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Cas clinique Prise en charge nutritionnelle lors d’une chimiothérapie pour hémopathie maligne Nutritional support during chemotherapy for acute leukemia Pauline Coti Bertrand *, Marie-Paule Depraz-Cissoko, NellyYar, Michel Roulet Unité de nutrition clinique, centre hospitalier universitaire Vaudois, 46, rue du Bugnon, 1011 Lausanne, Suisse Accepté le 24 juin 2003 Mots clés : Greffe de cellules souches de moelle osseuse ; Hémopathies malignes ; Risque nutritionnel Keywords: Bone marrow transplantation; Acute leukaemia; Nutritional risk L’observation présentée est réelle. L’auteur de ce cas cli- nique n’a pas été impliqué dans la stratégie diagnostique et thérapeutique initiale, mais seulement consulté pour la prise en charge nutritionnelle. Cette observation a été préparée et discutée par les membres du conseil scientifique de la Société francophone de nutrition entérale et parentérale (SFNEP). Elle a fait l’objet d’une présentation au cours de la journée éducationnelle du congrès de la SFNEP à Dijon en novembre 2002. Sept questions à choix multiples sont proposées. Pour chacune d’entre elles, une seule réponse est possible. Un argumentaire fait suite à chaque question. Le thème de cette présentation est la prise en charge nutritionnelle lors d’une chimiothérapie pour hémopathie maligne. Les objectifs éducationnels sont au nombre de qua- tre : connaître et prendre en charge les conséquences nutri- tionnelles de chimiothérapies myélo-ablatives ; savoir évaluer les ingesta au cours de ce type de chimio- thérapie ; savoir optimiser les apports oraux en présence des effets secondaires de ce type de chimiothérapie ; connaître les indications et les modalités de la nutrition artificielle lors du traitement par chimiothérapie d’une hémopathie maligne. Monsieur A. est un sportif de 56 ans, divorcé, photographe de métier et en bonne santé habituelle. Début mars 2001, il consulte son médecin traitant pour des pétéchies apparues sur les membres supérieurs. Le bilan sanguin montre une throm- bopénie à 35 g/L associée à une leucocytose à 100 g/L et fait suspecter une hémopathie maligne. Une ponction–biopsie de moelle et une ponction lombaire permettent de poser le diagnostic de leucémie myéloïde aiguë de type M2 (LMA) avec infiltration méningée. Un état fébrile avec un infiltrat pulmonaire basal droit fait évoquer un foyer infectieux pul- monaire pour lequel une antibiothérapie à large spectre par céphalosporine est instaurée. Le patient est hospitalisé deux jours plus tard pour la prise en charge thérapeutique de sa LMA. À son admission (J1), Monsieur A. est en assez bon état général. Il a toutefois perdu 2,8 kg durant le dernier mois écoulé, évoquant une certaine inappétence. Il pèse 51,2 kg pour un poids de forme de 54 kg, ce qui correspond à un IMC de 18,3. Il est apyrétique. Son bilan biologique est le suivant : hémoglobine 98 g/L, leuco- cytes 121 g/L, plaquettes 14 g/L, sodium 138 mmol/L, potas- sium 3,7 mmol/L, créatinine 102 μmol/L, glycémie 6,3 mmol/L, taux de prothrombine 90 %, albuminémie 39 g/L, C-réactive protéine 13 mg/L. 1. Question 1 Quel est le risque de dénutrition de ce patient vu le dia- gnostic de départ et le schéma thérapeutique prévisible ? 1. Absent 2. Faible 3. Moyen 4. Élevé Commentaires : la réponse est 4, le risque nutritionnel est élevé. Il est bien illustré par une étude danoise qui a * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.C. Bertrand). Nutrition clinique et métabolisme 17 (2003) 197–201 © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. doi:10.1016/S0985-0562(03)00053-0

Prise en charge nutritionnelle lors d’une chimiothérapie pour hémopathie maligne

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Page 1: Prise en charge nutritionnelle lors d’une chimiothérapie pour hémopathie maligne

Cas clinique

Prise en charge nutritionnelle lors d’une chimiothérapiepour hémopathie maligne

Nutritional support during chemotherapy for acute leukemia

Pauline Coti Bertrand *, Marie-Paule Depraz-Cissoko, NellyYar, Michel Roulet

Unité de nutrition clinique, centre hospitalier universitaire Vaudois, 46, rue du Bugnon, 1011 Lausanne, Suisse

Accepté le 24 juin 2003

Mots clés : Greffe de cellules souches de moelle osseuse ; Hémopathies malignes ; Risque nutritionnel

Keywords: Bone marrow transplantation; Acute leukaemia; Nutritional risk

L’observation présentée est réelle. L’auteur de ce cas cli-nique n’a pas été impliqué dans la stratégie diagnostique etthérapeutique initiale, mais seulement consulté pour la priseen charge nutritionnelle. Cette observation a été préparée etdiscutée par les membres du conseil scientifique de la Sociétéfrancophone de nutrition entérale et parentérale (SFNEP).Elle a fait l’objet d’une présentation au cours de la journéeéducationnelle du congrès de la SFNEP à Dijon en novembre2002. Sept questions à choix multiples sont proposées. Pourchacune d’entre elles, une seule réponse est possible. Unargumentaire fait suite à chaque question.

Le thème de cette présentation est la prise en chargenutritionnelle lors d’une chimiothérapie pour hémopathiemaligne. Les objectifs éducationnels sont au nombre de qua-tre :

• connaître et prendre en charge les conséquences nutri-tionnelles de chimiothérapies myélo-ablatives ;

• savoir évaluer les ingesta au cours de ce type de chimio-thérapie ;

• savoir optimiser les apports oraux en présence des effetssecondaires de ce type de chimiothérapie ;

• connaître les indications et les modalités de la nutritionartificielle lors du traitement par chimiothérapie d’unehémopathie maligne.

MonsieurA. est un sportif de 56 ans, divorcé, photographede métier et en bonne santé habituelle. Début mars 2001, ilconsulte son médecin traitant pour des pétéchies apparues surles membres supérieurs. Le bilan sanguin montre une throm-

bopénie à 35 g/L associée à une leucocytose à 100 g/L et faitsuspecter une hémopathie maligne. Une ponction–biopsie demoelle et une ponction lombaire permettent de poser lediagnostic de leucémie myéloïde aiguë de type M2 (LMA)avec infiltration méningée. Un état fébrile avec un infiltratpulmonaire basal droit fait évoquer un foyer infectieux pul-monaire pour lequel une antibiothérapie à large spectre parcéphalosporine est instaurée.

Le patient est hospitalisé deux jours plus tard pour la priseen charge thérapeutique de sa LMA. À son admission (J1),MonsieurA. est en assez bon état général. Il a toutefois perdu2,8 kg durant le dernier mois écoulé, évoquant une certaineinappétence. Il pèse 51,2 kg pour un poids de forme de 54 kg,ce qui correspond à un IMC de 18,3. Il est apyrétique. Sonbilan biologique est le suivant : hémoglobine 98 g/L, leuco-cytes 121 g/L, plaquettes 14 g/L, sodium 138 mmol/L, potas-sium 3,7 mmol/L, créatinine 102 µmol/L, glycémie6,3 mmol/L, taux de prothrombine 90 %, albuminémie39 g/L, C-réactive protéine 13 mg/L.

1. Question 1

Quel est le risque de dénutrition de ce patient vu le dia-gnostic de départ et le schéma thérapeutique prévisible ?

1. Absent2. Faible3. Moyen4. ÉlevéCommentaires : la réponse est 4, le risque nutritionnel

est élevé. Il est bien illustré par une étude danoise qui a* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P.C. Bertrand).

Nutrition clinique et métabolisme 17 (2003) 197–201

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.doi:10.1016/S0985-0562(03)00053-0

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porté sur 52 patients atteints de leucémie aiguë [1]. Cetteétude montre qu’en phase d’induction la durée moyenne dela neutropénie et donc du risque infectieux est de 22 jours.Les troubles digestifs sous forme de diarrhée sont présentsau minimum 4 jours et peuvent persister pendant près de15 jours. Les 80 % des patients qui voient leur poids chuterperdent en moyenne 10 %. Il en résulte un déficit azotéimportant ; l’albuminémie à 34 g/L à l’admission chute endessous de 25 g/L chez 47 % des patients pendant cettephase d’induction.

Chez Monsieur A., le programme de chimiothérapie quisera réalisé comprend l’ induction (une cure de cytarabine +idarubine), la consolidation (deux cures de cytarabine àhau-tes doses) et finalement l’autogreffe avec intensification (unecure de busulfan et cyclophosphamide) et réinfusion de cel-lules souches hématopoïétiques. De plus, y seront associéessix cures intrathécales de méthotrexate et cytarabine pourl’ infiltration méningée.

À J1, un cathéter veineux central à trois voies est posé ensite sous-clavier droit. La chimiothérapie d’ induction estréalisée.

L’évolution est marquée par la survenue de plusieurs com-plications : un état fébrile avec agranulocytose (J3), deshémorragies rétiniennes bilatérales (J4), une mucite avecdysgueusie (J8).

Le bilan biologique à J8 est le suivant : hémoglobine91 g/L, leucocytes 0,8 g/L, plaquettes 41 g/L, sodium136 mmol/L, potassium 4,2 mmol/L, créatinine 88 µmol/L,taux de prothrombine 80 %, glycémie 5,1 mmol/L, albumi-némie 34 g/L, C-réactive protéine 14 mg/L.

2. Question 2

Selon les infirmières, Monsieur A. mange peu. Quelleméthode d’évaluation des ingesta utilisez-vous en premièreintention ?

1. Rappel de 24 heures de la prise alimentaire.2. Recueil sur 3 jours de la prise alimentaire.3. Comparaison avec la prise alimentaire habituelle.4. Méthode des pesées des aliments.Commentaires : réponse 3, l’évaluation des ingesta est

réalisée en première intention par comparaison avec laprise alimentaire habituelle. En pratique clinique courante,parmi les méthodes d’évaluation simple des ingesta, aucunene permet d’obtenir des informations précises et fiables.Même dans des conditions favorables, lors d’une évaluationquantitative, 20 % de différence par rapport aux dépensesénergétiques mesurées sont possibles [2]. En revanche,l’évaluation qualitative des ingesta s’avère utile pour iden-tifier une réduction précoce des apports protéiques quipourrait être expliquée par le fort pouvoir satiétogène deces nutriments [3].

Chez ce malade, l’apport protéino-énergétique est effon-dré. L’évaluation des ingesta par comparaison à la prisealimentaire habituelle montre qu’ il parvient à consommerseulement le tiers de sa ration habituelle. La diététicienne de

l’unité de nutrition clinique confirme cette insuffisance desingesta sur le plan énergétique et protéique par un recueil sur3 jours de la prise alimentaire. Monsieur A. pèse àce moment51 kg.

3. Question 3

Dans ces circonstances, que proposez-vous à ce maladesur le plan nutritionnel ?

1. Optimisation de l’alimentation.2. Prescription de compléments nutritionnels liquides.3. Mise en route d’une nutrition entérale (NE).4. Mise en route d’une nutrition parentérale (NP).Commentaires : réponse 4, une NP est à ce stade

indiquée. Le patient est inappétent et présente une dysgueu-sie et une mucite qui rendront les adaptations et l’enrichis-sement de son alimentation par les compléments nutrition-nels oraux insuffısants pour couvrir ses besoinsénergétiques et protéiques. La pose d’une sonde nasogas-trique peut s’avérer dangereuse en raison des troubles de lacrase existants. L’indication à une NP a fortement étésuggérée par l’essai randomisé de Weisdorf et al. qui aporté sur 137 patients en phase d’auto- ou d’allogreffe demoelle (Fig. 1) [4]. Ce travail a montré un effet bénéfiqued’une nutrition parentérale prophylactique vs une hydrata-tion simple par glucosé 5 % en terme de survie à 2 ans(50 vs 35 %, p = 0,02) et de survie sans rechute et cemalgré un taux d’infection plus élevé. Il n’existe pas à notreconnaissance une telle étude pour la phase d’induction.

L’unité de nutrition clinique a conseillé la mise en routed’une NP.

Fig. 1. Assistance nutritionnelle et pronostic lors de chimiothérapie myélo-suppressive : effet bénéfique de la nutrition parentérale chez 137 patients(adapté d’après Weisdorf et al. [4]).

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4. Question 4

Quel type de support parentéral proposez-vous ?1. NP totale conventionnelle par voie centrale.2. NP totale « spécifique » enrichie en glutamine.3. NP partielle par voie périphérique.4. Apport de glucosé à20 % avec du potassium.Commentaires : réponse 1, le support nutritionnel indi-

qué est une NP totale conventionnelle par voie centrale dufait de l’hyperosmolarité des solutions perfusées. Le rôlebénéfique de la supplémentation en glutamine est illustrépar deux essais randomisés à la phase de la greffe demoelle. La glutamine est un substrat essentiel pour l’enté-rocyte et le lymphocyte dont les besoins augmentent ensituation d’agression et d’hypermétabolisme. Ziegler et al.en 1992 [5] ont montré une réduction du nombre d’infec-tions cliniques (3 vs 9, p = 0,041) et de la durée de séjour(29 vs 36 jours, p = 0,017) chez les patients supportés parune nutrition parentérale enrichie avec de la glutamine vsune nutrition parentérale conventionnelle. Une année plustard, seule la réduction de la durée de séjour est confirméepar Schloerb et al. [6]. En revanche, le nombre d’infectionscliniques, la sévérité de la mucite, la durée de neutropénie,la survie à 30 jours sont inchangés lors d’une supplémen-tation de la nutrition parentérale avec de la glutamine. Cestravaux restent controversés et ne permettent pas à notresens, de proposer en routine et en première intention, uneNP spécifique. En revanche, un apport nutritionnel par voiepériphérique serait insuffısant pour couvrir les besoins.

Le médecin responsable du patient préfère dans un pre-mier temps une optimisation de l’alimentation orale avecprescription de compléments nutritionnels liquides.

Entre J8 et J28, le patient est en agranulocytose et rede-vient fébrile malgré des réajustements de l’antibiothérapie.Un scanner abdominal fait suspecter une candidose hépatos-plénique pour laquelle un traitement antifongique par am-photéricine puis fluconazole est administré. Les adaptationsde l’alimentation orale sont réalisées. Monsieur A. couvrepéniblement le tiers de ses besoins énergétiques et son poidspasse de 51 à47 kg. À J28, soit 20 jours après la propositiondu nutritionniste, une nutrition parentérale conventionnelleest prescrite.

Entre J28 et J45, les besoins théoriques estimés à30 Kcal/kg de poids par jour et 1,2 g/kg de poids par jour deprotéines sont couverts pour 1/3 avec l’alimentation orale etpour 2/3 avec la nutrition parentérale. Le poids est stable. Lamucite régresse partiellement. Le patient n’a ni nausée, nivomissement, ni diarrhée.

À J45, le bilan biologique est le suivant : hémoglobine90 g/L, leucocytes 15,5 g/L, plaquettes 424 g/L, sodium135 mmol/L, potassium 4 mmol/L, créatinine 74 µmol/L,taux de prothrombine 60 %, glycémie 7,8 mmol/L, albumi-némie 26 g/L, C-réactive protéine 216 mg/L (à la baisse). La1ère chimiothérapie de consolidation est envisagée dans undélai de 15 jours, pour autant que la rémission soit confirméepar ponction-biopsie de moelle.

5. Question 5

Quelle proposition nutritionnelle faites-vous ?1. Poursuite de la NP.2. Arrêt de la NP avec optimisation de l’alimentation

orale.3. Arrêt de la NP avec compléments nutritionnels liqui-

des.4. Arrêt de la NP avec nutrition entérale.Commentaires : réponse 4, la NP peut être relayée par la

nutrition entérale. Le tube digestif du patient est totalementfonctionnel, ses troubles de la crase ont régressé et autori-sent la pose d’une pose nasogastrique sans risque hémor-ragique. Le support nutritionnel reste indiqué. L’inappé-tence est un symptôme fréquent et particulièrement rebellelors de chimiothérapie. Dans une étude s’intéressant à50 patients atteints de leucémie aiguë, 65 % des patients neparvenaient pas à couvrir les 50 % de leurs besoinsénergétiques pendant plus de 11 jours avec leur alimenta-tion orale et malgré les adaptations réalisées [7]. Cepourcentage observé durant la phase d’induction passait à20 % pendant la phase de consolidation et remontait à40 % pendant la phase d’autogreffe.

La nutrition parentérale est stoppée et une nutrition enté-rale débutée progressivement.

Le patient est en rémission. La 1ère cure de consolidation alieu. L’évolution est simple avec une agranulocytose decourte durée (3 jours). La nutrition entérale est maintenue etl’alimentation orale couvre la moitié des besoins énergéti-ques du patient. Une sortie àdomicile pour 8 jours est prévueavant la 2e cure de consolidation. Le poids est de 45 kg.

6. Question 6

Pour le domicile, quelle est votre proposition nutrition-nelle ?

1. Poursuite de la nutrition entérale par sonde nasogastri-que.

2. Pose d’une gastrostomie percutanée endoscopique pourune nutrition entérale.

3. Compléments nutritionnels liquides.

Fig. 2. Évolution des symptômes entravant la prise alimentaire durant l’an-née qui suit une autogreffe de moelle osseuse (adapté de Iestra et al. [9]).

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4. Aucune assistance nutritionnelle.Commentaires : réponse 1, selon les standards, options

et recommandations pour la nutrition artificielle au cours etau décours de la greffe de cellules souches hématopoïéti-ques [8], l’état nutritionnel préalable à la greffe pourraitêtre un facteur de risque de décès après la greffe. Ainsi aumoins quatre arguments plaident en faveur du maintien dela nutrition entérale à domicile : le patient est dénutrisévère, ses apports oraux ne couvrent que les 50 % de sesbesoins énergétiques, il est traité pour une candidosehépatosplénique, une 2e chimiothérapie est prévue dans unesemaine avant l’autogreffe de moelle.

Que dire du confort du patient ? Est-il à placer dans uneargumentation pour ou contre le maintien de la nutritionartificielle ?

Monsieur A. est sorti àsa demande et malgrénos conseilssans nutrition entérale. Il est réhospitalisé une semaine plustard à 43 kg, soit avec une perte de poids supplémentaire de2 kg.

La 2e cure de consolidation, puis la cure d’ intensificationpour l’autogreffe ont lieu. Durant son séjour à l’hôpital, lepatient sera soutenu par une nutrition parentérale convention-nelle. Pendant ses 15 jours de sortie àdomicile entre les deuxcures, il refusera tout support nutritionnel artificiel. Troismois après le début de sa prise en charge oncologique, lepatient est en rémission. Il ne pèse plus que 43 kg. Sa pertetotale de poids est de 11 kg, ce qui correspond aux 20 % deson poids de forme.

7. Question 7

Quelle va être l’évolution de son poids dans les moissuivants ?

1. Poursuite de la perte de poids.2. Stabilisation du poids.3. Récupération du poids de forme en 3 mois.4. Récupération du poids de forme en plus de 6 mois.

Commentaires : réponse 4, la récupération du poids deforme va nécessiter plus de 6 mois. Le suivi sur un an de135 patients ayant bénéficié d’une greffe de moelle peutaider à répondre à cette dernière question [9]. La Fig. 2présente les différents paramètres qui peuvent expliquer lefait que plus des trois quarts des patients ont des diffıcultésalimentaires en fin de traitement et qu’elles persistent chezun quart d’entre eux un an plus tard. De plus, l’asthénie estprésente chez près de neuf sur dix en fin de traitement etencore chez un sur deux patient à un an. Chez ces mêmespatients, la compliance pour l’enrichissement de leur ali-mentation orale en énergie, en protéines et en vitamines-oligo-éléments est en fin de traitement respectivement de42, 29 et 36 % et après un an de suivi de 9,4 et 26 %.

Un an plus tard, Monsieur A. est à 49,6 kg soit encore à8 % en dessous de son poids de forme. Il a récupéré sonappétit antérieur à la maladie depuis 2 mois seulement(Fig. 3). Sur le plan fonctionnel, cet homme ex-sportif nepeut pas rester debout plus de 2 heures consécutives. Uneasthénie et fatigabilitéau moindre effort entravent toutes sesactivités de la vie quotidienne.

Au-delà de la guérison d’un patient, sa qualité de vie doitêtre un souci permanent dans notre prise en charge. Dans cesens, l’utilisation d’un outil de performance physique etpsychique en pratique courante pourrait s’avérer précieuse(indice de Karnofsky ou Performance Status de l’Organisa-tion mondiale de la santé).

Références

[1] Eriksson KM, Cederholm T, Palmblad JE. Nutrition and acute leuke-mia in adults: relation between nutritional status and infectious com-plications during remission induction. Cancer 1998;82(6):1071–7.

[2] Schoeller DA. Limitations in the assessment of dietary energy intakeby self-report. Metabolism 1995;44(2 Suppl 2):18–22.

[3] Stubbs RJ. Peripheral signals affecting food intake. Nutrition 1999;15(7–8):614–25.

Fig. 3. Poids et prise alimentaire de Monsieur A. pendant son traitement de chimiothérapie puis pendant sa première année de rémission.

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[4] Weisdorf SA, Lysne J, Wind D, Haake RJ, Sharp HL, Gold-man A, et al. Positive effect of prophylactic total parenteral nutritionon long-term outcome of bone marrow transplantation. Transplanta-tion 1987;43(6):833–8.

[5] Ziegler TR, Young LS, Benfell K, Scheltinga M, Hortos K,Bye R, et al. Clinical and metabolic efficacy of glutamine-supplemented parenteral nutrition after bone marrow transplantation.A randomized, double-blind, controlled study. Ann Intern Med 1992;116(10):821–8.

[6] Schloerb PR, Amare M. Total parenteral nutrition with glutamine inbone marrow transplantation and other clinical applications (a ran-domized, double-blind study). JPEN J Parenter Enteral Nutr 1993;17(5):407–13.

[7] Iestra JA, Fibbe WE, Zwinderman AH, Romijn JA, Kromhout D.Parenteral nutrition following intensive cytotoxic therapy: an explor-atory study on the need for parenteral nutrition after various treatmentapproaches for haematological malignancies. Bone Marrow Trans-plant 1999;23(9):933–9.

[8] Raynard B, Nitenberg G, Gory-Delabaere G, Bourhis JH, Bach-mann P, Bensadoun RJ, et al. Standards, options and recommenda-tions for nutritional support in bone marrow transplant patients. BullCancer 2002;89(4):381–98.

[9] Iestra JA, Fibbe WE, Zwinderman AH, van Staveren WA, Krom-hout D. Body weight recovery, eating difficulties and compliance withdietary advice in the first year after stem cell transplantation: a pro-spective study. Bone Marrow Transplant 2002;29(5):417–24.

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