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Magistère 2003-2004

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Magistère Histoire – 1e année – Histoire de l’Unité européenne, 1945-1991

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Sommaire

Programme des séances __________________________________________________________________ 3

Bibliographie___________________________________________________________________________ 4

Texte : Déclaration des résistances européennes (extraits), 7 juillet 1944. ____________________________ 5

Texte : George Marshall, Discours à l'université de Harvard (extraits), 5 juin 1947. ____________________ 8

Texte : Winston Churchill, discours à l'université de Zurich (extraits), 19 septembre 1946. _____________ 10

Texte : Robert Schuman, Déclaration du 9 mai 1950.___________________________________________ 12

Texte : La naissance du marché commun et d’Euratom présentée par radio Moscou, 17 mars 1957 _______ 15

Texte : Robert Borchardt, “ Un pacte avec des insuffisances ”, 30 juin 1952. ________________________ 16

Texte : Georges Bouvard, “ Nouvel échec aux partisans fanatiques de la CED ”, 31 août 1954. __________ 18

Texte : Résolution adoptée par les ministres des affaires étrangères des États membres de la CECA à Messine, 3

juin 1955 _____________________________________________________________________________ 20

Texte : Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne sur la coopération

franco-allemande (traité de l'Élysée), 22 janvier 1963__________________________________________ 23

Texte : Heymann, Philippe, "Un problème de plus en plus politique." _____________________________ 26

Texte : Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Helmut Kohl. Munich, 18 Septembre

1990. ________________________________________________________________________________ 29

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Programme des séances

Séance n° 1 Prise de contact, bibliographie, distribution des exposés, méthodologie.

Séance n° 2 : l'idée d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale Texte : Déclaration des résistances européennes (extraits), 7 juillet 1944. Exposé : L’Europe d’Hitler.

Séance n° 3 : les États-Unis et l'Europe Texte : George Marshall, Discours à l'université de Harvard (extraits), 5 juin 1947. Exposé : La défense de l'Europe (1945 - 1955).

Séance n° 4 : renaissance et concrétisation de l'idée européenne Texte : Winston Churchill, discours à l'université de Zurich (extraits), 19 septembre 1946. Texte : Robert Schuman, déclaration du 9 mai 1950.

Séance n° 5 : l'autre Europe Exposé : L’organisation de l’Europe communiste (1945-1956). Texte : La naissance du marché commun et d’Euratom présentée par radio Moscou, 17 mars 1957.

Séance n° 6 : le projet de CED Texte : Robert Borchardt, “ Un pacte avec des insuffisances ”, 27 mai 1952. Texte : Georges Bouvard, “ Nouvel échec aux partisans fanatiques de la CED ”, 31 août 1954.

Séance n° 7 : les débuts de la construction européenne Texte: Résolution adoptée par les ministres des affaires étrangères de la CECA à Messine, 3 juin 1955. Exposé : Jean Monnet (1888-1979).

Séance n° 8 : les premières années de la CEE Texte : Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne sur la coopération franco-allemande (traité de l'Élysée), 22 janvier 1963. Exposé : La Grande-Bretagne et la construction européenne (1946 - 1973).

Séance n° 9 : l'Europe en crise Exposé : La PAC Texte : Heymann, Philippe, "Un problème de plus en plus politique", dans 30 jours d'Europe. Novembre 1971, n° 160, p. 29 et suivantes.

Séance n° 10 : l'Europe réunifiée Exposé : Le traité de Maastricht Texte : Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République, et de M. Helmut Kohl, Chancelier de la République fédérale d’Allemagne, 18 Septembre 1990.

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Bibliographie Lectures indispensables :

• Marie-Thérèse BITSCH, Histoire de la construction européenne, Bruxelles, Éditions Complexe 2001 (1e éd. 1996.)

• Gérard BOSSUAT, Les fondateurs de l’Europe unie, Paris, Belin, Histoire Sup., 2001. Ouvrages de référence à consulter :

- sur l’Europe : • Elisabeth DU REAU, L’idée d’Europe au XXe siècle, Bruxelles, Éditions Complexe,

2001 (1ere éd. 1996.) • Elisabeth DU REAU (dir.), L'Europe en mutation. De la Guerre froide à nos jours,

Paris, Hachette, 2001. • Pierre GERBET, La construction de l’Europe, Paris, Imprimerie Nationale, 1999 (1ere

éd. 1983.) • Charles ZORGBIBE, Histoire de la construction européenne, Paris, PUF, coll. Premier

Cycle, 1993. - sur les relations internationales :

• Jean-Baptiste DUROSELLE, André KASPI, Histoire des relations internationales, 2 tomes (1 : 1919-1945, 2 : 1945 à nos jours) Paris, A. Colin, 2001 [réédition de Jean-Baptiste DUROSELLE, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1990 (1ere éd. 1953)].

• Pierre MILZA, Les relations internationales de 1918 à 1939, Paris, A. Colin, Coll. Cursus, 1998, 2e éd.

• Pierre MILZA, Les relations internationales 1945-1973, Paris, Hachette, Coll. Carré Histoire, 1996.

• Pierre MILZA, Les relations internationales de 1973 à nos jours, Paris, Hachette, Coll. Carré Histoire, 2001.

• Georges-Henri SOUTOU, La guerre de Cinquante Ans. Les relations Est-ouest 1943-1990, Paris, Fayard, 2001.

• Maurice VAÏSSE, Les relations internationales depuis 1945, Paris, A. Colin, Coll. Cursus, 1999, 7e éd.

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Texte : Déclaration des résistances européennes (extraits), 7 juillet 1944.1 I La résistance à l’oppression nazie qui unit les peuples d’Europe dans un même combat a créé entre eux une solidarité et une communauté de but et d’intérêts qui prennent toute leur signification et toute leur portée dans le fait que les délégués des mouvements de résistance européens se sont réunis pour rédiger la présente déclaration, où ils entendent exprimer leurs espoirs et leurs intentions quant au sort de la civilisation et de la paix. Les hommes libres qui font parties aujourd’hui des mouvements de résistance ont conscience que la lutte menée inlassablement sur le front de la résistance intérieure, malgré la terreur, contre la machine de guerre ennemie est une contribution positive importante à la lutte menée par les Nations unies et qu’elle justifie pour leurs pays le droit de participer à l’édification de la paix et à la reconstruction de l’Europe au même titre que les autres puissances victorieuses. Souscrivant aux déclarations essentielles de la Charte de l’Atlantique, ils affirment que la vie des peuples qu’ils représentent doit être fondée sur le respect de la personne, la sécurité, la justice sociale, l’utilisation intégrale des ressources économiques en faveur de la collectivité tout entière de l’épanouissement autonome de la vie nationale. II Ces buts ne peuvent être atteints que si les divers pays du monde acceptent de dépasser le dogme de la souveraineté absolue des États en s’intégrant dans une unique organisation fédérale. Le manque d’unité et de cohésion qui existe encore entre les diverses parties du monde ne permet pas de parvenir immédiatement à la création d’une organisation rassemblant toutes les civilisations sous un gouvernement fédéral unique. A la fin de cette guerre, il faudra se limiter à créer une organisation universelle moins ambitieuse, susceptible cependant de se développer dans le sens de l’unité fédérale, dans laquelle les grandes civilisations qui en constitueront les assises auront pour mission d’assurer la sécurité collective. Mais elle ne pourra être un efficace instrument de paix qu’à la condition que ces grandes civilisations soient organisées de telle manière que l’esprit de paix et de compréhension puisse prévaloir. C’est pourquoi, dans le cadre de cette organisation universelle, le problème européen doit faire l’objet d’une solution plus directe et plus radicale. III La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence sur ce continent de trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par la création d’une Union fédérale entre les peuples européens. Seule une Union fédérale permettra la participation du peuple allemand à la vie européenne sans qu’il soit un danger pour les autres peuples. Seule une Union fédérale permettra de résoudre les problèmes des tracés de frontières dans les zones de population mixte, qui cesseront ainsi d’être l’objet des folles convoitises nationalistes et deviendront de simples questions de délimitation territoriale, de pure compétence administrative. Seule une Union fédérale permettra la sauvegarde des institutions démocratiques de manière à empêcher que les pays n’ayant pas une suffisante maturité politique puissent mettre en péril l’ordre général. Seule une Union fédérale permettra la reconstruction économique du continent et la suppression des monopoles et des autarcies nationales. 1 Centre d'action pour la fédération européenne (sous la dir.), L'Europe de demain, Neuchâtel, Editions de la Baconnière, 1945, p. 70-75.

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Seule une Union fédérale permettra la solution logique et naturelle des problèmes de l’accès à la mer des pays situés à l’intérieur du continent, de l’utilisation rationnelle des fleuves qui traversent plusieurs États, du contrôle des détroits et, d’une manière générale, de la plupart des problèmes qui ont troublé les relations internationales au cours de ces dernières années. IV Il n’est pas possible de prévoir dès à présent les limites géographiques de l’Union fédérale qui pourra assurer la paix de l’Europe. Il convient de préciser cependant qu’elle devra être dès le début assez forte et large pour ne pas courir le risque de n’être qu’une zone d’influence d’un État étranger ou de devenir l’instrument de la politique hégémonique d’un des États membres. De plus, elle devra être ouverte dès le début aux pays appartenant entièrement ou en partie à l’Europe, qui pourront et qui voudront en devenir membres. L’Union fédérale devra être fondée sur une déclaration des droits civils, politiques et économiques qui garantira le libre développement de la personnalité humaine et le fonctionnement normal des institutions démocratiques ; de plus, elle devra s’appuyer sur une déclaration des droits des minorités à une existence autonome qui soit compatible avec intégrité des États nationaux desquels elles font partie. L’Union fédérale ne devra pas porter atteinte au droit de chacun des pays membres de résoudre ses problèmes particuliers conformément à ses caractéristiques ethniques et culturelles. Mais, compte tenu des expériences et des échecs de la S. d. N., les États devront abandonner irrévocablement à la fédération les attributions de leur souveraineté concernant la défense de leur territoire, les rapports avec les puissances extérieures à l’Union fédérale, les échanges et les communications internationales. L’Union fédérale devra posséder essentiellement : 1. Un gouvernement responsable non pas envers les gouvernements des divers États membres, mais envers leurs peuples, par lesquels il devra pouvoir exercer une juridiction directe dans les limites de ses attributions. 2. Une armée placée sous les ordres de ce gouvernement et excluant toute autre armée nationale. 3. Un tribunal suprême qui jugera toutes les questions relatives à l’interprétation de la Constitution fédérale et tranchera les différends éventuels entre les États membres ou entre les États et la fédération. V La paix qui naîtra de la guerre devra être fondée sur la justice et le progrès et non sur la vengeance et la réaction ; mais elle devra se montrer implacable envers tous les criminels de guerre dont l’impunité serait une insulte au sacrifice des morts de la guerre et en particulièrement des héros anonymes de la Résistance européenne. L’Allemagne et ses satellites devront participer à la reconstruction économique des régions qu’ils ont dévastées, mais l’Allemagne devra être aidée, et s’il le faut contrainte, à transformer sa structure politique et économique, afin qu’elle puisse s’intégrer dans l’Union fédérale. Pour cela, elle devra être totalement désarmée et soumise temporairement à un contrôle fédéral dont les tâches principales seront les suivantes: - Confier le pouvoir aux éléments sincèrement démocratiques qui ont mené contre le nazisme un combat sans équivoque. - Reconstruire un État démocratique et décentralisé où il n’y ait plus de trace du bureaucratisme et du militarisme prussien. - Exiger la destruction radicale du système féodale agraire et industriel. - Intégrer l’industrie lourde et chimique allemande à l’organisation industrielle européenne, afin qu’elle ne puisse plus être utilisée pour des fins nationalistes allemandes. - Empêcher que l’éducation de la jeunesse allemande soit faite selon les doctrines nazies, militaristes et totalitaires.

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VI Les mouvements des résistances soussignés reconnaissent la nécessité d’une participation active des Nations unies à la solution du problème européen, mais demandent que toutes les mesures qui seront prises entre la cessation des hostilités et l’établissement de la paix soient prises en fonction des exigences de l’organisation fédérale. Ils font appel à toutes les forces spirituelles et politiques du monde, et en particulier à celles des Nations unies, pour qu’elles les aident à atteindre les buts indiqués dans la présente déclaration. Ils s’engagent à considérer leurs problèmes nationaux respectifs comme des aspects particuliers du problème européen dans son ensemble et ils décident de constituer dès à présent un bureau permanent chargé de coordonner leurs efforts pour la libération de leurs pays, pour l’organisation de l’Union fédérale des peuples européens et pour l’instauration de la paix et de la justice dans le monde.

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Texte : George Marshall, Discours à l'université de Harvard (extraits), 5 juin 1947.2 “Je n'ai pas besoin de vous dire, Messieurs, que la situation mondiale est très grave. Cela est bien évident pour tous les gens intelligents. Je crois que [l'une des plus sérieuses difficultés, c'est aussi] le problème est d'une si grande complexité que la masse même des faits présentés au public par la presse et la radio rend extrêmement difficile, pour l'homme de la rue, une évaluation nette de la situation. De plus, la population de ce pays se trouve très loin des réunions troublées de la terre, et elle a beaucoup de peine à imaginer la misère, les réactions qui la suivent chez les peuples qui ont longtemps souffert, et l'effet que ces réactions ont sur leurs gouvernements au cours de nos tentatives pour établir la paix dans le monde. Lorsqu'on a étudié les besoins de la reconstruction de l'Europe, les pertes en vies humaines, les destructions de villages, d'usines, de mines et de voies ferrées ont été estimées de façon assez exacte, mais il est devenu évident au cours des mois qui viennent de s'écouler que ces destructions visibles sont probablement moins graves que la dislocation de toute la structure de l'économie européenne. Depuis dix ans la situation est très anormale. Les fiévreux préparatifs de guerre et l'activité encore plus fiévreuse déployée pour soutenir l'effort de guerre ont détruit toutes les branches des économies nationales. L'outillage industriel n'a pas été entretenu, a été endommagé ou est tout a fait démodé. Sous la domination arbitraire et destructive des Nazis, presque toutes les entreprises ont été attelées à la machine de guerre allemande. Les relations commerciales anciennes, les institutions privées, les banques, les compagnies d'assurances et les compagnies de navigation ont disparu ; faute de capitaux, par suite de leur absorption lorsqu'elles ont été nationalisées, ou simplement parce qu'elles ont été détruites. Dans beaucoup de pays, la confiance en la monnaie nationale a été rudement ébranlée. L'effondrement de la structure commerciale de l'Europe s'est produit pendant la guerre. La reprise économique a été sérieusement retardée par le fait que deux ans après la cessation des hostilités l'accord n'a pas encore été réalisé sur les traités de paix avec l'Allemagne et avec l'Autriche. Mais, même si une solution plus rapide de ces problèmes difficiles était acquise, la reconstruction de la structure économique de l'Europe demandera évidemment beaucoup plus de temps et des efforts plus grands que nous ne l'avions prévu. L'un des aspects de ce problème est à la fois intéressant et grave : Le fermier a toujours produit les vivres qu'il peut échanger avec les citadins contre les autres choses nécessaires à la vie. Cette division du travail est à la base de la civilisation moderne. A l'heure actuelle elle est menacée de ruine. Les industries des villes ne produisent pas assez de marchandises à échanger avec les fermiers producteurs de vivres. Les matières premières et le combustible manquent. L'outillage industriel manque, ou est trop usé. Le fermier et le paysan ne peuvent trouver sur le marché les marchandises qu'ils veulent acheter. Si bien que la vente de leurs produits en échange d'argent qu'ils ne peuvent utiliser leur semble une transaction sans intérêt. Ils ont donc cessé de cultiver beaucoup de champs pour en faire des pâtures, bien qu'ils manquent de vêtements et d'autres produits ordinaires de la civilisation. Pendant ce temps, les habitants des villes manquent de vivres et de combustible. Les gouvernements sont donc forcés de se servir de leurs ressources en devises étrangères, et de leurs crédits pour acheter ces produits indispensables à l'étranger, épuisant ainsi les fonds dont ils ont un urgent besoin pour la reconstruction. Une situation très grave se crée donc rapidement qui est de fort mauvais augure pour le monde. Le système moderne qui repose sur la division du travail et l'échange des produits, est en danger de s'effondrer. La vérité c'est que les besoins de l'Europe pendant les trois ou quatre prochaines années en vivres et en autres produits essentiels importés de l'étranger - notamment d'Amérique – sont

2 Une Europe inédite. Documents des Archives Jean Monnet réunis et introduits par Bernard LEFORT, Lille, PU du Septentrion, 2001.

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tellement plus grands que sa capacité actuelle de paiement qu'elle devra recevoir une aide supplémentaire très importante ou s'exposer à une dislocation économique, sociale et politique très grave. Le remède consiste à briser le cercle vicieux et à restaurer la confiance des habitants de l'Europe tout entière. Le fabricant et le fermier, dans de très vastes régions, doivent pouvoir et vouloir échanger leurs produits contre des monnaies dont la valeur constante ne fasse pas de doute. En dehors de l'effet démoralisant qu'a le désespoir des peuples en question sur le monde entier, et des troubles qu'il peut provoquer, les conséquences de cette situation pour l'économie des États-unis devraient être évidentes pour tous. Il est logique que les États-unis doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour aider à rétablir la santé économique du monde, sans laquelle la stabilité politique et la paix assurée sont impossibles. Notre politique n'est dirigée contre aucun pays, aucune doctrine, mais contre la famine, la pauvreté, le désespoir et le chaos. Son but doit être la renaissance d'une économie active dans le monde, afin que soient créées des conditions politiques et sociales où des libres institutions puissent exister. Cette aide, j'en suis convaincu, ne doit pas être accordée chichement, chaque fois que surviennent les crises. Toute aide que ce gouvernement pourra apporter à l'avenir devrait être un remède plutôt qu'un simple palliatif. Tout gouvernement qui veut aider à la tâche de la reprise économique jouira, j'en suis sûr, de la plus entière coopération de la part du gouvernement des États-unis Tout gouvernement qui intrigue pour empêcher la reprise économique des autres pays ne peut espérer recevoir notre aide. De plus, les gouvernements, les partis et les groupes politiques qui cherchent à perpétuer la misère humaine pour en tirer un profit sur le plan politique ou sur les autres plans se heurteront à l'opposition des États-unis Il est déjà évident qu'avant même que le gouvernement des États-unis puisse poursuivre plus loin ses efforts pour remédier à la situation et aider à remettre l'Europe sur le chemin de la guérison, un accord devra être réalisé par les pays de l'Europe sur leurs besoins actuels et ce que ces pays de l'Europe feront eux-mêmes pour rendre efficaces toutes les mesures que ce gouvernement pourrait prendre. Il ne serait ni bon ni utile que ce gouvernement entreprenne d'établir de son côté un programme destiné à remettre l'économie de l'Europe sur pied. C'est là l'affaire des Européens. L'initiative, à mon avis, doit venir de l'Europe. Le rôle de ce pays devrait consister à apporter une aide amicale à l'établissement d'un programme européen, et à aider ensuite à mettre en œuvre ce programme dans la mesure où il sera possible de le faire. Ce programme devrait être général et établi en commun par un grand nombre de nations européennes, sinon par toutes. Il est absolument essentiel au succès de toute mesure que pourraient prendre les États-unis que la population d'Amérique comprenne la nature du problème et les remèdes qui doivent être appliqués. Les passions et les partis pris politiques ne devraient point y avoir de part. Avec de la sagacité et une acceptation, par notre peuple, des immenses responsabilités que l'histoire a clairement imposées à notre pays, les difficultés que j'ai soulignées peuvent être et seront surmontées.”

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Texte : Winston Churchill, discours à l'université de Zurich (extraits), 19 septembre 1946.3

Vue de la salle des fêtes de l'université de Zurich qui, le 19 septembre 1946, accueille l'ancien Premier ministre britannique Winston Churchill. Source : Churchill à l'université de Zurich. Paris; Keystone, 1946. Noir et blanc.

“Je voudrais vous parler aujourd'hui du drame de l'Europe. Ce noble continent est le berceau de toutes les grandes races du monde occidental. Il est la source de la foi chrétienne et de la morale chrétienne. Ici ont eu leur origine les principales réalisations de la culture, des arts, de la philosophie et des sciences, dans l'antiquité aussi bien que de notre temps. Si l'Europe s'unissait un jour pour partager cet héritage commun, il n'y aurait pas de limite au bonheur, à la prospérité et à la gloire dont pourrait jouir sa population de trois ou quatre cents millions d'âmes. C'est cependant en Europe qu'est née cette série de terribles guerres nationalistes, déclenchées par les nations teutoniques au cours de leur ascension vers la puissance, que nous avons vu en ce XXe siècle, et même dans notre propre génération, ruiner la paix et les espérances de toute l'humanité [...]. Et pourtant, il existe un remède qui, s'il était généralement et spontanément adopté par la grande majorité des peuples dans de nombreux pays, pourrait, comme par un miracle, transformer entièrement la situation, et rendre toute l'Europe, ou au moins la majeure partie de l'Europe, aussi libre et aussi heureuse que la Suisse de nos jours. Quel est ce remède souverain ? Il consiste à reconstituer la famille européenne, ou du moins, autant que nous en pouvons reconstituer, et à lui fournir une structure qui lui permette de vivre et de croître en paix, en sécurité et en liberté. Nous devons créer un genre États-unis d'Europe. De cette façon seulement, des centaines de milliers de travailleurs pourront recouvrer les simples joies et espoirs qui rendent la vie digne d'être vécue. La marche à suivre est simple. Tout ce qu'il faut, c'est que des centaines de millions d'hommes et de femmes décident de faire le bien au lieu de faire le mal, et méritent, comme récompense, qu'on les bénisse au lieu de les maudire. Beaucoup de travail a déjà été fait dans ce sens, par les efforts de l'Union paneuropéenne, qui doit tant à Aristide Briand, patriote et homme État français célèbre, qui s'est dévoué à sa cause .

3 The Times, 20 septembre 1946 [ publié en français dans Articles et documents, n°698, Paris, La Documentation française, 21 septembre 1946].

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Il y aussi cette immense organisation qui a vu le jour parmi tant de beaux espoirs après la Première Guerre mondiale, je veux parler de la Société des Nations. [...]. J'ai été très content de lire dans les journaux, il y a quelques jours, que mon ami le président Truman avait exprimé son intérêt et sa sympathie pour ce grand projet. Il n'y a aucune raison pour que l'organisation régionale de l'Europe se heurte, en quelque façon, à l'organisation mondiale des Nations unies. Au contraire, je crois que cette synthèse plus grande des nations ne peut survivre que si elle est fondée sur de larges groupements naturels. Il existe déjà un groupement naturel dans l'hémisphère occidental. Nous autres, Britanniques, nous avons notre propre Commonwealth des nations. Ces groupements n'affaiblissent pas, mais au contraire renforcent l'organisation du monde. En fait, ils constituent son principal soutien. Et pourquoi n'existerait il pas un groupement européen qui donnerait un sens de patriotisme plus large et de citoyenneté commune aux peuples éperdus de ce puissant continent ? Et pourquoi ce groupement ne prendrait il pas la place qui lui revient parmi les autres grands groupements; et n'aiderait-il pas à modeler un avenir glorieux pour l'humanité ? Pour que ceci puisse être accompli, il faut un acte de foi, auquel devraient s'associer en toute conscience des millions de familles, de langues diverses [...]. Il faut qu'il y ait ce que M. Gladstone a appelé, il y a de nombreuses années, un “ acte d'oubli salutaire ”. Nous devons tous tourner le dos aux horreurs du passé et regarder vers l'avenir. Nous ne pouvons pas nous permettre de traîner, au cours des années à venir, les haines et les vengeances nées des blessures du passé. Si l'Europe doit être sauvée d'une misère infinie et, en fait, de la destruction définitive, il faut qu'il y ait cet acte de foi dans la famille européenne, et cet acte d'oubli envers tous les crimes et les actes de folie du passé. Les peuples de l'Europe peuvent ils s'élever à cette hauteur d'âme, d'instinct et d'esprit humain ? S'ils le pouvaient, les torts et les blessures qui ont été infligés seraient effacés de tous côtés par les souffrances qui ont été endurées. Est il encore besoin d'autres flots d'agonie ? La seule leçon de l'histoire doit elle être que l'humanité ne peut rien apprendre ? Que règnent la justice, la pitié et la liberté. Les peuples n'ont qu'à le vouloir, et tous atteindront leur désir le plus cher. Je vais maintenant vous dire quelque chose qui vous surprendra: le premier pas vers la reconstitution de la famille européenne doit être une association entre la France et l'Allemagne. C'est ainsi seulement que la France pourra reprendre sa direction culturelle et morale de l'Europe. Il ne peut y avoir de renaissance de l'Europe sans une France spirituellement grande et sans une Allemagne spirituellement grande aussi. La structure des États-unis d'Europe sera telle qu'elle rendra moins importante la force matérielle d'un État quelconque. Les petits États compteront autant que les grands, et seront considérés d'après leur contribution à la cause commune. Les anciens États et principautés de l'Allemagne, réunis librement pour leur intérêt commun dans un système fédéral, pourraient prendre leurs places individuelles parmi les États-unis de l'Europe (...). Il faut maintenant que je vous résume les propositions qui vous sont soumises. Notre but constant doit être de créer et d'accroître la force de l'Organisation des Nations unies. Sous la direction et dans le cadre de cette organisation mondiale, nous devons recréer la famille européenne dans un cadre régional qui s'appellera – peut être les États Unis d'Europe, et le premier pas pratique sera de constituer un conseil de l'Europe. Si, tout d'abord, tous les États de l'Europe n'acceptent pas ou ne sont pas à même de faire partie de cette union, nous devons néanmoins continuer à rassembler et à organiser ceux qui y consentent et qui le peuvent. Le moyen d'épargner aux hommes de toutes les races et de tous les pays la guerre et l'esclavage devra être fondé sur des bases solides, et il devra être créé par la volonté de tous les hommes et de toutes les femmes de mourir plutôt que de se soumettre à la tyrannie. Et de ce travail urgent, la France et l'Allemagne doivent prendre la direction ensemble. La Grande Bretagne, le Commonwealth britannique, la puissante Amérique, et, j'en suis sûr, la Russie soviétique – car alors tout irait bien – doivent être amis et garants de la nouvelle Europe, et doivent défendre son droit à la vie. Je vous dis donc: “Debout, l'Europe ! ”

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Texte : Robert Schuman, Déclaration du 9 mai 1950.4 “La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de 20 ans le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée : l’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne. Dans ce but, le Gouvernement français propose de porter immédiatement l’action sur un point limité mais décisif : Le Gouvernement français propose de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier, sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe. La mise en commun des productions de charbon et d’acier assurera immédiatement l’établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes dont elles ont été les plus constantes victimes. La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. L’établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer, aboutissant à fournir à tous les pays qu’elle rassemblera les éléments fondamentaux de la production industrielle aux mêmes conditions, jettera les fondements réels de leur unification économique. Cette production sera offerte à l’ensemble du monde sans distinction ni exclusion, pour contribuer au relèvement du niveau de vie et au développement des oeuvres de paix. Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d’intérêts indispensable à l’établissement d’une communauté économique et introduit le ferment d’une communauté plus large et plus profonde entre des pays longtemps opposés par des divisions sanglantes. Par la mise en commun de productions de base et l’institution d’une Haute Autorité nouvelle, dont les décisions lieront la France, l’Allemagne et les pays qui y adhéreront, cette proposition réalisera les premières assises concrètes d’une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix. Pour poursuivre la réalisation des objectifs ainsi définis, le Gouvernement français est prêt à ouvrir des négociations sur les bases suivantes : La mission impartie à la Haute Autorité commune sera d’assurer dans les délais les plus rapides : la modernisation de la production et l’amélioration de sa qualité ; la fourniture à des conditions identiques du charbon et de l’acier sur le marché français et sur le marché allemand, ainsi que sur ceux des pays adhérents ; le développement de l’exportation commune vers les autres pays ; l’égalisation dans le progrès des conditions de vie de la main-d’oeuvre de ces industries. Pour atteindre ces objectifs à partir des conditions très disparates dans lesquelles sont placées actuellement les productions des pays adhérents, à titre transitoire certaines dispositions devront être mises en oeuvre, comportant l’application d’un plan de production et d’investissements, l’institution de mécanismes de péréquation des prix, la création d’un fonds 4 Source : L'Europe une longue marche. Lausanne: Fondation Jean Monnet pour l'Europe, Centre de recherches européennes, 1985 (d’après www.ena.free.lu).

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de reconversion facilitant la rationalisation de la production. La circulation du charbon et de l’acier entre les pays adhérents sera immédiatement affranchie de tout droit de douane, et ne pourra être affectée par des tarifs de transport différentiels. Progressivement se dégageront les conditions assurant spontanément la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de productivité le plus élevé. A l’opposé d’un cartel international tendant à la répartition et à l’exploitation des marchés nationaux par des pratiques restrictives et le maintien de profits élevés, l’organisation projetée assurera la fusion des marchés et l’expansion de la production. Les principes et les engagements essentiels ci-dessus définis feront l’objet d’un traité signé entre les États Les négociations indispensables pour préciser les mesures d’application seront poursuivies avec l’assistance d’un arbitre désigné d’un commun accord ; celui-ci aura charge de veiller à ce que les accords soient conformes aux principes et, en cas d’opposition irréductible, fixera la solution qui sera adoptée. La Haute Autorité commune chargée du fonctionnement de tout le régime sera composée de personnalités indépendantes désignées sur une base paritaire par les Gouvernements ; un Président sera choisi d’un commun accord par les Gouvernements ; ses décisions seront exécutoires en France, en Allemagne et dans les autres pays adhérents. Des dispositions appropriées assureront les voies de recours nécessaires contre les décisions de la Haute Autorité. Un représentant des Nations Unies auprès de cette Autorité sera chargé de faire deux fois par an un rapport public à l'O.N.U. rendant compte du fonctionnement de l’organisme nouveau, notamment en ce qui concerne la sauvegarde de ses fins pacifiques. L’institution de la Haute Autorité ne préjuge en rien du régime de propriété des entreprises. Dans l’exercice de sa mission, la Haute Autorité commune tiendra compte des pouvoirs conférés à l’Autorité internationale de la Ruhr et des obligations de toute nature imposées à l’Allemagne, tant que celles-ci subsisteront. ”

En mai 1950, Robert Schuman (debout, au centre), ministre français des Affaires étrangères, pose dans le Salon de l'Horloge du Quai d'Orsay à Paris pour la reconstitution de sa conférence de presse du 9 mai qu'aucun photographe n'avait alors immortalisée. Source : Déclaration du 9 mai. Bruxelles; Photo Parlement européen, 1950. Noir et blanc.

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Le 19 mars 1951, Walter Hallstein, chef de la délégation allemande (deuxième en partant de la gauche, assis), Jean Monnet, chef de la délégation française (assis, à droite), ainsi que les chefs de délégation italien, belge, néerlandais et luxembourgeois paraphent au Quai d'Orsay le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Source : Le Plan Schuman a été paraphé au Quai d'Orsay. Paris; Keystone, 1952. Noir et blanc.

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Texte : La naissance du marché commun et d’Euratom présentée par radio Moscou, 17 mars 19575 “Les promoteurs de ces plans déclarent qu’ils sont animés du désir d’aboutir à l’union harmonieuse des particularités économiques des pays d’Europe occidentale, d’élever le niveau d’existence de la population et d’assurer l’unité fondamentale de ces États sur les questions majeures de l’heure. Il est incontestable que ces intentions répondent aux intérêts profonds des peuples de toutes l’Europe. Cependant, les projets de création de l’Euratom et du Marché commun n’ont rien à voir avec les aspirations des peuples. Les États-unis se proposent d’exploiter ces plans dans leur intérêt personnel. Ils veulent avoir le rôle prépondérant au sein de l’Euratom et du Marché commun pour préparer une guerre atomique totale. Au lieu de l’union des pays d’Europe, ces plans envisagent une aggravation de la division du vieux continent. Le fait que tous les membres de l’Euratom et du Marché commun font partie du bloc militaire de l’OTAN est une preuve. La conclusion naturelle qui en découle est que l’Euratom et du Marché commun ne servent que les visées stratégiques des dirigeants de l’OTAN. Si les promoteurs de l’Euratom et du Marché commun se souciaient réellement d’unir les États européens, ils souscriraient à la proposition soviétique de conclure un véritable accord général européen de coopération économique, accord auquel pourraient adhérer tous les pays d’Europe, quelle que soit leur structure sociale et économique. Convenez que l’union de tous les États européens présente un avantage incontestable sur les projets de création de l’Euratom et du Marché commun. Quant aux déclarations selon lesquelles le Marché commun aurait pour effet d’élever le niveau de vie dans les pays d’Europe occidentale, elles sont destinées aux naïfs. Il est notoire que les principaux associés de ce Marché sont les grands monopoles, qui ont tout intérêt à accroître leurs bénéfices. Désireux de supprimer les barrières douanières et d’effacer les frontières État, ces monopoles comptent empocher des super-bénéfices par l’exploitation des travailleurs. Étant donné la concurrence acharnée qui se livrera sur le Marché commun, la situation matérielle des travailleurs ne fera que s’aggraver puisque c’est à leurs dépens que les monopoles chercheront à faire baisser les prix de revient. Mais le trait le plus dangereux de l’Euratom et du Marché commun est qu’ils tendent à assurer la préparation d’une nouvelle guerre. Le fait même que les monopoles d’Allemagne occidentale joueront un rôle décisif dans la mise en œuvre de ces plans en prouve le caractère agressif... A coup sûr, les milieux revanchards de Bonn ne manqueront pas de profiter de l’Euratom pour stocker des matériaux et des matières fissiles afin de se mettre à fabriquer plus rapidement leurs propres armes atomiques. Cela, sans doute, ouvrira la voie à la préparation de nouvelles aventures militaires au centre de l’Europe et créera une menace mortelle pour la sécurité de tous les États européens. Ainsi donc, les plans de l’Euratom et du Marché commun sont conformes aux intérêts des milieux qui cherchent à aggraver la tension internationale et à approfondir la division de l’Europe en deux blocs hostiles. Ces plans ne peuvent aboutir à rien de bon. L’Union soviétique a démontré par toute sa politique qu’elle milite en faveur du développement maximum de la coopération économique internationale...Une telle coopération permettrait de surmonter la division de l’Europe en blocs militaires hostiles et de raffermir la paix en Europe. Nul doute que tous les peuples d’Europe ne soient intéressés à voir se renforcer la confiance entre les États, pour la paix du monde.”

5 Émission de Radio-Moscou, dans Articles et documents, La Documentation française, n° 0484, 21 mars 1957 [cité par Charles ZORGBIBE, Histoire de la construction européenne, Paris, PUF, coll. Premier Cycle, 1993, pp. 270-271].

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Texte : Robert Borchardt, “ Un pacte avec des insuffisances ”, 30 juin 1952.6 “Peut-être aurait-il fallu participer aux négociations portant sur la Communauté européenne de défense (CED) et avoir été témoin comment des obstacles pratiquement insurmontables ont été franchis pour accueillir de bon coeur ce Traité. Hormis l’enthousiasme des gouvernements, le Traité de la CED a connu partout ailleurs un accueil assez froid. En France, même les partisans de l’armée européenne estiment que la CED se mêle beaucoup trop des affaires françaises et pas assez des affaires allemandes. En Allemagne, même les gens qui sont en faveur de l’adhésion à la Communauté de défense se demandent si les obligations qui leur incombent et si les risques qu’il faut courir n’auraient pas justifié une liberté d’action plus étendue que celle qui est concédée à leur pays dans le Traité de la CED. En d’autres mots, ils doutent que la contribution allemande, sans laquelle l’Europe occidentale ne peut pas être défendue, a coûté assez cher. Tous les partisans de la Communauté européenne de défense déplorent que le Conseil des ministres de la CED a été clairement placé au-dessus de tous les autres organismes politiques et que dans toutes les questions d’importance il est contraint de voter à l’unanimité, ce qui procure un droit de veto à chaque membre en particulier. Indubitablement, le Traité contient aussi le début d’une véritable fédération politique, par exemple, le commissariat de défense, dont les membres n’ont absolument pas le droit de demander ou d’accepter des ordres de leurs gouvernements respectifs, et aussi une Assemblée, qui est manifestement considérée comme le précurseur d’un parlement législatif européen. Mais les réserves quant à l’abandon de la souveraineté sont très clairement réalité, alors que les dispositions fédérales soit se résument en forme d’espoirs, soit ne vont dépendre que des futures actions. L’essentiel est de savoir si on va parvenir à surmonter la méfiance réciproque qui existe entre les partenaires, et si la défense commune de l’Europe sera considérée de la même façon comme une obligation importante par tous les États membres. Comment juger d’un point de vue militaire l’armée européenne dans la forme comme elle est envisagée? L’unification des forces armées européennes signifie sans aucun doute un renforcement des forces défensives européennes de douze divisions allemandes. Ce renforcement a seulement pu être possible grâce au Traité de la CED. Car jamais la France n’aurait permis le déploiement de troupes allemandes, sur lesquelles le gouvernement fédéral allemand aurait pu disposer librement et en toute indépendance ou dans le cadre du Pacte atlantique. Sûrement qu’une contribution allemande au programme de défense dans le cadre de l’Alliance atlantique aurait été plus efficace d’un point de vue militaire, mais toutes les parties concernées se sont décidées à accepter les désavantages de la solution européenne. La méfiance du côté français à l’égard de son voisin allemand a néanmoins conduit à toute une série de dispositions, reprises dans le Traité de la CED, des dispositions qui diminuent inutilement la puissance de frappe du contingent européen. La crainte qu’un Allemand puisse un jour devenir commandant en chef de l’armée européenne a par exemple conduit au fait que l’armée européenne n’aura tout simplement pas de commandant en chef – ce qui est une lacune non négligeable. Il est une question très controversée parmi les experts, si dans la guerre de mouvement moderne – et les divisions de guerre prévues montrent que la défense de l’agresseur doit être dirigée de façon mobile – ces corps d’armée pourront après tout être dirigés efficacement dans le cas où ils sont effectivement composés par des divisions de nationalités différentes – comme il est stipulé dans le Traité. Le souhait de faire avancer l’intégration des installations militaires aussi loin que possible a provoqué que l’approvisionnement des troupes, ainsi que la répartition et l’acquisition de l’armement sont assumées en général par des états-majors ou bureaux qui sont composés par des ressortissants issus de toutes les 6 BORCHARDT, Robert, "Ein Pakt mit Mängeln", dans Süddeutsche Zeitung. 30.05.1952, n° 123; 8. Jg, p. 4. © Traduction European NAvigator (ENA [d’après www.enafree.lu].

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nationalités. On peut certes être d’avis différent si cette réglementation est pratique, en tout cas il est déjà certain aujourd’hui, que le principe de priver aussi les différents États membres de recrutement et de la première formation des conscrits européens est une grossière erreur. En résumé, le Traité provoque d’un côté un grand nombre de réserves d’ordre politique et d’un autre côté, il assure une intégration dans le domaine militaire, qui signifie un grand pas dans le terrain vierge des organisations politiques. Les composants politique et militaire du Traité sont mal assortis, ce qui provoque le danger que le déploiement des forces militaires puisse être entravé par le biais du droit d’opposition politique. Néanmoins, les avantages du Traité compensent les lacunes. Le Traité de la CED ne détient aucune disposition qui ne puisse pas être améliorée. Il y a tout de même un fait qui mérite particulièrement d’être mentionné. En effet, l’armée européenne, compte tenu de la disposition qui stipule qu’elle ne doit pas bénéficier d’une force aérienne stratégique, est condamnée à devenir l’arme terrestre de l’Alliance atlantique. Sans l’armée européenne, l’Alliance atlantique ne pourra pas entrer en action, et par conséquent la voix de l’Europe aura dorénavant au sein du Conseil des nations libres un poids plus important, que celui exercé jusqu’à présent par les différents peuples européens séparément.”

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Texte : Georges Bouvard, “ Nouvel échec aux partisans fanatiques de la CED ”, 31 août 1954.7 Par 418 voix contre 162, l’Assemblée renvoie les interpellations des « cédistes » sur la politique étrangère du gouvernement “Par dépit, par hargne, après l’écrasante défaite qu’ils ont subie, avec le rejet définitif de la CED, les partisans du réarmement des revanchards allemands ont provoqué hier après-midi, l’ouverture devant l’Assemblée, d’un nouveau débat, dirigé contre le gouvernement, par le dépôt de plusieurs interpellations. Ce débat a tourné une fois de plus à leur confusion et les “ européens ” ont en reporté un nouvel échec: par 418 voix contre 162, l’Assemblée a décidé le renvoi des interpellations à une date que le gouvernement a fixée au 3 novembre prochain. Après le vote décisif de l’Assemblée enterrant la C.E.D. ses supporters éplorés avaient une cérémonie funèbre. En tous cas rien n’y manquait. Il y avait le fossoyeur: Paul Reynaud, interpellateur principal; l’entrepreneur des pompes funèbres: Pinay; et ces messieurs de la famille, en habits de deuil: Schuman, Pleven, Bidault, Guy Mollet, plus lugubres que jamais et dont la mine, à elle seule était la garantie de la grande victoire remportée par ce peuple de France et la paix. Mais cette opération a permis un débat intéressant sur les problèmes qui se posent après le rejet de la C.E.D. Comme il était aisé de le prévoir, il ressort de la discussion qui s’est prolongée tout l’après-midi et jusqu’au début de la soirée, que la préoccupation essentielle qui retient certains, après ce rejet, est la suivante: trouver une formule qui permette de restaurer la Wehrmacht dans l’Allemagne de Bonn. Tel est le sens des interpellations faites par Paul Reynaud, Teitgen, Schuman, Guy Mollet, Pinay, Halleguen et quelques autres qui sont intervenus dans la discussion. Mendès-France, lui-même, n’a pas caché que le réarmement de l’Allemagne occidentale est l’un des problèmes essentiels qu’il entend discuter avec les Anglo-Américains. Ainsi, sans qu’il soit question d’atténuer l’immense partie de la victoire acquise avant-hier, il convient néanmoins de noter que le péril de la remilitarisation d’une Allemagne revancharde n’est pas définitivement écarté. Pourtant, la vraie solution, la seule, contre le retour d’un tel danger existe. Notre parti n’a pas manqué un seul jour de la rappeler depuis que notre pays s’interroge avec inquiétude à ce sujet. Hier après-midi, à la tribune de l’Assemblée, notre camarade Etienne Fajon l’a exposée à nouveau avec une parfaite clarté. Trois arguments essentiels ont été mis en lumière par le secrétaire de notre parti dans son intervention [...]: 1. En se dressant contre la C.E.D. le peuple français a voulu condamner en premier lieu la renaissance de la Wehrmacht sous quelque forme que ce soit; 2. Il est absolument faux que la remilitarisation de l’Allemagne soit fatale; 3. La solution est la négociation pour le règlement pacifique du problème allemand dans le cadre de la sécurité collective. Le discours prononcé avant-hier par le président Herriot permet de penser que les communistes ne sont pas les seuls à faire effort en ce sens.

7 L'Humanité. 31 août 1954, p. 4.

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Le peuple de France, qui a su déjà imposer le rejet de la C.E.D. est, en tout cas, décidé à faire, de la même manière, échec à toute tentative ayant pour but la renaissance d’une nouvelle Wehrmacht, et à permettre le succès de la seule solution qui garantira les intérêts vitaux de la France et ceux de la paix.” Georges Bouvard

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Texte : Résolution adoptée par les ministres des affaires étrangères des États membres de la CECA à Messine, 3 juin 19558 “Les Gouvernements de la République fédérale d’Allemagne, de Belgique, de France, d’Italie, du Luxembourg et des Pays-Bas, croient le moment venu de franchir une nouvelle étape dans la voie de la construction européenne. Ils sont d’avis que celle-ci doit être réalisée tout d’abord dans le domaine économique. Ils estiment qu’il faut poursuivre l’établissement d’une Europe unie par le développement d’institutions communes, la fusion progressive des économies nationales, la création d’un marché commun et l’harmonisation progressive de leurs politiques sociales. Une telle politique leur paraît indispensable pour maintenir à l’Europe la place qu’elle occupe dans le monde, pour lui rendre son influence et son rayonnement, et pour augmenter d’une manière continue le niveau de vie de sa population. I. A ces fins, les six Ministres se sont mis d’accord sur les objectifs suivants : A. 1. L’extension des échanges de marchandises et le mouvement des hommes appellent le développement en commun de grandes voies de communication. A cette fin, sera entreprise l’étude en commun de plans de développement axés sur l’établissement d’un réseau européen de canaux, d’autoroutes, de lignes électrifiées et sur une standardisation des équipements, ainsi que la recherche d’une meilleure coordination des transports aériens. 2. La mise à la disposition des économies européennes d’énergie plus abondante à meilleur marché constitue un élément fondamental de progrès économique. C’est pourquoi toutes dispositions devront être prises pour développer les échanges de gaz et de courant électrique propres à augmenter la rentabilité des investissements et à réduire le coût des fournitures. Des méthodes seront étudiées pour coordonner les perspectives communes de développement de la production et de la consommation d’énergie et pour dresser les lignes générales d’une politique d’ensemble9. 3. Le développement de l’énergie atomique à des fins pacifiques ouvrira à brève échéance la perspective d’une nouvelle révolution industrielle sans commune mesure avec celle des cent dernières années. Les six États signataires estiment qu’il faut étudier la création d’une organisation commune, à laquelle seront attribués la responsabilité et les moyens d’assurer le développement pacifique de l’énergie atomique, en prenant en considération les arrangements spéciaux souscrits par certains Gouvernements avec des tiers. Ces moyens devraient comporter : a) l’établissement d’un fonds commun alimenté par des contributions de chacun des pays participants et permettant de financer les installations et les recherches en cours ou à entreprendre ; b) l’accès libre et suffisant aux matières premières, le libre échange des connaissances et des techniciens, des sous-produits et des outillages spécialisés ;

8 Bibliothèque de l'Assemblée commune de la CECA, Bruxelles, MAE 6 f/55 yh. Commission institutionnelle du Parlement européen (sous la dir.), Recueil des documents institutionnels de la Communauté de 1950 à 1982. Luxembourg: Parlement européen, [s.d.]. - p. 82-87 . (d’après www.ena.free.lu). 9 Dans cet ordre d’idées, il sera tenu compte de la résolution adoptée les 12 et 13 octobre 1953 par le Conseil spécial de Ministres de la CECA.

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c) la mise à disposition, sans discrimination, des résultats obtenus et l’octroi d’aides financières en vue de leur exploitation ; d) la coopération avec les pays non membres. B. Les six Gouvernements reconnaissent que la constitution d’un marché commun européen, exclusif de tout droit de douane et de toute restriction quantitative, est l’objectif de leur action dans le domaine de la politique économique. Ils considèrent que ce marché doit être réalisé par étapes. Sa mise en application nécessite l’étude des questions suivantes : a) la procédure et le rythme de la suppression progressive des obstacles aux échanges dans les relations entre les pays participants, ainsi que les mesures appropriées tendant à l’unification progressive du régime douanier à l’égard des pays tiers ; b) les mesures à prendre afin d’harmoniser la politique générale des pays participants dans les domaines financiers, économiques et sociaux ; c) l’adoption de méthodes susceptibles d’assurer une coordination suffisante des politiques monétaires des pays membres pour permettre la création et le développement d’un marché commun ; d) un système de clauses de sauvegarde ; e) la création et le fonctionnement d’un fonds de réadaptation ; f) l’établissement graduel de la libre circulation de la main-d’oeuvre ; g) l’élaboration de règles assurant le jeu de la concurrence au sein du marché commun de manière à exclure notamment toute discrimination nationale ; h) les modalités institutionnelles appropriées pour la réalisation et le fonctionnement du marché commun. C. La création d’un fonds d’investissements européen sera étudiée. Ce fonds aurait pour but le développement en commun des virtualités économiques européennes et en particulier, le développement des régions moins favorisées des États participants. D. En ce qui concerne le domaine social, les six Gouvernements considèrent comme indispensable d’étudier l’harmonisation progressive des réglementations en vigueur dans les différents pays, notamment celles relatives à la durée du travail, la rémunération des prestations supplémentaires (travail de nuit, travail du dimanche et des jours fériés), la durée de ces congés et leur rémunération. II. Les six Gouvernements ont décidé d’adopter la procédure suivante : 1) Une ou des conférences seront appelées à élaborer les traités ou arrangements relatifs aux matières envisagées ; 2) La préparation en sera assurée par un Comité de délégués gouvernementaux assistés d’experts sous la présidence d’une personnalité politique chargée de coordonner les différents travaux ; 3) Le Comité sollicitera de la Haute Autorité de la C.E.C.A. ainsi que des secrétariats généraux de l’O.E.C.E., du Conseil de l’Europe et de la Conférence Européenne des Ministres des Transports, les concours nécessaires ; 4) Le rapport d’ensemble du Comité sera soumis aux Ministres des Affaires étrangères au plus tard le 1er octobre 1955 ; 5) Les Ministres des Affaires étrangères se réuniront avant cette date pour prendre connaissance des rapports intérimaires préparés par le Comité et lui donner les directives nécessaires ; 6) Le Gouvernement du Royaume-Uni, en tant que puissance membre de l’U.E.O. et puissance associée à la C.E.C.A., sera invité à participer à ces travaux ;

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7) Les Ministres des Affaires étrangères décideront en temps voulu des invitations à adresser éventuellement à d’autres États de participer à la ou aux conférences prévues au 1).”

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Texte : Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne sur la coopération franco-allemande (traité de l'Élysée), 22 janvier 196310 “ A la suite de la déclaration commune du Président de la République française et du chancelier de la République fédérale d'Allemagne en date du 22 janvier 1963, sur l'organisation et les principes de la coopération entre les deux États, les dispositions suivantes ont été agréées: I. Organisation 1. Les chefs État et de gouvernement donneront en tant que de besoin les directives nécessaires et suivront régulièrement la mise en oeuvre du programme fixé ci-après. Ils se réuniront à cet effet chaque fois que cela sera nécessaire et, en principe, au moins deux fois par an. 2. Les ministres des Affaires étrangères veilleront à l’exécution du programme dans son ensemble. Ils se réuniront au moins tous les trois mois. Sans préjudice des contacts normalement établis par la voie des ambassades, les hauts fonctionnaires des deux ministères des affaires étrangères, chargés respectivement des affaires politiques, économiques et culturelles, se rencontreront chaque mois alternativement à Paris et à Bonn pour faire le point des problèmes en cours et préparer la réunion des ministres. D’autre part, les missions diplomatiques et les consulats des deux pays ainsi que leur représentation permanente auprès des organisations internationales prendront tous les contacts nécessaires sur les problèmes d’intérêt commun. 3. Des rencontres régulières auront lieu entre autorités responsables des deux pays dans les domaines de la défense, de l’éducation et de la jeunesse. Elles n’affecteront en rien le fonctionnement des organismes déjà existants - Commission culturelle franco-allemande, Groupe permanent d’état-major - dont les activités seront au contraire développées. Les ministres des Affaires étrangères seront représentés à ces rencontres pour assurer la coordination d’ensemble de la coopération. a) Les ministres des armées ou de la défense se réuniront au moins une fois tous les trois mois. De même, le ministre français de l’Éducation nationale rencontrera, suivant le même rythme, la personnalité qui sera désignée du côté allemand pour suivre le programme de coopération sur le plan culturel. b) Les chefs d’état-major des deux pays se réuniront au moins une fois tous les deux mois; en cas d’empêchement, ils seront remplacés par leurs représentants responsables. c) Le haut-commissaire français à la jeunesse et aux sports rencontrera, au moins une fois tous les deux mois, le ministre fédéral de la Famille et de la Jeunesse ou son représentant. 4. Dans chacun des deux pays, une commission interministérielle sera chargée de suivre les problèmes de la coopération. Elle sera présidée par un haut fonctionnaire des Affaires étrangères et comprendra des représentants de toutes les administrations intéressées. Son rôle sera de coordonner l’action des ministères intéressés et de faire périodiquement rapport à son gouvernement sur l’état de la coopération franco-allemande. Elle aura également pour tâche de présenter toutes suggestions utiles en vue de l’exécution du programme de coopération et de son extension éventuelle à de nouveaux domaines. II. Programme A) Affaires étrangères 1. Les deux gouvernements se consulteront, avant toute décision, sur toutes les questions importantes de politique étrangère, et en premier lieu sur les questions d’intérêt commun, en vue de parvenir, autant que possible, à une position analogue. Cette consultation portera entre autres sur les sujets suivants: 10 Table mensuelle du Journal officiel de la République française. Septembre 1963, pp.8028-8029 (d’après www.ena.free.lu).

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Problèmes relatifs aux communautés européennes et à la coopération politique européenne; Relations Est-ouest, à la fois sur le plan politique et sur le plan économique; Affaires traitées au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et des diverses organisations internationales auxquelles les deux gouvernements sont intéressés, notamment le Conseil de l’Europe, l’Union de l’Europe occidentale, l’Organisation de Coopération et de Développement économique, les Nations Unies et leurs institutions spécialisées. 2. La collaboration, déjà établie dans le domaine de l’information, sera poursuivie et développée entre les services intéressés à Paris et à Bonn et entre les missions dans des pays tiers. 3. En ce qui concerne l’aide aux pays en voie de développement, les deux gouvernements confronteront systématiquement leurs programmes en vue de maintenir une étroite coordination. Ils étudieront la possibilité d’entreprendre des réalisations en commun. Plusieurs départements ministériels étant compétents pour ces questions, du côté français comme du côté allemand, il appartiendra aux deux ministères des affaires étrangères de déterminer ensemble les bases pratiques de cette collaboration. 4. Les deux gouvernements étudieront en commun les moyens de renforcer leur coopération dans d’autres secteurs importants de la politique économique, tels que la politique agricole et forestière, la politique énergétique, les problèmes de communications et de transports et le développement industriel, dans le cadre du Marché commun, ainsi que la politique des crédits à l’exportation. B) Défense I. Les objectifs poursuivis dans ce domaine seront les suivants: 1. Sur le plan de la stratégie et de la tactique, les autorités compétentes des deux pays s’attacheront à rapprocher leurs doctrines en vue d’aboutir à des conceptions communes. Des instituts franco-allemands de recherche opérationnelle seront créés. 2. Les échanges de personnel entre les armées seront multipliés; ils concerneront en particulier les professeurs et les élèves des Écoles d’état-major ; ils pourront comporter des détachements temporaires d’unités entières. Afin de faciliter ces échanges, un effort sera fait de part et d’autre pour l’enseignement pratique des langues chez les stagiaires. 3. En matière d’armements, les deux gouvernements s’efforceront d’organiser un travail en commun dès le stade de l’élaboration des projets d’armements appropriés et de la préparation des plans de financement. A cette fin, des commissions mixtes étudieront les recherches en cours sur ces projets dans les deux pays et procéderont à leur examen comparé. Elles soumettront des propositions aux ministres qui les examineront lors de leurs rencontres trimestrielles et donneront les directives d’application nécessaires. II. Les gouvernements mettront à l’étude les conditions dans lesquelles une collaboration franco-allemande pourra être établie dans le domaine de la défense civile. C) Éducation et Jeunesse En matière d’éducation et de jeunesse, les propositions contenues dans les memoranda français et allemands des 19 septembre et 8 novembre 1962 seront mises à l’étude, selon les procédures indiquées plus haut. 1. Dans le domaine de l’éducation, l’effort portera principalement sur les points suivants: a) Enseignement des langues: Les deux gouvernements reconnaissent l’importance essentielle que revêt pour la coopération franco-allemande la connaissance dans chacun des deux pays de la langue de l’autre. Ils s’efforceront, à cette fin, de prendre des mesures concrètes en vue d’accroître le nombre des élèves allemands apprenant la langue française et celui des élèves français apprenant la langue allemande.

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Le gouvernement fédéral examinera, avec les gouvernements des Länder, compétents en la matière, comment il est possible d’introduire une réglementation qui permette d’atteindre cet objectif. Dans tous les établissements d’enseignement supérieur, il conviendra d’organiser un enseignement pratique de la langue française en Allemagne et de la langue allemande en France qui sera ouvert à tous les étudiants. b) Problème des équivalences: Les autorités compétentes des deux pays seront invitées à accélérer l’adoption des dispositions concernant l’équivalence des périodes de scolarité, des examens, des titres et diplômes universitaires. c) Coopération en matière de recherche scientifique: Les organismes de recherche et les institutions scientifiques développeront leurs contacts en commençant par une information réciproque plus poussée; des programmes de recherche concertés seront établis dans les disciplines où cela se révélera possible. 2. Toutes les possibilités seront offertes aux jeunes des deux pays pour resserrer les liens qui les unissent et pour renforcer leur coopération mutuelle. Les échanges collectifs seront en particulier multipliés. Un organisme destiné à développer ces possibilités et à promouvoir les échanges sera créé par les deux pays avec, à sa tête, un Conseil d’administration autonome. Cet organisme disposera d’un fonds commun franco-allemand qui servira aux échanges entre les deux pays d’écoliers, d’étudiants, de jeunes artistes et de travailleurs. III. Dispositions finales 1. Les directives nécessaires seront données dans chaque pays pour la mise en oeuvre immédiate de ce qui précède. Les ministres des Affaires étrangères feront le point des réalisations acquises à chacune de leurs rencontres. 2. Les deux gouvernements tiendront les gouvernements des États membres des Communautés européennes informés du développement de la coopération franco-allemande. 3. À l’exception des clauses concernant la défense, le présent Traité s’appliquera également au Land de Berlin sauf déclaration contraire faite par le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne au gouvernement de la République française dans les trois mois qui suivront l’entrée en vigueur du présent Traité. 4. Les deux gouvernements pourront apporter les aménagements qui se révèleraient désirables pour la mise en application du présent Traité. 5. Le présent Traité entrera en vigueur dès que chacun des deux gouvernements aura fait savoir à l’autre que, sur le plan interne, les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre ont été remplies. Fait à Paris, le 22 janvier 1963, en double exemplaire en langue française et en langue allemande, les deux textes faisant également foi. Le Président de la République française: Charles de Gaulle Le Premier Ministre Français: Georges Pompidou Le Ministre Français des Affaires Étrangères: Maurice Couve de Murville Le Chancelier fédéral de la République fédérale d’Allemagne: Konrad Adenauer Le Ministre fédéral des Affaires Étrangères de la République fédérale d’Allemagne: Gerhard Schröder

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Texte : Heymann, Philippe, "Un problème de plus en plus politique." 11 “La bataille actuelle Europe États-Unis sur les parités monétaires et la surtaxe de 10% n'a nullement surpris tous ceux qui, depuis quelques années, assistent à la dégradation des relations entre les deux côtés de l'Atlantique. Elle traduit, aussi, un problème non seulement économique et social, mais de plus en plus politique. Immédiatement après la guerre, les États-Unis contribuèrent, par le Plan Marshall, à la reconstruction de l'Europe : ils déversèrent ainsi des dizaines de milliards de dollars sur le vieux continent. Tout en remettant l'Europe sur pied et en évitant qu'un climat de crise et de pénurie ne prépare le terrain à une influence croissante de l'U.R.S.S., il s'agissait de redonner à l'Europe des moyens de paiement qu'elle avait transférés aux États-Unis pendant la guerre pour s'acheter les approvisionnements, équipements et armements nécessaires. De plus, une bonne partie de cette aide permettait en même temps de stimuler les exportations américaines et de faciliter le passage de l'économie de guerre à l'économie de paix pour les entreprises américaines. Enfin, pour éviter les gaspillages, les Américains poussèrent les Européens à se regrouper et à se concerter. Il en sortira l'O.E.C.E. ancêtre de l'O.C.D.E. actuelle, ou l'Accord Monétaire Européen, sorte d'union monétaire avant la lettre. Les premiers signes de l'inquiétude américaine C'est vers les années 60 que les premiers signes d'inquiétude américaine à l'égard de l'Europe commencèrent à poindre. Il y eut bien sûr les escarmouches que le général de Gaulle livra au dollar. Mais surtout, après 1964, l'excédent de la balance commerciale américaine se mit régulièrement à décliner pour arriver, cette année, à disparaître complètement. A part les années difficiles de 1958 et 1959, la balance commerciale U.S. a toujours connu, de 1956 à 1964, un excédent global variant de 3 à 6,3 milliards de dollars. Mais cet excédent tombe peu à peu à 4,4 milliards en 65, 3,5 en 66, 3,4 en 67, 0,1 en 68. L'excédent commercial permettait dans le passé de compenser pour une bonne part les sorties de capitaux et investissements U.S. à l'étranger. Dès lors qu'il y a déficit commercial, c'est le déficit de toute la balance U.S. des paiements qui se creuse. Dans cette évolution américaine, il est pourtant symptomatique que la balance des échanges entre les U.S.A. et la Communauté européenne est restée assez stable. Constamment, les États-Unis ont enregistré un excédent par rapport aux « Six » variant entre 1 et 1,6 milliards de dollars (sauf en 1967 où il n'était que de 145 millions). Cela signifie que la perte de compétitivité de l'économie U.S. et la dégradation de la balance commerciale américaine ne se sont, en réalité, pas répercutées sur la balance entre les U.S.A. et l'Europe. A mesure que le temps passait, les États-Unis, cherchant les causes du mal, ont rendu la Communauté européenne, pour une large part, responsable. Les griefs américains Aujourd'hui, les griefs américains portent sur les parités des monnaies de certain pays : ces pays devraient réévaluer par rapport au dollar, ce qui placerait les États-Unis dans une meilleure position concurrentielle. En outre, selon Washington, la conséquence de la politique agricole commune est de handicaper les produits agricoles américains sur le marché européen : les exportations américaines en Europe de produits agricoles, s'inscrivant dans le cadre de mécanismes de soutien, seraient ainsi tombées de 640 millions de dollars en 1965 à quelque 340 millions par an actuellement.

11 Heymann, Philippe, "Un problème de plus en plus politique", dans 30 jours d'Europe, Novembre 1971, n° 160, p. 29 et suivantes.

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De plus, toujours selon les Américains, le mécanisme de la T.V.A. constitue une barrière « artificielle » ayant pour but d'avantager les exportateurs européens et de grever les importations. Qui plus est, les accords préférentiels conclus par la Communauté européenne avec les pays associés sont contraires au G.A.T.T., dans la mesure où seuls les avantages débouchant ultérieurement sur une union douanière peuvent être consentis; ce n'est manifestement pas le cas ici. En dernier lieu, la perspective de l'élargissement et de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun ne pouvait que renforcer les inquiétudes américaines à l'égard de la Communauté européenne, déjà première puissance commerciale mondiale. En novembre 1970, le sous-secrétaire d'État adjoint américain pour les Affaires économiques, Nathaniel Samuels, déclarait au magazine européen « Vision » : A partir de maintenant, nous pratiquerons une politique de protection des intérêts commerciaux. U.S. plus vigoureux que cela n'a été parfois le cas. La balance commerciale a toujours été favorable aux États-Unis L'examen des chiffres confirme, il est vrai, une partie des inquiétudes américaines. De 1960 à 1968, les exportations américaines vers la Communauté européenne ont augmenté de 67%. Or, dans le même temps, les exportations de l'Europe des « Six » vers les États-Unis se sont, elles, élevées de 157%. De 1960 à 1970, les exportations de la France et de la Grande-Bretagne aux États-Unis ont été multipliées par 2,2; celles de l'Allemagne et de l'Italie par 3,4 et celles du Japon par 5,5. Aujourd'hui, les Japonais vendent aux États-Unis autant que l'Allemagne, l'Italie et la France réunis. Cependant, la balance commerciale entre les États-Unis et l'Europe des « Six » a été et est toujours excédentaire au profit des U.S.A. En 1970, les États-Unis ont vendu pour 8,423 millions de dollars à la Communauté européenne alors qu'ils ne lui ont acheté que pour 6,611 millions de dollars. La France et la Grande-Bretagne sont déficitaires à l'égard des États-Unis, l'Allemagne l'est devenue en 1970 et le sera probablement en 1971. Cela signifie donc que les problèmes américains résident plus au niveau de la balance des paiements qu'au niveau de la balance commerciale. Les Américains ne se sont pas toujours conduits d'une matière irréprochable en matière de libre-échange et de barrières douanières. Les Européens leur reprochent le Buy American Act qui favorise tous les produits américains dans les contrats publics. Des quotas déguisés Les Américains n'ont pas supprimé l'American Selling Price comme ils s'y étaient engagés dans le cadre du Kennedy-Round : ceci alourdit en particulier les droits de douane sur les produits chimiques. D'autre part, les restrictions « volontaires » qu'ils ont suscités sur les importations de textile et d'acier sont en fait des quotas déguisés. A ce sujet, une analyse effectuée par un haut fonctionnaire américain, John Renner, chef de service du commerce international au Département d'État est particulièrement nette : Depuis 1963, les Japonais ont éliminé 71 quotas et la Communauté européenne II. Pendant la même période, les États-Unis en ont créé 60 nouveaux. De plus, les quotas américains concernent près de 17% du total des importations industrielles. Les barrières japonaises en couvrent près de 12% tandis que les restrictions de la Communauté européenne concernent à peu près 4% de ses importations. Et John Renner conclut: Tout bien pesé, les restrictions quantitatives de la Communauté européenne concernent un montant relativement peu élevé des échanges industriels; les quotas japonais affectent un montant considérable de ces échanges et les restrictions américaines affectent le volume le plus élevé d'échanges. L'administration Nixon est parfaitement consciente de ces éléments. Il est donc clair que la négociation actuelle et la taxe de 10% ne sont finalement que des prétextes. Ce qui est en cause,

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c'est le système monétaire international tout entier, le problème des troupes américaines à l'étranger et notamment en Europe ainsi que de nouvelles règles du commerce international.”

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Texte : Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Helmut Kohl. Munich, 18 Septembre 1990.12 “Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs, Je vous souhaite la bienvenue à l'occasion de notre conférence de presse à l'occasion des 56èmes consultations franco allemandes. Nous venons de terminer la réunion plénière habituelle avec le rapport de différents ministres. Nous venons donc de terminer ces consultations et avant de vous en parler je voudrais utiliser cette occasion, ici, à Munich pour vous remercier tous très cordialement du fond du coeur pour l'accueil très hospitalier que nous avons eu dans cette magnifique salle – et surtout M. Max Streibl ; toutes les autorités de Munich ; les citoyens et les citoyennes de la ville. Ces consultations franco-allemandes ont été un succès et très sûrement nous en sommes redevables à nos collaborateurs, mais également au génie de cette grande ville et cela je voudrais le souligner d'une manière toute particulière ici. Monsieur le Président de la République, Mesdames, Messieurs ces consultations ont lieu à un moment historique de l'histoire européenne et de l'histoire allemande. Il y a une semaine à peine, le règlement final sur l'Allemagne a été signé et conclu de manière solennelle ; et cette formule un peu froide Traité sur le règlement final sur l'Allemagne, […] ne peut être bien comprise que par celui qui refait défiler devant ses yeux l'histoire des dernières années et des derniers siècles en Europe. Le 3 octobre 1990, dans très peu de temps, l'unité allemande sera accomplie et dans deux mois, du 19 au 21 novembre, il y aura, à Paris, la réunion des 35 pays de la CSCE : cela marquera l'entrée dans une nouvelle époque de l'histoire européenne et de l'histoire du monde. Et pour nous les Allemands, c'est tout particulièrement une date importante. À la mi-décembre, à Rome, sous la Présidence italienne, dans le cadre de la Communauté Européenne, nous aurons les deux conférences internationales sur l'union politique et sur l'union monétaire pour faire avancer, pour accomplir un pas de plus vers la nécessaire intégration européenne. Avant que je vous dise exactement quels sont les résultats de nos discussions d'aujourd'hui et d'hier, j'aimerais vous dire encore quelques mots. Le 3 octobre c'est un rêve que nous avons depuis longtemps qui s'accomplit en Allemagne. C'est l'Unification dans la liberté, dans l'autodétermination, après un processus de mutation lent et en accord avec tous nos amis voisins. Nous sommes tout à fait conscients du fait que nous n'avons pu avoir cette unité qu’aux côtés et grâce à l'aide de nos alliés et amis et surtout de nos amis français. Sans la réconciliation entre l'Allemagne et la France, sans le traité d'amitié et de coopération franco-allemand et sans la bonne amitié des dernières années – et tout particulièrement, Monsieur le Président, dans ces dernières années où nous avons eu ensemble cette chance de travailler ensemble –. Sans vous nous n'aurions pas pu arriver à ce résultat. Et bien c'est quelque chose à laquelle nous voulons penser avec gratitude. Nous voulons penser à ceux qui nous ont donné leur aide et leur soutien et quand je parle de gratitude, j'aimerais également saisir l'occasion pour, au delà des gens qui font partie du gouvernement, penser à ceux qui ont également aidé sur ce chemin : je pense à tous les soldats français, par exemple, qui ces dernières dizaines d'années, ont aidé à garantir la paix dans notre pays. Je pense à leur famille, également et à tous ceux qui d'une manière active dans le domaine culturel, dans le domaine des échanges des jeunes par exemple, ont contribué à ce que cette évolution soit si positive. Eux tous nous ont aidé dans des temps difficiles, nous ont aidé à assurer notre liberté et à arriver à nouveau à notre réunification.

12 “Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République, et de M. Helmut Kohl, Chancelier de la République fédérale d’Allemagne, à l’issue des 56e rencontres franco-allemandes. Munich, 18 Septembre 1990”, Documents d'actualité internationale, Direction des Archives et de la Documentation, Ministère des Affaires étrangères. La Documentation française, 1990.

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Pour cette compréhension, pour cette sympathie, nous sommes particulièrement reconnaissants. Et nous savons bien que cela est d'autant plus important – cette aide et ce soutien – que dans certains pays comme la France, par exemple, le passé aurait pu pousser à avoir certaines craintes. Nous pensons qu'il faut bien, maintenant, penser à l'avenir et particulièrement à ce que nous pouvons faire avec nos amis français dans l'avenir de la même manière que nous avons travaillé dans le passé avec nos amis français. Monsieur le Président et moi nous avons ainsi et pour cette raison mis sur point une déclaration commune que nous avons approuvée aujourd'hui et qui dit exactement quelles seront les lignes de la coopération franco allemande à l'avenir. Vous avez le texte sous les yeux, mais je voudrais quand même vous en lire quelques points. D'une part le traité de l'Élysée de 1963 dans son protocole supplémentaire additionnel de 1988 sera, continuera à être à la base de la politique de notre peuple. Deuxièmement, nous voulons continuer à renforcer l'intégration de nos deux peuples et utiliser également les nouvelles possibilités de coopération que l'unité de l'Allemagne peut offrir tout particulièrement dans les domaines économiques et culturels. Nous engageons également les entreprises françaises en même temps que les entreprises allemandes à s'investir durablement dans les cinq nouveaux Lander de ce qu'était la République démocratique allemande. Nous voudrions aussi qu'à l'avenir, dans la limite de nos possibilités bien sûr, nous puissions contribuer à l'intégration européenne. Et nous voulons conformément à notre initiative du 18 avril 1990 donner un fondement très sûr à l'unification européenne. Nous voulons également avoir un voisinage très stable avec tous nos voisins aussi bien au nord qu'au sud et à l'est et nous voulons continuer à améliorer notre coopération dans le domaine militaire. Je suis content de voir qu'en dehors de la décision de principe du Président de la République, les forces françaises restent en Allemagne et que nous allons étudier les modalités par lesquelles cela se fera dans les années à venir. Nous avons, et cela est dans la nature des choses, surtout ces jours ci, particulièrement réfléchi également au conflit qui se déroule dans le Golfe en ce moment et nous avons également réfléchi aux répercutions que cela entraînera, nous avons parlé de deux thèmes particuliers. Un de ces thèmes c'est l'introduction, dans le domaine culturel, de la nouvelle norme D2 MAC et je crois que là M. Schwarz Schilling et son collègue français ont accompli un travail énorme. Nous avons également eu un autre sujet c'était la politique intérieure en République, enfin dans l'Allemagne et nous avons dit que les questions de la chaîne culturelle allaient être réglées. Nous nous sommes mis d'accord, c'est mon souhait personnel, le souhait que j'adresse au Lander, ce que je voudrais c'est que ce traité soit signé par les Lander puisque ce sont des Lander qui signeront assez rapidement et M. Spaeth a pris la responsabilité de mettre ces collègues ministres présidents au courant. On disait toujours que si c'était le Bund qui voulait, les Lander voudraient aussi ; et bien maintenant le Bund a bien déclaré que c'était sa volonté et les Lander, les Bundeslander de la République Fédérale ont maintenant une occasion merveilleuse de montrer leur désir d'avancer dans ce domaine. Voilà c'était une vue rapide des domaines dont nous avons discuté. Maintenant je voudrais donner la parole au Président de la République.”