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1 AFRIC’ART Projet culturel et pédagogique : Conférences, concerts Résidences artistiques de Daouda NDIAYE et Meïssa MBAYE

Projet africart lq

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1 AFRIC’ART

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AFRIC’ART 2 3 AFRIC’ART

Disque de Meïssa Mbaye, auteur-compositeur-interprète. Ces textes ont été sé-lectionnés et traduits par Daouda Ndiaye, poète depuis 2001.

Les textes du « Retour du Pigeon voyageur », dont sont extraits les textes de « Back to Africa » ont été enregistrés sous le n° 2003. 01. 0071 / à la date du 06/01/2003 à la Société des Gens de Lettres de France, sise Hôtel Massa, 38 rue Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris).La durée de validité de la protection du projet « Le retour du pigeon voyageur » par la Société des Gens de Lettres de France court jusqu’en avril 2014.

Avec l’aimable autorisation de Harold Ober Associates Inc., New York, pour lestextes de Langston Hughes.Avec l’aimable autorisation du Schomburg Center for Research in Black Culture,New York, pour le texte de Claude Mc Kay.

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AFRIC’ART 4 5 AFRIC’ART

Introduction :

Le chanteur sénégalais Meïssa M’Baye présente son album “Back To Africa”. Tel un retour vers le futur, cet ambitieux projet fait suite à son opus dédié à Leopold Sédar Senghor, “Entre Seine et Sine”. Dans ce sillage « littéraire », il y célèbre les retrouvailles de cousins séparés par les siècles et les eaux, celles du tragique Atlantique noir. Recoudre les coutures et les contours d’une déchirure historique, retisser les liens dénoués lors de la déportation esclavagiste, ce disque s’inspire du projet d’anthologie de l’universitaire Daouda Ndiaye. Intitulé “Le retour du pigeon voyageur”, ce recueil de textes (traduits en wolof par Daouda Ndiaye) des auteurs surgis de l’autre côté de l’océan, héritiers d’une diaspora disséminée du Nord au Sud de l’Amérique, tous porteurs des fragments d’une mémoire que l’on crut en-fouie à tout jamais dans les cales des négriers. Ou plutôt de mémoires d’Afrique, puisque cette histoire ne peut s’inscrire dans une lecture univoque, qu’elle est la somme d’expériences multiples, qu’elle continue de s’écrire aux pluriels de tous ses subjectifs. « Ce n’est ni une dilution de l’Afrique dans un universalisme abstrait, ni une fragmentation d’une Afrique se complaisant dans un ghetto. Il s’agit d’une dynamique culturelle qui ne perd pas son âme » résume Meïssa.

Voilà ce dont parlent tous ces fils d’Afrique, dans le double sens du terme. Cer-tains ont connu l’esclavage, comme les Etats-Uniens Phillis Wheatley et George Moses Horton, comme le Péruvien Manuel Gonzalez Prada et le Brésilien Luìs Gama. D’autres eurent leur heure de gloire comme le premier poète afro-américain reconnu comme tel Paul Laurence Dunbar et Marcus Garvey, le charismatique leader de la cause panafricaine, comme aussi l’Américain Langston Hughes et le Jamaïcain Claude McKay, deux des voix les plus singulières de la Harlem Re-naissance. D’autres enfin, comme le Cubain Nicolas Guillén et l’Haïtien Jacques Roumain, ont prolongé les écrits de leurs pairs, pour les inscrire dans la Négritude, le mouvement littéraire qui prend racines dès les années trente et se prolonge bien

après. Les voilà regroupés dans ce projet, pour porter le même verbe, histoire de dire que leurs origines transcendent naturellement les questions de langue. Les voilà projetés au cœur de l’actualité, par une mise en sons qui remet en perspective et en lumière leurs points de vue, différents mais convergents. Pour leur rendre hommage, en paroles et musique, Meïssa a convié autour de ses compositions leurs héritiers, tambours africains comme le maître des baguettes made in Nigeria Tony Allen ou les balafons sénégalais, et tambours de bouche américains comme les slammeurs-rappeurs Mike Ladd, Allonymous et Jayhem, mais aussi chants gorgés de soul et guitare à la coule, flûte spirituelle et chœurs dignes des meilleurs gospel, rythmique aux accents latins et harmonique aux élans jazz. Tous réunis sous le vocable The Word Masters.

Jacques DENIS

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AFRIC’ART 6 7 AFRIC’ART

L’objectif principal du projet Mémoires d’Afrique est de faire connaître à un large public les précurseurs de la renaissance poétique né-gro-africaine, en mettant en valeur la culture traditionnelle mais aus-si en y introduisant des jeunes talents afin de leur transmettre ces savoirs.

Ces poèmes et l’histoire de leurs auteurs ne sont pas étudiés en tant que tels dans les établissements. Ensuite, il existe une frontière assez mar-quée entre musiciens traditionnels, soit les griots, et la nouvelle génération. Peu d’échanges artistiques interagissent entre eux et ceci pose un problème puisque toutes les connaissances se transmettent seulement entre griots.

De plus, on sait que le Sénégal est depuis longtemps une société de l’oralité et que ce socle de connaissances laisse rarement une trace écrite. Avec la produc-tion du livret-CD le projet a pour ambition d’agir sur le terrain à un moment don-né précis, mais également de perdurer dans le temps et de manière matérielle.

L’offre de produits culturels est concentrée dans la région de Dakar ; capitale éco-nomique et touristique, celle-ci accueille le plus grand nombre de structures cultu-relles, d’artistes, d’événements… Le souhait de Mémoires d’Afrique sera donc de se déplacer dans les régions plus reculées du pays. Le message délivré devra être compris par tous et c’est pour cela que le livret sera publié en wolof, français et anglais. Le discours employé lors des ateliers pédagogiques sera également adap-té selon le public participant. L’artiste Meïssa, également médiateur culturel et avant tout pédagogue, a déjà eu à animer ce genre d’ateliers avec tous genres de publics. L’éducation et la culture vont de pair et c’est en cela que le projet souhaite in-tervenir. En effet, le public visé étant majoritairement les jeunes, le projet a pour vocation de s’inscrire comme un atelier d’apprentissage pédagogique et ludique,

venu en complément du programme scolaire. Ainsi, les étudiants seront amenés à s’exprimer lors des conférences-débats sur différents thèmes et pourront découvrir l’usage des instruments traditionnels aux côtés de tendances modernes comme le slam.

Au final, Mémoires d’Afrique compte susciter le regain d’intérêt pour la poésie africaine chez les étudiants, les élèves et le grand public ; la création d’un réseau régional, national et international d’artistes et d’intellectuels voués à la cause de la Renaissance Africaine ; le développement d’un public porteur pour la Musique et la Poésie.

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AFRIC’ART 8 9 AFRIC’ART

Phillis Wheatley (1753, Sénégal - 1784, Etat-Unis d’Amérique) est reconnue comme la première poétesse Afro-Américaine, avec « Poèmes sur divers sujets, religieux et moraux ». Son oeuvre reflète son éducation religieuse et classique de la Nouvelle-Angleterre. A l’exception de « On being brought from Africa to America » («Déportés d’Afrique en Amérique »), ses poèmes n’ont jamais parlé de l’égalité raciale. Largement applaudie pour son travail, elle fut affranchie en 1773, et s’éleva vivement contre l’esclavage et le travail asservi

Elle fut précurseur à de nombreux niveaux : première femme Afro-Américaine à vivre de son écriture; première femme écrivain encouragée et financée par un groupe de femmes ; première femme de lettres Afro-Américaine accomplie. Elle fut honorée par de nombreux pères fondateurs de l’Amé-rique, y compris George Washington. Son livre est de nos jours considéré comme la base de la littérature afro-américaine, sa source et son inspiration. Un bâtiment a été nommé en l’honneur de Phillis Wheatley à l’Université du Massachusetts, Boston. Elle a également été classée parmi les « 100 plus grandes Afro-Américaines » par l’érudit Molefi Kete Asante, en 2002.

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AFRIC’ART 10 11 AFRIC’ART

Should you my lord, while you peruse my songWonder from whence my love of freedom sprungWhence flow these wishes for the common goodBy feeling hearts alone best understoodI, young in life, by seeming cruel fateWas snatch’d from Afric’s fancy’d happy seatWhat spangs excruciating must molestWhat sorrows labor in my parent’s breast ?Steel’d was that soul and by no misery mov’dThat from a father seiz’d his babe belov’dSuch, such my case, and can I then but prayOthers many never feel tyrannic sway ?

MY ORDL

My lord Su fekkoon ne sang bi boo jàngee woy wiiDinga jéema xam lu ma booleek cofeelug sañ-sañBi jur yéene yu baax yi ñépp bokkNga xam ne ku dul boroom xol bu laabiir du ko amXamal ne, cig ngone, la ma ndogal lu nuru lu tarKëk ak jàmm, ci li nu wax, ci suufus AfrigNdaw metit wu tar ak coono ñaawYu xotti sama ruuwu bayBoroom xolu xeer bu umpale yërmandeMoo sàcc bay doomam ju mu soppLoo looy sama mbir. Na may def ba duma ñaanNgir ñeneen mucc ci aay-biir yii

Si vous deviez, Monseigneur, en lisant mes vers,Vous demander d’où me vient mon amour de la Liberté,D’où naquirent ces vœux pour le bien communQue seuls comprennent bien les cœurs chaleureux,Sachez que, toute jeune, un destin qui semble cruelM’arracha à la terre, heureuse, dit-on, d’Afrique ;Quelle douleur atroce et quels tourments affreuxDéchirent-ils encore l’âme de mon père ?C’était un cœur de pierre, ignorant la pitiéQui ravit à un père son enfant bien aiméeTel est mon cas. Comment, alors, ne prierais-je pasPour que d’autres jamais ne souffrent des tyrans ?

Sang

Monseigneur

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13 AFRIC’ART13 AFRIC’ART

James Mercer Langston Hughes (1er février 1902 – 22 mai 1967) est un poète, nouvelliste, dra-maturge et éditorialiste américain du XXe siècle. Il fut un acteur majeur dans le mouvement culturel qui a secoué Harlem dans les années 1920, plus communément appelé Renaissance de Harlem et qui verra émerger toute une série d’artistes noirs.

Avec la publication de multiples recueils de poésies (le premier en 1926, « The Weary Blues » dont est extrait l’un de ses poèmes les plus célèbres : The Negro speaks of rivers), de pièces de théâtre, d’essais ou encore de scénarios pour le cinéma, Langston dépeint la vie des prolétaires Noirs partagée entre joies, désillusions, espoir…, le tout teinté de jazz et de blues. Il dira plus tard : «J’ai cherché à comprendre et à décrire la vie des Noirs aux États-Unis et, d’une manière éloignée, celle de tout humain». Par son travail, il a cherché à montrer l’importance d’une «conscience noire» et d’un nationalisme culturel qui unit les hommes plutôt que les opposer. Cette fierté a par la suite été reprise par de nombreux hommes de lettres comme Jacques Roumain, Nicolás Guillén, Léopold Sédar Senghor ou encore Aimé Césaire.

Dans les années 50-60, la popularité de Hughes parmi les auteurs Afro-Américains a décliné en même temps qu’elle s’est accrue dans le monde. Il lui a été reproché de n’avoir pas modernisé son discours de la «fierté noire» par rapport à l’évolution de la condition des Noirs aux États-Unis qui s’améliorait à cette période. Néanmoins il reste un modèle pour bon nombre d’écrivains.

AFRIC’ART 12

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AFRIC’ART 14 15 AFRIC’ART

I’ve known riversI’ve known rivers ancient as the world and older thanThe flow of human blood in human veinsMy soul has grown deep like the riversI bathed in the Euphrates when dawns were youngI look upon the Nile and raised the pyramids above itI heard the singing of the Mississippi when Abe Lincoln wentDown to the New Orleans, and I’ve seenTurn all golden in the sunsetI’ve known rivers : ancient, dusky riversMy soul has grown deep like the rivers.

The Negro speaks of rivers Nit ku ñuul a ngi wax ciy dexXam naa ay dexXam naa ay dex yu màgget na àdduna te gën fee yàggDeret jiy daw ci sidditi doom aadamaSamag ruu daldi xóot ni dex yiSangu naa ci Efraat ca ngoneg njël yiTabax naa sama néegu nax ci wetu Kongo gi ma yeetalXool naa Niil dellu tabax ca kowam bàmmeeli buur yaDégg naa Woyu Misisipi ba Abaraam Lincoln wàcceeNuwel Orleyaan, gis naa fa poto-poto buy walSoppiku wurus ca maraxXam naa ay dexDex yu màgget te nëxSamag ruu daldi xóot ni dex yi

J’ai connu des fleuvesJ’ai connu des fleuves anciens comme le monde et plus vieuxQue le flux de sang humain dans les veines humainesMon âme est devenue aussi profonde que les fleuvesJe me suis baigné dans l’Euphrate quand les aubes étaient neuvesJ’ai bâti ma hutte près du Congo et il a bercé mon sommeilJ’ai contemplé le Nil et au-dessus j’ai construit les pyramidesJ’ai entendu le chant du Mississippi quand Abraham Lincoln descenditA la Nouvelle Orléans, j’ai vu ses nappes boueuses transfigurées En or au soleil couchantJ’ai connu des fleuves : des fleuves anciens et ténébreux.Mon âme est devenue aussi profonde que les fleuves.

Dex

Le Nègre parle des fleuves

THE NEGRO SPEAKS OF

RIVERS

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AFRIC’ART 16 17 AFRIC’ART

It was a long time agoBut it was there then,In front of me,Bright like a sunMy dreamAnd the the wall rose,Rose slowlyBetween me and my dreamRose slowlyDimmingHidingThe light of my dreamRose until it touched the skyThe wallShadowI am a black.It lie down in the shadow.No longer the the light of my dream before meAbove me.Only thick wallOnly the shadow

As I grew older Loolu yàgg na loolDaanaka fàtte naa sama gent giiWaaye batay mi ngi niiSama kanamDi nes-nesi ni jantSama gent giNoonu rekk miir bi yéegDi yéeg ndank ndankDox sama digganteek gent giMu yéegati ndank-ndankDi lëndëmal ba far nëbbLeer gi sama gentYéeg nab a far laal asamaaanWóoy miir biKeppaar giMan mi ñuul tëdd ci keppaar giCi sama kanam ak li ma tiimSama leeerug gent ne mesMiir bu tal bee fi desAkug keppaarLoolu yàgg loolDaanka fàtte naa sama gent gi

Il y a longtempsJ’ai presque oublié mon rêve Mais il était là, puisEn face de moi,Il scintillait comme un soleilMon rêveEt puis le mur s’élevaS’éleva lentement, peu à peuEntre moi et mon rêveS’éleva jusqu’à toucher le cielLe mur !L’ombre !Je suis un NoirJe m’allonge dans l’ombrePlus de lumière de mon rêve devant moiAu-dessus de moiSeul le mur épaisSeule l’ombre

Ndekke ni laa màgge(Shadow)

Comme j’ai grandi

AS I G RE W O DERL

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AFRIC’ART 18 19 AFRIC’ART

De railroad bridge’sA sad song in the airDe railroad bridge’sA sad song in the airEvery time de train passI wants to go somewhere

I went down to de stationMa heart was in ma mouthWent down to de stationHeart was in ma mouthLookin’ for a box carTo roll me to de south

Homesick blues, Lawd,‘S a terrible thing to haveHomesick blues isA terrible thing to haveTo keep from cryin’I opens my mouth an’ laughs

Homesick blues Cii pomu raay biLa woy wu tiis di jolliCi pomu raay biwoy wu tiisa ngi jolliSaa su saxaar rombeMa bëgg demCa yeneeni goxCi pomu raay biLa woy wu tiiss di jolliWaaxu naa bat ci gaar bi

Sama xol di waaja gennSama gémmiñMay wër saxaarug njaayGu ma yóbbu xarfuCi pomu raay biLa woy wu tiis di jolliCi pomu raay biWoy wu tiissa ngi jolliCi pomu raay biLa woy wu tiis di jolli

Tiisum réew Boroom biTiis la ci ki mu dalTiisum réew Boroom biMbir mu diis laCi ki mu dalNgir ma baña jooyDamay ubbiSama gémmiñ reeLoolu yàgg loolDaanka fàtte naa sama gent gi

Le pont du chemin de ferC’est une chanson triste dans l’airLe pont du chemin de ferC’est une chanson triste dans l’airChaque fois qu’un train passeJe veux m’en aller dans d’autres terres

Je descendis jusqu’à la gareLe cœur sur les lèvresDescendis jusqu’à la gareLe cœur sur les lèvresCherchant un wagon de marchandisesPour m’amener vers le sud

Le blues du pays, Seigneur,C’est triste de l’avoir pris,Le blues du pays, c’est une choseTerrible de l’avoir prisPour m’empêcher de pleurerJ’ouvre ma bouche et je ris.

Pummu ray bi Le blues du pays

HOMESICK BLUES

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AFRIC’ART 20 21 AFRIC’ART

Luis Gama (1830 - 1882, Brésil) était le fils d’un Portugais et d’une jeune esclave venant du Ghana, connue pour s’impliquer dans de nombreuses rébellions. A l’âge de dix ans, il fut vendu illégalement par son père à un sergent nommé Cardoso qui l’employa comme domestique dans sa ferme. En 1847, un étudiant, accueilli chez Cardoso, devint très vite ami avec Gama, et lui apprit à lire et à écrire. Prenant conscience de l’illégalité de sa condition, Gama s’enfuit à São Paulo, et y étudia le droit à l’Université ; mais il ne termina pas le cursus et travailla ensuite comme avocat non diplômé. Dans les années 1860 il fut journaliste, et fonda la revue Radical Paulistano en 1869 aux côtés de Ruy Barbosa. Il contribua aussi à créer le Parti républicain de São Paulo en 1873. Il libéra plus de mille esclaves à São Paulo, avant de mourir en 1882, victime du diabète. Gama publia en 1859 un livre de poésie, Primeiras Trovas Burlescas de Getulino (Premières Bal-lades Burlesques de Getulino). La plupart des poèmes sont des satires des mœurs de l’aristocratie brésilienne du 19e siècle.

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AFRIC’ART 22 23 AFRIC’ART

Era mui bela e formosa,Era a mais linda pretinha,Da adusta Líbia rainha,E no Brasil pobre escrava!Ela a palmeira singela,Na fulva areia nascidaNos roliços braços de ébano.Brandinha a voz sonorosa,Sentida como a Rolinha,Gemendo triste sozinha,Ao som da aragem faceira.Escuro e ledo o semblante,De encantos sorria a fronte,— Baça nuvem no horizonteDas ondas surgindo à flor.Se junto à cruz penitente,A Deus orava contrita,Tinha uma prece infinitaComo o dobrar do sineiro,As lágrimas que brotavam,Eram pérolas sentidas,Dos lindos olhos vertidasNa terra do cativeiro.

Minha Mãe Moo gëna taaru ci jigeéen ju ñuulLingeer la woon ca tàngooru LibiDellu di jaam bu toskare ci BresilCéy rabu jinne bu taaru biBoroom jëmm ju ñuul ji nu yatt ci xeer bu ñuul biAbal ma sab lekketu urucongoJàngal ma tëgg ci sa balafonSol ma xam-xamu xërëm yiYóbbu ma ci yoon yi ànd ak yëkkatikuXam-xam bu sës ak mbind jagleelu ñu koJanq bu ñuul bi ci tefesBaal ma sama saxaritSuufi Tubaab yi ñu yilifAmunu sax sañ-sañu xalaat

She was very beautiful and fairShe was the most beautiful black girlAdusta queen of LibyaAnd in Brazilia poor slave !

Oh Musa Guinea, jettyGranite statue denigratedBefore whom the Lion gets renderedNaked fury of atrocious frown ;Lend me the gurd of urucungoTeach me to brandish your marimbaIt inspires me to science candimbaPathways lead me high magnitude

Sciences and Letters they are not for youBlack girl of the CostIn the land of white manWe haven’t the right to think

C’était la plus belle des femmes noiresElle était reine dans la chaleur de LybieDevenue pauvre esclave au Brésil !Oh belle muse noire sculptée dans le granitPrête-moi ton « urucongo »Apprends-moi à jouer du balafonInsuffle-moi le savoir des fétichesEmmène-moi sur les chemins de l’élévationLa science et l’écriture ne sont pas pour toi, dit-onLa jeune fille noire sur le rivage de la merToi qui n’es rien aux yeux du mondeExcuse-moi, chère amie, nous n’avons même pas la liberté de penserSur la terre des Blancs qui nous dirigent.

Sama yaay My Mother Ma mère

MINHA MAE

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AFRIC’ART 24 25 AFRIC’ART

George Moses Horton (1797 – 1883) est le premier esclave d’Amérique à avoir contesté son sta-tut en écrivant des poèmes. Son premier poème, « On Liberty and Slavery » (Liberté et Esclavage), parut en 1829. Il voulut acheter sa liberté et partir au Libéria ; « The Hope of Liberty » (L’Espoir de Liberté), le premier livre publié dans le Sud par un homme noir, ne rapporta presque rien et il dut abandonner ses projets. Cet ouvrage fut réédité en 1837 sous le nom de « Poems by a Slave » (Poèmes d’un Esclave).Horton gagna l’admiration et le soutien d’hommes tels que des gouverneurs, des présidents de l’Uni-versité de Caroline du Nord, des journalistes. En 1845, un journal publia « Les Oeuvres Poétiques de George M. Horton, le barde de couleur de Caroline du Nord ». Il publia en 1865 son troisième livre, « Naked Genius » (Le Génie nu). De style classique, ses œuvres sur la campagne et sur l’esclavage sont émouvantes.

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AFRIC’ART 26 27 AFRIC’ART

Alas ! and I am born for this,To wear this slavis chain ?Deprived of all created bliss,Through hardship, toil and pain !How long have I in bondage lain,And languished to be free !Alas ! and must I still complain-Deprived of liberty.

Oh, Heaven ! and is the no reliefThis side silent grave-To soothe the pain-to quell the griefAnd angish of a slave ?

On liberty and slavery Xalaas ! xanaa du dama judduNgir rekk takk ceenug njaamUmpale mépp mbégte ci sosNe ci toskare, coonok naqar

Bama nekkee jaam ak léegiMu ngi bëgg yàggNamm naa moom sama boppXalaas ! xanaa duma dëkke ci xultuLiñ ma xañub sañ-sañ

Céy Yàlla, xanaa amoo saafaraLaata may xam wéetaayu bàmmeelBuy seral samaw metit ngir sippil mab coonoAk tiitange gi ci njaam

Hélas ! Ne suis-je donc néQue pour porter cette chaîne d’esclave ?Privé de toutes les joies de la créationPar la misère, la peine et la douleur !

Que de temps déjà suis-je en esclavage Et me languis d’être libre !Hélas ! Faut-il encore que je me plaignePrivé de ma liberté ?

Oh Ciel ! N’y a-t’il donc point de remèdeAvant le silence de la tombePour calmer la douleur, pour apaiser la peineEt l’angoisse de l’esclave ?

Lu taq ci sañ-sañ ak njaam (Xalaas)

De la Liberté et de l’esclavage

ON IBERTY AND S AVERY

L

L

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AFRIC’ART 28 29 AFRIC’ART

L’essayiste et poète péruvien Manuel González Prada (6 janvier 1848 - 22 juillet 1918, Lima) fut l’un des polémistes les plus dynamiques de la fin du 19e siècle dans l’Amérique espagnole. Il se battit pour le changement et le progrès et dénonça les vestiges du colonialisme espagnol. Après 1883, il voyagea en Europe. De retour à Lima, il prit immédiatement une place prépondérante dans l’avant-garde de la conscience nationale péruvienne. Des écrivains et des personnalités poli-tiques furent gagnés par sa ferveur révolutionnaire. Il parla avec éloquence non seulement contre la classe aristocratique figée d’où il était issu, mais aussi contre le rejet de l’Indien comme un élé-ment caractéristique de la nation, contre le clergé et l’oligarchie militaire dominante, qu’il considérait comme les sources de nombreux maux chroniques du pays. Il devint le porte-étendard d’une nou-velle génération de Péruviens.Les principaux ouvrages de prose publiés de son vivant sont « Páginas libres » (1894) et « Horas de Jucha » (1908). Après sa mort, plus d’une demi-douzaine de volumes en prose parurent. Ses collec-tions les plus célèbres de poésie sont « Minúsculas « (1901), « Presbiterianas » (1909), et « Exóticos » (1916). D’autres ouvrages importants de sa poésie sont « Trozos de vida » (1933), « Libertarios » (1938), et « Peruanas Baladas » (1939).

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AFRIC’ART 30 31 AFRIC’ART

Los bienes y las glories de la vidaO nunca vienen o nos llegan tardeLucen de cerca, pasan de corridaLos bienes y las glorias de la vida

Triste del hombre que en la edad floridaCoger las flores del vivir aguarde !Los bienes y las glorias de la vidaO nunca vienen o nos llegan tardePara verme con los muertosYa no voy al campo santo,Busco plazas, no desiertos,Para verme con los muertosCorazones hay tan yertos !Almas que hieden tanto !Para verme con los muertosYa no voy al campo santo

Triolet Am-am yeek ndami addunaDunu àgsi ba mukk mbaa muy lu yéexDanuy nes-nesi jege romb ne mesAm-am yeek ndami addunaTiis la ci gone gu ci manula amBa man cee taataan dund

Am-am yeek ndami addunaDunu àgsi ba mukk mbaa muy lu yéexBu ma bëggee gis sama bop ciy néewDootuma dem almeer yaDuy mandiŋ ay barb laay wërNgir nekk ci biiri néewNdaw xol yu ëmb tiisRuu yuy xeeñ loolSu ma bëgge gis sama bopp ciy néewDootuma dem almeer ya

The property and the glories of lifeOr never come or come to us laterLook closely, go to run,Goods and glories of lifeSad the old man in floridaGet live flowers wait !The property and the glories of lifeOr never come or come to us later

For me with the deadI do not go to the cemeterySeeking seats, no desertsTo see with the deadHearts are so stiffThey are souls that stinks as !For me with the deadI do not go to the cemetry

Les biens et gloires de la vieN’arrivent jamais ou très tard,Brillent de près, en courant, passentLes biens et gloire de la vieTriste qui, à la fleur de l’âge,Tarde à cueillir les fruits de la vieLes biens et gloires de la vieN’arrivent jamais ou très tard

Pour me voir au milieu des mortsJe ne vais plus au cimetièrePlaces je cherche et non désertsPour me voir avec les morts

Il y a des cœurs si glacés !Des âmes qui sentent si forts !Pour me voir au milieu des mortsJe ne vais plus au cimetière

De la vida Triolet Triolet

T RIO ETL

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AFRIC’ART 32 33 AFRIC’ART

Claude McKay (15 septembre 1889 - 22 mai 1948) est un romancier et poète né à la Jamaïque, puis naturalisé américain. Il a fait partie du mouvement littéraire de la Harlem Renaissance ou Renais-sance de Harlem. Il est l’auteur de trois romans : « Home to Harlem » en 1928 (« Ghetto noir »), un best-seller qui lui valut le Harmon Gold Award for Literature, « Banjo » en 1929, et « Banana Bottom » en 1933, un recueil de nouvelles : « Gingertown », en 1932, et deux autobiographies : « A Long Way from Home » en 1937 et « Harlem : Negro Polis » en 1940. Sa poésie, lyrique, nostalgique, et sociale, en fait un auteur majeur de la littérature afro-américaine de la première moitié du vingtième siècle. Il fut un grand voyageur, passant la majeure partie de sa vie entre les États-Unis, l’Europe et le Maroc. Il visita longuement la Russie après la Révolution bolchévique. Marqué par le racisme et la ségrégation, il fut un auteur engagé dans les milieux révolutionnaires, mais il resta toujours critique des appareils politiques. Malade et sans illusion, il se convertit au catholicisme à la fin de sa vie.

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AFRIC’ART 34 35 AFRIC’ART

If we must die, let it not be like hogsHunted and penned in an inglorious spotWhile round us bark the mad and hungry dogsMaking their mock at our accursed lot.If we must die, oh, let us nobly die,So that our precious blood may not shedIn vain ; the even the monsters we defyShall be constrained to honour us though dead !Oh, Kinsmen ! we must meet the common foe ;Through far outnumbered, let show us brave,And for their thousand blows deal one deathblow !What though before us lies the open grave ?Like men we’ll face the murderous, cowardly pack,Pressed to the wall, dying, but fighting back !

If we must die Bu ñu naree dee, bu ñu mel ni mbaam-xuuxYi ñu kar jóor leen ci barab bu suufe biiTe xaj yi xoñoñ ba dof wër koDi bow aka kókëli sunu muj gu bonBu ñu naree dee, éy ! nañu dee cig ngorNa sunu dereer ju sell ji baña tuuru ci neenTe njuuma yi nuy tëkku faf di nu sargal bu ñu dee !Ëy sama mbokk yi ! war nanoo song noon bi nu mbokkDonte ñoo néewle ciy nit, nanu wone sunug njambaarBuñ nu dóoree junni yoon nañ leen door benn bu leen faatBu yabboo ëllëg ñu gasal nu bàmmeelDooni góor, jàkkaarlook gàddu bóomkat yu baqar yiWéeru ci taax mi, noyyi, waaye ku nu door nu feyyu

Si nous devons mourir, que ce ne soit pas comme des porcsTraqués et parqués en un lieu sans gloireEntourés de chiens fous et enragésAboyant et raillant notre sort mauditSi nous devons mourir, ah ! mourons noblementQue notre sang précieux ne soit versé en vainQue les monstres que nous défions soient contraints de nous honorer morts !Oh mes chers frères ! Nous devons affronter l’ennemi communBien que nous soyons moins nombreux, montrons notre bravourePour leurs mille coups reçus nous leur rendrons un coup mortelQu’importe demain s’ils nous creusent une fosse communeEn hommes, nous ferons face à ces lâches assassins,Le dos au mur, expirant, mais nous rendrons coup pour coup

Bu ñu naree dee Si nous devons mourir

IF WE MUST DIE

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AFRIC’ART 36 37 AFRIC’ART

Nicolás Guillén (1904-1989) est le grand nom de la poésie cubaine au vingtième siècle. Issu d’un milieu ouvrier, il fit des études de droit et devint avocat avant de se tourner vers le journalisme. Les traductions de ses oeuvres ont permis à un vaste public de s’initier à la culture afro-cubaine. C’est en 1930 que Guillén publia ses premiers poèmes, « Motivos de son », dans une revue de La Havane. Inspirés de la tradition musicale populaire afro-cubaine, ses textes empruntent leur thème à la vie et au langage des Noirs et des mulâtres de La Havane. Guillén inaugura ainsi ce qui devait fonder l’essentiel de sa poétique, l’appel au respect de la personne humaine et l’éloge du métissage entre les cultures noires et européennes.

Il développa ces thèmes dans ses recueils « Sóngoro Cosongo » (1931), « West Indies Limited » (1934), « Elegías » (1948-1958), « La Paloma de vuelo popular » (1958), « Tengo » (1964), où s’affir-mait son refus de l’injustice, de la colonisation et de l’impérialisme.

Il lutta en faveur des pauvres et des opprimés. En 1937, il quitta Cuba pour voyager au Mexique, en Amérique du Sud et en Espagne, où il prit part à la guerre civile aux côtés des Républicains. S’étant exilé à Paris après le coup d’état de Batista en 1952, il y revint en 1959, après la révolu-tion castriste. Il fut élu président de l’Union des écrivains et artistes de Cuba en 1961 et proclamé « poète national ».

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Me matan, si no trabajoY si no trabajo, me matan ;Siempre me matan, me matanSiempre me matanAyer via un hombre mirando,Mirando el sol que salíaEl hombre estaba muy serio,Porque el hombre no veía.Ay !Los ciegos viven sin verCuando sale el sol,Cuando sale el sol,Cuando sale el sol

Ayer vi a un niño jugandoA que mataba a otro niño :Hay niños que se parecenA los hombres trabajandoQuién les dira cuando crezcanQue los hombres son niñosQue no lo sonQue no lo sonQue no lo son !

Me matan, si no trabajo, Y si trabajo, me matan :Siempre me matan, me matan,Siempre me matan !

Me matan Su ma liggéeyee nu rey maSu ma liggéeyul nu rey maRey ma la nu dëkkeDañ ma rey dañ ma reyDémb gis naas waayMu doon xoolMu doon xool jant bi fenkWaay si dafa ne woon yàccNdaxte du woon gisAx !Gumba yi dunu gisJant biy fenkJant biy fenkJant biy fenk

Démb gis naag goneGu doon foDi rey beneen moroomamDémb gis nab goneGu doon foDi rey beneen moroomamAm nay gone yu nurookSeeni mag bu nuy liggéeyKu leen ne bun u jëmee magMag ñooñu dunuy goneDunuy goneDunuy goneDunuy gone

Su ma liggéeye nu rey maSu ma liggéeyul nu rey maRey ma la nu dëkkeDañma rey dañ ma rey

They kill me if I am not workingAnd if I work they kill ;They kill me always, they kill meThey kill me alwaysYesterday I saw a man looking,Watching the sun risingYesterday I saw a man watching,Watching the sun rising,The man was very seriousBecause he couldn’t seeAy !Live without seeing the blindWhen the sun risesWhen the sun risesWhen the sun rises

Yesterday I saw a child playingTo kill another child :They are children who seemMen workingWho will tell them when they grow upThose men are not children,They are not,They are notThey are not !

They kill me if I am not workingAnd if I work they kill me :They kill me always, they kill meThey kill me always !

On me tue si je ne travailleEt si je travaille on me tue ;Toujours on me tueToujours on me tueHier j’ai vu un homme : il regardaitIl regardait le soleil qui naissait ;Hier j’ai vu un homme : il regardait,Il regardait le soleil qui naissait ;Mais l’homme restait impassible,L’homme, car il ne voyait pas.Aïe,Les aveugles vivent sans voirLe soleil lorsqu’il naîtLe soleil lorsqu’il naît,Le soleil lorsqu’il naît !

Hier, j’ai vu un enfant : il jouaitA qui tuait un autre enfant ;Hier j’ai vu un enfant : il jouaitA qui tuait un autre enfant ;Il est des enfants qui ressemblentA leurs aînés lorsqu’ils travaillent.Qui leur dira une fois grandsQue les hommes ne sont pas des enfants,Pas des enfantsPas des enfantsPas des enfants !

On me tue si je travailleEt si je ne travaille on me tue :Toujours on me tue, on me tue,Toujours on me tue !

Mematan They kill me On me tue

M E

MATAN

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Jacques Roumain (4 juin 1907 - 18 août 1944, Port-au-Prince), fut l’un des écrivains les plus respectés d’Haïti. Petit-fils du président Tancrède Auguste, il fréquenta des écoles catholiques à Port-au-Prince, puis étudia en Belgique, en Suisse, en France et en Allemagne. À vingt ans, il revint en Haïti et fut co-créateur de La Revue Indigène. Il y publia « La proie et l’ombre », « La montagne ensorcelée » et « Les fantômes ».

Très actif dans la lutte contre l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934), il fut emprisonné en 1933 et en 1934 alors qu’il venait de fonder le Parti Communiste Haïtien. De retour d’Europe, il gagna les États-Unis en 1939. Pendant cet exil, il travailla et se lia d’amitié avec de nombreux écrivains et poètes, comme Langston Hughes. Il voyagea beaucoup et séjourna presque un an aux côtés du poète Nicolás Guillén à La Havane. En 1941 il rentra en Haïti et fut in-vesti en 1942 d’une charge de diplomate à Mexico. Il compléta à la même époque deux de ses livres les plus influents : le recueil de poésie « Bois d’Ebène » et le roman « Gouverneurs de la Rosée ».

La majorité du travail de Roumain exprime la frustration et la rage d’un peuple qui a été piétiné durant des siècles. Il incluait tous les Haïtiens dans ses écrits, et appelait les pauvres à s’unir contre la misère. Son œuvre continue d’influencer la culture haïtienne et panafricaine en général.

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C’est le lent chemin de GuinéeLa mort t’y conduiraVoici les branches, les arbres, la forêtEcoute le bruit du vent dans les longs cheveux d’éternelle nuitC’est le lent chemin de GuinéeTes pères t’attendent sans impatienceSur la route ils palabrentIls t’attendentVoici où les ruisseaux grelottentComme des chapelets d’osC’est le lent chemin de GuinéeIl ne te sera pas fait de lumineux accueilAu pays des hommes noirsSous un ciel fumeux, percé de cris d’oiseauxAutour de l’œil du marigotLes cils des arbres s’écartent sur la clarté pourrissanteLà t’attend au bord de l’eau un paisible village et La case de tes pères et la dure pierre familialeOù reposer ton front

Guinée Yoon wu yéex a ngi jëm GineDee la fay jëmeBànqaas yaa ngi nii, garab yi, àll biDéglul riiru ngelaw liCi biir karaw yu gudd yiCi gudd gu dul dakkYoon wu yéex wi jëm GineDee la fay jëmeSay bay a ngi xaarÀnd ak teey ci tali biÑu ngay waxtaanÑung lay xaarFii nag la dex yu ndaw yiy pët-pëteeMel ni kurusi yaxYoon wu yéex wi jëm GineeDee la fay jëmeeDun la fa tertu tertu bu neexCa réew mu ñuul maNit ñuul ña dëkkeeTe suufas asamaan say saxaarBooleek picc yay sabLi wër bëtu mango giYéeni garab yaa nga fireekuCi leer giy gilliFoo fu ci wetu ndox miAm na fa dëkkub jàmmSa néegu baay yaa ngi lay xaarAk xeer wu dëggërWi nga wara teg sa jëYoon wu yéex a ngii jëm GineDee la fay jëmee

It’s the long road to GuineaDeath takes you downHere are the boughs, the trees, the forestListen to the sound of the wind in its long hair of eternal nightIt’s the long road to GuineaWhere your fathers await you without impatienceAlong the way – They talkThey waitThis is the hour when the streams rattleLike beads of bone

It’s the long road to GuineaNo bright welcome will be made for youIn the dark land of dark menUnder a smoky sky, pierced by the cry of birdsAround the eye of the riverThere, there awaits you beside the water a quiet villageAnd the hut of your fathers, and the hard ancestral stoneWhen your head will rest at least

Gine Guinea

G UINÉE

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Paul Laurence Dunbar (1872 - 1906, Dayton, Ohio) fut le premier poète Afro-Américain à recevoir des critiques élogieuses. Il était le seul Afro-Américain de sa classe au lycée de Dayton et, alors qu’il eut souvent du mal à trouver un emploi en raison de sa race, il fut un des meilleurs à l’école.Il écrivit un grand nombre de poèmes en dialecte, de poèmes anglais classiques, d’essais, de romans et de nouvelles. Sa première collection, « Oak and Ivy », fut publiée en 1892. Son deuxième livre, « Majors and Minors », publié en 1895, le propulsa vers la gloire nationale. Après 1902 et jusqu’à sa mort, il produisit douze livres de poésie, quatre livres de nouvelles, une pièce de théâtre et cinq romans.

Son travail a souvent abordé les difficultés rencontrées par les membres de sa race et les efforts des Afro-Américains pour réaliser l’égalité en Amérique. Il fut salué tant par les meilleurs critiques littéraires de son temps que par ses contemporains littéraires.

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AFRIC’ART 46 47 AFRIC’ART

We wear the mask that grins and liesIt hides our cheeks and shades our eyesThis debt we pay to human guileWith torn and bleeding hearts we smileAnd mouth with myriad subtletiesWhy should the world be overwiseIn counting all our tears and sighs ?Nay, let them only see us, whileWe wear the maskWe smile, but, O great Christ, our criesTo thee from tortured souls ariseWe sing, but oh, the clay is vileBeneath our feet, and long the smileBut let the world dream otherwiseWe wear the mask

We wear the mask Nu ngiy wéeye suturaSutura siy nëbb li nuy dundeeDox sunu digganteek yeen bun u gañaxuSutura siy nëbb sunu kanam ak sunuy bëtLoolooy peyooru mbonug doom aadamaXol bu dog di nàcc nuy muñTey gañaxu ci suturaNa fekk buñ nuy xoolNu nekk ci géeju suturaNu ngi muñ fu nu tolluCéy Isaa mu màgg miSunuy yuuq yaa ngi jolli jëm ci yowJóge sunu ruu yii nu faagaagalNu ngi woy fu nu tollu, waaye, Ax !Suuf seeka yées sunu suufi tànkBu nuy dox, ndaw yoon wu gudd !Waaye bàyyileen addinaaki naxemTe dés di wéeye sutura

Nous portons le masque qui ment et grimaceIl dérobe aux regards notre visage et nos yeuxC’est là le tribut de la perfidie humaineLe cœur saignant et déchiré, nous sourionsEt faisons des grimaces avec mille subtilitésA quoi nous servirait d’en dire trop au mondeDe lui faire dénombrer nos soupirs et nos larmes ?Mieux vaut seulement qu’on nous voie seulement pendant que Nous portons le masqueNous sourions, mais ô Grand Christ, nos crisMontent vers toi de notre âme torturéeNous chantons, mais ah ! que la terre est ignobleSous nos pieds, et long le chemin !Mais laissez le monde à ses illusionsNous portons le masque. Traduction de François Dodat

Nu ngiy wéeye sutura Nous portons le masque

WE WEAR THE MASK

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Marcus Mosiah Garvey (1887, Jamaïque - 1940, Londres) est un leader noir du XXe siècle, consi-déré comme un prophète par les adeptes du mouvement rastafari. Il est né un an après l’abolition de l’esclavage à Cuba, où la ségrégation raciale et le travail asservi règnent toujours. L’Afrique est en proie à la colonisation européenne à cette époque, mais certains Afro-Caribéens parviennent à y partir. Il devient vite un orateur de premier plan, journaliste, et activiste politique. Précurseur du pana-fricanisme, il se fait le chantre de l’union des Noirs du monde entier à travers son journal The Negro World et le promoteur obstiné du retour des descendants des esclaves noirs vers l’Afrique (ce qu’on appelle le «Back to Africa»).

Arrivé aux États-Unis en 1916 où il rencontre tous les mouvements visant à émanciper les Afro-Amé-ricains, il y fonde en 1917 l’Association Universelle pour l’Amélioration de la Condition Noire (United Negro Improvement Association, UNIA, toujours en activité). La devise de cette association était One God! One aim! One destiny! (Un Dieu ! Un But ! Une Destinée!). Il devient un des premiers meneurs importants de la cause noire. Installé à Harlem de 1918 à 1922, Marcus Garvey est mondialement connu.

Ne croyant pas que les Afro-Américains pourraient vivre libres et respectés hors d’Afrique, il crée en 1919 la Black Starline, compagnie maritime censée servir son projet de rapatriement, et ses bateaux se préparent à emmener Antillais et Afro-Américains en Afrique. En 1922, après la banque-route de la Black Starline, Garvey est poursuivi par les tribunaux. Emprisonné à Atlanta, il est exilé en 1927 en Jamaïque où il devient le grand héros national. Les Jamaïcains écoutent avec beaucoup d’enthousiasme ses meetings et la vie politique de l’île s’en trouve bouleversée. Mais il meurt à Londres sans jamais atteindre l’Afrique.

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Everybody knows that there is absolutely no difference between the native African and the American and the West Indian Negroes, in that we are descendants from one common family stock. It is only a matter of accident that we have been divided and kept apart for over three hundred years, but it is felt that when the time has come for us to get back together, we shall do so in the spirit of brotherly love, and any Negro who expects that he will be assisted here, there and anywhere by the Universal Negro Improvement Association to exercise a haughty superiority over the fellows of his own race, and makes a tremendous mistake. Such men had better remain where they are and not attempt to become in any way interested in the higher development of Africa.

Oneness interests(Extrait d’un discours de 1923)

Ku ne xam na ne amul xàjjeek seen diggante doomi Afrig, juddu jéeri beek Amerikee bi ak Cembe bu ñuul bi bawoo Sowu, bu loolu wéeye nun ñépp bokk Maam mu nu jógee, ndogal rekk a tax nu réeroo ku ne wéy saw yoon ci lu ëpp ñetti xarnu, waaye jamonoy dellu Afrig ñëw na, ñu wara ñibbi ci cofeelu nit ak mbokkam, te Nit ku Ñuul ku doon xaar jamono jii war nan laa dimmëli nga àggali sa yéene fii ak foo mana ne Mbootaayu dunya Gi Taaxaw Ngir Yokkute Ñit ku Ñuul dina la taxawu ngir nga fonk sa askan te weg lépp lu tukke saw xeet, Nit ku Ñuul ku yaakaar ne yaa gën sa moroom yaa ngi ci njuumte gu réy te sula yaboo toog fa nga ne te xam ne bokkoo ci ñiy jëmale Afrig kanam.

Chacun sait qu’il n’y a aucune différence entre les Africains natifs d’Afrique, ceux d’Amérique et les Nègres Antillais, car nous descendons de la même souche familiale. C’est seulement par accident que nous avons été divisés et séparés plus de trois siècles durant, mais est venu le moment pour que nous nous retrouvions ensemble, nous devons le faire dans l’esprit de l’amour fraternel, et chaque Nègre qui le souhaite devra être soutenu ici, là-bas ou n’importe où par l’Association Universelle pour l’Amélioration de la Condition Noire, tout nègre mu par le sentiment d’une supériorité hautaine envers ses compagnons de même race commet une erreur monumentale. De telles personnes feraient mieux de rester là où elles sont et ne devraient aucunement s’intéresser au développement de l’Afrique.

Bokk njariñ Afrique

ONENESS INT ERESTS

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