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Prénom : …………………………………….. Date : …………………………………………………………… Prix littéraire Le miel de la rue Jean Moulin Chapitre 6 : Août Il faut avouer qu’au mois d’août on n’a plus trop envie de travailler. La ville est déserte, toutes les boutiques sont fermées. Plus d’odeur de pain chaud le matin quand on passe au-dessus de la boulangerie. La nature manque d’eau. Les personnes âgées, qui au printemps passent leurs journées à soigner leurs jardins, ne sortent plus, enfermées à l’ombre de leurs ventilateurs : grosses fleurs sans odeur dont les pétales vous coupent en deux si on essaie de les butiner. Num, qui est totalement myope et souvent enrhumée, a plus d’une fois failli être coupée ! Seule madame Leroux partait vaillamment, comme tous les jours de l’année, à 8h30 précises faire une visite à son mari, au

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Prénom : …………………………………….. Date : ……………………………………………………………

Prix littéraireLe miel de la rue Jean Moulin

Chapitre 6 : Août

Il faut avouer qu’au mois d’août on n’a plus trop envie de travailler. La ville est déserte, toutes les boutiques sont fermées. Plus d’odeur de pain chaud le matin quand on passe au-dessus de la boulangerie. La nature manque d’eau. Les personnes âgées, qui au printemps passent leurs journées à soigner leurs jardins, ne sortent plus, enfermées à l’ombre de leurs ventilateurs : grosses fleurs sans odeur dont les pétales vous coupent en deux si on essaie de les butiner. Num, qui est totalement myope et souvent enrhumée, a plus d’une fois failli être coupée !Seule madame Leroux partait vaillamment, comme tous les jours de l’année, à 8h30 précises faire une visite à son mari, au cimetière, en tirant son caddie fleuri. La chaleur n’avait pas l’air de la déranger. Madame Leroux, c’est une valeur sure : elle change les fleurs sur la tombe de son André tous les trois jours.

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Madame Leroux, je ne sais pas comment elle fait, mais on dirait que des fleurs, elle en invente. Chaque fois des nouvelles ! Et puis, toujours d’une fraicheur ! Un régal ! Elle commence par une prière silencieuse, puis elle jardine autour de la tombe, en papotant tout haut avec son « Dédé », comme elle l’appelle. Quand elle repart, vers 11 heures, elle s’adresse à nous :« Mesdemoiselles, je vous confie mon André, occupez-vous bien de ses fleurs et veillez sur lui, il est comme vous, il est au ciel ! A demain, mes petits anges ! »

Du côté des jardins partagés, un vieux Malien de 2 mètres s’était donné pour mission d’arroser les parcelles des vacanciers. Lui qu’on voit toute l’année en costume, porte une djellaba en été.Le soleil doit lui rappeler son pays. Des gamins venaient l’aider, mais les séances d’arrosage se transformaient souvent en bataille d’eau, quand il était occupé à faire sa prière, tournée vers La Mecque.

Nous, on progressait, mais la reine restait intraitable :« Ce n’est pas parce que monsieur Pierrot est parti en Bretagne que vous allez vous la couler douce. Les filles, il faut vous bouger les antennes ! »