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mercredi 6 mai 2020 LE FIGARO - N° 23 551 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr assurer sa fonction, l’entreprise est en danger. Donc lorsqu’on ac- compagne un dirigeant, c’est toute l’entreprise que l’on aide. » La pertinence du dispositif Sérénité se voit confirmée en cette période de crise sanitaire : la CCI constate une explosion du nombre d’appels. « La cellule Sérénité gère des situations très difficiles où les problématiques étaient latentes et le coronavirus a joué le rôle de dé- tonateur, témoigne Simon Merolli. Nos conseillers déployés dans les cellules de crise COVID-19 assurent quant à eux une écoute bien- veillante et un soutien moral très important. » Ce dispositif spécifique est complété par d’autres initiatives mises en place par le réseau des CCI et ses partenaires. Publi-communiqué réalisé par 14HAUSSMANN Pour aider les entrepreneurs rencontrant des difficultés, la CCI Savoie a mis en place, en lien avec plusieurs acteurs du dépar- tement, un dispositif Sérénité. « Le capital santé du dirigeant est le premier capital immatériel de la PME. » C’est avec cette formule frap- pantequeleProfesseurOlivierTorrès, fondateur d’Amarok, l’observatoire de la santé des dirigeants de PME, a alerté les élus de la CCI Savoie en 2016 sur le sujet de la santé des chefs d’entreprise. Un sujet crucial pourtant peu abordé. S’il existe des outils pour garantir la santé des salariés (méde- cine du travail, prévention des risques professionnels…), rien n’est mis en place pour aider les chefs d’entre- prise qui souffriraient de stress, de fatigue, d’épuisement professionnel ou de burn-out. Sur ce constat, la CCI Savoie décide de mettre en place un dispositif de soutien aux dirigeants du département, en collaboration avec plusieurs acteurs : le Tribunal de commerce, Amarok, un psychothéra- peute et Groupama. Un numéro unique et gratuit est mis à disposition des dirigeants. Ils peuvent également être redirigés vers le dispostif par le Tribunal de commerce. La CCI reçoit l’appel et assure un premier rôle d’écoute et de conseil. « Parfois, une oreille at- tentive peut suffire car, avant tout, les chefs d’entreprise souffrent d’isolement », explique Simon Merolli, chef de service à la CCI Savoie et coordinateur du dispositif Sérénité. Quand il faut aller plus loin, la CCI oriente les entrepreneurs vers Amarok pour des entretiens télé- phoniques avec des experts, ou vers un psychothérapeute pour une prise en charge en présentiel. Confiden- tiels, ces accompagnements sont gratuits – grâce au soutien financier de Groupama. Après trois ans et une soixantaine de chefs d’entreprise soutenus, Simon Merolli peut témoigner de la com- plexité du sujet, où santé du dirigeant et santé de l’entreprise sont étroite- ment liées. « Certains entrepreneurs sont dans le déni des problématiques car ils ne peuvent pas se permettre d’afficher leurs faiblesses face à leurs salariés ou leurs proches. Sauf qu’au bout d’un moment, si le dirigeant d’une TPE ne peut plus « Accompagner un dirigeant, c’est aider toute l’entreprise » Si le dirigeant d’une TPE ne peut plus assurer sa fonction, l’entreprise est en danger. En partenariat avec le réseau SDGSDG ; COLL. PERSONNELLE Les salutations sincères à l’ère des gestes barrières Qui est la dernière personne avec laquelle vous avez échangé une franche poignée de main ? La dernière à laquelle vous avez cla- qué la bise corporate ou donné l’accolade ? Plus de 50 jours après le début du confinement, ces sa- lutations quotidiennes semblent remonter à la nuit des temps, to- talement éclipsées par les gestes barrières, étouffées par la distan- ciation sociale. Il y a quelques jours, je me suis même fait une ré- flexion absurde de- vant un épisode de la série The English Game. Après le coup de sifflet final d’un match de football, les vainqueurs se réunissent au centre du terrain. Fous de joie, ils se congratu- lent, se tapent sur l’épaule, s’embras- sent comme du bon pain… Quelle ode à la camarade- rie ! Belle scène de liesse ! Mais, les distances de sécurité, alors ? Derrière l’écran, ces gens ont-ils perdu la raison ? Lors du retour au bureau, à partir du 11 mai, les retrouvailles entre collègues n’auront pas la même saveur que les salutations d’avant… Elles seront chaleureu- ses probablement, animées sûre- ment mais, tout cela, dans le strict respect des règles de sécu- rité sanitaire, en veillant à bien garder ses distances. « L’entre- prise est un milieu confiné. Les es- paces de travail ouverts vont donc ressembler à des caisses de maga- sins, avec du plexiglas partout », explique au Figaro le docteur Didier Lepelletier, coprésident du groupe de travail national au Haut Conseil à la santé publique (HCSP) sur le coronavirus. « Comment te dire adieu ? », se demandait Françoise Hardy, il y a des lus- tres. Aujourd’hui, elle pourrait chanter « Comment te dire bonjour ? » Vous pou- vez utiliser un petit geste de la main, so- bre et élégant, à la manière d’Eliza- beth II. Pourquoi pas un salut scout ? Sinon, le « toucher de cou- des » - qui avait été proposé lors de l’épi- démie Ebola - a éga- lement ses habitués. Plus original, Agnès Buzyn prône un bonjour à coups de pied. Rien n’interdit également de nous inspirer des coutumes d’ailleurs, par exemple les mains jointes en un namaste ou un wai. Les Népalais, eux, se tirent la lan- gue… Amusant, mais il n’est pas certain que votre manager ap- précie. Peut-être préférera-t-il, moins moderne mais plus distin- gué, une petite révérence… QUENTIN PÉRINEL £@quentinperinel « « Comment te dire adieu ? », se demandait Françoise Hardy. Aujourd’hui, elle pourrait chanter « Comment te dire bonjour ? » » LA VIE DE BUREAU Prenez soin de vous ! i Soumis à forte pression, les entrepreneurs doivent plus que jamais ménager leur santé. Conseils et témoignages. PAGES 40 À 45 Pour décompresser, Lucile Grentzinger, cofondatrice de la société Blast, pratique plusieurs sports, dont la boxe. ERGONOMIE TRAVAILLER DEBOUT AU BUREAU, C’EST MEILLEUR POUR LE DOS PAGE 42 JURIDIQUE LES DIRIGEANTS DOIVENT REDOUBLER DE VIGILANCE POUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES SALARIÉS PAGE 45 Après ÉDITORIAL P lus de cinquante jours d’assignation à résidence nous auront tous marqués à jamais. Le déconfinement, qui doit s’amorcer à partir du 11 mai, ne se traduira pas encore par un retour à la normale tant il sera mis en œuvre avec un luxe de précau- tions nécessaire pour assurer la sécurité de tous. Cette crise sanitaire aura bou- leversé bien des choses dans la vie de chacun. Elle aura coupé les en- treprises en deux avec, d’un côté, des salariés réduits à l’inactivité par le chômage partiel et, de l’autre, des salariés menant de front vie familiale et télétravail. Les chefs d’entreprise devront en tenir compte lors du retour de leurs équipes. Il faudra alors veiller non seulement à la santé mais aussi au moral des troupes. C’est un enseignement de cette incroyable épidémie : elle souli- gne toute l’importance de la santé et du bien-être à la maison com- me au bureau. Pour eux-mêmes comme pour leurs équipes, des dirigeants en avaient déjà une conscience aiguë avant. Deux créatrices d’entreprises - Maëlle Chassard et Mathilde Collin - ap- portent leur témoignage dans ces pages : c’est après avoir surmonté une épreuve difficile qu’elles se sont attachées à établir un bon équilibre entre vie personnelle et activité professionnelle. Avec le coronavirus, le monde entier a eu un sérieux pépin de santé. Même les dirigeants, qui étaient moins sensibilisés à ces questions, de- vront l’être désormais. BRUNO JACQUOT Stanislas de Rémur, PDG d’Oodrive. Le prochain numéro du « Figaro entrepreneurs » paraîtra le 3 juin

Prenez soin de vous !i · A mercredi 6 mai 2020 LE FIGARO - N° 23 551 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - assurer sa fonction, l’entreprise est en danger. Doncl

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A

mercredi 6 mai 2020 LE FIGARO - N° 23 551 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

assurer sa fonction, l’entrepriseest en danger. Donc lorsqu’on ac-compagne un dirigeant, c’est toutel’entreprise que l’on aide.»

La pertinence du dispositifSérénité se voit confirmée en cettepériode de crise sanitaire : la CCIconstate une explosion du nombred’appels. « La cellule Sérénité gèredes situations très difficiles où lesproblématiques étaient latentes etle coronavirus a joué le rôle de dé-tonateur, témoigne Simon Merolli.Nos conseillers déployés dans lescellules de crise COVID-19 assurentquant à eux une écoute bien-veillante et un soutien moral trèsimportant.»Ce dispositif spécifiqueest complété par d’autres initiativesmises en place par le réseau des CCIet ses partenaires. P

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réalisépar

14HAUSSMANN

Pour aider les entrepreneursrencontrant des difficultés, laCCI Savoie amis en place, en lienavecplusieursacteursdudépar-tement, un dispositif Sérénité.

« Le capital santé du dirigeant estle premier capital immatériel de laPME.»C’estaveccette formule frap-pantequeleProfesseurOlivierTorrès,fondateur d’Amarok, l’observatoirede la santé des dirigeants de PME,a alerté les élus de la CCI Savoie en2016sur le sujetde la santédeschefsd’entreprise.Unsujetcrucial pourtantpeu abordé. S’il existe des outils pourgarantir la santé des salariés (méde-cine du travail, prévention des risquesprofessionnels…), rien n’est mis enplace pour aider les chefs d’entre-prise qui souffriraient de stress, defatigue, d’épuisement professionnelou de burn-out. Sur ce constat, la CCISavoie décide de mettre en place undispositif de soutien aux dirigeantsdu département, en collaborationavec plusieurs acteurs : le Tribunal decommerce,Amarok,unpsychothéra-peute etGroupama.

Un numéro unique et gratuit estmis à disposition des dirigeants. Ils

peuvent également être redirigésvers le dispostif par le Tribunal decommerce. La CCI reçoit l’appel etassure un premier rôle d’écoute etde conseil. « Parfois, une oreille at-tentive peut suffire car, avant tout,les chefs d’entreprise souffrentd’isolement », explique SimonMerolli, chef de service à la CCISavoie et coordinateur du dispositifSérénité. Quand il faut aller plus loin,la CCI oriente les entrepreneurs versAmarok pour des entretiens télé-phoniques avec des experts, ou versun psychothérapeute pour une priseen charge en présentiel. Confiden-tiels, ces accompagnements sontgratuits – grâce au soutien financierde Groupama.

Après trois ans et une soixantaine dechefs d’entreprise soutenus, SimonMerolli peut témoigner de la com-plexité du sujet, où santédudirigeantet santé de l’entreprise sont étroite-ment liées. « Certains entrepreneurssontdans ledénidesproblématiquescar ils ne peuvent pas se permettred’afficher leurs faiblesses face àleurs salariés ou leurs proches.Sauf qu’au bout d’un moment, sile dirigeant d’une TPE ne peut plus

«Accompagner un dirigeant,c’est aider toute l’entreprise »

Si le dirigeantd’une TPE nepeut plus assurersa fonction,l’entrepriseest en danger.

En partenariatavec le réseau

SDGSDG ; COLL. PERSONNELLE

Les salutations sincères à l’ère des gestes barrièresQui est la dernière personne aveclaquelle vous avez échangé unefranche poignée de main ? Ladernière à laquelle vous avez cla-qué la bise corporate ou donnél’accolade ? Plus de 50 jours aprèsle début du confinement, ces sa-lutations quotidiennes semblentremonter à la nuit des temps, to-talement éclipsées par les gestesbarrières, étouffées par la distan-ciation sociale.

Il y a quelquesjours, je me suismême fait une ré-flexion absurde de-vant un épisode de lasérie The EnglishGame. Après le coupde sifflet final d’unmatch de football,les vainqueurs seréunissent au centredu terrain. Fous dejoie, ils se congratu-lent, se tapent surl’épaule, s’embras-sent comme du bonpain… Quelle ode à la camarade-rie ! Belle scène de liesse ! Mais,les distances de sécurité, alors ?Derrière l’écran, ces gens ont-ilsperdu la raison ?

Lors du retour au bureau, àpartir du 11 mai, les retrouvaillesentre collègues n’auront pas lamême saveur que les salutationsd’avant… Elles seront chaleureu-ses probablement, animées sûre-ment mais, tout cela, dans lestrict respect des règles de sécu-rité sanitaire, en veillant à bien

garder ses distances. « L’entre-prise est un milieu confiné. Les es-paces de travail ouverts vont doncressembler à des caisses de maga-sins, avec du plexiglas partout »,explique au Figaro le docteurDidier Lepelletier, coprésidentdu groupe de travail national auHaut Conseil à la santé publique(HCSP) sur le coronavirus.

« Comment te dire adieu ? », sedemandait FrançoiseHardy, il y a des lus-tres. Aujourd’hui, ellepourrait chanter« Comment te direbonjour ? » Vous pou-vez utiliser un petitgeste de la main, so-bre et élégant, à lamanière d’Eliza-beth II. Pourquoi pasun salut scout ? Sinon,le « toucher de cou-des » - qui avait étéproposé lors de l’épi-démie Ebola - a éga-lement ses habitués.

Plus original, Agnès Buzynprône un bonjour à coups depied. Rien n’interdit égalementde nous inspirer des coutumesd’ailleurs, par exemple les mainsjointes en un namaste ou un wai.Les Népalais, eux, se tirent la lan-gue… Amusant, mais il n’est pascertain que votre manager ap-précie. Peut-être préférera-t-il, moins moderne mais plus distin-gué, une petite révérence… ■

QUENTIN PÉRINEL£@quentinperinel

« « Comment te dire

adieu ? », se demandait Françoise Hardy. Aujourd’hui, elle pourrait chanter « Comment te dire bonjour ? »»

LA VIE DE BUREAU

Prenez soin de vous !i

Soumis à forte pression, les entrepreneurs doivent plus que jamais ménager leur santé. Conseils et témoignages. PAGES 40 À 45

Pour décompresser, Lucile Grentzinger, cofondatrice de la société Blast, pratique plusieurs sports, dont la boxe.

ERGONOMIE TRAVAILLER DEBOUT AU BUREAU, C’EST MEILLEUR POUR LE DOSPAGE 42

JURIDIQUELES DIRIGEANTS DOIVENT REDOUBLER DE VIGILANCE POUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES SALARIÉS PAGE 45

Après ÉDITORIAL

P lus de cinquante joursd’assignation à résidencenous auront tous marqués

à jamais. Le déconfinement, qui doit s’amorcer à partir du 11 mai, ne se traduira pas encore par un retour à la normale tant il sera mis en œuvre avec un luxe de précau-tions nécessaire pour assurer la sécurité de tous.

Cette crise sanitaire aura bou-leversé bien des choses dans la vie de chacun. Elle aura coupé les en-treprises en deux avec, d’un côté, des salariés réduits à l’inactivité par le chômage partiel et, de l’autre, des salariés menant de front vie familiale et télétravail. Les chefs d’entreprise devront en tenir compte lors du retour de leurs équipes. Il faudra alors veiller non seulement à la santé mais aussi au moral des troupes.

C’est un enseignement de cetteincroyable épidémie : elle souli-gne toute l’importance de la santé et du bien-être à la maison com-me au bureau. Pour eux-mêmes comme pour leurs équipes, des dirigeants en avaient déjà une conscience aiguë avant. Deux créatrices d’entreprises - Maëlle Chassard et Mathilde Collin - ap-portent leur témoignage dans ces pages : c’est après avoir surmonté une épreuve difficile qu’elles se sont attachées à établir un bon équilibre entre vie personnelle et activité professionnelle. Avec le coronavirus, le monde entier a eu un sérieux pépin de santé. Même les dirigeants, qui étaient moins sensibilisés à ces questions, de-vront l’être désormais.

BRUNO JACQUOT

Stanislas de Rémur, PDG d’Oodrive.

Le prochain numéro du « Figaro entrepreneurs » paraîtra le 3 juin

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mercredi 6 mai 2020 LE FIGARO

A

40 DOSSIER

ANGÉLIQUE VALLEZ-D’ERCEVILLE £@Aderceville

Confinée chez ses parents en Sei-ne-et-Marne, Maëlle Chassardadmet qu’elle n’est pas à plaindre.Cadre familial et jardin l’aident àtraverser cette époque étrange,bien mieux que si elle était restéeseule entre ses quatre murs. Pas-sée par un burn-out en 2018, latrentenaire, qui a cofondé Lunii etimaginé la fameuse Fabrique àhistoires, connaît désormais ses li-mites. Embarquée dans la vie acti-ve par la concrétisation de sonprojet de fin d’études, elle avait vuensuite tout s’enchaîner très vite.

En 2013, c’est à l’école de designStrate que la jeune femme a l’idéede réveiller l’imagination des en-fants, loin des écrans, grâce à unappareil qui leur conterait des his-toires. Un an plus tard, la start-upest créée et la machine à succèslancée. Lunii emploie aujourd’hui57 salariés et a réalisé un chiffred’affaires de 12,7 millions d’eurosen 2019, en croissance de 80 %.L’an dernier, l’entreprise a été fi-naliste du concours Business WithAttitude, organisé par Madame Fi-garo.

Pourtant, en 2018, alors que lanotoriété et les ventes explosent,la jeune femme plonge. Cette an-née-là, pour lancer Lunii à laconquête de l’Amérique, MaëlleChassard s’installe à New York,seule. Sa mission est d’y monterune filiale et de recruter une équi-pe. Mais, plutôt que de croquer laGrosse Pomme à pleines dents, lajeune femme se laisse dévorer par

tes », se souvient la jeune femme. En pleine crise du coronavirus,

elle tient sa revanche. « Mon burn-out a été une grande source d’ap-prentissage, analyse-t-elle. Çam’a appris à prendre du recul et àgarder l’équilibre dans cette pério-de singulière. Désormais, je m’im-pose un rythme de vie, une routineque mon cerveau imprime. C’esttrès utile en période de confine-ment. » Sport tous les matins, re-pas équilibrés, gestion des problè-mes les uns après les autres :autant de recettes qu’elle comptepartager. Lunii est en train decréer un parcours de formationsur la connaissance de soi pour sessalariés.

Sa nature confiante et optimisten’empêche pas la jeune femme devoir la crise à affronter. La levée defonds prévue a été repoussée. À cejour, le capital de Lunii est détenuà 69 % par son quatuor de fonda-teurs, dont Maëlle Chassard et IgorKrinbarg, co-CEO, sont les deuxseuls encore à des postes de direc-tion. Pour traverser l’orage enmaintenant les recrutements pré-vus, Lunii a fait appel à ses ban-ques et aux aides de l’État. « Au vudu ralentissement des ventes dehardware et de l’international, nousvisons désormais un chiffre d’affai-res de 17 à 18 millions d’euros pour2020, soit 5 millions de moins que

prévu », précise-t-elle, notant queLunii sera déficitaire cette annéeet espère un retour à l’équilibre en2021.

Depuis la mi-mars, l’entreprisea revu ses priorités. Certains pro-jets ont été repoussés, tandis quele Luniistore, qui permet d’ache-ter des histoires supplémentaires,a été fortement poussé. Les équi-pes ont aussi mis un coup d’accé-lérateur pour la sortie d’un nou-veau service : Mon Studio Lunii, oùles parents pourront prochaine-ment enregistrer leurs propreshistoires. La jeune pousse doitgarder une longueur d’avance carelle a désormais des concurrents :VTech avec son StoriKid, ouJoyeuse avec sa Conteuse mer-veilleuse ont vendu plusieurs di-zaines milliers de leurs boîtes res-pectives l’an dernier, contre250 000 pour Lunii.

La jeune pousse a tenu à partici-per à l’effort collectif. En plus deshistoires et kits d’activité mis gra-tuitement à disposition des pa-rents confinés avec de jeunes en-fants, Lunii a fait un don de25 000 euros à la Fondation deFrance pour lutter contre le Co-vid-19 et elle a offert 500 Fabri-ques à histoires à des associationsœuvrant dans les hôpitaux, com-me le collectif #Protegetonsoi-gnant. ■

Ils travaillent trop, ne font pas assez de sport et ne consultent pas assez souvent leur médecin. Pourtant, si le dirigeant va bien, son affaire ne s’en portera que mieux.

Les chefs d’entreprise jouent-ils avec leur santé ?

ANNE BODESCOT [email protected]

« L’entrepreneuriat, c’est bon pour lasanté ! », lance Olivier Torrès, professeurà l’université de Montpellier et fonda-teur d’Amarok, observatoire de la santéphysique et morale des travailleurs nonsalariés. Optimisme, résilience, motiva-tion… Les entrepreneurs développent eneffet des qualités « salutogènes », c’est-à-dire bonnes pour la santé. « Ils ne fontpas plus de crises cardiaques ou d’AVCque la moyenne des Français. Leur seuleparticularité est d’avoir un peu plus dediabète », précise Olivier Torrès. C’est,selon lui, la conséquence d’un manquede sommeil. « Les chefs d’entreprise, ex-plique-il, dorment en moyenne 6 h 30 parnuit, contre plus de 7 heures pour le restede la population. » Si les indépendantsécourtent ainsi leurs nuits, c’est pourtravailler. Selon le ministère du Travail,en 2017, ils consacraient à leur activité50,5 heures par semaine, contre39,1 heures pour les salariés à tempscomplet. Certains dirigeants évoquentmême 60 à 70 heures hebdomadaires.

Cette surcharge les conduit à sacrifieraussi le sport et à déjeuner à la va-vite.Certes, ils prennent davantage le tempsle soir avec des dîners d’ailleurs plus al-coolisés que la moyenne. Mais cela nefacilite pas leur sommeil. « Le mythe duchef d’entreprise avec son grand cigare

est, en revanche, battu en brèche : lesindépendants fument moins que le reste dela population, sans doute parce qu’ilsdonnent l’exemple dans l’entreprise »,relève Olivier Torrès.

Le temps fait aussi défaut pour se ren-dre chez le médecin. Les chefs d’entre-prise attendent, pour consulter, de neplus pouvoir faire autrement. « Ils nesont pas plus souvent malades que lesautres, mais, quand ils le sont, c’est plusgrave, car ils s’en sont souciés troptard », constate Olivier Torrès. Et ilsn’ont pas de filet de sécurité pour lesalerter, puisque, aujourd’hui encore, ilsn’ont pas accès à la médecine du travail.Une anomalie soulignée par les séna-teurs Pascale Gruny et Stéphane Artano,dans leur rapport sur la réforme des ser-vices de santé au travail. Ils préconi-saient d’intégrer les mandataires so-ciaux dans l’effectif suivi dansl’entreprise et d’affilier aussi les indé-pendants.

Mais les intéressés en ressentent-ils lebesoin ? Selon l’Observatoire entrepriseet santé Viavoice-Harmonie mutuelle,76 % des chefs d’entreprise estimentprendre suffisamment soin de leur san-té. D’ailleurs, 86 % déclarent ne pas êtreintéressés par un service d’accompa-gnement.

Ils ne sont pas à un paradoxe près.Ainsi, près de 80 % des 1 501 dirigeantsinterrogés par OpinionWay pour la Fon-

dation MMA des entrepreneurs du futurse sentent en forme. Ils sont néanmoins63 % à avouer souffrir du dos et prèsd’un tiers à se plaindre de problèmes desommeil. Sans oublier le stress, qu’ilssont sept sur dix à endurer chaque jourpour cause de surcharge de travail(57 %), de problèmes de trésorerie(53 %) et d’incertitudes concernant leuractivité.

Un soutien psychologiqueCe cocktail - stress, surcharge de travailet manque de sommeil - peut mener auburn-out, ce mal qui mêle l’épuisement,la dépersonnalisation et la perte d’effi-cacité professionnelle. Dans un articlepublié par la Revue française de gestion,Olivier Torrès et Charlotte Kinowski-Moysan ont calculé que le burn-out me-nace 17,5 % des chefs d’entreprise. Unecatastrophe pour la survie de leur socié-té, rarement armée pour surmonter l’ef-fondrement de son dirigeant.

« Ces dernières semaines, avec l’épidé-mie de Covid-19, le sentiment d’impuis-sance, l’environnement peu lisible, la per-te de repères ont propulsé le stress deschefs d’entreprise a des niveaux records,en moyenne à 3,9, contre moins de 3,5habituellement, observe Olivier Torrès.Ils sont aujourd’hui au même stade de dé-couragement et d’épuisement que lesagriculteurs ! » Le ministère de l’Écono-mie en a pris la mesure et a ouvert un

numéro vert (0805 65 50 50) pour leurapporter un soutien psychologique.

Très souvent, la santé du dirigeant etcelle de son entreprise vont en effet depair. L’université de Nantes l’a montréen mettant en perspective la perceptionpar le dirigeant de sa santé et des indi-cateurs sur la situation de son entrepri-se. « Dans 35 % des cas, le chef d’entre-prise se sent en forme et son entrepriseva bien également. A contrario, pour34 %, l’entreprise est en difficulté et lechef d’entreprise, sans doute préoccupé,a des soucis de santé, d’insomnie… »,explique Lionel Fournier, membre ducomité de direction générale d’Harmo-nie mutuelle. A contrario, dans 15 % descas, l’entreprise est en plein essor, maisle chef d’entreprise souffre quandmême : « Souvent parce qu’il a des pro-blèmes de recrutement. L’entreprisegrandit trop vite et il s’épuise », ajouteLionel Fournier. Un constat inquiétant,car « être en bonne santé et avoir une vieéquilibrée aide à prendre les bonnes déci-sions », rappelle-t-il. Par chance, lesindépendants sont de plus en plusnombreux à en prendre conscience.« De grands progrès ont été faits, no-tamment par les jeunes générations, seréjouit Olivier Torrès. Les entrepreneurscomprennent de mieux en mieux l’impor-tance de bien se soigner et de conserverun bon équilibre entre vie professionnelleet vie personnelle. » ■

« Mon burn-out m’a appris à garder l’équilibre en cette période étrange »

Maëlle Chassard, cofondatrice de Lunii, a été finaliste en 2019 du concours Business With Attitude, organisé par Madame Figaro. LUNII

UN MANUEL ANTISTRESSChef d’entreprise et père de quatre enfants, Nicolas d’Hueppe (lire aussi page 35) expose dans Votre énergie est inépuisable sa méthode pour ne pas laisser l’épuisement le déborder au risque d’affecter sa vie de famille. Il s’appuie sur son expérience pour donner quelques clés afin de se regonfler soi-même en énergie lorsqu’elle fait défaut. Nombre de dirigeants pourront s’y reconnaître et y piocher quelques solutions à leurs maux.

H. L.

Nicolas d’Hueppe, Votre énergie est inépuisable, Iseran éditions, 190 p., 14 €.

76 %des dirigeantsd’entreprise estiment qu’ils prennent suffisamment soinde leur santé.Source :Observatoire Entreprise et Santé 2018, Viavoice-Harmonie Mutuelle

Le capitalsanté des

dirigeants est le premier actif immatériel de la PME »OLIVIER TORRÈS DANS « LA SANTÉ DU DIRIGEANT. DE LA SOUFFRANCE PATRONALE À L’ENTREPRENEURIAT SALUTAIRE », PARU AUX ÉDITIONS DE BOECK (2012).

92 %des dirigeantspensent qu’il est important de menerdes actions pour le bien-être et la santé des salariés

63 %des salariésjugent qu’il est important de menerdes actions dans l’entreprise pour leur bien-êtreet leur santé

la ville qui ne dort jamais. Ré-veillée à 4 heures, couchée tardpar les points avec l’Hexagone,l’entrepreneuse perd pied. « Jen’avais pas de bureau, pas de ryth-me et pas de vie sociale : je me suismise à broyer du noir, j’étais démo-ralisée et épuisée », raconte-t-elle.Un burn-out ? « C’en était un, jepense, même si ce terme est surex-ploité. Je préfère parler de surme-nage », résume pudiquementMaëlle Chassard.

Confiante etoptimisteMoins de qua-tre mois aprèsson installa-tion, la visite deson meilleurami et associéIgor Krinbarg,fait effetd’électrochoc.

« J’avais poussé les limites de moncorps, mais je ne me l’avouais pas, ilm’a fait sortir du déni », poursuit-elle. La décision est prise : backhome. Mais le retour ne règle pastout. Il faut accepter cet échec, re-trouver sa place dans l’équipe. « Ila fallu attendre début 2019 pour queje retrouve une estime de moi : j’aifait une présentation sur ma visionpour l’avenir de Lunii et j’ai sentique les équipes étaient enthousias-

Ma Fabrique à histoires est un petit appareil audio sur lequel sont téléchargés des éléments narratifs. L’enfant les combine pour composer différentes histoires qu’il pourra écouter. UNII

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LE FIGARO mercredi 6 mai 2020

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41DOSSIER

camp et ouvert à toutes les disci-plines pourvu qu’elles soienténergiques, c’est le minimumvital. « Les anciens Grecs avaientdéjà de vraies convictions sur lesport, constate ce passionné parl’Antiquité. Ils ne faisaient pas lepartage entre le corps et l’esprit. Lesport donne confiance en soi, aèrel’esprit et l’organisme. Nous n’in-ventons rien. Les Grecs en parlaientdéjà très bien. »

C’est au cours d’une épreuvesportive que Rudy a appris à rela-tiviser et à franchir les obstacles. Ily a dix ans, il a parcouru en quatremois le redoutable ContinentalDivide Trail. Soit 5 000 kilomètresdu nord au sud des États-Unis,une marche que peu arrivent àboucler. Avoir affronté grizzlis etorages dantesques l’a définitive-ment doté d’une tranquille capa-cité d’adaptation qu’aucun confi-nement ne parviendra à épuiser. ■

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moyen d’une application quireporte sur sa machine les diffi-cultés de trajets réels visualisés surun écran, il rejoint un groupede cyber-cyclistes et conversemême avec grâce à une oreillette.« Récemment, raconte Nicolasd’Hueppe, nous avons fait le montVentoux, le col du Stelvio, en Italie,et le cap de Formentor, aux Baléa-res ! Bien sûr, il manque le vent, lavue… C’est une expérience semi-immersive. »

Orages et grizzlisD’autres comme Rudy Guénaire,créateur en 2012 de la chaîne derestaurants de burgers Paris-NewYork, se reportent sur YouTubepour trouver les conseils decoachs sportifs. Lorsqu’il ne partpas courir, il pratique chez lui lecrossfit durant une bonne heurepar jour. Pour ce sportif accompli,habituellement adepte des boot

ce le dimanche, conseille-t-elle,plutôt que trois heures le diman-che et rien du tout en semaine.« Mais chacun doit trouver ce quilui correspond. »

Dirigeant de l’entreprise Alchi-mie, société de distribution decontenus vidéo sur la Toile, Nico-las d’Hueppe a trouvé son équili-bre avec la petite reine. « Lorsqueje sens que je ne suis plus productif,explique-t-il, et que je commence àtransmettre des ondes négativesaux collaborateurs, je quitte la boîteet je pars pédaler. Lorsque je re-viens, tout est plus clair. » Capablede tracer jusqu’à 300 kilomètresen une journée, il s’adonne entemps normal à des séances d’uneà deux heures par jour.

Le confinement n’a pas eu rai-son de sa pratique. Tout comme iltélétravaille, il télépédale grâce àun home trainer connecté, surlequel il a adapté son vélo. Au

détection de fuites de données.Trois fois par semaine, il enfile sonbaudrier et se rend en salle degrimpe ou à l’aplomb des rochersde Fontainebleau. « J’oublie lesréunions, les problèmes, dit-il. Jesuis concentré sur l’escalade. C’estun sport qui implique de réfléchirintensément à l’exécution immé-diate d’une action très physique etprécise. Cela me lave le cerveau. Jeressors plus serein. Après, je gèremieux les problèmes. » En périodede confinement, Steven Keraudys’est recentré sur la course à pied.« Je réfléchis mieux en courant quederrière un bureau ! », consta-te-t-il.

Mieux gérer les émotionsCette observation ne surprend pasStéphanie Barsotti, psychologuedu travail et coach de sport santé.De ses propres constats, la prati-que régulière d’un sport améliorela productivité des dirigeants,réduit les risques de burn out, évi-te des troubles musculo-squeletti-ques, diminue les arrêts maladiesdans l’entreprise. Elle permetd’avoir les idées plus claires et demieux gérer les émotions.

« L’effort physique est un bonexutoire, assure Stéphanie Barsot-ti. Il sécrète dans l’organisme uncertain nombre d’hormones, tellesque la dopamine ou encore la séro-tonine, qui régule l’humeur, le som-meil, l’appétit. En accord avec lesmédecins, il m’est souvent arrivé desevrer des patients d’un traitementmédical en le remplaçant par uneactivité adaptée à leurs besoins. »Mieux vaut faire 15 minutes desport par jour et une bonne séan-

HENRI DE LESTAPIS

Le sac de frappe de Lucile Grent-zinger arrivera-t-il entier au boutdu confinement ? Depuis qu’elles’est réfugiée en Bretagne, la jeunefemme, armée de ses gants deboxe, lui flanque deux fois par jourune dérouillée de kangourou,durant 45 minutes. Égalementadepte de crossfit, de vélo et detrekking, la pratique du sport estchez elle une seconde naturequ’elle a été contrainte de réfrénerces dernières semaines.

En 2019, Lucile Grentzinger aouvert avec Nicolas François-Ma-zella, à Pantin (Seine-Saint-De-nis), Blast, un parcours d’obsta-cles en intérieur. La discipline a levent en poupe. Avant de créer sonentreprise, Lucile Grentzinger atravaillé durant trois ans dans uneagence de publicité, sans trouverle temps de pratiquer de sport.Cela lui a rappelé combien la dé-pense physique lui était nécessai-re. « Mon niveau de stress avaitsingulièrement augmenté, analy-se-t-elle. Je me suis mise à la boxefrançaise car c’est un sport de ré-flexes, qui vide la tête. Cela m’aaidée lors de la création de Blast,car lorsqu’on lance son entreprise,on ne pense plus qu’à ça. »

Tout aussi adepte de sport,Steven Keraudy ne voit pas leschoses du même œil. Il ne décom-presse que lorsqu’il est suspendupar un bout de phalange dans unevoie d’escalade. En 2013, avecson frère Erwan, ils ont crééCybelAngel, une entreprise decyber sécurité spécialisée dans la

Les sportifs confinés ne lâchent rienLes entrepreneurs adeptes d’activités physiques se débrouillent pour pratiquer leur discipline malgré tout.

Nicolas d’Hueppe, dirigeant d’Alchimie, poursuit ses randonnées cyclistes dans son salon.COLLECTION PERSONNELLE

GUILLAUME MOLLARET £@Newsdusud

La crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19 fait passer de sales nuits aux chefs d’entreprise. Dans ce contexte an-xiogène, deux cas de figure se pré-sentent : l’inactivité professionnel-le forcée pour les uns ; la suractivité, pour les autres. « Ces deux cas de figure, que je rencontre aujourd’hui chez les chefs d’entre-prise, conduisent au même problème d’insomnie introduite par un chan-gement d’habitude : à savoir un coucher précoce ou un lever tardif », explique Ber-trand de La Giclais, médecin du som-meil à Annecy. Il livre ici quel-ques conseils pour gagner en sommeil réparateur.

Contraire-ment aux idées reçues, ce n’est pas parce que l’on se couche plus tôt qu’à son habitude que l’on dort mieux. « On ne dortjamais plus que ce dont on a besoin », prévient Bertrand de la Giclais. Ainsi, le médecin invite à ne pas confondre fatigue et besoin de sommeil. « Pour un chef d’entre-prise subissant une situation plus stressante que d’ordinaire, expli-que-t-il, il convient de respecter l’heure à laquelle il se couche habi-tuellement même si la tentation de se coucher à une heure avancée est for-te. Pour cela, il faut maintenir une activité stimulante telle que la lectu-re d’un livre, d’un magazine, ou bien échanger avec les personnes avec qui l’on vit plutôt que de passer la soirée allongé sur un canapé. Sinon, c’est une somnolence assurée… avec un risque d’insomnie qui se profile. »

De même, pour les patrons ensituation de chômage partiel, rester

au lit plus longtemps n’est pas une solution. « C’est en fait un cercle vicieux, souligne le somnologue. Cela impacte sa qualité et engendre de l’insomnie. » Ainsi, pour les per-sonnes souhaitant se lever une heure plus tard, le médecin les invite à se coucher également une heure plus tard afin de ne pas rogner sur leur capital de sommeil réparateur.

Chasser les idées toxiquesDans la période d’incertitudes actuelle, Bertrand de la Giclais conseille aujourd’hui, plus encore qu’hier, de chasser les idées toxi-

ques avant le coucher. Pourcela, il invite notam-

ment à ne pas seconnecter à des

éléments liés autravail, à ne pasregarder defilms d’horreurou à ne pas lirede romans po-liciers. « Dans

les dix minutesprécédent le cou-

cher, il faut privilé-gier quelque chose

de relaxant, tel qu’uneBD ou une biographie,

conseille-t-il. Il convient également de ne pas consulter son téléphone ou sa tablette qui émettent une lumière bleue nocive. La lecture d’une liseuse électronique est en revanche adaptéeà la phase précédent le coucher. »

Si une sieste peut s’avérer répa-ratrice, celle-ci – notamment en période de suractivité ou de sous-activité professionnelle - ne doit cependant pas excéder 20 minutes. « Au-delà, on rogne sur le temps de sommeil de nuit, rappelle le méde-cin. Propre à chacun (de 6 à 10 heu-res), il n’est ni extensible, ni réducti-ble. » En ne limitant pas le temps de sieste, le dirigeant prend alors le risque d’une insomnie noctur-ne… Un réveil prématuré égale-ment propice à l’émergence d’idées stressantes. ■

20minutes

Durée conseillée pour une sieste afin

qu’elle n’empiète pas sur le sommeil

nocturne

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mercredi 6 mai 2020 LE FIGARO

A

42 DOSSIER

Le cabinet d’expertise comptable Axens emploie 120 personnes. AXENS

FRÉDÉRIC DE MONICAULT [email protected]

L’explosion du télétravail n’estpas le seul phénomène qui marqueactuellement les entreprises. Il enest un autre, plus discret et qui nedoit rien à la pandémie : le travaildebout, quand, depuis des décen-nies, dans la vie de bureau, la po-sition assise est de mise. « Depuisune petite dizaine d’années, uneprise de conscience est peu à peuintervenue dans les univers profes-sionnels. Elle tient en trois mots : ilfaut bouger », résume ManuelDe Sousa, directeur du marketingopérationnel de Haworth, sociétéd’aménagement des espaces detravail.

Les pays scandinaves ont étépionniers. Leur approche est à lafois physique et mentale : un col-laborateur qui n’est pas vissé à sonsiège prend soin de sa santé etaméliore son potentiel. Cela sous-tend une réflexion sur l’ergono-mie du poste du salarié, avec sesmultiples implications : tempspassé, contenu des tâches, néces-sité ou pas de se déplacer, densitédes échanges…

« La première raison qui justifiela position debout est d’ordre médi-cal. C’est un excellent moyen deprotéger et d’anticiper les éven-tuelles pathologies du dos », préci-se Manuel De Sousa. Pour tousceux qui campent assis devantleur ordinateur des heures durant,la spirale infernale du fauteuil debureau est implacable : on démar-re la journée bien droit devant sonécran avant de s’affaler peu à peu,la tête en avant et le dos rond.C’est une voie qui mène tôt outard à des troubles musculo-sque-lettiques. « Ce n’est pas seulement

la colonne vertébrale qui bénéficiede la posture debout ; toute la cir-culation au sein du corps s’en trou-ve améliorée. Dès lors qu’on s’inté-resse à la biodynamique, les vertusapparaissent rapidement. Cela peutlimiter en particulier la prise depoids », ajoute Manuel De Sousa.Il n’est pas question de dire quecette posture offrira de but enblanc des solutions thérapeutiquesmiraculeuses, mais elle proposecertainement des options pour ré-duire les inconvénients tradition-nels de la vie de bureau.

Comme au ping-pongLe travail debout, ce sont ceux quil’expérimentent qui en parlent lemieux. Stanislas de Rémur, le PDGcofondateur de l’éditeur de logi-ciels Oodrive, a mis en place cettesolution il y a cinq ans. Quelquesarticles de presse sur le sujetl’avaient alors intéressé, l’un fai-sant même référence à un cadrequi courait sur un tapis devant sonordinateur. « Aujourd’hui, raconteStanislas de Rémur, je ne revien-drais en arrière pour rien au mon-de. En étant debout, on prend de lahauteur à tous les sens du terme. »Il estime que la créativité est su-périeure quand on travaille de-bout.

Est-ce à dire que les idées fusentplus vite ? « D’abord et avant tout,les réunions ne durent plus desheures : on va droit à l’essentiel.Ensuite, le propos est plus dynami-que. Je me suis aperçu qu’une posi-tion assise prolongée nuisait sou-vent à la concentration », constateStanislas de Rémur.

Pour Manuel De Sousa, cela nefait aucun doute : quand onéchange debout à plusieurs, l’es-prit de groupe s’en trouve aussitôtbonifié ; les idées s’enchaînent et

rebondissent, comme au ping-pong. À charge pour chaque en-treprise de sélectionner les outilsqui lui conviennent le mieux.

La plupart des enseignes spé-cialisées disposent désormais debureaux modulables (réglables enhauteur), avec des prix d’entréede gamme autour de 600 euros. Lafacture peut vite grimper si lesproduits sont dans des matériauxnobles ou s’accompagnent d’unpilotage de précision. Il peut aussiy avoir des chaises assorties.

Stanislas de Rémur précise quepersonne chez Oodrive n’est obli-gé de travailler debout. L’expé-rience montre qu’il faut au moinsdeux à trois semaines pours’adapter. « Certains essaient maisfinissent par renoncer, un peu re-butés par ce délai initial », souligneStanislas de Rémur. Quelle quesoit l’entreprise, il n’est évidem-ment pas question de travaillerdebout toute la journée. Seloncertains ergonomes, un bon ryth-me quotidien serait 60 % debout,30 % assis et 10 % passés à se dé-placer, dans le cadre de pauses.

Par la force des choses, le confi-nement empêche, sauf exception,de déplacer les bureaux modula-bles. Mais rien n’empêche, chezsoi, de continuer à travailler de-bout une partie de la journée. Ain-si, une conversation téléphoniqueest l’occasion de faire quelquespas et de rythmer ainsi ses proposet, accessoirement, de se détendreun brin. Dans quelques jours, en-viron un cinquième de leurs effec-tifs reviendra dans les entreprises.Ceux qui ont été convaincus par lefait de travailler debout voudronttrès vite retrouver leurs habitu-des. Ils disent tous éprouver unsentiment de liberté, qui n’a passon pareil en ce moment. ■

Au bureau, ils travaillent debout Moins s’asseoir est meilleur pour le dos et pour la créativité.

MALLORY LALANNE £@MalloryLalannne

L’employeur a l’obligation de fai-re tout ce qui est nécessaire pourque la santé des collaborateurssoit préservée.

uAssurer un suivi médicalDepuis le 1er janvier 2017, en

application de la loi El Khomri du8 août 2016, la visite médicaled’embauche a été remplacée parune visite d’information et deprévention. Elle doit avoir lieudans un délai de trois mois à partirde la prise effective du poste detravail et être renouvelée dans undélai maximum de cinq ans. « Lessalariés exposés à des risques par-ticuliers, comme l’amiante, leplomb, des agents toxiques, fontl’objet d’un suivi renforcé par rap-port aux autres collaborateurs »,précise Laetitia Ternisien, avocateen droit social du cabinet Jeantet.La visite d’information et de pré-vention est remplacée par un exa-men médical d’aptitude renouve-lé dans un délai de quatre ans auplus.

uPrévenir les risquesL’employeur doit rédiger et

communiquer un documentd’évaluation des risques profes-sionnels. Il doit recenser les ac-tions prises pour limiter ces dan-gers. Cela peut aller del’installation de bandes antidéra-pantes sur un escalier à l’aména-gement de pauses pour limiter lestemps d’exposition aux ambian-ces physiques inconfortables, enpassant par le port d’un casque oude gants. « Ce document doit être

mis à jour très régulièrement, rap-pelle Laetitia Ternisien. Dans uncontexte de risque épidémique,l’entreprise doit identifier les cir-constances dans lesquelles les sala-riés peuvent être exposés au viruset mettre en œuvre les mesures né-cessaires pour éviter ou, à défaut,limiter au maximum le risque. »

uProposer une mutuelle Depuis 2016, les employeurs du

secteur privé doivent fournir unecouverture de remboursementdes frais de santé et de maternité àleurs salariés ainsi qu’une pré-voyance (décès et incapacité detravail) et de participer au moins àhauteur de 50 % du coût des coti-sations. Pour la complémentairesanté, le panier de soins minimaldoit proposer l’intégralité du tic-ket modérateur sur les consulta-tions, actes et prestations rem-boursables par l’assurance-maladie, la totalité du forfaitjournalier hospitalier, les fraisdentaires à hauteur de 125 % dutarif conventionnel et les fraisd’optique forfaitaires (prise encharge d’au moins 100 euros pourdes verres simples et la monture,de 150 euros pour des verrescomplexes et la monture). Cetteobligation s’applique quelle quesoit l’ancienneté du salarié. Ce-pendant, un collaborateur en CDDde moins de 3 mois ou disposantdéjà d’une couverture collective(par exemple en tant qu’ayantdroit) peut être dispensé d’adhé-sion. En cas de licenciement (horsfaute lourde), l’entreprise doitproposer le maintien de la cou-verture complémentaire santé etprévoyance pendant 12 moismaximum. ■

Santé : ce que dit la loi Trois grandes obligations incombent aux entreprises.

« M’asseoir, fermer les yeux, respirer… »

de sophrologie. Mais, fort de leur succès,le cabinet espère pouvoir les proposer à nouveau dès septembre. D’autant que pour ce premier essai, l’entreprise a réussi à bien maîtriser les coûts fi-nanciers en faisant appel à un sophro-logue en stage qui cherchait à valider son diplôme.

Qualité de vie au travailSi la DRH ne peut s’engager sur le fait que les séances aident réellement les salariés en cette période de télétravail forcé, elle estime que la pratique de la discipline les a sans nul doute aidés à aborder cette période fiscale « plus sereinement ». Du côté des salariés, les bénéfices semblent en effet bien réels. « Les retours à chaud étaient tous très po-sitifs », s’enthousiasme la DRH.

Véronique Drevet a apprécié le lâcherprise durant les séances. « Cela s’appa-rente presque à de l’hypnose, raconte-t-elle. On doit focaliser notre esprit sur une partie du corps ou sur une situation avec une voix en fond qui nous guide. Cela permet de s’abandonner réellement et de ressentir un véritable bien-être ensuite. Lors des après-midi qui s’ensuivaient, nous étions plus détendus, débarrassés des pressions multiples et donc dans de meilleures dispositions pour accueillir ce qui arrivait. » Pour les salariés qui ont bénéficié de l’initiation, l’objectif semble atteint. « On en ressort changé », confirme-t-elle. Mais cela ne reste qu’une découverte de la discipline qui ne permet pas d’aller très loin : « Nous n’avons pas 56 réflexes ou solutions car peu de pratique », ajoute-t-elle.

Tous les collaborateurs du cabinet,aujourd’hui massivement en télétravail, essaient de mettre en pratique les tech-niques apprises. Ainsi, quand survient un événement stressant, Véronique Drevet a pris l’habitude de décliner les exercices de respiration pour retrouver une certaine sérénité. « Lorsque je suis submergée par la pression, dit-elle, j’ai adopté le réflexe de m’arrêter, de m’as-seoir, de fermer les yeux et respirer, même en étant à la maison. »

Elle reconnaît néanmoins que cettepratique ne convient pas à tous et quechacun doit trouver la solution la plusadaptée pour retrouver son calme. Cet-te sportive avoue d’ailleurs apprécierde pouvoir se défouler physiquementpour se libérer. « Ces ateliers m’ont ce-pendant permis de découvrir de nouvel-

CHARLOTTE DE SAINTIGNON £@ChadeSaint

« Notre métier est assez stressant, surtoutentre le 31 janvier et le 31 mai qui sont des périodes de stress intense », témoigne Véronique Drevet, superviseur en comptabilité au sein du cabinet rhônal-pin d’expertise-comptable Axens de-puis trente-deux ans. « Dans les métiers de la comptabilité, la notion de saisonna-lité est très forte avec une période fiscale très éprouvante pour les équipes », confirme Émilie Martel, DRH d’Axens. En quatre mois, les équipes doivent réa-liser 80 % de la production comptable del’année. Pour réduire le taux de sortie à moins de 10 % – il est actuellement de 15 % –, le cabinet a entrepris, il y a deux ans, de mettre en place un programme de qualité de vie au travail pour ses 120 collaborateurs répartis sur quatre sites.

Grâce à des questionnaires adminis-trés, la direction a recueilli leur avis sur le sujet. L’analyse des résultats a révélé que le stress était un élément négatif omniprésent. Pour le juguler, le groupe de travail chargé de plancher sur le thè-me de la santé a opté pour des ateliers de sophrologie. Entre octobre et février, 40 collaborateurs volontaires ont ainsi pu participer pendant une heure aux ateliers hebdomadaires dispensés dans la salle de déjeuner de l’entreprise sur la pause de midi.

« Nous avons été surpris de l’engage-ment des salariés qui ont intégré les séan-ces dans leur planning afin de ne pas manquer de séance », se félicite Émilie Martel. Malheureusement, à l’heure de la crise sanitaire, les réunions sur la san-té et le bien-être au travail sont en stand-by et par là même les ateliers

les solutions que je n’avais pas envisa-gées. » Pour Axens, la sophrologies’inscrit dans son programme plus vas-te et d’une philosophie plus généralepour favoriser la qualité de vie au tra-vail. Depuis cinq ans, le cabinet, quicompte de nombreux jeunes parentsdans ses équipes, a proposé à ses colla-borateurs un rythme de travail compa-tible avec leur vie privée. « À la diffé-rence d’autres cabinets d’expertise-comptable, explique la DRH, ilsn’arrivent pas avant 9 heures et repar-tent au maximum vers 18 heures ou18 h 30. Surtout, ils ne travaillent pas lesamedi, même en pleine saison fiscale.Il faut être cohérent : proposer de lasophrologie aux salariés quand on leurdemande de travailler 45 heures parsemaine n’a pas de sens. » ■

Aujourd’hui,je ne reviendrais en arrière pour rien au monde. En étant debout, on prend de la hauteur à tous les sens du terme»STANISLAS DE RÉMUR, PDG D’OODRIVE

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mercredi 6 mai 2020 LE FIGARO

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44 DOSSIER

La chimiothérapie de LaurentPerrin a porté ses fruits. Plusieurs mois de traitement ont eu raison de la maladie. Peu après sa rémission, Mathilde Collin et lui, ont rencontréle fonds d’investissement améri-cain Sequoia Capital, qui a mené un tour de table de 66 millions de dol-lars avec Front début 2018. Le directeur technique a ouvert une antenne parisienne pour se rappro-cher de sa famille.

Sensibiliser ses équipesQuant à Mathilde Collin, elle a déci-dé de sensibiliser ses équipes à l’hy-giène de vie qui lui a permis de tra-verser cette épreuve. Elle a mis en place un cours de méditation heb-domadaire, à l’heure du déjeuner. Surtout, Front verse 200 dollars par mois à tous ceux qui passent moins de deux heures par jour sur leur smartphone. Une somme à dépen-ser dans des activités de bien-être, comme le yoga ou l’ostéopathie.

Pour y avoir droit, « il suffit de pré-senter aux ressources humaines la copie d’écran du rapport de temps d’écran de son téléphone », précise ladirigeante. Environ 35 salariés sur les 170 ont relevé le défi. Enfin, elle les encourage à se déconnecter totalement pendant les vacances. Sa solution collaborative permet juste-ment aux collègues de prendre le relais. « Pour réussir à long terme, une entreprise doit avoir des salariés résilients, qui mettent leur santé et leur bonheur en haut de leurs priori-tés », résume Mathilde Collin. Cette politique a l’air de fonctionner. Avec plus de 5 000 clients, Front a encore levé 59 millions de dollars en janvier auprès de ses investisseurs historiques et a été distingué l’an dernier par le magazine Forbes dans sa liste des futures licornes. D’une épreuve personnelle, les deux diri-geants ont su tirer une vision huma-niste et durable de leur activité. Et le destin leur sourit de nouveau. ■

THOMAS LESTAVEL £@lestavelt

Le destin a d’abord souri à Mathilde Collin et Laurent Perrin, les deux fondateurs de Front. La société fon-dée en 2013, dont la solution cen-tralise les outils de communication des entreprises pour fluidifier les échanges entre collaborateurs, avait à peine soufflé sa première bougie qu’elle levait déjà plus de trois millions de dollars auprès d’un fonds californien. Elle a rejoint dans la foulée l’Y Combinator, l’accélé-rateur de start-up le plus presti-gieux au monde, et s’est installée à San Francisco. Elle y a conquis des clients prestigieux comme Cisco ou Microsoft, bouclant en 2016 une deuxième levée de fonds de 10 mil-lions de dollars.

Mais rien n’est jamais acquisdans la vie. Cette même année, le16 décembre exactement, LaurentPerrin envoie un message à sa par-tenaire car il veut « lui parler dequelque chose ». Ils sortent dans larue et le directeur technique luiannonce la mauvaise nouvelle. Sonmédecin vient de lui diagnostiquerun cancer des testicules. La mala-die menace de se propager dans lespoumons. Une chimiothérapies’impose. Le choc est terrible pourla cofondatrice, qui a développé deprofonds liens d’amitié avec sonassocié.

Son quotidien est bouleversé.« Je me suis retrouvée seule à la tête de la société. Je rendais visite à Lau-rent plusieurs fois par semaine », ra-

« Il y a des choses plus importantes dans la vie que mon entreprise »

Mathilde Collin et Laurent Perrin,les deux fondateursde Front, une start-upqui aide les entreprises à centraliser leurs outils de communication pour fluidifier les échanges entre collaborateurs.FRONT

d’activité. « Par des mouvementsoculaires stimulés au moment pré-cis où la personne se remémore lechoc, on parvient à réactiver lescapacités cérébrales naturelles.C’est pour cela que l’EMDR est ap-plicable tant pour la guérison detraumatismes anciens que ré-cents », explique Anne Charbon-nel, psychologue à Nîmes et Paris,adepte de cette pratique depuisune dizaine d’années.■

G. M.

thérapie psychologique reposantsur la « stimulation d’un mécanis-me neuropsychologique complexe,présent en chacun de nous, qui per-met de retraiter des vécus trauma-tiques non digérés à l’origine de di-vers symptômes, parfois trèsinvalidants », expliquent ses dé-fenseurs. Ainsi, cette thérapie se-rait particulièrement indiquéepour l’accompagnement d’un di-rigeant victime d’un traumatismelié, par exemple, à une cessation

plôme universitaire d’hypnosemédicale à l’université de Mont-pellier. Pour parvenir à s’y plon-ger, le plus difficile est sans doutede faire l’analyse de son proprefonctionnement et de son inadapta-tion à une situation donnée. En gé-néral, trois à cinq séances de for-mation, de 60 minutes environ,peuvent suffire à trouver en soi lesclés de compréhension de ces mé-canismes afin de les corriger lorsd’une autohypnose. » Ainsi, ungrand nombre de techniquesd’autohypnose permettent d’iso-ler son stress pour le chasser enquelques minutes, par exempleavant une prise de parole impor-tante. Reste que l’apprentissagede cette discipline n’est pas enca-dré sur le plan éthique… AussiIsabelle Nickles invite-t-elle à laprudence dans le choix de la per-sonne consultée, à plus forte rai-son si cette dernière n’est pas pro-fessionnelle de santé.

L’EMDRL’EMDR, qui répond à un acrony-me anglais signifiant « désensibi-lisation et retraitement par lesmouvements oculaires », est une

conte Mathilde Collin. Elle se lance à corps perdu dans le travail pour maintenir la société à flot, combler son anxiété et « ne pas trop cogi-ter ». Mais son organisme peine à suivre le rythme. Au bord du burn-out, elle doit s’arrêter deux semai-nes. Elle se rend compte qu’elle doit prendre soin d’elle. « Je me suis mise à la méditation, j’ai revu mon alimentation et j’ai consulté un psy-chologue », relate-t-elle.

L’emprise du smartphonePour réduire l’emprise de son smartphone, elle supprime les noti-fications, puis désinstalle ses appli-cations – d’abord Facebook, WhatsApp, ensuite les actualités et même des applis de travail comme Slack. « J’ai gardé les applications indispensables comme Uber pour le transport ou Venmo pour le paie-ment », glisse-t-elle. Plus simple, dans ces conditions, de décrocher après le travail.

Mathilde Collin a profité de cettepériode de remise en question pour instaurer de nouveaux rituels. « Lorsque je me réveille, à 6 h 30, je commence ma journée par une séan-ce de méditation pleine conscience », confie l’entrepreneuse de 29 ans quipratique aussi le yoga, le tennis, l’escalade et le kitesurf. Grâce à son nouvel équilibre de vie, elle se sent plus ancrée dans le présent : « Je fais mieux la part des choses. Si je fais du sport, par exemple, je ne pen-se pas au travail. J’ai retrouvé de l’énergie et de l’enthousiasme ».

La grande leçon qu’elle tirede cette expérience ? « Il y a des choses plus importantes dans la vie que mon entreprise. Une philoso-phie d’autant plus raisonnable que la majorité des start-up échoue et disparaît ! « Toutes les entreprises dumonde naviguent entre les bonnes et mauvaises nouvelles. Mon bonheur ne doit pas être lié à ces montagnes russes », assure-t-elle.

Des techniques pour mieux gérer le stress

La sophrologie est une méthode exclusivement verbale et non tactile, qui fait usage d’un ensemble de techniques qui vont agir aussi bien sur le corps et sur le mental.KASPARS GRINVALDS/ STOCK.ADOBE.COM

résorption d’une situation destress ponctuel, telle qu’on peut lavivre durant cette période deconfinement. « Quelques exercicessimples permettent d’orienter l’at-tention en soi. La sophrologie nousapprend à mettre le monde exté-rieur entre parenthèses pour gérerun stress ou une émotion », dé-taille-t-elle en invitant chacun àfermer les yeux quelques secondespar jour en se concentrant sur sapropre respiration, ce qui auraitpour effet de neutraliser le stress.« Que l’on soit dans le métro ou entélétravail devant son ordinateur, ilfaut envisager la sophrologie com-me une pratique sportive bienqu’elle demeure une activité cal-me », soutient Christelle Delarue.Ainsi, les partisans de cette disci-pline affirment que malgré la sen-sation entre veille et sommeil pro-voquée par l’application de sespréceptes, la conscience et l’étatde confiance en soi se trouventnaturellement renforcées par lapratique de cet exercice mental.

L’autohypnosePour appréhender l’autohypnose,il faut d’abord mettre de côté tousles clichés véhiculés par la culturepopulaire. Car l’hypnose, si ellefait la fortune des cabarets, estégalement pratiquée à des finsmédicales, notamment pour rem-placer la sédation chimique lorsde certaines opérations chirurgi-cales. À la portée de tout un cha-cun, la pratique de l’autohypnoseconsiste à se plonger volontaire-ment dans cet état de conscienceparticulier. Elle est même ensei-gnée en faculté de médecine.« L’autohypnose invite à l’autono-mie et à pouvoir se recentrer sursoi-même en invitant à l’apaise-ment, explique Isabelle Nickles,médecin et responsable d’un di-

GUILLAUME MOLLARET £@Newsdusud

L’inquiétude est cause de repli sursoi. À plus forte raison en périoded’épidémie et de confinement oùl’on doit se tenir à distance de sessemblables… Malgré le déconfine-ment promis à l’activité de cer-tains chefs d’entreprise le 11 mai,les conditions de la reprise de-meurent floues. À quelques joursde cette sortie de tunnel, il restedonc difficile pour ces dirigeantsd’afficher enthousiasme et opti-misme. Plusieurs disciplines per-mettent pourtant, grâce à desexercices simples, de gérer sesémotions et d’échapper à une spi-rale négative. Petit tour d’hori-zon, non exhaustif, de techniquesproposant de s’affranchir d’unesensation mal vécue et de l’inscri-re dans une dynamique positive.

La sophrologieCette discipline fondée dans lesannées 1960 par un neuropsy-chiatre espagnol vise à « harmoni-ser le corps et l’esprit ». Méthodeexclusivement verbale et non tac-tile, elle fait usage d’un ensemblede techniques qui vont agir aussibien sur le corps et sur le mental« en combinant des exercices quitravaillent à la fois sur la respira-tion, la décontraction musculaire etl’imagerie mentale, aussi appeléevisualisation », explique la cham-bre syndicale de la sophrologie ; etde préciser que « toutes ces techni-ques permettent d’acquérir unemeilleure connaissance de soi etd’affronter les défis du quotidienavec sérénité ». Pour ChristelleDelarue, sophrologue intervenantnotamment dans un hôpital privéde Haute-Savoie, sa discipline pa-raît particulièrement adaptée à la

Des exercices simples pour se relaxerSans pour autant suivre un programme ou une formation, il est possible dans une journée où le temps est contraint de pratiquer quelques exercices simples de relaxation. « Cela peut paraître absurde dit ainsi, pourtant, la plupart des gens ne savent pas respirer car ils n’écoutent pas leur corps durant la journée », pointe la psychologue Anne Charbonnel. Ainsi, à ceux souhaitant s’initier à un court exercice déstressant, cette thérapeute conseille les applis sur mobile gratuites Petit BamBou ou Insight Timer. « Ce sont des applis de méditation d’idées », poursuit-elle. Elles proposent des exercices d’inspiration-expiration par grappes de 5 secondes. Pour pratiquer, il suffit de se concentrer sur une image. Le but est de porter son attention sur sa respiration afin de se libérer d’un stress ou d’une tension ponctuelle, ce qui correspond à un exercice de cohérence cardiaque particulièrement apaisant. G. M.

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LE FIGARO mercredi 6 mai 2020

A

45DOSSIER

plaisantes. Il observe les penséesqui émergent, en s’efforçant de nepas s’y accrocher. « Dans monquotidien d’entrepreneur, tout vatrès vite, raconte décrit DorianTourin-Lebret. J’ai des dizaines dedécisions à prendre chaque jour.Parfois, je me sens submergé parles émotions. Alors je médite et engénéral ça m’apaise. Cela ne mar-che pas à tous les coups : je diraisdeux fois sur trois ! »

Les exercices méditatifs, qu’ilpratique également lorsqu’il mar-che ou qu’il cuisine, l’aident aussidans sa relation aux autres. Il y aquelques années encore, le jeunepatron redoutait les échanges aveccertains salariés critiques ou colé-

À l’heure où le déconfinement est une préoccupation générale, les dirigeants doivent relever le défi d’assurer la continuité de leur activité en intégrant l’enjeu de sécurité sanitaire.

■ Le code du travail impose à l’employeur de prendreles mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation, à l’origine considérée comme une obligation de résultat, est aujourd’hui une obligation de « moyen renforcée ». L’employeur doit prouver qu’il a mis en œuvre les mesures nécessaires. Le gouvernement a précisé le maintien de cette obligation en période d’épidémie.

■ Les arrêts de La Poste et d’Amazon démontrent que cette obligation est de nature à impacter la gestion de l’entreprise puisqu’elle peut mener à la suspension de l’activité. L’étendue des obligations des employeurs sera très probablement précisée au fil des prochains jugements.

■ L’employeur doit mettre en place les mesures utiles visant à éviter l’exposition des salariés aux risques et si celle-ci ne peut être évitée, mettre en place une politique de prévention pertinente reposant sur : l’évaluation des risques et la mise en œuvre des actions de prévention.

■ Il doit associer l’ensemble des acteurs à l’évaluation des risques (médecine du travail, représentants du personnel, salariés, etc.) qui doit notamment être reprise dans le document unique d’évaluation des risques, règlement intérieur, etc. L’approche doit être concrète et pragmatique, selon les réalités des postes, l’environnement de travail et les situations particulières.

■ Le ministère du Travail et certaines branches mettent à disposition des outils précisant des préconisations sanitaires applicables. Les mesures de prévention retenues doivent s’accompagner d’une information et de formations adaptées et individualisées des salariés ; elles doivent être actualisées selon des évolutions de la situation et des réalités de « terrain ».

■ En cas de défaillance, les risques sont divers (droit de retrait, contentieux, sanctions civiles - dommages et intérêts, prise d’acte, faute inexcusable, etc. - et sanctions pénales) mais ont aussi impact sur l’image de l’entreprise. Face à ces nouveaux impératifs et enjeux, il conviendra d’être vigilant quant aux prochaines évolutions légales et jurisprudentielles.

Plus récemment, le dirigeants’est mis au krav-maga, un sportd’autodéfense venu d’Israël. Cro-chets, directs, uppercuts, coupsde coude… Privé de cours collec-tifs à cause du confinement, il ré-pète ses enchaînements dans lasalle d’entraînement qu’il a instal-lée dans sa maison. « On n’a pasencore inventé l’apéro krav- magasur Skype, malheureusement ! »,plaisante le quinquagénaire. Grâceaux exercices d’autodéfense il« sort sa rage » et diminue son ni-veau de stress. « Cela me fait dubien d’extérioriser », résume-t-il.

En vogue chez les entrepre-neurs, la méditation constitue uneautre pratique pour face à l’anxié-té – et n’exige aucun équipement.L’imagerie médicale montre quela méditation active des zones ducerveau liées à l’attention, à la ré-gulation des émotions et à la mé-moire. Cela n’a pas échappé à Do-rian Tourin-Lebret, fondateur dela start-up Gaïactica qui conçoitdes serious games immersifs sur lethème du dérèglement climati-que. « Environ deux fois par semai-ne, explique-t-il, je médite sur uncoussin pendant une demi-heureavant d’aller au travail. En complé-ment, je fais des microméditations,trois ou quatre fois par jour, dès quej’en ressens le besoin. Elles durentquelques minutes et me permettentde me recentrer. »

C’est sa conjointe Jessica, pro-fesseur de musique en collège, quil’a initié à la méditation en pleineconscience selon la tradition dumoine bouddhiste Thich NhatHanh, fondateur d’un centre deméditation en Dordogne, le Villa-ge des Pruniers. Cette pratique ac-corde une importance cruciale à larespiration. Le méditant prête at-tention à son souffle, aux batte-ments de son cœur et aux moin-dres sensations de son corps,qu’elles soient agréables ou dé-

Des dirigeants trouvent l’apaisement dans la méditation Thierry Regnault a du mal, en cemoment, à trouver le sommeil. Lefondateur de la société de pompesfunèbres Reposeo.com croule sousle travail. Le nombre d’enterre-ments a été décuplé par le pic demortalité du Covid-19. « Il fautaller très vite, le risque d’erreur estmaximal, raconte-t-il. Nous de-vons gérer la souffrance desfamilles dans un contexte où les cé-rémonies sont interdites. » Quand ilse met au lit, il ressasse les dossiersen cours et les problèmes à régler.Pour s’endormir, il ne compte pasles moutons. Il a recours à desexercices qui ont déjà fait leurspreuves par le passé, lorsqu’il fai-sait des insomnies. Des respira-tions lentes qui « vont » du ventrejusqu’au cou, scan corporel de latête aux pieds, visualisation de si-tuations agréables… « Je m’imagi-ne pieds nus dans mon jardin, monmental s’efforce de ressentir l’herbefraîche sous ma plante de pied »,explique-t-il.

Cet adepte des disciplinesorientales a aussi besoin de mettreson corps en mouvement. Il a pra-tiqué pendant quinze ans le kung-fu, un art martial chinois qui a« des racines communes avec letai-chi ». En complément, il utilisedes techniques de souffle issues duqi-gong pour « parvenir à un bonniveau énergétique avant de faire(ses) enchaînements ». Humilité,discipline, recherche du gesteparfait, « exigence du samouraï » :les arts martiaux ne manquent pasde vertus pour l’entrepreneur.« Je suis devenu plus droit, plusprécis et plus franc grâce au kung-fu », estime Thierry Regnault.

“ Je m’imagine piedsnus dans mon jardin”THIERRY REGNAULT, REPOSEO

CATHERINE ABOU EL KHAIR £@catherinemabuse

Au début, son idée d’arrêter le ta-bac en groupe n’avait guère convaincu. « Quand j’ai lancé l’idéede devenir la première start-up de non-fumeurs, tout le monde m’a re-gardé avec de gros yeux », raconte Jérôme Varnier, fondateur, avec Romain Melloul et Olivier Lover-de, d’Innovorder, éditeur de logi-ciels pour la restauration. Pour-tant, quelques mois après avoir lancé ce défi dans son entreprise - avant le confinement – les salariés sortant fumer devant l’entrée des locaux s’étaient faits rares.

Créée en 2014, la jeune entrepri-se comptait une trentaine de fu-meurs sur plus d’une cinquantaine de salariés. Une proportion que Jé-rôme Varnier jugeait anormale-ment élevée. « La cigarette était au cœur de l’ADN de l’entreprise », explique l’entrepreneur de 28 ans. Par manque de salles de réunion, les collaborateurs se retrouvaient souvent dehors, contribuant à am-plifier cette habitude devenue pro-blématique. « Des non-fumeurs se plaignaient de ne pas avoir accès aux informations partagées lors des pauses cigarette », précise-t-il.

Pour arrêter net la consomma-tion de tabac au travail, JérômeVarnier n’a pas voulu changer uneformule qui gagne. Il a lui-mêmeréussi à arrêter la cigarette grâce àla méthode Allen Carr, du nom del’auteur (décédé en 2006) d’unbest-seller sur le sujet. Il a doncsollicité l’entreprise dépositaire

de cette méthode en France pourorganiser un atelier dans son en-treprise. Ce diplômé d’HEC a prisson bâton de pèlerin pourconvaincre les salariés de se lan-cer : « J’ai incarné ce sujet sur leregistre du défi, sans aller sur unregistre moralisateur et sans tropargumenter. Je passais voir lesgens en leur disant : “profitez devos dernières cigarettes”. » Cettedemande a été relayée par le ma-nagement, qui devait s’assurerque la participation à l’atelier, or-ganisé pendant le temps de tra-vail, n’alourdisse pas les agendasde chacun.

dangers de la cigarette.Une mé-thode qui s’est révélée efficacepour Yoann Gérard, chargé de dé-veloppement commercial. « Arrê-ter n’a pas été difficile, dit-il. Je mesuis rendu compte que le tabac nefaisait que renforcer mon stress. Etpuis je redécouvre des saveurs, j’aiun meilleur palais. » Fumeur de-puis l’âge de 15 ans, il avait prévud’arrêter le tabac avec sa compa-gne, en vue de la naissance de leurpremier enfant.

Le défi zéro fumeur lancé chezInnovorder est bien tombé.« L’effet collectif a beaucoup joué,estime Yoann Gérard. Arrêter defumer en groupe permet de résisteren cas de faiblesse. » Il décrit uncercle vertueux lié à cette émula-tion de groupe. « Avant, lors desafterworks, ajoute-t-il, nousétions très nombreux à rester enterrasse pour fumer, c’est moins lecas maintenant. Donc ceux qui fu-ment encore, fument moins. » Et deraconter qu’aux pauses cigarette,se sont désormais substituées despauses promenade…

Deux mois après l’expérience,plus des trois quarts des partici-pants avaient tenu bon, selon In-novorder. Dans l’intervalle, unehotline a été mise à disposition dessalariés pour prévenir les poten-tielles rechutes. Coût de l’opéra-tion pour l’entreprise : quelquescentaines d’euros par participant.« Ce n’est pas donné », estime Jé-rôme Varnier. Le budget a toute-fois été pris en charge pour moitiédans le cadre de la complémentai-re santé de l’entreprise.

Un bilan, un an après l’opéra-tion, était prévu pour s’assurer del’efficacité du programme à longterme. Mais, avec la pandémie etle confinement, potentiellementpropices à des rechutes, les résul-tats – que l’entreprise n’a pas en-core reçus - pourraient théori-quement se dégrader. « On neparle pas de ce sujet, on n’embêtepas les salariés avec ça », expliqueAnne-Sophie Karsenty, directricede l’acquisition des talents chezInnovorder.

Dans cette période de crise, enrevanche, les échanges à distancesur la nourriture vont bon train…Une autre manière de détendrel’atmosphère. ■

Résultat, une trentaine de sala-riés s’est rendue à la présentation de la méthode. « Je leur ai expliqué qu’ils n’avaient rien à perdre à ve-nir, pour voir ce que cela pouvait donner », poursuit Jérôme Varnier.

Pauses promenadeUne séance d’une demi-journée aensuite été organisée pour rentrerdans le cœur du sujet. L’atelieravait pour but de s’interroger surles ressorts de la dépendance autabac et identifier les appréhen-sions irrationnelles liées à la déci-sion d’arrêter, plutôt que d’abor-der le sujet sous l’angle des

« Devenir la première start-up non-fumeurs »

Romain Melloul Olivier Loverde et Jérôme Varnier, fondateurs d’Innovorder.INNOVORDER

CÉLINE KAMMERERAVOCATE ASSOCIÉE RÖDL & PARTNER

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Dorian Tourin-Lebret, fondateur de la start-up Gaïactica qui conçoit des serious games immersifs sur le thème du dérèglement climatique.COLLECTION PERSONNELLE

riques. Aujourd’hui, il dit s’ouvrirdavantage et prendre les chosesmoins personnellement. « La peuret la colère ont moins d’emprise surmoi. Un collaborateur qui m’a cô-toyé pendant des années m’a faitremarquer que j’étais plus dansl’écoute et moins dans la réaction »,sourit l’entrepreneur.

Gaël Duval, lui, évoque uneévolution semblable. « J’ai déve-loppé mon empathie, indique lefondateur de JeChange.fr, unePME de 110 salariés. Je me retrouvemoins souvent dans une posture deconflit avec les autres. » L’explica-tion ? Le dirigeant de 44 ans prati-que le yoga ashtanga depuis unedizaine d’années – après un acci-dent de vélo qui l’a obligé à re-noncer au cyclisme. Il a été initié àcette discipline par son épouse,Hélène Duval, professeur de yogaet fondatrice de la société Yuj (noséditions du 6 novembre 2019). De-puis la mi-mars, il pratique chezlui car les studios sont fermés. « Jefais du yoga en fin de journée et j’ensors apaisé. Je libère des toxines. Jesens que ça accroît ma capacité àme concentrer au travail », expli-que l’entrepreneur. En cette pé-riode mouvementée, chacun a sarecette pour retrouver un peu decalme intérieur.■ T. L.

“ Environ deux fois par semaine, je médite sur un coussin pendant une demi-heure avant d’aller au travail. En complément, je fais des microméditations, trois ou quatre fois par jour, dès que j’en ressens le besoin ”DORIAN TOURIN-LEBRET

Covid-19 : le dirigeant doit redoubler de vigilance en matière de sécurité sanitaire

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