16

Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président
Page 2: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

CHARLIE HEBDO Mercredi 18 avril 2007II

SUPPRESSION DE LA POLICE DE PROXIMITÉOn ne vous paye paspour causer, mais pourcogner !

Le 3 février 2003, en déplace-ment à Toulouse, face auxcaméras, Nicolas Sarkozy pul-vérise officiellement la police

de proximité et son inspirateur,Jean-Pierre Havrin, directeurdépartemental de la sécuritépublique de Toulouse et ancienconseiller de Jean-Pierre Chevène-ment. La veille, Le Figaro a préparéle terrain. Dans un article compa-rant à la louche les taux moyensd’élucidation de chaque région,Toulouse récolte le « bonnet d’âne »(à peine 13 %). Un chiffre trompeur.

Ouverts plus tard que lesautres, les commissariats de quar-tier de la région enregistrent toutesles plaintes : du vol de paillasson àla tôle de bagnole froissée. Unefoule de petits délits que l’on peutrarement élucider et qui font chuterla moyenne. En revanche, ce que nedit pas l’article du Figaro mais quel’on pouvait lire dans La Dépêche duMidi à la même époque, c’est queToulouse enregistrait en 2002 l’unedes plus fortes baisses de la délin-quance au niveau national : délitssur la voie publique, – 6,76 %; volsde véhicules, – 30 % ; voitures brû-lées, – 28 %. Les baisses les plusimportantes étant constatées dansles quartiers dits « sensibles », où lapolice de proximité concentrait sesefforts.

Grâce au renforcement desliens relationnels, la police de proxi-mité toulousaine a « reconquis » unà un ces quartiers. Les habitants,qui ont un « flic référent » qu’ilsconnaissent et à qui ils peuventfacilement s’adresser en cas de gra-buge, se sentent protégés et entou-rés. Les policiers, eux, se sententresponsabilisés, valorisés et mieuxaimés. Et, en prime, il ne se fontplus caillasser.

Tout ce boulot va être détruitpar Sarkozy en trois phrases : « Letravail de prévention que vous faitesest très utile… Mais vous n’êtes pas destravailleurs sociaux. Organiser unmatch de rugby pour les jeunes desquartiers, c’est bien, mais ce n’est pasla mission première de la police. » Sil’effet médiatique est concluant, lesrésultats à long terme le sontmoins. Quatre ans après la ferme-ture de certains commissariats lanuit et la décision de ne plus enre-gistrer certaines plaintes, le tauxd’élucidation de la région toulou-saine a logiquement grimpé. Maisles atteintes aux personnes, indica-teur de violence et de grande délin-quance par excellence, ont explosé :+ 48,4 %! Du coup, Sarkozy-candi-

dat a demandé à des experts deréfléchir à l’instauration d’une« police de quartier ». C’est-à-direune police de proximité. ■

POLICE AU RENDEMENTLe sarkomètre à zéro

Même quand il n’est pas auministère des Finances,Sarkozy a l’obsession deschiffres et du rendement.

Place Beauvau, il impose des résul-tats chiffrés et met en place un sys-tème de primes individuelles aumérite (jusqu’à 300 euros), en fonc-tion du nombre d’affaires élucidées.Dans le jargon policier, on appelleça « faire des bâtons » ou on évoquele « sarkomètre ». Les commissariatsreçoivent des ordres très précis enmatière d’objectifs. Le nombre d’in-fractions à constater est précisé à lavirgule près, et les commissariatssont notés en fonction du nombrede gardes à vue opérées.

Seulement voilà, faire lapolice, ça demande du temps. Pourdémanteler les gros trafics et lesvrais réseaux criminels, les flics dela BAC (Brigade anticriminalité)doivent parfois passer des jours etdes nuits en planque. Ce qui fait

désormais perdre des bâtons. Donc,ces enquêtes sont souvent délais-sées au profit des petits délits, plusrentables. D’autant que, grâce auxlois — voulues par Sarkozy — surle racolage passif et sur l’interdic-tion de stationner en bande dans les

halls d’immeubles, on peut faire duchiffre. Comme l’explique un poli-cier : « On ramasse trois putes, on enfait trois affaires faciles à élucider, etça fait trois bâtons ! »

On intensifie également lescontrôles d’identité, en espéranttrouver une boulette de shit… Etavec un peu de bol, les jeunes sesentant harcelés et réagissant ner-veusement, on leur colle un« outrage à agent ». Deux bâtonspour le prix d’un. Si c’est pas del’efficacité, ça… ■

MOTS DE TROP« T’ar ta gueule,j’appelle ma bande! »

«Rupture », « ministère del’Immigration et del’Identité nationale »,Sarkozy aime les for-

mules qui marquent. Quand il va enbanlieue, il adopte plus volontiers lelangage des petites frappes quecelui des travailleurs sociaux. Sonbut : afficher sa « détermination »,déclencher une polémique et êtrelargement repris par les médias. Ettant pis pour les dégâts collatéraux!

Le 20 juin 2005, lors d’unevisite médiatisée à La Courneuve,où un gang vient d’égarer une balledans le corps d’un jeune garçon,qui en est mort, Sarkozy s’énerveface aux caméras : « Dès demain, onva nettoyer au Kärcher la cité des4000. » Quelques mois plus tard, le25 octobre, lors d’une parade noc-turne, entouré de CRS, sur la dalled’Argenteuil, il essuie des tirs deprojectiles pendant près de deuxheures avant de pouvoir aller à larencontre des « gens ». Reprenant

Combien de forêts abattuesdepuis quinze ans que Sar-kozy est en campagne, pour

imprimer les articles, les livres,les magazines le concernant? Ras-surez-vous, tant qu’on fera dupapier avec du bois, il y aura desforêts. Contrairement à l’idéereçue, c’est leur exploitation quigarantit leur existence et leurentretien… Bon. Malgré les mil-liers de pages de livres et de jour-naux qui lui ont été consacrés,malgré les milliers d’émissions detélé et de journaux télévisés où ilest apparu, un sondage montrequ’il reste plus de dix-huit mil-lions d’hésitants… Vous savez, unprésident de la République, c’estcomme un appartement. Si, quandvous le visitez, vous n’avez pasune petite secousse émotionnelle,oubliez. Depuis le temps que Sar-kozy bat le tambour au coin denos rues, si vous n’êtes pasencore tombé amoureux de lui,laissez tomber. Vous ne vousentendrez jamais avec lui. Dès lepremier jour, vous allez vousengueuler. Ne vous forcez pas,vous le regretteriez. Écoutez votrenature profonde, qui vous porte àfaire confiance à la vie plutôtqu’aux gènes. Génétiquement,tous les hommes sont programméspour traîner les femmes par lescheveux derrière un tas de boispour les violer. Mais grâce à l’édu-cation, grâce aussi au fait qu’il ya de moins en moins de tas debois, rares sont ceux qui, parminous, ont accompli le programmeprévu par nos gènes. Les gènesinduisent des désirs et des fan-tasmes qui, tous, sont légitimes.Ce qui ne l’est pas toujours, c’estleur réalisation. Punir l’acte —sous prétexte qu’on y pense —avant qu’il soit commis est undélire de science-fiction imaginéautrefois par Philip K. Dick. Spiel-berg en a fait un excellent film,Minority Report. Pour autant, onpréfère que ça reste du cinéma.C’est comme Zorro. Excellenthéros de fiction, mais, dans laréalité, voisin détestable, à fairedes Z partout avec son épée à lacon.

Mais nous, à Charlie, on estavant tout au service de nos lec-teurs. On sait que vous êtes natu-rellement bons. Et quand vousvoyez Sarkozy s’activer comme ille fait depuis tant d’années pourdevenir calife des califes, vousvous dites : allez, on va lui faireplaisir, on va l’élire, le pauvre,puisqu’il y tient tant. Mais enmême temps, vous hésitez. Voussentez que vous faites peut-êtreune bêtise. Vous allumez lalumière en pleine nuit, et vousdescendez dans la cuisine pourrelire encore une fois Paris Match,qui répète toutes les semaines,depuis le licenciement d’AlainGenestar, que Sarkozy est sympa,beau, gentil, calme, cultivé,humaniste, profond, fidèle, etfacile à ranger dès qu’on a fini des’en servir, car, une fois plié enquatre, il tient derrière une portede placard. Mais en même temps,vous avez envie de travaillermoins pour gagner plus. Bref,vous commencez à avoir desampoules à force de vous tâter.Ce numéro spécial est fait pourvous. Il est objectif, équilibré,comparatif, impartial et honnête.Car son but est clair : vous fairevoter Sarkozy, mais en connais-sance de cause. ■

> L’ÉDITO par Philippe Val

Avant de voterSarko… SARKOZY,

Aux Finances, il augmente la

Malgré un passage à Bercy dans le gouvernement Raffarin II, Sarkozy reste,par l’image de fermeté qu’il a voulu se donner, « le premier flic de France ».Un quinquennat aux manettes du pouvoir, largement consacré à laminer leslibertés individuelles et à faire croire qu’il réglait tous les problèmes, alorsqu’il ne faisait que les aggraver.

02-05-774-Sarko-Bilan-N 13/04/07 19:25 Page II

Page 3: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

au vol l’expression d’une habitante duquartier, il s’exclame : « Vous en avezmarre de cette racaille, eh bien, on vavous en débarrasser ! » Un gardiend’immeuble interviewé par Libérationrésumera plus tard, à sa façon, l’im-pact de la politique de Sarkozy : « Cetype, en trois mois, il est capable de nousdéclencher une guerre avec les Suisses. »

SÉCURITÉ-SPECTACLEBienvenue àSarkollywood

En juin 2005, Sarkozy annonce savolonté de « nettoyer au proprecomme au figuré la cité des 4000 »à La Courneuve. Quelques jours

plus tard, une armada de flicsdébarque pour « chercher des armes,démanteler des trafics, expulser des clan-destins, rechercher des délinquants etpunir des voyous ». Sauf que Sarkozy aannoncé ce débarquement la veille,au journal télévisé de 20 heures.Moralité, les chiottes luisent et lespoliciers ne dégottent même pas uneboulette de shit pour se consoler.Mais qu’importe le résultat, pourvuqu’on ait l’image.

En octobre 2006, on remet lecouvert. Suite à une attaque contredes policiers, l’armada sarkoziennedébarque en force dans une cité desMureaux. Ils plaquent les vieillesdames à terre et enfoncent les portes.En se gourant d’appartements… Ilfaut dire que l’intervention n’est pasfacile : les flics ne peuvent pas bougersans avoir une caméra aux fesses.

Finalement, le vrai coupable se livrerade lui-même, le lendemain…

Certes, tout cela fait grand effetdans le poste, au JT de 20 heures.Mais tout le monde prend les flicspour des baltringues. Entre lesbavures et les opérations-spectacles,la police a perdu tout crédit auprès dela population des quartiers. Elle n’estplus respectée, mais méprisée et haïe.Les cailloux, c’était le bon temps :désormais, les policiers ont peur detomber dans des guets-apens et de sefaire dégommer avec des ballesréelles. ■

CAUTION BANLIEUESBeur-Blanc-Sarko

Deux ans après ses propos sur la« racaille », Sarkozy était tou-jours tricard en banlieue. Alors,il a sélectionné quelques bonnes

têtes parmi la centaine de jeunes quil’avaient accueilli avec des insultes ladernière fois qu’il avait essayé demettre les pieds à Argenteuil, leur afilé son carnet d’adresses, les a invitésPlace Beauvau et leur a proposé unesubvention de 20 000 euros. L’asso-ciation s’appelle BBR (Bleu BlancRouge), comme la fête du FN — belle

trouvaille —, et son président,Tarek Mouadane, se fait surnom-mer « Tarko ». Une associationque certains ont rebaptisée « Lesindics de Sarkozy » et qui est à peuprès aussi populaire qu’un charhomophobe à la Gay Pride, maisqui a réussi l’essentiel : Sarkozy aquelques têtes d’Arabes sur laphoto. ■

BAVURESPolice humiliée,police outragée, mais police défoulée

Sarkozy a voulu mettre du« bleu » partout pour épaterle chaland et les caméras.Désormais, ce sont des CRS

qui patrouillent en bas desimmeubles pour multiplier lescontrôles d’identité. Mais ceux queles habitants des quartiers nom-

ment les « robocop » ne sont pas for-més pour ça. Les contrôles tournentfréquemment au vinaigre. Et lenombre de plaintes déposées auprèsde la Commission nationale de déon-tologie de la sécurité (CNDS) n’a faitqu’augmenter : + 10 % en 2005,+ 30 % en 2006.

Dans leur ouvrage Police et Dis-criminations raciales. Le tabou fran-çais (Éditions de l’Atelier), SophieBody-Gendrot, professeur des uni-versités, et Catherine Wihtol deWenden, spécialiste de l’immigra-tion au CNRS, ont analysé les motifsdes appels reçus au 114 et mettanten cause la police. Ce service ano-nyme, qui ne déclenche pas de pour-suites, a le mérite d’enregistrer destémoignages dont les statistiques nerendent pas compte. Parmi la cen-taine de récits recueillis en 2003, onnotait des coups de genou dans leventre, des crachats, des injures,voire des tentatives d’étranglement,bref des agressions physiques, maisaussi des amendes injustifiées, descontrôles au faciès, des interpella-tions sans motif, des insultesracistes et des dissuasions de porterplainte…

Pour Sarkozy, tout cela relèvedu fantasme : « Plus de plaintes, ça neveut pas dire plus de bavures » (11 juin2005). D’ailleurs, dès son arrivéePlace Beauvau, en 2002, il avait pro-mis de se montrer « intraitable » avecles policiers qui dérapent. En réalité,il n’a pris des mesures qu’à titreexceptionnel, contre trois agents dela police aux frontières (PAF) aprèsle décès d’un Éthiopien lors de sonexpulsion, et contre deux policiers

Mercredi 18 avril 2007 CHARLIE HEBDO III

Il veut des chiffres,en voilà !Le 8 juin 2006, lors d’une conférencede presse, Nicolas Sarkozy présenteson bilan au ministère de l’Intérieur. Àpartir des chiffres issus d’études del’Observatoire national de ladélinquance (OND), présidé par AlainBauer. Fièrement, le ministre expliqueque, sous Jospin, la délinquance avaitaugmenté de 14 %, alors que sous sonmandat, elle a baissé de 19 %. Dans ledétail, la réalité est moins flatteuse.

Faits constatés chiffres ministère de l’Intérieur

Atteintes volontairesaux personnes enhausseLes violences contre les personnesn’ont pas cessé d’augmenter :

+8,1 % en 2002,

+6,9 % en 2003,

+2,6 % en 2004,

+7,8 % en 2005,

+9,8 % en 2006.

Faits constatés chiffres ministère de l’Intérieur

Atteintes aux biensen baisse– 3,9 % Selon Le Canard enchaîné,cette amélioration est due à la fortebaisse des vols de téléphonesportables, responsables à eux seuls de40 % des infractions.

Zones urbaines en feuDepuis 2004, un Observatoirenational des zones urbaines sensibles(ZUS) analyse la situation desquartiers que Nicolas Sarkozy avaitpromis de pacifier. Le bilan duministre, dans ce domaine, estaccablant. En deux ans:

+ 4,7 % , coups et blessuresvolontaires.+ 14 %, vols avec armes blanchesdans les domiciles.

VOLS VIOLENTS SANS ARMES:+ 6,7 % contre les femmes.+ 12 % globalement.

+ 35 %, incendies de bienspublics.

+ 59 %, incendies de biens privés.

Source: Observatoire national des zones urbainessensibles

LE VRAI BILANLE BILANdette, à l’Intérieur, il augmente la délinquance.

Je souhaite que nousfassions le tri entre ce qui estun acquis social et ce quin’est que le produitd’une habitude, d’une lâchetéou d’un oubli. (FÉVRIER 1998.)

02-05-774-Sarko-Bilan-N 13/04/07 19:25 Page III

Page 4: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

parisiens soupçonnés dans uneaffaire de passage à tabac médiatiséepar Libération. Ils seront suspendus,puis réintégrés deux mois plus tard…

Pour le reste, Sarkozy a surtoutgelé les crédits de la CDNS, seulorgane indépendant permettantd’observer l’évolution du nombre dedérapages policiers. En sep-tembre 2005, elle ne disposait plusque de 510,77 euros (hors paiementdes loyers et salaires) pour finir l’an-née… Certes, il reste l’Inspectiongénérale de la police nationale(IGPN). Mais comme l’explique ÉricBlondin, du Syndicat de la policenationale (SPN) : « Ils sont flics, auxordres du ministère de l’Intérieur, et ilsenquêtent sur des flics aux ordres duministère de l’Intérieur. C’est un peucomme demander à un père de jugerson fils. » ■

SYNDICATS DE POLICIERSMarre de servir la soupe!

D’après l’intensité des trémolosqui ont accompagné son allo-cution de départ de la PlaceBeauvau, nul doute que Sar-

kozy s’imagine qu’il a été très popu-laire parmi ses troupes. Peut-êtreest-ce pour cela qu’il a tant tardé àpartir. La vérité est nettement plusnuancée.

« Il n’a fait que politiser le minis-tère de l’intérieur », déplore le secré-taire général de l’UNSA-Police, Joa-quin Masanet. Quant à son bilan, il nefait pas l’unanimité non plus : « Entreles primes individuelles et les objectifschiffrés, les fonctionnaires de police sesont sentis obligés de remplir un certainquota. La vision de la police ne s’est pas

améliorée, au contraire. La relationavec les jeunes s’est considérablementdégradée. Le tout-répressif a ses limites.On le voit bien, les gens sont de plus enplus violents. »

L’UNSA-Police n’est pas le seulsyndicat à tirer cette conclusion.Sarkozy a même réussi à faciliter lafusion, jamais réussie jusqu’alors,entre ce syndicat de gauche, réputéproche du PS, et le Syndicat natio-nal des policiers en tenue (SNPT).Conséquence : aux dernières élec-tions nationales de novembre 2006,L’UNSA-Police est arrivée en tête.Même désaveu chez les commis-saires : le Syndicat des commis-saires et hauts fonctionnaires de lapolice nationale (SCHFPN), chaudpartisan de Nicolas Sarkozy, a perduprès de 40 % de ses voix par rapportau précédent scrutin. ■

L’IMMIGRÉ CHOISIPouf-pouf, c’est toiqui seras expulsé

Ministère de l’Immigration etde l’Identité nationale,immigration choisie, restric-tions au regroupement

familial… L’immigration est le ter-rain sur lequel Sarkozy aura le plusoutrageusement fait les poches à LePen. Et quand il veut rééquilibrer sonimage en s’affichant « humain », là

aussi, le bilan est plus que discutable.À Sangatte, Sarkozy a fait raser

le hangar accueillant tous les réfu-giés (notamment des Kurdes fuyantl’Afghanistan) en transit vers l’An-gleterre, a proposé à Londres d’enaccueillir la moitié et convaincu legouvernement français de prendreen charge l’autre moitié. Rien àdire. Mais comme d’habitude, il n’apas réglé le problème pour autant.Depuis que le hangar n’existe plus,la Croix-Rouge ne peut plus veniren aide aux nouveaux arrivants, etles sans-papiers vivent sous desponts.

Du côté de Cachan, ce n’est pasmieux. La situation des enfantsétrangers scolarisés en France etmenacés d’expulsion devait être exa-minée au cas par cas, mais Sarkozyavait tout de même fixé un objectif :20 % des 33 500 dossiers. Soit 6 700

gamins. Pas un de plus. Toujoursl’obsession des chiffres. Puis, face autollé déclenché par sa vision comp-table de cette urgence humanitaire, ilavait reculé et promis d’examiner lesdemandes de façon individuelle.Avec Arno Klarsfeld dans le rôle dumédiateur au grand cœur. Résultat :6 924 enfants régularisés, principale-ment en fonction de leurs parrains.Ainsi Sarkozy a accepté de régulari-ser 50 gosses parrainés par EnricoMacias, en jetant à peine un œil àleur dossier, alors que de nombreux

autres, répondant aux mêmes cri-tères, sont restés sur le carreau.

Quant à l’immigration choisie,concept qui revient à sélectionner lesimmigrés sur des critères purementéconomiques tout en leur interdisantde s’installer avec leurs familles, ce n’estpas bien nouveau : dans les années1960, les entreprises allaient chercherdes ouvriers dans les montagnes duMaghreb en fonction de leurs besoins,et le regroupement familial n’existaitpas. Bref, en fait de « rupture », il s’agitplutôt d’un saut dans le passé. ■

Loi Perben I de programmation et d’orientation sur lajustice – 10 septembre 2002Pour les petits litiges, remplacement des juges d’instancepar des juges de proximité (anciens gendarmes,notables…).

Modification de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfancedélinquante, qui protégeait les mineurs de moins de 16 ans:sanctions éducatives de 10 à 13 ans, détention provisoire etplacement en centre éducatif fermé à partir de 13 ans.

Allongement des délais de détention provisoire.

Extension du recours à la procédure de comparution immédiate.

Élargissement des cas pour lesquels on peut recourir à laprocédure du témoin anonyme.

Loi Sarkozy sur la sécurité intérieure — 18 mars 2003Création du délit de racolage passif : six mois de prison et3750 euros d’amende.

Durcissement de l’interdiction de rassemblement dans leshalls d’immeubles : deux mois de prison et 3750 eurosd’amende.

Durcissement de l’interdiction du camping sauvage: six moisde prison et 3750 euros d’amende.

Extension du Fichier national automatisé des empreintesgénétiques.

Outrage en réunion au drapeau français ou à La Marseillaisepuni de six mois de prison et de 7500 euros d’amende.Autorisation pour les vigiles de procéder à des palpationsde sécurité.

Loi Perben II portant adaptation de la justice auxévolutions de la criminalité – 9 mars 2004Les crimes et délits commis en « bande organisée » (il suf-fit d’être deux) font l’objet d’une procédure d’exception:placement du suspect en garde à vue pendant 96 heures etperquisition de son domicile, qui peut être mis sous vidéo-surveillance.

Procédure du « plaider coupable » proposée aux prévenusd’infractions pénales punies au maximum de cinq ans deprison.

Loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance – 5 mars2007Le juge pourra écarter l’excuse de minorité (peine diviséepar deux pour les mineurs de 16 à 18 ans) sans motivationen cas de récidive et d’atteinte aux personnes.

Nouvelles sanctions éducatives pour les mineurs délin-quants à partir de 10 ans.

Possibilité pour le maire de créer un fichier sur l’absen-téisme scolaire et d’effectuer un « rappel à l’ordre » à l’en-contre d’un administré, y compris mineur, pour trouble àl’ordre public.

Aggravation d’un grand nombre de peines.

LOIS SARKOZY-PERBENAu trou!

CHARLIE HEBDO Mercredi 18 avril 2007IV

02-05-774-Sarko-Bilan-N 13/04/07 19:38 Page IV

Page 5: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

DOUBLE PEINEAttrape-gauchiste

Pour la gauche, Sarkozy est censéavoir une réussite à son actif : lasuppression de la double peine.Sauf que, trois ans après l’entrée

en vigueur de la loi, la double peineexiste toujours.

Car le texte de loi est si restrictif,si flou — le prévenu ne doit présenteraucun « risque impérieux pour la sûretéde l’État ou la sécurité publique » —, lesgaranties exigées sont si difficiles àapporter pour des personnes sortantbien souvent d’un cercle infernal —comme la drogue —, qu’il n’a bénéfi-cié qu’à une minorité. Environ septcents arrêtés d’expulsion ont été stop-pés, et plus de trois mille demandesofficielles sont examinées, alors quela double peine concerne entre dixmille et vingt mille personnes.

Ce qui fait dire à Stéphane Mau-gendre, avocat, que « le texte de NicolasSarkozy renferme son inapplicabilitépratique » et n’est donc qu’un « effetd’annonce ». En réalité, le ministère del’Intérieur s’est débarrassé de cen-taines de cas délicats, car concernant

des personnes non expulsables, touten s’offrant la caution médiatique denombreuses personnalités, qui ontsalué une réforme que la gauchen’avait pas osé engager. Mais il n’a pasréglé le problème. ■

FICHIER ADNDélinquantsgénétiquement modifiés

On a beaucoup ricané sur le voldu scooter du fils de Nicolas Sar-kozy, qui a déclenché uneenquête digne des Experts, avec

grand jeu et relevé d’empreintesADN. En revanche, en Saône-et-Loire,des parents attendent, pour certainsdepuis plus de dix ans, que la policeveuille bien procéder à des analysesADN qui permettront peut-êtred’identifier l’assassin de leur fille (voirCharlie n° 757)… Corinne Herrmann,qui représente pour le cabinet Sebanles intérêts de plusieurs familles devictimes membres de l’associationChristelle, est scandalisée : « Des pro-messes ont été faites, mais aucune n’a ététenue. Les policiers nous disent qu’ils

manquent d’effectifs et de moyens pourprocéder à des analyses ADN sur desaffaires criminelles alors qu’ils en fontpour des vols de scooter. C’estincroyable ! »

Non, c’est logique. Si le minis-tère de l’Intérieur a bien mis les bou-chées doubles en matière de prélève-ments ADN — plus de trente milledepuis 2002 —, c’est uniquementdans le but d’établir un fichier géné-tique des délinquants. Les analysesADN sur des affaires de meurtres,certaines remontant à plusieursannées, ne présentent aucun intérêtpolitique : il s’agit de quelques casdemandant des investigationslongues, coûteuses, incertaines, quiont donc peu de chance de faire grim-per le taux d’élucidation. Bref, ce n’estpas une priorité.

Quand Sarkozy débarque en2002 au ministère de l’Intérieur, leFichier national automatisé desempreintes génétiques (Fnaeg) com-porte l’ADN de quatre mille violeurs etauteurs de crimes graves. Cinq ans plustard, le nombre d’individus fichés a étémultiplié par cent : quatre cent millepersonnes figurent maintenant dans leFnaeg. Rassurant? Pas vraiment.

La loi pour la sécurité intérieure(LSI) du 18 mars 2003 a étendu lefichage aux auteurs et aux suspects dedélits mineurs. À côté des terroristeset des criminels sexuels, on trouve àprésent des syndicalistes, des mani-festants anti-CPE, des antinucléaire,des arracheurs d’OGM, des activistesantipub, des tagueurs, voire desadeptes du camping sauvage. Maisaucun délinquant financier : la loi deSarkozy exclut du fichage génétiqueles infractions voisines de l’escroque-rie, l’abus de confiance, le détourne-ment de gages, l’organisation fraudu-leuse de l’insolvabilité et le recel…

Il est vrai que ce serait gâcherinutilement des Coton-Tige : commeon l’apprend dans le livre de FrédéricCharpier Nicolas Sarkozy. Enquête surun homme de pouvoir (Presses de laCité), depuis que Sarkozy est à l’Inté-rieur, la division de la police judiciairespécialisée dans les affaires écono-miques et financières a vu ses effec-tifs réduits jusqu’à 50 %. ■

L’ENQUÊTE CORSEEncore plus bêteque Christian Clavier

Pour gérer le dossier corse, Sar-kozy applique la méthode qu’il autilisée avec le Conseil françaisdu culte musulman : il joue la

carte du communautarisme et privilé-gie les négociations avec les nationa-

listes. Résultat : la création d’uneassemblée unique et la suppressiondes deux conseils généraux, façontechnique mais symbolique de sortirla Corse du giron administratif fran-çais. Il en fait l’enjeu du référendumdu 6 juillet 2003. Pour consoler lesrépublicains — de droite comme degauche —, désespérés, il s’engage àmettre Yvan Colonna, le meurtrierprésumé du préfet Érignac, sous lesverrous. Il sera arrêté le 4 juillet, soitdeux jours avant le référendum.Hasard de calendrier, évidemment…Raté. Comme pour les fondamenta-listes de l’Union des organisationsislamiques de France, qui sont loinde représenter tous les musulmansde France, les nationalistes corses nereprésentent pas toute la « commu-nauté » : son beau projet est rejetépar 51 % des insulaires. Et aujour-d’hui, Yvan Colonna râle, du fond desa cellule… ■

SARKO À BERCYL’agité des finances

Sarko est passé deux fois à Bercy :de 1993 à 1995, et en 2004. Dubilan de Sarkozy commeministre du Budget du gouver-

nement Balladur de 1993 à 1995,Alain Juppé dira qu’il fut« calamiteux ». Un expert a parlé.

Première décision : exonérationde 50 % sur les salaires et chargespour emplois familiaux jusqu’à unplafond de 13 500 euros. « Uncadeau aux riches ? Quel manque derespect à l’égard de celles et ceux quitrouveront du travail ! » C’était biensûr une mesure pour les pauvres.Pour les pauvres encore, l’augmen-tation de la TIPP, du prix du tabac,de la redevance télé, de la TVA sur legaz et l’électricité, bref, que desmesures en faveur du pouvoird’achat, dont il sera le grand défen-seur à son retour au ministère del’Économie et des Finances, en2004. Il privatisera la Seita.

Le bilan de son nouveau pas-sage à Bercy (mars-novembre 2004)n’est guère meilleur. Comme laFrance est hors des clous de Maas-tricht (déficit supérieur à 3 % duPIB), il imagine un énorme tour depasse-passe pour réduire le déficitbudgétaire : il fait passer l’engage-ment public sur les retraites des assi-milés fonctionnaires dans lescomptes de la CNAV (Caisse natio-nale d’assurance vieillesse). Est ainsigommée du déficit public une soultede 7,7 milliards d’euros d’engage-ments vis-à-vis d’EDF. 7,7 milliards,c’est 0,4 % du PIB, donc Nicolas Sar-

kozy présente un budget dont le défi-cit est égal à 2,99 % du PIB ! CQFD.Déjà la statistique au forceps.

Sa grande victoire sera de trans-former EDF et GDF en sociétés ano-nymes. Il s’engage à ce que l’État nedescende pas en dessous de 70 % ducapital de ces sociétés, engagementrenié au moment où Villepin décidede fusionner GDF et Suez, et renie-ment qu’il ne renie pas.

À part ça, toujours les pauvres…Il exonère de 20 000 euros les dona-tions aux enfants et petits-enfants,vend une partie des réserves d’or de laBanque de France, privatise une par-tie d’Areva, et s’engage résolumentvers un modèle à l’américaine enmatière de crédit immobilier. Dansson projet de loi sur les hypothèques,c’est la hausse des biens, autrementdit la bulle immobilière, qui garantitles crédits. À l’opposé, il se révèle« patriote économique » en évitant ledépôt de bilan d’Alstom et en favori-sant la fusion Sanofi-Aventis. Dupatriotisme au poujadisme écono-mique, le pas est franchi lors de salutte contre la vie chère et les grandessurfaces (échec total) et contre lesdélocalisations (idem).

Bref, il s’agite. Mais en écono-mie, l’agitation ne peut tenir lieu depolitique. ■

Mercredi 18 avril 2007 CHARLIE HEBDO V

« La France doit êtreun pays qui valorise sesmécènes, ses collectionneurs,ses fondations. Fixons desobligations de résultat auxétablissements culturels enmatière de mécénat. ».(JANVIER 2006)

02-05-774-Sarko-Bilan-N 13/04/07 19:38 Page V

Page 6: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

CHARLIE HEBDO Mercredi 18 avril 2007VI

L’accouchement au forceps du Conseilfrançais du culte musulman (CFCM)a été l’une des premières réussitesemblématiques du style Sarkozy auministère de l’Intérieur. Dès son arri-vée Place Beauvau, Nicolas Sarkozy

ne se considère pas comme le ministre de l’In-térieur chargé des relations avec les cultes,mais comme le « ministre des Cultes » toutcourt, et il s’est emparé à bras-le-corps du dos-sier « islam de France », histoire de marquerdes points auprès de l’opinion publique dansle contexte post-11 Septembre. Quitte à faireentrer le loup (les Frères musulmans, incarnésnotamment par l’UOIF, l’Union des organisa-

tions islamiques de France) dans la bergeriede l’islam de France.

Pour Nicolas Sarkozy, qui ne fait déjà pasla différence entre arabe et musulman — « êtremusulman, ça se voit sur la figure » —, tous lesmusulmans sont les mêmes, qu’ils soientmodernistes ou fondamentalistes. Or l’islamn’est pas une minorité homogène, mais unereligion traversée par une guerre fratricide, ycompris en France, où les stigmates duracisme post-colonial favorisent la propagandedes islamistes au détriment de l’immensemajorité silencieuse des musulmans attachésà la laïcité. Au lieu de venir en aide à la majo-rité silencieuse, Sarkozy a choisi d’ignorercette nuance et de les amalgamer avec les fon-damentalistes sur un mode paternaliste quin’est pas sans rappeler la gestion coloniale.

Le mariage forcé entre modérés et inté-gristes est donc organisé en février 2003. Lepartage des sièges est négocié à l’avance, façonélections algériennes, en fonction du nombrede mètres carrés de mosquées triées sur levolet. Ce qui ne reflète en aucune manière lerapport de force réel dans l’islam de France.Mais peu importe : Nicolas Sarkozy veut desinterlocuteurs politiques pour lui servir derelais, il juge donc les islamistes — des musul-mans politiques par excellence — incontour-nables. La Mosquée de Paris — financée à80 % par Alger et qui représentait jusqu’alorsl’islam de France — se retrouve avec un tiersdes sièges, mais sauve les apparences en pre-nant la présidence du Conseil. La Fédérationnationale des musulmans de France (FNMF),plutôt liée au Maroc et à la Ligue islamique

mondiale, d’obédience saoudienne, en obtientégalement un tiers. Le dernier tiers revient àl’UOIF, qui convoite l’audiovisuel et l’aumône-rie, secteur stratégique pour diffuser l’islam enprison. Ce qui est une escroquerie : le congrèsde l’UOIF au Bourget rassemble au maximumdix mille sympathisants, contrairement auxchiffres annoncés à l’avance par l’organisation,et non un tiers du 1,2 million de Français deconfession musulmane estimé, et encoremoins un tiers des 3,65 millions de Françaisde culture maghrébine ou africaine. Presséd’avoir un interlocuteur, Sarkozy n’a pas tenucompte d’une réalité : 73 % des musulmans deFrance sont laïques et non fondamentalistes.

Les musulmans libéraux sont furieux dece découpage et de cette mascarade. BetouleFekker-Lambiotte, grande figure du FLN et quia fait partie des « sages » tout au long desnégociations, est épouvantée par le tapis rougeque l’on déroule aux islamistes. « Je ne peuxpas accepter pour la France ce que j’ai combattu

BARBUS, LAÏCITÉ ET SECTES

SARKOZY, L’OBSÉDÉ Rarement un homme politique de premier plan aura autant menacé la laïcité française. Sa lutte contre l’insécuritéet le terrorisme a renforcé l’intégrisme, il a promu l’UOIF, proche des Frères musulmans, représentante de l’islam deFrance, il déteste la « laïcité de combat », veut reconnaître certaines sectes comme « mouvements spirituels » et,pour parachever son œuvre, il envisage de modifier la loi de 1905 s’il est élu président de la République*…

La mariée était barbueCFCM

L’UOIF remerciel’imam Sarko

Peu connue du grand public avant son institu-tionnalisation voulue par Sarkozy, cette organi-sation proche des Frères musulmans est toutsauf une grande admiratrice de la démocratielaïque. Elle publie du bout des lèvres des com-muniqués pour protester contre des attentats,mais ne prône pas pour autant un islam apaisé.Dans un de ses tracts, diffusé au congrès annueldu Bourget et rédigé par Hani Ramadan, sonttraités d’« ignorants » ou d’« hérétiques » ceuxqui dénigrent les prédicateurs extrémistes.Quant au mentor théologique de l’UOIF, Youssefal-Qaradhawi, prédicateur vedette d’Al-Jezira, ilfait partie des rares « théologiens » musulmansà avoir délivré une fatwa autorisant les atten-tats suicides en Palestine. Le 17 juin 2004, ildéclarait : « Il n’y a pas de dialogue entre nouset les Juifs, hormis par le sabre et le fusil. » Laconfusion, permanente, entre Juifs et Israéliensse retrouve chez un autre prédicateur vedettede l’UOIF, cette fois français : Hassan Iquious-sen, auteur d’une cassette audio dans laquelle ildécrit les Juifs comme le « top de la félonie »,et la Shoah comme un complot entre les Juifs etHitler pour occuper la Palestine.

En choisissant de se rendre au Bourget en2003 au congrès de l’UOIF pour s’adresser auxmusulmans de France et saluer la création duCFCM, Sarkozy va contribuer à faire de ce ras-semblement annuel le rendez-vous incontour-nable de l’islam de France. En prime, sa sortiesur l’obligation de poser tête nue pour la photode la carte d’identité (copieusement sifflée parune assemblée où les femmes et les hommessont séparés) lancera le débat sur le voile. Undébat où l’UOIF, via le CFCM, va gagner sesgalons politiques.

Sarkozy/Ramadan:match truqué

Le duel entre Nicolas Sarkozy et Tariq Rama-dan lors de l’émission « 100 Minutes pourconvaincre » du 20 novembre 2003 a étésuivi par près de 6 millions de téléspecta-teurs. Le lendemain, la presse, unanime,salue la victoire de Sarkozy par K.-O. Maispersonne n’a relevé l’ironie de la situation:le ministre de l’Intérieur a déstabilisé Rama-dan en lui reprochant la tribune de son frère,Hani, qui « justifiait la lapidation desfemmes adultères. C’est monstrueux, ce nepeut être que le fait d’un déséquilibré! ». Or,il se trouve que Hani Ramadan est le maître àpenser de l’UOIF — soit l’organisation queSarkozy vient d’institutionnaliser au sein duCFCM et qu’il défend contre toute critique.Ramadan enseigne également la bonneparole dans les locaux de l’association Tawhidà Lyon. Des associations féministes ont pro-testé contre cet enseignement auprès duministre de l’Intérieur, qui a refusé d’interve-nir au nom de la liberté d’expression.

06-07-774-Sarko-N 13/04/07 15:12 Page VI

Page 7: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

Mercredi 18 avril 2007 CHARLIE HEBDO VII

DU CULTE

Je suis un libéral ausens où je crois à la liberté.Mais je suis également unhumaniste au sens où jecrois que la production derichesse doit avoir un sens.Que la morale, ça compte.Que la spiritualité, çaexiste. Que l’homme a unedestinée. Et qu’on ne faitpas n’importe quoi avecl’homme, qui n’est pas unemarchandise comme lesautres. (NOVEMBRE 2006.)

de toutes mes forces en Algérie », écrit-elle auministre de l’Intérieur, qui s’en fiche. Laseule femme du CFCM claque donc laporte. On la remplace par une autrefemme, jugée plus conciliante, DouniaBouzar, une éducatrice qui produit desétudes pour la Protection judiciaire de lajeunesse — notamment L’Islam des ban-lieues (Syros, 2001), ouvrage dans lequelelle décrit les prédicateurs islamistes façonTariq Ramadan ou Hassan Iquioussencomme les nouveaux travailleurs sociauxcapables de ramener les jeunes dans ledroit chemin grâce à la religion… MaisSarkozy va si loin dans sa gestion de l’im-migration par le prisme confessionnel queDounia Bouzar démissionnera à son tour.

Depuis sa création, en 2003, le CFCMaffiche un bilan catastrophique. Au niveaunational, la machine n’a jamais vraimentdémarré. Ses commissions n’existent quesur le papier. La Mosquée de Paris aconservé son contrôle sur l’émission« Islam de France » in extremis, en mena-çant de démissionner. L’UOIF n’a pas eu lamainmise sur l’aumônerie à cause de lavigilance de Villepin, mais l’union sacréeentre laïques et intégristes débouche régu-lièrement sur des crises d’hystérie quidonnent une image déplorable de l’islamfrançais. En prime, à force d’être en com-pétition pour parler au nom des musul-mans de France, les uns et les autres sontpoussés à la surenchère — par exemple,en portant plainte contre Charlie. Mêmecertains radicaux font la gueule. Car ceCFCM a en partie été pensé pour « natio-naliser » l’islam, au détriment de l’aileinternationaliste. Et cette proximité avecl’État français l’a décrédibilisé aux yeux decertains, qui sont allés voir du côté dessalafistes et des autres courants gravitantautour de Tariq Ramadan.

Au final, Sarkozy aura peut-êtreréussi à diviser pour mieux régner, mais laRépublique n’y a rien gagné, ni sur le plande la sécurité ni a fortiori en terme de laï-cité. L’UOIF n’a pas changé d’un iota. Sonislam est toujours inféodé à Hani Rama-dan, à Youssef al-Qaradhawi et à tous lesthéoriciens des Frères musulmans. Quantà Dalil Boubakeur, recteur de la GrandeMosquée, il ne pourra pas être présidentéternellement. Nul ne peut prédire entreles mains de qui cette machine à radicali-ser l’islam de France tombera, surtout siNicolas Sarkozy devient président… Enattendant, l’islam de France aura payé cherl’ambition présidentielle du ministre del’Intérieur. ■

*L’AFP a récemment annoncé qu’il y renonçait. Faux.Dans l’entretien accordé à La Croix servant de prétexte àcette dépêche, il promet simplement de ne pas« avancer » sur ce sujet sans consensus, c’est-à-dire —selon ses propres mots — sans une « discussion avecl’ensemble des religions ».

Une fatwa pourles banlieues

Si Sarkozy a fait de l’UOIF le repré-sentant officiel de l’islam de France,c’est aussi parce que, tout à sa stra-tégie sécuritaire, il compte sur lesprédicateurs de l’organisation pourcanaliser les banlieues. Le6 novembre 2005, alors que plu-sieurs quartiers de France flambent,l’UOIF est encouragée par le minis-tère de l’Intérieur à venir au secoursde l’ordre républicain. Bonne élève,elle édicte une fatwa appelant aucalme. « Il est interdit au musulmanla transgression et l’injustice », « netransgressez point car Dieu n’aimepas les transgresseurs », peut-on ylire, sources coraniques à l’appui.Comme si tous les casseurs étaientmusulmans…Tout faux. La fawta de l’UOIF tombecomme un cheveu sur la soupe, déri-soire et risible, totalement décalée.Sur le terrain, personne n’en aentendu parler, et l’immense majo-rité des « cagouleurs » ne saitmême pas ce qu’est l’UOIF.

06-07-774-Sarko-N 13/04/07 15:12 Page VII

Page 8: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

CHARLIE HEBDO Mercredi 18 avril 2007VIII

GRENOUILLESD’ISOLOIRLa religion pour toutesles banlieues

ÀNeuilly, l’islam des caves neronge pas vraiment le liensocial. Toutefois, monsieur lemaire n’oublie jamais que ses

administrés ont un fort penchantpour l’eau bénite. Le 20 juin 2005, àl’occasion d’une réunion interreli-gieuse organisée par l’association LaBible au théâtre de Neuilly, devant sesbanlieusards à lui, il ne mâche pas sesmots : « Les religions sont un plus pourla République… Ce sont les sectaires quiont fait de la laïcité une laïcité de com-bat. » Il s’inquiète des quartiers qui« sont devenus des déserts spirituels »,affirmant : « Je ne pense pas que nousayons quoi que ce soit à y gagner. » Sonpublic est aux anges. « Je regrette la fri-losité d’un certain nombre d’hommesd’Église : vous n’avez pas à vous excuserde croire en ce que vous croyez », pour-suit-il sous les applaudissements. « Ilfaut que les hommes et les femmes quicroient puissent prendre part au débatpublic. » Faisant allusion à l’intrusionde militants d’Act-Up au sein deNotre-Dame, où ils ont parodié unecérémonie de mariage gay pourdénoncer l’homophobie de l’Église, leministre de l’Intérieur hausse le ton etprévient : « Je n’accepte pas qu’on viennebafouer un prêtre dans une église, niqu’on n’ait pas le droit, parce qu’on estmusulman, de vivre sa foi et de la trans-mettre. » Idéologues de toutes les reli-gions, ralliez-vous à ma mitrelibérale ! ■

PROFESSION DE FOIÀ bas la « laïcitésectaire » !

Ce renversement inquiétantvisant à présenter la religioncomme une source d’espoir etles laïcs comme des intégristes

menaçant l’intérêt commun est aucœur du livre de Nicolas Sarkozy La

République, les religions et l’espérance.Pas publié n’importe où : aux Éditionsdu Cerf, une maison d’édition chré-tienne. Et pas en n’importe quellecompagnie, puisque Nicolas Sarkozyl’a écrit en collaboration avec ThibaudCollin, membre de la Fondation deservice politique. Cette fondation, quise définit comme « un laboratoired’idées qui travaille à la promotiond’une pensée politique française cohé-rente avec l’enseignement social de l’É-glise », est financièrement soutenuepar le Saint-Siège et recrute ses admi-nistrateurs à l’Opus Dei, à l’Ictus ouchez les Légionnaires du Christ.

Pas étonnant, donc, que, souscouvert d’une discussion polie, leministre de l’Intérieur signe là unlivre de combat contre la conceptionfrançaise de la laïcité — qualifiée de« laïcité sectaire ». Nicolas Sarkozysouhaite la remplacer par une « laïcité

positive », que d’autres appellent aussi« nouvelle laïcité », c’est-à-dire inspi-rée du modèle anglo-saxon. Juste aumoment où les Anglais paniquent endécouvrant combien leur modèlefavorise l’intégrisme ! Il défendmême le rôle positif que pourraientjouer certaines organisations commel’UOIF pour remettre les quartierspopulaires dans le droit chemin : « Laréalité, c’est que l’UOIF mène, sur le ter-rain, un travail utile contre des adver-saires autrement plus dangereux pour laRépublique : les salafistes », écrit-il.

Encourager les fondamenta-listes de l’UOIF à remplacer les tra-vailleurs sociaux revient à abandon-ner le terrain aux prédicateursintégristes, sexistes, homophobes etantisémites, et reproduire les erreursde l’Angleterre. Sarkozy ne peut pasl’ignorer, mais il ne veut rienentendre. En bon ultralibéral fascinépar les républicains américains, il pri-vilégie l’« espérance spirituelle » surl’« espérance sociale », autant parconviction chrétienne que par prag-matisme économique.

Les travailleurs sociaux, les asso-ciations citoyennes maintiennent unlien social qui fait barrage à l’inté-grisme, mais ils coûtent cher en sub-ventions. Sarkozy n’y voit qu’unramassis de petites mafias ayantdétourné l’argent de l’État. Ennovembre 2005, devant le Mouve-ment national des élus locaux réunisà Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), ila fait une déclaration stupéfiante :« Tout l’argent mis par les gouverne-ments de gauche et de droite depuis vingtou trente ans dans les politiques de laVille a été en partie détourné par uneéconomie souterraine qui a pollué l’éco-nomie réelle dans ces quartiers. » ■

SUBVENTIONSAUX CULTESLa loi de 1905nettoyée au Kärcher

Affichant sa volonté de« toiletter » la loi de 1905, Nico-las Sarkozy a confié une mis-sion de « réflexion juridique sur

les relations des cultes avec les pouvoirspublics » à une commission de sages— composée de religieux et de parti-sans de la nouvelle laïcité —, dirigéepar le professeur Machelon. Dans sesconclusions, la commission aboutit àla nécessité d’encourager les com-munes à subventionner directementla construction de nouveaux lieux deculte. Or l’article 2 de la loi de 1905spécifie que « l’État ne reconnaît, nesalarie ni ne subventionne aucunculte ». Adieu, donc, à la laïcité fran-çaise.

Dans une tribune intitulée« Pour une laïcité vivante » et adresséeà La Croix juste après la sortie du rap-port Machelon, le 21 septembre2006, Nicolas Sarkozy écrit : « Il n’estpas juste que les fidèles des confessions enexpansion récente sur notre territoire,l’islam sunnite et le christianisme évan-gélique, rencontrent des difficultés pourpratiquer leur culte. » Pour lui, autori-ser les pouvoirs publics à financer

directement des lieux de culte per-mettra à l’islam de France de rattraperson retard, et surtout le coupera desinfluences étrangères. Cette idéeséduit, même à gauche, mais reposesur un diagnostic biaisé. Selon lesRG, il n’existe que trente caves ser-vant de mosquées hors contrôle. Nices réseaux souterrains, ni même lesintégristes institutionnalisés del’UOIF n’accepteront de recevoir lemoindre subside de l’État français sicette aide est assortie d’un quel-conque contrôle.

Si la loi de 1905 venait à êtremodifiée, elle ne servirait qu’àconstruire des églises évangéliques etdes mosquées, en plus des 1 554 mos-quées et salles de prière déjà recen-sées (il s’en construit chaque mois denouvelles grâce aux dons des fidèles).Sans aucune garantie, les élus locauxn’étant ni formés ni suffisammentinsoupçonnables de considérationsclientélistes pour faire la différenceentre un imam intégriste et un imammoderniste. Ce qui vaut pour Sarkozyet ses amis des Hauts-de-Seine. Enseptembre 2004, le ministre de l’In-térieur inaugurait une mosquée diri-gée par un imam de l’UOIF — queson ami Manuel Aeschlimann, maired’Asnières, a contribué à faire agran-dir. Le Parisien révélera qu’on y adécouvert dix mille exemplaires dulivre de Sayyed Qotb À l’ombre duCoran, qui théorise le meurtre destyrans apostats et dont s’inspire BenLaden. ■

Libéral jusqu’au bout de la mitre, Sarkozy voit dans la loi de 1905, qui interdit à l’Éta de subventionnerdirectement les cltes, un frein à la croissance de sa popularité chez les culs-bénis et une atteinte à la libertéde confier la gestion des banlieues aux fondamentalistes.

Les hommes naissent libreset égaux devant Dieu

LAÏCITÉ

Je suis un libéral ausens où je crois à la liberté.Mais je suis également unhumaniste au sens où jecrois que la production derichesse doit avoir un sens.Que la morale, ça compte.Que la spiritualité, çaexiste. Que l’homme a unedestinée. Et qu’on ne faitpas n’importe quoi avecl’homme, qui n’est pas unemarchandise comme lesautres. (NOVEMBRE 2006.)

08-11-774-Sarko-Laicite-N 13/04/07 14:24 Page VIII

Page 9: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

Mercredi 18 avril 2007 CHARLIE HEBDO IX

08-11-774-Sarko-Laicite-N 13/04/07 14:24 Page IX

Page 10: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

CHARLIE HEBDO Mercredi 18 avril 2007X

SCIENTOLOGIEMon ami Tom Cruise

Personne n’a oublié la poignée demain entre Nicolas Sarkozy,alors ministre des Finances, etTom Cruise, l’ambassadeur de la

Scientologie, le 30 août 2004. Unerencontre officielle, à Bercy, en pré-sence de photographes. Sarkozyaffirme que cette entrevue au som-met était motivée par son seul amourdu cinéma. Cette version est vitedémentie par l’acteur américain.Interviewé au journal de 20 heuresde TF1 pour la sortie de son film LaGuerre des mondes, Tom Cruise semontre enthousiaste au sujet de sesnouveaux amis, Cécilia et Nicolas :« Ce sont des gens formidables. Je les aiinvités à venir passer des vacances dansmon ranch. » Poivre d’Arvor insistepour savoir si les deux hommes ontparlé de Scientologie. Tom Cruisenoie le poisson, mais ne dément pas :« Nous avons parlé de tout, de cinéma etde Scientologie… »

Pour Arnaud Palisson, qui alongtemps été l’un des spécialistesdes sectes à la direction centrale desRenseignements généraux, il n’y aaucun doute sur la nature de l’entre-vue : « Est-ce qu’il faut être un agent desRG pour comprendre ce qui s’est passé?Tom Cruise est l’ambassadeur de laScientologie. Or, s’il existe une person-nalité en France à rencontrer pour négo-cier l’exemption fiscale au titre du culte,

c’était Nicolas Sarkozy, ministre desFinances et ancien ministre de l’Inté-rieur chargé des cultes… » Un « fais-ceau de présomptions », comme ondit dans le métier, motivé égalementpar une aventure personnelle. En2003, le policier a consacré une thèseà la Scientologie, publiée sur un siteWeb d’opposition à la secte, ce qui luia valu d’être mis au placard : « Messupérieurs savaient que je faisais unethèse sur la Scientologie puisqu’ilsm’avaient recruté en partie pour cela.Mais quand la thèse est parue sur Inter-net et qu’un journaliste du Figaro lui aconsacré un article, la Scientologie acommencé à exercer des pressions. »

Des pressions sur qui ? « Unjour, mon chef de section me dit : « Ona un problème. La Scientologie aappelé le cabinet du ministre à pro-pos de votre thèse sur Internet. Leministre est embêté, donc on estembêtés… » » Au bout d’unesemaine, son supérieur se fait plusclair : « Je suis désolé, mais soit vousretirez votre thèse d’Internet, soit onvous déclasse. » Interrogé parl’équipe de « 90 minutes », quitourne un documentaire — Enquêtesur un présidentiable — pour Canal+ en 2005, Nicolas Sarkozyconfirme avoir « réorienté les Rensei-gnements généraux » vers d’autrespriorités que les sectes. Mais dit toutignorer de l’affaire Palisson. « Sur lecas de ce policier, je vous le garantis, cen’est pas une décision qui m’est remon-tée. » Interrogé dans le même docu-mentaire, Claude Guéant, son plusproche collaborateur, semble, lui,bien au courant. Il confirme avoirdonné suite à de nombreux cour-riers de la Scientologie se plaignantde « l’excès de reproches » de la partdes pouvoirs publics : « Ces prises deposition, d’autres également, ontentraîné le gouvernement à recadrer ledispositif en matière de surveillance dessectes afin que celles-ci soient identi-fiées comme telles dès lors qu’elles pré-sentaient un réel danger pour les per-sonnes. » Ce qui n’était pas le cas del’Église de Scientologie ? demande lejournaliste de Canal +. « Ce qui nesemblait pas, effectivement, patent »,répond Guéant. De fait, Yves Ber-trand, le patron des Renseigne-ments généraux, que la Scientologieavait en ligne de mire depuis 2002,

a été remplacé par un directeurbeaucoup plus conciliant.

Quant à Danièle Gounord, laporte-parole de la Scientologie enFrance, elle ne cache pas sa satisfac-tion : « J’ai apprécié. » Grâce à la ren-contre entre Tom Cruise et NicolasSarkozy, la secte a été citée dans plusde cent articles : « C’est très rare etextrêmement positif. » ■

MIVILUDESAvec les voleurs de mob,on cogne, avec les sectes,on dîne

Entre 1996 et 2001, la lutte contreles sectes a connu un bondincroyable grâce à la mise enplace de la commission Vivien, à

l’établissement d’une liste des organi-sations sectaires en France, à la loiAbout-Picard et, surtout, à la mise enplace de la MILS (Mission intermi-nistérielle de lutte contre les sectes).Sous la droite, la donne change. Ennovembre 2002, la MILS devient laMiviludes (Mission interministériellede vigilance et de lutte contre lesdérives sectaires) et subit l’influencedes conseillers chargés des questionsreligieuses au Quai d’Orsay (essen-tiellement des relations avec le Vati-can, donc souvent très catholiques).

Contrairement à la MILS, laMiviludes se met à recevoir régulière-ment les représentants des mouve-ments sectaires, voire à participer àdes séminaires organisés par eux.Notamment à l’invitation de l’Obser-vatoire du religieux de Bruno Étienneet Raphaël Liogier, basé à Aix-en-Pro-vence et connu pour militer pour lareconnaissance de certaines sectescomme « nouveaux mouvements spiri-

tuels ». En mai 2003, par exemple, surl’insistance de son nouveau secrétairegénéral, Gilles Bottine, les membresde la Miviludes se trouvent priés d’al-ler écouter — sans intervenir ! — toutce que la place de Paris compte desociologues des religions vantant lesmérites d’une laïcité plus ouverte aureligieux. Ils y croiseront notammentAlain Garay, l’avocat attitré desTémoins de Jéhovah, et Danièle Gou-nord, de la Scientologie, invitée à sedélecter des débats depuis la salle. Etle soir, tout le monde — rejoint parVianney Sevestre, du bureau descultes au ministère de l’Intérieur — seretrouve pour festoyer dans un hôtelchic d’Aix-en-Provence, Le Roi René, àl’invitation d’Alain Garay… Quelquesmois plus tard, le bureau des cultes duministère de l’Intérieur les oblige àinviter à leur séminaire — tous fraispayés — Jérémy Gunn, lobbyiste de laScientologie auprès du départementd’État américain. ■

TRANSFUSIONSÉMANTIQUEAppel à Témoinsde Jéhovah

Depuis la commission Vivien, ungroupe de parlementaires seréunit régulièrement pour dis-cuter des phénomènes sectaires

— avec beaucoup de difficultés à par-tir de 2002. Mais, en 2006, le gou-vernement restreint la mission de lacommission d’enquête à une étudesur l’influence des mouvements àcaractère sectaire aux « conséquencesde leurs pratiques sur la santé physiqueet mentale des mineurs ». Auditionnéen octobre 2006, Didier Leschi, chefdu bureau central des cultes au

ministère de l’Intérieur, ne prononcejamais le mot « secte », mais parlepudiquement de « la question des sup-posées sectes ». Il prend notamment ladéfense des Témoins de Jéhovah enrefusant de considérer qu’ils puissent« troubler l’ordre public » par leur refusdes transfusions sanguines : « Jamaisun incident qui mette en cause desenfants ou le pronostic vital ou le fonc-tionnement du service public hospitalierne m’a été signalé sur ces trois dernièresannées. » Ce n’est pas innocent. Le« trouble à l’ordre public » est le seulargument pouvant être invoqué pourrefuser de reconnaître à une associa-tion cultuelle loi de 1905 (dont le sta-tut s’acquiert sur simple demande) lestatut d’association cultuelle recon-nue et exemptée fiscalement, donc lasortie de l’étiquette « secte ».

Depuis les deux passages de Sar-kozy Place Beauvau, entre 2002et 2007, le nombre de salles duroyaume des Témoins de Jéhovahenregistrées par les préfets de chaqueRégion comme « association cul-tuelle » n’a cessé d’augmenter. Selonl’Union nationale des associations dedéfense de la famille et de l’individuvictimes de sectes (UNADFI), il seraitpassé de soixante-dix-huit à près deneuf cents. Le Conseil d’État, quirefusait jusqu’ici de reconnaître àcette secte de bénéficier de l’exemp-tion fiscale au titre du culte prévuepar la loi de 1905, est plus que jamaissous pression. En juillet 2006, lemaire socialiste de Lens, Guy Del-court, se voit désavoué lorsqu’il tented’empêcher le rassemblement devingt mille Témoins de Jéhovah dansle stade de sa ville. « Les Témoins deJéhovah sont une association cultuellereconnue expressément par le Conseild’État et qui bénéficie à ce titre de laliberté de réunion », rétorque leministre de l’Intérieur au micro d’Eu-rope 1. L’un de ses amis du « 92 »,Manuel Aeschlimann, est allé plusloin que la simple garantie du droitde se réunir : il a permis aux Témoinsde Jéhovah de construire une salle demille mètres carrés dans son fiefd’Asnières. ■

Sarkozy se verrait bienpremier gourou de France

Pourquoi chercherais-jel’électorat du Front national ?

Je l’ai déjà ! (JUIN 2005.)

En bon promoteur de la laïcité à l’anglo-saxonne, Nicolas Sarkozy ne fait pas que caresser les intégristesdans le sens de la barbe. Il représente aussi un espoir pour tous les mouvements sectaires, comme laScientologie et les Témoins de Jéhovah, envers lesquels il manifeste une troublante bienveillance…

Extraits de La République, les religions et l’espérancet À PROPOS DES ÉVANGÉLISTES:

« J’ai participé à l’assem-blée générale de la Fédéra-tion évangélique de France.J’ai été frappé par le dyna-misme de cette Église, quiconstitue la deuxièmefédération protestante enFrance et dont le nombrede paroisses ne cessed’augmenter. »

t À PROPOS DESTÉMOINS DE JÉHOVAH:

« Je crois à la liberté indi-viduelle. Si les gens ontenvie d’être Témoins deJéhovah, c’est tout à fait

leur droit. Tant que leursactivités ne sont pascontraires à l’ordre public,je ne vois pas au nom dequoi on le leur interdirait.Les Témoins de Jéhovahne constituent pas pourautant un des grands cou-rants religieux du monde,ni de la France. »

t À PROPOS DES « NOUVEAUX MOUVEMENTS SPIRITUELS » :

« Je reconnais la légitimitéde certaines de ces « nou-velles religiosités ». Toutesne sont pas condamnableset le mot « secte » est par-

fois utilisé abusivementcontre des mouvementsspirituels nouveaux, maisqui ne posent pas de pro-blèmes en matière d’ordrepublic. C’est d’ailleurs cequi a conduit le gouverne-ment actuel à requalifierl’action des pouvoirspublics contre les sectes enlutte contre les « dérivessectaires ». »

t À PROPOS DU RENOUVEAU CHARISMATIQUE:

« Ce mouvement est évi-demment positif par sondynamisme et le renouveaudont il est porteur. »

SECTES

08-11-774-Sarko-Laicite-N 13/04/07 14:05 Page X

Page 11: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

Mercredi 18 avril 2007 CHARLIE HEBDO XI

LA MÉTHODE SARKO

LE SARKOZYSMEEXPLIQUÉ

AUX DÉMOCRATESDepuis 2002, on a largement eu le temps de voir Sarkozy à l’œuvre et d’imaginer quelle serait sa ligne de conduite s’ilétait élu. On sait, de façon certaine, qu’il veut contrôler tous les leviers du pouvoir et des médias, qu’il n’aime pas lesjuges, les contradicteurs, les journalistes qui font leur métier, et les moqueurs qui ricanent quand il dit n’importe quoi.Ce qui lui arrive assez souvent…

SARKOZY,envoyé spécialdans son nombril

Aux journalistes « embarqués »,c’est-à-dire chargés de le suivreen campagne ou dans sesdéplacements, Sarkozy adore

lancer : « C’est marrant, je connais tousvos patrons. » Ce n’est pas une bou-tade… Édouard de Rothschild, parexemple, s’entend souvent dire autéléphone qu’il a acheté un « journalde merde », à savoir Libération. DansNicolas Sarkozy. Enquête sur unhomme de pouvoir* (Presses de la

Cité), Frédéric Charpier cite juste-ment l’un de ces journalistes embar-qués : « Sarkozy observe tout, il voittout. Il ne parle que de lui. Il n’a aucunhumour. Il est très premier degré. C’estune langue de vipère qui pense toujoursà se venger. Un sanguin qui a du mal àse contrôler. »

Déjà sous l’ère Balladur,entre 1993 et 1995, il ne supportaitpas de voir des journalistes se mon-trer trop pointilleux et foutre en l’airsa com’. À France 2, on n’a pas oubliéune séquence du journal de20 heures face à Paul Amar. Sarkozy,alors ministre du Budget, vient deprésenter sa loi sur les finances etson plan pour baisser les impôts. Iln’est pas peu fier. Mais Ève Métais,responsable adjointe du service éco-nomique, a refait les calculs miracu-leux présentés par le ministre. Et elle

montre, chiffres à l’appui, que labaisse des impôts sur le revenu a étéaccompagnée d’une augmentationde la CSG et qu’au final l’État s’ap-prête à taxer plus lourdement lesFrançais. Sarkozy explose et accusela journaliste de malhonnêteté ! Lelendemain, ladite journaliste estdéclassée et mise au placard. Il luifaudra deux ans pour retrouver unposte équivalent.

À la même période, GhislaineOttenheimer, journaliste au NouvelÉconomiste, coupable d’avoir consacréun livre à la stratégie du duo NicolasBazire-Nicolas Sarkozy pour grillerChirac et amener Balladur à l’Élysée, aégalement connu quelques soucis :pressions sur son rédacteur en chef,boycott dans les médias pour la pro-motion du livre, contrôle fiscal surson mari — qui, ironie, travaillait à

Bercy… « On se serait cru en URSS.Nicolas Bazire a appelé, et toute la presses’est couchée, commente GhislaineOttenheimer. Que les hommes fassentpression, c’est une chose. Dans cedomaine, Nicolas Sarkozy est allé au-delà de ce que l’on doit tolérer dans unedémocratie, mais ce que je trouve lamen-table, c’est l’attitude de la presse. »

Treize ans après les faits, lesrelations entre Ghislaine Ottenhei-mer et Nicolas Sarkozy, qu’elle suitpour Challenges, se sont pacifiées, etelle veut croire qu’il s’est assagi : « Iljoue beaucoup plus la carte de la séduc-tion. » Tout en reconnaissant volon-tiers : « À l’époque, s’ils avaient gagné, jene sais pas où j’en serais aujourd’hui. »

Une chose est sûre, Sarkozy n’apas changé de tempérament, volon-tiers familier et séducteur, puis bruta-lement menaçant si la séduction s’estrévélée inefficace. Depuis son retourau pouvoir, on ne compte plus lesaffaires dans lesquelles il est inter-venu plus ou moins discrètement.Aucun autre homme politique de la

nouvelle génération n’a autant de cas-seroles dans ce domaine. Et les rela-tions entre Sarkozy et les journalistessont de plus en plus étroites pour cer-tains, de plus en plus tendues pourd’autres.

Le décalage entre le traitementde Nicolas Sarkozy par la presseaudiovisuelle, plutôt positif, et celuipar la presse écrite indépendante,beaucoup plus critique, est patent.L’homme fascine ceux qui adhèrent àsa vision de l’entreprise appliquée aupolitique, mais il hérisse ceux quicontinuent à vouloir faire desenquêtes et non des publi-reportages.Parmi les trente et un livres parus surlui depuis 2002, les hagiographiessont rares. Mais ce sont elles que lapresse audiovisuelle relaie et qui ontle plus de succès… ■

* Sans doute l’une des meilleures enquêtes surNicolas Sarkozy. Notamment ses relations avec lapresse, ses coups de sang et ses tentatives decensure, mais aussi sa vision du lien social etson penchant naturel pour le communautarisme,à travers l’exemple, effrayant, du 92.

MÉDIAS

De gauche à droite : Doc Gynéco,Gérard Longuet, Christian Estrosi,Johnny Hallyday, Bernard Tapie,Brice Hortefeux, Nicolas Sarkozy,Patrick Balkany, Thierry Mariani,Alain Carignon, Nadine Murano,André Santini, Alain Madelin

08-11-774-Sarko-Laicite-N 13/04/07 14:05 Page XI

Page 12: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

CHARLIE HEBDO Mercredi 18 avril 2007XII

« La République réelle,c’est celle où le sport n’estpas un ghetto réservé auxjeunes ou aux minoritésvisibles mais devient uneécole de la vie parce que lesvaleurs du sport transcendenttous les âges, toutes lesdifférences, toutes lesincompréhensions. Parce quele sport c’est une éthiqueuniverselle ».

Paris Match : le poidsdes mots, le choc duplacardLe 25 août 2005, Paris Match faitsa une sur Cécilia Sarkozy, qui « apassé l’été entre New York etParis » avec le publicitaire RichardAttias. Arnaud Lagardère n’a étéprévenu qu’une fois la couverturesous presse. Sarkozy ne décolèrepas. Patron de la rédaction depuis1999, Alain Genestar se voit pro-poser quelques placards plus oumoins dorés, qu’il refuse. Lespressions continuent pendantun an. En juin 2006, pour lapremière fois depuis 1968,l’équipe de Paris Match se meten grève pour soutenir Genes-tar. Mais il finit par être débar-qué. En novembre, il déclareraau Monde : « Le ministre de l’In-térieur, quand il affirme n’êtrepour rien dans mon licencie-ment, ne dit pas la vérité. »

Cécilia au pilonLe 9 novembre 2005, VincentBarbare, patron des ÉditionsFirst, est convoqué Place Beau-vau pour une « discussion »autour du livre Cécilia Sarkozy,entre le cœur et la raison, àparaître quelques jours plustard. C’est le fruit inoffensif deconversations entre ValérieDomain, journaliste à Gala, etmadame Sarkozy. Laquelle s’est,depuis, remise avec son mari etregrette visiblement certainesconfidences faites au cœur de lacrise conjugale…

Dans Libération du18 novembre 2005, « l’entouragedu patron de First » déclare queSarkozy n’a brandi « aucunemenace », mais ajoute : « Il n’était

pas possible de se mettre à dos unprésidentiable, de surcroît ministrede l’Intérieur. » Sitôt sorti de l’en-tretien, Vincent Barbare renvoie àl’entrepôt les vingt-cinq milleexemplaires déjà imprimés (ce quicoûte une petite fortune) etdemande à Valérie Domain de luiremettre ses notes et ses enregis-trements. Pour vérification… Fina-lement, le livre sortira chez unautre éditeur, sous la forme d’unroman à énigmes.

Un sondage inconvenantEn septembre 2006, La Tribunecommande un sondage à l’institutCSA pour savoir ce que les élec-teurs pensent des candidats sur lesquestions économiques. 54 %

d’entre eux fontconfiance à la candi-date socialiste, contre49 % à Sarkozy. Larédaction décide d’af-ficher en « une » :« Royal en tête surl’économique et lesocial ». Pas sympapour Sarkozy, quis’évertue à se procla-mer le plus crédibledans ce domaine.

Le dimanche3 septembre, Fran-çois-Xavier Pietri,directeur de la rédac-tion, demande que laune soit modifiée etle sondage passé soussilence. La sociétédes journalistes de LaTribune se demandealors si cet « acte decensure que l’oncroyait réservé auxheures les plus noires de la pressefrançaise » n’a pas un rapport avecle fait que le journal est contrôlépar le groupe LVMH de BernardArnault, témoin au mariage deNicolas et Cécilia… Sous pression,le directeur de la rédaction de LaTribune finira par accepter d’évo-quer le sondage dans le numérosuivant, noyé dans un article surJospin.

Vive les docu-fictionsSi les émissions taillées surmesure pour faciliter la com’deSarkozy passent aux heures degrande écoute, il est beaucoupplus difficile de voir certains docu-mentaires. Seule l’équipe de « 90minutes », de Paul Moreira, a finipar obtenir vingt minutes d’entre-tien, lui permettant de boucler ce

qui est sans doute l’un desmeilleurs documentaires à chargecontre Sarkozy (Enquête sur un pré-sidentiable, diffusé sur Canal + le31 mai 2005).

Mais d’autres ont eu moins dechance. John Paul Lepers, qui l’avexé en maintenant la distance duvouvoiement, se voit refuser toutedemande d’entretien en vue d’unfilm sur son élection à la tête del’UMP. Quant à Florence Muraccioleet Gérard Leclerc, ils ont réalisé unsoixante-deux minutes décryptantle discours de Nicolas Sarkozy àl’aide d’un panel d’experts, quidevait être diffusé sur France 2.Programmé à plusieurs reprises, ila été déprogrammé systématique-ment. Sans motif. Un autre filmsur l’Union des organisations isla-miques de France, cette fois pour

Charlie Hebdo : Dans quel cadreavez-vous eu affaire aux foudresde Nicolas Sarkozy?Sarkozy nous a pris en grippe, ce queje trouve tout à fait normal. Notam-ment à cause d’un dossier où l’on sedemandait en couverture: « Sarkozyest-il fou ? » À l’intérieur, le dossierdonnait l’avis de douze psychiatres.

Comment a-t-il réagi ?Dans un premier temps, il a appelépartout en criant. Il a essayé par tousles moyens de me rencontrer. Ceque j’ai refusé. Je ne rencontre pasnon plus Ségolène Royal…

Est-il vrai qu’il a fait pression surl’un de vos soutiens financiers, qui

se trouve être l’un de ses trèsproches amis?Lorsque nous avons monté le jour-nal, pour éviter le risque d’uneOPA, Maurice Szafran et moi avonsemprunté de l’argent à titre indivi-duel pour être sûr de détenir 40 %.Sarkozy a obtenu le nom de l’un desbailleurs de fonds à qui nous rem-boursons l’emprunt chaque moisavec des intérêts. Et il lui a dit : « Aunom de notre amitié, je te demanded’exiger d’eux qu’ils remboursent toutde suite. » On parle de plusieurs mil-lions ! Il croyait torpiller le journal,mais on se serait peut-être mêmeretrouvés en prison… Heureuse-ment, notre « actionnaire » n’a pascédé.

Il s’en est tenu là?Il a demandé à un autre ami d’organi-ser un petit déjeuner dans l’idée dedébarquer à l’improviste pour me par-ler. J’ai senti venir le coup et je n’y suispas allé, mais Maurice Szafran etNicolas Domenach, oui. Il est arrivé,et il s’est mis à les montrer du doigtsur un ton très violent: « Vous voulezsavoir ce que c’est qu’un journal d’encu-lés? Voilà un journal d’enculés ! Vousvoulez savoir ce que c’est qu’un journalantisémite ? Voilà un journal antisé-mite ! Vous voulez savoir ce que c’estqu’un journal fasciste? Voilà un journalfasciste ! » Cela ne me choque pas,mais il a un style assez hard. Jusqu’aubout, il essaie le charme, et, si ça nemarche pas, c’est la brutalité totale.

ENTRETIEN AVEC JEAN-FRANÇOIS KAHN

« Il a un style assez hard. »

12-15-774-Sarko-Methode-N 13/04/07 20:57 Page XII

Page 13: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

Mercredi 18 avril 2007 CHARLIE HEBDO XIII

Qui influence NicolasSarkozy, quels sontceux qui ontfaçonné le sarko-

zysme? Même si le chef del’UMP prend bien soin debrouiller les pistes en serevendiquant libéral maisgaulliste, atlantiste maissoucieux de l’indépendancenationale, il ne faut jamaisoublier que l’homme qui l’ale plus influencé resteÉdouard Balladur, qu’iln’appelle jamais en publicque « monsieur Balladur »,et dont il admire le par-cours gouvernemental —aussi bien la période 1986-1988, quand Balladur étaitministre des Finances etinspirateur d’un Chiracalors sous son influence,que la période 1993-1995.Mais Sarkozy, conseillé parManuel Aeschlimann, le« monsieur Opinion » del’UMP, a tiré les leçons del’échec du balladurisme.Les Français ont à plusieursreprises dit non aux offen-sives ultralibérales. Aussiconvient-il d’avancer mas-qué. C’est donc le ségui-niste Henri Guaino, repré-sentatif du gaullismesocial, qui lui a écrit un deses plus importants dis-cours, prononcé à Agen, le22 juin 2006. Dans ce dis-cours, Sarkozy s’en prenddurement aux patrons, auxgolden parachutes. Quant àcelui qu’il a prononcé à

Nîmes le 9 mai précédent,vibrant hommage à lanation, il a été inspiré par lesouverainiste Max Gallo,ainsi qu’il l’a reconnu sur leplateau de l’émission « Cul-ture et dépendances »,quelque temps plus tard(France 3, 21 juin 2006).

Voilà pour le vernisgaullisto-souverainiste. Àpart cela, Sarkozy, ce libé-ral qui croit en l’action del’État, est évidemmentinfluencé par un trèsdense réseau de patronsamis, qui va de Jean-Claude Decaux à MartinBouygues, en passant parPhilippe Charrier (Procter& Gamble), Michel-Édouard Leclerc, FrançoisPinault ou Carlos Ghosn.Sarkozy peut aussi s’ap-puyer dans ses réflexionssur nombre d’intellectuelsqui ont rejoint la droite enraison de l’atonie desdébats au PS, que ce soitAlain Finkielkraut,Jacques Marseille, MarcelGauchet ou encore le trèsmédiatique Nicolas Bave-rez, chantre du « décli-nisme » à la française.

Un melting-pot quine saurait masquer lanature foncièrement libé-rale du projet sarkozyste,et que le principal inté-ressé ne songe d’ailleurspas à nier quand il affirme,tout sourire, être d’une« droite décomplexée ». ■

MENTORS

Un think tankbordélico-libéral

« Zone interdite », surM6, a été mis en stand by.Le producteur avoue igno-rer les causes de cettemise à l’écart : « M6 nem’a jamais expliqué pour-quoi ils ne l’ont pas dif-fusé. » Il est pourtant sipassionnant qu’une chaînebelge l’a diffusé. Il estdésormais disponible surInternet1.

1. On peut voir le documentaire surdailymotion : http://www.dailymo-tion.com/visited/search/rtbf/video/xi1uv_islam-question-a-la-une-22

« Je vais tous vousvirer ! »Dans Le Canard enchaînédu 21 mars dernier, onpouvait lire un compte

rendu instructif des pro-pos — off — de Sarkozydans les coulisses deFrance 3, où il attendaitde se faire maquiller pourl’émission de ChristineOckrent, « France EuropeExpress » : « Je ne veuxpas attendre plus long-temps, je veux me fairemaquiller tout de suite ![…] Mais enfin, il n’y apersonne pour m’accueillir.La direction n’est pas là ?Ce n’est pas normal. […]Qui suis-je pour être traitéainsi ? […] Toute cettedirection, il faut la virer.Je ne peux pas le fairemaintenant. Mais ils neperdent rien pourattendre. Ça ne va pas tarder. »

12-15-774-Sarko-Methode-N 13/04/07 20:57 Page XIII

Page 14: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

CHARLIE HEBDO Mercredi 18 avril 2007XIV

Je dis n’importe quoiet j’en suis fierDans ses interventions publiques,dans ses livres, voire dans son pro-gramme, Sarkozy affirme facile-ment tout et son contraire. Il pro-met qu’il ne touchera pas à laConstitution, mais il souhaite quele président de la Républiquepuisse venir s’expliquer devant leParlement, ce qui est absolumentcontraire à ladite Constitution. Ilcite Hugo, Zola, Camus, Blum etJaurès, mais il tient un discourséconomique de droite ultralibérale.Il se défend d’être « un partisan ducommunautarisme et des quotasethniques » (26 octobre 2005),mais sa gestion du Conseil françaisdu culte musulman, la nominationd’un préfet « musulman » — quilui-même ne se considérait pascomme tel — et d’un préfet noir aunom de la « discriminationpositive », son admiration revendi-

quée pour le modèle anglo-saxon,prouvent le contraire.

Face aux médias, il adopte lamême réthorique, avec le mêmeaplomb. Ainsi le 26 février 2007,au micro de Jean-Jacques Bourdinsur RMC. Après avoir réitéré l’er-reur de Ségolène Royal sur lenombre de sous-marins nucléairesfrançais — il avait eu pourtanttout le temps, lui, de préparer sesfiches —, il rame et s’embrouillelorsque l’animateur lui demande siAl-Qaida est un mouvement chiiteou sunnite: « Il est impossible d’yrépondre. […] Parce que Al-Qaidac’est une nébuleuse… » Et quandBourdin lui donne quand même labonne réponse — sunnite —, ilcommence par nier, puis finit parassimiler les musulmans sunnites àune ethnie… Bref, Nicolas Sarkozyne sait pas grand-chose sur lesmouvements terroristes. Ce qui estennuyeux pour un ministre de l’In-térieur, chargé de la sécurité duterritoire.

Je suis dans le secretdes dieuxLe 13 juillet 2005, alors qu’il par-ticipe à Bruxelles à une réuniondes ministres de l’Intérieur et de laJustice destinée à coordonner lespolitiques antiterroristes euro-péennes après les attentats deMadrid et de Londres, Sarkozyquitte la réunion au milieu des tra-vaux pour aller donner une confé-rence de presse. Au cours de celle-ci, il dit avoir été « briefé » parson homologue britannique duHome Office, et fait quelquesdéclarations, largement reprisesdans la presse européenne à proposdes poseurs de bombes anglaisd’origine pakistanaise: « Il semblequ’une partie de cette équipe aitfait l’objet d’une arrestation par-tielle, je dirais aux alentours duprintemps 2004. » Il en déduitqu’il vaut mieux procéder à cer-tains coups de filet préventifs,

quitte à ramasser des innocentsdans le lot — ce qu’il a fait enretirant des badges à des employésde Roissy sans avoir donné lapreuve de leurs liens avec des mou-vements intégristes.

Apprenant ces déclarations,pour le moins floues et déplacées,le fameux homologue britannique,Charles Clarke, ne cache pas sa stu-peur: « J’ai entendu des rapports surles remarques de monsieur Sarkozy àla presse, et elles sont absolumentsans fondement. » Il dément avoireu la moindre discussion à proposde ces allégations, ni au cours de laréunion ni en aparté: « Je ne l’aipas vu. Il a quitté le conseil aumilieu des travaux. C’est peut-êtreson style. Mais c’est un grand diri-geant pour la France, et je lui sou-haite toutes les meilleures choses. »Une façon très « humour british »de nous souhaiter bon courage…

Lire Nicolas Sarkozy. La fringale du pouvoir,de William Emmanuel (Flammarion).

Pérorer plus pour gagner plus

« Je connais tous vos patrons! »Entre les parrains de ses enfants, ceux qui ont été témoins à son mariage, ceux quise considèrent comme ses « frères », ceux avec qui il fait du vélo ou part envacances, Nicolas Sarkozy affiche l’une des plus belles collections d’actionnairesmajoritaires de la presse et de l’édition.

t Martin Bouygues (Bouygues, TF1, LCI, TF6, TV Breizh, TMC, TPS…)Témoin à son mariage, parrain du jeune Louis, il est considéré par Sarkozy commeson meilleur ami. Les deux hommes s’appellent tous les jours.

t Arnaud Lagardère (Fayard, Grasset, J.-C. Lattès, Stock, Paris Match, Le Journaldu dimanche, Nice-Matin, La Provence…)Président du conseil d’administration d’EADS, administrateur de LVMH, patron deLagardère Active Media et membre du conseil d’administration de France Télécom,Arnaud Lagardère est très proche de Nicolas Sarkozy et n’hésite pas à participer àses meetings.

t Édouard de Rothschild (Libération)Ils partent en vacances ensemble et se téléphonent régulièrement. Surtout quandSarkozy a lu un article qui lui déplaît dans Libération.

t Bernard Arnault (La Tribune, Investir, Radio Classique)Témoin à son mariage. Nicolas Bazire, le grand complice de Sarkozy, est dans sonéquipe.

t Serge Dassault (actionnaire de L’Express, de Valeurs actuelles et du Figaro)SergeDassault est reconnaissant à l’avocat Sarkozy d’avoir assuré la succession deMarcel Dassault. Sarkozy est aussi très proche d’un de ses fils, Olivier.

t François Pinault (actionnaire du Point)Ils font régulièrement ensemble de grandes balades à vélo. Pinault est égalementproche de Chirac, mais ce dernier va quitter l’Élysée…

Une journaliste de l’AFP,Raphaëlle Picard, a dû changerde secteur à la suite d’une de

ses dépêches relatant les bavures ensérie constatées lors d’une opérationde police très médiatisée auxMureaux, en octobre 2006. Daté du4 octobre, le reportage est intitulé« La colère des « perquisitionnés parerreur » dans une cité des Mureaux »et raconte l’irruption de la police àl’aube dans l’appartement d’unefamille musulmane: « « Une ving-taine de policiers ont fait irruptiondans l’appartement, ils nous ont faittomber au sol, avec un coup de pied,mon frère et moi », raconte Adama,dix-sept ans, portant un hématomeau visage après un « coup dematraque ». « Ils m’ont écrasé latête par terre comme une merde »,ajoute le jeune garçon. Il affirme quedes policiers, dans la précipitation,ont également poussé sa mère parterre, lui ont renversé de l’huilechaude sur un pied et jeté à terre lesaliments, tandis que les deux frèresétaient menottés et les autresmembres de la famille alignés dans le

couloir, mains sur la tête. » Un gossede deux ans et demi « « s’est fait bra-quer un pistolet sur la tempe » danssa chambre ».

Ce jour-là, visiblement, lespoliciers, entourés d’une nuéede journalistes comme chaquefois que Sarkozy les envoie fairedu spectacle, étaient particuliè-rement nerveux. Et ils le sontrestés après avoir lu le repor-tage, repris dans la pressenationale et régionale, écrite etaudiovisuelle. Raphaëlle Picarda vu tous ses contacts avec lahiérarchie policière interrompus.Pour le Syndicat autonome desjournalistes, cet ostracismevisait à lui interdire « de faireson travail de journaliste et [à]pousser la direction de l’AFP, aupire, à mettre fin à sa collabora-tion, au mieux, à procéder à samutation ». Soutenue, la jour-naliste n’a passé que quelquessemaines au service des infor-mations générales avant dereprendre son poste. Mais, pourDimitri de Kochko, journaliste à

l’AFP et membre du SNJ (Syndicatnational des journalistes): « Ce quis’est passé avec l’affaire Picard nousparaît inquiétant pour l’avenir. »

Journaliste au piquet

12-15-774-Sarko-Methode-N 13/04/07 20:31 Page XIV

Page 15: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

Charlie Hebdo : Quel bilan faites-vous du passage de Nicolas Sarkozyà l’Intérieur en matière de justice?Sarkozy est tellement caricatural qu’ila réussi à faire l’unanimité contre luichez les magistrats. Ce qu’il a appeléla rupture, c’est la rupture avec les ins-titutions ! Dans sa communication, ils’est posé comme le sauveur de l’insé-curité. Les règles constitutionnelles,le fait que la police doive fournir despreuves pour faire condamner, lespolitiques de réinsertion…, tout celane l’intéresse pas. Ce n’est pas assezspectaculaire ! Il veut du résultatimmédiat.

Cela aurait-il été différent si les deuxgardes des Sceaux avaient su fairecontrepoids?Il a totalement instrumentalisé lesdeux ministres de la Justice succes-sifs. Quand vous avez le ministre de laJustice qui disparaît derrière leministre de l’Intérieur, ce n’est jamaisbon. Sous la plume du ministre del’Intérieur, souvent à son initiative (lesgardes des Sceaux ne faisant quesuivre), on a assisté à un nombre deréformes du Code de procédurepénale phénoménal ! Pour lui, tout estdu ressort de l’exécutif. Il n’a aucunrespect de la sédimentation républi-caine.

N’y avait-il pas des leçons à tirerd’Outreau?Au lieu de tirer des leçons, justement,on a obligé les juges à justifier lesremises en liberté ! La réforme de Pas-cal Clément ne porte pas sur la res-ponsabilité des magistrats, mais ellefacilite la détention provisoire. Engros, le juge des remises en liberté estinvité à moins remettre en liberté… Lapolitique de Nicolas Sarkozy encou-rage une justice plus expéditive, maisavec lui, c’est toujours la faute auxautres. La faiblesse des moyens accor-dés à la justice ces dernières annéesn’est pas un hasard. L’exécutif assèche

le judiciaire, ce qui permet de le dis-créditer. L’affaire d’Outreau, ça lesarrange.

En plus de ses déclarations, avez-vous des exemples précis où il a car-rément passé la ligne jaune?Dans l’affaire du Technival, le ministrede l’Intérieur a décidé d’aller à l’en-contre du tribunal administratif quiavait autorisé un maire proche de Chi-rac (François Goulard) à ne pas l’ac-cueillir sur sa commune. Il a le droitd’avoir des considérations politiquessur ce sujet, mais il a outrepassé la loi !C’est la fin de l’État de droit. Quelexemple il donne aux jeunes en mon-trant que lui-même peut violer la loi…Il a fait pression sur Pascal Clémentpour faire nommer le juge Courroye autribunal de Nanterre contre l’avis duConseil supérieur de la magistrature.Courroye a peut-être le mérite d’avoirmis au jour l’affaire des frais de bouchede Chirac, mais il n’a jamais passé uneheure dans un parquet ! Et maintenant,en pleine campagne électorale, onapprend que la directrice de la policejudiciaire, madame Monteil, soutientla candidature de Nicolas Sarkozy.C’est insensé. Une directrice de PJ esttenue à un devoir de réserve. On seraitdans n’importe quel pays, elle aurait dûdémissionner, et lui aussi.

Sarkozy vous a dans le nez. Lorsquevous étiez président de l’USM, ilvous a même pris à partie lors d’uneémission télévisée en disant quevous protestiez contre ses lois sur leracolage passif parce que vous aviezla chance d’habiter un immeuble aupied duquel il n’y avait pas de pros-tituées… N’avez-vous pas un peupeur d’être mis au placard après cesdéclarations?Après cette émission, j’ai exigé mafiche des RG pour savoir comment ilconnaissait mon adresse. Nous noussommes rencontrés à plusieursreprises pour discuter de ces ques-

tions de justice. Lors d’une entrevue,il m’a répété à trois reprises : « Vous neme faites pas peur. » Comme s’il s’agis-sait d’un problème personnel et nond’un problème de fond ! De toutefaçon, j’ai quitté la magistrature. Je nesuis pas dans le sacrifice, je ne veuxpas travailler dans un placard. Fairedu pénal en ce moment, ce n’est paspossible. Ce sont des audiencesd’abattage, je n’ai pas choisi ce métierpour ça.

• Lire O.P.A. sur la justice, de Dominique Barella,Hachette littératures.

Nicolas Sarkozy semble avoiraussi peu de respect pour laséparation des pouvoirs quepour la séparation entre lepolitique et le religieux. Ce

qui est inquiétant : théorisée notam-ment par Montesquieu, cette séparationpermet, entre autres, de distinguer lesdémocraties des tyrannies.

Il a refusé de quitter son poste deprésident de l’UMP quand il est rede-venu ministre. Il a décidé d’attendre latoute dernière minute pour lâcher leministère de l’Intérieur. Au gouverne-ment, il n’a cessé d’empiéter sur lesdomaines des autres ministres : Éduca-tion nationale (voir le récent limogeagedu recteur de l’académie de Lyon), cul-ture (il est monté au créneau pourdéfendre les intérêts des majors lors desdébats sur la licence globale), sans par-ler de la politique étrangère, domaineréservé du président de la République…

Mais le pire reste sans doute sonmépris affiché pour la justice et ses

représentants. Sarkozy a fini par deve-nir la bête noire des magistrats à forcede se prendre à la fois pour le ministrede l’Intérieur et pour le garde desSceaux, inspirant largement l’inflationdes réformes proposées par le minis-tère de la Justice ces dernières années.Sous sa pression, le système judiciairen’a cessé de grignoter la présomptiond’innocence. L’un de ses derniers« combats » au gouvernement fut laréforme de la justice des mineurs : « Jepropose qu’un mineur multirécidiviste âgéde 16 à 18 ans soit considéré commemajeur » (Le Parisien du 20 octobre2006). Avec, en prime, la création depeines planchers.

Surtout, Sarkozy ne rate pas uneoccasion de s’en prendre publiquementà l’institution de la justice. En juin 2005,alors qu’une mère de famille vient d’êtreassassinée par un récidiviste, il accuse lejuge des libertés ayant autorisé la libéra-tion conditionnelle du meurtrier d’avoircommis une « faute » et propose de

sanctionner les magistrats. Pour lui, l’af-faire d’Outreau n’a rien à voir avec l’obli-gation de respecter la présomption d’in-nocence, qu’il ne cesse de vouloirréduire, elle est un symptôme del’« irresponsabilité des juges ».

Comme il est obsédé par la cul-ture du résultat en matière de sécurité,les magistrats deviennent très vite lesboucs émissaires de son bilan, pour lemoins mitigé dans ce domaine. Quandles chiffres sur les violences envers lespersonnes explosent à l’automne2006, Sarkozy accuse les juges —ceux-ci n’auraient pas mis assez demineurs en prison suite aux émeutesde novembre 2005. Serions-nous vrai-ment plus en sécurité si la totalité desmineurs arrêtés lors des émeutes étaitpassée par la case prison, lieu de pro-miscuité par excellence avec le grandbanditisme et l’intégrisme?Ce côté Berlusconi fustigeant systéma-tiquement les « juges rouges » révoltenaturellement la magistrature. BrunoThouzellier, président de l’Union syn-dicale des magistrats (USM), regretteque « le ministère de l’Intérieur ait à cepoint empiété sur le ministère de la Jus-tice » ces dernières années. Sans trop ycroire, il souhaite « que cet épisode ne sereproduise plus à l’avenir »… ■

Mercredi 18 avril 2007 CHARLIE HEBDO XV

JUSTICEJE SUIS PARTOUT

Cumulard de pouvoirs

« Les critiques dusystème américain dénonçantla surpopulation carcérale, je n’ai jamais compris cetargument car après tout,mieux vaut voir lesdélinquants en prison quedans la rue ! » (2001).

TEXTES: CAROLINE FOUREST ET FIAMMETTA VENNER AVEC LA COLLABORATION DE: ANTONIO FISCHETTI, ANNE-SOPHIE MERCIER, ONCLE BERNARD ET EMMANUELLE VEIL RÉDACTEUR EN CHEF: GÉRARD BIARD

ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE BARELLA

« Avec lui, c’est toujours la faute aux autres ! »Ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, ancien président de l’USM, DominiqueBarella a souvent pris position contre l’ingérence de Sarkozy dans le domaine de la justice.

12-15-774-Sarko-Methode-N 13/04/07 20:31 Page XV

Page 16: Prochoix, la revue pour le droit de choisir, dirigée par Caroline ... - … · 2012-01-07 · Dans le jargon policier, on appelle ... lions d’hésitants… Vous savez, un président

01-774-Sarko-N 13/04/07 14:58 Page XVI