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Réanimation DOI 10.1007/s13546-014-0915-8 RÉFÉRENTIEL / GUIDELINES La prise en charge en réanimation du choc cardiogénique (CC) n’a pas fait l’objet, contrairement au choc septique, de recommandations internationales. Parmi les raisons, on peut évoquer la rareté de la pathologie mais aussi le fait que les patients souffrant de CC sont souvent pris en charge par une filière uniquement cardiologique. Il existe une par- tie « CC » dans les recommandations récentes de l’Euro- pean Society of Cardiology (ESC) concernant la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë [1]. Néanmoins, ces recommandations sont peu précises pour le réanimateur et parfois obsolète (concernant les vasopresseurs par exem- ple). L’absence d’approche spécifique des formes graves dans les dernières recommandations internationales sur la prise en charge du CC nous a conduits à élaborer ces recom- mandations. Il a paru aussi intéressant au jury de se pronon- cer sur la filière de soins pour ces patients très particuliers en insistant sur la notion d’expertise. Méthodologie Ces recommandations sont le résultat du travail d’un groupe d’experts réunis par la Société de réanimation de langue française (SRLF). Les différentes disciplines contribuant à la prise en charge du CC de l’adulte (réanimation, anesthé- sie, chirurgie cardiaque, cardiologie, médecine d’urgence) étaient représentées. Dans un premier temps, le comité d’organisation a défini, avec le coordonnateur d’experts, les questions à traiter et a désigné les experts en charge de chacune d’entre elles. L’analyse de la littérature et la for- mulation des recommandations ont ensuite été conduites avec la méthodologie GRADE (Grade of Recommendation Prise en charge du choc cardiogénique chez l’adulte Management of Cardiogenic Shock in Adults — Guidelines and Expert Panel Reports Recommandations formalisées d’experts Sous l’égide de la Société de réanimation de langue française (SRLF) avec la participation de la Société française d’anesthésie‑réanimation (SFAR), de la Société française de cardiologie (SFC), de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et de la Société française de chirurgie cardiaque et thoracique (SFCTCV) B. Levy ∙ T. Boulain ∙ K. Kuteifan ∙ Groupe d’experts Commission des référentiels et de l’évaluation de la SRLF : Jérôme Boué, Thierry Boulain, Olivier Brissaud, Vincent Das, Laure De Saint Blanquat, Laurence Donetti, Khaldoun Kuteifan, Cyrille Mathien, Vincent Peigne, Fabienne Plouvier, Jean‑Christophe Richard, David Schnell, Ly Van Vong © SRLF et Springer-Verlag France 2014 B. Levy (*) Groupe Choc Inserm, U1116, faculté de médecine, CHU de Nancy, F-54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France Service de réanimation médicale Brabois, pôle cardiovasculaire et réanimation médicale, CHU de Nancy, hopital Brabois, F-57511 Vandœuvre-lès-Nancy, France e-mail : [email protected] T. Boulain Service de réanimation polyvalente, CHR d’Orléans, hôpital de la Source, 14, avenue de l’Hôpital, BP 6709, F-45067 Orléans cedex 02, France K. Kuteifan Service de réanimation médicale, hôpital Émile-Muller, 20, avenue du Docteur-René-Laënnec, BP 1370, F-68100 Mulhouse cedex, France Groupe d’experts Bendjelid Karim (Genève), Ouattara Alexandre (Bordeaux), Combes Alain (Paris), Teboul Jean-Louis (Paris), Spaulding Christian (Paris), Mégarbane Bruno (Paris), Cariou Alain (Paris), Chouihed Tahar (Nancy), Vanhuyse Fabrice (Nancy), Mebazaa Alexandre (Paris), Bastien Olivier (Lyon)

Prise en charge du choc cardiogénique chez l'adulte

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Page 1: Prise en charge du choc cardiogénique chez l'adulte

RéanimationDOI 10.1007/s13546-014-0915-8

RÉFÉRENTIEL / GUIDELINES

La prise en charge en réanimation du choc cardiogénique (CC) n’a pas fait l’objet, contrairement au choc septique, de recommandations internationales. Parmi les raisons, on peut évoquer la rareté de la pathologie mais aussi le fait que les patients souffrant de CC sont souvent pris en charge

par une filière uniquement cardiologique. Il existe une par-tie « CC » dans les recommandations récentes de l’Euro-pean Society of Cardiology (ESC) concernant la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë [1]. Néanmoins, ces recommandations sont peu précises pour le réanimateur et parfois obsolète (concernant les vasopresseurs par exem-ple). L’absence d’approche spécifique des formes graves dans les dernières recommandations internationales sur la prise en charge du CC nous a conduits à élaborer ces recom-mandations. Il a paru aussi intéressant au jury de se pronon-cer sur la filière de soins pour ces patients très particuliers en insistant sur la notion d’expertise.

Méthodologie

Ces recommandations sont le résultat du travail d’un groupe d’experts réunis par la Société de réanimation de langue française (SRLF). Les différentes disciplines contribuant à la prise en charge du CC de l’adulte (réanimation, anesthé-sie, chirurgie cardiaque, cardiologie, médecine d’urgence) étaient représentées. Dans un premier temps, le comité d’organisation a défini, avec le coordonnateur d’experts, les questions à traiter et a désigné les experts en charge de chacune d’entre elles. L’analyse de la littérature et la for-mulation des recommandations ont ensuite été conduites avec la méthodologie GRADE (Grade of Recommendation

Prise en charge du choc cardiogénique chez l’adulteManagement of Cardiogenic Shock in Adults — Guidelines and Expert Panel Reports

Recommandations formalisées d’experts

Sous l’égide de la Société de réanimation de langue française (SRLF) avec la participation de la Société française d’anesthésie‑réanimation (SFAR), de la Société française de cardiologie (SFC), de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et de la Société française de chirurgie cardiaque et thoracique (SFCTCV)

B. Levy ∙ T. Boulain ∙ K. Kuteifan ∙ Groupe d’experts

Commission des référentiels et de l’évaluation de la SRLF : Jérôme Boué, Thierry Boulain, Olivier Brissaud, Vincent Das, Laure De Saint Blanquat, Laurence Donetti, Khaldoun Kuteifan, Cyrille Mathien, Vincent Peigne, Fabienne Plouvier, Jean‑Christophe Richard, David Schnell, Ly Van Vong

© SRLF et Springer-Verlag France 2014

B. Levy (*)Groupe Choc Inserm, U1116, faculté de médecine, CHU de Nancy, F-54511 Vandœuvre-lès-Nancy, FranceService de réanimation médicale Brabois, pôle cardiovasculaire et réanimation médicale, CHU de Nancy, hopital Brabois, F-57511 Vandœuvre-lès-Nancy, Francee-mail : [email protected]

T. BoulainService de réanimation polyvalente, CHR d’Orléans, hôpital de la Source, 14, avenue de l’Hôpital, BP 6709, F-45067 Orléans cedex 02, France

K. KuteifanService de réanimation médicale, hôpital Émile-Muller, 20, avenue du Docteur-René-Laënnec, BP 1370, F-68100 Mulhouse cedex, France

Groupe d’expertsBendjelid Karim (Genève), Ouattara Alexandre (Bordeaux), Combes Alain (Paris), Teboul Jean-Louis (Paris), Spaulding Christian (Paris), Mégarbane Bruno (Paris), Cariou Alain (Paris), Chouihed Tahar (Nancy), Vanhuyse Fabrice (Nancy), Mebazaa Alexandre (Paris), Bastien Olivier (Lyon)

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Assessment, Development and Evaluation) [2]. Un niveau de preuve devait être défini pour chacune des références bibliographiques en fonction du type de l’étude. Ce niveau de preuve pouvait être réévalué en tenant compte de la qua-lité méthodologique de l’étude. Les références bibliographi-ques communes à chaque critère de jugement étaient alors regroupées. Un niveau global de preuve était déterminé pour chaque critère de jugement en tenant compte des niveaux de preuve de chacune des références bibliographiques, de la cohérence des résultats entre les différentes études, du caractère direct ou non des preuves, de l’analyse de coût. Un niveau global de preuve « fort » permettait de formuler une recommandation « forte » (il faut faire, ne pas faire…). Un niveau global de preuve modéré, faible ou très faible aboutissait à l’écriture d’une recommandation « option-nelle » (il faut probablement faire ou probablement ne pas faire…). Les propositions de recommandations étaient pré-sentées et discutées une à une. Le but n’était pas d’aboutir obligatoirement à un avis unique et convergent des experts sur l’ensemble des propositions, mais de dégager les points de concordance et les points de discorde ou d’indécision. Chaque recommandation était alors évaluée par chacun des experts et soumise à leurs cotations individuelles à l’aide d’une échelle allant de 1 (désaccord complet) à 9 (accord complet). La cotation collective était établie selon une méthodologie dérivée de la RAND/UCLA : après élimina-tion des valeurs extrêmes haute et basse (experts déviants), la médiane et l’intervalle de confiance (IC) des cotations individuelles étaient calculés. La médiane définissait un accord entre les experts lorsqu’elle était comprise entre 7 et 9, un désaccord entre 1 et 3 et une indécision entre 4 et 6. L’accord, le désaccord ou l’indécision étaient dits « forts » si l’ensemble des cotations était situé à l’intérieur d’une des trois zones : (1–3), (4–6) ou (7–9) et « faibles » dans le cas contraire. En l’absence d’accord fort, les recommandations étaient reformulées et, de nouveau, soumises à cotation dans l’objectif d’obtenir un meilleur consensus.

Champs 1 : Épidémiologie

1‑ En présence d’un choc cardiogénique, une étiolo‑gie coronarienne doit être systématiquement cherchée. (Accord fort)Plus de 70 % des CC sont liés à un infarctus aigu du myo-carde (IDM), ST+, avec ou sans complications mécaniques (rupture du septum, de la paroi ventriculaire ou du pilier mitral). Néanmoins, la survenue d’un choc au cours d’un IDM est rare (4,2 à 8,6 % selon les séries) et en décroissance [3]. Un électrocardiogramme (ECG) et un dosage (répété si nécessaire) de troponine plasmatique, et d’un peptide natriurétique doivent être systématiques et une angiographie coronaire doit être envisagée. Les patients en choc ou avec

risque élevé de CC doivent être hospitalisés de préférence en réanimation. À l’exception des patients mis sous assistance ventriculaire, le CC est associé à une mortalité immédiate d’environ 40 % [4]. Les survivants ont un très bon pronostic avec une très bonne qualité de vie.

Champs 2 : Choc cardiogénique de l’infarctus du myocarde

1‑ Les facteurs prédictifs d’évolution vers un choc cardio génique en particulier une tachycardie supérieure à 75/min et des signes d’insuffisance cardiaque doivent être recherchés chez tout patient présentant un IDM. (Accord fort)Dans deux tiers des cas, le choc n’est pas présent à l’admis-sion et survient dans les 48 premières heures suivant l’ad-mission pour IDM [5]. Les facteurs prédictifs de survenue d’un CC d’origine ischémique sont l’âge, une fréquence cardiaque à l’admission de plus de 75/min, un diabète, des antécédents d’IDM, de pontages aortocoronaires, la pré-sence de signes d’insuffisance cardiaque à l’entrée et la localisation antérieure de la nécrose [6].

2‑ Il faut faire une coronarographie suivie d’une revas‑cularisation coronaire par angioplastie ou exception‑nellement par pontage aortocoronaire dans les chocs cardio géniques secondaires à un IDM quel que soit le délai par rapport au début de la douleur. (Accord fort)L’étude SHOCK menée d’avril 1993 à novembre 1998 dans 30 centres et le registre associé ont évalué les effets de la revascularisation précoce (angioplastie ou chirurgie de pon-tage effectuées dans les six premières heures), comparés à la stabilisation par traitement médical chez les patients hos-pitalisés pour CC post-IDM. Alors qu’à 30 jours la mortalité ne diffère pas significativement dans le groupe revasculari-sation précoce par rapport au groupe témoin (46,7 vs 56 %) [7], la revascularisation précoce diminue la mortalité à un an (50,3 vs 63,1 %, p = 0,027) [8] et les résultats sont maintenus à six ans [9]. L’étude SHOCK n’a pas montré de bénéfice de la revascularisation chez les patients de plus de 75 ans, mais cette étude de sous-groupe est limitée par le faible nombre de patients. Des registres suggèrent un bénéfice de la revas-cularisation chez les patients de plus de 75 ans.

En raison de la gravité du pronostic du CC secondaire à un IDM, l’ESC recommande de réaliser une revascula-risation quel que soit le délai après le début de l’IDM. Ces recommandations suggèrent l’utilisation de la thrombolyse en cas d’impossibilité de réaliser rapidement (dans les deux heures) une angioplastie avec transfert secondaire dans un centre disposant d’un service d’angioplastie coronaire et de chirurgie cardiaque [10]. La réanimation précoronaro-graphie des CC secondaire à un IDM doit être de type scoop

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and run, l’important étant d’amener le patient vivant sur la table de coronarographie sans aucun retard occasionné par une quelconque tentative de stabilisation.

3‑ La prise en charge d’un choc cardiogénique secon‑daire à un IDM ou d’un IDM présentant des facteurs prédictifs d’évolution vers un choc cardiogénique doit être réalisée dans des centres « experts » disposant d’un service de cardiologie interventionnelle, d’une chirurgie cardiaque et de moyens d’assistance cardiaque lourde. À défaut, la prise en charge initiale peut être réalisée dans un centre d’angioplastie coronaire travaillant en réseau avec un centre « expert » afin de planifier un transfert secondaire éventuel après réalisation d’un geste de désocclusion coronaire en urgence ou d’une corona‑rographie retrouvant des lésions nécessitant un pontage aortocoronarien. (Accord fort)Les patients présentant un CC secondaire à un IDM béné-ficient pour la plupart d’une prise en charge multidiscipli-naire. L’angioplastie coronaire est le traitement de référence. La chirurgie cardiaque fait partie intégrante du traitement du CC post-IDM, par la réalisation de pontages en urgence, le traitement des complications mécaniques ou la mise en place éventuelle de systèmes d’assistance cardiaque lourde. Il est donc souhaitable d’orienter les patients en CC sur IDM ou présentant un IDM avec des facteurs prédictifs de choc secon-daire vers des centres « experts » ayant au mieux un service de cardiologie interventionnelle, de chirurgie cardiaque avec possibilité d’assistance cardiaque, voire de transplantation. En cas de distance trop importante (délai entre le premier contact et la réouverture de l’artère > 2 heures), les patients en CC post-IDM ou présentant un IDM avec des signes doi-vent être orientés vers un service de cardiologie intervention-nelle sans chirurgie cardiaque travaillant en réseau avec un centre « expert » afin de planifier si nécessaire un transport secondaire après le geste d’angioplastie en urgence.

Champs 3 : Monitorage en réanimation

1‑ Il faut mettre en place un cathéter artériel pour moni‑torer la pression artérielle. (Accord fort)Un monitorage de la pression artérielle (PA) sanglante par cathéter artériel est fortement recommandé en particulier en cas de recours aux agents vasopresseurs. Le cathéter artériel permet l’accès en continu à la PA moyenne (PAM), pression motrice de perfusion des principaux organes. Il est recom-mandé d’atteindre par le traitement inotrope et/ou vasopres-seur un objectif de PAM d’au moins 65 mmHg et davantage en cas d’antécédents d’hypertension artérielle.

Le cathéter artériel permet l’accès en continu à la PA diastolique (PAD), pression motrice de perfusion coronaire ventriculaire gauche (VG), influencée par le tonus artériel

périphérique, la fréquence cardiaque et la compliance arté-rielle. Chez un patient non bradycarde, une PAD basse est généralement liée à une baisse du tonus artériel et mérite l’utilisation d’un vasopresseur ou l’augmentation de sa dose si la PAM est inférieure à 65 mmHg.

2‑ Il faut doser de façon itérative le lactate plasmatique (en l’absence de traitement par adrénaline) pour juger de la persistance ou de la correction du choc sous traite‑ment. (Accord fort)

3‑ Il faut suivre de façon itérative les marqueurs biologi‑ques de fonction d’organe (rein, foie). (Accord fort)

4‑ Il faut utiliser le cathéter veineux central (territoire cave supérieur) pour réaliser une mesure soit intermit‑tente (prélèvement sanguin), soit continue (fibre opti‑que) de la saturation du sang veineux central (ScvO2). (Accord fort)Dans la mesure où l’insertion d’un cathéter veineux central est obligatoire dans les états de choc en particulier cardio-génique, il est recommandé d’utiliser ce cathéter pour réali-ser une mesure soit intermittente (prélèvement sanguin), soit continue (fibre optique) de la ScvO2, car ce paramètre permet de juger de l’adéquation du débit cardiaque aux conditions métaboliques globales et fournit des informations utiles pour l’adaptation thérapeutique. Après correction de la SaO2, de l’hémoglobine et en l’absence de VO2 augmentée (fièvre) :

●● une ScvO2 basse (< 60 %) est fortement suggestive d’un débit cardiaque inadéquat et doit inciter à élever le débit cardiaque si le choc persiste cliniquement ou biologique-ment (hyperlactatémie) ;

●● une ScvO2 entre 60 et 80 % suggère que le bénéfice d’une augmentation du débit cardiaque est faible, mais un test thérapeutique peut être réalisé en cas de choc persistant (hyperlactatémie) ;

●● une ScvO2 élevée (> 80 %) est fortement suggestive d’un trouble de l’extraction d’oxygène en rapport avec la sur-venue de phénomènes inflammatoires liés au choc ou à l’étendue de la nécrose myocardique quand elle existe. Aucun bénéfice en termes de réduction du choc clinique ou de l’hyperlactatémie n’est à attendre d’une augmenta-tion du débit cardiaque.

5‑ Il ne faut pas mesurer la PVC de façon isolée en raison de ses contraintes de mesure et de ses limites d’interpré‑tation tant comme marqueur de précharge que de pré‑charge‑dépendance. (Accord faible)

6‑ En cas de choc réfractaire au traitement empirique, il faut entreprendre au minimum un monitorage continu du débit cardiaque associé à une mesure (continue ou inter‑mittente) de la SvO2 ou de la ScvO2, deux paramètres qui aident à juger de l’adéquation du débit. (Accord fort)

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7‑ L’utilisation d’un cathéter artériel pulmonaire peut être envisagée en cas de choc réfractaire au traitement initial, en particulier en cas de dysfonction ventriculaire droite pour la possibilité qu’il offre de mesurer la pres‑sion artérielle pulmonaire. (Accord faible)

8‑ L’utilisation d’un moniteur de thermodilution transpulmonaire/contour de l’onde pouls peut être envi‑sagée comme alternative au cathéter artériel pulmonaire dans les situations de choc cardiogénique réfractaire au traitement initial, et ce, en l’absence d’assistance circu‑latoire et de défaillance ventriculaire droite prédomi‑nante. (Accord faible)

9‑ Il faut utiliser en routine l’échocardiographie (trans‑thoracique et/ou transœsophagienne, selon le cas) pour le diagnostic de la cause du choc cardiogénique, les éva‑luations hémodynamiques ultérieures, la détection de complications et le traitement de celles‑ci (tamponnade). (Accord fort)

Champs 4 : Manipulation de la pression artérielle et du débit cardiaque en réanimation

1‑ Il faut utiliser la noradrénaline pour restaurer une pression de perfusion au cours du choc cardiogénique. (Accord fort)La seule étude randomisée comparant deux types de vasopresseurs, en l’occurrence la noradrénaline et l’adré-naline, a montré que pour une efficacité hémodynamique identique, l’utilisation de l’adrénaline était associée à une fréquence cardiaque plus élevée, plus d’arythmies et une acidose lactique [11]. Dans une étude de cohorte, De Backer et al. rapportent une réduction de mortalité si la noradrénaline est utilisée en comparaison à la dopamine [12]. Enfin, l’augmentation de la pression artérielle chez des patients en CC post-IDM en utilisant la noradréna-line est associée à une augmentation de l’index cardiaque sans augmentation de la fréquence cardiaque et à une augmentation de la SvO2 ainsi qu’à une baisse de la lac-tatémie [13].

2‑ L’adrénaline peut s’avérer une alternative thérapeu‑tique à l’association dobutamine et noradrénaline mais est associée à un risque plus important d’arythmie, de tachycardie et d’hyperlactatémie. (Accord faible)En termes d’effet hémodynamique, l’adrénaline augmente clairement le débit cardiaque essentiellement par un effet fréquence cardiaque mais est associée à une hyper lactatémie importante d’origine métabolique mais perturbant l’inter-prétation du lactate comme marqueur de l’adéquation de la perfusion tissulaire [14].

3‑ Il faut utiliser la dobutamine pour traiter le bas débit cardiaque survenant lors du choc cardiogénique. (Accord fort)Sur des critères de jugements hémodynamiques et/ou métaboliques, la dobutamine comparée à l’adrénaline est pourvoyeuse de moins d’arythmie, d’une moindre consom-mation myocardique en oxygène et d’une moindre ascension de lactates [11]. Comparée à la dopamine, l’augmentation du débit cardiaque est plus marquée avec la dobutamine mais au prix d’une diminution plus importante de la pres-sion artérielle [15]. La dobutamine doit s’utiliser à la dose la plus faible possible, en commençant à 2 µg/kg par minute. Sa titration se fera sur l’index cardiaque et la SvO2. La dopa-mine ne doit jamais être utilisée.

4‑ Il ne faut pas utiliser les inhibiteurs des phospho‑diestérases ou le lévosimendan en première intention. Toutefois, ces classes thérapeutiques et en particulier le lévosimandan pourraient améliorer l’hémodynamique des patients souffrant d’un choc cardiogénique réfrac‑taire aux catécholamines. Il existe un rationnel pharma‑cologique à utiliser cette stratégie chez le patient traité de façon chronique par bêtabloquants. (Accord faible)Le CC réfractaire aux inotropes catécholaminergiques peut bénéficier d’une perfusion d’inhibiteurs des phosphodies-térases [16] ou de lévosimendan [17]. Si ces deux classes thérapeutiques permettent une amélioration de l’hémo-dynamique macrocirculatoire, seul le lévosimendan semble être en mesure d’améliorer le pronostic de ces patients [17]. Le lévosimendan augmente la performance myo cardique par augmentation de la sensibilité des myofilaments au calcium sans augmenter la concentration intracellu-laire de calcium et d’adénosine monophosphate (AMP). Il n’augmente donc pas ou peu la consommation en oxygène du myocarde. Il existe un rationnel pharmaco dynamique à utiliser cet agent chez le patient traité de façon chronique par bêtabloquant. Il apparaît logique de discuter en cas de CC réfractaire aux catécholamines la mise en place d’une assistance circulatoire plutôt que l’augmentation du sup-port pharmacologique.

Champs 5 : Particularités liées au préhospitalier et au service d’accueil des urgences (SAU)

1‑ En préhospitalier, devant tout état de choc sans causes évidentes, un état de choc cardiogénique doit être soup‑çonné et un ECG 12 dérivations pratiqué. (Accord fort)

2‑ En préhospitalier, la présence d’une pression arté‑rielle pincée évoque un défaut d’éjection ventriculaire par hypovolémie ou défaillance cardiaque. (Accord fort)

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3‑ En préhospitalier, en l’absence de signes d’œdème aigu pulmonaire ou de surcharge ventriculaire droite, un remplissage prudent peut être pratiqué. (Accord fort)

4‑ En préhospitalier et aux urgences, le vasopresseur de choix est la noradrénaline. (Accord faible)

5‑ Les indications d’intubation et de ventilation assis‑tée n’ont pas de particularités à l’exception de l’in‑farctus du ventricule droit (contre‑indication relative). (Accord faible)

6‑ En cas de coronarographie, la réalisation de celle‑ci devra être protocolisée (numéro d’appel, entrée directe, présence idéalement d’un réanimateur, lit d’accueil postprocédure). (Accord fort)

7‑ Il faut que les centres de régulation et de traitement de l’alerte orientent ces patients vers un centre expert. (Accord fort)

Champs 6 : Choc cardiogénique de l’arrêt cardiaque

1‑ En raison de sa prévalence élevée, la recherche sys‑tématique, par échocardiographie, d’une cause cardio‑génique est indiquée en cas de choc au cours de la période postarrêt cardiaque. (Accord fort)Une proportion importante de patients admis en réanimation après réanimation d’un arrêt cardiaque (ACR) décède pré-cocement en raison du choc qui survient au cours de cette période [18]. Ce choc postarrêt cardiaque est un choc mixte comprenant une composante cardiogénique et vasoplégi-que, mais la défaillance myocardique est parfois mécon-nue, en particulier lorsque la cause de l’arrêt cardiaque est extracardiaque. Cette défaillance myocardique est précoce et intense, habituellement régressive en moins de 48 heures, secondairement associée à une forte composante vasoplégi-que, conséquence du syndrome d’inflammation généralisée lui-même bien documenté en post-ACR chez l’homme [19]. Bien évidemment, des anomalies microcirculatoires s’asso-cient à ce tableau [20].

2‑ En cas de choc cardiogénique avéré post‑ACR, la réalisation systématique d’une exploration coronaro‑graphique est recommandée d’autant plus s’il existe des arguments en faveur d’une origine ischémique. (Accord fort)La cardiopathie ischémique, dans le cadre d’un syndrome coronarien aigu ou d’une cardiopathie chronique, reste à l’heure actuelle la première cause d’ACR dans le monde occidental. À partir de ce constat, plusieurs auteurs ont pro-posé de réaliser une coronarographie systématique lors de

la prise en charge d’un arrêt cardiaque de cause présumée cardiaque, afin de dépister, et le cas échéant traiter, une occlusion coronaire aiguë. Plusieurs études ont décrit la proportion d’angioplastie coronaire à la phase initiale d’un ACR (partant du principe qu’une angioplastie est réalisée lorsqu’une occlusion coronaire aiguë est rendue responsable de l’arrêt cardiaque) et rapportent des taux compris entre 26 et 50 %. Contrastant avec ces taux élevés d’occlusion coronaire, les stratégies de détection non invasives d’une occlusion coronaire aiguë sont, à l’heure actuelle, décevan-tes. Ainsi, la capacité discriminative des modifications du segment ST ou de l’élévation de la troponine sont insuffi-santes, en regard du bénéfice potentiel d’une revascularisa-tion coronaire menée à bon escient.

3‑ La réalisation systématique d’une hypothermie théra‑peutique dans le seul but de traiter un choc cardiogéni‑que n’est pas indiquée en post‑ACR. (Accord fort)

4‑ L’existence ou la survenue d’un choc cardiogénique en post‑ACR n’est pas une contre‑indication à la réalisa‑tion d’une hypothermie thérapeutique. (Accord fort)

5‑ Au cours du choc cardiogénique en post‑ACR, il faut éviter l’hyperthermie. (Accord fort)

Champs 7 : Assistance circulatoire

1‑ Il ne faut pas mettre en place un ballon de contre‑ pulsion en cas de choc cardiogénique dans le cadre d’un IDM pris en charge efficacement et précocement par angioplastie. (Accord faible)Dans l’essai randomisé multicentrique IABP-SHOCK II [4,21], il n’a pas été observé de différences significati-ves en termes de mortalité à j30 (39,7 % dans le groupe ballon de contre-pulsion [BCP] et 41,3 % dans le groupe témoin, risque relatif [RR] : 0,96 ; IC 95 % : [0,79–1,17] ; p =0,69) sur la population totale de l’étude ni dans aucun des sous-groupes, en particulier les malades avec une PA systolique (PAS) inférieure à 80 mmHg. Très récemment, le devenir à 12 mois de cette cohorte a été rapporté [21] : 155 (52 %) des 299 patients dans le groupe BCP et 152 (51 %) des 296 patients témoins étaient décédés (RR : 1,01 ; IC 95 % : [0,86–1,18] ; p = 0,91). À signaler que les compli-cations étaient aussi identiques entre les deux groupes.

2‑ La mise en place d’un ballon de contre‑pulsion est possible en cas de revascularisation par thrombolyse ou en l’absence de revascularisation initiale ou si les thé‑rapeutiques de sauvetage tels l’extracorporeal membrane oxygenation (ECMO), l’Impella® ou le Tandem Heart® ne sont pas disponibles sur le site. (Accord fort)

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3‑ Le dispositif Impella® 2.5 ne doit pas être utilisé dans la prise en charge du choc cardiogénique de l’IDM. (Accord faible)

4‑ On peut probablement utiliser le dispositif Impella® 5.0 dans la prise en charge du choc cardiogénique de l’IDM si l’équipe chirurgicale possède l’expérience de la mise en place de ce dispositif. (Accord faible)

5‑ En cas de nécessité d’assistance circulatoire tem‑poraire, il faut privilégier l’utilisation de l’ECMO. (Accord fort)Le circuit d’ECMO veinoartérielle est composé d’une pompe centrifuge et d’un oxygénateur à membrane réalisant une assistance cardiopulmonaire complète extracorporelle. L’ECMO réduit la précharge ventriculaire mais en augmente la postcharge. L’ECMO est à la date d’aujourd’hui le dispo-sitif le moins cher, le plus durable et le seul permettant une assistance respiratoire complète en plus de l’assistance cir-culatoire. Il est plus facile à mettre en œuvre que le Tandem Heart®, et que l’Impella® 5.0. L’ECMO peut être rapidement mise en œuvre au lit du malade même à distance d’un centre expert, lorsqu’une unité mobile d’ECMO est utilisée.

Il existe de nombreuses études rapportant le recours à l’ECMO en cas de CC dit réfractaire en cas d’infarctus du myocarde [22,23], de myocardite [24–26], de CC après chirurgie cardiaque [27,28] ou en cas d’arrêt cardiaque réfractaire [29,30].

Il n’existe pas de méta-analyse ou d’essai randomisé éva-luant le pronostic après ECMO dans le CC.

Une seule étude rétrospective de dessin avant/après [22] a mis en évidence une amélioration du pronostic après mise en place d’un programme d’ECMO en cas de CC réfractaire de l’IDM (mortalité : 18/25 ; 72 % avant le programme et 18/46, 39 % après, p = 0,003).

6‑ La création d’unités mobiles d’assistance circulatoire permettant la mise en place d’une ECMO veino artérielle à distance d’un centre expert puis le transfert du malade sous ECMO vers le centre expert est recommandée. (Accord fort)Lorsque l’état clinique d’un malade en CC est jugé trop pré-caire pour qu’il soit déplacé sans assistance, il est préférable de recourir rapidement à une unité mobile d’assistance cir-culatoire pour mettre en place le système dans le service où est pris en charge le malade, puis de le transporter ensuite sous assistance vers le centre expert.

Il n’existe pas à ce jour de méta-analyse ou d’essai ran-domisé évaluant cette stratégie. Quelques séries rétrospec-tives rapportent le pronostic de malades ayant bénéficié de ce type de stratégie démontrant la faisabilité et l’équiva-lence du pronostic lorsque comparé à des patients implan-tés en intrahospitalier.

Champs 8 : Thérapeutiques générales

1‑ En cas de choc cardiogénique, il est possible de proposer une resynchronisation ventriculaire en pré‑sence d’un bloc de branche gauche avec QRS élargis. (Accord faible)Les recommandations de l’ESC ne mentionnent pas le CC comme indication de resynchronisation. La resynchro-nisation a permis l’amélioration de l’état clinique et le sevrage des inotropes dans une population d’insuffisance cardiaque aigüe sévère (NYHA classes III–IV). Une équipe allemande a étudié 15 patients en CC avec bloc de branche gauche et a démontré que la resynchronisa-tion temporaire du VG au moyen d’une sonde implantée dans le sinus coronaire (tout en gardant une synchronie atrioventriculaire au moyen de la mise en place d’une sonde atriale auriculaire droite) permettait l’optimisation des paramètres macrocirculatoires et la baisse du taux de lactate artériel [31]. Cependant, en raison de l’absence de données de haut niveau de preuves dans la littérature, son utilisation systématique chez le patient en CC ne peut être recommandée au vu des risques de complications infectieuses et mécaniques associés à l’implantation de sondes endocavitaires.

2‑ Chez le patient en choc cardiogénique et arythmie par fibrillation atriale, la restauration du rythme sinu‑sal ou le ralentissement de la fréquence cardiaque en cas d’échec de la restauration du rythme sinusal peut s’avé‑rer utile. (Accord fort)

3‑ Au cours du choc cardiogénique, il faut utiliser les antithrombotiques aux posologies habituelles, dans leurs indications reconnues, en prenant en considération que le risque hémorragique est plus élevé dans cette situa‑tion. (Accord fort)La seule exception est que les antiagrégants comme le clopidogrel ou le ticagrelor doivent être donnés après avoir éliminé une complication chirurgicale, donc pas en préhospitalier.

4‑ Il ne faut pas poursuivre ou introduire des dérivés nitrés au cours du choc cardiogénique. (Accord fort)

5‑ En présence d’œdème pulmonaire, il est possible de poursuivre ou introduire des diurétiques au cours du choc cardiogénique. (Accord faible)

6‑ Il ne faut pas utiliser les bêtabloqueurs au cours du choc cardiogénique. (Accord fort)

7‑ Lorsque la cause du choc cardiogénique est ischémi‑que, il faut maintenir un taux d’hémoglobine autour de 10 g/dl durant la phase aiguë. (Accord faible)

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Réanimation 7

8‑ Lorsque la cause du choc cardiogénique n’est pas ischémique, il faut maintenir un taux d’hémoglobine au‑delà de 8 g/dl. (Accord faible)

Champs 9 : Chirurgie et choc cardiogénique

1‑ Chez l’adulte présentant une sténose aortique sévère associée à un choc cardiogénique, il faut lever la sténose aortique, probablement par valvuloplastie au besoin effectuée sous ECMO. (Accord fort)Chez un patient en CC présentant une sténose aortique sévère et selon les recommandations internationales [32], un traitement de l’obstacle aortique doit être envisagé. Le traitement chirurgical de cette sténose aortique sévère com-pliquée d’un CC présente un risque chirurgical élevé. Peu de données se trouvent dans la littérature évaluant les résultats de la chirurgie dans cette indication [33]. Les chirurgiens sont souvent peu enclins à opérer ces malades hémodynami-quement instables. Afin de diminuer ce risque chirurgical, une valvuloplastie aortique en « attente» de chirurgie peut être envisagée. On ne retrouve dans la littérature que des cohortes rétrospectives avec un nombre limité de patients évaluant les résultats de la valvuloplastie aortique chez le patient en CC. Dans ces études, la mortalité hospitalière postvalvuloplastie aortique chez le patient en CC varie entre 42 et 57 %. Des complications graves peuvent survenir dans 10 % des cas et la resténose valvulaire associée à une dété-rioration clinique survient dans les 6 à 12 mois.

2‑ Chez l’adulte présentant une sténose aortique sévère responsable d’un choc cardiogénique, la réparation/remplacement valvulaire ne doit pas se faire par TAVI (transcatheter aortic valve implantation) en première intention. (Accord faible)La mise en place d’une valve percutanée reste actuellement une contre-indication chez les patients en CC bien qu’une étude rétrospective avec des résultats encourageants soit rapportée dans la littérature (mortalité hospitalière de 19 %) [34].

3‑ Chez l’adulte présentant une insuffisance aortique ou mitrale responsable d’un choc cardiogénique, il faut remplacer la valve en urgence. (Accord fort)

4‑ Chez l’adulte présentant une insuffisance mitrale responsable d’un choc cardiogénique, CPBIA et agents vaso‑/cardioactifs peuvent être utilisés pour permettre une stabilisation en attendant le bloc opératoire qui devra être effectué dans un délai court (< 12 heures). (Accord fort)

5‑ En cas de communication interventriculaire, il faut transférer dans un centre expert pour assistance et dis‑cuter la chirurgie. (Accord fort)

Particularités du choc cardiogénique postchirurgie cardiaque

6‑ Il est possible d’utiliser le milrinone ou le lévosimen‑dan en alternative à la dobutamine en seconde intention pour traiter un choc cardiogénique en postopératoire de chirurgie cardiaque. (Accord faible)Néanmoins, en raison de leur longue durée d’action, le maniement de ces deux médicaments doit être prudent.

7‑ Il est possible d’utiliser du milrinone en première intention pour améliorer l’inotropisme d’un choc car‑diogénique lié à une défaillance du ventricule droit. (Accord faible)

8‑ Il est possible après chirurgie de pontage aortocorona‑rien d’administrer du lévosimendan en première inten‑tion pour traiter un choc cardiogénique après chirurgie cardiaque. (Accord faible)Le lévosimendan est la seule molécule pour laquelle une étude randomisée conclue à une réduction significative de la mortalité lors du traitement d’un CC en postopératoire de chirurgie du pontage aortocoronarien, en comparaison à la dobutamine. Une méta-analyse s’intéressant au lévosi-mendan et à la mortalité en chirurgie cardiaque conclut aussi à une réduction significative de la mortalité mais incorpore sans les distinguer des études où l’administration du lévo-simendan est réalisée en prophylactique, en pré- ou peropé-ratoire, à des études où l’administration du lévosimendan est débutée en postopératoire sur l’existence d’un CC [35]. Les autres études de très bas niveau de preuve ne retrou-vent pas de diminution de la mortalité lors de l’utilisation du lévosimendan en postopératoire de chirurgie cardiaque (cohorte mixte de pontage aortocoronarien et de remplace-ment valvulaire). Il apparaît donc possible après chirurgie du pontage aortocoronarien d’administrer du lévosimendan pour traiter un CC.

Champs 10 : Intoxication par cardiotropes dépresseurs myocardiques

1‑ La connaissance du/des mécanisme(s) en cause (hypo‑volémie, vasodilatation, altération de la contractilité) est essentielle pour adapter le traitement. Il faut faire une échocardiographie en urgence puis mesurer de façon continue le débit cardiaque et la SVO2. (Accord fort)De façon grossière, il faut distinguer les intoxications avec choc de type cardiogénique, hypokinétique et les intoxi-cations essentiellement vasoplégiques. Ces dernières sont en général traitables par vasopresseurs (noradrénaline) et expansion volémique. Il ne faut pas mésestimer la possibilité

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8 Réanimation

de formes mixtes ou de formes vasoplégiques évoluant vers une forme hypokinétique.

2‑ Devant une intoxication par cardiotrope en état de choc, une échocardiographie doit être faite en urgence afin de détecter un état hypokinétique. (Accord fort)

3‑ Toute intoxication par cardiotrope (et en particulier celles par bloqueurs des canaux sodiques, inhibiteurs calciques et bêtabloquants) en état de choc doit être hospitalisée dans un centre expert maitrisant l’ECMO d’autant plus que l’échocardiographie montre un état hypokinétique. En cas de choc réfractaire ou rapide‑ment évolutif, survenant dans un centre sans ECMO, la mise en place d’une ECMO veinoartérielle via l’UMAC doit être envisagée. L’ECMO doit être placée au mieux avant l’apparition d’autres défaillances viscérales (foie, rein, poumon) et dans tous les cas avant l’arrêt cardia‑que. Le choc vasoplégique isolé n’est pas une indication d’ECMO. (Accord fort)

4‑ En présence d’un choc, le remplissage vasculaire est indiqué en cas d’hypovolémie vraie et doit être effectué sous monitoring devant la possibilité d’une défaillance cardiaque associée. Une vasodilatation nécessite un trai‑tement vasoconstricteur (noradrénaline). Une défaillance cardiaque nécessite l’adjonction à la noradrénaline de dobutamine ou l’utilisation d’adrénaline en connaissant ses effets secondaires (acidose lactique). (Accord fort)

5‑ Les thérapeutiques adjuvantes telles que le glucagon (bêtabloquants), l’insulinothérapie euglycémique (inhi‑biteurs calciques) ou l’émulsion lipidique (anesthésiques locaux et cardiotoxiques liposolubles) sont des traite‑ments de seconde intention, après recours aux inotropes ou vasopresseurs (de première intention). Leur échec ne doit pas faire retarder l’indication d’ECMO veinoarté‑rielle. (Accord faible)

6‑ L’administration de bicarbonate de sodium molaire (doses fractionnées de 100 à 250 ml jusqu’à une dose totale maximale de 750 ml) est indiquée en cas de choc toxique avec troubles de conduction intraventriculaire (QRS élargi) en complément des autres thérapeutiques. (Accord fort)

Champs 11 : Choc cardiogénique compliquant une cardiopathie chronique terminale

1‑ Les patients présentant une cardiopathie chronique sévère doivent être évalués pour éligibilité à la greffe cardiaque dans un centre habilité à pratiquer cette inter‑vention. (Accord fort)

2‑ Un malade présentant une cardiopathie terminale décompensée et qui a été jugé éligible à la greffe cardia‑que doit être pris en charge rapidement dans le centre expert qui a pratiqué cette évaluation. (Accord fort)

3‑ L’ECMO veinoartérielle est indiquée en première intention en cas de choc évolutif ou réfractaire (aci‑dose lactique persistante, bas débit cardiaque, for‑tes doses de catécholamines, défaillance rénale et/ou hépatique) et d’arrêt cardiaque sans no‑flow chez les malades présentant une cardiopathie chronique évoluée sans contre‑indication à la greffe cardiaque. (Accord fort)

4‑ En cas de choc cardiogénique évolutif ou réfractaire chez un malade hospitalisé pour cardiopathie chronique décompensée dans un centre sans assistance circulatoire, le recours urgent à une unité mobile d’assistance circula‑toire pour la mise en place d’une ECMO veinoartérielle puis le transfert du malade sous ECMO vers le centre expert est recommandé. (Accord fort)

Champs 12 : Traitements post‑chocs

1‑ Une fois que la prise en charge de la phase aigüe du choc cardiogénique a permis de déchoquer le patient, un traitement approprié par voie orale de l’insuffisance cardiaque doit être prescrit sous étroite surveillance. (Accord fort)

2‑ Il faut introduire très précocement après le sevrage des vasopresseurs une thérapie par bêtabloquants, inhibiteur de l’enzyme de conversion et antagonistes de l’aldostérone pour améliorer la survie par diminution du risque rythmique et des récurrences de poussée d’insuf‑fisance cardiaque. (Accord fort)La prise en charge du patient une fois le choc traité doit correspondre aux recommandations les plus récentes du traitement de l’insuffisance cardiaque chronique. Ces trai-tements seront introduits précocement dès le sevrage des vasopresseurs, à petites doses augmentées progressivement. Dans un certain nombre de cas, l’introduction est mal sup-portée et peut nécessiter de réintroduire transitoirement des vasopresseurs.

Champs 13 : Autres étiologies

1‑ Les patients en insuffisance cardiaque aiguë ou choc cardiogénique sur myocardite doivent être trans‑férés dans un centre expert, au besoin sous ECMO. (Accord fort)

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Réanimation 9

2‑ Il faut considérer un traitement par bromo criptine dans le choc cardiogénique de la myocardiopathie du péripartum après élimination d’une cardiopathie pré‑existante ou génétique. (Accord faible)

3‑ Il faut éliminer une coronaropathie par une technique d’imagerie (coronarographie ou tomodensitométrie) et réaliser une imagerie ventriculaire (échocardiographie ou ventriculographie ou IRM) avant d’affirmer le dia‑gnostic de cardiopathie de stress. (Accord fort)

4‑ Le traitement des formes graves de cardiopathie de stress repose sur le traitement d’un facteur favorisant éventuel, et être symptomatique, basé sur le rétablisse‑ment d’une balance énergétique favorable du myocarde. (Accord fort)

5‑ Dans la cardiopathie de stress, la diminution de poso‑logie des inotropes, voire leur arrêt, est recommandée, à condition de pouvoir contrôler le débit circulatoire par des moyens mécaniques dans les chocs sévères : contre‑pulsion intra‑aortique, assistance circulatoire de courte durée (ECMO, Tandem Heart®, pompes centri‑fuges). Le pronostic étant bon et la réversibilité souvent rapide, le risque/bénéfice doit être évalué par un centre expert. (Accord fort)

Champs 14 : Parcours du patient

Cet item est probablement le plus important de ces recom-mandations formalisées d’experts. En effet, le CC est une maladie rare nécessitant pour sa prise en charge un plateau technique multidisciplinaire et des équipes médicales spé-cialisées et expérimentées.

1‑ De l’urgence à la réhabilitation, le patient doit être pris en charge par une chaîne médicale spécialisée et adaptée à la gravité effective ou potentielle. (Accord fort)

2‑ Cette chaîne médicale potentielle doit être parfaite‑ment identifiée par tous les acteurs (Samu, urgences, services de cardiologie, réanimations, chirurgie car‑diaque). En particulier, un numéro de téléphone « centre expert » avec réponse spécialisée 24 heures/24 doit être disponible. (Accord fort)

3‑ La reconnaissance officielle par les Agences régio‑nales de santé de « centres experts » est recommandée. Ces centres experts doivent associer sur le même site des compétences multidisciplinaires (cardiologie médicale et interventionnelle, anesthésie, chirurgie cardiaque tho‑racique et vasculaire, réanimation, plateau technique radiologique, y compris pour les procédures interven‑tionnelles vasculaires, UMAC). (Accord fort)

Liens d’intérêts : B. Levy, T. Boulain, K. Kuteifan et le groupe d’experts déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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