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1 CAPAVOCAT PROCEDURE CIVILE CORRECTION DU DST n°3 DU LUNDI 16 août 2010 SUJET N O 1 : Dissertation : Le principe de loyauté Le principe de loyauté est connu depuis longtemps dans le droit français des contrats, notamment à travers la notion de bonne foi que l’on trouve à l’article 1134 du Code civil. Son apparition en procédure civile est beaucoup plus récente, du moins en droit français. En effet, les pays anglo- saxons ont développé depuis de nombreuses années le concept du due process of law, et c’est sans doute par l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui compte parmi ses membres des juristes de common law que le principe de loyauté en procédure civile a fait son chemin dans notre système. D’abord limité au droit de la preuve, le principe de loyauté semble aujourd’hui consacré par la Cour de cassation comme un principe directeur du procès gouvernant ainsi les débats judiciaires. Si la loyauté peut apparaître comme une notion floue et imprécise, sa proclamation en la matière peut être ressentie comme nécessaire, en ce que le procès civil, quoique accusatoire, ne doit pas être une arène où tous les coups seraient permis : il n’est pas inutile qu’un principe de loyauté vienne surplomber en tant que norme juridique les devoirs déontologiques pesant sur les professionnels de la justice. Suggéré et conceptualisé par une partie de la doctrine, un principe de loyauté des débats, pesant tout à la fois sur le juge et les parties, a très clairement été consacré par un arrêt du 7 juin 2005 de la première chambre civile de la Cour de cassation. Principe relevant de la morale, le principe de loyauté apparaît doté d’une portée ambiguë, et même superflu en tant qu’il investirait une part de la fonction traditionnellement dévolue à des principes préexistants, comme le principe de la légalité de la preuve ou le principe du contradictoire. A cet égard, une part de la doctrine n’est guère favorable à sa proclamation. Le principe de loyauté serait ainsi inutile, mais également inopportun en ce qu’il constitue un obstacle à la manifestation de la vérité à laquelle doivent aspirer pourtant tous les principes de procédure civile. Certes, le principe de loyauté des débats devrait permettre de corriger ce défaut en favorisant la manifestation de la vérité ; mais d’une part cela révèle l’incohérence du principe de loyauté (les résultats obtenus étant contradictoires) et d’autre part, l’impossibilité pratique de contrôler la loyauté des débats atténue fortement l’utilité d’un tel principe. Alors que la jurisprudence semble avoir consacré le principe de loyauté et que le rapport Magendie I a proposé d’en faire un principe directeur du procès en l’introduisant à l’article 2 CPC, on peut se demander s’il ne devrait pas rester une simple règle de morale sans pouvoir servir de fondement aux juges. S’il est indéniable que le principe de loyauté est un principe émergent en procédure civile (I), il n’en demeure pas moins un principe critiquable (II).

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CAPAVOCAT PROCEDURE CIVILE

CORRECTION DU DST n°3 DU LUNDI 16 août 2010 SUJET NO 1 : Dissertation : Le principe de loyauté Le principe de loyauté est connu depuis longtemps dans le droit français des contrats, notamment à travers la notion de bonne foi que l’on trouve à l’article 1134 du Code civil. Son apparition en procédure civile est beaucoup plus récente, du moins en droit français. En effet, les pays anglo-saxons ont développé depuis de nombreuses années le concept du due process of law, et c’est sans doute par l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui compte parmi ses membres des juristes de common law que le principe de loyauté en procédure civile a fait son chemin dans notre système. D’abord limité au droit de la preuve, le principe de loyauté semble aujourd’hui consacré par la Cour de cassation comme un principe directeur du procès gouvernant ainsi les débats judiciaires. Si la loyauté peut apparaître comme une notion floue et imprécise, sa proclamation en la matière peut être ressentie comme nécessaire, en ce que le procès civil, quoique accusatoire, ne doit pas être une arène où tous les coups seraient permis : il n’est pas inutile qu’un principe de loyauté vienne surplomber en tant que norme juridique les devoirs déontologiques pesant sur les professionnels de la justice. Suggéré et conceptualisé par une partie de la doctrine, un principe de loyauté des débats, pesant tout à la fois sur le juge et les parties, a très clairement été consacré par un arrêt du 7 juin 2005 de la première chambre civile de la Cour de cassation. Principe relevant de la morale, le principe de loyauté apparaît doté d’une portée ambiguë, et même superflu en tant qu’il investirait une part de la fonction traditionnellement dévolue à des principes préexistants, comme le principe de la légalité de la preuve ou le principe du contradictoire. A cet égard, une part de la doctrine n’est guère favorable à sa proclamation. Le principe de loyauté serait ainsi inutile, mais également inopportun en ce qu’il constitue un obstacle à la manifestation de la vérité à laquelle doivent aspirer pourtant tous les principes de procédure civile. Certes, le principe de loyauté des débats devrait permettre de corriger ce défaut en favorisant la manifestation de la vérité ; mais d’une part cela révèle l’incohérence du principe de loyauté (les résultats obtenus étant contradictoires) et d’autre part, l’impossibilité pratique de contrôler la loyauté des débats atténue fortement l’utilité d’un tel principe. Alors que la jurisprudence semble avoir consacré le principe de loyauté et que le rapport Magendie I a proposé d’en faire un principe directeur du procès en l’introduisant à l’article 2 CPC, on peut se demander s’il ne devrait pas rester une simple règle de morale sans pouvoir servir de fondement aux juges. S’il est indéniable que le principe de loyauté est un principe émergent en procédure civile (I), il n’en demeure pas moins un principe critiquable (II).

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I. Le principe de loyauté : un principe émergent Le principe de loyauté a d’abord été appliqué par la jurisprudence à l’administration de la preuve (A). Ce n’est que par la suite que la Cour de cassation l’a étendu au déroulement des débats (B). A. La loyauté de la preuve Si le principe de la loyauté de la preuve n’est pas explicitement énoncé d’une manière générale par le Code de procédure civile, plusieurs textes la sous-tendent, et notamment les articles 9 et 10, qui soumettent le droit de la preuve à une exigence générale de légalité (art. 9 : « conformément à la loi » ; art. 10 : « mesures légalement admissibles »). Cette obligation procédurale est du reste affirmée dans certaines situations particulières. Ainsi l'article 259-1 C.civ., en sa rédaction applicable au 1er janvier 2005, consacre implicitement une obligation de loyauté probatoire entre les époux au cours du divorce. On peut également souligner qu’en tant qu’il permet la production forcée des pièces détenues par une partie, l’article 142 CPC présuppose que cette production spontanée devrait être la règle, en tant qu’exigence de loyauté. Enfin, l’illicéité des modes de preuve se mesure en réalité à l’aune de leur déloyauté. Toutefois, par le passé, la Cour de cassation ne s’en remettait pas au principe de loyauté, mais invoquait les "moyens frauduleux" ou "l'illicéité de la preuve" (Voir pour la filature, par un détective privé, d'un salarié à la demande de son employeur, Soc.., 22 mai 1995). Les arrêts les plus récents font appel plus directement au principe de loyauté, visant non seulement l’article 9 CPC, mais aussi l'article 6-1 CEDH qui affirme le droit à un procès équitable. C'est ainsi que l'enregistrement d'une conversation téléphonique, effectué et conservé à l'insu de son auteur, est « un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue » (Civ. 2e, 7 octobre 2004). Le lien entre la loyauté dans l'administration de la preuve et le procès équitable au sens de l'article 6-1 CEDH n'apparaît pas immédiatement. Pour l'établir, il convient de considérer une de ses composantes : le principe d'égalité des armes. Celui-ci n'est respecté dans la présentation des preuves que si les plaideurs sont soumis à une obligation de loyauté dans leurs recherches et si, corrélativement, le juge a l'obligation de vérifier leur caractère loyal. En effet, si le juge accepte une preuve obtenue par fraude ou par un comportement déloyal, le plaideur qui ne respecterait pas la loyauté serait avantagé par rapport à l'autre. En ce qu'il assure l'égalité des armes entre les plaideurs, le principe de loyauté de l'administration de la preuve constitue un élément à part entière du procès équitable. La généralité du principe invoqué (et de son fondement) devrait ainsi permettre au juge d'étendre considérablement son entreprise de moralisation de la preuve. B. La loyauté des débats D’abord appliqué à l’administration de la preuve, le principe de loyauté a glissé de plus en plus vers le déroulement des débats, notamment comme critère d’appréciation du respect du principe du contradictoire. En effet, plusieurs décisions sont progressivement venues explicitement affirmer l’existence d’une obligation de loyauté, en ce qui concerne l’attitude des intervenants du procès lors des débats. Ainsi, un arrêt de la 2e chambre civile du 23 octobre 2003 a permis à la Cour de cassation d’affirmer que le dépôt tardif (à huit jours de la date de l’ordonnance de clôture) de conclusions récapitulatives par un plaideur constitue un « comportement contraire à la loyauté des débats ». Pour sanctionner le dépôt tardif de conclusions, la jurisprudence tend du reste à privilégier progressivement le fondement de l’exigence de loyauté des débats à celui du principe du contradictoire et de l’article 15 CPC (Civ. 2e, 4 mars 2004 ; 8 juillet 2004 ; 10 février 2005 ; 7 juillet 2005 ; 6 octobre 2005 ; 11 janvier 2006). Cette mise en œuvre de la loyauté des débats est sans doute à l’origine de l’arrêt très important du 3 février 2006 de la chambre mixte de la Cour de cassation qui retient que l’appréciation du respect du principe du contradictoire relève du pouvoir souverain des juges du fond. Par cette décision, la Cour de cassation semble affirmer que le respect d’un tel principe est une question de comportement des parties et non pas de contenu des pièces qui sont communiquées tardivement, de sorte que son appréciation ne peut être contrôlé par la Haute Cour. Cette évolution de la jurisprudence interne a été influencée par le droit international et notamment le droit européen. Comme l’illustrait déjà l’arrêt Golder c/ R.-U. du 21 février 1975, usant à cet égard de la locution de « bonne foi » (§ 34), la Cour européenne des droits de l’homme entend elle

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aussi prendre en considération l’attitude générale des parties. C’est aussi sur un plan international et plus précisément en droit du commerce international que le principe d’estoppel, c’est-à-dire l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, a progressivement été consacré. Ce principe d’origine anglo-saxonne, qui traduit en somme l’exigence d’une loyauté de chaque plaideur dans la conduite de son argumentation, tend lui-même à être consacré avec une clarté de plus en plus grande en droit français. Ainsi, plusieurs décisions ont pu rejeter la prétention des plaideurs à remettre en cause devant les tribunaux des situations qu’ils avaient eux-mêmes provoquées, sans pour autant – là est l’originalité de la solution – s’appuyer sur des règles traditionnelles telles que la fraude à la loi, la règle nemo auditur, ou la fraude au jugement (V. à cet égard par exemple Com. 27 mars 1990 ; Civ. 1re, 19 novembre 1991). Et si cette exigence est depuis longtemps reçue avec clarté dans le domaine de l’arbitrage, il convient de souligner que cette matière a offert à la Cour de cassation la possibilité de viser explicitement « la règle de l’estoppel » (Civ. 1re, 6 juillet 2005 et surtout AP, 27 février 2009). Si l’on adjoint à cette consécration progressive de l’estoppel la solution retenue dans l’arrêt du 7 juin 2005 évoqué en introduction, il apparaît que la consécration d’un principe de loyauté des débats, venant compléter et amplifier l’exigence de loyauté de la preuve, est désormais avérée. En tant que principe directeur du procès, le principe de loyauté des débats est investi d’une portée générale, le menant à peser tout autant sur les parties que sur le juge. Telle est la portée que la Cour de cassation a entendu donner au principe de loyauté des débats dans son arrêt du 7 juin 2005 de la première chambre civile. S’appuyant sur les articles 3 et 10, al. 1er CPC, la Cour de cassation a énoncé que « le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire », formule qui n’est pas sans rappeler celle de l’article 16 du même code, relatif au principe du contradictoire. La mise en œuvre du principe de loyauté aura ainsi vocation à imposer au juge l’admission d’une note en délibéré en dehors des cas prévus par l’article 445 CPC, et s’agissant des parties, l’exigence de loyauté pourra par exemple venir sanctionner l’attitude par laquelle une partie empêche sciemment l’autre d’accéder à une preuve décisive pour la solution du litige. D’une manière générale, le principe de loyauté aboutirait dès lors à contraindre chaque partie à communiquer spontanément les pièces qui lui sont défavorables. L’entreprise de moralisation de la procédure civile par la mise en œuvre du principe de loyauté est de prime abord légitime. Toutefois, comme tout principe teinté de moral, le principe de loyauté fait craindre à la doctrine un usage excessif par les juges qui conduirait à une désorganisation de la procédure civile. Le principe de loyauté apparaît ainsi largement critiquable. II. Le principe de loyauté : un principe critiquable Parce que le principe de loyauté de la preuve constitue un obstacle à la manifestation de la vérité (A) que le principe de loyauté des débats est impuissant à diminuer en pratique, ce dernier s’avère inutile (B), et le principe de loyauté critiquable. A. Un obstacle à la manifestation de la vérité La mise en œuvre du principe de loyauté peut conduire à rejeter une preuve qui pourtant établissait la vérité. Ainsi en allait-il dans l’espèce de l’arrêt du 7 octobre 2004 dans laquelle la preuve qui permettait de prouver l’existence d’une créance avait été rejetée sur le fondement de ce principe. Il est choquant de constater qu'on en arrive à privilégier une situation fausse mais établie à partir de preuves collectées de façon loyale sur la vérité d'une situation. Le constat en a déjà été tiré par un auteur (X. Lagarde): la recherche de la vérité n'est pas un but du droit de la preuve, qui sert essentiellement à justifier les décisions rendues par les juges. C’est notamment ce qui explique qu’en procédure pénale, dans laquelle la recherche de la vérité a une importance supérieure, la loyauté de la preuve n’est pas mise en œuvre avec la même sévérité qu’en procédure civile. C’est ainsi qu’un arrêt du 13 octobre 2004 de la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré qu’un enregistrement clandestin était recevable dès lors qu’une expertise avait authentifié les propos tenus et que ce mode de preuve avait été soumis à la libre discussion des parties. On peut se demander si la différence de régime en droit pénal et en droit civil est réellement justifiée. Au demeurant, on peut se demander si le créancier de l'obligation, victime de l'inexécution contractuelle, voire d'une mauvaise foi patente de son

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débiteur ne pourrait pas employer un peu de ruse pour faire triompher la vérité et obtenir la sanction de son droit ? Certes, loyauté contractuelle et loyauté procédurale sont deux choses distinctes, et il est légitime de soutenir que le non-respect de l’une ne doit pas autoriser le non-respect de l’autre. Pour autant, on a déjà connu d’autres applications de cette loi du Tallion en procédure civile. Ne considère-t-on pas effectivement que le juge est dispensé du respect du principe du contradictoire lorsque les parties ne l’ont pas respecté ? Il a ainsi été soutenu que la mise en œuvre du principe de loyauté dans l’administration de la preuve heurte le respect du principe du contradictoire. Le juge, en écartant a priori la preuve obtenue de façon déloyale, exclurait toute possibilité de discussion à son sujet. Au demeurant, la logique en procédure pénale est inversée. La preuve déloyale devient admissible si sa force probante a pu être discutée contradictoirement. L’équilibre entre loyauté de la preuve, recherche de la vérité et respect du principe du contradictoire est difficile à trouver. Il semble malgré tout que la loyauté l’emporte sur le reste car il assure un principe supérieur qui est le respect du procès équitable et offre ainsi une garantie de régularité et d’équilibre du procès. B. Un principe de loyauté des débats inutile Le principe de loyauté des débats est censé corriger le défaut du principe de loyauté de la preuve en favorisant la manifestation de la vérité. En effet, suivant ce principe de loyauté des débats, chaque partie doit produire tous les éléments de preuve dont il dispose, même ceux qui leur sont défavorables. La règle suivant laquelle nul n’est censé produire contre soi serait ainsi abandonnée depuis l’entrée en vigueur du « nouveau » Code de procédure civile en 1976. Par conséquent, le principe de loyauté des débats doit permettre à chaque partie de discuter de l’ensemble des éléments de preuve pertinents et renforce l’effectivité du principe de la contradiction et du principe supérieur du droit à un procès équitable. Toutefois, il est malheureusement fort probable que cela ne reste qu’un vœu pieux. En effet, l’effectivité du principe de loyauté des débats est difficile à contrôler. Comment s’assurer en effet que chaque partie à communiquer l’ensemble des pièces dont elles disposent ? L’hypothèse de l’arrêt du 7 juin 2005 est exceptionnelle et sans une dénonciation par un tiers au procès ou une maladresse de la partie qui voulait garder secrète une pièce, on voit mal comment les juges peuvent faire respecter le principe de loyauté des débats. C’est du moins bien plus difficile que de faire respecter le principe de loyauté de la preuve. Dans ces conditions, on ne peut pas dire que le principe de loyauté des débats soit utile et vienne diminuer l’obstacle à la manifestation de la vérité qui résulte du principe de loyauté de la preuve. Selon un auteur (L. Miniato), il faudrait s’en tenir aux principes directeurs du procès qui sont prévus dans le Code de procédure civile, à savoir le principe du contradictoire et le principe de la légalité de la preuve. Selon lui, le principe du contradictoire est suffisant pour faire émerger la vérité (le principe de loyauté est donc inutile) et si tous les procédés ne doivent pas être permis pour gagner le procès, le cadre de la loi doit être la seule limite à la recevabilité de la preuve (le principe de loyauté est donc inopportun). Comment justifier en effet que le principe de loyauté, qui découle de la jurisprudence, empêche le créancier d’obtenir la sanction de son droit et favorise ainsi le seul qui a violé la loi (le débiteur) ? Parce que la procédure civile doit être avant tout conforme à la loi et non à la morale, le principe de loyauté ne devrait pas servir de fondement aux juges dans l’appréciation de la recevabilité de la preuve (L. Cadiet). Le risque est en effet que l’intervention d’un principe moral en procédure civile risque de nuire à l’édifice construit par les auteurs du Code de procédure civile. Cela se vérifie notamment par l’incohérence des résultats auxquels conduit la mise en œuvre du principe de loyauté (A. Leborgne). Soit la loyauté contribue à la vérité judiciaire (loyauté des débats) ; soit au contraire elle constitue un obstacle à cette vérité (loyauté de la preuve). Il faut alors saluer le pouvoir réglementaire qui a refuse d’introduire le principe de loyauté à l’article 2 CPC comme le propose le rapport Magendie I et souhaiter que la jurisprudence en fasse un usage modéré.

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SUJET N° 2 : Commentaire de l’arrêt rendu le 18 mai 2010 par la chambre sociale de la Cour de cassation En l’espèce, la société ABC entretien Réunion interjette appel d'un jugement en précisant agir en qualité de société anonyme représentée "par son directeur en exercice". L’intimé soulève la nullité de la déclaration d’appel. Dans un arrêt du 9 décembre 2008, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion déclare l’appel irrecevable en considérant que la déclaration d’appel présente un vice de fond. En effet, selon la Cour d’appel, au regard de l’article L. 225-56 du Code de commerce, seul le directeur général a le pouvoir de représenter en justice une société anonyme de type classique. En outre, l’irrégularité de la déclaration d’appel n’a jamais été couverte avant l’expiration du délai de recours, de sorte que la déclaration d’appel a été réalisée par une personne dénuée du pouvoir de représenter la société ABC entretien Réunion. La Cour de cassation devait donc déterminer quelle est la sanction du défaut, dans la déclaration d’appel, de la mention relative à l’organe représentant une personne morale. Au visa des articles 114, 117 et 931, la Cour de cassation rappelle que « l'indication erronée de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu'un vice de forme ». La décision de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion du 9 décembre 2008 est donc logiquement cassée pour violation des textes précités. La décision de la Cour de cassation invite à envisager d’abord le formalisme de la déclaration d’appel (I) et à préciser ensuite la sanction encourue en cas de non respect de ce formalisme (II). I. Le formalisme de la déclaration d’appel L’arrêt du 18 mai 2010 concerne une procédure sans représentation obligatoire où le formalisme des actes de procédure est en principe allégé (A). Cependant, en ce qui concerne la représentation d’une personne morale, le formalisme est identique à tous les types de procédure (B).

A. Le formalisme en cas de procédure sans représentation obligatoire Dans l’arrêt rendu le 18 mai 2010, la nature du litige n’est pas précisée par la Cour de cassation. Néanmoins, il ressort de la décision que la procédure en cause est une procédure sans représentation obligatoire. Deux éléments mettent en évidence cet élément : c’est la chambre sociale de la Cour de cassation qui statue et le visa comporte l’article 931 du Code de procédure civile. Or, ce dernier texte introduit une section relative à la procédure sans représentation obligatoire. Précisément, dans ce type de procédure, le formalisme de la déclaration d’appel connaît quelques spécificités par rapport à celui imposé dans le cadre d’une procédure avec représentation obligatoire. En effet, pour ce dernier type de procédure, l’article 901 du CPC prévoit des mentions plus importantes que l’article 933 du CPC relatif à la procédure sans représentation obligatoire. Néanmoins, depuis le décret du 28 décembre 2005, les deux textes renvoient aux mentions prescrites par l’article 58 du CPC. Parmi les mentions de l’article 58 du CPC, figure celle relative à l’organe représentant légalement la personne morale. C’est cette mention qui présentait, en l’espèce, une erreur. Dès lors, sur cette mention de la déclaration d’appel, la procédure sans représentation obligatoire ne présente plus spécificité : elle suit un régime identique à celui applicable à la procédure avec

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représentation. Cette solution est récente, car sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation avait pu décider que l’indication dans la déclaration d’appel de l’organe représentant légalement la personne morale n’est pas exigée (Ass. plén., 7 juillet 2000), car l’article 933 était, à l’époque, silencieux sur ce point.

B. Le formalisme relatif au représentant de la personne morale Dans l’arrêt du 18 mai 2010, la déclaration d’appel de la société ABC Entretien Réunion précisait qu’elle agissait « en qualité de société anonyme représentée "par son directeur en exercice" ». Cette déclaration d’appel ne précisait donc pas quel était l’organe qui était chargé de la représenter en justice. En l’espèce, cette indication a été assimilée à une erreur par la Cour d’appel, car celle-ci rappelle que seul le directeur général a le pouvoir de représenter une société anonyme en justice. Cependant, le raisonnement de la Cour d’appel repose sur une confusion. Celle-ci a considéré que l’erreur commise dans la déclaration d’appel impliquait que la personne qui a exercé l’action en justice au nom de la personne morale ne détenait pas un tel pouvoir. Or, une erreur commise dans un acte de procédure ne signifie pas que la personne qui a interjeté appel ne détenait pas le pouvoir de le faire. Autrement dit, l’instrumentum ne préjuge en rien du pouvoir du représentant. La représentation d’une personne morale ne se confond pas avec le formalisme des actes de procédure. La distinction est fondamentale : l’erreur commise dans la rédaction de l’acte de procédure constitue un vice de forme, là où le défaut de pouvoir du représentant d’une personne morale constitue une irrégularité de fond, comme le confirme le visa de l’article 117 du CPC. La nécessité de ne pas confondre le formalisme de l’acte avec les conditions d’exercice de l’action en justice fait régulièrement l’objet de décisions de justice. Par exemple, dans un arrêt du 11 décembre 2008, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que l'assignation délivrée par une société sous son nom commercial n'est affectée que d'une irrégularité de forme, dès lors que la capacité d'ester en justice est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation. De la même façon, la chambre sociale de la Cour de cassation a récemment rappelé que « lorsque la déclaration d'appel est faite par l'intermédiaire d'un avocat dispensé de justifier d'un pouvoir spécial, l'impossibilité d'identifier son signataire constitue un vice de forme qui ne peut entraîner la nullité de l'acte que s'il fait grief à la partie qui l'invoque » (Soc. 15 juin 2010). Il est vrai que les vices de forme faisant grief, comme les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 affectent la validité de l’acte de procédure (Cass., ch. mixte, 7 juillet 2006). Cependant, ces deux types de conditions de validité connaissent un régime juridique différent, de sorte qu’il est nécessaire de les distinguer nettement. Comme le rappelle la Cour de cassation dans la présente affaire, la sanction d’une mention erronée de la déclaration d’appel est le vice de forme et non l’irrégularité de fond. II. La sanction d’une mention erronée de la déclaration d’appel L’arrêt du 18 mai 2010 confirme une solution classique : les indications erronées contenues dans une déclaration d’appel doivent être sanctionnées d’un vice de forme (A). La spécificité des conséquences d’une telle qualification doit également être évoquée pour souligner l’erreur commise par les juges du fond (B). A. La qualification de vice de forme retenue Au visa notamment de l’article 114 du CPC, la Cour de cassation précise que « l'indication erronée de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu'un vice de forme ». La solution n’est pas nouvelle, puisqu’elle fut également retenue dans un arrêt rendu en chambre mixte du 22 février 2002.

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La décision de la Cour est rendue sur le fondement de l’article 114 du CPC. Précisément, l’article 114 du CPC dispose qu’ « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité […] ». Dans le cas présent, c’est l’article 933 du CPC sur renvoi à l’article 58 qui impose de préciser dans l’acte d’appel l’organe chargé de représenter légalement la personne morale. En rappelant que le vice de forme sanctionne le non respect d’une mention prévue par la loi à peine de nullité, la Cour de cassation guide les juges du fond quant à l’application des textes. A chaque fois qu’une mention formellement prévue par la loi fait défaut, c’est le vice de forme qui doit être retenu, même si cette mention concerne le pouvoir du représentant ou la capacité d’exercice du représenté. Le texte ne doit pas seulement mentionner la nature de la mention, il doit encore préciser que celle-ci doit être respectée à peine de nullité La nécessité d’un texte n’est pas la seule condition à respecter pour qu’une irrégularité de forme soit retenue. Il est également nécessaire de faire la preuve d’un grief (Civ. 2e, 13 novembre 2008). Ce point ne fait pas l’objet de précision dans la présente décision, car ce qui pose problème c’est la qualification retenue et non sa mise en œuvre. B. Les effets de la qualification retenue En retenant la qualification de vice de forme dans sa décision du 18 mai 2010, la Cour de cassation permet à la Cour d’appel de renvoi de rejuger l’affaire sur le fond. En effet, le vice de forme est soumis à un régime strict. Outre la nécessité de faire la preuve d’un texte et d’un grief, la nullité des actes pour vice de forme doit être soulevée avant toute défense au fond et toute fin de non recevoir. On dit souvent que le défendeur doit soulever les exceptions in limine litis (c'est-à-dire au début du procès). L’expression n’est exacte que pour les exceptions de procédure qui sont opposées à l’acte introductif d’instance. Lorsqu’une exception de procédure est opposée à un acte postérieur, une adaptation est nécessaire. C’est pourquoi l’article 112 du CPC dispose que la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement. Toujours est-il qu’en l’espèce, il est fort probable que le vice de forme n’a pas été invoqué avant les défenses au fond, de sorte que la nullité est aujourd’hui couverte. Le régime des vices de forme est ici beaucoup plus strict que celui des irrégularités de fond. Comme le précise l’article 118 du CPC, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause. C’est sans doute pour cela que la Cour d’appel s’était appuyée sur ce fondement pour retenir la nullité de l’acte en cause, à tort selon la Cour de cassation.

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SUJET N° 3 : CAS PRATIQUE Pour résoudre ce cas pratique, il convient de répondre aux questions successivement. 1) Un défendeur ayant son domicile à Bordeaux est assigné devant le TGI de Paris en réparation du préjudice subi par la victime d’un accident de la circulation ayant son domicile à Paris. L’avocat du défendeur soulève une exception d’incompétence. La question est de savoir si le TGI de Paris est compétent pour connaître de l’action en réparation du préjudice découlant d’un accident de la circulation survenu à Bordeaux, sachant que le défendeur a son domicile à Bordeaux, et le demandeur à Paris. S’agissant de la compétence d’attribution, la compétence du tribunal de grande instance ne fait aucun doute. En effet, suivant l’article L. 211-3 COJ, le TGI a une compétence de droit commun. Il est compétent pour connaître de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles la compétence n’est attribuée, notamment en raison de leur montant, à aucune autre juridiction. Or, en l’espèce, le litige est relatif à un accident de la circulation. Cette matière ne relève d’aucune compétence exclusive, et le TI ne connaît, en matière personnelle ou mobilière, que des demandes n’excédant pas 10 000 euros (art. L. 211-4 COJ). En l’espèce, la demande s’élève à 13 000 euros. Le litige ne relève donc pas de la compétence du TI. Il faut donc en conclure qu’il relève du TGI. La procédure se déroulera alors devant un juge unique (article R. 212-8 COJ). S’agissant de la compétence territoriale, la compétence du TGI de Paris est plus discutable. En effet, il s’agit en l’espèce d’un litige relatif à la responsabilité délictuelle d’un automobiliste. En matière délictuelle, l’article 46 CPC offre au demandeur une option de compétence entre le tribunal du lieu du fait dommageable ou celui dans le ressort duquel le dommage a été subi et celui du lieu du domicile du défendeur. Or, le défendeur a son domicile à Bordeaux et l’accident s’est produit dans la même ville. Toutefois, le demandeur qui a subi le dommage habite Paris. La question est donc de savoir comment se détermine le ressort dans lequel le dommage est subi. Ce lieu peut-il être celui du domicile du demandeur ? On peut soutenir que le demandeur a subi les séquelles de l’accident au lieu de son domicile, de sorte qu’en vertu de l’article 46 CPC, la victime d’un accident de la circulation peut saisir le tribunal du lieu de son domicile. Toutefois, retenir une telle interprétation de l’article 46 CPC semble contraire à l’esprit du texte. En effet, lorsque le lieu du fait générateur du dommage est distinct du lieu où le dommage est subi, alors le demandeur peut saisir le tribunal de ce dernier lieu. En revanche, lorsque le lieu du fait dommageable est celui où la victime a été atteinte, alors la triple option de l’article 46 CPC se ramène à une simple alternative entre le lieu du domicile du défendeur et le lieu de la réalisation du dommage (Civ. 2e, 15 octobre 1981). En l’espèce, la victime de l’accident a été atteinte au lieu de ce dernier. Il ne faut donc pas confondre les séquelles de l’accident avec le dommage (Rennes, 7e ch. civ., 26 mai 2004). Ainsi, en l’espèce, le domicile du défendeur et le lieu du dommage étant à Bordeaux, seul le TGI de Bordeaux est compétent. L’avocat du défendeur a donc eu raison de soulever une exception d’incompétence. 2) Le défendeur bénéficie de l’aide juridictionnelle. Un avocat parisien a d’abord été désigné, mais l’affaire ayant été renvoyée devant le TGI de Bordeaux, un avocat inscrit au barreau de Bordeaux a été

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désigné. Toutefois, le défendeur, souhaite que l’avocat parisien continue d’assurer sa défense et semble ne pas vouloir que l’avocat bordelais intervienne. La question est donc de savoir si un avocat parisien peut assurer la défense d’une partie à un litige soumis au TGI de Bordeaux. L’article 5, al. 2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 prévoit que les avocats ne peuvent exercer leur ministère que devant le TGI dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle. Autrement dit, les avocats n’ont la capacité de représenter leur client que devant le TGI dans le ressort duquel leur barreau est constitué. Il s’agit d’une condition de régularité de fond de la demande dont la violation est sanctionnée par la nullité pour vice de fond (art. 117, al. 3 CPC). En l’espèce, l’avocat parisien ne peut donc pas représenter le défendeur devant le TGI de Bordeaux. Toutefois, il convient ici de distinguer la représentation de l’assistance. En effet, si les avocats ont une capacité territoriale limitée s’agissant de la représentation, ils peuvent assister autrui sans limite territoriale. L’article 411 CPC définit la représentation comme le pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure et l’article 412 CPC définit l’assistance comme le pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense. Ainsi, un avocat ne peut postuler que devant le TGI du ressort de son barreau, mais peut plaider devant tous les TGI de France. En l’espèce, l’avocat parisien peut continuer d’assurer en pratique la défense du défendeur en plaidant devant le TGI de Bordeaux, mais il devra demander à un avocat postulant d’effectuer les actes de la procédure à un avocat de Bordeaux, qui pourrait être celui qui a été désigné dans le cadre de l’aide juridictionnelle. 3) Dans les conclusions qu’il a rédigé, l’avocat parisien indique qu’il est l’avocat plaidant et que l’avocat bordelais est l’avocat postulant. Le défendeur souhaite que cette mention soit supprimée. La question est donc de savoir si la mention de l’avocat postulant est nécessaire à la validité des conclusions en défense. L’article 815 CPC prévoit que les conclusions sont signées par l’avocat du défendeur. Il faut comprendre que c’est l’avocat qui représente le défendeur qui doit signer les conclusions. Or, comme nous l’avons vu, un avocat parisien n’a pas la capacité de représenter une personne devant le TGI de Bordeaux. Dès lors, si les conclusions en défense ne font mention que de l’avocat parisien, celles-ci seront nulles pour vice de fond. D’ailleurs, le seul cachet de l’avocat postulant est insuffisant, il faut que les conclusions soient signées par lui pour qu’elles soient valables (Civ. 2e, 13 janvier 2000). Ainsi, en l’espèce, il est nécessaire que les conclusions mentionnent l’avocat bordelais qui est l’avocat postulant. Il faudra également que ce dernier signe les conclusions. 4) En l’espèce, une expertise officieuse a été diligentée par une partie sans que la partie adverse ne soit appelée aux opérations, ni qu’elle ait eu la possibilité de faire des observations à l’expert. Le rapport a été communiqué trois jours avant l’ordonnance de clôture et le conseiller de la mise en état ne l’a pas écarté. a) Sur le respect du principe du contradictoire en matière d’expertise extrajudiciaire La question est de savoir si le principe du contradictoire est respecté lorsqu’un rapport d’expertise extrajudiciaire est communiqué sans que l’une des parties n’ait pas été appelée aux opérations.

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En matière d’expertise judiciaire, l’article 160 CPC impose à l’expert judiciaire de convoquer les parties à toutes les opérations d’expertise. Les parties doivent en effet avoir la possibilité de faire part de leurs observations à l’expert judiciaire (v. par ex. : Civ. 3e, 7 février 2007). La seule possibilité de discuter du rapport de l’expert judiciaire devant le juge est insuffisante. C’est ce qui découle de l’article 16 CPC et de la jurisprudence européenne (CEDH, 18 mars 1997, Mantovanelli c. France). Toutefois, en l’espèce, l’expertise n’est pas judiciaire, mais extrajudiciaire. Elle a en effet été décidée unilatéralement par l’une des parties au litige. Il s’agit donc d’une expertise officieuse (l’expertise est amiable lorsqu’elle est extrajudiciaire, mais qu’elle décidée par toutes les parties au litige). Or, il faut distinguer l’expertise judiciaire de l’expertise extrajudiciaire. En effet, alors que le juge peut fonder sa décision uniquement sur le rapport de l’expert judiciaire, lorsque l’expertise est extrajudiciaire, le rapport n’est qu’une pièce parmi d’autres et le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur cet élément de preuve si elle n’a pas été établie contradictoirement (Civ. 3e, 9 octobre 2007). D’ailleurs, la Cour de cassation se fonde désormais sur le principe de l’égalité des armes, protégé par l’article 6§1 CEDH, pour retenir cette solution (Civ. 3e, 3 février 2010). La valeur du rapport d’expertise extrajudiciaire est ainsi bien moindre que celle du rapport d’expertise judiciaire. Le respect du principe du contradictoire impose donc, en matière d’expertise extrajudiciaire, uniquement une communication « en temps utile », conformément à l’article 15 CPC. Ainsi, en retenant qu’un rapport extrajudiciaire peut valoir à titre de preuve, même s’il n’a pas été établi contradictoirement, dès lors qu’il a été soumis à la libre discussion des parties, le juge ne viole pas l’article 16 CPC (Civ. 1re, 24 septembre 2002 ; 11 mars 2003 ; Civ. 2e, 14 septembre 2006). En l’espèce, le rapport sera donc recevable à titre de preuve s’il est communiqué en temps utile, ce qu’il convient à présent d’examiner. b) Sur la communication tardive du rapport d’expertise extrajudiciaire En l’espèce, le rapport d’expertise a été déposé trois jours avant l’ordonnance de clôture. L’avocat de la partie adverse ne réagit pas et le conseiller de la mise en état déclare cette pièce recevable. La question est alors de savoir si l’on peut demander la cassation d’une décision d’un conseiller de la mise en état qui n’a pas écarté une pièce communiquée trois jours avant l’ordonnance de clôture. On sait qu’aux termes de l’article 15 CPC, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile leurs conclusions, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. L’article 135 CPC, quant à lui, permet au juge d’écarter des débats les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile. C’est ainsi sur la combinaison des articles 15 et 135 CPC que les juges fondent le rejet des pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile. On peut se demander si la partie qui dépose un rapport d’expertise extrajudiciaire trois jours avant l’ordonnance de clôture le fait connaître en temps utiles à la partie adverse afin qu’elle soit à même d’organiser sa défense. Alors qu’il existait une controverse jurisprudentielle sur l’appréciation, objective ou subjective, par les juges du fond du principe du contradictoire, une chambre mixte de la Cour de cassation y a mis fin en décidant que cette question relevait du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (CM, 3 février 2006). Autrement dit, il n’est plus possible de contester la motivation des juges du fond devant la Cour de cassation, qui considère que cela relève du fait et non du droit. Ainsi, il n’est possible de contester la décision d’un conseiller de la mise en état que si elle n’est pas motivée.

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Toutefois, en l’espèce, la partie adverse n’a pas réagit à la communication tardive. Elle n’a pas contesté la communication tardive du rapport, et elle n’a demandé ni le report, ni la révocation de l’ordonnance de clôture, comme le lui permet pourtant l’article 783 CPC. On peut alors se demander si une partie qui n’a pas réagi devant le conseiller de la mise en état est recevable à se pourvoir en cassation pour contester sa décision de ne pas écarter la pièce. Ce serait en effet admettre qu’une partie puisse se comporter de manière déloyale en raison de la déloyauté de son adversaire. C’est parce que la Cour de cassation ne l’admet justement pas qu’elle décide que la partie qui n’a pas contesté la recevabilité des conclusions communiquées tardivement, ni demandé le report ou la révocation de l’ordonnance de clôture n’est pas recevable à faire grief au juge d’avoir tenu compte de ces conclusions dans sa décision (Civ. 1re, 4 mars 1981 et plus récemment : Civ. 2e, 24 mai 2007). En l’espèce, il faut alors en déduire que la décision du conseiller de la mise de ne pas écarter le rapport litigieux ne peut pas être contestée devant la Cour de cassation. Il faut ainsi espérer que les juges du fond n’en tiendront pas compte dans leur décision. Pour cela, il pourrait être demandé au juge d’ordonner une expertise judiciaire, qui aura certainement une influence plus importante dans sa décision.

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SUJET PARIS V Pour résoudre ce cas pratique, il convient de répondre aux questions successivement. 1) La question est de savoir si le TGI est matériellement compétent pour connaître de l’action en réparation du préjudice découlant d’un accident de la circulation. Suivant l’article L. 211-3 COJ, le TGI a une compétence de droit commun. Il est compétent pour connaître de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles la compétence n’est attribuée, notamment en raison de leur montant, à aucune autre juridiction. Or, en l’espèce, le litige est relatif à un accident de la circulation. Cette matière ne relève d’aucune compétence exclusive, et le TI ne connaît, en matière personnelle ou mobilière, que des demandes n’excédant pas 10 000 euros (art. L. 211-4 COJ). En l’espèce, la demande s’élève à 13 000 euros. Le litige ne relève donc pas de la compétence du TI. Il faut donc en conclure qu’il relève du TGI. La procédure se déroulera alors devant un juge unique (article R. 212-8 COJ). 2) La juridiction compétente matériellement pour connaître du litige est le tribunal de grande instance. Devant cette juridiction, la constitution d’avocat est obligatoire, sauf disposition contraire (art. 751 CP). Or, il n’existe aucune disposition dérogeant à l’article 751 CPC n’est prévue en matière d’accident de la circulation. Ainsi, en l’espèce, le défendeur sera tenu de constituer avocat dans les quinze jours à compter de l’assignation (art. 755 CPC). S’il ne constitue pas avocat, alors le jugement sera rendu sur les seuls éléments fournis pas son adversaire et sera réputé contradictoire, le taux du ressort de 4 000 euros (art. R. 211-3 COJ) ayant été dépassé (art. 473 CPC). Néanmoins, si les ressources du défendeur ne lui permettent pas de payer les frais de justice, il peut faire une demande d’aide juridictionnelle (art. 2 L. no 91-647 du 10 juillet 1991) auprès du bureau d’aide juridictionnelle (art. 12 L. no 91-647 du 10 juillet 1991). Il pourra alors bénéficier d’une aide totale (si ses revenus mensuels sont inférieurs à environ 900 euros) ou partielle (si ses revenus mensuels sont inférieurs à environ 1 300 euros). 3) Pour soulever l’incompétence du juge saisi, le défendeur dispose d’un moyen de défense qui est l’exception de procédure (art. 73 CPC). Plus précisément, il peut soulever une exception d’incompétence dont le régime est prévu à l’article 75 CPC. En tant qu’exception de procédure, l’exception d’incompétence (en appelée déclinatoire de compétence) doit être soulevée in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (art. 74 CPC). Lorsque la procédure est écrite, le défendeur peut présenter son exception d’incompétence dans les mêmes conclusions que les défenses au fond ou les fins de non-recevoir (Civ. 3e, 8 mars 1977), mais elle est irrecevable si elle n’est pas présentée avant celles-ci (Civ. 2e, 8 juillet 2004). Pour être recevable, l’exception d’incompétence doit également être motivée (art. 75 CPC). Cela signifie que le défendeur doit indiquer les motifs de l’incompétence du juge saisi et faire connaître la juridiction devant laquelle il demande que l’affaire soit portée.

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4) Il s’agit en l’espèce d’un litige relatif à la responsabilité délictuelle d’un automobiliste. En matière délictuelle, l’article 46 CPC offre au demandeur une option de compétence entre le tribunal du lieu du fait dommageable ou celui dans le ressort duquel le dommage a été subi et celui du lieu du domicile du défendeur. Or, le défendeur a son domicile à Bordeaux et l’accident s’est produit dans la même ville. Toutefois, le demandeur qui a subi le dommage habite Paris. La question est donc de savoir comment se détermine le ressort dans lequel le dommage est subi. Ce lieu peut-il être celui du domicile du demandeur ? On peut soutenir que le demandeur a subi les séquelles de l’accident au lieu de son domicile, de sorte qu’en vertu de l’article 46 CPC, la victime d’un accident de la circulation peut saisir le tribunal du lieu de son domicile. Toutefois, retenir une telle interprétation de l’article 46 CPC semble contraire à l’esprit du texte. En effet, lorsque le lieu du fait générateur du dommage est distinct du lieu où le dommage est subi, alors le demandeur peut saisir le tribunal de ce dernier lieu. En revanche, lorsque le lieu du fait dommageable est celui où la victime a été atteinte, alors la triple option de l’article 46 CPC se ramène à une simple alternative entre le lieu du domicile du défendeur et le lieu de la réalisation du dommage (Civ. 2e, 15 octobre 1981). En l’espèce, la victime de l’accident a été atteinte au lieu de ce dernier. Il ne faut donc pas confondre les séquelles de l’accident avec le dommage (Rennes, 7e ch. civ., 26 mai 2004). Ainsi, en l’espèce, le domicile du défendeur et le lieu du dommage étant à Bordeaux, seul le TGI de Bordeaux est compétent. L’avocat du défendeur a donc eu raison de soulever une exception d’incompétence. 5) Le défendeur bénéficie de l’aide juridictionnelle. Un avocat parisien a d’abord été désigné, mais l’affaire ayant été renvoyée devant le TGI de Bordeaux. La question est donc de savoir si un avocat parisien peut assurer la défense d’une partie à un litige soumis au TGI de Bordeaux. L’article 5, al. 2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 prévoit que les avocats ne peuvent exercer leur ministère que devant le TGI dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle. Autrement dit, les avocats n’ont la capacité de représenter leur client que devant le TGI dans le ressort duquel leur barreau est constitué. Il s’agit d’une condition de régularité de fond de la demande dont la violation est sanctionnée par la nullité pour vice de fond (art. 117, al. 3 CPC). En l’espèce, l’avocat parisien ne peut donc pas représenter le défendeur devant le TGI de Bordeaux, en raison du principe de la territorialité de la postulation. 6) Un avocat inscrit au barreau de Bordeaux a été désigné. Toutefois, le défendeur, souhaite que l’avocat parisien continue d’assurer sa défense et semble ne pas vouloir que l’avocat bordelais intervienne. Il convient ici de distinguer la représentation de l’assistance. En effet, si les avocats ont une capacité territoriale limitée s’agissant de la représentation, ils peuvent assister autrui sans limite territoriale. L’article 411 CPC définit la représentation comme le pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure et l’article 412 CPC définit l’assistance comme le pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense. Ainsi, un avocat ne peut postuler que devant le TGI du ressort de son barreau, mais peut plaider devant tous les TGI de France.

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En l’espèce, l’avocat parisien peut continuer d’assurer en pratique la défense du défendeur en plaidant devant le TGI de Bordeaux, mais il devra demander à un avocat postulant d’effectuer les actes de la procédure à un avocat de Bordeaux, qui pourrait être celui qui a été désigné dans le cadre de l’aide juridictionnelle. 7) Dans les conclusions qu’il a rédigé, l’avocat parisien indique qu’il est l’avocat plaidant et que l’avocat bordelais est l’avocat postulant. Le défendeur souhaite que cette mention soit supprimée. La question est donc de savoir si la mention de l’avocat postulant est nécessaire à la validité des conclusions en défense. L’article 815 CPC prévoit que les conclusions sont signées par l’avocat du défendeur. Il faut comprendre que c’est l’avocat qui représente le défendeur qui doit signer les conclusions. Or, comme nous l’avons vu, un avocat parisien n’a pas la capacité de représenter une personne devant le TGI de Bordeaux. Dès lors, si les conclusions en défense ne font mention que de l’avocat parisien, celles-ci seront nulles pour vice de fond. D’ailleurs, le seul cachet de l’avocat postulant est insuffisant, il faut que les conclusions soient signées par lui pour qu’elles soient valables (Civ. 2e, 13 janvier 2000). Ainsi, en l’espèce, il est nécessaire que les conclusions mentionnent l’avocat bordelais qui est l’avocat postulant. Il faudra également que ce dernier signe les conclusions. 8) Il existe plus nature d’expertise. Lorsqu’elle est décidée par le juge, l’expertise est dite judiciaire (art. 263 CPC). Il s’agit d’une mesure d’instruction confiée à un technicien (l’expertise judiciaire étant prévue dans le chapitre IV du Chapitre V, relatif aux mesure d’instruction exécutées par un technicien, du Titre VII du Livre Ier du Code de procédure civile) que le juge peut ordonner, même d’office (art. 10 CPC). Lorsqu’elle n’est pas décidée par le juge, mais par une ou plusieurs parties, en dehors du cadre judiciaire, l’expertise est alors extrajudiciaire. Elle sera dite officieuse si elle est décidée unilatéralement par l’une des parties au litige ; et elle sera dite amiable, si elle est décidée conjointement par les parties au litige. Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’une mesure d’instruction, mais d’une pièce versée aux débats à titre de preuve. En l’espèce, l’expertise a été décidée unilatéralement par la victime, de sorte qu’il s’agit d’une expertise extrajudiciaire officieuse. 9) En l’espèce, l’expertise est officieuse et la partie adverse n’a pas été appelée aux opérations, et n’a pas eu la possibilité de faire des observations à l’expert. La question est de savoir si le principe du contradictoire est respecté lorsqu’un rapport d’expertise extrajudiciaire est communiqué sans que l’une des parties n’ait pas été appelée aux opérations. En matière d’expertise judiciaire, l’article 160 CPC impose à l’expert judiciaire de convoquer les parties à toutes les opérations d’expertise. Les parties doivent en effet avoir la possibilité de faire part de leurs observations à l’expert judiciaire (v. par ex. : Civ. 3e, 7 février 2007). La seule possibilité de discuter du rapport de l’expert judiciaire devant le juge est insuffisante. C’est ce qui découle de l’article 16 CPC et de la jurisprudence européenne (CEDH, 18 mars 1997, Mantovanelli c. France). Toutefois, en l’espèce, l’expertise n’est pas judiciaire, mais extrajudiciaire. Elle a en effet été décidée unilatéralement par l’une des parties au litige. Il s’agit donc d’une expertise officieuse

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(l’expertise est amiable lorsqu’elle est extrajudiciaire, mais qu’elle décidée par toutes les parties au litige). Or, il faut distinguer l’expertise judiciaire de l’expertise extrajudiciaire. En effet, alors que le juge peut fonder sa décision uniquement sur le rapport de l’expert judiciaire, lorsque l’expertise est extrajudiciaire, le rapport n’est qu’une pièce parmi d’autres et le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur cet élément de preuve si elle n’a pas été établie contradictoirement (Civ. 3e, 9 octobre 2007). D’ailleurs, la Cour de cassation se fonde désormais sur le principe de l’égalité des armes, protégé par l’article 6§1 CEDH, pour retenir cette solution (Civ. 3e, 3 février 2010). La valeur du rapport d’expertise extrajudiciaire est ainsi bien moindre que celle du rapport d’expertise judiciaire. Le respect du principe du contradictoire impose donc, en matière d’expertise extrajudiciaire, uniquement une communication « en temps utile », conformément à l’article 15 CPC. Ainsi, en retenant qu’un rapport extrajudiciaire peut valoir à titre de preuve, même s’il n’a pas été établi contradictoirement, dès lors qu’il a été soumis à la libre discussion des parties, le juge ne viole pas l’article 16 CPC (Civ. 1re, 24 septembre 2002 ; 11 mars 2003 ; Civ. 2e, 14 septembre 2006). En l’espèce, le rapport sera donc recevable à titre de preuve s’il est communiqué en temps utile, ce qu’il convient à présent d’examiner. 10) En l’espèce, le rapport d’expertise a été déposé trois jours avant l’ordonnance de clôture. L’avocat de la partie adverse ne réagit pas et le conseiller de la mise en état déclare cette pièce recevable. La question est alors de savoir si l’on peut demander la cassation d’une décision d’un conseiller de la mise en état qui n’a pas écarté une pièce communiquée trois jours avant l’ordonnance de clôture. On sait qu’aux termes de l’article 15 CPC, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile leurs conclusions, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. L’article 135 CPC, quant à lui, permet au juge d’écarter des débats les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile. C’est ainsi sur la combinaison des articles 15 et 135 CPC que les juges fondent le rejet des pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile. On peut se demander si la partie qui dépose un rapport d’expertise extrajudiciaire trois jours avant l’ordonnance de clôture le fait connaître en temps utiles à la partie adverse afin qu’elle soit à même d’organiser sa défense. Alors qu’il existait une controverse jurisprudentielle sur l’appréciation, objective ou subjective, par les juges du fond du principe du contradictoire, une chambre mixte de la Cour de cassation y a mis fin en décidant que cette question relevait du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (CM, 3 février 2006). Autrement dit, il n’est plus possible de contester la motivation des juges du fond devant la Cour de cassation, qui considère que cela relève du fait et non du droit. Ainsi, il n’est possible de contester la décision d’un conseiller de la mise en état que si elle n’est pas motivée. Toutefois, en l’espèce, la partie adverse n’a pas réagit à la communication tardive. Elle n’a pas contesté la communication tardive du rapport, et elle n’a demandé ni le report, ni la révocation de l’ordonnance de clôture, comme le lui permet pourtant l’article 783 CPC. On peut alors se demander si une partie qui n’a pas réagi devant le conseiller de la mise en état est recevable à se pourvoir en cassation pour contester sa décision de ne pas écarter la pièce. Ce serait en effet admettre qu’une partie puisse se comporter de manière déloyale en raison de la déloyauté de son adversaire.

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C’est parce que la Cour de cassation ne l’admet justement pas qu’elle décide que la partie qui n’a pas contesté la recevabilité des conclusions communiquées tardivement, ni demandé le report ou la révocation de l’ordonnance de clôture n’est pas recevable à faire grief au juge d’avoir tenu compte de ces conclusions dans sa décision (Civ. 1re, 4 mars 1981 et plus récemment : Civ. 2e, 24 mai 2007). En l’espèce, il faut alors en déduire que la décision du conseiller de la mise de ne pas écarter le rapport litigieux ne peut pas être contestée devant la Cour de cassation. Il faut ainsi espérer que les juges du fond n’en tiendront pas compte dans leur décision. Pour cela, il pourrait être demandé au juge d’ordonner une expertise judiciaire, qui aura certainement une influence plus importante dans sa décision.