4
1S36 SYMPOSIUM — SO.F.C.O.T. 2003 Présentation de la série rétrospective du symposium F. JACQUOT *, P. LEVY **, X. DELOIN *, J.-M. FERON * Cette série a été rétrospective multicentrique continue. Les critères d’inclusion ont été : fracture de la diaphyse humérale (segment 12 de la classification AO), chez un adulte de plus de 15 ans, prise en charge en première inten- tion. N’ont été conservées que les cinq principales métho- des thérapeutiques. Les critères d’exclusion ont été : fractures pathologiques tumorales, primitives ou secondai- res, âge inférieur à 15 ans au moment de la prise en charge, et fractures déjà traitées et vues au stade de complication. La durée d’inclusion était de 10 ans. Au total, 1 150 cas ont été inclus par 11 centres hospita- liers publics situés en France métropolitaine (tableau I). MATÉRIEL ET MÉTHODE Description du collectif Sur 1 150 patients, 642 (55,8 %) étaient des hommes et 508 (44,2 %) étaient des femmes. L’âge moyen était de 46,8 4,73 ans (extrêmes de 15 à 97 ans) au moment du diagnostic (fig. 8) ; 103 patients (9 %) avaient plus de 80 ans. Il n’y avait pas de latéralité prédominante (60 % à droite, 40 % à gauche). L’accident était une chute banale dans 463 cas (40 %), un accident de la voie publique dans 429 cas (37,3 %). Le mécanisme était un choc direct dans 656 cas (58 %). Il y avait 20 fractures par bras de fer. Le nombre de polytraumatisés était de 20,5 % ; 30,9 % avaient des lésions associées, 14,3 % étaient atteints de lésions traumatiques du membre supérieur homolatéral correspondant à 165 cas. Il y avait 101 fractures ouvertes (8,8 %) et 154 lésions initiale du nerf radial (13,4 %). Ces paralysies ont été préférentiellement rencontrées dans les coudes flottants (risque relatif RR = 2,1 p = 0,019), les traumatismes à haute énergie (RR = 2,4 p = 0,0014). Neuf patients avaient une paralysie ulnaire. Les fractures de type A (fig. 9) représentaient 645 cas (56 %) : les A3 transversales étaient les plus fréquentes (244 cas soit 21,2 %), suivies des A1 spiroïdes (204 cas, soit17,7 %). Les fractures de type C (comminu- tives) représentaient 110 cas soit 9,5 % et les fractures de type B, avec 3° fragment, 395 cas soit 34,4 %. Le traitement a été mis en oeuvre dans les 24 premières heures dans 78 % des cas. La méthode initiale a été une ostéosynthèse dans 899 cas (78,2 %), répartie en : 417 brochages (36,3 %), 238 ostéosynthèses par plaque * Service de Chirurgie Orthopédique, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. ** Unité de Biostatistique et Informatique Médicale, Hôpital Tenon (Inserm U444), 4, rue de la Chine, 75020 Paris. T ABLEAU I. – Répartition par centre. Centres n Pourcentage Bordeaux 64 5,6 Brest 182 15,8 Grenoble 155 13,5 HEGP 23 2,0 Lille 95 8,3 Nancy 39 3,4 Nantes 124 10,8 Poitiers 45 3,9 Strasbourg 157 13,7 Tenon 50 4,3 Toulouse 216 18,8 Total 1150 0 50 100 150 200 250 300 Nombre 0 20 40 60 80 100 Age FIG. 8. – Distribution par âge.

Présentation de la série rétrospective du symposium

  • Upload
    j-m

  • View
    214

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Présentation de la série rétrospective du symposium

1S36 SYMPOSIUM — SO.F.C.O.T. 2003

Présentation de la série rétrospective du symposium

F. JACQUOT *, P. LEVY **, X. DELOIN *, J.-M. FERON *

Cette série a été rétrospective multicentrique continue.Les critères d’inclusion ont été : fracture de la diaphysehumérale (segment 12 de la classification AO), chez unadulte de plus de 15 ans, prise en charge en première inten-tion. N’ont été conservées que les cinq principales métho-des thérapeutiques. Les critères d’exclusion ont été :fractures pathologiques tumorales, primitives ou secondai-res, âge inférieur à 15 ans au moment de la prise en charge,et fractures déjà traitées et vues au stade de complication.La durée d’inclusion était de 10 ans.

Au total, 1 150 cas ont été inclus par 11 centres hospita-liers publics situés en France métropolitaine (tableau I).

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Description du collectif

Sur 1 150 patients, 642 (55,8 %) étaient des hommes et508 (44,2 %) étaient des femmes. L’âge moyen était de46,8 ° 4,73 ans (extrêmes de 15 à 97 ans) au moment dudiagnostic (fig. 8) ; 103 patients (9 %) avaient plus de80 ans.

Il n’y avait pas de latéralité prédominante (60 % àdroite, 40 % à gauche). L’accident était une chute banaledans 463 cas (40 %), un accident de la voie publique dans429 cas (37,3 %). Le mécanisme était un choc direct dans656 cas (58 %). Il y avait 20 fractures par bras de fer. Lenombre de polytraumatisés était de 20,5 % ; 30,9 %avaient des lésions associées, 14,3 % étaient atteints delésions traumatiques du membre supérieur homolatéralcorrespondant à 165 cas. Il y avait 101 fractures ouvertes(8,8 %) et 154 lésions initiale du nerf radial (13,4 %). Cesparalysies ont été préférentiellement rencontrées dans lescoudes flottants (risque relatif RR = 2,1 p = 0,019), lestraumatismes à haute énergie (RR = 2,4 p = 0,0014).Neuf patients avaient une paralysie ulnaire.

Les fractures de type A (fig. 9) représentaient 645 cas(56 %) : les A3 transversales étaient les plusfréquentes (244 cas soit 21,2 %), suivies des A1 spiroïdes(204 cas, soit17,7 %). Les fractures de type C (comminu-tives) représentaient 110 cas soit 9,5 % et les fractures detype B, avec 3° fragment, 395 cas soit 34,4 %.

Le traitement a été mis en oeuvre dans les 24 premièresheures dans 78 % des cas. La méthode initiale a été uneostéosynthèse dans 899 cas (78,2 %), répartie en :417 brochages (36,3 %), 238 ostéosynthèses par plaque

* Service de Chirurgie Orthopédique, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine,75020 Paris.** Unité de Biostatistique et Informatique Médicale, Hôpital Tenon (InsermU444), 4, rue de la Chine, 75020 Paris.

TABLEAU I. – Répartition par centre.

Centres n Pourcentage

Bordeaux 64 5,6

Brest 182 15,8

Grenoble 155 13,5

HEGP 23 2,0

Lille 95 8,3

Nancy 39 3,4

Nantes 124 10,8

Poitiers 45 3,9

Strasbourg 157 13,7

Tenon 50 4,3

Toulouse 216 18,8

Total 1150

0

50

100

150

200

250

300

Nombre

0 20 40 60 80 100

Age

FIG. 8. – Distribution par âge.

Page 2: Présentation de la série rétrospective du symposium

FRACTURES DIAPHYSAIRES DE L’HUMÉRUS CHEZ L’ADULTE 1S37

(20,7 %), 219 enclouages (19 %), et 25 fixateurs externes(2,2 %). Un peu plus de 12 % ont eu un traitement ortho-pédique. Le point le plus important est l’effet centre : cer-tains centres ont été éclectiques, d’autres exclusifs(fig. 10).

Méthodes

Les données ont été recueillies de façon standardiséeidentique pour tous les centres au moyen d’un formulaireinformatisé intégré dans un logiciel de gestion de base dedonnées. L’analyse des résultats a été conduite sur unmicro-ordinateur dédié. Outre les analyses descriptivesconduites sur l’ensemble de la série, on a cherché à met-tre en évidence les facteurs contribuant au résultat clini-que final. Le résultat a été étudié en fonction de 4critères : obtention d’une consolidation, survenue d’uneatteinte du nerf radial, mobilité finale de l’épaule, mobi-lité finale du coude. Pour chaque critère, une analyse derégression logistique en pas à pas descendant a été effec-tuée. Dans un premier temps, les variables recueillies ontété étudiées une à une, et les variables significatives aurisque alpha de 0,20 ont été conservées. Puis, les varia-bles sélectionnées ont été testées globalement afin dedéterminer les plus explicatives du résultat, de façonindépendante entre elles au risque alpha 0,05. Cette ana-lyse permettait de déterminer pour chaque facteur testésignificatif une estimation du risque relatif associé par lecalcul de l’Odds Ratio.

COMPLICATIONS

Cent soixante-dix-neuf cas soit 15,6 % ont eu une com-plication nécessitant une intervention chirurgicale. Septcent trente-cinq patients soit 63,9 % seulement ont eu dessuites simples nécessitant une seule intervention y com-pris le traitement initial. Deux cent trente-six (20,5 %) onteu une ré-intervention programmée, y compris les abla-tions de matériel. Il y a eu 26 infections, 45 démontagesd’ostéosynthèse, 8 migrations de broches, 34 reprises

C3C2C1B3B2B1A3A2A1

AO

FIG. 9. – Types fracturaires.

Bordeaux

Brest

HEGP

Lille

Nancy

Nantes

Poitiers

Strasbourg

Toulouse

Tenon

Brochage

ortho

plaque

FE

clou

Grenoble

FIG. 10. – Effet centre : indications thérapeutiques.

Page 3: Présentation de la série rétrospective du symposium

1S38 SYMPOSIUM — SO.F.C.O.T. 2003

pour réduction ou traitement non satisfaisant. Deux com-plications dominent : la paralysie radiale postopératoire etla pseudarthrose.

Paralysie radiale postopératoire

Elle était présente 47 fois après traitement en l’absenced’atteinte initiale, soit au total 17,5 % de la série. Les seulsfacteurs de risque significatifs concernaient le traitementinitial : ostéosynthèse par plaque RR = 11,4 p < 0,0001 etfixateur externe RR = 11,2 p = 0,0015.

Au dernier recul, 51 % des patients gardaient desséquelles.

Pseudarthrose

Un total de 211 patients représentant 18,3 % de la sérien’avaient pas consolidé dans un délai de 6 mois. Les fac-teurs favorisants étaient : l’accident du travail (RR = 2,9p = 0,0023), écart inter-fragmentaire après traitement initialde plus de 3 mm (RR = 1,9 p = 0,0043), et consommationde tabac (RR = 1,6 p = 0,021).

RÉSULTATS

Consolidation

Le délai moyen de consolidation était de 5 mois ° 2,5,tous traitements confondus. Les facteurs favorisant la con-solidation étaient : le traitement orthopédique et l’absencede complication intercurrente. Il n’y avait pas d’autre fac-teur significatif associé à la consolidation (fig. 11).

Résultats cliniques

La mobilité de l’épaule était en moyenne de 136,5° audernier recul ; 88,6 % avaient plus de 90° d’abduction(fig. 12). L’amplitude de mobilité du coude était de 121,0°et la perte d’extension de 5,6°; 71,8 % avaient une perted’extension inférieure à 10°.

Les facteurs significatifs de limitation de l’abductionétaient : le sexe masculin (RR = 0,5 p = 0,046), l’âge supé-rieur à 80 ans (RR = 0,2 p = 0,0001), la toxicomanie

FIG. 11. – Délais de consolidation (mois).

FIG. 12. – Amplitudes d’abduction de l’épaule.

Nombre

Nombre

0

100

200

300

400

500

600

-20 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200Flexion du coude

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

-20 0 20 40 60 80 100 120 140

Perte d’extension du coude

FIG. 13. – Mobilités du coude.

Page 4: Présentation de la série rétrospective du symposium

FRACTURES DIAPHYSAIRES DE L’HUMÉRUS CHEZ L’ADULTE 1S39

(RR = 0,3 p = 0,029), le traitement orthopédique (RR = 0,4p = 0,0048), l’enclouage (RR = 0,4 p = 0,0052), un calvicieux supérieur à 15° (RR = 0,3 p = 0,0002), la non con-solidation (RR = 0,2 p = 0,001).

Les facteurs de perte d’extension du coude de plus de10° au recul de plus de 6 mois étaient : la présence d’unelésion associée (RR = 1,7 p = 0,0019), un cal vicieux deplus de 15° (RR = 2,4 p = 0,0035), un coude flottant(RR = 2,9 p = 0,0012), un délai initial de prise en chargesitué entre 6 et 12 heures (RR = 2,1 p = 0,005).

Les facteurs associés à une perte d’extension du coude deplus de 10° avec un risque relatif inférieur à 1, donc protec-teurs, étaient : l’absence de complication (RR = 0,6p = 0,011), l’enclouage (RR = 0,4 p = 0,0002), un trauma-tisme à moyenne énergie (RR = 0,4 p < 0,0001) (fig. 13).

DISCUSSION

Au plan méthodologique, il s’agit certes d’une des plusgrandes séries de la littérature, mais établie de manière

rétrospective et ciblée sur certaines méthodes thérapeutiques.Le nombre de patients perdus de vue par centre n’est pasconnu : ce caractère non continu de la série lui enlève unepartie non négligeable de sa valeur. L’étalement dans letemps implique obligatoirement des changements deméthode dans la plupart des centres et surtout une grandemultiplicité des opérateurs. Ce collectif se caractérise par sontype de recrutement « hospitalier » se traduisant par un fortpourcentage de polytraumatisés et ou de polyfracturés. Il enrésulte une grande fréquence du traitement opératoire. Parailleurs, l’effet centre apparaît très important. De même, letraitement opératoire a été d’emblée choisi en fonction dutype fracturaire et de la présence d’une paralysie radiale ini-tiale. Trois types fracturaires ont été préférentiellementostéosynthésés : les A3 (RR = 0,2 p = 0,021), B2 (RR = 0,2p < 0,0001) et A2 (RR = 0,2 p = 0,0021). Les patients quiprésentaient une atteinte initiale du nerf radial ont été opéréspréférentiellement par fixateur externe (RR = 9,7 p < 0,0001)ou par plaque (RR = 3,5 p < 0,0001). À l’inverse, le traite-ment orthopédique a été délaissé (RR = 0,4 p = 0,01).

Traitements non opératoires

D. CHAUVEAUX *, S. COSTES *

Le traitement non sanglant des fractures de la diaphysehumérale souffre d’un certain manque de modernisme dûaux servitudes conjointes exigées par la contention et parl’attente actuelle des patients. Son efficacité et ses principestechniques doivent rester connus de tout orthopédiste. Si lesdernières séries monocentriques se rapportant à ces traite-ments sont anciennes, elles mettent l’accent sur le faibletaux de pseudarthroses et de complications neurologiquessecondaires [Babin et al. (1), Bezes et Goudot (2), de Mour-gues et al. (3)]. Sarmiento et al. (4) ont fortement réactua-lisé le traitement non opératoire : ils ont décrit une méthodefonctionnelle originale qui porte leur nom devenue un véri-table générique : la mobilisation active de l’épaule et ducoude est recommandée précocement grâce à une orthèsebrachiale assurant une compression périphérique stabilisa-trice. Leur expérience basée sur plusieurs centaines de casfait état de résultats brillants.

SÉRIE

Dans ce symposium, près d’un patient sur quatre a ététraité orthopédiquement, soit 251 cas, avec une majorité deplâtres pendants (126 cas) (fig. 14), ou bandage Dujarriersimple (104 cas) et un faible nombre de Sarmiento (21 cas)(fig. 15).

Il y avait 128 femmes (51 %) et 123 hommes (49 %).L’âge moyen était de 54,2 ans (de 14,5 à 96,6 ans) ;32 (12,7 %) avaient plus de 80 ans au moment de la frac-ture. Il s’agissait d’une population significativement plusâgée que celle des patients traités de façon chirurgicale(44,8 ans pour les patients opérés : p < 0,0001).

Tous les types de fracture ont été pris en charge avecune prépondérance des fractures de type A1 (28,7 %) etB1 (21,5 %) ; 10,8 % des cas ont concerné des fracturescomminutives de type C 1 ou 3. Le plâtre pendant a étéplus utilisé pour les fractures complexes à partir des B1(53,7 %), B2 (70 %) et C1 (57,1 %). L’existence d’uneparalysie radiale initiale n’a pas empêché l’applicationd’un traitement non opératoire dans 11 cas (4 Dujarrier,5 Sarmiento, 2 plâtres).

RÉSULTATS

Dans 4 % des cas en raison de déplacement ou de pro-blème de tolérance locale, le traitement orthopédique a étéabandonné ; il s’agissait, de façon égale, de plâtres pendantsou de Sarmiento. Quatre paralysies radiales sont apparuesaprès le début du traitement dont deux ont été reprises parembrochage fasciculé et par plaque. Une seule a récupérétotalement au dernier recul. Parmi les 11 paralysies radialescontemporaines de la fracture, 6 ont récupéré totalementsans séquelle au dernier recul.

* Service d’Orthopédie-Traumatologie, CHU Pellegrin-Tripode, placeAmélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux Cedex.