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INONDATIONS | CAHIER SPÉCIAL C | LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 Le souvenir des inondations du printemps 2017 est encore frais dans la mémoire de plusieurs citoyens du Grand Montréal. Deux ans après ces crues historiques, des terrains encore vacants témoignent des dégâts qu’avaient entraînés ces débordements majeurs. Pour éviter que le scénario se reproduise, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) s’est retroussée les manches pour élaborer un plan d’action à jour et adapté à notre nouvelle réalité liée aux changements climatiques. Ce cahier spécial, fait en collaboration avec la CMM, fait le point sur la nouvelle réglementation sur l’aménagement résilient vulnérabilité des populations quant aux inondations. Prendre le taureau par les cornes

Prendre le taureau par les cornes - CMM · Prendre le taureau par les cornes. C 2 INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 Au printemps 2017, des crues historiques

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INONDATIONS

| CAHIER SPÉCIAL C | LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019

Le souvenir des inondations du printemps 2017 est encore frais dans

la mémoire de plusieurs citoyens du Grand Montréal. Deux ans après

ces crues historiques, des terrains encore vacants témoignent des

dégâts qu’avaient entraînés ces débordements majeurs. Pour éviter

que le scénario se reproduise, la Communauté métropolitaine de

Montréal (CMM) s’est retroussée les manches pour élaborer un plan

d’action à jour et adapté à notre nouvelle réalité liée aux changements

climatiques. Ce cahier spécial, fait en collaboration avec la CMM, fait

le point sur la nouvelle réglementation sur l’aménagement résilient

vulnérabilité des populations quant aux inondations.

Prendre le taureau par les cornes

Page 2: Prendre le taureau par les cornes - CMM · Prendre le taureau par les cornes. C 2 INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 Au printemps 2017, des crues historiques

INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019C 2

Au printemps 2017, des crues historiques ont créé des

débordements majeurs dans le Grand Montréal et ont

révélé du même coup les retards que connaissait le

Québec en matière de gestion des risques d’inonda-

tion. Pour pallier ces derniers et diminuer la vulnérabi-

lité des populations, la Communauté métropolitaine

de Montréal (CMM) s’est dotée d’un solide plan d’ac-

tion. Mais à quelles lacunes celui-ci répond-il au juste?

É M I L I E C O R R I V E A U

Collaboration spéciale

GESTION DES RISQUES

La CMM prend le taureau par les cornes

« La démarche de la CMM ap-por te une réponse à plusieurs

enjeux qui freinaient la protection duterritoire de l’archipel et la résiliencede ses communautés», exprime d’en-trée de jeu Mme Isabelle Thomas,professeure titulaire à la Faculté del’aménagement de l’Université deMontréal et spécialiste des questionsde développement durable et de vul-nérabilité urbaine.

La capacité à bien prévoir lesrisques d’inondations est l’un des en-jeux auxquels fait référence Mme Tho-mas. Celui-ci est en bonne partie lié àl’état de la cartographie des zonesinondables du territoire de la CMM.

« Les événements de 2017 ont ré-vélé que les car tes d’inondationsn’étaient pas à jour dans la plupart desrégions de la province», indique-t-elle.

Il faut savoir qu’au Québec, la car-tographie des zones inondables re-lève des municipalités régionales decomté (MRC) et des municipalitéslocales. Elle est encadrée par la Loisur l’aménagement et l’urbanisme.

Ce que cela signifie, c’est que lesétudes hydrauliques menant à la dé-termination des cotes de crues né-cessaires à la cartographie des zonesinondables sont en général réalisées

séparément pour chaque cours d’eauou section de cours d’eau.

Comme il existe diverses méthodespour établir les zones inondables etque les municipalités possèdent desmoyens et des outils variables pour yparvenir, les données avec lesquelleselles travaillent dif fèrent souventd’une ville à l’autre, même si leur ter-ritoire est contigu et même si le Qué-bec est doté depuis 2002 d’une poli-tique nationale visant la gestion inté-grée de l’eau par bassin versant.

Dans un contexte particulier commecelui de l’archipel de Montréal, dont leterritoire compte 82 municipalités quisont traversées par différents coursd’eau, ces disparités nuisent à la ges-tion des risques d’inondations.

C’est pourquoi la CMM, avec lesoutien du gouvernement du Qué-bec et la collaboration des municipa-lités de son territoire, a entreprisd’homogénéiser les outils et tech-niques utilisés pour déterminer lescotes de crues et de mettre à jour lacartographie des zones inondablessur l’ensemble des cours d’eau mé-tropolitains. Cette dernière tiendranotamment compte des aléas d’inon-dations, des changements clima-tiques et de la gestion des barrages.

Page 3: Prendre le taureau par les cornes - CMM · Prendre le taureau par les cornes. C 2 INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 Au printemps 2017, des crues historiques

IN ONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 C 3

«C’est une avancée importante, caron ne peut absolument pas avoir unegestion cohérente, ni même une pré-vention, si on n’a pas accès à des don-nées harmonisées sur l’ensemble duterritoire», remarque Mme Thomas.

La prise en compte de lavulnérabilitéL’amélioration des connaissances lo-cales de la vulnérabilité, c’est-à-direla propension à être af fecté négati-vement par les inondations, est unautre enjeu impor tant auquel ré-pond le plan d’action de la CMM.Celui-ci prévoit des analyses de vul-nérabilité des milieux de vie et per-mettra notamment de mieux déter-miner les bâtiments et les popula-tions à risque.

«Par le passé, nous avons construitdans des zones inondables sans tenircompte de la vulnérabilité, relèveMme Thomas. Par endroits, on trouvedes hôpitaux, des écoles ou des mai-sons de retraite dans des zones àrisque et c’est un problème. Pour pro-téger les bâtiments et les personnes

sur notre territoire, et surtout, ne pascréer plus de risque, il importe debien connaître sa vulnérabilité.»

La spécialiste souligne qu’une meil-leure prise en compte de la vulnéra-bilité permettra d’aménager le terri-toire de manière plus durable et d’ac-croître sa résilience.

« Les événements de 2017ont révélé que les cartesd’inondations n’étaient pas à jour dans la plupart des régions de la province »

Inondations à l’île Mercier, en 2017. Une meilleure prise en compte de la vulnérabilitépermettra d’aménager le territoire de manière plus durable et d’accroître sa résilience.ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

VOIR PAGE C 12 : RISQUES

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre leschangements climatiques

«Après les inondations printanières de 2017, nous avonscollectivement pris conscience de l’importance de l’amé-nagement du territoire et de la gestion des risques pournotre adaptation aux impacts des changements clima-tiques. En effet, les choix qui sont faits aujourd’hui dansces domaines influenceront demain le bien-être et la sécu-rité de la population. En ce sens, le Plan Archipel de laCommunauté métropolitaine de Montréal constitue unedémarche gagnante pour accroître la résilience des popu-lations du Grand Montréal. Le gouvernement du Québecpartage sa vision d’un archipel protégé, résilient et acces-sible à la population pour 2025. Bravo à la CMM pour laqualité des travaux qu’elle a entrepris et bon succès !»

Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation

«Le gouvernement du Québec soutient, dans le cadre duPlan d’action en matière de sécurité civile relatif aux inon-dations, les travaux de la Communauté métropolitaine deMontréal. L’harmonisation de la cartographie pour leGrand Montréal est à court terme un objectif important àatteindre afin d’assurer une plus grande résilience du sec-teur le plus urbanisé de la province. Le monitorage des ni-veaux d’eau en temps réel et la communication de cette in-formation aux citoyens et aux élus amélioreront l’effica-cité des interventions à diverses échelles. Les connais-sances et l’expertise développées par la CMM permet-tront également de réfléchir à l’analyse du territoire enmatière de risque et de vulnérabilité afin d’accroître la sé-curité des personnes et des biens.»

Valérie Plante, mairesse de la Ville de Montréal et présidente de la CMM

«Le plan Archipel – Inondations de la Communauté mé-tropolitaine de Montréal vise à améliorer la protection etla résilience des municipalités de notre région qui sontconfrontées aux inondations. L’échelle métropolitaine estla meilleure pour prendre en compte la complexité de l’ar-chipel du Grand Montréal. Une vision d’ensemble est né-cessaire afin de respecter la dynamique de nos coursd’eau, notamment dans un contexte de changements cli-matiques. Cette vision doit reposer sur des outils robusteset innovants, appliqués à l’échelle du Grand Montréal. »

Page 4: Prendre le taureau par les cornes - CMM · Prendre le taureau par les cornes. C 2 INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 Au printemps 2017, des crues historiques

INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019C 4

La Communauté métropolitaine

de Montréal (CMM) s’affaire, dans

le cadre de ses travaux, à élaborer

un nouveau règlement métropoli-

tain, harmonisant par le fait

même l’encadrement des zones à

risque d’inondation dans l’archipel

montréalais.

J E A N - F R A N Ç O I S V E N N E

Collaboration spéciale

P ar ce travail, la CMM chercheentre autres à moderniser les

critères d’évaluation des risquesd’inondation et à redessiner la carto-graphie de ces risques sur l’ensem-ble de son territoire, de même qu’àmettre en place les balises qui per-mettront une utilisation résilientedes zones concernées. Elle se basesur les plus récentes connaissancesscientifiques et s’inspire des ap-proches d’autres pays, comme laFrance et le Royaume-Uni.

Depuis février dernier, un groupede travail a donc le mandat d’élabo-rer une nouvelle réglementation mé-tropolitaine afin de l’adapter à cettenouvelle caractérisation des risques.Il s’agit d’encadrer les constructions,ouvrages et usages situés en zonesinondables, afin d’en réduire la vul-nérabilité et d’en augmenter la rési-lience, et d’assurer une applicationhomogène et cohérente de l ’ap-proche sur l’ensemble du territoire.

L’intérêt d’une approchemétropolitaine«Une approche métropolitaine est co-hérente avec la nature des enjeuxque sont les risques d’inondation, faitvaloir Nicolas Milot, conseiller en re-cherche de la CMM. D’abord, une vi-sion à l’échelle de l’archipel est né-cessaire afin de tenir compte des in-terrelations entres les dif férentscours d’eau. Présentement, la respon-sabilité de cartographier les zonesinondables et d’évaluer les risques re-lève en grande partie des MRC et desmunicipalités. Dans l’archipel deMontréal, il existe une dizaine de

Un nouveau cadreréglementaire sur la planche à dessin

cartes produites entre 1977 et 2006,ce qui provoque des incohérences.»

En guise d’exemple, il cite lesvilles de Laval et Montréal, dontl’évaluation du niveau d’eau de la ri-vière des Prairies diffère. Selon lui, ilfaut un modèle uniforme pour carac-tériser les risques d’inondation danstout l’archipel.

Ensuite, le contexte métropolitainest particulier de par sa forte urbani-sation. En effet, la moitié de la popu-lation du Québec se retrouve sur leterritoire de la CMM. Le taux d’urba-nisation en zone inondable y varie,mais reste généralement élevé. Dansles zones touchées par les inonda-tions du printemps 2017, ce taux estrégulièrement supérieur à 75%. «Dé-placer l’ensemble des résidents deces zones est une solution peu envi-sageable, souligne M. Milot. Une ap-

proche par la résilience alliant desapproches urbanistiques innovantes,des choix architecturaux permettantle libre écoulement des eaux et desmesures d’immunisation permettrade mieux prendre soin des popula-tions touchées. La réglementationpermettra d’encadrer le recours àces approches dans les secteurs quiseraient caractérisés par des niveauxde risque plus modérés.»

Cela pourrait passer par de nou-velles normes du cadre bâti dans cesendroits, lesquelles prévoiraient, parexemple, de ne pas mettre les boîtesélectriques des bâtiments à une hau-teur susceptible d’être atteinte lorsd’une inondation. Les nouveaux im-meubles à logements pourraient êtreconstruits sur pilotis, avec un premierétage servant de stationnement et lais-sant passer l’eau en cas d’inondation.

JUIN 2017À la suite des inondations de 2017, la Commission de l’aménagement de la CMM reçoit le mandat d’analyser les données recueillies lors des récentes inondations, de dresser un portrait du cadre légal et des règles d’aménagement et de développement du territoire en zone inondable et de formuler des recommandations visant l’adaptation des outils et des règles d’aménagement et de développement du territoire en plaine inondable.

JANVIER-FÉVRIER 2018La CMM élabore le plan Archipel, volet « inondations », qui vise à améliorer la gestion des risques d’inondation dans la région métropolitaine de Montréal.

SEPTEMBRE 2017La Commission de l’aménagement dépose un premier rapport couvrant les volets 1 et 2.

Chronologie des inondations de 2017 à aujourd’hui

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INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 C 5

MARS 2018

aux travaux les autres cours d’eau des municipalités du territoire qui en feraient la demande.

MARS 2018

de dollars à la réalisation du plan Archipel volet « inondations » de la CMM. Les cours d’eau

AVRIL 2018La CMM instaure le Bureau de projet de gestion des

volet « inondations ». Ce bureau de projet regroupe une quinzaine d’experts.

« I l s ’agi t de déter miner desnormes de constr uction afin demieux bâtir dans ces zones-là, de ma-nière à réduire la vulnérabilité desgens, tout en encadrant les projetsde développement locaux et lesdroits des gens déjà installés dansces zones, qui souhaitent modifier ouvendre leur propriété », préciseM. Milot.

En cohérence avec laplanification régionaleFrançois Lestage, président de l’As-sociation des aménagistes régionauxdu Québec et urbaniste de la MRCde Marguerite-D’Youville, se réjouità la perspective de pouvoir bénéfi-cier d’une car tographie uniformedes risques appuyée par la science.« Il y aura toujours des zones trop àrisque pour être aménagées, mais

cela nous permettra de déterminersi certaines zones considérées au-jourd’hui comme risquées pour-raient en fait convenir à dif férentsusages, comme un parc ou un es-pace vert », avance-t-il.

Il rappelle que sa MRC dispose dedonnées très fragmentaires sur lesrisques dès que l’on sort des zonesurbanisées comme les villes de Va-rennes, Contrecœur et Verchères.« L a C M M v a é v e n t u e l l e m e n tme fournir des données en formatnumérique, que je pourrai ensuiteutiliser pour montrer clairement auxcitoyens où se situent les zones plusou moins à risque», dit-il.

Un règlement en 2020Me Jean-François Girard, avocat etbiologiste chez DHC Avocats etmembre du groupe de travail de la

CMM, rappelle que la décision,prise en 1978, d’arrêter le dévelop-pement dans les zones suscepti-bles d’être for tement inondées aumoins une fois tous les vingt ansn’a commencé à être appl iquéepar tout qu’en 2005. « Voilà qu’au-jourd’hui, nous réalisons que le ca-dre réglementaire et la fameusedistinction entre les zones inonda-bles aux vingt ans ou aux cent anssont obsolètes et reposent sur desbases scientifiques inappropriées,alors il faut faire une mise à jour »,ajoute-t-il.

Le groupe terminera son travail àla fin du printemps avec la rédac-tion d’un règlement basé sur sesconclusions. Ce projet de règle-ment cheminera ensuite à la CMMet devrait être adopté au plus tarden décembre 2020.

Un groupe de travail de la CMM s’efforcede mieux encadrer les constructionssituées en zones inondables afin d’enréduire la vulnérabilité aux inondations.PHOTOS ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

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H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

L a ville de Deux-Montagnes, situéeà la croisée du lac du même nom

et des rivières des Mille Îles et desPrairies, a subi de plein fouet les inon-dations du printemps 2017. Deux centcinquante maisons ont été touchéeset, parmi elles, trente ont dû être dé-molies. Et cela, en plein centre-ville.

« Résultat, nous nous retrouvonsavec un quartier qui ressemble à ungruyère, indique le maire de la muni-cipalité, Denis Martin. Et en pleincœur de la ville. Nous ne pouvonspas dire juste, on ne reconstruit paslà, c’est trop dangereux. Une garedu futur REM s’y trouve. C’est une

zone TOD [transit-oriented develop-ment], ce qui signifie qu’elle doitêtre densifiée, et qu’à terme, il doit yavoir de l’aménagement vertical. Lasolution passe par une reconstruc-tion plus résiliente. »

Par tout dans le monde, la rési-lience urbaine aux inondations appa-raît de plus en plus comme une solu-tion de rechange nouvelle aux poli-tiques locales de gestion des risquesd’inondation, encore très centréessur la protection hydraulique contreles crues. Une stratégie basée sur larésilience suppose la reconnaissance

INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019C 6

On peut s’y préparer, mais on ne

peut pas les éviter. Le réchauffe-

ment cl imatique est tel que

Montréal, comme bien d’autres ré-

gions métropolitaines dans le

monde, va devoir vivre avec des

inondations de plus en plus fré-

quentes. Faut-il raser les quar-

tiers qui se sont édifiés au fil du

temps en zone inondable et y re-

fuser tout développement nou-

v e a u ? N o n , r é p o n d e n t a u -

jourd’hui les experts. La tendance

est plutôt à la résilience, ap-

proche consistant à accepter le

risque d’inondation et à adapter

l’aménagement en conséquence.

RÉSILIENCE

Bien vivre avec le risqued’inondation

du fait que les ouvrages de protection— de type digue ou barrage — nepeuvent constituer la réponse uniqueau risque d’inondation et qu’un en-semble de mesures en matièred’aménagement du territoire permetde moduler le niveau de risque.

Aménagement résilientC’est l ’approche que privi légieaujourd’hui la Communauté mé-tropolitaine de Montréal (CMM),qui a lancé plusieurs projets pi-lo tes en ce sens , notamment àDeux-Montagnes.

«Nous ne réinventons pas la roue,note Émilie Charbonneau, ingénieureen environnement, rattachée au Bu-reau de projet de gestion des risquesd’inondation (BPGRI) de la CMM.Nous nous inspirons de ce qui se faitailleurs, aux Pays-Bas, à Paris ou en-core à New York, des zones qui ontelles aussi à faire face au risque d’inon-dation. Nous cherchons à déterminernos propres solutions, en fonction dela réalité de notre territoire, qui se si-tue sur un archipel à la confluence deplusieurs cours d’eau de plus ou moinsgrande importance.»

MAI 2018La CMM et le consortium Ouranos conviennent d’un partenariat dans le cadre de la réalisation des travaux de cartographie en zones inondables.

JUIN 2018La CMM organise une mission d’étude dans la région parisienne auprès de responsables français et anglais de la gestion des risques d’inondation et des représentants du secteur de l’assurance des risques naturels.

MAI 2018Début des travaux de bathymétrie (mesure

JUIN 2018La Commission de l’aménagement dépose son deuxième rapport couvrant le 3e

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INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 C 7

L’approche de la résilience se dé-cline en trois axes. Il s’agit d’une partde permettre à l’eau de circuler libre-ment sans que cela occasionne desdégâts importants. La constructionsur pilotis, peu commune ici, maislargement utilisée dans de nom-breuses régions du globe, serait ap-propriée. Dans ce type d’habitations,ainsi surélevées, l’étage le plus basse trouve au-dessus du niveau d’inon-dation. Deuxième axe : la protectionde l’étage situé en dessous du niveau

Inondations au printemps2017 dansAhuntsic-Cartierville, à Montréal. Les expertsrecommandentde construire les bâtiments en milieuinondable defaçon plusrésiliente.ANNIK MH DE CARUFEL

LE DEVOIR

J E A N - F R A N Ç O I S V E N N E

Collaboration spéciale

« La taille des bassins versantsjoue un rôle majeur dans la dyna-

mique des cr ues et les risquesd’inondation», explique Émilie Char-bonneau, ingénieure à la CMM.

Un bassin d’une grande superficiefournit un important apport en eaudans la rivière lorsque la neige fond.C’est pourquoi les grandes rivièresconnaissent leurs principales cruesau printemps.

Les précipitations, phénomèneplus local, ont moins d’impact sur lesgrands cours d’eau puisqu’elles netombent pas simultanément sur toutle bassin. En revanche, lorsqu’ellestombent abondamment sur l’ensem-ble d’un petit bassin, elles deviennentun apport en eau important dont l’ef-fet se fait sentir rapidement. C’est cequi provoque les crues subites.

Les changements climatiquespourraient diminuer ou devancer lescrues printanières dans les grandsbassins versants, en multipliant lesredoux hivernaux qui font fondreune partie de la neige avant le prin-temps. Toutefois, la plus grande fré-quence et l’intensité accrue des pré-cipitations extrêmes pourraient aug-menter la fréquence des crues su-bites dans les petits bassins au prin-temps et en été.

La dynamiquedes crues

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Intégrer la résilience à l’environnement

Pour renforcer la résilience quant aux inondations, l’aménagement

du territoire doit permettre aux cours d’eau de migrer librement

sans que leurs crues causent des dégâts importants.

Comme les maisons avec sous-sol sont communes au Québec, il

est recommandé de ne pas y entreposer d’éléments vulnérables à

l’eau (pièces habitables, boîte électrique, matières dangereuses,

etc.) et de plutôt les installer aux étages situés au-dessus du niveau

d’inondation prévu.

Pour les zones susceptibles d’être inondées, la résilience est aussi

axée autour de l’aménagement de bassins de rétention des eaux

pour épargner les habitations et permettre aux citoyens un retour à

la normale le plus rapide possible.

VOIR PAGE C 12 : RÉSILIENCE

1 1

2 2

3 3Aménagement résilientAménagement non résilient

AOÛT 2018Début de l’acquisition des données lidars

FÉVRIER 2019La CMM forme un groupe de travail sur la réglementation.

DÉCEMBRE 2018Amorce des projets-pilotes en résilience avec la Ville de Deux-Montagnes.

CMM

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INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019C 8

L a t e m p é r a t u r e a n n u e l l e

moyenne au pays a déjà aug-

menté de 1,7 °C depuis 1948, et

les récentes prévisions d’Envi-

ronnement Canada tablent sur

une autre élévation du mercure

— entre 1,8 et 6,3 °C — d’ici la fin

du siècle. Bâtie sur un archipel,

la grande région de Montréal

doit ainsi s’attendre à vivre de

plus en plus d’épisodes météoro-

logiques extrêmes pouvant me-

ner à des catastrophes telles

que les inondations qu’elle a

connues au printemps 2017.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

P récipitations et vents violents,chaleur extrême, pics de froid,

l’augmentation de la température,telle que l’envisage aujourd’hui lacommunauté scientifique, aura de ré-percussions sur l’environnement danslequel vit la population du GrandMontréal. La biodiversité s’en trou-vera changée avec l’arrivée notam-ment de nouvelles espèces envahis-santes. Il y aura plus de canicules enété. Elles seront plus longues et plusviolentes, et entraîneront la multiplica-tion des îlots de chaleur. Davantage degrosses pluies, mais aussi davantagede tempêtes l’hiver, pouvant laisserplus de centimètres de neige au sol.

«Et tout cela de manière complète-ment imprévisible, ajoute Pascale Bi-ron, professeure au Département degéographie de l’Université Concor-dia. Le climat sera plus instable. Ilsera plus dif ficile de le lire. Regar-dons ce qui s’est passé cet hiver avecdes journées de pluie au-dessus de0°C et le lendemain, –25°C. La pluiequi glace, de la neige par-dessus…tout un melting-pot de précipitationsauxquelles les municipalités auront àfaire face. »

Vision cohérenteDes prévisions d’autant plus préoc-cupantes à Montréal et dans sa ré-gion métropolitaine, que l’agglomé-ration s’est construite sur un archi-pel avec de l’eau à perte de vue, etdes lacs et des rivières qui ne de-mandent qu’à déborder.

« Il y a les crues de printemps aux-quelles il faut faire attention, explique

Desévénementsclimatiquesde plus enplus extrêmes

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

« C’est difficile de comprendre le risque réel de voir sapropriété inondée parce qu’on se concentre aujourd’hui

sur le risque annuel, explique Émilie Charbonneau, ingé-nieure en environnement, rattachée au Bureau de projet degestion des risques d’inondation (BPGRI) de la Communautémétropolitaine de Montréal (CMM). On devrait présenter cerisque sur une période plus longue afin que chacun puissedéterminer s’il est prêt ou non à le prendre.»

Ainsi, voir un risque de crue de récurrence 20 ans ne si-gnifie pas que l’on risque une fois tous les vingt ans enmoyenne d’être inondé, mais plutôt que chaque année, ily a une chance sur vingt d’avoir les pieds dans l’eau, soit5 % de risque que cela se produise. Mais si l’on ramènecette statistique sur 25 ans, soit la durée d’une hypo-thèque moyenne, le risque est alors de 72 % d’avoir aumoins une inondation durant cette période.

« C’est un calcul mathématique tout simple très utilisépar les statisticiens et qui permet de projeter le risque surle long terme plutôt que dans une perspective annuelle,note Mme Charbonneau. Pour la population, comme pourles décideurs, c’est plus parlant ainsi. »

Les nouveaux outils de cartographie que la CMM est entrain de mettre au point privilégieront donc la communica-tion du risque sur la longue durée.

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

Mieux comprendre les risques d’inondation

Émilie Charbonneau, ingénieure enenvironnement, rattachée au Bureaude projet de gestion des risquesd’inondation (BPGRI) à la Commu-nauté métropolitaine de Montréal(CMM). La fonte des neiges et de laglace couplée à de fortes précipita-tions peut faire en sorte que les coursd’eau sortent de leur lit. Mais il y aaussi des événements plus spontanésqui peuvent sur venir en plein été.Une grosse, grosse pluie peut trèsbien entraîner une crue subite.»

Or, ce n’est pas parce que cesévénements sont imprévisibles queles municipalités n’ont pas le devoirde s’y préparer et de trouver lesmoyens de l imiter leur impact.Dans le dossier des inondationspourtant, nombre d’entre elles nese sentaient jusque-là pas complète-ment maîtresses de leur destin tant

L’armée avait été appelée enrenfort danscertaines villes,dont àPierrefonds, lorsdes inondationsde 2017.ANNIK MH DE CARUFEL

LE DEVOIR

Page 9: Prendre le taureau par les cornes - CMM · Prendre le taureau par les cornes. C 2 INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 Au printemps 2017, des crues historiques

INONDATIONS — LE DEVOIR, LES SAMEDI 13 ET DIMANCHE 14 AVRIL 2019 C 9

elles étaient dépendantes des déci-sions prises par les villes voisines.

«Un cours d’eau ne connaît pas lesfrontières administratives des villes etdes MRC, souligne Mme Charbon-neau. Sur notre territoire coulent detrès gros cours d’eau : le Saint-Lau-rent, les rivières Richelieu, des MilleÎles et des Prairies, le lac des Deux-Montagnes. Et puis une multitude demoyens et de plus petits. Nous avonsprès d’une trentaine de petits, moyenset grands bassins versants sur le terri-toire, dont les plus importants sont ce-lui de l’Outaouais et celui des GrandsLacs. Sans vision cohérente, il est diffi-cile d’avoir un véritable impact.»

Harmonisation des outilsC’es la raison pour laquelle le dossierest tombé dans les mains de la CMM.À la suite des inondations du prin-

temps 2017, alors que des centainesde résidents sont obligés d’abandon-ner leurs propriétés, le gouvernementprovincial mandate l’organisme afinqu’il procède à une mise à jour et uneharmonisation de la cartographie deszones inondables sur son territoire etqu’il formule des recommandationsen matière d’aménagement du terri-toire dans une perspective d’adapta-tion aux changements climatiques etde révision du cadre réglementaire enlien avec les plaines inondables.

« C’est rassurant de voir que laCMM a pris les choses en main etqu’elle le fait de manière scienti-fique, note Pascale Biron. Tout lemonde sur la planète est à risque,mais il y a encore un fort déni, no-tamment en Amérique du Nord. Onn’en fait pas assez. Ici, les inonda-tions de 2017 ont entraîné un réveil.

Ce qui est intéressant, c’est que laCMM devrait avoir la distance né-cessaire pour prendre les bonnesdécisions et faire les bonnes recom-mandations. Elle ne dépend en effetpas des taxes foncières. »

À terme, l’objectif est de mieuxpréparer les municipalités et les ci-toyens aux risques afin qu’ils pren-nent les meilleures décisions, entoute connaissance de cause.

« Il s’agit de modéliser ce à quoipourrait ressembler une crue à l’ave-nir, compte tenu des faits histo-riques, de l’état actuel des choses etdes prévisions en terme de change-ments climatiques, conclut ÉmilieCharbonneau. Et donner des solu-tions à ceux qui se situent en zoneinondable. Il ne s’agit plus de vouloirmaîtriser l’aléa, mais plutôt d’appren-dre à vivre avec.»

« La pluie qui glace, de laneige par-dessus… tout unmelting-pot de précipitationsauxquelles les municipalitésauront à faire face. »

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CARTOGRAPHIE

Harmoniser et

moderniser les outils

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

«Jusque-là, chaque municipalitéavait ses propres outils, explique

Cédric Marceau, chef de projet duBureau de projet de la gestion desrisques d’inondation (BPGRI). Cer-taines d’entre elles avaient une carto-graphie qui datait des années 70, etd’autres pouvaient n’avoir que l’histo-rique des cotes de crues. Quand il a

fallu faire le bilan des inondations de2017, la CMM s’est rendu comptequ’il n’y avait aucune cohérence.»

En juin 2018, dans le rappor tqu’elle remet, la commission del’aménagement de la CMM expliqueque le contexte particulier de l’archi-pel de Montréal, à la confluence dedeux grands bassins versants, le bas-sin des Grands Lacs et celui de l’Ou-taouais, commande une modélisationhydraulique intégrée de tous lescours d’eau afin que les données de

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) lance un vaste planpour cartographier les zones inondables de son territoire. À terme, ces ou-tils permettront aux municipalités de connaître précisément les risquesdans tel ou tel quartier et de bâtir ou de rebâtir en conséquence. Surtout,en cas d’épisode de crue extrême, chaque citoyen pourra entrer sonadresse dans le système pour savoir à quel moment il aura les pieds dansl’eau et à quelle hauteur celle-ci montera.

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base soient communes à toutes lesmunicipalités concernées. Dans lessemaines qui suivent, une équiped’experts est mise sur pied afin detravailler à la mise au point de cesoutils, que tous les acteurs veulent àla fine pointe de la technologie.

« Nous avons conclu que nous de-vions avoir une vision globale de lasituation, mais aussi être en mesure

de connaître les risques avec préci-sion, indique Jérôme Normand,conseiller de l ’ar rondissementAhuntsic-Car tier ville et présidentde la commission de l ’aménage-ment. Les car tes interactives per-mettront aux municipalités d’agir enamont, et on sait aujourd’hui que 1dollar investi en prévention, ce sont7 dollars d’épargnés en indemnisa-tion. Elles nous donneront égale-ment la possibilité de suivre entemps réel ce qui se passe en cas decrue, et de réagir plus rapidementet de manière concertée. »

Technologies de pointePierre Dupuis fait partie des hydro-logues embauchés par la CMM pourmener ce projet à bien. En un an, luiet son équipe sont parvenus à mettreau point le modèle pour les rivièresdes Prairies et des Mille Îles, et ilsvont maintenant se pencher sur lelac des Deux-Montagnes.

« Les élus nous ont demandé denous concentrer en priorité sur leszones ayant subi des inondations en2017, explique-t-il. La premièreétape, c’est de recueillir toutes lesdonnées auxquelles nous avons ac-cès, tant du point de vue de l’histoiredes différentes crues et inondationsque de l’état des cours d’eau et desbassins versants aujourd’hui ou de

l’impact des changements clima-tiques. Nous avons donc travailléavec les municipalités, les MRC,mais aussi les organismes de bassinversant ou encore EnvironnementCanada et Hydro-Québec.»

Afin de produire des cartes inter-actives les plus précises possible, laCMM utilise des technologies depointe. Le territoire a notamment étépassé au LiDar, technique de mesureà distance par faisceau lumineux,permettant de reproduire de façontrès précise la réalité au sol.

« Ainsi, nous avons une idée aucentimètre près de la hauteur de nossols, explique Cédric Marceau. Si leniveau de l’eau s’élève dans une ri-vière, nous pouvons donc savoir versoù elle va s’écouler. Les modèles in-formatiques nous permettront de lecalculer, en fonction de la hauteur dela rivière, de la vitesse de la montéedes eaux, du débit, etc. »

Au cas par casÀ terme, la CMM mettra en lignedeux sites Web. Le premier permet-t ra aux c i toyens d ’entr er leuradresse pour savoir comment l’eauva se compor ter sur leur terraindans les trois jours suivants. L’au-tre, à destination des décideurs,gouvernement, sécurité publique,municipalités, équipes de gestion

de crise, mettra à jour les hauteursd’eau toutes les quinze minutes,afin qu’ils puissent prendre des dé-cisions éclairées.

« Et cela, grâce aux données quenous obtenons dans les quarante sta-tions limnimétriques installées unpeu partout sur nos cours d’eau, in-dique Pierre Dupuis. Grâce aussiaux conférences téléphoniques quenous avons régulièrement avec Envi-ronnement Canada, Hydro-Québec,les organismes de bassin versant, no-tamment ceux des Grands Lacs et del’Outaouais. »

Toutes ces données compiléespermettront ainsi de savoir quete l l e p r opr ié té aura un mèt r ed’eau dans son sous-sol, alors quesa voisine n’en aura peut-être que52 centimètres.

« En cas de crise, ces outils vontnous aider à réagir rapidement et enfaisant du cas par cas, af firme Jé-rôme Normand. Nous savons quenous aurons de plus en plus d’événe-ments extrêmes à gérer dans les pro-chaines années. Grâce à la précisionde la cartographie interactive, noussaurons quelles maisons seront tou-chées par les inondations et à quelleéchéance. Cela nous permettra decommuniquer avec les riverains etde mettre en place des mesures d’ur-gence là où il y aura des besoins. »

« Nous devions avoir unevision globale de la situation,mais aussi être en mesure de planifier les risques avecprécision »

Inondations dans Ahuntsic-Cartierville. À la suite desévénements de 2017, la CMM a décidé derenouveller sescartes de zonesinondables.ANNIK MH DE CARUFEL

LE DEVOIR

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d’inondation prévu, avec l’utilisationde matériaux étanches tels que le bé-ton, mais surtout, de ne pas y instal-ler des équipements vulnérables àl’eau (pièces habitables, boite élec-trique, matières dangereuses, etc.)et d’installer plutôt ceux-ci auxétages situés au dessus du niveaud'inondation prévu. Troisième axeenfin, prévoir un espace de stockagede l’eau, sor te de bassin de réten-tion, et s’arranger pour que celle-cise dirige vers cet endroit lors descrues. Le projet pilote de Deux-Mon-tagnes comportera ces trois axes.

Faire évoluer la réglementation«À Deux-Montagnes, nous prévoyonsl’installation de caissons de rétentionau-dessous d’un parc qui se trouve aucœur de la ville, explique le directeurde la municipalité, Benoit Ferland.Les propriétaires des résidences quiont été démolies ont été indemniséspar le gouvernement, et les terrainsnous appar tiennent aujourd’hui.Lorsque nous aurons le feu vert pourreconstruire, nous le ferons de façon

résiliente pour ne pas accroître la vul-nérabilité des citoyens.»

À Varennes, municipalité située del’autre côté du territoire de la CMM,sur la rive sud du Saint-Laurent, unautre projet pilote est mené afin depermettre le développement d’unsecteur industriel situé en zone inon-dab le . Le mair e , Mar t in Dam-phousse, souhaiterait en effet mettreen valeur 3,5 millions de pieds carrésaujourd’hui non développables selonles critères de la politique provin-ciale de protection des rives, du litto-ral et des plaines inondables.

« Il y a moyen d’imaginer des bâti-ments industriels surélevés et desstationnements étagés afin que l’eaupuisse circuler en dessous en cas dedébordement du fleuve, croit-il.Nous travaillons avec la CMM afinde faire évoluer la réglementation etque celle-ci soit plus flexible qu’ellene l’est actuellement. Nous avons be-soin de principes de résilience adap-tables au cas par cas. Les situationssont très différentes d’un territoire àun autre, à la grandeur du Québec,mais aussi de la communauté métro-politaine. Nous ne pouvons plus fonc-tionner avec un texte applicable“mur à mur”. La situation nousoblige à plus d’intelligence.»

« Ce qui est majeur, c’est la compré-hension que le risque zéro n’existepas. Nous avons des ouvrages, maisdes événements malheureux peu-vent toujours survenir. Bien prendreen compte la vulnérabilité, ça veutnon seulement dire limiter le déve-loppement dans les zones inonda-bles, mais également privilégier desaménagements qui vont pouvoir vi-vre avec l’eau», précise-t-elle.

La communication du risqueSur le plan de la communication, laCMM fait preuve d’innovation. Elletravaille par exemple à développerune interface qui permettra aux ci-toyens et aux différentes parties pre-nantes de visualiser sur un plan entrois dimensions la progression desinondations sur son territoire.

En ce moment, les citoyens peu-vent accéder à cer taines informa-

tions à propos de la crue des eauxen consultant le site Vigilance du mi-nistère de la Sécurité publique duQuébec. La convivialité de l’inter-face n’est toutefois pas optimale etcelle-ci ne permet pas de suivre entemps réel les risques d’inondations.

« La CMM veut que les citoyenspuissent accéder facilement à l’in-formation et ça, c’est très positif,soutient Mme Thomas. Ça va leurpermettre de mieux comprendrele risque auquel leur bâtiment etleur parcelle sont exposés, et doncde mieux se préparer et d’être plusrésilients. »

L’accessibilité de ces données de-vrait également permettre d’amélio-rer la cohésion des interventions enmatière de sécurité civile.

« J’espère que l ’exemple de laCMM percolera dans les autrescol lect ivi tés au Québec, confieMme Thomas. Sa démarche est in-novante, transparente et collabora-t ive et s i el le était reprise, el lepourrait apporter de la résilience àl’ensemble du Québec. »

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RÉSILIENCE

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RISQUES

La clé: communiquer

Mieux prévenir les inondations

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoiren collaboration avec la Communauté métropolitaine de Montréal. La rédaction

du Devoir n’a pas pris part à la production de ces contenus.

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR