits du conservateur Bernard Marbot. A l’origine,

cette commande de l’État mentionnait seulement : « missions pour dessins photographiques ». 15

Procès-verbaux de la Commission des monuments historiques, séance du 9 mai 1851, archives du Patrimoine,

80/15/7. In, Anne de Mondenard, « La Mission héliographique : mythe et histoire », Études photographiques,

n°2, Mai 1997, p. 61.

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18

lequel s’intègre cette nouvelle technologie est encore foncièrement marqué par une tradition

du dessin "artistico-scientifique" où le rôle du relevé architectural ou graphique était du

ressort du dessinateur ou du peintre, fût-il archéologue ou savant. Cette tradition du dessin

scientifique se trouve, par la suite, supplantée progressivement par la photographie

scientifique, bien que une fois de plus, cette transition ne se soit pas faite sans controverses.

Alors que les défenseurs du dessin soutenaient ses qualités pédagogiques, notamment lors de

sa réalisation où il est possible de souligner intentionnellement des détails qui doivent être

"révélés", les partisans de la photographie mettaient l’accent sur son pouvoir de refléter

l’exactitude de la réalité observée. Substantiellement, le dessin rendait un objet lisible, de par

les intentions de son auteur à mettre en valeur un aspect donné de l’élément étudié, tandis que

la photographie rendait l’objet visible dans son ensemble. Le botaniste Gaston Bonnier (1853-

1922) expérimente même, à la fin du XIXe siècle, un compromis étonnant en combinant les

deux procédés dans une vaste publication intitulée Flore complète en couleurs, de France,

Suisse, Belgique 16

. Le contour des photographies est redessiné à la main pour faire valoir les

détails jugés importants. Malgré tout, l’usage du dessin scientifique sera peu à peu mis de côté

étant donné que, malgré sa rigueur d’exécution, ce dernier ne peut donner à voir que ce qui est

préalablement connu. C’est dans sa fonction heuristique, au-delà de son état documentaire,

que la photographie s’imposera parmi les sciences comme outil d’étude et de recherche

privilégié des savants.

Abandonnons cependant l’Académie des sciences, pour revenir à l’usage de l’outil

photographique en histoire de l’art. En 1894, soit plus d’un demi-siècle après le discours

d’Arago en faveur du daguerréotype, l’historien de l’art français Émile Mâle (1862-1954)

écrit : « On peut dire que l’histoire de l’art, qui était jusque-là la passion de quelques curieux,

n’est devenue une science que depuis que la photographie existe. […] La photographie a

affranchi en partie l’œuvre d’art des fatalités qui pèsent sur elle, de la distance, de

l’immobilité. La photographie a permis de comparer, c’est-à-dire de faire une

science…17

». En effet, le recours à l’outil photographique a profondément contribué à la

transformation de l’histoire de l’art en une discipline scientifique. Encore impensable au début

du XIXe siècle, la possibilité de comparer une peinture conservée au musée du Louvre avec

une autre provenant du palais Medici était désormais possible par la confrontation des deux

16

Pierre Barboza, Du photographique au numérique. La parenthèse indicielle dans l'histoire des images, Paris,

L’Harmatttan, coll. champs visuels, 1996, p. 194-195. 17

Emile Mâle, L’Enseignement de l’histoire de l’art dans l’université, Revue universitaire, 1894, T. I, p. 19. In

Lyne Therrien, op. cit., p. 398.

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19

reproductions photographiques. Auparavant, pour étudier et observer une œuvre d’art,

l’historien ou le connaisseur n’avait nul autre choix que celui de se rendre sur le lieu de

conservation de l’objet ou se contenter d’une reproduction de type estampe, dessin ou

gravure. En opposition aux images « automatiques » apportées par l’appareil photographique,

les reproductions manuelles constituaient des interprétations subjectives, ce qui créait

généralement des reproductions faussées de la réalité. Dans son ouvrage L’Art et l’illusion,

l’historien de l’art Ernst H. Gombrich (1909-2001) exprime clairement cette notion

d’interprétation inconsciente que développe le graveur durant son travail de retranscription. Il

compare ainsi une lithographie de la cathédrale de Chartres réalisée en 1836 par Robert

Garland avec un cliché photographique du XXe siècle, et montre comment l’artiste, malgré

une grande habilité et une finesse importante des détails, transforme la réalité observée :

« Mais en fin de compte, il ne parvient pas lui non plus à s’affranchir des servitudes imposées

par ses préférences personnelles et par le point de vue de son époque. […] Ainsi, considère-t-

il Chartres comme un ensemble gothique, avec des arcs en ogive, et il déforme les baies

romanes de plein cintre de la façade ouest…18

».

Malgré ce constat moderne qui nous apparaît aujourd’hui comme une évidence, il ne

faut pas oublier que l’utilisation de photographies en lieu et place des gravures de

reproduction a fait l’objet de débats entre les spécialistes du XIXe siècle. En Angleterre par

exemple, dans les années 1870, les spécialistes utilisaient les reproductions photographiques

comme « aide-mémoire » à l’étude, mais illustraient encore leur catalogue de traditionnelles

gravures19

. C’est l’apparition d’un nouvel outil qui va contribuer à développer le recours aux

photographies dans l’enseignement des arts. La lanterne magique, ancêtre des appareils de

projection à diapositives, apparaît dans le courant du XVIe siècle

20 à des fins de

divertissement. Elle est alors détournée des théâtres pour trouver place dans les salles de

conférence dès le milieu du XIXe siècle. Les premières versions "détournées" de cette

invention projetaient des images au moyen de plaques de verre peintes à la main. Il faut

attendre 1849-50, date à laquelle les frères William (1807-1874) et Frederick Langenheim

(1809-1879) trouvent le moyen de fixer des images positives sur des plaques de verre via le

procédé de l’albumine qu’ils baptisent « hyalotype », pour pouvoir projeter des photographies

18

Ernst Hans Gombrich, L’Art et l’illusion, Paris, Gallimard, 1996, p. 62. 19

Frederick N. Bohrer, « Photographic perspectives: photography and the institutional formation of art history »,

Art history and its institutions, Elizabeth Mansfield (dir.), Londres, Routledge, 2002, p. 247. 20

Aucune description ou illustration de lanterne magique n’a été retrouvée avant la publication de l’ouvrage Ars

Magna Lucis et Umbrae en 1646, du scientifique et jésuite allemand Athanasius Kircher (1602-1680).

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20

à tout un public de classe. En France, cet outil est adopté de manière très disparate selon les

lieux d’études. De nombreuses conférences avaient lieu, jusque dans les premières décennies

du XXe, sans projection, et les professeurs faisaient simplement circuler des photographies et

des gravures dans les salles. Cela s’explique peut être par une pratique de l’enseignement qui

se voulait avant tout historique, et mettait donc l’accent sur les faits, les récits et les

témoignages, plutôt que d’illustrer les propos par des images. Nous savons toutefois qu’un

appareil de projection installé à la Sorbonne était très utilisé avant la fin du XIXe siècle et ce,

par diverses disciplines universitaires. « […] nous n’avons pas hésité à introduire, dans

l’enseignement de la Sorbonne, un procédé réservé jusque-là à l’archéologie et à l’histoire de

l’art : les projections à la lumière électrique.21

». Au États-Unis cependant, la mise en place de

nouveaux cycles d’études supérieures en arts plastiques commence en 1885 à Harvard, puis

l’année suivante à Yale, où des appareils de projection avaient déjà été mis en place quelques

années auparavant, pour enseigner d’autres matières scientifiques. Leur emploi est donc

immédiatement appliqué à l’enseignement des arts. L’historien de l’art Frederick N. Bohrer

précise qu’à la même époque, l’Angleterre et l’Allemagne ont bénéficié de ces outils

photographiques pour instaurer et mettre en avant l’histoire de l’art comme discipline

scientifique et « intellectuellement respectable »22

.

Un des premiers historiens de l’art européens à avoir couramment recours aux plaques

photographiques durant ses cours et ses conférences est le professeur allemand Herman

Grimm (1828-1901) de l’université de Berlin. Grandement intéressé par l’usage de ces

nouveaux outils visuels, il publie des articles dans la presse où il envisage l’importance de

leur impact sur l’enseignement et l’étude en histoire de l’art23

. Grimm n’a pas seulement

amorcé la pratique des projections photographiques en salle de cours, il a entièrement institué

un style d’enseignement propre à la discipline : celui du professeur d’art ou d’archéologie, qui

enseigne à des étudiants dans une pièce sombre, à la seule lueur de l’appareil qui enchaîne

solennellement les plaques ou, plus tardivement, les diapositives.

21

Achille Luchaire, « L’Enseignement de l’histoire du Moyen Âge à la Sorbonne », Revue internationale de

l’enseignement, T. XXXVIII, 1899, p. 485. In Lyne Therrien, op. cit., p. 403. 22

Frederick N. Bohrer, « Photographic perspectives: photography and the institutional formation of art history. »

Art history and its institutions, Elizabeth Mansfield (dir.), Londres, Routledge, 2002, p. 249-250. 23

Wolfgang M. Freitag, « La servante et la séductrice. Histoire de la photographie et histoire de l’art », Histoire

de l’histoire de l’art, cycles de conférences organisés par le musée du Louvre, T.2, Paris, Klincksieck, 1997,

p. 274.

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21

Son successeur à la chaire d’histoire de l’art de Berlin, Heinrich Wölfflin, fait partie

des spécialistes du domaine dont le positionnement à l’égard de l’utilisation du médium

photographique est sensiblement partagé. À la fois concerné et critique, Wölfflin est persuadé

que la photographie peut être utile à l’étude de l’architecture et de la sculpture. Il publie

successivement en 1896, 1897, puis 1915, trois articles précurseurs intitulés Comment

photographier les sculptures24

dans lesquels il tente d’expliquer l’art et la manière dont une

sculpture devrait être représentée sous l’œil de l’objectif, et dénonce les mauvais usages de

l’outil photographique faits par la plupart des photographes « amateurs » de son temps. Dans

son article de 1915, il écrit : « Il existe déjà des différences entre telle ou telle vue : certaines

offrent peu, d’autres davantage ; en général il y a une vue qui, par sa beauté et sa clarté,

s’avère dominante. »25

. Selon lui, une photographie peut servir à comprendre une œuvre d’art,

si certaines conditions, tels que les angles de prises de vue et l’éclairage, sont respectées, sans

quoi l’image obtenue fausse la vision de l’œuvre et trahit le « vouloir artistique » de son

auteur. Ces trois articles sont une invitation morale et professionnelle à prendre conscience de

l’intérêt scientifique et pédagogique qu’une telle rigueur peut apporter au regard des

sculptures et, le cas échéant, à mettre en garde contre les mauvaises utilisations de l’appareil

photographique.

L’intérêt de Wölfflin pour l’enseignement de l’histoire de l’art l’amène à expérimenter

un nouveau modèle de présentation et d’étude des plaques photographiques durant ses

conférences. Selon l’historien de l’art Trevor Fawcett26

, il aurait très certainement été le

premier à avoir recouru à la double projection en salle de cours. L’usage simultané de deux

appareils de projection lui permet de confronter deux reproductions photographiques

d’œuvres d’art, et de faciliter ainsi les comparaisons de style entre deux artistes ou entre deux

œuvres d’un même auteur. Wölfflin poursuit la méthode que Grimm avait instaurée en

donnant ses conférences d’histoire de l’art dans le noir. Selon lui, le format imposant des

images projetées dans une salle sombre renforce la légitimité et la figure d’autorité du

professeur face à ses élèves qui se noient et s’éclipsent dans les ténèbres. Une anecdote

rapporte qu’il interrompait ses cours en quittant la salle si, par malheur, l’appareil de

24

Titre original en allemand : «Wie man Skulpturen aufnehmen soll ». 25

Heinrich Wölfflin, Comment photographier les sculptures : 1896, 1897, 1915, op. cit., p. 53. 26

Trevor Fawcett, « Visual Facts and the Nineteenth-Century Art Lecture », Art History VI, 1983, p. 456. In

Wolfgang M. Freitag, « La servante et la séductrice. Histoire de la photographie et histoire de l’art », op. cit.,

p. 275.

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22

projection venait à ne pas fonctionner correctement27

. Que cela appartienne à la légende du

personnage ou à la réalité, l’intérêt et l’importance de l’appareil à projection sont une fois de

plus soulevés.

A ses débuts, la photographie s’introduit timidement dans la discipline comme aide-

mémoire, puis progressivement, s’impose à la fois comme ressource et outil indispensable du

spécialiste, au point de devenir aussi importante que l’œuvre d’art elle-même. L’historien de

l’art américain Bernard Berenson (1865-1959) admit à la fin de sa carrière qu’il s’était plus

souvent trompé ou perdu dans l’étude directement in situ d’œuvre d’art, plutôt qu’en

s’appuyant seulement sur des reproductions photographiques28

. À l’aube du XXIe siècle, où

dans les amphithéâtres et salles de cours la photographie numérique tend peu à peu à

supplanter la diapositive, exercer un cours d’histoire de l’art sans avoir recours à un support

visuel (devenu) aussi basique que la projection paraîtrait impensable. L’enseignement de

l’histoire de l’art a donc contribué, au XIXe siècle, à légitimer l’usage des photographies dans

le cadre d’études savantes et, inversement, les nouveaux outils technologiques dans lesquels

la photographie s’est déclinée (daguerréotype, calotype, hyalotype, photogravure, etc.) ont

permis de donner un cachet « intellectuellement respectable » à la discipline et d’en faire une

« science », comme le rappelait Emile Mâle. Des plaques de verres illuminées par la lanterne

magique aux images numériques affichées sur écran d’ordinateur, l’évolution de la discipline

semble logiquement suivre un parallèle avec celle des nouvelles technologies de son époque.

Cela résume brièvement que l’histoire de l’art, au XIXe siècle, est une jeune discipline qui

évolue parallèlement avec son temps. Néanmoins, pour mieux comprendre les pratiques qui se

sont instaurées autour de cette science, nous allons nous risquer à la question que soulève

notre discipline depuis près d’un siècle : peut-il y avoir une histoire de l’art sans

photographie ?

27

Adolf Max Vogt, « Der Kunsthistoriker im Halbdunkel, Der Übergang von der Zeichnung zur Projektion in

der Vorlesung », Zeitschrift für Schweizerische Archälogie und Kunstgeschichte, Vol. 51, 1994, n°2, p. 101 :

« Er [Heinrich Wölfflin] fühlte sic hunter den summenden Bildwurfmaschinen so wohl, dass er sich bei

technischen Defekten jeweils weigerte weiterzusprechen und den Saal verliess. » In, Lyne Therrien, op. cit.,

p. 398. 28

Bernard Berenson, Aesthetics and History in the Visual Arts, New York, Pantheon, 1948, p. 204 : « I am not

ashamed to confess that I have more often gone astray when I have seen the work of art by itself and alone, than

when I have known its reproductions only. »

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23

III - Indispensable technologie ? Question posée à l’égard des

reproductions photographiques des œuvres d’art

Étudier les œuvres d’art par le biais de leurs reproductions photographiques est, nous

l’avons vu, une pratique solidement ancrée chez les historiens de l’art, que cela soit pour

l’enseignement ou pour la recherche. André Malraux pensait justement que l’histoire de l’art

est depuis près d’un siècle « l'histoire de ce qui est photographiable »29, or ce que la

photographie a rendu possible – l’étude des œuvres d’art du monde entier –, elle l’a également

façonné. L’adoption de l’outil photographique dans la discipline s’explique historiquement

comme nous l’avons montré, grâce notamment à sa fonction heuristique, mais également par

son aspect usuel et pratique. Étudier de près une œuvre originale est, dans bien des cas, une

quête ardue et épineuse. Lorsque celle-ci n’est pas conservée dans un lieu ou un pays éloigné

du nôtre, il faut parfois surmonter la foule qui s’amasse autour des objets d’art lors de visite

au musée, ou bien encore faire abstraction d’un mauvais positionnement ou éclairage de

l’œuvre étudiée. Tant de facteurs nuisibles qui empêchent parfois d’observer le sujet dans de

bonnes conditions. En revanche, le recours à une reproduction photographique de l’œuvre,

que celle-ci soit dans un livre ou sur écran d’ordinateur, permet de l’observer dans des

conditions relativement favorables à son étude. Les historiens de l’art, comme bien d’autres

spécialistes, y construisent leurs premières impressions avant de s’en servir comme support

d’étude. La visite in situ se résume d’ailleurs bien souvent à venir confirmer une analyse ou

une observation faite à partir de photographies, et rarement l’inverse.

Dans un article paru en 1993, Looking at Art Through Photographs, puis partiellement

remanié en 2000 dans l’ouvrage Transforming images: How Photography Complicates the

Picture30

, la théoricienne de l’esthétique Barbara E. Savedoff expose en huit points les effets

et les conséquences du recours aux reproductions photographiques auprès des spécialistes de

l’art. Ce recensement est plutôt représentatif des critiques généralement recueillies autour du

médium photographique, et par analogie du médium numérique, dans le cadre de leur usage

pour l’étude des œuvres d’art. Nous allons présenter chacune de ces huit remarques, et tenter

de les éclairer et de les analyser au regard des pratiques actuelles de la discipline de l’histoire

29

André Malraux, Le musée imaginaire, Gallimard, coll. Folio Essais, Paris, 1965, p. 123. 30

Barbara E. Savedoff, Transforming images: how photography complicates the picture, Ithaca, NY, Cornell

University Press, 2000, p. 160-166.

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24

de l’art, et ce en incluant partiellement les nouveaux outils du numérique qui s’offrent à notre

domaine.

La première critique qui se pose à l’égard de ces reproductions aborde la non-fidélité

des couleurs capturées par l’appareil photographique. En effet, la vérité chromatique est une

notion relativement instable dans ce domaine des images. Une reproduction de tableau dans

un catalogue pourra avoir des couleurs sensiblement différentes d’un autre ouvrage, ou de

celle imprimée sur les cartes postales et affiches vendues par un musée, et bien souvent de

celle proposée sur la base d’images en ligne du site de l’institution muséale. Savedoff

souligne la difficulté de percevoir les variations de couleurs selon les conditions d’éclairage et

d’angle de prise de vue au sein desquels l’œuvre est capturée par le photographe. À l’inverse,

elle ajoute que toute tentative pour reproduire avec précision la justesse des couleurs peut

trahir l’esprit d’une peinture31

. Pour illustrer cette critique, l’auteur cite les peintures

minimalistes de l’artiste américain Ad Reinhardt (1913-1967), et notamment les toiles qu’il a

réalisées à la fin de sa vie, avec la série des Ultimate Paintings. Ces œuvres sont

principalement composées d’aplats monochromes, avec parfois de légères variations de

tonalité pour faire ressortir une ou plusieurs formes géométriques. L’expérience du regardeur

peut ainsi être trompée au premier coup d’œil, puisqu’il peut ne pas déceler les subtiles

nuances de tons qui composent la toile. Si nous tirons un exemple de la collection en ligne du

Centre Georges Pompidou avec l’image de l’œuvre Ultimate Painting n°6 de 1960 (ill.2),

nous rencontrons, en effet, une difficulté flagrante à percevoir les différentes nuances

chromatiques des aplats qui se divisent en 9 surfaces carrées distinctes. Pour une œuvre se

voulant expérimenter les limites de la visibilité, nous pourrions dire que l’objectif de l’artiste

est atteint et reste intact au travers de cette reproduction.

Néanmoins, nous pouvons étendre l’illustration de ce propos à bien d’autres œuvres, et

ce indépendamment de leur style ou de leur époque. En cherchant des exemples sur internet

en contraignant notre investigation à de grandes bases d’images en ligne, les cas de

dissemblances se multiplient rapidement. Sur trois images téléchargées sur le web de

l’Autoportrait d’Albrecht Dürer, peint en 1498, celle numérisée en haute définition par

l’institution qui la conserve, le musée du Prado à Madrid, devrait apparaître comme la

31

Barbara E. Savedoff, « Looking at Art Through Photographs », The Journal of Aesthetics and Art Criticism,

vol. 51, n°3, Blackwell Publishing, 1993, p. 457 : « Reproductions do not capture the colors of the original. […]

Furthermore, the goal of reproducing accurate color can conflict with the presentation of the subtle or ephemeral

character of a painting. »

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25

référence à côté de deux autres échantillons trouvés sur la base hongroise et sur le site

Wikipédia, pour lequel l’image semble avoir été retouchée au vue des couleurs "folles" qui en

ressortent (ill.3). Pourtant, l’image proposée par le musée du Prado affiche des couleurs

ternes, probablement assombries par la teinte vieillissante du vernis. Ce détail en soulève

d’ailleurs un autre relatif à la restauration des tableaux anciens. Dans quelle mesure pouvons-

nous nous fier aux couleurs d’une toile dont les couleurs sont délavées ou dénaturées par le

temps ? En la matière, le travail des restaurateurs nous démontre sans cesse à quel point il est

difficile de se prononcer dans le domaine des couleurs au sujet d’œuvres n’ayant pas été

nettoyées, voir restaurées (ill.4). Nous pouvons même pousser plus loin la comparaison

d’œuvres en confrontant deux reproductions photographiques inégales de la photographie

Milk, réalisée par l’artiste Jeff Wall en 1984 (ill.5). Une fois encore, celle proposée par

l’institution qui expose et conserve l’original ne semble pas fournir le meilleur échantillon

pour l’étudier.

La capture des couleurs par un appareil photographique est principalement le résultat

de la source et du type d’éclairage dont il dispose lors de la prise de vue. La lumière incidente,

artificielle ou naturelle reflète des nuances chromatiques différentes qui peuvent produire des

résultats d’images aux couleurs sensiblement dissemblables. Les quelques échantillons

d’images issus du web nous démontrent à quel point les versions d’une même œuvre peuvent

être déclinées en autant de couleurs variées. Toutefois, cette critique de la non-fidélité

chromatique soulevée par Savedoff n’est pas suffisante en soi pour remettre en cause l’intérêt

d’une étude d’œuvre d’art par le biais de sa reproduction photographique. La notion de

couleur n’est pas, rappelons-le, une caractéristique propre d’un objet, car elle dépend

principalement de la source et de la qualité de lumière qui l’éclaire. Ainsi, un musée qui

exposerait la toile de Reinhardt à la lueur des néons ne donnera pas à voir le même aspect

chromatique que si elle avait été présentée sous une verrière en pleine lumière du jour.

Comme le précise le théoricien Jean-Claude Chirollet : « La notion de fidélité absolue est une

revendication utopique, un faux problème, car une image d’art est à sa façon une

interprétation de son modèle32

». À défaut qu’il existe une unique vérité des couleurs, nous

pouvons parler d’interprétations mixtes du modèle (l’original) servies par les reproductions

photographiques, que celles-ci soient numériques ou non, et qui conduisent « le regard vers

une vérité "croisée" à plusieurs visages »33

. Si les images photographiques des œuvres ne sont

32

Jean-Claude Chirollet, L'art dématérialisé. Reproduction numérique et argentique, op. cit., p. 153. 33

Ibidem, p. 155.

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26

pas garantes d’une fidélité chromatique absolue, au moins guident-elles l’historien de l’art

vers une vision parmi d’autres, que l’objet d’art étudié offre à voir.

Le deuxième point argué par Savedoff à l’encontre des reproductions photographiques

est la différence sensible entre la texture et la matière d’un tableau comparée à celle plate et

brillante du papier ou de l’écran d’ordinateur. Cette absence de rapport direct avec la

matérialité de l’œuvre empêcherait de percevoir la manière dont l’objet d’art est réalisé34

. La

mise à plat d’un objet tridimensionnel amène nécessairement à la construction d’une image

« plate » dont la notion illusoire de profondeur des objets est fonction de son angle de prise de

vue. Une simple photo frontale d’un tableau dont la composition serait faite de matériaux

amalgamés ne peut pas, en effet, rendre compte de la véritable nature matérielle de l’œuvre.

Cependant, quelques méthodes permettent de pallier à ce manque, comme par exemple un

angle de vue légèrement incliné permettant de mettre en valeur le relief de la surface d’un

tableau, ou bien encore l’usage d’une exposition en lumière rasante révélant avec force les

textures et les aspérités d’un tableau (ill.6). Bien que nous ne puissions pas substituer

l’expérience sensorielle directe, le potentiel offert par les images numériques acquises en très

haute définition permet de renouer partiellement le contact avec la surface d’un tableau. Grâce

à un simple outil d’agrandissement (zoom), un nouveau rapport se fait avec l’œuvre d’art :

celui du détail rapproché (ill.7). Ce rapprochement intime « enrichit la compréhension

intuitive du style esthétique, de la technique, du matériau et du sens de l'œuvre artistique »35

.

Dévoilant la touche du pinceau, le spécialiste peut alors bénéficier de la reproduction

photographique numérique pour répondre à un besoin qu’il n’aurait pas pu satisfaire en face

de l’œuvre. En effet, comme le précisait l’historien de l’art Daniel Arasse (1944-

2003) : « pour être vu et, surtout, goûté, le détail doit être approché »36

, or bon nombre

d’œuvre d’art ne sont pas suffisamment accessibles pour permettre un tel degré d’intimité

entre elle et son regardeur. Là où l’objet dans sa disposition physique et matériel peut montrer

ses limites, l’image numérique contribue à le dématérialiser et à le rendre interactif pour

faciliter son étude et rendre permanents et instantanés sa disponibilité et son accès.

34

Barbara E. Savedoff, « Looking at Art Through Photographs », op. cit., p. 458 : « In reproduction, the texture

and bulk of paint is exchanged for flat glossy paper or an iridescent screen. This not only leads to a loss of color

and spatial effects, it also prevents us from seeing the way a painting is constructed. » 35

Jean-Claude Chirollet, L'Art dématérialisé. Reproduction numérique et argentique, op. cit., p. 38. 36

Daniel Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture. Paris, Flammarion, coll. Champs arts,

1996, p. 233.

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27

Le troisième argument de l’auteur se rapproche du constat d’André Malraux dans Le

Musée imaginaire, puisqu’il souligne la perte d’échelle d’une œuvre d’art lorsque celle-ci est

reproduite dans les pages d’un livre, par exemple37

. Tandis que Malraux appréciait cette

transformation au profit des arts dits « mineurs », qui leur donnait un nouveau statut visuel

comparable à celui des arts majeurs38

, Savedoff inverse le point de vue en insistant sur la perte

d’impact des objets d’art de grande taille sur le regardeur. En effet, une peinture telle que Les

Noces de Cana (1563) de Véronèse (1528-1588) mesurant 6,77 × 9,94 m, ou encore celle

mentionnée par l’auteur, Vir Heroicus Sublimis (1951) du peintre expressionniste abstrait

Barnett Newman (1905-1970) et de dimensions 2,42 × 5,41 m, ne peuvent pas faire valoir leur

taille gigantesque lorsqu’elles sont réduites à la surface des pages d’un livre, d’une revue ou

d’un catalogue d’exposition. Lorsque certains artistes jouent volontairement sur cette valeur

des grandeurs comme expérience sensorielle de l’œuvre, le problème de l’échelle n’est que

secondaire, puisque ce type d’œuvre impose avant tout une présence et un regard in situ à

l’œuvre qui se veulent impératifs (ill.8). Dès lors qu’elle est reproduite dans un tout autre

format, celle-ci n’est là qu’à titre d’information ou de référence, comme c’est le cas de la

mention des dimensions dans la plupart des catalogues ou livres spécialisés.

L’étude de l’objet d’art peut tout de même être effective, notamment grâce à cette

remise à l’échelle. Un tableau aussi large et imposant que Les Noces de Cana, ne peut être

convenablement étudié dans les dispositions offertes présentement par le musée du Louvre.

Une peinture d’un si grand format est toujours difficile à cerner intégralement par notre regard

qui se pose sans cesse sur des détails de la scène, mais ne parvient pas immédiatement à saisir

une vue d’ensemble. La reproduction photographique de grandes œuvres permet justement de

compacter l’information visuelle, ce qui a pour effet de faciliter l’appréciation générale de la

composition. La grande souplesse d’interaction offerte par l’imagerie numérique permet

également, nous l’avons mentionné, de passer d’une échelle à une autre en un instant. Un outil

mis en ligne sur internet depuis 2008, Actualsizer39

, permet précisément de redimensionner

une image à ses dimensions physiques. Ainsi, en chargeant une reproduction numérique d’un

tableau, il est possible d’avoir une idée de la taille réelle de celui-ci. Même dans l’idéal, il est

peu probable que la taille d’un écran d’ordinateur personnel atteigne un jour les dimensions

d’un tableau de taille moyenne, mais l’outil Actualsizer permet de reconsidérer l’étendue

37

Barbara E. Savedoff, « Looking at Art Through Photographs », op. cit.,, p. 458 : « Reproductions do not

preserve the scale of the original. A painting which depends on its enormous size for impact […], may appear

trivial and uninteresting when reproduced on the page of a text book. » 38

André Malraux, Le musée imaginaire, op. cit., p. 96-106. 39

http://www.actualsizer.com/ (consulté le 16 mai 2009).

Page 28: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

28

réelle de la surface des œuvres d’art, dans un environnement qui tend bien trop souvent à les

réduire au format de l’écran, telles de simples illustrations papier. Si l’impact de la taille est

partiellement perdu dans les reproductions photographiques (photographies numériques

comprises), celles-ci permettent néanmoins une meilleure étude de la composition

d’ensemble.

Comme le faisait déjà remarquer Malraux, les agrandissements des œuvres d’art

mineures permettent de réévaluer leur intérêt artistique, mais également historique, au regard

des œuvres d’art majeures. L’inverse, comme semble le soutenir les propos de Savedoff, n’est

pas nécessairement vrai. Si les grandes œuvres d’art perdent de leur impact majestueux, elles

n’en gagnent pas moins à être reproduite à plus petite échelle, puisque leur étude en est

grandement facilitée. Nous pourrions même aller plus loin en disant que leur étude exhaustive

n’est possible que depuis qu’elles ont été reproduites. Alors qu’auparavant, l’œuvre ne faisait

l’objet que d’une expérience sensorielle et émotionnelle, la photographie, qui réduit son

échelle, permet une approche plus distanciée du regard et donc aide particulièrement à son

étude scientifique. L’historien de l’art Charles S. Rhyne du Reed College, suite à une

expérience menée en 1997 avec plusieurs étudiants de premier cycle sur l’étude de très larges

panneaux en bois japonais, rapportait que ses élèves avaient particulièrement apprécié

l’intérêt d’un recours à l’image numérique sur le plan de l’étude des détails, par

agrandissement ou zoom, qui leur avait valu de repérer a posteriori, un grand nombre

d’éléments qu’ils n’avaient pas remarqués ou relevés lors de leur analyse de l’œuvre sur

place, au musée40

. Ce type de témoignage renforce notre argument sur l’intérêt d’une

modification de l’échelle initiale d’une œuvre d’art par le biais d’agrandissement ou de

rapetissement de ses reproductions photographiques pour faciliter et approfondir son étude.

Le quatrième élément soulevé par la théoricienne de l’esthétique est la perte de la

présence physique de l’objet d’art. La reproduction de l’original n’est qu’une image, une

projection de l’œuvre qui réside quelque part en tant qu’objet et qui perd à ne pas être

présente lors de son analyse41

. Cet argument rejoint globalement les précédents en ce que la

taille, les formes, les reliefs et les couleurs ne sont pas observés et expérimentés de manière

40

Charles S. Rhyne, « Student Evaluation of the Usefulness of Computer Images in Art History and Related

Disciplines », Visual Resources: An International Journal of Documentation, vol. XIII, n°1, 1997. [En ligne]

http://academic.reed.edu/art/faculty/rhyne/papers/student.html : « Nearly all students were astonished by the

clarity of the many details, which allowed them to make discoveries they had missed in front of the [pair of

japanese NamBan] screens themselves. » 41

Barbara E. Savedoff, « Looking at Art Through Photographs », op. cit., p. 458 : « In reproduction, the physical

presence of the painting is lost. […] The reproduction is an image of something which exists elsewhere. »

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29

directe par le regardeur. Cette dialectique est parfois mentionnée par certains spécialistes,

toutes générations confondues, vis-à-vis de l’usage des reproductions numériques affichées

sur un écran. Au cours de l’expérience de Rhyne que nous avons citée précédemment, celui-ci

rapporta également que les étudiants jugeaient l’écran d’ordinateur comme étant un vecteur

troublant entre leur expérience personnelle de l’objet et l’image de l’œuvre d’art42

.

Sans revenir sur les contre-arguments que nous avons proposés jusque-là avec les

supports numériques, il est important de rappeler que le cadre qui nous intéresse ici concerne

avant tout l’historien de l’art. Si la présence physique de l’œuvre peut venir à manquer dans

son aspect sensoriel, en somme l’expérience physique in situ, elle est généralement plus utile

au critique d’art ou au philosophe de l’esthétique, qu’elle ne l’est à l’historien de l’art dont le

travail s’appuie autant sur les traces écrites autour de l’œuvre et de son contexte historique et

social, que sur ses images et toutes autres formes de déclinaisons visuelles qui peuvent être

produites. L’étude des performances, telles que les happenings, les events, ou autres formes

d’actions artistiques illustre parfaitement cette pratique de l’historien de l’art. N’ayant

généralement, pour des raisons temporelles et logistiques, jamais assisté aux représentations

de cet art éphémère, il doit nécessairement s’appuyer sur des ensembles de traces issues de

ces performances passées pour construire son analyse : photographies, témoignages écrits,

vidéos, restes matériels de performances, etc. À l’image d’un archéologue contemporain, il est

amené à mettre au jour une réalité historique qui fait sens par le biais des images et des textes

issus des œuvres passées qu’il étudie. Toutefois, nous soutenons malgré tout que l’expérience

sensorielle d’une œuvre d’art fait partie intégrante, ou du moins contribue, à sa

compréhension et peut autant favoriser son étude que la complexifier. Quand il lui est donc

possible de le faire, l’historien de l’art gagne à "expérimenter" l’œuvre in situ, que celle-ci

soit, ou non, placée dans son contexte d’origine.

Le cinquième point évoqué par Savedoff concerne l’encadrement des tableaux. La

majorité des reproductions photographiques de peintures n’incluent pas l’élément du cadre qui

les orne. Selon l’auteur, ce détail est significatif du fait que nous nous intéressons plus aux

42

Charles S. Rhyne, « Student Evaluation of the Usefulness of Computer Images in Art History and Related

Disciplines », op. cit., [En ligne] http://academic.reed.edu/art/faculty/rhyne/papers/student.html : « I discussed

with them their impressions of the digital images in comparison with viewing the [pair of japanese NamBan]

screens themselves. Almost unanimously the students objected that the size of the computer monitors did not

allow them to experience the size of the screens, which are five and a half feet tall and each twelve feet long.

Many students also noted the odd substitution of a computer screen for the physical presence of the original

work of art. »

Page 30: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

30

images qu’aux œuvres d’art elles-mêmes43

. Un second argument intervient dans le fait que le

cadre, lorsqu’il ne fait pas originellement partie de la création artistique, est un médiateur

entre l’espace d’exposition (mur, pièce, etc.) et le tableau. Or, c’est de cet espace physique

que le spécialiste isole l’œuvre pour mieux l’étudier. Du point de vue des pratiques de

l’historien de l’art, les cadres constituent souvent des documents porteurs d’informations

historiques, mais rarement artistiques. En effet, retracer l’histoire de la manière dont une

peinture a été encadrée peut vraisemblablement apporter de nombreuses informations au sujet

du parcours historique de l’objet. Néanmoins, il est assez exceptionnel qu’un tableau conserve

son encadrement d’origine, et parfois le cadre peut même tromper l’observateur si ce dernier

ne possède pas suffisamment de connaissance et d’informations au sujet de l’oeuvre. Le

Portrait du doge Leonardo Loredan (1501-04) de Giovanni Bellini (1425-1516), exposé à la

National Gallery de Londres, s’est vu attribué un cadre tabernacle (ill.9), dont la conception

était destinée à orner des sujets religieux. Par ce biais, l’œuvre profane du portrait du doge est

élevé à celui de chef-d’œuvre religieux. « Le cadre est bien d’époque, mais le sens qu’il

donne à l’œuvre est celui du regard du XXe siècle », précise l’historien de l’art Adrien

Goetz44

au sujet de ce tableau.

La présence et l’intérêt portés au cadre est fonction de son appartenance originelle à

l’œuvre. Le cadre d’un tableau de la Renaissance qui a été maintes fois remplacé par souci

"décoratif" n’a pas d’intérêt direct dans l’établissement d’une étude iconographique. À

l’inverse, les œuvres d’un peintre comme Henri Matisse (1869-1954) qui a voulu renouer

avec la pratique de l’encadrement pour certaines de ses toiles – pratique devenue

progressivement désuète dans la peinture du XXe siècle –, constituent des objets qu’il faut

étudier dans son intégralité. Néanmoins dans la majorité des cas, les cadres actuels ne font pas

à l’origine partie intégrante de la trame des œuvres que nous pouvons admirer dans les

musées. La question de l’absence des cadres dans les reproductions photographiques n’est

donc qu’une préoccupation très secondaire, qui ne touche majoritairement que des cas

d’études particuliers.

Le sixième argument présenté par Savedoff s’inscrit dans la continuité du précédent,

puisqu’il reproche à l’image photographique d’occulter le rôle du mur porteur de l’œuvre

43

Ibidem, p. 458 : « …the absence of a frame means that we are less insistently aware that we are looking at a

reproduction rather than the artwork itself. » 44

Adrien Goetz, « Encadrement des œuvres », Encyclopædia Universalis, 2008, [En ligne],

http://www.universalis-edu.com/

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31

d’art, ainsi que l’ensemble de l’architecture qui l’encadre45

. Selon elle, cette absence

d’information aurait pour conséquence d’amoindrir l’effet des trompe-l’œil présents dans

certaines fresques, et de nuire à la compréhension des éléments constitutifs de ces œuvres. Si

les fresques s’inscrivent bien dans le cadre d’un contexte architectural et environnemental, les

tableaux, quant à eux, ne sont que très rarement appauvris par cette absence d’information.

Tout comme pour l’encadrement, le contexte physique de l’œuvre d’art n’a souvent d’intérêt

que dans celui où elle a été réalisée et prévue, et non dans celui où elle est actuellement

présentée. Des pans de fresques exposés au musée du Louvre, comme celles réalisées par

Sandro Botticelli (1445-1510) pour la Villa Lemmi entre 1483 et 1486, s’éloignent en toute

impunité de son environnement architectural d’origine. Encadrées d’une large bande en

pierre, dominées en hauteur par des tympans sculptés relativement anachroniques aux

fresques et séparées par un ensemble de quatre colonnes de marbre noir, les deux œuvres

dialoguent mal ensemble (ill.10). Dans ce type de situation, à moins d’étudier spécifiquement

la muséologie, les éléments contextuels parasitent davantage l’interprétation de l’objet d’art

qu’ils ne la facilitent. Son isolement est alors conseillé, ne serait-ce que pour pouvoir

concentrer son étude sur l’iconographie. Comme nous l’avons dit pour le cadre, la question de

la représentation de l’environnement contextuel de l’œuvre ne touche que certaines pièces qui

ne peuvent généralement pas en être dissociées. L’exemple extrême, en art contemporain, du

Land art est assez significatif de l’œuvre d’art ne pouvant être représentée sans son

environnement. Il convient alors d’insister sur le fait qu’une grande majorité des objets d’art

sont déjà extraits, voire "arrachés" de leur contexte d’origine, et par conséquent la question de

l’environnement contextuel de l’œuvre se pose peut-être davantage aux musées qui les

conservent et les réinterprètent qu’aux images qui les reproduisent.

L’avant-dernier argument allégué par l’auteur est la mauvaise orientation du regard

lorsque ce dernier est focalisé sur la lecture d’une reproduction dans un livre46

. Ce point de

vue modifie l’impression normalement conférée par l’œuvre qui est généralement abordée de

front, quand elle ne surplombe pas son observateur par un accrochage surélevé. En prenant

appui sur l’exemple de la peinture de portrait qui domine son spectateur, Savedoff explique

que le rapport de force est inversé et donne l’avantage au lecteur du livre, en le mettant dans

45

Barbara E. Savedoff, « Looking at Art Through Photographs », op. cit., p. 458 : « The reproduction […] also

fails to convey the function of the surrounding wall […] The loss of architectural surroundings also has serious

consequences for our understanding of murals and frescoes which interact with their environment. » 46

Ibidem, p. 458-460 : « This change in orientation interferes with much more than our reading of a painting's

perspective. […] The book reproduction also reduces the physical sense of top and bottom. »

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une position de contrôle (il tourne les pages) et de domination (il surplombe l’image de

l’œuvre). La question du rapport à l’orientation de l’œuvre peut partiellement être critiquée en

rappelant que les reproductions sont, dans l’enseignement de la discipline de l’histoire de

l’art, projetées sur un écran ou un mur, et qu’à l’heure du numérique, les images des œuvres

d’art sont de plus en plus abordées et étudiées par le biais des écrans d’ordinateur, qui sont

des supports de lecture majoritairement frontaux (du moins pour le moment). Néanmoins,

pour les besoins d’une analyse d’œuvre, il est parfois intéressant d’en modifier le sens de

lecture en inversant le haut par le bas, ou encore en jouant d’un effet miroir avec la

diapositive ou l’image numérique. Ce jeu de déconstruction des rapports à l’œuvre contribue à

alimenter un regard neuf et sans cesse renouvelé sur la composition d’un tableau ou les

formes d’une sculpture. Il n’est donc pas systématiquement néfaste pour la compréhension de

l’objet d’art.

Enfin, le huitième et dernier point défendu dans cet article de 1993 est la perte du

rapport entre la proximité et la distance de l’œuvre47

. L’observateur ne pouvant se déplacer

physiquement pour apprécier pleinement les jeux de matières et l’illusion que confère la

composition, est de ce fait obligé de se contenter de la vue unique que lui impose la

reproduction photographique, immuable, dont il dispose. La où la photographie traditionnelle

se cristallisait sur un support fixe, le médium informatique la rend dynamique. L’image

numérique est par nature interactive et sa souplesse de traitement lui permet d’obtenir un

rapport d’intimité sans précédent. Nous l’avons montré lors de l’analyse du second point, avec

l’exemple du détail et du zoom, le médium numérique permet de manipuler l’image de l’objet

d’art et de "jouer" à volonté avec les rapports de distance proximité/éloignement.

Les huit arguments soulevés dans Looking at Art Through Photographs appartiennent

à une logique d’approche relativement ancrée dans une philosophie de l’esthétique – à

laquelle Barbara Savedoff appartient, entre autres. L’approche, bien qu’intéressante, se base

en grande partie sur le cas des peintures (couleurs, textures, cadre, environnement

d’accrochage, etc.), ce qui ne permet pas une assise suffisamment solide pour être appliquée à

l’ensemble des œuvres d’art, comme la sculpture ou encore, comme nous l’avons abordé, l’art

éphémère. De plus, la réflexion de l’auteur fait référence à l’excès à une étude des objets

d’art, tels qu’ils sont conservés et exposés dans les musées. Si la photographie donne à voir

47

Ibid., p. 460 : « We lose the ability to move closer and farther away. This prevents us from discovering the

tension between a painting's visual effect and the surface which allows that effect. »

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une image qui isole souvent le sujet de son contexte pour lui en donner un nouveau, le musée

n’en reste pas moins un puissant interprète des œuvres d’art, en "re-contextualisant" celles-ci

dans son enceinte, en leur donnant une nouvelle vie, un nouveau sens. La revendication de

Savedoff au sujet du contexte physique et in situ de l’œuvre d’art est donc à appréhender avec

un certain recul. Les arguments défendus dans son texte doivent être analysés sous l’angle de

la discipline de l’histoire de l’art comme nous venons de le faire, en incluant également les

possibilités nouvellement offertes, depuis plus de quinze ans, par les supports numériques.

L’essayiste Susan Sontag (1933-2004) écrivait que « les photos sont une façon

d’emprisonner une réalité conçue comme récalcitrante, inaccessible ; une façon de la faire

tenir tranquille [sic].48

» Il semblerait que l’outil photographique permette exactement cela, à

savoir capturer les images des œuvres d’art, bien souvent disséminées partout dans le monde,

et de les "dompter" pour faciliter le regard que nous posons sur elles, afin de les étudier. La

discipline s’est développée par et grâce à la photographie, et il semble difficile, à l’aube du

XXIe siècle avec la grande circulation des images numérique sur le web, de nier cette

évidence. Que les reproductions photographiques soient qualifiées d’« illusions

photologiques », elles n’en restent pas moins « la matière et la base de notre savoir

esthétique »49

dans une société peuplée par les images et organisée autour d’elles. Néanmoins

malgré cela, il semble encore aujourd’hui difficile de rejeter l’argument qui soutient que les

rapports émotionnels et sensoriels établis aux contacts directs des œuvres d’art conserveront

toujours une place et une valeur importante chez l’historien de l’art en valorisant une partie de

son travail d’étude et d’analyse critique des objets d’art.

Bien que nous ayons nuancé les propos de Savedoff au sujet des changements apportés

par les reproductions photographiques sur la perception des œuvres d’art, il n’en reste pas

moins certain que cette pratique a conditionné, en grande partie, la connaissance des arts que

nous avons aujourd’hui. La théoricienne pose d’ailleurs l’hypothèse suivante qui tend à

expliquer la prévalence des approches sociopolitiques, psychanalytiques, ou encore

sémiotique en histoire de l’art, suite à l’usage répété des reproductions photographiques en

substitut des œuvres d’art. Ces champs d’analyses permettent à l’historien de l’art de se

concentrer sur des propriétés spécifiques de l’œuvre, telles que la représentation du contenu

ou la composition, qui peuvent être facilement retranscrits au travers les photographies. Ce

48

Susan Sontag, Sur la photographie, Paris, Christian Bourgois, 2008, p. 222. 49

Jean-Claude Chirollet, L'art dématérialisé. Reproduction numérique et argentique, op. cit., p. 61.

Page 34: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

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que nous avons abordé, au travers d’une courte synthèse historique et critique de l’évolution

du support d’étude visuel des historiens de l’art, nous éclaire davantage sur les raisons qui les

ont poussés à adopter l’outil photographique pour l’enseignement, mais aussi la recherche.

Actuellement et depuis plusieurs années, le recours aux images numériques élargit

grandement l’espace méthodologique de recherche et offre de nouveaux modes de pratiques

de l’image qui ne sont pas sans influencer également les techniques d’enseignements de

l’histoire de l’art.

Page 35: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

35

2ème

partie :

Technicité et théories des images numériques

« Comme l’eau, comme le gaz, comme le courant électrique viennent de loin,

dans nos demeures, répondre à nos besoins moyennant un effort quasi nul,

ainsi serons-nous alimentés d’images visuelles ou auditives, naissant et

s’évanouissant au moindre geste, presque à un signe. […] Je ne sais si jamais

philosophe a rêvé d’une société pour la distribution de Réalité Sensible à

domicile. »

Paul Valéry (« La conquête de l’ubiquité », Pièces sur l’art, Paris, Gallimard, 1934, p.105)

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Les images numériques se distinguent très simplement des images tangibles ou

traditionnelles – telles que la photographie ou encore la peinture – par le fait qu’elles ne sont

pas des "empreintes" laissées par des objets matériels sur un quelconque support physique,

mais le résultat d’un calcul effectué par un ordinateur. En somme, leurs processus de

fabrication ne sont « plus physiques mais computationnels, langagiers50

» pour reprendre les

termes des théoriciens Edmond Couchot et Norbert Hillaire. La nature de l’image numérique

est une série de codes binaires, composés de 0 et de 1, que seul l’ordinateur est capable de lire

et d’interpréter pour parvenir à lui donner une réalité virtuelle qui s’affichera par la suite sur

l’écran.

Il existe deux types d’images numériques qui se distinguent par leur mode de création.

En premier lieu, il y a l’image numérisée qui est obtenue à partir d’une image tangible

préexistante (photographie, peinture, dessins, vidéo, etc.) avant d’être transformée en nombres

par des outils d’acquisition appropriés, tels que les scanners ou les caméras numériques. En

second lieu, il y a l’image de synthèse qui a pour origine un ensemble de calculs, qui

donneront « vie » à une image. Ce dernier type d’image est produit ex nihilo à partir de

calculs intégralement réalisé par l’ordinateur et n’a donc par conséquent, aucun référent direct

avec une image tangible. Sa nature est purement computationnelle et fonctionnellement

virtuelle, c'est-à-dire qu’elle n’a d’existence que par le biais d’une interprétation ou

« lecture » par l’ordinateur et son dispositif.

La grande majorité des images qui servent à l’étude des œuvres d’art sont des images

numérisées, bien que les images de synthèse prennent progressivement une place dans l’étude

d’objets architecturaux ou sculpturaux. Pour bien comprendre la technicité de l’image

numérique, nous allons tout d’abord analyser la nature des images numérisées, en balisant leur

champ d’application en histoire de l’art, puis nous verrons ensuite le cas des images de

synthèse en expliquant simplement leur procédé de création et d’utilisation dans la discipline.

50

Edmond Couchot et Norbert Hillaire, L’Art Numérique : comment la technologie vient au monde de l’art,

Paris, Champs Flammarion, 2005, p. 23.

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I - Technicité des images numérisées

Cette catégorie relève des images créées aux moyens d’outils d’acquisition numérique.

En prenant pour modèle un objet tangible, un appareil va représenter celui-ci sous la forme

d’un code qui sera ensuite lu et interprété par l’ordinateur, c’est à ce moment l’acte de

numérisation qui entre en jeu. Les appareils photographiques numériques ou encore les

scanners sont les outils créateurs des images numérisées. Ils sont garants de la transformation

d’une image tangible en une matrice de nombres qui formera par la suite un ensemble de

pixels. Pour comprendre la nature de l’image numérisée, il faut expliquer les données de

format, de résolution, de définition, et enfin, d’un point de vue des usages et de la pratique, la

compression des fichiers images.

A. Définiton et résolution : la numérisation des images

La composition d’une image numérique est une matrice de pixels (abréviation de la

locution anglaise « picture element »). Les pixels sont l’unité de base des images numérisées,

ils sont tous porteurs d’informations chromatiques. Il est possible de simplifier cette notion

par un quadrillage qui représenterait l’image, et dont chaque point serait un pixel (ill.11). En

langage informatique, on qualifie l’image numérisée par le terme anglais « bitmap » ou

« pixmap », signifiant littéralement « carte de bits » ou « carte de pixels », tandis qu’en

français nous employons le terme d’" image matricielle". Ce dernier est parfaitement adapté à

sa nature qui repose sur l’unité géométrique et matricielle qu’est le pixel.

Souvent mal compris ou employés à tort, les termes de "définition" et de "résolution"

désignent deux données sensiblement distinctes, tandis que la notion de "format" renvoie

directement aux dimensions physiques de l’image numérisée, comme celle d’un écran ou

d’une feuille de papier par exemple. Définition, format et résolution d’image sont trois valeurs

interdépendantes. La première correspond au nombre total de pixels qui composent la matrice

de l’image bitmap. Cette donnée numérique ne suffit pas à évaluer la taille de l’image sur un

quelconque support d’affichage (écran, papier, etc.). Elle reste un nombre brut indiquant la

quantité de pixels que comporte une surface dans sa hauteur et sa largeur. Ainsi une image

ayant une définition de 1280 × 1024 sera composée de 1310720 pixels, mais sans la notion de

résolution, il est impossible de lui attribuer une échelle de taille ou de format. En effet, si la

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définition n’indique que la quantité de pixels présents dans une image, et par ce biais même,

le potentiel de qualité d’usage de celle-ci, la résolution exprime mathématiquement la

répartition des pixels sur une surface donnée, et permet ainsi d’établir le degré de finesse de

l’image. La résolution est une valeur qui exprime le nombre de pixels par unité de longueur de

référence. Il est communément admis dans la pratique que cette unité de longueur soit le

pouce (« inch » en anglais), équivalant à 2,54cm. On indique donc la résolution en pixels par

pouce (ppp en français, et plus généralement dpi en anglais pour « dot per inch »).

Le couple définition/résolution permet de renseigner sur le format de l’image numérisée.

Pour une photographie numérique de définition 2048 × 3072 (soit un cliché pris à l’aide d’un

appareil moyen d’environ 6 méga pixels) que nous souhaitons imprimer sur papier avec une

résolution de 300dpi, correspondant à un critère de qualité supérieure (tirage d’art), nous

aurons un format d’environ 6,8" × 10,24", soit 17,3 × 26 cm51

. Les notions de format et de

résolution sont des valeurs qui entre en compte dès lors qu’il y a recours à un quelconque

traitement de l’image. Rappelons-le, la définition en tant que valeur brute ne donne aucun

renseignement quant à l’échelle de taille physique qu’une image matricielle aura sur un

support d’affichage. De plus, une fois numérisée, la définition d’une image reste fixe, à moins

d’avoir recours à un logiciel de retouche graphique en agissant directement sur le taux

d’échantillonnage de l’image.

Prenons l’exemple d’une image de faible définition (220 × 220), récupérée au hasard sur

internet : une reproduction de la photographie de Julia Margaret Cameron datée de 1864,

Ellen Terry at Age Sixteen. Le degré de précision de l’image sera extrêmement différent selon

la résolution qui lui sera attribuée. Réaliser une impression à 50dpi donnera une grande

surface dont les pixels seront prononcés et élargis, réduisant ainsi l’image à un piètre niveau

de qualité puisqu’il y aura une répartition d’environ 20 pixels par cm sur une surface totale de

11,18 × 11,18cm. Tandis qu’une impression à 150dpi aurait réparti un taux d’environ 59

pixels par cm sur une surface totale nettement plus condensée, mais réduite à une surface

totale de 3,72 × 3,72cm (ill.12). Plus la résolution augmente, plus petits et groupés sont les

pixels, augmentant ainsi la finesse de l’image. L’exemple du quadrillage que nous avions

mentionné précédemment illustre bien ce processus :

51

La formule mathématique effectuée correspond à : (définition/résolution) × valeur d’un pouce en centimètre =

format. Ceci donne les deux calculs suivant : (2048/300) × 2,54= 17,3 et (3072/300) × 2,54 = 26.

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Faible résolution Moyenne résolution Forte résolution

Comprendre ce que représentent la définition, le format et la résolution d’une image

matricielle permet de mieux appréhender les enjeux relatifs à la qualité et à la précision des

détails, mais également des usages qui pourront en être faits. Néanmoins, le type de

compression employée pour encoder une image est tout aussi important à l’heure où les

images circulent abondamment sur internet. Selon l’encodage choisi, une image pourra être

visuellement altérée ou non, ou encore allégée en poids pour faciliter sa diffusion sur le

réseau.

B. La compression des images

Si l’image matricielle est un ensemble de pixels, elle est avant tout un fichier

numérique, et par conséquent, une suite d’informations chiffrée. Les très nombreux pixels qui

la composent sont rassemblés et compressés en un fichier grâce à un traitement mathématique

appelé « algorithme de compression ». Pour donner une vision très simplifiée du rôle et du

processus de compression, il suffit d’imaginer un exemple de 200 × 200 pixels uniquement

composé d’aplats de couleurs. En admettant qu’une ligne entière soit de couleur verte, il est

possible de coder directement cette information 200 fois à la suite, pour chacun des pixels :

« vert vert vert vert vert vert vert vert vert […] vert vert vert », ou bien de manière plus

économe : « 200 fois vert ». Tandis que le premier exemple d’encodage est plus long et plus

gourmand en taille de fichier, les usages du second pourront potentiellement être plus limités.

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40

Le choix d’une compression doit généralement se faire en fonction de l’usage que l’on destine

à l’image numérisée.

Un fichier numérique, une fois compressé, existe sous une certaine forme que nous

appelons « format de fichier » et qui diffère du format de l’image dont nous avons vu

l’application précédemment dans le cadre du couple définition/résolution. Les formats de

fichiers sont identifiables par un suffixe de trois lettres52

précédées d’un point qui prolonge le

nom des fichiers images (« .JPG », « .GIF », « .TIF », etc.) et permettent à différentes

plateformes informatiques de les identifier immédiatement.

Les algorithmes de calcul et le résultat engendré lors d’une compression peuvent être

sensiblement différents selon le type d’encodage choisi. Il serait long, voire impossible, de

tenter d’exposer ici les spécificités techniques des multiples formats matriciels existants à ce

jour. Néanmoins, nous pouvons tout de même distinguer deux types de compressions bien

spécifiques : la compression conservative (« lossless » en anglais) et la compression non-

conservative ou destructive (« lossy » en anglais). Tandis que la première conserve intactes

les données contenues dans l’image, la seconde affecte irréversiblement les informations qui

la constituent. Le principal intérêt d’une compression avec perte d’information réside dans

l’allégement de la taille des fichiers images, favorisant ainsi leur circulation sur les réseaux,

mais également leur stockage sur les espaces disques.

Un des formats de compression avec perte le plus répandu sur internet et très usité

dans les pratiques non-spécialistes est le format JPEG53

(ou JPG). Ce format fut créé à

destination des images photographiques, permettant une perte partielle de qualité d'image sans

que l'apparence générale soit trop perturbée en proportion. Le degré de destruction engendré

par les algorithmes JPEG peut varier considérablement. Tandis qu’une compression allant

jusqu’à 50% de réduction du poids reste dans l’ensemble de bonne qualité et très appréciable

à l’œil nu, nous pouvons constater la présence d’artefacts à partir de 70%, voire même 60%

de réduction. Cette compression est parfois gradée sur une échelle de 1 à 100 ou de 1 à 12

suivant le type de logiciel utilisé. En partant du Chevalier à la main sur la poitrine du peintre

et sculpteur El Greco – qui a fait récemment l’objet d’une numérisation en très haute

52

Parfois, certains formats s’écrivent en quatre lettres (c’est le cas des extensions «.JPEG » ou « .TIFF » qui sont

tronquées à 3 lettres sous un système d’exploitation tel que Windows). 53

De l’anglais « Joint Photographic Experts Group ».

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41

définition au musée du Prado de Madrid54

avant d’avoir été mis en ligne aux côtés de 15

autres grandes œuvres de l’institution –, nous allons recompresser le fichier en 4 taux

différents pour réduire sa taille, mais également sa qualité (ill.13).

Taux de compression Taille du fichier Aperçu de l’image Illustration

100% de qualité 1361 ko Excellente qualité de départ (a)

50% de qualité 980 ko Très bonne qualité, sans

distinction flagrante à l’œil nu (b)

25% de qualité 483 ko Dégradation légère des couleurs

progressivement visible (c)

5% de qualité 76 ko Dégradation totale de l’intégrité

des couleurs (d)

L’usage de ce type de compression, quand il n’est pas abusif, peut être utilisé pour les

photographies, mais également pour les tableaux d’arts. Il n’est toutefois pas conseillé pour la

numérisation des textes qui demandent une grande précision d’image. Une compression JPEG

à faible conservation de qualité peut sévèrement altérer la lisibilité d’un texte sur une pleine

page de livre ou de journal numérisée. La présence des artefacts se repérant rapidement,

même avec un taux de compression de perte moyen à 50%, il est vivement recommandé de ne

pas avoir recours à un format de compression destructif si l’objectif est la lecture sur

ordinateur de textes numérisés ou le recours à des logiciels disposant de reconnaissance

optique de caractères (ill.14).

Les formats de compression conservative sont nombreux, mais nous pouvons toutefois

citer quelques-uns couramment usités en évitant d’entrer dans les détails techniques :

- Le TIFF est très adapté au traitement et à l’archivage des images en haute qualité, mais très

chargé en taille de fichier, ce qui nécessite un bon espace de stockage pour une large

collection.

- Le PNG est progressivement adopté sur le web pour diffuser des images de bonne qualité et

de poids de fichier raisonnable, et peut également servir à l’archivage.

54

http://www.museodelprado.es/fr/fr/bienvenue/15-chefs-doeuvre/ (consulté le 20 mai 2009)

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42

- Le GIF permet une compression sans perte d’information, mais ne supporte qu’une palette

embarquée de 256 couleurs ou niveaux de gris, contre 16 millions en JPEG. Pour cette raison,

il n’est pas du tout adapté aux images photo-réalistes et se voit peu à peu délaissé sur internet

au profit du format PNG.

- Le PSD est un format propriétaire développé et possédé par l’entreprise Adobe Photoshop. Il

est universellement accepté par les logiciels d’infographie et est principalement employé lors

des phases de traitement des images, avant leur enregistrement dans un format d’échange

(JPEG) ou d’archivage plus adapté (PNG).

- Le format PDF permet des compressions avec ou sans perte de qualité. Il est très couramment

utilisé pour la diffusion et l’impression de document textuel ou pour des photographies en

haute définition (la résolution des fichiers PDF actuels peut atteindre des seuils de 2400dpi).

Si le couple définition/résolution avait son importance dans l’acquisition et

l’utilisation d’une image matricielle, le type de compression (ou de format d’image), est,

quant à lui, primordial dans sa conservation et sa diffusion sur les réseaux. Qu’il s’agisse d’un

format d’image conservatif ou destructif, l’algorithme de compression utilisé ne modifie

aucunement les paramètres de définition ou de résolution d’origine. Si une image numérique a

pour définition (X × Y) pixels, et une résolution de (N)dpi, alors celles-ci resteront inchangées

après compression. Les seules modifications apportées auront lieu au niveau des nuances de

teintes, informations embarquées dans le fichier image, allant d’une modification perceptuelle

indécelable à l’œil nu, à des modifications complètes de la trame bitmap (ill.15).

Bien que, parmi les différents types d’images numériques, les images matricielles

soient et restent en grande majorité les supports d’études des œuvres d’art pour les historiens

de l’art, ils existent les images vectorielles et les images de synthèse. Les premières sont d’un

intérêt usuel sensiblement limité pour l’étude et la recherche, tandis que sur le plan technique,

leur fonctionnement est à comparer avec les formats d’affichage multirésolution pour image

matricielle. Les images de synthèse en trois dimensions sont des technologies davantage

développées et utilisées dans le domaine des sciences de la nature ou encore de l’archéologie,

toutefois depuis quelques années, nous pouvons assister à un gain d’intérêt pour cette

technique dans l’étude de certains objets d’art.

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43

II - Technicité des images de synthèse

Si nous reprenons la définition de l’image de synthèse telle que nous l’avons établi

précédemment, il s’agit d’une image dont l’origine est un ensemble de calculs et dont l’outil

de production est l’ordinateur. Il n’y a donc aucun référent direct avec une image tangible,

comme cela est le cas avec les images numérisées. La nature de l’image de synthèse est donc

purement computationnelle et n’existe qu’au travers l’ordinateur qui interprète et affiche son

produit. Il est possible d’en distinguer différents types. L’image de synthèse en trois

dimensions (3D) est certainement celui dont nous entendons communément parler depuis le

milieu des années 1990 avec la production de plus en plus importante de films d’animation

3D. Une autre catégorie concerne les images en deux dimensions et englobe des productions

matricielles (bitmap) comme nous avons pu l’étudier précédemment, à l’exception faite que

ces images ne sont pas numérisées, mais créées artificiellement à partir de logiciel de

graphisme ou de dessin. Les images vectorielles sont également en deux dimensions mais

possèdent un format d’image propre qui les distingue très clairement des images matricielles.

A. Les images vectorielles et les formats multirésolutions

Les images matricielles sont des tableaux de pixels formant la trame de l’image, tandis

que les images vectorielles sont composées d’entités géométriques élémentaires telles que des

points, des segments, des lignes courbes, des polygones, et autres formes plus ou moins

complexes auxquelles peuvent être appliquées différentes transformations spatiales (rotation,

écrasement, étirement, agrandissement, etc.). Ces figures sont représentées par des formules

mathématiques et non des ensembles de points. Prenons l’exemple d’un simple cercle, ce

dernier ne sera pas déterminé par un ensemble de pixels (bitmap) formant cette figure, mais

par une formule mathématique calculée directement par l’ordinateur déterminant sa taille, sa

forme et son emplacement. Cela offre comme avantage la possibilité d’agrandir l’image à

volonté sans qu’elle subisse de déformation ou de perte de qualité (effet de pixellisation) que

nous pouvons retrouver dans le traitement d’une image matricielle classique. En partant d’une

illustration simple d’un cercle dans un cercle de définition 50 × 50 pixels, avec pour première

méthode un "dessin matriciel", et pour seconde un traçage vectoriel, nous constatons

rapidement, au fil des agrandissements, la détérioration de l’image sur le premier modèle.

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44

- Image matricielle -

50 × 50 pixels (x1) 100 × 100 pixels (x2) 200 × 200 pixels (x4)

- Image vectorielle -

50 × 50 pixels (x1) 100 × 100 pixels (x2) 200 × 200 pixels (x4)

Les formats EPS et SVG sont les plus utilisés pour le traitement des images

vectorielles, notamment dans les applications professionnelles de publication assistée par

ordinateur (PAO). Indépendamment de sa souplesse pratique, le format vectoriel produit des

fichiers de poids fixe, c'est-à-dire qu’une image de 50 × 50 pixels sera égale en poids à cette

même image agrandie en 100 × 100 pixels, 200 × 200 pixels, ou encore 10000 × 10000 pixels.

Il est possible de convertir une image matricielle, comme une photographie

numérique, en image vectorielle en passant par un logiciel spécialisé. Cette transformation,

dont le procédé se nomme « tracing », peut être réalisée à l’aide d’un outil en ligne – version

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45

d’essai de Vector Magic55

– que nous allons utiliser pour convertir deux exemples d’images

matricielles. La première illustration est une photographie de 1930-32 de l’artiste dadaïste et

surréaliste Man Ray (1890-1976), Tears, conservée au Getty Museum de Los Angeles (ill.16).

Le choix de cette photographie tient au fait, d’une part, qu’elle n’est pas en couleurs, et

d’autre part que les variations de tonalités monochromatiques ne sont pas très importantes. Le

résultat obtenu après conversion donne à voir une image sensiblement proche de l’original

puisque l’ensemble des motifs ont été correctement conservés ainsi qu’une bonne partie des

couleurs. Le rendu perceptif est néanmoins très différent. En effet, nous avons l’impression

d’observer, non pas une photographie, mais un dessin à l’aquarelle (ill.17). Pour le second

exemple, nous "vectorisons" une reproduction numérique du tableau Portrait de Félix

Fénéon, opus 217, peint vers 1890-91 par le néo-impressionniste Paul Signac (1863-1935)

(ill.18). Le choix de ce deuxième cas d’étude est à l’opposé des critères que nous avions

recherchés pour la photographie noir et blanc de Man Ray. Ici, la technique néo-

impressionniste divise les touches en de multiples et minuscules aplats colorés, créant ainsi

une juxtaposition très variée des couleurs. Les variations de couleurs et de tons en font une

image difficile à "vectoriser" sans perdre une quantité importante de détails (ill.19). Malgré

une configuration drastique du convertisseur pour conserver un maximum de couleurs et de

motifs, nous pouvons constater une perte d’information importante dans la touche picturale.

Si l’ensemble de la toile donne à présent une impression de fluidité étonnante des couleurs, le

résultat démontre que ce type de transformation ne peut pas, comme telle, servir à l’étude de

l’œuvre (ill.20).

L’image vectorielle issue d’une image numérisée est toujours une approximation qui

ne peut pas satisfaire à l’étude d’œuvres d’art. Ce type d’image est d’ailleurs principalement

utilisée pour les dessins à faible complexité chromatique, les illustrations stylisées ou encore

les logos. Un rapprochement peut toutefois être fait entre le principe des images vectorielles et

les images matricielles multirésolution comme le format « PixelLive VFZ » développé par la

société japonaise Celartem Technology. Ce type de format utilise un procédé de vectorisation

pour compresser une image bitmap, permettant ainsi de recalculer et d’afficher, par une

fonction de zoom, des versions de la même image en différentes résolutions (jusqu’à 1200%

de la définition d’origine en conservant un résultat visuel quasi-intact). Le VFZ est

particulièrement intéressant pour présenter des images d’œuvres d’art en ligne, mais

55

http://vectormagic.com/ (consulté le 19 mai 2009)

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46

également pour les agrandissements destinés à l’impression photographique en grand format.

Le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France a adopté ce format, au mois

d’octobre 200056

, pour l’archivage numérique en raison de sa haute qualité colorimétrique,

mais également pour la compacité des fichiers images compressés57

.

Le cas particulier du format VFZ utilisé pour les images matricielles, mais reposant

sur un procédé de vectorisation, souligne bien que les images numérisées des œuvres d’art ne

peuvent être correctement exploitées et étudiées par le biais des images vectorielles.

Inadaptées aux images "photoréalistes" par leur nature (assemblages d’entités géométriques et

non de pixels), elles ne peuvent pas servir de support d’étude pour le chercheur, et sont

difficilement exploitables pour l’enseignant dans un cadre pédagogique. Néanmoins, le cas

particulier de format, tel que le VFZ, permet d’obtenir des applications intéressantes et utiles

pour les images d’art, notamment lorsqu’il s’agit, sur internet, d’en offrir un aperçu

agrandissable. Nous pouvons citer l’outil Zoomify qui permet également d’obtenir un résultat

similaire à celui développé par Celartem Technology, mais qui semble s’être davantage

répandu auprès des musées américains dont le Fine Arts Museum de San Francisco et l’Art

Institue de Chicago (ill.21) qui l’utilisent pour « exposer » en ligne des images de bonne

qualité, qui pourront servir aussi bien au chercheur qu’à l’étudiant.

B. Les images de synthèse en trois dimensions

Les images de synthèses en trois dimensions sont communément appelées « images

3D » – ceci faisant référence aux trois axes (X, Y et Z) qui forment le repère orthonormé de la

géométrie dans l’espace. Dans son ouvrage La Production industrielle de l’image, le

théoricien et ingénieur en sciences techniques Michel Porchet propose cette définition : « Une

image de synthèse [en trois dimensions] est l’affichage, sur un support physique, d’un

ensemble numérisé de points lumineux (pixels) engendrés par le modèle mathématique des

objets de la scène, éclairés à l’aide d’un modèle mathématique de la lumière et observés par

l’intermédiaire du modèle mathématique de l’optique d’une caméra. C’est une simulation.»

En effet, le processus de création d’image 3D passe par deux étapes.

56

Source : http://www.celartem.com/en/celartem/histry.asp (consulté le 19 mai 2009) 57

Jean-Claude Chirollet, Numériser, reproduire, archiver les images d'art, Paris, L'Harmatttan, coll. champs

visuels, 2005, p. 235.

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47

La première correspond à la modélisation d’un objet 3D appelé "mesh"58

, qui passe

nécessairement par le recours à un logiciel spécialisé. Des surfaces et des volumes

géométriques sont tracés et "sculptés" pour obtenir une image en trois dimensions. Le résultat

de ce modelage est un ou plusieurs objets virtuels en trois dimensions (mesh) qui peuvent être

animés ou non. Durant ce stade de création, l’image est dynamique, on parle alors de "scène"

pour l’environnement qui sert de support à la fabrication de l’image, au même titre que la

feuille de papier pour un dessin, ou une toile en lin pour la peinture. La "scène" permet de

définir des caractéristiques primordiales dans la réalisation des meshs, telles que les angles de

vue ou caméra, les sources et l’importance de luminosité, la présence de texture, etc. Les

notions de définition et de résolution, comme nous l’avions vu précédemment pour les images

numérisées, ne rentrent pas encore en compte à ce stade du processus de création de l’image

3D.

La seconde étape est nommée le "rendu" (en l’anglais "rendering") et consiste à créer

une image bidimensionnelle à partir d’une scène réalisée dans un logiciel de modélisation. La

scène étant un ensemble d’objets en trois dimensions, elle contient des informations relatives

à la géométrie, la texture, l’éclairage, les caméras, etc. Ces données sont codées dans un

format et un langage propre aux logiciels qui les éditent. La phase de rendu permet de générer

des images matricielles en fonction des paramètres fixés dans une scène. Les images 2D

obtenus par ce biais sont ensuite régies par les mêmes lois que toute autre image bitmap.

Composées de pixels, elles ne sont que la capture d’objets virtuellement tridimensionnels

"mis à plat" pour former des images bidimensionnelles. Nous pouvons grossièrement

simplifier la notion de rendu, en disant qu’il permet une photographie numérique d’image 3D

préexistant dans un environnement physique virtuel.

Les images de synthèse en trois dimensions peuvent néanmoins être exploitées sous

certains formats de fichiers, tels que WRL ou X3DV, permettant ainsi de les observer aux

moyens de visionneurs 3D. Il faut pour cela enregistrer les meshs dans un langage de

description nommé VRML (abrégé de l’anglais "Virtual Reality Modeling Language"), puis

disposer d’un logiciel ou d’un plug-in dans son navigateur web qui permette de lire ce

langage, afin d’afficher les modèles 3D et pouvoir les étudier sous tous les angles possibles.

58

Le mot vient de l’anglais « polygon mesh » qui désigne l’objet tridimensionnel qui est modélisé.

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48

Il existe d’autres moyens (moteur de rendu 3D) et d’autres méthodes logicielles pour

visualiser des images de synthèse en trois dimensions, mais nous n’entrerons pas davantage

dans ces détails techniques.

Illustrer l’application des images de synthèse dans un domaine touchant l’histoire de

l’art n’est pas aisé puisque les quelques exemples de projet qui ont été menés jusque-là ont

rarement été publiés sur internet. Cependant, l’un d’entre eux a fait l’objet de diverses

publications et est particulièrement visibles sur le web, il s’agit de la reconstitution virtuelle

du Parthénon réalisée entre les années 2003 et 2004 par l’Institute for Creative Technologies

de l’University of Southern California. Le projet a consisté en une modélisation complète de

l’édifice afin de produire un court métrage. Pour cela, une équipe d’experts menée par Paul

Debevec s’est rendue sur l’acropole d’Athènes pour acquérir « tridimensionnellement » les

formes des ruines et les aspects physiques et chromatiques des matériaux au moyen

d’appareils spécialisés. L’équipe s’est également déplacée au British Museum de Londres, au

Skulpturhalle Museum de Bâle et au musée du Louvre, pour y numériser, à l’aide

d’opérations similaires, des fragments originaux ou des copies du Parthénon qui y sont

exposés (ill.22). Des échantillons de ces modélisations 3D (frises et statues) en basse

résolution sont disponibles et téléchargeables sur le site de Debevec (ill.23)59

. La finalité visée

a été de recomposer le bâtiment en rassemblant virtuellement l’intégralité de ses parties, ce

qui était logistiquement et techniquement impensable avec les originaux conservés en

différents lieux d’Europe. Contre toute attente, le résultat impressionnant offert par ces

travaux a contribué à la relance des discussions autour de l’intérêt pédagogique et scientifique

de la technologie de l’animation et de l’image de synthèse en histoire de l’art et archéologie.

La grande qualité visuelle du rendu de ces modélisations en trois dimensions a ouvert de

manière optimiste le débat sur les perspectives d’avenir des reconstitutions d’œuvres du passé.

Dans une optique différente, nous pouvons citer les travaux de l’université de Caen,

dont l’héritage du Plan de Rome60

a inspiré un vaste projet de modélisation en trois

dimensions des grands bâtiments de l’ancienne ville romaine (ill.24). Les objectifs de ces

travaux de reconstitution visent à expérimenter par le virtuel l’échelle et le rapport des

bâtiments de l’époque, ce qui parfois amène à découvrir « certaines invraisemblances qui ne

59

http://gl.ict.usc.edu/parthenongallery/ (consulté le 19 mai 2009) 60

Classé monument historique, le Plan de Rome, réalisé par Paul Bigot, est une maquette en plâtre d’environ

70m², réalisée à l’échelle 1/400, représentant les 3/5 de la ville de Rome sous Constantin, au début du IVe siècle

avant notre ère. Elle est actuellement conservée à l’université de Caen.

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sont pas frappantes à l’écrit mais visibles à l’image »61

. L’image de synthèse permet ici de

compléter la vision d’ensemble du chercheur lorsque celui-ci s’appuie sur des textes anciens.

Un grand nombre d’édifices a été reconstitué en trois dimensions par le groupe du projet, dont

images et vidéos sont disponibles en ligne sur le site de l’université de Caen dédié à ce

projet62

. Le recours à l’image de synthèse semble être davantage accepté et employé auprès

des archéologues que des historiens de l’art en général. Nous pouvons d’ailleurs lire sur la

première page d’accueil du site web Archéovision, hébergé par le CNRS et dédié à la

discipline de l’archéologie et aux reconstitutions virtuelles en trois dimensions de monuments

antiques, les propos suivants : « La visualisation en 3D de site archéologique est une nouvelle

possibilité offerte aux chercheurs pour valider et vérifier les hypothèses de restitution des

espaces antiques disparus.63

»

En distinguant les images numérisées des images de synthèse, nous voulions mettre en

avant la différence de nature qui existe entre elles. Les images de synthèse sont des images

créées ex nihilo, à même l’ordinateur, tandis que les images numérisées sont acquises par des

outils adaptés (scanner, appareil photographique numérique) qui retranscrivent en nombres

des images qui ont une pré-existence physique et tangible. Ces deux grands types n’en restent

pas moins des images numériques, puisque comme le rappellent Edmond Couchot et Norbert

Hillaire à leur sujet : « Les deux types d’images cohabitent souvent sans qu’on puisse

habituellement distinguer leurs origines64

». Bien qu’une image matricielle puisse

esthétiquement se différencier d’une image vectorielle, la progression constante des

technologies matérielles des ordinateurs et le développement du HDRI (de l’anglais "High

Dynamic Range Imaging") dans les rendus 3D photoréalistes renforcent la difficulté d’établir

une identification claire et précise quant à l’origine de l’image. Cette caractéristique propre de

l’image numérique est un point qui a été lié à divers débats mettant en cause son authenticité

face à un médium d’image plus ancien qu’est la photographie traditionnelle.

61

Philippe Fleury et Sophie Madeleine, « Problématique d’une restitution globale de la Rome antique. »,

colloque international Virtual Retrospect, Bordeaux, 16 novembre 2007. 62

http://www.unicaen.fr/services/cireve/rome/index.php (consulté le 20 mai 2009) 63

http://archeovision.cnrs.fr/ (consulté le 20 mai 2009) 64

Edmond Couchot et Norbert Hillaire, op. cit., p. 23.

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50

III - Théories et débats autour de la nature de l’image numérique

S’il est (encore) possible de distinguer une image de synthèse d’une image numérisée,

les progressions technologiques matérielles et logicielles constantes tendent à amincir

progressivement la frontière qui les sépare. L’historien de l’art est, la majeure partie du temps,

amené dans ses pratiques à recourir aux images d’art numérisées. Celles-ci sont

principalement de nature matricielle puisqu’elles proviennent, soit directement d’appareils

photographiques numériques, soit de tirages papier qui ont été par la suite numérisés. Or,

indépendamment de la technicité de l’image numérique, il découle de cette récente forme de

support des images, de nombreuses questions théoriques qui font débat entre les spécialistes.

Parmi ces débats, l’un des premiers et des plus tumultueux est celui de l’empreinte

numérique et de la notion d’"index"en photographie initialement introduite par le sémiologue

Charles S. Peirce (1839-1914) et reprise par la critique d’art Rosalind E. Krauss à la fin des

années 1970. La thèse de l’"indicialité" a contribué à remettre en cause le caractère

heuristique de la photographie numérique par rapport à la photographie argentique. Depuis les

années 1990, de nombreux théoriciens se sont penchés sur la question pour parfaire ou défaire

cette approche. L’émergence et l’utilisation du support numérique pour les images n’est

pourtant plus une constatation, mais un fait à l’aube du XXIe siècle. Les images numériques

« n’étonne[nt] maintenant plus personne »65

, elles se diffusent, voire se propagent, sur internet

pour être affichées sur des écrans toujours plus nombreux et disponibles en tous lieux. Nous

pouvons même dire que les images des œuvres d’art sont les "traces" des anciens médias

numériquement réincarnées. Ainsi, les touches des aplats de couleurs d’une toile néo-

impressionnistes deviennent des myriades colorées de pixels, tandis que les photographies aux

sels d’argent se révèlent dans un second tirage à la lueur de nos écrans. Bien que la question

de l’empreinte puisse être soulevée vis-à-vis du support numérique, il conviendra de se

pencher également sur une autre forme d’approche théorique capable de nous aider à mieux

comprendre les différences et les transformations apportées par la photographie digitale. Pour

cela, nous étudierons la structure informationnelle des images numériques, dans l’optique de

cerner davantage ce nouveau médium dont s’empare progressivement l’historien de l’art.

65

Edmond Couchot et Norbert Hillaire, op. cit., p. 22.

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51

A. De l’indicialité en photographie : prétexte pour une controverse autour du

médium numérique

En partant du concept d’indice exposé par le sémiologue Charles Sanders Peirce (1839-

1914), la critique d’art contemporain Rosalind Krauss énonce pour la première fois en 1977 la

thèse de l’indicialité photographique : « Toute photographie est le résultat d’une empreinte

physique qui a été transférée sur une surface sensible par les réflexions de la lumière. La

photographie est donc le type d’icône ou de représentation visuelle qui a avec son objet une

relation indicielle.66

» En reprenant plus en détail la conception peircienne, nous constatons

que celle-ci définit trois types de signes : l’indice, l’icône et le symbole. Le premier est « un

signe qui renvoie à l’objet qu’il dénote parce qu’il est réellement affecté par cet objet67

»,

tandis que le second correspond à « n’importe quoi […] pourvu qu’il ressemble à cette chose

et soit utilisé comme signe de cette chose68

», enfin, le dernier est « un signe qui renvoie à

l’objet qu’il dénote en vertu d’une loi […] qui détermine l’interprétation du symbole par

référence à cet objet.69

» Relevons au passage que l’approche peircienne n’a aucunement été

pensée dans le cadre des images photographiques. Malgré cela, cette base théorique a servi de

point de départ à la thèse de l’indicialité qui met en avant l’aspect référentiel de l’image

photographique.

Le régime de vérité qui appartenait aux images obtenues par le biais des appareils

photographiques argentiques ne semble pas se transmettre à celles issues des appareils

photographiques numériques. En effet, « l’indice demeurera toujours étranger au virtuel et à la

transposition graphique d’une matrice de chiffres70

», souligne le théoricien Pierre Barboza.

L’historien de la photographie André Rouillé, pour sa part, précise que « les empreintes des

choses dans la matière argentique des clichés sont pratiquement immuables71

», tandis

66

« Every photograph is the result of a physical imprint transferred by light reflections onto a sensitive surface.

The photograph is thus a type of icon, or visual likeness, which bears an indexical relationship to its object. »

Rosalind Krauss, « Notes on the Index. Seventies Art in America. Part 1 », October, n° 3, 1977, p. 75. ; trad. de

l’anglais par J.-P. Criqui, « Notes sur l’index », dans R. Krauss, L’Originalité de l’avant-garde et autres mythes

modernistes, Paris, Macula, 1993, p. 69. 67

C.S. Peirce, Écrits sur le signe, Seuil, Paris, 1978, p.140. In Pierre Barboza, Du photographique au

numérique. La parenthèse indicielle dans l'histoire des images, Paris, L'Harmatttan, coll. champs visuels, 1996,

p. 164. 68

Ibidem, p. 164-165. 69

Ibid, p. 165. 70

Ibid, p. 19. 71

André Rouillé, « Capter n’est pas fixer (sur la photo numérique) », Paris Art, éditorial du 20 novembre 2008.

[En ligne] http://www.paris-art.com/art/a_editos/d_edito/tracking_newsHebdo_edito/150/Capter-n-est-pas-fixer-

(sur-la-photo-numerique)-259.html

Page 52: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

52

qu’avec le numérique, « le rapport quasi-immuable entre l'objet et l'image disparaît72

».

Devant ces constats, il semblerait que la nature des images numériques entraîne la disparition

de l’indicialité, et par ce biais même, celle de la vérité des images en tant qu’empreinte

authentique du réel. Ceci reviendrait à dire que la photographie numérique est trompeuse et

porteuse de faux-semblant, puisqu’elle ne véhiculerait plus en elle-même, comme sa cousine

argentique, d’empreinte cristallisée du référent. Or pouvons-nous réellement continuer à

penser, à l’ère du numérique, que le concept d’indicialité soit toujours pertinent lorsque nous

parlons de photographie ? Devons-nous considérer le processus de réalisation de l’image, la

fameuse empreinte lumineuse sur une surface photosensible, comme ultime caractère de la

nature "véridique" de la photographie ? Pourquoi, dès lors que nous attribuons une relation

indicielle entre le cliché argentique et son objet, retirons-nous tout rapport d’indice à un

fichier numérique ?

L’encodage numérique propre à tout fichier informatique serait, selon la terminologie

de Peirce, d’ordre « symbolique » et évincerait tout contact indiciel entre l’objet et son image.

Bien que l’objet de la prise de vue soit bien présent au moment de l’enregistrement et que la

récupération de sa "trace" se produise via le contact des rayons lumineux sur un capteur de

manière assez analogue au dispositif argentique avec la surface photosensible (pellicule), c’est

l’étape de transcription de l’image en une série de codes numériques qui semble détruire toute

empreinte avec le réel. La remise en cause de la trace dans le médium numérique s’appuierait-

il donc sur le postulat de la « continuité de matière entre les choses et les images »73

sur lequel

la photographie argentique reposerait ? Or, cette "continuité" de la matière est une aberration

dans le cadre de la photographie. Si nous partons du principe que l’appareil traditionnel capte

une trace lumineuse d’un corps qu’il fixe sur une surface, il est possible d’en dire autant du

dispositif numérique. La lumière est récupérée par un capteur qui, au lieu de déclencher une

réaction chimique sur une surface photosensible, envoie de l’information à un processeur qui

enregistre en code binaire l’empreinte lumineuse et la stocke en mémoire. Bien que le

processus de fabrication soit technologiquement différent, cela serait se précipiter de

prétendre que, parce qu’une matrice de nombres ne ressemble ni à une photographie papier, ni

72

Rym Nassef, « Quelles images pour quelle réalité. » Entretien avec André Rouillé. [En ligne]

http://www.revoirfoto.com/p/index.php?lg=&c=7&pg=30 73

André Rouillé, La Photographie. Entre document et art contemporain, Paris, Gallimard, 2005, p. 615. In,

André Gunthert, « L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique », Giovanni

Careri, Bernhard Rüdiger (dir), Face au réel. Éthique de la forme dans l’art contemporain, Paris, Archibooks,

2008, p. 89.

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53

au sujet qu’elle représente, elle n’aurait aucune valeur indicielle. Les photographies

argentiques et numériques captent le référent, le spectrum, et inscrivent sa trace sous la forme

d’un nouveau médium qui leur est propre à chacune.

L’historien du cinéma Tom Gunning rappelle justement qu’« un indice n’a nul besoin

(et se passe le plus souvent) de ressembler à ce qu’il représente. », avant d’ajouter que « l’idée

que seul le numérique transformerait ses données en une forme intermédiaire encourage le

mythe que la photographie impliquerait un processus transparent, un transfert direct de l’objet

à l’image photographique.74

» En effet, il semblerait que l’apparition du medium numérique

ait permis un déplacement controversé de la question de l’authenticité des images

photographiques. Nous assistons, dans le débat autour de l’indicialité, à un discours opposant

une prétendue vérité fixée chimiquement sur papier à une potentielle illusion mensongère

numériquement rendue. En clair, le processus photographique traditionnel reprend sa figure

de messager du réel et de la vérité face à son évolution numérique dont la nature inconsistante

et interactive instaure le doute.

Dans un article intitulé « L’empreinte digitale », l’historien visuel André Gunthert

affirme que le « caractère [d’empreinte] ne se déduit pas d’une quelconque contiguïté spatiale

ou sémiotique. Il est établi par le protocole d’enregistrement, défini comme un stockage

d’informations dans des conditions contrôlables.75

» Soutenu par des exemples issus du

photojournalisme, André Gunthert illustre bien que le principe de manipulation par l’image et

de l’image n’a pas attendu le numérique pour exister et œuvrer à plein régime. L’historien a

d’ailleurs soutenu la même année dans un article intitulé « Histoire d’un mythe

photographique »76

que le concept et la pratique de la "retouche" en photographie

traditionnelle était répandue dès le milieu du XIXe siècle. Il reprend ainsi, en partie, la théorie

critique de Tom Gunning au sujet de l’indicialité : « Quiconque connaît les péripéties qui ont

été nécessaires pour accorder aux photographies leur statut de preuves juridiques, ou même

les examens et argumentations auxquels il faut encore les soumettre au cours des procès

actuels, sait bien que pour dire la vérité, la photographie doit s’intégrer dans un plaidoyer et

74

Tom gunning, « La retouche numérique à l’index », Études photographiques, 19, décembre 2006. [En ligne] :

http://etudesphotographiques.revues.org/index1322.html 75

André Gunthert, « L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique », Giovanni

Careri, Bernhard Rüdiger (dir), Face au réel. Éthique de la forme dans l’art contemporain, Paris, Archibooks,

2008, p. 90. 76

André Gunthert, « Histoire d’un mythe photographique », Études photographiques, 22, octobre 2008. [En

ligne] http://etudesphotographiques.revues.org/index1004.html

Page 54: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

54

s’assujettir aux règles complexes du discours, qu’il soit légal, rhétorique ou scientifique.77

»

Assurément, pour revendiquer une quelconque forme de "vérité", il est nécessaire de

s’appuyer sur des règles discursives propres au contexte auquel elle s’applique.

La relation établie entre l’indice et la photographie argentique par Rosalind Krauss en

1977, puis reprise par d’autres théoriciens à sa suite, semble ne plus être d’actualité. Pierre

Barboza résume parfaitement la situation en employant le terme de « parenthèse indicielle »

dans le sous-titre de son ouvrage Du photographique au numérique. C’est par son passage au

support numérique que la nature de la photographie a démenti toute revendication à la théorie

de l’indicialité, et non l’inverse. Si la notion d’indice issue du domaine de la sémiologie a pu

faire valoir les intérêts de Rosalind Krauss à la fin des années 1970 et contribuer à alimenter

le questionnement et le regard autour de la fascination de la photographie, la voilà devenue

obsolète à l’heure du médium digital.

Il reste un point à éclaircir concernant la nature numérique de la photographie. C’est en

examinant au plus près le médium de la photographie digitale que nous pourrons davantage

comprendre le substrat de cette transformation qui passe de l’image analogique vers l’image

numérique. Pour cela, il convient d’approfondir le sujet en mettant de côté l’étude de l’objet

même de la photographie, pour développer une analyse relative à sa structure

informationnelle. En partant d’une définition de la photographie digitale proposée par Patrick

Pecatte dans un article intitulé « Notes sur la structure informationnelle de la

photographie »78

, nous allons tenter d’analyser et d’appliquer une partie des nouvelles

caractéristiques du numérique sur ces images.

77

Tom gunning, op. cit. 78

Patrick Pecatte, « Notes sur la structure informationnelle de la photographie », Du bruit au signal (et

inversement), article de blog, publié le 5 août 2008. [En ligne]

http://blog.tuquoque.com/post/2008/08/05/Notes-sur-la-structure-informationnelle-de-la-photographie

Page 55: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

55

B. La structure informationnelle de l’image numérique

Considérons la définition suivante : « Une photographie numérique est une structure

d'informations typées dont une des composantes (l'image) peut être restituée visuellement à

l'aide d'un dispositif banalisé. L'image et une partie des autres composantes de la structure

enregistrent directement et automatiquement certains paramètres caractéristiques d'un

événement tandis que les autres composantes générées indirectement décrivent l'événement

ou l'image elle-même.79

» Dans cette approche, nous envisageons la « composante image »

comme étant une des multiples données qui forme la structure informationnelle de l’image

numérique, et non pas l’unique. Ainsi, du point de vue de la génération des données, l’image

n’est pas l’unique composante de la photographie, et cela est vrai également pour toute image

numérique hors photographie. Cela peut sembler aberrant d’aborder de cette façon un objet

dont la nature traditionnelle et originelle vise à représenter visuellement une image, et

pourtant, au travers du médium numérique, la composante graphique peut ne pas être visible

ou présente, et malgré tout contribuer à générer du sens, de l’information. L’exemple de

fonds d’archives iconographiques dont certaines images ont été perdues ou détruites, mais

dont les notices documentaires survivent indépendamment d’elles, est une illustration de la

structure informationnelle qui persiste malgré l’absence ou la perte de la composante image,

pourtant fondamentale dans l’étude d’une œuvre d’art. Quelques bases d’images en ligne

issues de collections de musées d’art contemporain, pour des raisons relatives aux droits

d’auteur, n’affichent pas les images de certaines œuvres (ou les « masquent ») à côté des

fiches descriptives censées les représenter80

. Malgré tout, la présence de documentation liée à

l’image peut permettre une première identification et approche des œuvres, au même titre que

le serait une reproduction photographique avec peu ou pas de documents la renseignant.

Un deuxième type d’informations appartenant à la structure informationnelle de

l’image numérique existe aux côtés de la composante image lors de sa création. Ces données,

désignées par l’abréviation Exif (de l’anglais « Exchangeable image file format »), sont

relatives au dispositif et aux conditions de prise de vue. Les spécificités Exif ne sont

néanmoins compatibles qu’avec des formats de fichiers images de type JPEG et TIFF, et ne

79

Ididem, p. 3 80

Ce type de cas est très présent dans les collections en ligne des FRAC, comme par exemple au FRAC du

Limousin où les œuvres de l’artiste conceptuel Bas Jan Ader (1942-1975) n’apparaissent pas autrement que sous

la mention « reproduction non autorisée », ou sur le site des Abattoirs (FRAC Midi-Pyrénées) où les œuvres du

photographe Robert Mapplethorpe (1946-1989) ou celles de Joël-Peter Witkin sont « en attente d’autorisation ».

Page 56: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

56

sont pas supportées par d’autres, tels que PNG ou GIF. Ces informations ne décrivent pas

l’image comme le ferait un cartel d’œuvre dans un musée, (auteur, titre, sujet, etc.), en

revanche elles peuvent renseigner sur certaines conditions métrologiques grâce à l’emploi de

certains appareils photographiques disposant de technologies GPS (de plus en plus répandus

depuis 2008). Pour illustrer partiellement le contenu d’un fichier Exif, appuyons-nous sur une

photographie numérique quelconque (ill.25) :

- Nom de fichier : Alpes_2008.jpg

- Taille de l’image issue de l’appareil : 5242877 bytes, soit environ 5Mo

- Définition de l’image : 2,448 × 3,264 pixels

- Constructeur et le modèle de l’appareil photographique utilisé : Olympus E-500

- Vitesse d’obturation : 1/160 sec

- Ouverture du diaphragme : f/8

- Sensibilité : 100 ISO

- Longueur de focale : 18mm

- Orientation de l’image : horizontale

- Date et heure précise (sans fuseau horaire toutefois) : 2008:08:24 15:32:45

- Type de compression de l’image : JPEG

- Etc…81

Toutes ces informations sont fabriquées in situ par l’appareil photographique, lors de la

prise de vue. Sur le plan de la structure informationnelle de la photographie numérique, la

composante image et le contenu du format Exif (dont les informations GPS des nouveaux

appareils) sont des données dites « automatiques », puisqu’elles sont produites par l’appareil

et non l’utilisateur. Il existe cependant des données indirectes, qui peuvent être générées à

posteriori de la capture de l’image. Des informations simples, telles que l’attribution d’un

nom de fichier (dans notre exemple ci-dessus : « Alpes_2008 »), ou son emplacement dans

une structure hiérarchisée de données, comme un classement ordonné de dossier sur un

ordinateur de type : C:/Images/photographies/montagnes, nous permet indirectement de

donner du sens à ce fichier-image. Tout classement répond théoriquement à une logique, et

telle une photographie traditionnelle collée dans un album, l’image numérique récupère de

l’information et du sens dès qu’elle est liée ou mise en relation avec d’autres données.

81

Cette liste est loin d’être exhaustive, mais se veut néanmoins illustrer partiellement le type de données que

peut recouvrir le format Exif.

Page 57: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

57

Comme nous l’avons mentionné précédemment, certaines collections en ligne de musées

n’affichent pas systématiquement les reproductions numériques des œuvres qu’elles

présentent, mais le simple fait de préciser le titre de l’œuvre, de l’inclure dans une catégorie

ou auprès d’un autre corpus d’images offre une première source d’information pour identifier

partiellement l’image. Par exemple, l’œuvre Dreikland de l’artiste suisse Dieter Roth (1930-

1998) présente dans la base d’image du FRAC d’Alsace n’est pas illustrée d’une

photographie, cependant la présence de cette « non-image » dans la catégorie sculpture

apporte une information importante dans l’identification "aveugle" de l’objet. Ce type

d’information n’est qu’un premier exemple de données indirectes propre à la structure

informationnelle de l’image numérique.

D’autres catégories de données générées a posteriori sont celles émanant de pratiques

professionnelles ou sociales récentes autour des images. L’une d’elles est l’utilisation de

format IPTC/IMM82

, et plus récemment encore IPTC/XMP83

, qui s’est imposé comme un

standard informatique pour le stockage de métadonnées84

propres aux images de presse, bien

que leur utilisation ne se cantonne pas à ce domaine unique. Similaire au format Exif par son

intégration au fichier-image, le standard IPTC s’en distingue par le fait que l’information

incorporée à l’image est éditée et incorporée manuellement, et non pas générée par l’appareil

photographique. Sans citer la totalité des champs descriptifs contenus dans ces métadonnées,

nous pouvons mentionner la possibilité d’inclure une légende détaillée de l’image, des mots-

clefs pour définir son contenu graphique, l’auteur de la photographie, l’agence qui en possède

les droits, des informations géographiques, etc. (ill.26).

La pratique sociale récente de la « folksonomie »85

développée sous l’impulsion du

phénomène du Web2.086

, est source de création d’informations autour des images. Le concept

du « tagging », dont découle la folksonomie, réside dans la possibilité d’inclure des mots-

clefs, nommés « tags », autour des images pour en identifier le contenu et lui donner un sens,

parfois différent de celui institué par leur auteur. L’expérience en ligne du Steve Museum a

82

International Press Telecommunications Council / Information Interchange Model 83

International Press Telecommunications Council / Extensible Metadata Platform 84

Donnée servant à définir ou décrire une autre donnée quel que soit son support. 85

Système de classification collaborative libre exercé par des internautes sur un site web, généralement construit

autour d’une base de données collaborative. 86

Désigne l’évolution et la situation actuelle d’internet, à savoir un ensemble de réseaux aux interfaces

interactives permettant aux usagers de participer directement aux contenus des pages, mais également de

communiquer entre eux sous diverses formes (blogs, wikis, réseaux sociaux, etc.).

Page 58: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

58

permis de tester la participation d’un public mixte dans la définition de contenu d’images

d’œuvres d’art en provenance de différentes collections de musées tels que le Guggenheim

Museum, le Metropolitan Museum of Art ou encore le San Francisco Museum of Modern

Art87

. Toutes sortes d’objets d’art ont été proposées aux internautes, afin qu’ils inscrivent en

ligne des mots-clefs qui leur semblaient être les plus adéquats pour décrire et retrouver ces

images. Ainsi, un tableau du peintre Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), Danse à Bougival

(1883), a été « tagué » par les internautes des mots-clefs suivants : Renoir, fête, bal populaire,

bière, célébration, discussion, couple, danseurs, danse, boisson, français, regard, chapeaux,

impressionnisme, impressionniste, lumière, mouvement, musique, jeu de lumière, extérieur,

robe rose, romance, printemps, bonnet rouge, chapeau de paille, robe blanche88

(ill.27). Les

informations apportées ici par le « tagging » permettent aux conservateurs et aux

professionnels des musées d’appréhender la manière dont le public perçoit les œuvres d’art.

Ces termes pourront être amenés par la suite à enrichir les catalogue en ligne des bases

d’images afin d’améliorer l’indexation de leur contenu. Générées par des individus, les

données sociales indirectes créent du sens et de l’information qui viennent se greffer à la

structure informationnelle de l’image numérique. Elles permettent généralement d’identifier

les images à partir de connaissances ou de points de vue extérieurs à celui de l’auteur. Elles

sont tout simplement des interprétations de l’image forgées à partir de différents regards,

tantôt issus de la culture populaire (le cas de la folksonomie), ou parfois de milieux

professionnels plus spécialisés (le domaine de la presse par exemple).

Enfin, il est possible de distinguer un dernier type d’information relatif à la structure

informationnelle de l’image numérique, soulevé par Patrick Pecatte dans son article sous la

notion de « données automatiques ou indirectes issues de computations ex situ. »89

En effet,

certaines données issues de pratiques spécialisées peuvent émerger à partir, par exemple, de la

composante image, telles que la reconnaissance automatique de formes, de scènes,

d’expressions du visage, de symboles, etc. De base, la composante image ne fait pas sens pour

l’ordinateur lorsque ce dernier la traite. Cela implique qu’un paysage de montagne sera traité

de la même façon qu’une photographie de sculpture. Mais depuis plusieurs années, certains

logiciels sont capables de générer des informations à partir de l’image et de leurs autres

87

www.steve.museum/ (consulté le 18 mai 2009) 88

Traduit de l’anglais : « Party, Renoir, bal populaire, beer, celebration, conversation, couple, dance, dancers,

dancing,, drinking, french, gaze, hats, impressionism, impressionist, light, movement, music, outdoor, pink dress,

play of light, red bonnet, romance, spring, straw hat, white dress » 89

Patrick Pecatte, op. cit., p. 4.

Page 59: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

59

données (Exif, IPTC, etc.) pour leur attribuer du sens. Une application en ligne telle que

Tineye90

permet justement de retrouver des images numériques à partir d’autres images.

L’information présente dans la composante image est traitée de telle manière qu’une

empreinte est générée à partir de l’image modèle soumise au moteur de recherche, qui tentera

de retrouver sur une partie du web, toute représentation qui lui ressemble. L’information

apportée par ce type de logiciel donne, une fois de plus, un nouveau sens à l’image.

Face à cette structure informationnelle de l’image numérique, nous constatons que

celle-ci n’existe pas uniquement par la seule composante image, et que bien d’autres données

s’articulent, se modulent et se complètent pour lui donner un sens global. Dans cette

approche, il est donc moins troublant de trouver en ligne des notices d’œuvres d’art non-

accompagnées d’illustrations, mais non moins riche en informations à leur sujet. Bien que

pour l’histoire de l’art, les notions de la structure informationnelle de l’image numérique

puissent pousser la théorie de l’image hors de ses frontières, il n’est pas inintéressant de

constater que l’image numérique, tout comme la photographie à son époque, suscite des

regards croisés qui enrichissent les débats autour de ses pratiques et usages. Pour l’historien

de l’art, le recours à la reproduction photographique n’est plus une interrogation, mais une

méthodologie appliquée depuis plus d’un siècle qui a permis de développer sa discipline dans

des conditions d’études favorables et pertinentes. À présent, l’usage d’images numériques est

un nouveau moyen d’asseoir et de favoriser ses pratiques, en contribuant grandement à

faciliter l’étude des œuvres d’art, notamment grâce à la souplesse et à l’interactivité du

support numérique, et qui plus est de nos jours avec internet. Il reste cependant à savoir si les

spécialistes préfèrent débattre de l’intérêt et du potentiel heuristique d’un tel médium, sans se

soucier directement de ce que son utilisation peut offrir, ou s’ils décident d’en expérimenter

les fonctions et les perspectives d’application, en acceptant, d’un côté les inconvénients

relatifs à sa forme, et de l’autre ses nombreux et précieux atouts.

90

http://tineye.com/ (consulté le 18 mai 2009)

Page 60: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

60

3ème

partie :

Pratiques de l’imagerie numérique en histoire

de l’art

« …in 1994 there were perhaps 20 sites offering art historical images... »

Matthew Greenhalgh (« The Classroom of the Future», Digital Art History: A Subject in Transition, 2001)

Page 61: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

61

De l’œuvre à sa reproduction photographique, l’étude de l’art et de son histoire s’est

transformée, mais également structurée par des méthodes toujours plus techniques. Le passage

au médium numérique avec le développement de l’outil informatique, et plus récemment du

web, prépare nécessairement les spécialistes à de nouvelles approches et regards sur leurs

sujets. Que l’image numérique soit une photographie numérisée ou une image de synthèse, le

dispositif dans lequel elle s’insère ne se contente pas simplement de restituer son visuel à

l’écran. Par l’interactivité et la modularité de ce nouveau médium, l’image qui s’offre au

regardeur n’est plus seulement une reproduction, mais une projection idéelle de l’œuvre d’art,

que l’on peut manipuler et manier à volonté. Si nous n’assistons qu’aux prémices de l’effet

cognitif du numérique sur les sciences humaines, et principalement dans la discipline de

l’histoire de l’art, les « symptômes » d’une nouvelle pratique se ressentent particulièrement

auprès des étudiants, mais aussi chez les spécialistes ayant de plus en plus recours aux

nouvelles technologies.

Une anecdote rapportée par Lev Manovich dans un article de 1992 intitulé

« Assembling Reality : Myths of Computer Graphics » souligne bien cette mutation de l’état

d’esprit des jeunes étudiants vis-à-vis des référents linguistiques. Prenant appui sur l’ouvrage

de l’historien de l’art Frederick Hartt (1914-1991), Art : A History of Painting, Sculpture,

Architecture des étudiants ont passé un examen dans lequel il leur était demandé de comparer

l’œuvre de Giotto (1267-1337) à celle de Cimabue (1240-1302). Tandis que l’ouvrage de

référence expliquait que Giotto avait, pour la première fois dans l’histoire de la peinture

depuis l’Antiquité, produit des « formes tridimensionnelles sur une surface plane » et

« véritablement conquis les formes solides »91

, plusieurs d’entre eux ont rédigé des

commentaires dans un langage référentiel sensiblement différent : « Giotto parvint le premier

à produire un fort effet de 3D » ou encore « Cimabue est en 2D plate, tandis que Giotto est

bien plus en 3D »92

. Lev Manovich suppose, à juste titre, que les rapprochements établis par

les étudiants trouvent leur origine dans l’image de synthèse en trois dimensions. La

comparaison des schémas visuels se fait alors par de nouveaux référents dont l’image

numérique fait pleinement partie.

91

Lev Manovich, « Assembling Reality: Myths of Computer Graphics », site de Lev Manovich, 1992, [En ligne],

http://www.manovich.net/TEXT/assembling.html : « Giotto's miracle lay in being able to produce for the first

time on a flat surface three-dimensional forms, which the French could achieve only in sculpture. […] For the

first time since antiquity a painter has truly conquered solid form (p.504). » 92

Ibidem : « "Giotto first achieves strong 3D effect"; "Cimabue is still 2D, while Giotto has much more of 3D."

»

Page 62: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

62

L’histoire de l’évolution du support d’étude de l’historien de l’art nous a permis de

comprendre comment et en quoi ses pratiques ont bâti une discipline scientifique grâce à

l’usage de la photographie, qui fait écho à présent à l’usage des reproductions numériques des

œuvres d’art. Notre deuxième partie portant sur la technicité de l’image numérique a introduit

des notions techniques pour mieux en comprendre sa nature, mais également tenter de

l’analyser pour mieux saisir ses champs d’application dans notre domaine. Dans cette

troisième partie, nous aborderons les pratiques de l’image numérique et son impact en histoire

de l’art en nous appuyant sur des exemples de cas. En premier lieu, il conviendra d’étudier la

place et l’importance accordées aux images numérisées dans les pratiques des spécialistes,

avant d’aborder dans un deuxième temps des applications concrètes et parfois expérimentales

des ressources multiples qu’offre ce nouveau médium à l’étude des œuvres d’art. Enfin dans

une dernière partie, nous questionnerons l’intérêt de la technologie HDRI pour la

photographie des objets d’art.

I - Disponibilité et accès des images numériques sur le web

Peu d’enquêtes ont été réalisées auprès des historiens de l’art pour connaître leur usage

et leur avis au sujet des images numériques. Or, ce type d’information permettrait de constater

statistiquement la part accordée à ces nouvelles ressources au sein de la discipline. L’un des

rares documents à ce sujet est le résultat d’un projet portant le nom de « Compare and

Contrast: measuring the impact of digital imaging on the discipline of art history », fruit d’une

enquête réalisée sur deux ans entre 1999 et 2000 par le professeur Christopher Bailey du

département des études critiques et historiques de l’University of Northumbria93

. Les objectifs

de cette entreprise visaient à comprendre en quoi la disponibilité croissante des images

numériques sur le web pouvait modifier les pratiques des historiens de l’art, tant au niveau de

leurs recherches que dans leur enseignement. Pour ce faire, un questionnaire fut envoyé par

courrier à 255 spécialistes anglais de la discipline, et un second fut mis en ligne pour des

participants ne résidant pas au Royaume-Uni (il s’agissait majoritairement d’historiens de l’art

établis aux États-Unis). Le sondage par lettre ne reçut que 56 réponses complètes et

93

Christopher Bailey et Margaret E. Graham, « The Corpus and the Art Historian », Thirtieth International

Congress of the History of Art. [En ligne], http://www.unites.uqam.ca/AHWA/Meetings/2000.CIHA/Bailey.html

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exploitables, soit 22% des envois initiaux, tandis que le sondage sur internet permit d’en

rassembler 65. Au sujet de cette enquête, nous ne retiendrons que les réponses à ces deux

questions :

- L’accès et le recours aux images numériques affecte-t-il vos méthodes de travail, et

dans un second temps, vos intérêts de recherche ?

- Quel domaine (parmi ceux proposés) décrit le mieux votre champ d’étude principal ?

Les chiffres issus de ces sondages ont été publiés sous la forme de tableaux que nous allons

traduire et retranscrire ci-dessous94

:

L’accès et le recours aux images

numériques affecte-t-il vos

méthodes de travail ?

Réponses par

lettre

Réponses en

ligne Total

Oui 17 (30,4%) 40 (61,5%) 57 (47,1%)

Non 31 (55,4%) 18 (27,7%) 49 (40,5%)

Incertain 5 (8,9%) 7 (10,8%) 12 (9,9%)

L’accès et le recours aux images

numériques affecte-t-il vos intérêts

de recherche ?

Réponses par

lettre

Réponses en

ligne Total

Oui 7 (12,5%) 23 (35,4%) 30 (24,8%)

Non 42 (75%) 36 (55,4%) 78 (64,5%)

Incertain 3 (5,4%) 6 (9,2%) 9 (7,4%)

Pas de réponse 1 (1,8%) 0 (0%) 1 (0,8%)

Ces deux premiers tableaux mettent en évidence le fait que les spécialistes ayant

répondu au questionnaire en ligne considèrent davantage leurs méthodes de travail comme

étant affectées par les images numériques. Cela peut s’expliquer par le fait que ce groupe

correspond davantage à un profil d’historien de l’art ayant déjà une pratique relative de l’outil

numérique et de l’internet, et que par conséquent, celle-ci influence directement leur façon de

faire au quotidien. Néanmoins, si nous nous penchons sur les réponses totales, nous pouvons

94

Les sources du sondage proviennent de « The Corpus and the Art Historian » cité précédemment.

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constater que, malgré une modification des méthodes de travail auprès des spécialistes,

l’image numérique ne semble pas nécessairement avoir un impact direct sur l’orientation de

leur recherche. Le phénomène sous-jacent à ces chiffres manifeste peut-être le fait que les

historiens de l’art se servent grandement de sources textuelles pour analyser les œuvres d’art

et que parfois, les sources visuelles ne viennent qu’en second lieu. Les images, numériques ou

non, sont alors des supports d’études non-exclusifs qui viennent s’ajouter aux livres,

manuscrits, lettres et autres témoignages historiques qui seront réunis autour du corpus

d’étude qui servira de base au chercheur. Cette réflexion autour du corpus d’étude de

l’historien de l’art est confirmée lorsque nous constatons les multiples approches analytiques

que peuvent avoir des spécialistes d’une même discipline (histoire sociale, iconographie,

analyses formelles et stylistiques des œuvres d’art, histoire culturelle, théorie artistique,

esthétique, etc.) 95

. L’histoire de l’art n’est pas une discipline qui se cristallise dans une

généralisation des méthodes d’analyses, c’est ce qui fait d’ailleurs sa richesse, mais qui prête

également à nombreuses équivoques puisque son cadre de définition n’est jamais

exclusivement établi.

Un troisième tableau concernant la période chronologique étudiée par les personnes

interrogées révèle également quelques indices symptomatiques de l’écart existant dans les

pratiques numériques entre les différents spécialistes de l’histoire de l’art :

Quel domaine décrit le mieux

votre champ d’étude principal ?

Réponses par

lettre

Réponses en

ligne Total

Antiquité et médiéval 5 (8,9%) 17 (26,2%) 22 (18,2%)

De la Renaissance au XVIIIe s. 16 (28,6%) 10 (15,4%) 26 (21,5%)

Art moderne 30 (53,6%) 23 (35,4%) 53 (43,8%)

Architecture et design moderne 7 (12,5%) 20 (30,8%) 27 (22,3%)

Cinéma et photographie 2 (3,6%) 8 (12,3%) 10 (8,3%)

Art non-occidental 4 (7,1%) 11 (16,9%) 15 (12,4%)

Pas de réponse 3 (5,4%) 1 (1,5%) 4 (3,3%)

95

Ibidem : « Of the mainstream approaches, connoisseurship, psychoanalysis and structuralism are the least

popular, while most respondents say they use social and cultural history. Slightly more respondents to the online

survey cited formalist or iconographic techniques than was the case with the AAH survey. »

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Sans surprise, les médiévistes et les historiens de l’art antique, ainsi que de l’art "non-

occidental" – souvent assimilés aux archéologues, tant dans leur méthode que pour leur axe

d’étude chronologique – répondent davantage aux questionnaires en ligne que par lettre. Ce

phénomène est très souvent constaté lorsque l’on compare les pratiques numériques des

archéologues avec celles des historiens de l’art. Les médiévistes sont par ailleurs à cheval

entre l’historien et l’archéologue, et sont bien souvent parvenus à des compromis entre les

deux disciplines, les encourageant également à développer des compétences en relation avec

l’informatique96

. Ce genre de remarque peut également être soutenu, en France, par la faible

implication des historiens de l’art dans la publication libre sur internet d’articles ou de travaux

scientifiques. À l’heure actuelle, sur le site des archives ouvertes des hyper articles en ligne

(HAL97

) hébergés par le Centre pour la Communication Scientifique Directe du CNRS, nous

pouvons recenser les chiffres suivants :

Domaines

Nombre de documents

recensés

au 4 mai 2009

Nombre de documents

recensés

au 13 août 200898

Archéologie et Préhistoire 693 511

Architecture, aménagement de

l'espace 509 -

Art et histoire de l'art 186 189

Héritage culturel et muséologie 114 -

Si nous comparons l’évolution des domaines « Archéologie et Préhistoire » et « Art et

histoire de l'art » en une année, nous pouvons constater que l’implication sur le "web

institutionnel" des historiens de l’art n’a pas vraiment évolué par rapport à leurs confrères

archéologues. Ce constat est indirectement lié à la pratique de l’image numérique en histoire

de l’art, mais il rejoint un mouvement d’ensemble qui s’associe aux nouvelles pratiques de

l’historien de l’art. Si nous pouvons signaler la faible publication en ligne des travaux de

spécialistes dans la discipline, nous pouvons penser que l’implication des étudiants et

enseignants-chercheurs augmente en parallèle, avec l’accroissement du nombre de bases

96

La revue française de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT) intitulée Le Médiéviste et

l’ordinateur fondée en 1979, et uniquement électronique depuis 2004 (http://lemo.irht.cnrs.fr/), est un bon

exemple de cet intérêt pour le numérique depuis l’apparition et l’usage des premiers ordinateurs personnels. 97

Centre pour la Communication Scientifique Directe. Site des HAL. http://hal.archives-ouvertes.fr/ 98

Simon Bachelier, « Une Typologie des outils numériques en histoire de l’art sur internet », mémoire de Master

1 sous la direction de Corinne Welger-Barboza, 2008, p. 75. [En ligne],

http://www.scribd.com/doc/14545201/Typologie-des-outils-numeriques-en-histoire-de-lart-Simon-Bachelier

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d’images sur le web qui facilite l’accès et favorise le recours aux reproductions numériques

pour la recherche et l’enseignement de l’histoire de l’art. Cela sans oublier, bien entendu, un

pré-requis essentiel qui se joue au niveau local des universités, à savoir la mise à la

disposition des enseignants et étudiants de matériels numériques capables d’exploiter ces

nouvelles ressources (ex : rétroprojecteur numérique, ordinateur portable, etc.). À Paris, la

fondation en 2001 de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) est un parfait exemple de

mise à disposition de matériel informatique pour la tenue des cours, séminaires et autres

journées d’études caractéristiques de l’université. En se voyant imposer la présence de

rétroprojecteurs numériques dans chaque salle de l’institut, les enseignants se sont vus obligés

de passer d’un usage courant de la diapositive traditionnelle à une mise en pratique des

images numériques. Perçu de primes abords comme une contrainte (besoin de numériser

d’anciennes images, en rechercher de nouvelles, etc.), ce passage à l’image numérique à

pousser plusieurs enseignants-chercheurs à revoir l’intégralité de leur corpus iconographiques

pour l’adapter à ce nouveau support. Après quelques années de pratique, le recours à

l’imagerie numérique (images et vidéos comprises) a été adopté par la plupart des enseignants

qui y ont trouvé à l’usage une certaine commodité.

Si cette enquête menée en 1999-2000 permettait de faire un premier point sur les

usages et l’impact de l’image numérique sur les historiens de l’art, il n’en serait que plus

intéressant, et peut être même plus pertinent, de réitérer l’expérience aujourd’hui, soit près de

dix ans plus tard, avec le développement de l’accès internet haut-débit et l’apparition de bases

d’images en ligne toujours plus riches et nombreuses. Bien que les images numériques n’aient

pas attendus le développement du web 2.0 pour être employées, ce dernier a permis

d’accroitre sensiblement leur disponibilité et leur circulation au travers le réseau mondial. À

l’époque où le sondage de Christopher Bailey a été réalisé, peu de bases d’images était

vraiment disponible en ligne. L’un des précurseurs dans ce domaine fut Nicolas Pioch, à

l’époque jeune diplômé de l’École Polytechnique, qui dès 1994, a entrepris la création du

Weblouvre, qui continuera par la suite sous le nom de Webmuseum99

. Hybride entre une petite

encyclopédie de l’art et une base d’images, le site proposait déjà à l’époque quelques images

pouvant atteindre une définition supérieure à 800 pixels de large, ce qui était très ambitieux

puisque le haut débit n’existait pas encore et que la plupart des écrans étaient configurés dans

une résolution de 640 × 480, ou au mieux 800 × 600.

99

http://www.ibiblio.org/wm/ (consulté le 20 mai 2009)

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Toujours en France, l’exemple de la base Joconde100

créée par le Ministère de la

Culture en 1975 et mise en ligne à partir de 1995 ne permet pas à sa création d’accéder aux

images, mais en ajoutera progressivement au fil des années. À l’étranger, nous pouvons citer

l’initiative de l’historien de l’art Michael Greenhalgh de l’Australian National University qui

a fondé en 1994 la base Artserv101

. Toujours d’actualité, le site proposait à sa création

plusieurs milliers de photographies numérisées, et en recense aujourd’hui plus de 450000

(représentant un stockage de presque 550Go d’après l’auteur). La forme adoptée par cette

base est un classement réparti en différentes catégories (pays, objets, artiste, médium, etc.),

dont l’organisation n’a pas été systématiquement respectée. L’absence de légende ou

d’information concernant les images souligne le fait que la base s’adresse à un public

spécialiste et averti, généralement des professeurs ou étudiants désireux d’illustrer leurs cours

ou travaux. La majorité des clichés ont été faits par le professeur Greenhalgh lors de ses

études de terrain ou tout simplement, lors de voyages. Un autre exemple visant les mêmes

objectifs est le site du professeur d’anglais et d’histoire de l’art Mary Ann Sullivan du Bluffon

College aux États-Unis : Digital Imaging Project102

. En ligne depuis 1997, le site héberge

environ 16000 images provenant de photographies personnelles réalisées in situ par l’auteur.

À l’origine, les images hébergées par ces sites étaient systématiquement numérisées au moyen

de scanner, mais progressivement, l’usage d’appareils photographiques numériques a permis

de faciliter l’alimentation de ces fonds en supprimant cette tâche laborieuse et souvent trop

gourmande en temps.

Comme le relève Corinne Welger-Barboza dans son ouvrage Le Patrimoine à l’ère du

document numérique, ces initiatives furent « parmi les premières, avant que les institutions

muséales se résolvent à ouvrir des sites sur l’Internet »103

. En effet, bien que souvent

soutenues à l’étranger par les universités, ces réalisations individuelles furent les premières à

permettre sur le web dans les années 1990, un accès alternatif, libre et gratuit aux images

numériques à des fins de recherche et d’enseignement en histoire de l’art. Il faudra attendre

les premières années de la décennie suivante, pour que des musées d’art mettent en ligne à

leur tour des bases d’image issues de leur catalogue et/ou collection. Nous retrouvons

100

http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde (consulté le 16 mai 2009) 101

http://rubens.anu.edu.au/ (consulté le 16 mai 2009) 102

http://www.bluffton.edu/~sullivanm/ (consulté le 16 mai 2009) 103

Corinne Welger-Barboza, Le Patrimoine à l’ère du document numérique. Du musée virtuel au musée

médiathèque, Paris, L’Harmattan, coll. Patrimoines et sociétés, 2001, p.99.

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généralement sous le nom de « collection en ligne » des images d’œuvres d’art classées selon

les départements couverts par les musées ou parfois selon la disposition de leurs salles

d’expositions. L’apparition de ces « catalogues numériques » a engendré des contenus et des

modes d’accès à l’image très hétérogènes d’une institution muséale à l’autre. Tandis que

certains sites de musées ne laissent pas la possibilité de télécharger librement les images de

leur collection en ligne (ill.28), d’autres proposent à l’inverse de fournir différentes vues d’un

même objet (ill.29), des outils de visualisation tels que des zooms (ill.30) et bien d’autres

fonctionnalités pouvant servir à une meilleure analyse de l’œuvre d’art et favoriser sa

spatialisation (notamment pour les sculptures). Le manque de modèle de ces collections en

ligne découle d’une absence de directions proprement établies par les acteurs des musées vis-

à-vis de la destination et des usages de leur base d’images. Si dans la majeure partie des cas il

s’agit prétendument de satisfaire une demande venant du « public », les historiens de l’art

s’approprient, quand ils le peuvent, ces nouvelles ressources offertes par les musées en ligne.

Bien que les images proposées par les sites de musées ne soient pas toujours de bonne

qualité, un tournant semble toutefois s’être opéré quelques années après le développement de

plateforme web2.0 tels que les réseaux sociaux (Facebook, Myspace, réseaux Ning, etc.) et

autres sites de partage (Flickr, Youtube, etc.). Devant une offre toujours plus grande de

photographies numériques mises en ligne librement et gratuitement par des particuliers sur

des sites de partage d’images, les sites précurseurs que nous avons présentés plus haut, ainsi

que les collections de musées en ligne se voient en quelque sorte concurrencées ou, de

manière moins frontale, complétées. Nous entendons par ces termes le fait que la disponibilité

des reproductions numériques des œuvres d’art se fait de plus en plus l’objet de production du

particulier qui, équipé d’appareils numériques toujours plus performants à un moindre coût,

diffuse à son tour très facilement, par le biais de plateformes comme Flickr, des ressources

visuelles qui s’avèrent être de même qualité, voire parfois supérieure, à celles proposées par

les bases d’images des musées en ligne. Pour une photographie d’un objet d’art donné

disponible sur le site d’un musée, il est possible d’en trouver sur le web des dizaines d’autres

proposant des définitions d’images, des points de vue et des éclairages sensiblement

différents. Nous pouvons supposer que devant une telle « offre » de l’image – qui rappelons-

le, s’avère parfois être de meilleure qualité ou intérêt que celle proposée par les bases

muséales en ligne –, les musées en ligne ont décidé d’adopter différents comportements vis-à-

vis de leur collection. Certains proposent une documentation riche autour des images, d’autres

permettent d’étudier les œuvres d’art au moyen d’images en très haute définition par

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l’intermédiaire d’outils de zoom (mais dans bien souvent des cas, elles ne sont alors pas

téléchargeables), quelques-uns d’entre eux tentent également d’investir certaines plateformes

du web2.0 tels que Flickr pour y déposer leurs images ou récupérer celles des internautes dont

les clichés sont manifestement de bonne qualité. C’est ce qu’a expérimenté avec succès le

Brooklyn Museum au début de l’année 2006 en fondant une communauté sur Flickr104

visant

à rassembler les meilleures photographies de ses visiteurs portant sur le musée et ses œuvres.

La page d’accueil du groupe Flickr rappelle l’état d’esprit dans lequel l’institution s’introduit :

« La mission du musée de Brooklyn est d’agir comme une passerelle entre le riche patrimoine

artistique des cultures du monde, comme ses collections le reflètent, et l’unique expérience de

chaque visiteur.105

» Alors que cette institution faisait figure isolée d’avant-garde dans le

domaine de l’investissement du web2.0 par les musées, plusieurs autres commencent à suivre

son exemple tant sur Flickr que sur Youtube, ou encore Facebook.

En matière d’images disponibles sur internet, nous pouvons donc avancer l’hypothèse

que le développement du web2.0 et de sa philosophie de l’utilisateur/producteur de contenu a

poussé les musées à reconsidérer la fonction de leur collection en ligne, notamment au sujet

de la place de l’image numérique. Il est probable que les institutions muséales envisagent à

l’avenir, de fournir des images de grande qualité, ainsi qu’une gamme de services dédiés à

leur étude (outils de visualisation), au fur et à mesure des moyens dont elles disposeront pour

numériser en très haute définition chaque objet de leurs collections, et ce dans l’optique de

conserver leur rôle de premier référent en matière de culture autour des œuvres d’art qu’elles

conservent et exposent au public. L’autre comportement envisageable des musées à l’égard de

cette évolution de l’internet et des nouveaux partages de l’image (citons également les récents

Commons sur Flickr qui rassemblent pour l’heure 27 établissements publics106

dont une partie

des fonds photographiques a été mise en ligne sans contrainte juridique pour l’enseignement

et la recherche) serait de les voir abandonner la primauté des reproductions de référence des

œuvres d’art qu’ils semblaient vouloir conserver en investissant le web, et se concentrer sur

de nouvelles formes de productions culturelles autour de leurs fonds et des évènements

culturels qu’ils organisent.

104

http://www.flickr.com/groups/brooklynmuseum (consulté le 20 mai 2009) 105

Ibidem, texte de la page d’accueil : « The mission of the Brooklyn Museum is to act as a bridge between the

rich artistic heritage of world cultures, as embodied in its collections, and the unique experience of each visitor. » 106

Citons parmi ces 27 établissements publics : The Library of Congress, Powerhouse Museum Collection,

Brooklyn Museum, Smithsonian Institution, Bibliothèque de Toulouse, Georges Eastman House, Getty Research

Institute, National Galleries of Scotland, etc. (http://www.flickr.com/commons consulté le 22 mai 2009).

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Quoiqu’il advienne, l’historien de l’art dispose, au fil du temps, d’un nombre toujours

plus important de ressources documentaires et visuelles de qualité mises à sa disposition en

ligne pour l’étude, l’enseignement et la recherche. L’appropriation des images numériques par

le spécialiste procède néanmoins « d’une capacité de repérage » sur le web, mais également

d’une certaine « compétence d’évaluation de leur qualité (qualité de l’image mais aussi

fiabilité de l’information qui la documente) »107

, pour reprendre les termes de Corinne

Welger-Barboza. Sans ces quelques notions de bases, le spécialiste risque ne pas arriver à

trouver les bonnes ressources pour ses travaux et abandonner un terrain d’une richesse sans

limite, dont la fertilité des productions scientifiques s’accroit d’année en année.

II - L’image numérique comme outil : terrain d’expérimentations

et d’investigations

Bien qu’elle soit qualifiée de ressources (visuelles) pour l’historien de l’art, l’image

numérique est avant tout un outil d’étude à privilégier pour sa nature interactive. Véritable

terrain d’expérimentations et d’investigations, l’image numérisée ou de synthèse permet

d’accroître le potentiel d’exploration des objets. D’autres disciplines scientifiques ont déjà su

profiter de leurs avantages que cela soit en physique, biologie ou astronomie, ou encore sur le

plan de la pratique avec la médecine qui a de plus en plus recours à l’image de synthèse

comme support dérivé de diagnostique. L’imagerie numérique s’est progressivement

introduite dans divers champs d’application spécialisée, et même si son entrée dans la

discipline de l’histoire de l’art a pris un léger retard par rapport à d’autres, il est possible de

recenser quelques cas d’études intéressants où l’exploitation de l’image numérique dépasse le

cadre du simple référent documentaire comme l’était une photographie traditionnelle.

Le premier exemple choisi est une parfaite illustration d’interdisciplinarité entre les

sciences de l’informatique, les mathématiques et l’histoire de l’art. Il s’agit d’un projet exposé

en 2002 par trois spécialistes : Antonio Criminisi du département de recherche de Microsoft,

l’historien de l’art Martin Kemp et le professeur en sciences de l’ingénierie Andrew

107

Corinne Welger-Barboza, « Vers un nouveau partage de l’image », site de l’Observatoire Critique.

http://www.observatoire-critique.org/article.php3?id_article=26

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Zisserman, tous deux de l’université d’Oxford en Grande-Bretagne108

. En utilisant différents

algorithmes de calculs, ils ont mis au point plusieurs méthodes pour analyser et estimer la

géométrie bidimensionnelle et spatiale dans la composition picturale de tableaux de la

Renaissance. Reposant sur le concept qu’une peinture, à partir du moment où elle est

composée dans le respect des règles de la perspective linéaire, puisse être traitée comme une

photographie d’un même sujet, les trois chercheurs proposent d’appliquer des algorithmes de

vision afin de :

- analyser les formes et les proportions des sujets et objets représentés

- générer de nouveaux angles de vue à l’intérieur de la composition d’un tableau

- recomposer des éléments partiellement masqués

- reconstituer des parties manquantes de motifs dans la composition

- réaliser une construction en trois dimensions de la scène peinte

Même dans les compositions artistiques les plus rigoureuses, les rapports de taille

entre les différents sujets et objets peuvent varier selon les statuts des protagonistes

représentés. Un mécène ou un commanditaire d’une œuvre d’art se voit généralement

attribuer une taille légèrement différente des autres personnages qui (hormis les figures

saintes). Bien que les règles de perspectives soient soigneusement appliquées par les grands

artistes de la Renaissance, certains manquements volontaires à la règle peuvent être observés

du point de vue de ce raisonnement (statut, rôle, valeur sacrée, etc.). L’étude du rapport de

taille des personnages dans une composition picturale peut s’avérer éclairante, tant sur le plan

de la maîtrise technique du peintre pour s’assurer de la cohérence des proportions

géométriques et spatiales, que vis-à-vis du contexte historique et social qui entoure l’œuvre

d’art en découvrant des disproportions intentionnelles de taille entre certains figurants,

découlant d’une hiérarchie des statuts.

108

Antonio Criminisi, Martin Kemp, Andrew Zisserman, « Bringing Pictorial Space to Life: Computer

Techniques for the Analysis of Paintings », Microsoft Research Cambridge, novembre 2002.

http://research.microsoft.com/pubs/67260/criminisi_chart2002.pdf

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72

Afin d’expliquer comment il est possible de calculer directement par ordinateur la

taille des personnages dans une image, nous allons reproduire, traduire et commenter les deux

schémas proposés par les auteurs109

:

Étant théoriquement dans l’impossibilité de définir la taille réelle d’une figure dans un

tableau, sauf cas particulier où l’on possèderait une échelle de référence, il n’est possible

d’établir un rapport de taille que vis-à-vis d’un élément de référence donné. Dans le précédent

schéma, si nous ne pouvons connaître la taille du personnage sans connaître la taille de la

colonne (objet référentiel), nous pouvons toujours calculer le rapport de taille entre l’objet du

premier plan et la figure du second, et établir une taille relative de l’un par rapport à l’autre.

109

Ibidem, p. 9.

Représentation schématique pour calculer, en fonction de la construction linéaire de la

perspective, la taille d’une figure par rapport à un autre élément de la scène d’un tableau.

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La droite qui rejoint la base de la colonne (point rb) avec celle de l’homme (point xb)

se prolonge jusqu’à la ligne d’horizon au point V. La droite partant du sommet de la colonne

(point rt) jusqu’au point V de la ligne d’horizon coupe l’axe (en vert sur le schéma) du point

de fuite vertical de l’homme au point i. Les deux droites (rt , V) et (rb , V) sont, dans l’image,

parallèles entre elles, et par rapport à la perspective linéaire le point i et le point rt sont à la

même hauteur dans l’espace fictif de la composition de la scène. Le rapport de taille entre le

personnage et l’objet référentiel se calcule selon cette formule :

La mise en pratique d’une telle équation a été faite sur plusieurs tableaux, dont la

Flagellation du Christ (1444-60) de Piero della Francesca (1416-1492), afin d’étudier dans le

détail la maîtrise technique attribuée à l’artiste et souvent qualifiée d’obsessionnelle.

L’algorithme décrit précédemment a été appliqué à l’œuvre, mais en l’absence d’échelle

absolue des objets et personnages, la taille des figures a été calculée en fonction de celle du

Calcul du rapport de taille de la figure humaine par rapport à un objet de référence (colonne).

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Christ qui sert ici de référent (ill.31). À première vue, sans une telle approche, il n’est pas

évident de déterminer la cohérence des rapports de tailles entre les sujets de l’arrière-plan et

ceux du premier. Néanmoins, par le biais de cette méthode assistée par ordinateur, les

résultats démontrent et affirment l’habilité et l’extrême précision de la composition pour

laquelle Piero della Francesca a été célébré au fil des siècles.

Cette même peinture présente un sol dallé à l’endroit où se trouve le Christ dont le

motif est visuellement déformé par la perspective de la composition. Les trois chercheurs se

proposent de reconstituer automatiquement le dallage à partir d’un autre algorithme de calcul,

dont nous ne présenterons pas les détails ici afin de nous focaliser essentiellement sur le

résultat d’une telle expérience. De manière à pouvoir estimer l’image obtenue par cette

méthode, Martin Kemp propose de la comparer à une reconstitution manuelle d’après l’œuvre

originale qu’il avait déjà publiée dans son ouvrage The Science of Art : Optical Themes in

Western Art from Brunelleschi to Seurat (1989). L’image obtenue par ordinateur semble

suffisamment convaincante et encourageante dans le recours à ce type d’outil, puisqu’elle

bénéficie de certains avantages, à savoir la rapidité d’exécution, le respect de la précision des

formes originales et la conservation des caractéristiques visuelles de la composition

puisqu’elles sont réutilisées par le programme pour réaliser cette transformation (ill.32). Un

second exemple est présenté de la même manière à partir d’une étude d’un détail du Retable

de Sainte Lucie (1444-1445) (ill.33) de Domenico Veneziano (1400-1461). La recomposition

par ordinateur confrontée au dessin d’étude de Martin Kemp (ill.34) montre à quel point un tel

outil peut, quand les circonstances le permettent (image numérique de qualité, détail non

obstrué par des figures de la composition, etc.), servir l’historien de l’art dans l’étude

iconographique et technique d’une peinture.

À partir d’une combinaison entre les techniques présentées précédemment et d’autres

algorithmes, il est possible de composer des objets en trois dimensions à partir de la

composition bidimensionnelle d’un tableau. Cette méthode de reconstitution peut être utilisée

comme outil pour révéler d’éventuelles imperfections dans la composition géométrique de la

scène. Elle peut également servir à vérifier des hypothèses comme celle qui a été proposée par

Kemp au sujet du motif noir et blanc du sol dans la Flagellation de Piero della Francesca qui

prétendait que celui-ci était carré. En naviguant dans la reconstitution tridimensionnelle de la

scène, on constate que la proposition de l’auteur se justifie (ill.35). Toutefois pour ce cas,

l’intérêt de la reconstruction en 3d du tableau est mince. Parmi les cas présentés dans ce

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projet, l’un d’entre eux est particulièrement intéressant dans ce qu’il révèle, après

transformation, une légère erreur de composition géométrique dans un tableau de l’artiste

hollandais Hendrick van Steenwick (1580-1649) représentant saint Jérôme. Le peintre fut l’un

des pionniers en Hollande à adopter la perspective intérieure dans ses sujets. La rigueur et la

précision de ses compositions en font donc un parfait sujet d’analyse pour expérimenter le

procédé de spatialisation mis au point par les trois chercheurs (Saint Jérôme comporte un

grand nombre de lignes de fuites et de surfaces planes qui peuvent être facilement transposées

en 3d). En observant le tableau, il est difficile de détecter des anomalies de construction tant

le travail préparatoire de Steenwick est précis. La spatialisation en trois dimensions de la

scène se fait en soustrayant les figures de Saint Jérôme et du chien, ainsi que les espaces

visibles par le couloir sur la droite et l’escalier du premier plan à gauche (ill.36). En

examinant la reconstitution de la scène, Antonio Criminisi a découvert une asymétrie au

niveau du sommet de l’arche de la fenêtre qu’il commente, à la défense du peintre hollandais,

comme n’étant pas une maladresse, mais probablement un choix d’adopter un artifice visuel

pour cette courbe difficile à réaliser selon l’angle qu’il avait choisi, plutôt que d’investir un

effort supplémentaire dans un détail qui ne devait théoriquement pas être remarqué110

(ill.37).

Malgré toute la rigueur de la composition de Steenwick, ce dernier use de trompe-l’œil avec

parcimonie, certainement dans le but de donner à voir un ensemble qui paraissait "juste",

plutôt que "réel". Le débat sur la question rejoint sans aucun doute celui évoqué vis-à-vis des

gravures de reproductions de la Renaissance, qui donnaient souvent à voir ce qui devait être

vu dans leur modèle, au détriment de la réalité physique de l’objet même.

Ce type d’expérimentation exploite la nature computationnelle de l’image numérique

afin d’en développer ses possibilités. Une fois numérisée, la photographie d’une œuvre d’art

peut être simplement consultée en tant que document, au même titre qu’une photographie

traditionnelle, ou bien être interrogée de différentes façons en utilisant sa nature interactive.

Ainsi, la spatialisation en trois dimensions d’œuvres picturales réalisée dans le projet de

Criminisi, Kemp et Zisserman interroge directement le médium bidimensionnel de la toile au

moyen d’algorithmes informatiques, pour l’étudier sous une forme virtuelle et

tridimensionnelle, qui tend à approfondir son étude scientifique. En tant qu’outil numérique,

cette approche permet de répondre à des questions relatives à la rigueur apportée à la

110

Ibid, p.22 : « This geometrical imperfection is probably due to the fact that the artist has painted a somehow

complicated curve at a grazing angle by eye and without undertaking a precise projection, which would have

promised a degree of effort disproportionate to the visual benefits »

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construction de la perspective dans une peinture telle que Saint Jérôme, ou encore de mettre

au jour des motifs géométriques et décoratifs peints dans des œuvres comme le retable de

Sainte Lucie. La possibilité de naviguer dans les œuvres reproduites peut également être, pour

les étudiants en histoire de l’art, un moyen novateur pour expérimenter autrement une

peinture et mieux comprendre les bases de la perspective linéaire dans les tableaux de la

Renaissance.

Un autre projet exploitant de nombreux atouts et potentiels de l’image numérique et

dédié spécifiquement aux étudiants en histoire de l’art est le Romanesque Churches of the

Bourbonnais, mis en ligne depuis 2003 par le "Visual Media Center for Art History,

Archeology and Historic Preservation" (VMC) de l’université de Columbia. Le fondateur du

projet, Stephen Murray, souhaite rétablir un lien et une expérience de mise en situation des

édifices étudiés pour les étudiants qui n’ont pas la possibilité d’étudier leur sujet in situ111

.

Dans le but de fournir aux étudiants un support de cours et un corpus d’étude aussi précis

qu’exhaustif, le VMC a réalisé un site entièrement dédié à l’architecture religieuse du

Bourbonnais du XIe et XII

e siècles

112. La base de données comprend actuellement 122

édifices religieux classés selon de multiples catégories : villes, formes et compositions

architecturales, nom d’églises, etc. La grande particularité de cette base est de centrer son

contenu sur l’imagerie numérique en épurant presque intégralement le contenu de textes

documentaires. Voulant mettre l’accent sur l’exploration visuelle des bâtiments et

l’immersion totale de l’étudiant dans une plongée virtuelle au cœur des édifices, l’image

numérique devient une ressource documentaire à part entière, voir quasi-exclusive.

La base de données qui constitue le fond du site est vêtue d’une interface claire et

intuitive permettant à l’utilisateur de se familiariser avec ses modes d’interrogations et de

navigations. Dès l’entrée sur le site, une carte nous situe immédiatement la position

géographique des églises (ill.38) aux côtés d’un texte d’introduction au projet. Une fois

"plongé" à l’intérieur de l’interface, il est possible d’atteindre les différents édifices en passant

le curseur de la souris sur les marqueurs symbolisant leur emplacement géographique. Ce

111

Propos de Stephen Murray rapporté par James Devitt In « Bourbon Chateau Site of Program on Art,

Architecture of Medieval France », Columbia University Record, 8 Mars 2008, p. 4.

http://www.columbia.edu/cu/record/archives/vol27/vol27_iss11/Pg4-2711.pdf

« In order to understand the great monuments of medieval Europe, you must go there. It is possible to bring

images of the monument to the classroom, but these images cannot replace the experience of visiting and

studying the buildings themselves, rooted as they still are in the landscape in which they were first built. » 112

http://www.learn.columbia.edu/bourbonnais

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dernier révèle alors une petit bulle d’informations qui décrit très succinctement l’église et

laisse apparaître dans un bandeau supérieur différentes photographies extérieures et

intérieures du bâtiment, et, dans un second bandeau inférieur, les différentes ressources

disponibles à son sujet (plan architecturaux, vue en coupe transversale, plan interactif avec

outil de mesure, reconstitution 3D, etc.) (ill.39). Un autre mode de recherche permet de

sélectionner des plans orthogonaux types pour trier les bâtiments selon la forme de leur

fondation. Un tel système d’interrogation de la base de données dépasse la conception

traditionnelle d’index et enrichit considérablement la recherche d’église au sein du corpus.

En sélectionnant d’un clic un des édifices, davantage de photographies s’affichent à

l’écran afin de le resituer dans son environnement. Un éventail d’outils est alors proposé pour

"expérimenter" virtuellement l’approche in situ, analyser avec précision l’architecture et

étudier l’aménagement intérieur de l’église. L’application Quicktime VR (Virtual Reality) est

utilisée et proposée pour observer l’intérieur de bon nombre d’églises issues dans la base.

Sous forme de panoramas, l’étudiant peut ainsi s’immerger au cœur de l’édifice en simulant la

vision qu’il en aurait s’il le visitait de l’intérieur (ill.40). Longtemps considérée comme un

gadget par les institutions muséales, cette technologie trouve ici un intérêt certain, puisqu’elle

facilite l’immersion en permettant à l’étudiant américain de Columbia de voyager fictivement

jusqu’en France pour s’imprégner pleinement de son sujet d’étude. Des reconstitutions en

perspectives axonométriques des bâtiments sont proposées afin de pouvoir visualiser l’aspect

global des architectures en dévoilant l’ensemble de leurs façades et toitures, en faisant tourner

l’image à 360° (ill.41).

Indépendamment des photographies numériques, des plans architecturaux des lieux

sont disponibles en deux versions distinctes. Pour chacune des 122 constructions recensées,

une reproduction noir et blanc des plans de l’architecte français Marcel Génermont (1891-

1983), publiés en 1938 dans son ouvrage Les Églises de France, est présente aux côtés de

plans plus récents réalisés par le VMC. La possibilité de superposer les deux versions l’une

sur l’autre permet également d’observer d’éventuelles modifications qui auraient été faites à

l’édifice au fil du siècle. Des outils de mesure ainsi que des échelles de valeurs accompagnent

chaque plan afin de permettre une évaluation minutieuse des distances et longueurs des

structures (narthex, chapiteaux, nef, chœur, etc.) (ill.42). Les informations relatives aux

dimensions du narthex, de la nef, du chœur ou encore du transept sont affichés dans un

tableau se trouvant sous le plan, dans un souci pratique afin que l’utilisateur ne soit pas perdu

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lors de l’étude du plan. Une fonction permet également d’afficher l’ensemble des chapiteaux

recensés au sein du bâtiment. Les éléments apparaissent alors sur le tracé du plan sous la

forme de petites vignettes qui s’agrandissent dans une nouvelle fenêtre au simple passage du

curseur de la souris (ill.43).

Ce corpus instrumenté, dont le cœur s’anime autour d’une parfaite exploitation de la

base de données et de l’imagerie numérique (photographie, usage de calque pour les plans,

image dynamique, reconstitution en trois dimensions, etc.), semble donc répondre aux

objectifs fixés par son fondateur. Le premier étant d’offrir un corpus d’étude instrumenté

accessible librement par internet à tous les étudiants pour faciliter l’étude, et le second de

privilégier une approche immersive qui combine les atouts des anciennes reproductions

technique (photographie, dessin, etc.) en ajoutant ceux des nouvelles technologies, et plus

particulièrement ceux de l’image numérique. L’apport de l’interactivité du numérique et

l’ouverture à internet ne cherche pas à déjouer les présences pour usurper la place du réel ou

l’étude in situ, mais bien à s’en imprégner pour offrir une autre vision et permettre une

compréhension plus vaste et plus exhaustive des objets d’art, au sens large du terme.

III – HDRI et perspectives d’applications en histoire de l’art

La technologie de l’imagerie à grande gamme dynamique, que nous abrègerons par

l’abréviation anglaise « HDRI » (High Dynamic Range Imaging), a été conçue par le

physicien-informaticien américain Gregory Ward Larson, puis développée en 1997 par

l’Institute for Creative Technologies de l’University of California mené par Paul Debevec.

Elle concerne l’ensemble des techniques visant à augmenter la dynamique des images

numériques, soit leur capacité à restituer les vraies échelles d’intensité lumineuse de

l’environnement photographié, allant des basses jusqu’au hautes lumières (ill.44). À l’heure

actuelle, les images que nous rencontrons sur le web et affichons sur nos écrans d’ordinateurs

sont encodées en 8 bits par canal RVB (abréviation du trio Rouge, Vert et Bleu), ce qui

signifie que chacun des pixels contenus dans la trame peut avoir une intensité lumineuse

variant entre 0 et 255 (soit une dynamique maximum de [255 :1])113

. Or dans la réalité,

113

Cela est le cas avec le format JPEG extrêmement répandu sur internet, que cela soit pour illustrer les sites

web ou comme ressource visuelle sur les bases d’images.

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l’étendue de cette intensité est souvent bien plus grande selon les environnements (que cela

soit un paysage de plein air au soleil, une cave souterraine éclairée à la bougie, ou autres lieux

et situations). Le HDRI permet d’augmenter la plage dynamique des photographies

numériques en augmentant considérablement le nombre de bits par pixel (allant jusqu’à 96

bits par pixel, soit 32 bit par canal), notamment par le biais de la fusion de plusieurs

photographies prises sous différentes expositions. Cette technique est facilitée par celle du

bracketing (parfois nommée en français « fourchette d’exposition ») qui consiste à réaliser

successivement plusieurs prises de vue d'un même cadre, en modifiant ses paramètres

d'exposition. La nécessité de disposer de tels échantillons multiples s’explique simplement par

le fait que les capteurs photosensibles présents dans la plupart des appareils photographiques

restent limités en gamme dynamique.

Pour réaliser une photographie à grande gamme dynamique correcte, il faut donc

disposer d’au moins trois images prises sous différentes expositions, dont l’une aura été

exposée en hautes lumières et une autre en basses lumières. Or, un fichier image HDR

(extension de type .exr ou .rgbe) n’est pas lisible par un écran standard. En effet, la plupart

des périphériques numériques courants (imprimantes, écran, carte graphique) sont en 8 bits

par canal, il est donc impossible d’imprimer ou d’afficher un tel fichier puisque sa gamme

dynamique dépasse largement celle de nos dispositifs informatiques habituels. Tant que cette

limite technologique et matérielle s’impose, il faut recourir à un artifice par le biais de

logiciels spécialisés pour convertir ces images en 16 bits par canal pour la retouche, puis 8

bits par canal pour un usage commun à l’écran ou des impressions sur papier. Pour ramener la

dynamique d’un fichier HDRI à un fichier image exploitable, il faut avoir recours à des

algorithmes baptisés tone mapper. Ces derniers permettent de manière plus ou moins

complexe selon les versions de diminuer la dynamique d’une image tout en conservant un

certain contrôle sur les transformations qui s’opèrent durant ce traitement (saturation,

luminosité, adoucissement du bruit, etc.). Nous obtenons donc par ce procédé l’illusion d’une

image HDR, puisque celle-ci sera rendue en 8 bits par canal au lieu de 32 bits par canal

initialement composés. La maîtrise de cette étape est essentielle pour obtenir un résultat

réaliste et ne pas avoir une image finale comportant des couleurs totalement artificielles, voire

des effets d’halo lumineux surréalistes, comme cela est souvent pratiqué (volontairement ou

non) par bon nombre d’amateurs de HDRI sur internet114

(ill.45).

114

Il existe néanmoins deux courants dans la production d’images HDR qui se différencie par leur approche.

L’une s’appuie sur cette technique pour produire des photographies réalistes en maitrisant les nuances de tons,

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Il existe également des techniques visant à mimer le procédé du HDRI pour obtenir

des résultats ressemblant aux images produites par cette technique. A partir d’une seule image

numérique, il est possible d’en créer différentes versions dont les contrastes auront été

modifiés au moyen d’un logiciel de retouche photographique. Ainsi, à partir d’une seule

image, plusieurs autres (2, 4 voire 8) en sont dérivées afin de créer un fichier en 32 bit par

canal, toutefois la plage dynamique de l’image finale ne sera en aucun cas accrue. Si cette

technique peut avoir un réel intérêt pour faire ressurgir des détails présents dans les fortes

zones d’ombres et les hautes lumières, le rendu, bien qu’illusoirement similaire, reste

toutefois sensiblement différent des images LDR (Low Dynamic Range) obtenu par

reconversion 8 bit à partir de véritables images HDR (ill.46). Pour ce type de méthode altérée,

nous pouvons dire qu’il s’agit d’une mise en valeur forcée qui n’est à employer que dans le

cas où il n’est pas possible de disposer d’images photographiques obtenues par bracketing.

Si, pour l’heure, le traitement HDR des images numériques ne peut être envisagé qu’à

titre d’artifice, puisque la plupart des périphériques informatiques reste à ce jour incapables de

les afficher, nous pouvons légitimement nous interroger quant à leur application dans le

champ d’étude des objets d’art. Jean-Claude Chirollet, un des rares spécialistes français à

soulever la question pour la discipline, avance que « la technologie HDR se réduit à un

instrument pédagogique de "démonstration" »115

, avant d’ajouter qu’elle peut engendrer « un

point de vue esthétique plus complexe, lié à une meilleure lisibilité des détails formels. »116

Nous pouvons ajouter que l’intérêt d’une image LDR issue d’un traitement HDR repose

grandement sur le niveau de maîtrise du tone mapping du "retoucheur" (photographe,

infographiste, chercheur, etc.) durant le traitement. Il est curieux de constater le manque

d’intérêt et de pratique en la matière dans le domaine des études des arts, où une telle

technique pourrait trouver des débouchés importants, notamment en vue de fournir des images

toujours plus précises et enrichies en détails. Malgré un développement important des

logiciels et des appareils numériques permettant de faciliter la réalisation des images HDR,

ainsi qu’un croissant intérêt porté par certaines communautés de photographes amateurs et

professionnels117

sur cette pratique depuis quelques années, rien ne semble avoir encore

tandis que l’autre cherche à créer des images à visée artistique en dénaturant totalement les rendus via une

utilisation créative des tones mappers. 115

Jean-Claude Chirollet, L'art dématérialisé. Reproduction numérique et argentique, op. cit., p. 151. 116

Ibidem, p. 152. 117

Sur le site de partage d’image Flickr, nous pouvons citer le groupe « TTHDR (True Tone High Dynamic

Range) » avec actuellement près de 13785 images publiées (http://www.flickr.com/groups/truetonehdr), ou

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atteint le domaine des historiens de l’art en la matière. Ni les musées, ni les universités, ne

semblent s’être vraiment intéressées au sujet malgré le riche potentiel du HDRI. Ce constat

peut éventuellement s’expliquer par un besoin de maîtrise important de l’imagerie numérique

qui n’est pas toujours dans les considérations premières ou les compétences requises des

acteurs institutionnels. Nous pouvons poser l’hypothèse que les pratiques de la photographie

numérique chez les historiens de l’art amèneront progressivement ces derniers à recourir à

cette technologie, ou bien peut-être faudra-t-il attendre encore plusieurs années qu’un

développement novateur et économique permettent de mettre en place des périphériques

numériques (écrans, cartes graphiques, imprimantes, etc.) capables d’afficher et de lire

intégralement l’information comprise dans les fichiers images HDR codées en 96 bit par

pixel. Quoiqu’il en soit, le spécialiste ne perdra rien à se pencher sur la question dès à présent,

afin de constater par lui-même les intérêts qu’une telle technique peut apporter à l’étude des

œuvres d’art.

encore le groupe « HDR » avec actuellement 271754 images publiées en ligne

(http://www.flickr.com/groups/hdr). (consulté le 12 mai 2009)

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CONCLUSION

« So the Commons [on Flickr] is forcing the museum to reconsider the value

of these photographic collections and the potential interest in them. This is

really exciting but also challenging — it takes a lot of courage for museums

and their staff to admit that “we don’t know much about this collection or

object”. »

Sebastian Chan ("Interview with Sebastian Chan, Manager of the Web Service Unit at

Powerhouse Museum", le 8 avril 2009, article du blog Indicommons )

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Comprendre les nouvelles pratiques de l’historien de l’art à l’ère du numérique en

réseau revient non seulement à analyser son implication historique et méthodologique dans les

outils numériques, mais également à étudier l’évolution de ses pratiques au cours du siècle

dernier qui ont permis de façonner progressivement la discipline telle qu’elle est enseignée et

menée aujourd’hui. Depuis l’apparition de la photographie ainsi que le développement de ses

dérivés, les spécialistes ont débattu sans relâche autour du rapport entre l’œuvre et son image.

La photographie est alors apparue comme étant à la fois un nouveau support d’étude,

libérateur des entraves physiques et géographiques liées aux objets d’art, mais aussi comme

un médium aliénant qui détournait l’historien de l’art de son rapport fusionnel à l’œuvre. Or,

les images n’ont pas attendu le papier albuminé pour se fixer et circuler sur des supports.

L’économie des images s’est fortement développée à la Renaissance, bien qu’elle remonte au

moins au Moyen Âge, si ce n’est des siècles plus tôt durant l’Antiquité. Néanmoins, avant

l’apparition de la photographie, aucun spécialiste ne remettait en doute l’intérêt et

l’authenticité d’une étude d’œuvre d’art basée sur des reproductions manuelles. Avant

l’apparition de la photographie, l’estampe de reproduction servait de référence objective et

contribuait à alimenter la mémoire collective. Les libres transpositions subjectives du graveur

qui démarquaient la production de celui-ci par rapport au modèle original n’auront été perçues

comme telles qu’avec le développement et l’utilisation de l’outil photographique. L’histoire

des techniques révèle bien souvent ces situations où il faut parfois que de nouvelles

technologies apparaissent pour que l’on puisse prendre conscience de certaines propriétés

d’anciennes techniques restées jusqu’alors invisibles. Ce phénomène n’est pas récent, il a

toujours opéré au fil du temps et continuera sans cesse de nous surprendre.

À l’ère du numérique en réseaux, le support d’étude de l’historien de l’art est devenu

immatériel et quasi-omniprésent grâce au web. Contribuant à offrir de nouveaux accès aux

images, certains acteurs institutionnels proposent même la possibilité d’exploiter pleinement

leur contenu afin d’en faciliter l’étude. D’autres expérimentent la nature interactive de

l’imagerie numérique dans la recherche d’informations toujours plus exhaustives pour servir

les bases savantes de la discipline. Cette transformation du support d’étude en histoire de l’art

amène avec elle un large éventail d’instruments servant le spécialiste, et ouvre également la

voie à de nouvelles sources de savoir et de compréhension en histoire de l’art. De la

reconstitution d’édifices en images de synthèse en passant par l’étude de photographie haute

définition à grande gamme dynamique, les potentiels du médium numérique sont

considérables. Tandis que certains spécialistes ont déjà ressenti une influence de ce dernier

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sur leur pratique de la discipline, d’autres, en faisant preuve d’un conservatisme prudent et

parfois suspicieux à l’égard des nouvelles technologies, tardent encore à l’adopter

véritablement. Néanmoins, certains n’hésitent pas à tenter l’expérience en renouvelant autant

que possible leur corpus personnel d’images, en se servant d’internet qui permet d’accéder

quasi-instantanément à tous types de ressources ainsi qu’à des outils permettant leur analyse.

Ceux-là même, souvent pionniers en matière d’investissements et de productions scientifiques

sur le web, indiquent de plus en plus une direction "à suivre" dans laquelle les autres

spécialistes s’avancent timidement, mais progressivement.

Le développement des ressources en ligne, et principalement des images, en

provenance de différents acteurs (institutions muséales, universitaires, professionnels, etc.)

s’ajoute d’années en années, voire de jour en jour, sur l’immense toile mondial du web. Bien

que certaines initiatives dispersées tentent de proposer des solutions pour recenser et indexer

l’ensemble de ces contenus, généralement très dissemblables, aucune solution viable à moyen

terme n’a encore été trouvée. Si les bases d’images s’additionnent sur internet, leur contenu se

multiplie sans cesse sans pour autant trouver de nouveau mode d’accès et de classement des

images. Cette question de l’indexation des ressources, et particulièrement des images, n’aura

jamais été aussi importante qu’à l’aube du XXIe siècle où, institutions muséales,

universitaires, mais également agences photographiques et autres producteurs d’images, ont

investi le web de leur fonds iconographiques. En 1999, Charles Rhyne interrogeait déjà les

acteurs de l’histoire de l’art sur ces questions essentielles en mettant en avant la nécessité de

développer, non seulement des solutions alternatives concernant l’éternel problème des droits

d’auteurs sur les images, mais également et surtout, sur le besoin impératif de développer des

solutions standards sur le stockage, la diffusion, la capture et la description des images118

. Dix

ans plus tard, en 2009, nous réaffirmons avec intérêt ces besoins en histoire de l’art, en

ajoutant néanmoins qu’il est nécessaire, voire primordial que des acteurs de la discipline

s’intéressent et s’investissent dans les questions relatives à l’imagerie numérique, et

notamment à l’indexation des images. Sans la participation active et le regard spécialisé de

118

Charles S. Rhyne, « Computer Images for Research, Teaching, and Publication in Art History and Related

Disciplines », Visual Resources, An International Journal of Documentation, vol. XIL, 1996 [En ligne] :

« Those of us in art history and related disciplines, who recognize the need for image standards far above those

acceptable in other fields, need to involve ourselves in the resolution of two key issues: the development of

international standards for the capture, storage, transmission and description of images; and the resolution of the

complex issues of copyright and fair use. »

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l’historien de l’art, comment établir une sémantique cohérente et pertinente à l’ensemble des

images des objets d’art ?

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Simon BACHELIER

[email protected]

N°étudiant : 10321810

Pratiques de l’image numérique en histoire

de l’art

Approche des mutations d’un support d’étude

- - - Annexes - - -

Mémoire de Master 2

Soutenu le 10 juin 2009

Sous la direction de Michel Poivert

et Corinne Welger-Barboza

UFR 03 - Histoire de l’Art et Archéologie

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CATALOGUE D’ILLUSTRATIONS

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ill. 1 – Comparaison d’une photographie de l’Apollon du Belvédère conservé au Vatican avec une gravure de Marc-Antoine Raimondi

In Heinrich Wölfflin, Comment photographier les sculptures : 1896, 1897, 1915, Paris, L’Harmattan, 2008, p.77

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ill.2 – Image issue de la collection en ligne du Centre G. Pompidou ne rendant pas correctement les différentes nuances chromatiques.

Ultimate Painting n°6, Ad Reinhardt (1960) – Centre G. Pompidou, Paris

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ill.3 – Comparaison de trois reproductions photographiques dont les aspects chromatiques sont tous différents.

Autoportrait, Albrecht Dürer (1498) – Musée du Prado, Madrid

Wikipedia Web Gallery of Art Site du musée du Prado

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ill.4 – Comparaison des couleurs sur un détail de La Charité d’Andrea del Sarto avant restauration (gauche) et pendant (droite).

In, Gilberte Émile-Mâle, Pour une histoire de la restauration des peintures en France, Paris, Somogy, INP 2008, p.240-241

Détail du tableau sous vernis jauni fortement et irrégulièrement Détail du tableau après allégement et en cours de réintégration

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ill.5 – Comparaison de deux images dont l’acquisition n’a pas été réalisée de la même manière (scan à gauche, photographie à droite).

Milk, Jeff Wall (1984) – FRAC Champagne-Ardenne, Reims

Site de la Tate Online Collection en ligne du FRAC Champagne-Ardenne

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ill.6 – Images en noir et blanc issues de la base Narcisse comparant la révélation de matière grâce à l’usage d’une lumière rasante.

Ecce Homo, Guido Reni (1639-40) – Musée du Louvre, Paris

Photographie en lumière directe réfléchie Photographie en lumière rasante

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ill.7 – Détail d’une image haute définition issue des « 15 chefs d’œuvres du Prado », qui donne une idée de la matérialité de l’œuvre.

Le 3 mai 1808 à Madrid, Francisco de Goya (1814) – Musée du Prado, Madrid

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ill.8 – Photographie de Daveybot publiée sur Flickr mettant en avant un rapport d’échelle entre le visiteur et l’œuvre de Newman.

Vir Heroicus Sublimis, Barnett Newman (1951) – Museum of Modern Art, New York

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ill.9 – Reproduction photographique de peinture prenant en compte le cadre de type tabernacle qui l’orne.

Portrait du doge Leonardo Loredan, Giovanni Bellini (1501-04) – National Gallery, Londres

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ill.10 – Photographies montrant l’environnement anachronique dans lequel les fresques de Botticelli sont exposées au musée du Louvre.

Vénus et les Grâces et Le Jeune Homme et les Arts, Sandro Botticelli (1483-86) – Musée du Louvre, Paris

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ill.11 – Illustration de la trame de pixels qui compose une image matricielle

Maude Adams in Joan of Arc, Alphonse Mucha (1909) – Metropolitan Museum of Art, New York

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ill.12 – Illustration de quatre résolutions différentes pour une même image de définition 220 × 220 pixels.

Ellen Terry at Age Sixteen, Julia Margaret Cameron (1864) – Getty Museum, Los Angeles

50 dpi

100 dpi

150 dpi

300 dpi

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ill.13(a) et (b) – Image compressée successivement en 4 exemplaires JPEG au taux de qualité 100% et 50%.

Chevalier à la main sur la poitrine, El Greco (1580) – Musée du Prado, Madrid

(a) - 100% de qualité (b) - 50% de qualité

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ill.13(c) et (d) – Image compressée successivement en 4 exemplaires JPEG au taux de qualité 25% et 5%.

Chevalier à la main sur la poitrine, El Greco (1580) – Musée du Prado, Madrid

(c) - 25% de qualité (d) - 5% de qualité

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ill.14 – Texte numérisé puis compressé successivement en 2 exemplaires JPEG à taux de qualité 100% et 25%.

Daniel Arasse, Le détail, Paris, Flammarion, coll. Champs arts, 1996, p.196

JPEG - 100% de qualité JPEG - 25% de qualité

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ill.15 – Comparaison d’une même image compressée au format JPEG et GIF.

Huny Dory, Glenn Brown (2005) – Collection privée

Image JPEG Image GIF

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ill.16 – Image matricielle avant vectorisation.

Tears, Man Ray (1930-32) – Getty Museum, Los Angeles

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ill.17 – Image vectorielle réalisée à partir de la précédente image matricielle.

Tears, Man Ray (1930-32) – Getty Museum, Los Angeles

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ill.18 – Image matricielle avant vectorisation.

Opus 217. Portrait de Félix Fénéon, Paul Signac (1890-91) – Metropolitan Museum of Art, New York

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ill.19 – Image vectorielle réalisée à partir de la précédente image matricielle.

Opus 217. Portrait de Félix Fénéon, Paul Signac (1890-91) – Metropolitan Museum of Art, New York

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ill.20 – Comparaison de détail entre la version matricielle et vectorielle d’une même image.

Opus 217. Portrait de Félix Fénéon, Paul Signac (1890-91) – Metropolitan Museum of Art, New York

Détail de l’image matricielle Détail de l’image vectorielle

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ill.21 – Utilisation de l’outil Zoomify sur une œuvre de la collection en ligne du Fine Arts Museums of San Francisco.

Chez La Modiste, Edouard Manet (1881) – Fine Arts Museums, San Francisco

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ill.22 – Photographie d’un des morceaux de la frise originale du Parthénon de l’acropole d’Athènes.

Scène centrale de la frise-est du Parthénon, (env. 438-432 av. JC) – British Museum, Londres

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ill.23 – Reconstitutions 3D de la frise-est du Parthénon par l’Institute for Creative Technologies de l’University of Southern California.

Scène centrale de la frise-est du Parthénon, (env. 438-432 av. J.-C.) – British Museum, Londres

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ill.24 – Reconstitution 3D du forum d’Auguste par l’université de Caen.

Temple de Mars Vitor, (env. 42-2 av. J.-C.) – Forum d’Auguste, Rome

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ill.25 – Photographie servant de modèle à l’étude des champs Exif.

Scène de paysage alpin, photographie personnelle (2008)

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ill.26 – Capture d’écran du logiciel XnView montrant les champs d’édition des données IPTC d’une photographie.

XnView (logiciel libre) : http://www.xnview.com

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ill.27 – Capture d’écran du site Steve Museum montrant un exemple de « tagging » sur une toile du peintre Renoir.

Steve Museum : http://www.steve.museum

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ill.28 – Exemple d’image numérique estampillée (à droite) par le musée d’Orsay lors du téléchargement à partir de sa collection en ligne.

Berthe Morisot au bouquet de violettes, Edouard Manet (1872) – Musée d’Orsay, Paris

Téléchargement de l’image à partir

du site web du musée d’Orsay

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ill.29 – Exemple de vues multiples proposées pour une sculpture sur la collection en ligne de la National Gallery of Art de Washington

Aquamanile en forme de cavalier, XIIIe siècle – National Gallery of Art, Washington (DC)

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ill.30 – Exemple d’un outil de visualisation (zoom) fourni par la collection en ligne du Metropolitan Museum pour étudier un objet.

Masque d’Iyoba, XVIe siècle – Metropolitan Museum, New York

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ill.31 – Calcul des rapports de taille des personnages par rapport à la figure du Christ dans la Flagellation, de Piero della Francesca

In A. Criminisi, M. Kemp, A. Zisserman, « Bringing Pictorial Space to Life: Computer Techniques for the Analysis of Paintings », Microsoft Research

Cambridge, novembre 2002, p.10

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ill.32 – Reconstitution manuelle (à gauche) et par ordinateur (à droite) du motif de pavement au pied du Christ dans le Flagellation.

In A. Criminisi, M. Kemp, A. Zisserman, « Bringing Pictorial Space to Life: Computer Techniques for the Analysis of Paintings », Microsoft Research

Cambridge, novembre 2002, p.13

Reconstitution manuelle du motif par Martin Kemp,

publiée dans The Science of Art. Yale University

Press, New Haven and London, 1989

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ill.33 – Motif du sol du Retable de Sainte Lucie avant reconstitution.

Retable de Sainte Lucie, Domenico Veneziano (1444-45) – Musée de Offices, Florence

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ill.34 – Reconstitution manuelle (à gauche) et par ordinateur (à droite) du motif du sol du Retable de Sainte Lucie.

In A. Criminisi, M. Kemp, A. Zisserman, « Bringing Pictorial Space to Life: Computer Techniques for the Analysis of Paintings », Microsoft Research

Cambridge, novembre 2002, p.14

Reconstitution manuelle du motif par Martin Kemp,

publiée dans The Science of Art. Yale University

Press, New Haven and London, 1989

Reconstitution assistée par ordinateur du motif

Reconstitution manuelle du motif par Martin Kemp

publiée dans The Science of Art. Yale Université

Press, New Haven and London, 1989

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ill.35 – Vues multiples de la reconstitution en trois dimensions des éléments de la Flagellation. (Logiciel utilisé : Corona 3D)

http://www.robots.ox.ac.uk/~vgg/projects/SingleView/example_flagellazione.html

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ill.36 – Vues multiples de la reconstitution (a, b, c, d) en trois dimensions de Saint Jérôme.

In A. Criminisi, M. Kemp, A. Zisserman, « Bringing Pictorial Space to Life: Computer Techniques for the Analysis of Paintings », Microsoft Research

Cambridge, novembre 2002, p.23

Image originale du tableau Saint Jérôme de Hendrick van Steenwick

a

b

c

d

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ill.37 – Séquence de rotation d’un détail de Saint Jérôme reconstitué, révélant l’asymétrie de l’arche de la fenêtre (la 1ère

en partant de la

gauche est issue d’un détail de l’image originale, tandis que les trois autres font partie du modèle reconstituée par ordinateur).

In A. Criminisi, M. Kemp, A. Zisserman, « Bringing Pictorial Space to Life: Computer Techniques for the Analysis of Paintings », Microsoft Research

Cambridge, novembre 2002, p.24

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ill.38 – Page d’accueil du site Romanesque Churches of the Bourbonnais du Visual Media Center (Columbia University).

Capture d’écran faite à partir du site Romanesque Churches of the Bourbonnais : www.learn.columbia.edu/bourbonnais

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ill.39 – Interface principale de navigation du corpus et d’interrogation de la base de données.

Capture d’écran faite à partir du site Romanesque Churches of the Bourbonnais : www.learn.columbia.edu/bourbonnais

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ill.40 – Vues panoramiques de l’intérieur de l’Église Notre-Dame de Huriel via l’application Quicktime VR.

Capture d’écran faite à partir du site Romanesque Churches of the Bourbonnais : www.learn.columbia.edu/bourbonnais

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ill.41 – Reconstitutions 3d en vue axonométrique de l’Église Saint-Patrocle de Colombier.

Capture d’écran faite à partir du site Romanesque Churches of the Bourbonnais : www.learn.columbia.edu/bourbonnais

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ill.42 – Plan interactif de l’Église Notre-Dame de Huriel avec utilisation des outils de mesure (en orangé sur le plan).

Capture d’écran faite à partir du site Romanesque Churches of the Bourbonnais : www.learn.columbia.edu/bourbonnais

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ill.43 – Plan interactif de l’Église Notre-Dame d’Agonges affichant les chapiteaux au simple passage du curseur de la souris.

Capture d’écran faite à partir du site Romanesque Churches of the Bourbonnais : www.learn.columbia.edu/bourbonnais

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ill.44 – Comparaison d’une photographie LDR standard (gauche) du Stanford Memorial Church avec une image traitée en HDR (droite).

In, Paul E. Debevec, Jitendra Malik « Recovering High Dynamic Range Radiance Maps from Photographs », SIGGRAPH 97, Août 1997

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ill.45 – Image traitée en HDR dont l’aspect surréel est dû à un traitement particulier des tone mapper, par SaZeOd, publiée sur Flickr.

Arc de Triomphe du Carrousel – Jardin des Tuileries, Paris

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ill.46 – Image LDR simulant par retouche logiciel le procédé de traitement HDR à partir d’un seul échantillon photographique.

Sans titre, issu du Blog Cuk.ch : http://www.cuk.ch/articles/2778

Photographie originale, non traité Photographie simulant le procédé HDR

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BIBLIOGRAPHIE

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WEBOGRAPHIE

(Dernière date de vérification des liens html : le 23 mai 2009)

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GUNTHERT, 2008. André Gunthert, « “Sans retouche” », Études photographiques, (1ère

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PECATTE, 2008. Patrick Pecatte, « Une plate-forme sociale pour la redocumentarisation d'un fonds

iconographique », Traitements et pratiques documentaires: Vers un changement de paradigme, actes

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PORCHET, 2008. Michel Porchet, « L'appareil numérique et la perspective ou le retour des espaces

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WELGER-BARBOZA, 2006. Corinne Welger-Barboza, « Vers un nouveau partage de l’image », site

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Ouvrages numérisés en ligne :

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Paris, Ve J. Renouard, 1867, 720p. (1ère

éd. : Paris, Impr. Claye, 1860). [En Ligne]

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Collectif, 2004. A Companion to Digital Humanities, Études réunies par S. Schreibman, R. Siemens et

J. Unsworth, Padstow, Blackwell Publishing, 2004, 611p.

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Pléiade, 1960, p. 1283-1287.

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Autres documents divers :

FYSH, 2009. Stephanie Fysh, « Interview: Paula Bray and Sebastian Chan, Powerhouse Museum »,

entretien publié sur le blog Indicommons, 8 avril 2009.

http://www.indicommons.org/2009/04/08/interview-paula-bray-and-sebastian-chan-powerhouse-museum/

GOETZ, 2008. « Encadrement des œuvres », Encyclopædia Universalis.

http://www.universalis-edu.com

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GRAF, 2009. Anna Graf, « Interview: Shelley Bernstein, Chief of Technology, Brooklyn Museum »,

entretien publié sur le blog Indicommons, 6 janvier 2009.

http://www.indicommons.org/2009/01/06/interview-shelley_berstein/

NASSEF, s.d. « Quelles images pour quelle réalité. » Entretien avec André Rouillé à propos de son

ouvrage La Photographie.

http://www.revoirfoto.com/p/index.php?lg=&c=7&pg=30

RHYNE, 1999. Charles S. Rhyne « Digital Images and the Technical Study of Art. A Transformation

in Research and Teaching », a paper presented in the session Technical Examination and the Practice

of Art History, Annual Meeting of the College Art Association (11th February 1999).

http://academic.reed.edu/art/faculty/rhyne/papers/digital.html

ROUILLÉ, 2008. André Rouillé, « Capter n’est pas fixer (sur la photo numérique) », Paris Art,

éditorial du 20 novembre 2008.

http://www.paris-art.com/art/a_editos/d_edito/tracking_newsHebdo_edito/150/Capter-n-est-pas-fixer-(sur-la-

photo-numerique)-259.html

STAM, 2009. Jos Stam, « Photography changes what we think “reality” looks like », site Click!

Photography Changes Everything, 2009.

http://click.si.edu/Story.aspx?story=465

Collectif, 2005. « HDRI pour les nuls », article publié sur le blog Cuk.ch, 1 novembre 2005.

http://www.cuk.ch/articles/2778

Page 148: Pratiques de l’image numérique en histoire de l’art...Si le débat autour des images numériques en sciences humaines commence à prendre de l’ampleur, encore peu d’ouvrages

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LEXIQUE

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Bitmap (ou image matricielle) : Image numérique composée d’un ensemble de pixels appelé

également trame bitmap pour désigner le tableau de point qui la compose.

Blog : Site web constitué d’articles publiés chronologiquement dont la forme la plus

généralement adoptée est celle d’un journal de bord.

Bracketing : Parfois appelé « fourchette d’exposition » en français, il s’agit d’une technique

en photographie permettant de réaliser automatiquement et successivement une série de vues

(généralement 3, 5 ou 9) sous différentes expositions.

Fichier (informatique) : Lot d'informations portant un nom souvent attribué par l’utilisateur

ou prédéfini par la machine et conservé en mémoire dans l’ordinateur.

Folksonomie : Néologisme emprunté à l’anglais réunissant les mots folk (les gens) et

taxonomy (la taxinomie). Il représente un système de classification collaborative libre exercé

par des internautes sur un site web, généralement construit sur une base de données

collaborative.

HAL (Hyper Article en Ligne) : Outil de communication scientifique directe entre

chercheurs. Un texte déposé sur HAL doit décrire un travail achevé de recherche, conforme

aux usages scientifiques dans la discipline ; le contenu doit être comparable en qualité et

précision avec les manuscrits que les chercheurs soumettent pour publication aux comités de

lecture de revues scientifiques, ouvrages collectifs, etc.

HDRI (High Dynamic Range Imaging) : L’imagerie à grande gamme dynamique concerne

l’ensemble des techniques visant à augmenter la dynamique des images numériques. En

photographie numérique cette pratique se manifeste par l’augmentation du nombre de bits par

pixel (allant jusqu’à 96 bits par pixel, soit 32 bit par canal).

Logiciel libre : Logiciel dont la licence s’acquiert librement et gratuitement sans contrepartie

aucune.

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Logiciel propriétaire : En opposition avec la notion de logiciel libre, le droit d’utilisation de

ces logiciels s’acquiert par l’achat d’une licence utilisateur, comme cela est le cas pour des

logiciels de la gamme Office de Microsoft : Word, Excel, Powerpoint, Access, etc.

Métadonnée : Donnée servant à définir ou décrire une autre donnée quel que soit son support

(papier ou électronique).

Mesh : Raccourci employé des mots anglais "polygon mesh" désignant un objet

tridimensionnel, souvent en cours de modélisation ou de traitement.

Pixel : Unité de surface des images numérisées porteur d’informations chromatiques.

Plug-in : Programme qui interagit avec un logiciel-mère, afin de lui apporter de nouvelles

fonctionnalités. Les plug-ins sont très répandus pour les navigateurs internet.

Overlays : Zone de calque utilisée pour couvrir (généralement) une image en vue de lui

ajouter un élément visuel ou textuel supplémentaire, sans pour autant altérer ou fusionner

avec son intégrité d’origine.

Rendering : Appelé « rendu » en français, il s’agit de créer une image bidimensionnelle à

partir d’objet tridimensionnel réalisé au moyen d’un logiciel de modélisation.

Tag : Issu des pratiques de la folksonomie, les tags sont un marqueur sémantique ou lexical

utilisés sur les sites de types collaboratifs ou réseaux sociaux pour baliser des données. Ils se

résument généralement aux mots-clefs.

Tone Mapping : Technique de traitement de l’image recourant à un algorithme qui permet de

transformer une gamme de couleurs d’une image en une autre. Elle est souvent employé en

HDRI pour modifier la gamme dynamique très élevée en une gamme plus restreinte afin d’en

permettre l’affichage sur un écran d’ordinateur.

URL : De l’anglais Uniform Resource Location, elle correspond à l’adresse web d’un site.

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Quicktime VR : Quicktime Virtual Reality est un format d’image permettant la création et la

visualisation de panorama à partir d’images, généralement photographiques, prises à angles

multiples.

Web 2.0 : Désigne l’évolution et la situation actuelle d’internet, à savoir un ensemble de

réseaux aux interfaces interactives permettant aux usagers de participer directement aux

contenus des pages, mais également de communiquer entre eux sous diverses formes (blogs,

wikis, réseaux sociaux, etc.).

Wiki : Système de gestion de contenu de site web, rendant l’accès aux pages libre et

modifiable par l’ensemble des internautes y ayant un accès autorisé.