Upload
others
View
6
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
21ème
Congrès Français de Mécanique Bordeaux, 26 au 30 août 2013
1
Prédiction probabiliste vs déterministe de l’éclatement des
réservoirs bobinés
J.P. Berro Ramireza, D.Halm
a, J.C.Grandidier
a
a. Institut P Prime (UPR 3346) – CNRS – ISAE-ENSMA – Université de Poitiers), BP40109, 86961
FUTUROSCOPE CHASSENEUIL CEDEX, France
Résumé :
Nous proposons dans cette contribution l’analyse d’un réservoir en composite bobiné pour le stockage de
l’hydrogène à très haute pression. Un modèle d’endommagement continu a été développé, lequel est capable
de décrire des phénomènes tels que des modes d’endommagement différents, l’apparition de déformations
résiduelles et la viscosité. Deux versions différentes de ce modèle ont été testées, une déterministe et une
autre probabiliste où la rupture des fibres a été modélisée par une loi stochastique.
Abstract :
This paper shows the analysis of a wound composite pressure vessel submitted to high pressure hydrogen. A
CDM model has been developed which describes phenomena such as different types of damage, residual
strains and viscosity. Two different versions of this model have been tested, a deterministic one and a
probabilistic one where fiber ruptures are modeled following a stochastic rupture law
Mots clefs : Endommagement, Calcul EF, Probabiliste, Structures
1 Introduction
L’effet serre et la pénurie future des combustibles fossiles sont des problèmes qui n’ont pas encore été
résolus. Une des solutions proposées, qui a atteint un degré notable de maturité, est le développement de la
filière hydrogène avec le transport comme un des vecteurs principaux. Dans ce contexte, il reste encore
quelques défis technologiques comme l’amélioration des piles à combustible et les systèmes de stockage.
C’est ce dernier point qui justifie cette étude. Depuis de nombreuses années, un grand nombre de modèles
d’endommagement ont été développés et appliqués à une grande diversité de matériaux (métalliques,
composites CFRP, CMC, béton…etc). La mécanique d’endommagement a beaucoup évolué depuis les
travaux de Kachanov [1], ultérieurement de Chaboche [2] et Krajcinovic [3], jusqu’à des modèles plus
actuels [4–8]. On présente ici un modèle qui, à la différence des modèles présentés, est conçu pour les
matériaux composites bobinés et pour le calcul de structures de forte épaisseur de composite. Pour construire
ce modèle, on s’est placé à l’échelle méso, où on considère le pli comme une entité homogène et continue.
On se base sur le modèle développé par Bargellini et al. [7], [8] pour l’étude des matériaux quasi – fragiles.
Pour construire ce modèle, on utilise la théorie des invariants tensoriels [9] qui est particulièrement adaptée à
la modélisation des milieux anisotropes. Ce modèle est capable de reproduire les différents modes
d’endommagement dans des structures plus ou moins complexes. Dans l’objectif d’améliorer encore plus les
performances du modèle, on a introduit le caractère aléatoire de la rupture des fibres ainsi que la variabilité
du taux volumique. Dans la section 2, on présente de façon succincte la construction et les éléments
principaux du modèle, puis la section 3 montre les principes du formalisme probabiliste. Pour conclure, on
compare les différences entre les versions déterministe et probabiliste en utilisant l’essai d’éclatement du
réservoir bobiné comme application pratique.
(1)
2 Modèle d’endommagement à directions fixes
Le modèle d’endommagement a été développé pour simuler la rupture des structures en composites bobinés.
Ce modèle a été identifié grâce à une campagne d’essais sur des éprouvettes parallélépipédiques (25mm x
21ème
Congrès Français de Mécanique Bordeaux, 26 au 30 août 2013
2
250mm) en composite bobiné. Ces éprouvettes sont prélevées à partir de plaques fabriquées à partir du
composite bobiné sur un mandrin. Ces plaques sont fabriquées à partir de portions coupées de tubes bobinés
mis à plat avant cuisson. Les séquences utilisées sont [08], [02,902]s, [±454]s. Des essais préalables ont
comparé les matériaux composites stratifiés classiques et ceux bobinés. Les séquences [08] et [02, 902]s, qui
ne contiennent pas de plis à ±θ, montrent un comportement identique. Par contre, dès que la séquence inclut
des plis ±θ, le comportement change complètement en montrant une résistance plus haute ainsi que une
déformation résiduelle et un endommagement plus importants (Figure 1). Cette observation montre les
besoin d’utiliser un modèle adapté au comportement particulier du composite bobiné.
FIG. 1 – a) Différence entre un stratifié et un composite bobiné. b) Systèmes d’endommagement
Les modes d’endommagement et autres phénomènes que ce modèle doit être capable de reproduire sont : la
rupture des fibres, la fissuration matricielle, un endommagement diffus (décohésion, micro fissuration
matricielle, micro et macro délaminage), la déformation résiduelle de cisaillement et la viscosité de la
matrice.
2.1 L’approche à direction fixes
Pour construire ce modèle, on est placé dans le cadre de la Mécanique de l’Endommagement Continu et on
utilise les outils de la Thermodynamique des Processus Irréversibles. L’existence de directions
d’endommagement privilégiées dans les matériaux composites (à cause de leur architecture) permet de
s’appuyer sur le concept des directions fixes de l’endommagement. On suppose que, à l’échelle du pli (méso
– échelle), tout endommagement peut être décomposé sur un ensemble de couples ( ), dont le nombre
doit être défini par la suite. Les tenseurs sont des tenseurs directionnels définis par où est
le vecteur normal à la surface de rupture. Ces directions sont choisies a priori en accord avec les directions
d’endommagement observées dans le matériau Les variables sont des scalaires qui représentent l’évolution
des différents endommagements associés à chaque système défini. En ce qui concerne la déformation
résiduelle et la viscosité, nous suivons la même démarche : des variables scalaires (déformation résiduelle,
à l’échelle du pli) et (contrainte visqueuse, à l’échelle du pli) sont associées aux tenseurs
correspondants pour construire les tenseurs macroscopiques et des déformations résiduelles et de
viscosité respectivement.
2.2 Choix des systèmes
Les systèmes choisis, en fonction des modes d’endommagement caractéristiques du matériau composite
bobiné, sont montrés sur la figure 1b. Les tenseurs directionnels associés aux différents endommagements
sont: 1) , lié à la direction des fibres et associé aux ruptures des fibres, 2) lié à la direction transverse
et associé à la fissuration matricielle, 3) lié à la direction normale au plan du pli et associée au
délaminage (Mode I, II) et 4) ⁄ lié aux directions de cisaillement (±45° par rapport à la direction i) et
associé à l’endommagement diffus (microfissuration matricielle, décohésion fibre - matrice, délaminage
mode II), à la déformation résiduelle et à la viscosité de la matrice.
nHP
n0 n90
n0-90p
n0-90n
n0
n0-HPp n0-HPn
n90
n90-HPp n90-HPn
nHP
21ème
Congrès Français de Mécanique Bordeaux, 26 au 30 août 2013
3
2.3 Potentiel thermodynamique, domaine de réversibilité et lois d’évolution
Pour construire le potentiel thermodynamique (énergie libre de déformation par unité de volume) à partir des
invariants, on s’est servi des outils de la Théorie de représentation des fonctions tensorielles [9]. Ce potentiel
est composé de trois termes différents associés à la contribution élastique, endommageable et visqueuse.
( ) ( ) ∑ ( ) ( ⁄
) (1)
où est le tenseur élastique défini par où est le tenseur de déformations résiduelles. Les
détails de la construction du potentiel peuvent être trouvés dans [12]. En accord avec la Thermodynamique
des Processus Irréversibles, les forces thermodynamiques associées aux phénomènes d’endommagement et
déformation résiduelle) sont obtenues par dérivation du potentiel (équation 2).
(2)
On utilise l’hypothèse de normalité par rapport au domaine élastique pour la construction des lois
d’évolution des variables internes. L’expression du domaine de réversibilité adopte la forme suivante
(
) , avec ( ) les fonctions seuils dont la forme définira l’évolution de la variable associée.
Ces évolutions ont été choisies de type fragile pour les endommagements des fibres et de la matrice,
progressive pour l’endommagement diffus et linéaire pour la déformation résiduelle. Pour l’évolution de la
variable visqueuse, on utilise un modèle d’écart à l’équilibre défini par une équation différentielle (équation
3) avec un temps de relaxation et un module relaxé .
( ( )( )) (3)
3 Approche probabiliste
Le modèle déterministe présenté dans la section précédente a été utilisé pour simuler l’éclatement des
réservoirs bobinés du type IV [10]. Malgré les bons résultats obtenus, on trouve une sous-estimation
systématique de la pression d’éclatement. Une possible explication à ce fait se trouve dans la nature aléatoire
des ruptures des fibres, qui n’a pas été inclue dans le modèle. Une autre source de variabilité réside dans la
répartition des fibres dans l’espace, c’est-à-dire, le caractère non homogène du taux volumique Vf. On a
intégré ces deux sources de variabilité pour reproduire la dispersion de la contrainte à rupture du composite
unidirectionnel en traction. Pour les fibres, plusieurs travaux ont montré que la probabilité à rupture p de la
fibre seule suit une loi de type Weibull [11]. Cette loi a la forme :
( )
(
)
( ⁄ ) (4)
où et m sont des paramètres identifiés à partir d’essais réalisés par Mines Paristech dans le cadre du projet
ANR Osirhys IV. Les valeurs utilisés sont : = 4465.6 et m = 6.03. La distribution du taux volumique de
fibres est identifiée via une fonctionnalité Matlab de traitement d’image. On a fait l’hypothèse que Vf est
distribué selon une loi normale. L’identification conduit à une moyenne de 53.3693% et un écarte type de
7.882%. Les courbes de probabilité cumulée identifiées et expérimentales sont présentées sur la figure 2.
21ème
Congrès Français de Mécanique Bordeaux, 26 au 30 août 2013
4
FIG. 2 – Identification de la distribution de probabilité de rupture des fibres (a) et du taux volumique de fibre.
Une fois les paramètres des deux sources de variabilité identifiés, on construit la contrainte à rupture de
l’unidirectionnel en utilisant une loi des mélanges classique (équation 5) où ( ) est la contrainte à
rupture de la fibre seule, ( ) le taux volumique de fibres local et la contrainte à rupture de
la matrice qu’on suppose être celle obtenue lors des essais de traction sur la séquence [908].
( ) ( ) ( ( )) (5)
La contrainte résultante permet de distribuer les valeurs de rupture de fibre en chaque point d’intégration au
début du calcul.
4 Simulations de l’éclatement du réservoir bobiné
La structure choisie pour comparer les capacités des deux versions du modèle d’endommagement est un
réservoir bobiné de type IV (voir figure 3). Cette structure est composée de trois parties différentes : les
embases métalliques pour la connectique, le liner polymère pour assurer l’étanchéité et la coque composite
pour assurer la résistance mécanique. Cette coque composite est composé de 24 couches circonférentielles et
hélicoïdales alternativement. On a modélisé cette structure à l’aide du plugin ABAQUS « wound
composite », lequel a été conçu spécialement pour la conception et modélisation de structures bobinées. Ce
type de processus de fabrication produit des structures avec quelques particularités. La géométrie du dôme
(extrémité courbe du réservoir) dépend de plusieurs facteurs comme l’angle de bobinage sur la partie
cylindrique et l’épaisseur du pli considéré ainsi que les types de trajectoires (circonférentiel, hélicoïdal).
L’utilisation du plugin permet de gérer d’une manière automatique l’évolution complexe de l’angle de
bobinage sur le dôme. Deux modèles éléments finis du réservoir ont été construits : un axisymétrique et un
tridimensionnel (un quart du réservoir). Ces deux modélisations donnent des résultats quasi – identiques dans
le cas de calculs linéaires (comportement seulement élastique des constituants). Par contre, dans le cas des
simulations probabilistes en présence d’endommagement, les résultats diffèrent selon le type de modélisation
envisagé. La figure 3 présente les deux types de géométrie. En ce qui concerne les conditions aux limites, le
réservoir est bloqué à une extrémité et libre à l’autre. Le seul chargement imposé est une rampe de pression
interne.
FIG. 3 – Conditions aux limites et maillage.
21ème
Congrès Français de Mécanique Bordeaux, 26 au 30 août 2013
5
Par la suite, on montre la comparaison entre des essais d’éclatement réalisés dans le cadre du projet Osirhys
IV et les simulations déterministe et probabiliste, via les courbes de déplacement axial (déplacement de
l’extrémité de l’embase) et radial (gonflement mesuré au centre du réservoir). Des cartographies de
l’endommagement dans le réservoir sont aussi montrées ainsi que les ruptures probabilistes dans le cas 3D.
1400 bar
1640 bar
Rupture
FIG 4. – Gauche, comparaison éclatement essai – modèle déterministe, cartographie de l’endommagement
matriciel. Centre, séquence des ruptures des fibres en fonction de la pression. Droite, comparaison essai –
modèle probabiliste axisymétrique et 3D et cartographie de l’endommagement hors – plan.
La figure 4 indique un très fort endommagement matriciel dans les trois premières couches hélicoïdales (les
plus orientées vers l’axe). Cette rupture matricielle apparaît vers 600 bar, où la courbe de déplacement radial
simulée s’écarte de l’expérimentale. En ce qui concerne l’endommagement hors plan, on observe deux points
où la rupture se développe, dans le changement de courbure, et dans la jonction embase – liner. Cette
dernière rupture ouvre un possible chemin de fuite dans le cas où le liner n’assure pas l’étanchéité,
phénomène qui a été observé expérimentalement. Par rapport aux courbes de déplacement, on constate la
différence de pression d’éclatement entre les simulations déterministe et probabiliste. Dans le cas
déterministe, on trouve une pression d’éclatement (point où le déplacement commence à diverger) de 1500
bar face aux 1750 – 1800 bar fournis par la simulation probabiliste. Cet écart met en évidence l’effet de la
distribution aléatoire de contrainte à rupture. En ce qui concerne le modèle déterministe, dès qu’un élément
rompe, tous ceux qui sont autour (avec une contrainte à rupture similaire) seront aussi rompus, provoquant la
rupture globale de la structure. Par contre, dans les simulations probabilistes, on aura des éléments plus
résistants proches des éléments faibles, qui vont retarder la propagation de la rupture macroscopique de la
structure. En effet, la figure 4 (centre) montre les ruptures des fibres à des instants différents de la simulation
d’éclatement. On observe que des éléments sont déjà rompus à une pression assez faible, ces éléments vont
agir comme source de rupture pour les autres éléments puisqu’ils vont créer des concentrations de contraintes.
Il faut que ces différentes ruptures coalescent pour provoquer la rupture finale. Un autre effet présent dans le
cas probabiliste est l’influence du modèle axisymétrique ou 3D. La courbe de déplacement présentée dans
la figure 4 (droite), montre que le modèle 3D diminue la vitesse de la rupture finale : quand un élément
axisymétrique rompe, c’est toute la couronne correspondant à cet élément qui rompe. Par contre, dans le 3D,
la diminution de rigidité provoquée par la perte d’un élément est beaucoup plus faible dû au caractère très
local de cette rupture.
21ème
Congrès Français de Mécanique Bordeaux, 26 au 30 août 2013
6
5 Conclusions
On a montré dans cette contribution un modèle d’endommagement continu construit pour simuler des
matériaux composites bobinés carbone/époxy. Ce modèle a été amélioré en introduisant le caractère
aléatoire de la rupture des fibres ainsi que le taux volumique variable, en ayant tous les deux une influence
sur la contrainte à rupture dans la direction des fibres. Cette contrainte est calculée à l’aide d’une loi des
mélanges classique. Ce modèle est appliqué au calcul de l’éclatement d’une structure complexe comme le
réservoir bobiné de type IV. On montre que la version déterministe sous – estime systématiquement la
pression d’éclatement (sans pouvoir attribuer cette sous – estimation à un effet de forts gradients). En
revanche, la version probabiliste donne des prédictions beaucoup plus précises. En plus, on montre la
pertinence d’utiliser des modélisations 3D dès que les propriétés deviennent aléatoires.
6 Remerciements
Ce travail est financé par l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR) à travers le projet Hydrogène et Piles
à Combustible (Projet OSIRHYS IV, N°ANR-09-HPAC-010).
Références
[1] L. Kachanov, “On the time to failure under creep conditions,” Izv AN SSSV, vol. 31, pp. 8 – 31, 1958.
[2] J. Chaboche, “Continuum Damage Mechanics, parts I and II,” Journal of Applied Mechanics, pp. 55
– 59, 55 – 65, 1989.
[3] D. Krajcinovic, “Continuum Damage Mechanics,” Applied Mechanics Revue, vol. 37, 1984.
[4] G. Lubineau and P. Ladeveze, “An enhanced mesomodel for laminates based on micromechanics,”
Composite Science and technology, vol. 62, pp. 533–541, 2002.
[5] G. Lubineau and P. Ladeveze, “On a damage mesomodel for laminates : micro – meso relationships ,
possibilities and limits,” Composite Science and technology, vol. 61, pp. 2149–2158, 2001.
[6] P. Ladevèze and G. Lubineau, “Pont entre les « micro » et « méso » mécaniques des composites
stratifiés,” Comptes Rendus Mécanique, vol. 331, no. 8, pp. 537–544, Aug. 2003.
[7] R. Bargellini, D. Halm, and A. Dragon, “Modelling of anisotropic damage by microcracks: towards a
discrete approach,” Archives of Mechanics, vol. 58, no. 2, pp. 93 – 123, 2006.
[8] R. Bargellini, D. Halm, and A. Dragon, “Modelling of quasi-brittle behaviour: a discrete approach
coupling anisotropic damage growth and frictional sliding,” European Journal of Mechanics -
A/Solids, vol. 27, no. 4, pp. 564–581, Jul. 2008.
[9] J. Boheler, “Anisotropic constitutive equations for continous media,” Journal de mécanique, vol. 17,
no. 2, pp. 153 – 190, 1978.
[10] B. Ramirez, J. Pedro, D. Grandidier, and J. Claude, “Simulation de la rupture de structures
composites par une approche à directions fixes de l ’ endommagement Fracture simulation of
composite structures by a fixed directions damage approach,” in Comptes Rendus des JNC 17 -
Poitiers, 2011, pp. 1–10.
[11] M. Vorechovsky and R. Chudoba, “Stochastic modeling of multi-filament yarns : II . Random
properties over the length and size effect,” International Journal of Solids and Structures, vol. 43, pp.
435–458, 2006.