5
Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 27—31 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com RUBRIQUE PRATIQUE Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au cours de l’intubation Audrey Solis 1 , Christophe Baillard Unité d’anesthésie-réanimation, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny, France Disponible sur Internet le 18 mars 2008 MOTS CLÉS Intubation orotrachéale ; Saturation artérielle en oxygène ; Obésité ; Hypoxie Introduction La préoxygénation consiste à faire respirer au patient dont la ventilation minute est suffi- sante de l’oxygène pur. C’est une manœuvre indispensable avant l’intubation. L’objectif de la préoxygénation est d’éviter une hypoxémie au cours de l’intubation et ses consé- quences cardiovasculaire et/ou neurologique. Il est établi que chez le sujet sain, trois à cinq minutes de préoxygénation permettent une réserve en oxygène suffisante pour cou- vrir la séquence d’intubation. Les réserves en oxygène de l’organisme sont pulmonaire, plasmatique, globulaire et tissulaire. L’efficacité de la préoxygénation est jugée d’après la quantité d’oxygène mise en réserve dans les poumons, la qualité de l’oxygénation du sang artériel qui en résulte et surtout la durée du maintien de celle-ci au cours de l’apnée qui précède l’intubation et la ventilation. Au niveau pulmonaire le contenu en oxygène dépend de la fraction alvéolaire en oxy- gène (Fa O 2 ) et de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF). C’est à ce niveau que la préoxygénation participe le plus efficacement à l’augmentation des réserves en oxygène pour un patient donné. Toute réduction de la CRF contribue à réduire l’efficacité de celle-ci. L’oxygénation pulmonaire ou dénitrogénation est mesurée par la fraction expirée d’oxygène (Fet O 2 ) et/ou d’azote (Fe N 2 ) à l’aide d’analyseurs à réponse rapide. Le critère d’oxygénation pulmonaire optimale est une Fet O 2 supérieure à 90 % ou une Fe N 2 inférieure à 5 %. Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (A. Solis), [email protected] (C. Baillard). 1 Photo. 1279-7960/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pratan.2007.12.005

Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au cours de l’intubation

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au cours de l’intubation

Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 27—31

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

RUBRIQUE PRATIQUE

Préoxygénation chez le patient à risque dedésaturation au cours de l’intubation

Audrey Solis1, Christophe Baillard ∗

Unité d’anesthésie-réanimation, hôpital Avicenne, 125,route de Stalingrad, 93009 Bobigny, France

Disponible sur Internet le 18 mars 2008

MOTS CLÉSIntubationorotrachéale ;Saturation artérielleen oxygène ;Obésité ;Hypoxie

Introduction

La préoxygénation consiste à faire respirer au patient dont la ventilation minute est suffi-sante de l’oxygène pur. C’est une manœuvre indispensable avant l’intubation. L’objectifde la préoxygénation est d’éviter une hypoxémie au cours de l’intubation et ses consé-quences cardiovasculaire et/ou neurologique. Il est établi que chez le sujet sain, trois àcinq minutes de préoxygénation permettent une réserve en oxygène suffisante pour cou-vrir la séquence d’intubation. Les réserves en oxygène de l’organisme sont pulmonaire,plasmatique, globulaire et tissulaire. L’efficacité de la préoxygénation est jugée d’aprèsla quantité d’oxygène mise en réserve dans les poumons, la qualité de l’oxygénation dusang artériel qui en résulte et surtout la durée du maintien de celle-ci au cours de l’apnéequi précède l’intubation et la ventilation.

Au niveau pulmonaire le contenu en oxygène dépend de la fraction alvéolaire en oxy-gène (FaO2 ) et de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF). C’est à ce niveau que lapréoxygénation participe le plus efficacement à l’augmentation des réserves en oxygènepour un patient donné. Toute réduction de la CRF contribue à réduire l’efficacité decelle-ci. L’oxygénation pulmonaire ou dénitrogénation est mesurée par la fraction expirée

d’oxygène (FetO2 ) et/ou d’azote (FeN2 ) à l’aide d’analyseurs à réponse rapide.

Le critère d’oxygénation pulmonaire optimale est une FetO2 supérieure à 90 %ou une FeN2 inférieure à 5 %.

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected] (A. Solis), [email protected] (C. Baillard).

1 Photo.

1279-7960/$ — see front matter © 2008 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.pratan.2007.12.005

Page 2: Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au cours de l’intubation

2

eduldpm6

ltlSepl

vived

rs

dpeldddftct

S

D

LltcCCaDt2rlepnsprrpl

A

LhndpCàdtdiminution du tonus des muscles inspiratoires en particu-lier diaphragmatiques. L’absorption (entrée supérieure à

8

Points essentiels

1. La préoxygénation a pour objectif d’accroître lesréserves en oxygène et d’augmenter la duréede tolérance à l’apnée. La capacité résiduellefonctionnelle représente la principale source deréserve en oxygène.

2. La réduction de la durée de tolérance à l’apnéeobservée chez l’obèse est proportionnelle àl’augmentation de l’index de masse corporelleet à la diminution concomitante de la capacitérésiduelle fonctionnelle.

3. Chez l’obèse morbide, la PaO2 et la duréede tolérance à l’apnée sont significativementaméliorées après une préoxygénation réalisée enposition proclive.

4. Chez la parturiente à terme, la diminution dela capacité résiduelle fonctionnelle, l’anémie etl’augmentation de la consommation en oxygènesont des facteurs de risque de mauvaise toléranceà l’apnée.

5. Aucune technique spécifique n’a montréd’efficacité dans l’amélioration de lapréoxygénation chez la parturiente.

6. Le patient de réanimation accumule tous lesfacteurs prédictifs de mauvaise tolérance àl’apnée : réduction du volume pulmonaire,bas rapport ventilation/perfusion, faibletaux d’hémoglobine et augmentation de laconsommation en oxygène.

7. La ventilation non invasive, comparée à unepréoxygénation standard, réduit la fréquenceet la profondeur des épisodes de désaturationobservés au cours de l’intubation chez le patienthypoxémique de réanimation.

L’oxygénation artérielle s’apprécie par la PaO2 , la SaO2

t la SpO2. Chez l’adulte sain, la préoxygénation permet

’obtenir des valeurs de PaO2 de l’ordre de 400 mmHg avecn maximum théorique de 670 mmHg. Pendant l’apnée,a PaO2 diminue d’environ 40 mmHg par minute. Au course la préoxygénation, la SpO2

n’est pas un bon indicateuruisque chez le sujet sain les valeurs sont déjà maxi-ales et correspondent à des PaO2 pouvant varier de 90 à

70 mmHg.C’est la chute de la SpO2

qui révèle a posteriori’insuffisance éventuelle de la préoxygénation. En défini-ive, deux paramètres sont immédiatement disponibles poure clinicien au cours de la préoxygénation : la FetO2 et lapO2

. L’information qu’ils transmettent est bien différentet complémentaire. La FetO2 est un indicateur prédictif etrospectif alors que la SpO2

est un indicateur rétrospectif de’efficacité de la préoxygénation.

Le masque facial doit être parfaitement appliqué sur le

isage. En effet, l’admission d’air ambiant réalisée par unenterface masque—visage non étanche altère très significati-ement la FiO2 délivrée au patient du fait d’un effet Venturit compromet l’efficacité de la préoxygénation [1]. L’utilitée la préoxygénation doit être expliquée au patient afin de

ssasr

A. Solis, C. Baillard

éduire l’anxiété associée à cette manœuvre et d’amélioreron acceptabilité.

La préoxygénation n’est pas un acte isolé mais s’intègreans une prise en charge globale des voies aériennes com-renant préoxygénation, avec ou sans ventilation au masquet intubation. Chaque séquence doit faire l’objet d’une éva-uation à la recherche de facteurs prédictifs d’échec oue difficulté. On comprend que chez le patient présentantes critères de ventilation et d’intubation difficile, le rôlee la préoxygénation devient primordial. Il existe plusieursacteurs ou situations limitant l’efficacité de la préoxygéna-ion. Il convient de les connaître car ceux-ci sont présentshez des patients présentant aussi des critères de ventila-ion et d’intubation difficile.

ujet obèse

iminution de la CRF

es volumes pulmonaires diminuent proportionnellement à’index de masse corporelle (IMC). La CRF est déjà ampu-ée de 25 % chez les patients présentant une obésité delasse 1 (IMC 30 kg/m2). Après induction anesthésique, laRF est réduite de l’ordre de 20 % chez le sujet sain.hez l’obèse morbide, (IMC > 40 kg/m2) cette réductiontteint 50 % de la valeur enregistrée avant l’induction.ans le travail de Damia et al. la CRF moyenne enregis-rée cinq minutes après induction est de 1,1 ± 0,3 l contre,25 ± 0,8 l avant induction [2]. La CRF étant la principaleéserve d’oxygène de l’organisme, les auteurs concluenteur discussion en proposant qu’une intubation vigile soitnvisagée chaque fois que possible, afin d’éviter touteériode d’apnée jugée à risque [2]. La diminution du tempsécessaire à la dénitrogénation alvéolaire observée en rai-on de la réduction de la CRF est un redoutable piègeour le praticien inexpérimenté [3]. En effet, l’obtentionapide d’une FetO2 supérieure à 90 % peut conduire à inter-ompre prématurément la préoxygénation, ce qui auraitour conséquence de réduire encore la durée de tolérance à’apnée.

télectasie et shunt

’anesthésie générale majore le shunt nécessitant une FiO2

abituellement de 30 à 35 % pour maintenir une oxygé-ation artérielle satisfaisante [4]. La mise en évidencee la formation d’atélectasies a été grandement facilitéear le développement de l’imagerie (tomodensitométrie).elles-ci siègent, en décubitus dorsal, préférentiellementhauteur du diaphragme et sont liées à des phénomènes

e compression, d’absorption et d’altération du surfac-ant. Le phénomène de compression s’explique par la

ortie de gaz alvéolaire) est favorisée par le trapping eturtout les FiO2 élevées. Les atélectasies sont observéesu décours immédiat de l’induction anesthésique. Ellesont majorées chez l’obèse et persistent bien après leéveil.

Page 3: Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au cours de l’intubation

cour

spàcle

P

Càlsssglndelr

eorgrrc

laspa[plspcnlp

auésaoApl

Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au

Diminution de la durée de la tolérance àl’apnée

Plusieurs travaux confirment qu’il existe une diminutionsignificative de la durée de tolérance à l’apnée (SpO2

≥ 90 %)chez l’obèse et montrent que celle-ci est corrélée à l’indicede masse corporelle (IMC) [3]. Ainsi, les patients pré-sentant un IMC moyen à 22, 32 et 43 kg/m2 tolèrentl’apnée (SpO2

≥ 90 %) pendant seulement six, quatre et deuxminutes, respectivement [3].

Optimisation de la préoxygénation

Utilisation de la ventilation non invasiveChez le sujet sain, l’application d’une pression expiratoirepositive (Pep) (6 cmH2O) au cours de l’induction anesthé-sique (dix minutes) prévient la formation d’atélectasie,améliore l’oxygénation artérielle et augmente la durée detolérance à l’apnée (SpO2

≥ 90 %). Chez le sujet présentantune obésité morbide, l’application d’une Pep de 10 cmH2Oréduit très significativement les atélectasies, améliorel’oxygénation artérielle et augmente la durée de tolérance àl’apnée [5]. Il faut cependant noter que dans ces études réa-lisées par la même équipe, l’amélioration de ces paramètresest obtenue après dix minutes (cinq minutes de préoxygé-nation, induction anesthésique et encore cinq minutes deventilation en pression positive au masque facial). Une autreéquipe ne retrouve pas d’amélioration significative de ladurée de tolérance à l’apnée (SpO2

> 90 %) lorsqu’une pres-sion positive continue de 7,5 cmH2O est appliquée pendantles trois minutes de préoxygénation.

Position en proclive (Tredenlenburg inversé)

Chez le sujet sain, la CRF diminue de la position debout àla position couchée. Sous anesthésie générale, 20 minutesaprès la mise en position proclive la CRF et la PaO2 sontaugmentées comparées à la position couchée. La duréede tolérance à l’apnée (SpO2 ≥ 90 %) est significativementaméliorée lorsque la préoxygénation est réalisée en posi-tion proclive à 45◦ et même 20◦. Chez l’obèse (IMC moyen35 kg/m2) et sous anesthésie générale, la mise en positionproclive permet de doubler la CRF et d’améliorer la PaO2 .Chez l’obèse morbide, la PaO2 et la durée de tolérance àl’apnée (SpO2 ≥ 90 %) sont significativement améliorées aprèsune préoxygénation réalisée en position proclive assise ou à25◦ [6].

Résumé

Chez le patient présentant une obésité morbide, la priseen charge des voies aériennes nécessite d’anticiper les dif-ficultés de ventilation et d’intubation. La réduction de ladurée de tolérance à l’apnée observée dans cette populationmajore à l’évidence le risque. Le praticien devant intuberun patient obèse morbide doit tout mettre en œuvre pour

d’une part optimiser la préoxygénation afin d’allonger ladurée de tolérance à l’apnée et pour d’autre part réduire ladurée même de l’apnée. La mise en position proclive mesuresimple améliorant l’efficacité de la préoxygénation doit êtreréalisée chaque fois que possible. La ventilation non inva-

L

Lr

s de l’intubation 29

ive est une approche séduisante sur le plan théorique etratique mais son efficacité en terme de durée de tolérancel’apnée n’est pas encore démontrée dans la stricte appli-

ation de la préoxygénation. Enfin, la nécessité de réduirea durée de l’apnée plaide pour la réalisation de l’inductionn séquence rapide.

arturiente à terme

omme chez l’obèse, une diminution du temps nécessairela dénitrogénation alvéolaire est observée en raison de

a réduction progressive de la CRF au cours de la gros-esse : 104 ± 30 secondes entre 13 et 26 semaines et 80 ± 20econdes entre 26 et 42 semaines. À la réduction de la CRF’associe une augmentation de la consommation en oxy-ène, deux facteurs prédictifs d’une mauvaise tolérance à’apnée alors que la PaO2 maternelle est aussi un détermi-ant essentiel de l’oxygénation du nouveau-né. La mortalitéu péripartum, induite par l’anesthésie générale, est liéen particulier aux échecs d’intubation associés ou non à’inhalation du contenu gastrique. Elle est, à l’évidence, leeflet d’une situation maternelle à haut risque.

L’efficacité de la préoxygénation chez la parturientest limitée. Durant l’apnée suivant trois minutes de pré-xygénation, la chute de la SpO2 à 95 % est atteinte plusapidement selon que la femme présente ou non unerossesse à terme [7]. Chez certaines parturientes, la tolé-ance à l’apnée est particulièrement courte pouvant êtreéduite à une minute malgré une préoxygénation bienonduite.

Comparée à la position couchée, la position assise amé-iore la PaO2 mesurée en ventilation spontanée en airmbiant et ce dès la fin du deuxième trimestre de la gros-esse. Pourtant la réalisation de la préoxygénation chez laarturiente à terme en position proclive (45◦) n’apporteucun bénéfice en terme de durée de tolérance à l’apnée7]. Il est possible que l’amélioration de la CRF obtenue enosition proclive chez l’obèse ne soit pas retrouvée cheza parturiente en raison de la présence d’un utérus gravide’opposant à la descente du diaphragme. Il est égalementroposé que la compression cave, en réduisant le débitardiaque et l’oxygénation tissulaire, explique les résultatségatifs de cette étude. Aucun travail à ce jour n’a évaluéa ventilation non invasive pour la préoxygénation chez laarturiente à terme.

En résumé, la mortalité associée à la réalisation d’unenesthésie générale chez la parturiente à terme reflètene situation à très haut risque. La préoxygénation est unetape fondamentale et donc incontournable. En dehors desituations d’extrême urgence, celle-ci doit être prolongéeu-delà de l’obtention d’une FetO2 supérieure à 90 %, valeurbtenue prématurément en raison de la réduction de la CRF.ucune étude à ce jour n’a pu mettre en évidence unerocédure permettant d’allonger la durée de tolérance à’apnée.

e patient hypoxique de réanimation

es complications associées à l’intubation orotrachéale enéanimation sont fréquentes et sévères [8]. Elles sont la

Page 4: Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au cours de l’intubation

3

cleclélac

dmdsDdoctdfm6i(lc

crndsoOtme

ollclddd(4gr1

evfifersrt

gmletugdh

nddana

C

LpdtvààdcdF

sdeotclcàmdétre

R

0

onséquence de conditions d’intubation difficiles et dea pathologie des patients. Près d’un tiers des patientsn insuffisance respiratoire aiguë présentent au cours deette procédure des épisodes de désaturation profonde de’hémoglobine (SpO2 < 80 %). L’hypoxémie est associée à desvènements morbides immédiatement observés au cours de’intubation (troubles du rythme, ischémie myocardique,rrêt cardiaque, séquelle neurologique) pouvant à l’extrêmeonduire au décès du patient [8].

L’efficacité de la préoxygénation peut être mise enéfaut chez les patients de réanimation. Le patient hypoxé-ique devant être intubé est en effet incapable paréfinition d’assurer spontanément une oxygénation satisfai-ante même sous oxygénothérapie à haute concentration.es modèles théoriques, cherchant à décrire la vitessee désaturation de l’hémoglobine au cours de l’apnée,nt permis de mieux préciser les principaux facteurs enause [9]. Le patient de réanimation accumule tous les fac-eurs prédictifs de mauvaise tolérance à l’apnée : réductionu volume pulmonaire, bas rapport ventilation/perfusion,aible taux d’hémoglobine et augmentation de la consom-ation en oxygène. À partir d’une modélisation, moins de

0 secondes d’apnée sont suffisantes pour obtenir une SaO2

nférieure à 80 % [9]. Il existe un faible gain en terme de PaO2

22 mmHg en moyenne) apporté par la préoxygénation chezes patients présentant une détresse respiratoire d’origineardiorespiratoire [10].

De facon surprenante, les incidents ou accidentsontemporains de l’intubation en réanimation ont jusqu’àécemment suscités peu d’interrogations comme si ces évè-ements étaient considérés comme une fatalité en raisone la gravité initiale des patients. Rendre l’intubation plusûre, c’est prévenir la survenue d’une hypoxie et dans cetbjectif, la préoxygénation a trop longtemps été négligée.n peut en effet s’étonner de l’absence du monitorage sys-ématique de la FetO2 (et de la FetCO2 ) compte tenu de laorbimortalité liée à la prise en charge des voies aériennes

n réanimation.La FetO2 est un des premiers paramètres méritant d’être

ptimisée. Il existe deux moyens ayant fait la preuve deeur efficacité et qui doivent être appliqués. Le respect de’étanchéité de l’interface masque—patient est importantar toute admission d’air ambiant altère la FiO2 délivrée eta FetO2 [1]. Le deuxième moyen consiste en l’utilisation’un ballon muni d’un réservoir par lequel l’oxygène estélivré. Sans réservoir la FiO2 est très dépendante du débit’oxygène et n’atteint que 70 % dans le meilleur des cas99 % en présence d’un réservoir). Une ventilation minute de,8 l nécessite un débit d’oxygène de 20 l par minutes pourarantir cette FiO2 . De nombreux rotamètres disponibles enéanimation délivrent un débit d’oxygène n’excédant pas5 l.

À l’instar du patient obèse morbide, la position proclivet la VNI sont des manœuvres qui en intervenant sur leolume pulmonaire peuvent en théorie apporter un béné-ce en terme d’oxygénation. La position proclive n’a jamaisait l’objet d’une évaluation dans cette indication et son

fficacité reste donc à démontrer. La VNI (VSAI—PEP) a étéécemment évaluée dans une étude bicentrique randomi-ée [11]. La VNI, comparée à une préoxygénation standard,éduit la fréquence et la profondeur des épisodes de désa-uration observés au cours de l’intubation. Comparés au

A. Solis, C. Baillard

roupe témoin, les patients du groupe VNI présentaient uneeilleure oxygénation après la préoxygénation évaluée sur

a PaO2 (226 ± 155 mmHg contre 119 ± 76 mmHg ; p < 0,001)t la SpO2 (98 ± 3 % contre 93 ± 6 % ; p < 0,05). Près de la moi-ié des patients (12/26) du groupe témoin avaient présenténe SpO2 inférieure à 80 % comparé à deux patients sur 27 duroupe VNI ; p < 0,01. Cette étude montre que l’utilisatione la VNI permet d’optimiser la préoxygénation des patientsypoxémiques.

En résumé et compte tenu de sa morbimortalité, one peut que recommander d’optimiser la prise en chargees voies aériennes en réanimation. La récente conférencee consensus « VNI au cours de l’insuffisance respiratoireiguë » a retenue l’utilisation de la VNI pour la préoxygé-ation des patients présentant une insuffisance respiratoireiguë.

onclusion

a préoxygénation est une procédure incontournable et toutarticulièrement dans les situations où une altération de laurée de tolérance à l’apnée et des conditions de ventila-ion et d’intubation est attendue. La prise en charge desoies aériennes du patient obèse morbide, de la parturienteterme et du patient hypoxique de réanimation est associéel’évidence à ces facteurs de risque. La préoxygénation neoit pas être négligée et son optimisation doit être recher-hée. Dans toutes les situations, l’interface masque—visageoit permettre une étanchéité parfaite garantissant uneiO2 et une FetO2 optimales. La position proclive et la VNIont deux approches intéressantes. Elles ont pour objectif’intervenir sur les volumes pulmonaires. L’accroissementn volume de la CRF garantit une plus grande réserve enxygène tandis que la réduction des atélectasies, en limi-ant le shunt, améliore l’oxygénation. En prenant commeritère clinique pertinent la durée de tolérance à l’apnée,a préoxygénation en position proclive a montré son effi-acité chez l’obèse morbide mais pas chez la parturienteterme et n’a pas été évaluée chez le patient de réani-ation. La VNI a démontré son efficacité chez le patiente réanimation mais pas chez l’obèse morbide et n’a pasté évaluée chez la parturiente à terme. La systéma-isation du monitorage de la FetO2 (et de la FeCO2 ) enéanimation est probablement une voie d’amélioration àxplorer.

éférences

[1] Mc Gowan P, Skinner A. Preoxygenation. The importance of agood face mask seal. Br J Anaesth 1995;75:777—8.Cette étude mesure sur des sujets sains la FetO2 (reflet de ladénitrogénation) obtenue en FiO2 égale à 1, selon l’étanchéitéde l’interface entre le masque et le visage du patient. Lorsd’une préoxygénation de cinq minutes, une FiO2 égale à 1 asso-ciée à une bonne étanchéité de l’interface masque—visagepermet d’obtenir une FetO2 supérieure à 90 %. Toutefois,

lorsque le masque est simplement posé ou a fortiori adjacentau visage la FetO2 ne dépasse pas 80 et 60 %, respectivement.

[2] Damia G, Mascheroni D, Croci M, Tarenzi L. Perioperativechanges in functional residual capacity in morbidly obesepatients. Br J Anaesth 1988;60:574—8.

Page 5: Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au cours de l’intubation

cour

[

[

Préoxygénation chez le patient à risque de désaturation au

Dans ce travail prospectif portant sur 30 patients obèses,la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) moyenne enregis-trée cinq minutes après induction est de 1,1 ± 0,3 l contre2,25 ± 0,8 l avant induction. La CRF étant la principale réserved’oxygène de l’organisme, les auteurs concluent leur dis-cussion en proposant qu’une intubation vigile soit envisagéechaque fois que possible afin d’éviter toute période d’apnéejugée à risque.

[3] Jense HG, Dubin SA, Silverstein PI, O’Leary-Escolas U. Effectsof obesity on safe duration of apnea in anesthetized humans.Anesth Analg 1991;72:89—93.Cet article incontournable présente une étude prospectiveévaluant 24 patients répartis en trois groupes selon la sévé-rité de l’obésité et bénéficiant d’une préoxygénation pendantcinq minutes. Le temps nécessaire à l’obtention d’une déni-trogénation (FetO2 ≥ 95 %) est réduit non significativement,235 ± 28, 220 ± 18 et 172 ± 35 secondes proportionnellement àl’index de masse corporelle (IMC) : 22, 32 et 43 kg/m2, respecti-vement. La durée de tolérance à l’apnée (SpO2 ≥ 90 %) est signi-ficativement diminuée, 364 ± 24, 247 ± 21 et 163 ± 15 secondesproportionnellement à l’IMC : 22, 32 et 43 kg/m2, respective-ment.

[4] Magnusson L, Spahn DR. New concepts of atelectasis duringgeneral anaesthesia. Br J Anaesth 2003;91:61—72.Il s’agit d’une revue générale faisant le point sur l’incidenceet décrivant les mécanismes à l’origine de la formation desatélectasies au cours de l’anesthésie générale. Le traitementy est également abordé.

[5] Gander S, Frascarolo P, Suter M, Spahn DR, Magnusson L.Positive end-expiratory pressure during induction of generalanesthesia increases duration of nonhypoxic apnea in morbidlyobese patients. Anesth Analg 2005;100:580—4.Il s’agit d’une étude prospective randomisée monocentriqueévaluant un collectif de 27 patients avec un index demasse corporelle supérieure à 35 kg/m2. Dans un groupe,une pression positive continue (PPC = 10 cmH2O) est appli-quée en ventilation spontanée pendant cinq minutes etimmédiatement suivie après l’induction anesthésique d’uneventilation au masque avec une pression expiratoire posi-tive (PEP = 10 cmH2O) pendant encore cinq minutes (groupePPC—PEP) jusqu’à l’intubation. Dans l’autre groupe laséquence est la même mais sans l’application de pressionpositive. Dans le groupe PPC—PEP, le temps d’apnée sansdésaturation (SpO2 > 90 %) et la PaO2 sont significativement aug-mentés comparés au groupe sans pression positive, 188 ± 46secondes contre 122 ± 43 secondes et 376 ± 145 mmHg contre243 ± 136 mmHg, respectivement.

[6] Dixon BJ, Dixon JB, Carden JR, et al. Preoxygenation is moreeffective in the 25 degrees head-up position than in the supineposition in severely obese patients: a randomized controlledstudy. Anesthesiology 2005;102:1110—5.Étude prospective comparative randomisée monocentrique

évaluant le bénéfice de la position proclive à 25◦ au coursde la préoxygénation chez 42 patients obèses (index de massecorporelle > 40 kg/m2). Après trois minutes de préoxygénation,la durée de tolérance à l’apnée (SpO2 < 92 %) et la PaO2 sontsignificativement augmentées dans le groupe proclive à 25◦:

s de l’intubation 31

201 ± 56 secondes contre 155 ± 70 secondes et 442 ± 104 mmHgcontre 360 ± 99 mmHg, respectivement comparé au groupe endécubitus 0◦.

[7] Baraka AS, Hanna MT, Jabbour SI, et al. Preoxygenation of pre-gnant and nonpregnant women in the head-up versus supineposition. Anesth Analg 1992;75:757—9.Étude prospective comparative non randomisée monocen-trique. Durant l’apnée suivant trois minutes de préoxygéna-tion, la chute de la SpO2 à 95 % est atteinte plus rapidementselon que la femme présente ou non une grossesse à terme173 ± 5 secondes contre 243 ± 7 secondes. La réalisation de lapréoxygénation chez la parturiente à terme en position pro-clive (45◦) n’apporte aucun bénéfice en terme de durée detolérance à l’apnée.

[8] Jaber S, Amraoui J, Lefrant JY, et al. Clinical practice and riskfactors for immediate complications of endotracheal intuba-tion in the intensive care unit: a prospective, multiple-centerstudy. Crit Care Med 2006;34:2355—61.Étude prospective observationnelle multicentrique évaluantsur une période consécutive de six mois l’incidence et les fac-teurs de risque des complications associées à l’intubation danssix services de réanimation. Sur un collectif de 263 intuba-tions, une complication grave est observée dans 28 % des cas.Il s’agit principalement d’hypoxémies (SpO2 < 80 %) et de collap-sus sévères (PAS < 65 mmHg, ou < 90 mmHg après remplissage de1000 ml).

[9] Farmery AD, Roe PG. A model to describe the rate ofoxyhaemoglobin desaturation during apnoea. Br J Anaesth1996;76:284—91.Les auteurs développent un modèle mathématique permet-tant de décrire la vitesse de désaturation de l’hémoglobineau cours de l’apnée. L’ensemble des paramètres suscep-tibles d’intervenir est pris en compte. Ce modèle est illustréd’exemples comprenant l’obésité morbide et la réanimationpostopératoire.

10] Mort TC. Preoxygenation in critically ill patients requi-ring emergency tracheal intubation. Crit Care Med2005;33:2672—5.Étude prospective non randomisée monocentrique éva-luant l’efficacité de la préoxygénation, mesurée par laPaO2 , chez le patient hypoxémique en réanimation et chezle patient sain au bloc opératoire. Chez les patients deréanimation intubés pour détresse respiratoire d’originecardio-respiratoire, le gain en terme de PaO2 apporté par lapréoxygénation est modeste comparé à celui obtenu chez lepatient sain,�PaO2 après préoxygénation : +37 mmHg contre+325 mmHg, respectivement.

11] Baillard C, Fosse JP, Sebbane M, et al. Noninvasive ventila-tion improves preoxygenation before intubation of hypoxicpatients. Am J Respir Crit Care Med 2006;74:171—7.Étude prospective comparative randomisée bicentrique.Comparés au groupe témoin, les patients du groupe VNI pré-

sentaient une meilleure oxygénation après la préoxygénationévaluée sur la PaO2 : 226 ± 155 mmHg contre 119 ± 76 mmHg etla SpO2 : 98 ± 3 % contre 93 ± 6 %. Près de la moitié des patients(12/26) du groupe témoin avaient présenté une SpO2 inférieureà 80 % comparé à deux patients sur 27 du groupe VNI.