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Prénom : …………………………………….. Date : …………………………………………………………… Prix littéraire Le miel de la rue Jean Moulin Chapitre 3 : Mai La musique aussi, j’adore. Pour ça, à Jean Moulin, on est servi. Il y a toujours quelqu’un qui chante : à l’église, à la synagogue, à la mosquée, au temple et même à la boulangerie (il faut dire que le boulanger est fan d’opéra. Comme il commence son travail en chantant à 4h du matin, ça fait un peu râler les voisins). Monsieur Pierrot, lui, il siffle, surtout les jours de soleil. Vendredi dernier, ça a été une journée noire : Num a bien failli être mangée par un merle. Par chance, elle s’en est sortie, et c’est le chat de monsieur Pierrot qui a fini par manger l’oiseau. Après ça, Num a manqué de se faire écraser : elle a butiné du jasmin tombé dans la chaussure d’une jeune fille à la mosquée, juste au moment où celle-ci s’apprêtait à la remettre. Panique : la jeune fille a eu peur. Son petit frère, en colère, a poursuivi Num avec

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Prénom : …………………………………….. Date : ……………………………………………………………

Prix littéraireLe miel de la rue Jean Moulin

Chapitre 3 : MaiLa musique aussi, j ’adore. Pour ça, à Jean Moulin, on est servi. I l y a toujours quelqu’un qui chante : à l’église, à la synagogue, à la mosquée, au temple et même à la boulangerie (i l faut dire que le boulanger est fan d’opéra. Comme il commence son travail en chantant à 4h du matin, ça fait un peu râler les voisins). Monsieur Pierrot, lui, il siffle, surtout les jours de soleil.

Vendredi dernier, ça a été une journée noire  : Num a bien fail li être mangée par un merle. Par chance, elle s’en est sortie, et c’est le chat de monsieur Pierrot qui a fini par manger l’oiseau.

Après ça, Num a manqué de se faire écraser  : elle a butiné du jasmin tombé dans la chaussure d’une jeune fille à la mosquée, juste au moment où celle-ci s’apprêtait à la remettre. Panique : la jeune fille a eu peur. Son petit frère, en colère, a poursuivi Num avec une basket. C’est toujours pareil  : plein de gens nous prennent pour des guêpes. N’importe quoi  !

Pour finir, Num, Num et Num sont rentrées bredouilles  : ces crétines ont passé la journée à butiner des fleurs en plastique, sur les chapeaux de trois vieil les dames à la messe.

Ensuite, on a eu de la pluie pendant deux semaines, avec des rafales de vent glacé qui nous faisaient perdre un temps fou. Quand on visait un massif, les courants nous emmenaient dix mètres plus loin. En plus, les pétales étaient tout glissants et Num s’est foulé une patte en tombant d’une pivoine mouillée. Alors, pour se réconforter, Num, Num et moi, pendant la pause, on passait boire discrètement un petit expresso au café de la Poste en face de l’église, dans la tasse de monsieur Pierrot.

Puis le soleil est revenu.

Un dimanche, des premières communiantes à la sortie de la messe portaient des fleurs blanches dans les cheveux. On s’est faites toutes petites pour aller les butiner sans les effrayer. L’épisode de la basket nous avait servi de leçon.

Malgré cela, le mois de mai n’a pas été brillant. On était bien loin des mille fleurs. La reine était furieuse.

La nuit, dans nos rêves, on butinait, on butinait, on butinait des fleurs inconnues, aux couleurs qui n’existent pas, dans des jungles imaginaires, et un miel irréel coulait comme un océan.