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Préparation du projet de loi sur la Famille
CONTRIBUTION DE L’UNAF
Décembre 2013
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Par lettre du 30 octobre 2013, la Ministre déléguée chargée de la famille a sollicité l’UNAF pour présenter sa réflexion et ses positions sur les grands axes que la Ministre entend développer dans le futur « projet de loi famille ».
Ce document présente cette contribution, adoptée par le Conseil d’administration de
l’UNAF le 14 décembre 2013. A l’heure où ce document est publié, l’UNAF n’a pas connaissance des propositions
issues des groupes de travail mis en place par la ministre, sur lesquelles l’UNAF pourra être amenée à s’exprimer.
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Table des matières
1. REMARQUES GENERALES RELATIVES A L’ELABORATION D’UNE « LOI FAMILLE » 1
2. QUELS NOUVEAUX DROITS POUR LES ENFANTS ? COMMENT MIEUX APPLIQUER CEUX QUI EXISTENT DEJA ? 4
2.1. Considérations générales 4 2.2. De l’intérêt ou non d’abaisser à 16 ans l’âge légal du droit de vote 4 2.3. L’engagement associatif du mineur 5 2.4. Concernant la protection des jeunes majeurs confiés à l’ASE : le droit à un projet de vie
semblable à celui des autres enfants 6 2.5. Audition de l’enfant en justice 8
a. Repenser le principe de l’audition de droit… 8 b. … et étendre certains droits procéduraux 10
2.6. Les droits des enfants de parent incarcéré 11 a. L’accueil de l’enfant de moins de 18 mois en milieu carcéral 11 b. Le droit de rencontrer ses deux parents 11
2.7. Les droits de l’enfant hospitalisé 11
3. FAIRE DU PRINCIPE DE COPARENTALITE UNE REALITE POUR L’ENSEMBLE DES FAMILLES 12
3.1 Pour une justice familiale plus intégrée 12 3.2 Permettre aux familles de mieux appréhender les règles relatives à l’exercice de l’autorité
parentale 13 a. Quant à l’information 13 b. Quant à l’accompagnement 14 c. Donner une dimension pédagogique aux jugements 14 d. Les contrats de coparentalité 15
3.3 Développer la médiation familiale 16 a. La médiation « préalable obligatoire » 17 b. Les limites de la double convocation et de la médiation préalable obligatoire
telles que mises en place par la Chancellerie. 18 c. Sur l’obligation à l’entretien d’information dans les cas de séparations et de
divorces 19 d. Les autres pistes envisageables pour favoriser le recours à la médiation
familiale et éviter le dépôt de requêtes modificatives 19 e. Médiation familiale et Juge pour enfant 19 f. Assurer le financement des services de médiation familiale 20
3.4 Résidence alternée 21 a. Les positions de principe 21 b. Quelles contre‐indications à la résidence alternée ? 22
3.5 Pensions alimentaires 23 3.6 Faire de la coparentalité une réalité juridique et sociale : accompagner les évolutions du
droit civil de la famille de nouveaux droits sociaux 24 a. Fiscalité 24 b. Prestations sociales et familiales 24
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4. LE TIERS AUPRES DE L’ENFANT 25
4.1 Clarifier les actes usuels 25 4.2 Des réponses déjà existantes 26 4.3 Faciliter le recours à la délégation‐partage de l’autorité parentale 27 4.4 Faciliter les dons et legs 29
5. OFFRIR AUX PARENTS EN DIFFICULTES LES MOYENS DE SATISFAIRE AUX BESOINS DE LEURS ENFANTS 30
5.1 Sur les fondements de la protection de l’enfance 30 5.2 Conditions matérielles d’existence : un pré‐requis à l’action psycho‐socio‐éducative 30
a. Améliorer le recours à l’accompagnement budgétaire des familles dans l’intérêt de l’enfant 31
b. Le maintien du principe de versement direct des allocations familiales aux parents en cas de placement judiciaire 32
c. Uniformité et revalorisation des aides financières de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) 32
5.3 Respecter les droits des parents dans l’intérêt de l’enfant 33 a. L’égalité devant la justice 33 b. Le droit des parents de participer activement aux décisions prises pour
protéger leur enfant 33 c. Respecter le contradictoire en protection de l’enfant 34 d. Exécuter les mesures prononcées dans des délais raisonnables 34
5.4 Clarifier et harmoniser le fonctionnement des conseils de famille des pupilles de l’Etat 35
6. FILIATION ADOPTIVE ET ACCES AUX ORIGINES 36
6.1 Pour une filiation adoptive respectueuse de la diversité des besoins de l’enfant 36 6.2 Mieux accompagner les parents adoptifs 38 6.3 Lorsque les parents ne peuvent assurer leurs responsabilités à l’égard de leurs
enfants : améliorer les conditions d’accès au statut de pupille de l’Etat 39 6.4 L’accès aux origines personnelles entre droit et sécurité 40
a. Concernant les droits de l’enfant à connaître l’identité des personnes qui ne sont pas ou plus ses parents au sens de la filiation 41
b. Concernant la levée de l’anonymat du tiers donneur dans le cadre de l’aide médicale à la procréation 42
c. Concernant les missions du Conseil National pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) 43
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1. Remarques générales relatives à l’élaboration d’une « loi famille »
Alors que les textes de lois adaptent et modifient régulièrement les actions à destination des
familles, la présentation d'une loi "famille", spécifiquement dédiée à ce sujet, permettrait de rappeler le rôle de la famille et de donner un sens aux politiques qui peuvent la concerner.
La lecture du code de l’Action Sociale et des familles, est à cet égard révélatrice de
l'absence, dans la loi, d'un cadre sur les objectifs assignés à ces politiques. Une loi « famille », par son caractère transversal, pourrait y apporter une réponse.
Dans le code, un chapitre s’intitule « politique familiale » , et quatre articles seulement y
figurent : deux sur les dépenses et les aides financières versées aux familles ‐ comme si une politique de la famille n'était qu'une politique dépensière ‐ et deux relatifs à la protection de l'enfance depuis la loi du 5 mars 2007 (voir annexe 1).
Ce manque d'orientations est particulièrement marquant quand on examine, en
comparaison, le chapitre dédié à la lutte contre la pauvreté et les exclusions, dans lequel le législateur a souhaité fixer les objectifs de cette politique, ses axes d’intervention, ainsi que l’ensemble des acteurs qui concourent à sa réalisation (voir annexe 1).
Aussi, conviendrait‐il d'inscrire dans la loi, l'importance de la famille et donc l'intérêt de
politiques à leur destination. La rédaction d’un tel article pourrait s’inspirer du texte qui figure dans la partie réglementaire du code (Article R112‐1) : « La famille est une des valeurs essentielles sur lesquelles est fondée la société. C'est sur elle que repose l'avenir de la nation. La politique familiale est conçue de manière globale ».
Elle pourrait être complétée par une rédaction indiquant :
‐ que chaque famille a droit à des moyens suffisants pour lui garantir une qualité de vie assurant le bien‐être de chacun de ses membres et que les systèmes de protection sanitaire et sociale constituent un des moyens concourant à l’exercice de ce droit ;
‐ que, dans un impératif de justice, les familles ont droit à une compensation des charges familiales (coût de l’enfant et temps parental) qui peut être assurée par différents moyens (prestations familiales, dispositions fiscales et équipements) ;
‐ que le logement constitue un droit essentiel pour la famille, un logement de qualité et des équipements de proximité permettant son épanouissement, et que la protection de l’environnement est un élément nécessaire de la qualité de la vie.
En outre, la loi famille mériterait‐elle de rappeler que les deux parents ont une
responsabilité commune et égale pour éduquer leur enfant, assurer son développement et son épanouissement, et lui faire acquérir son entière autonomie.
S’agissant des moyens déployés, une loi « famille » pourrait fixer les grands principes
autour desquels s’articulent les différentes politiques destinées aux familles.
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Elle pourrait ainsi indiquer que la politique familiale est un ensemble cohérent composé :
- d’allocations et de mesures fiscales pour compenser les charges liées à la présence d’enfants ;
- de mesures de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle ; - de mesures de soutien à la fonction parentale ; - ainsi que d’un droit de la famille qui garantit une protection aux projets familiaux et à
leur réalisation. Elle pourrait également citer les acteurs qui concourent à la réalisation des objectifs
poursuivis par la politique familiale, dont le Mouvement familial. S’agissant du contour plus précis de cette future loi, l’installation récente de quatre groupes
de travail par Mme Bertinotti, Ministre de la famille, nous renseigne en partie sur les thèmes qui pourraient y être abordés :
‐ Nouveaux droits pour les enfants ‐ Médiation familiale et contrat de coparentalité ‐ Protection de l’enfance et adoption ‐ Filiation, origines et parentalité
Le présent document s’est attaché à traiter spécifiquement de ces thématiques confiées à ces groupes, sachant que l’UNAF n’a pas connaissance, pour l’instant, des propositions émanant des 4 groupes de travail.
L’UNAF apportera naturellement sa contribution aux autres sujets susceptibles d’alimenter le futur projet de loi.
A ce stade, nous avons donc volontairement fait le choix de ne pas aborder d’autres sujets familiaux qui ont fait, ou qui feront l’objet de contributions spécifiques (accueil du jeune enfant, gouvernance de la politique d’aide à la parentalité, aidants familiaux, vieillesse…), et mériteraient d’être abordés dans le cadre d’un projet de loi « famille ». Pour mémoire, dans le cadre de la consultation "Au tour des parents", l’UNAF avait remis début 2013 à la ministre de la famille trois contributions avançant un nombre important de propositions, en matière de : - Petite enfance (http://www. UNAF.fr/IMG//pdf/dossier_d_analyse_petite_enfancedv_07janv2013.pdf),
- Accueil à l’école pour les enfants de deux ans, - Soutien à la parentalité (http://www.UNAF.fr/IMG//pdf/dossier_d_analyse_soutien_a_la_parentalite_27_dec_.pdf). Ces propositions restent pleinement d’actualité et pourront utilement venir enrichir la future loi famille.
A noter un point particulier qui concerne le fonctionnement de l’Institution Familiale qui est régi par le code de l’action sociale et des familles : l’inscription dans la loi famille de la reconnaissance des URAF.
La loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives définitivement adoptée par l’Assemblée Nationale le 29 février 2012, avait institué, en son article 129, la reconnaissance des URAF par la loi. Par décision du 15 mars 2012, le Conseil constitutionnel a repoussé cet article 129 au motif qu’il ne présentait pas de lien, même indirect, avec cette loi. Si le Conseil constitutionnel a jugé sur la forme, il n’a en revanche pas remis en cause le bien fondé de l’inscription des URAF dans la loi.
L’article qui prévoyait cette reconnaissance pourrait donc être inséré dans le projet de loi Famille.
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Le présent document récapitule donc les positions de l’UNAF sur les thématiques retenues à ce jour par le ministère de la famille, et les complète en présentant des propositions et des pistes de réflexions parfois nouvelles. L’objectif est de décliner les valeurs défendues par l’Institution familiale dans des dispositions législatives et des politiques adaptées à notre analyse des transformations récentes des familles et de leurs conditions de vie.
Pour aborder les thématiques précitées, l’approche retenue par l’UNAF est celle de privilégier une logique d’entrée par l’enfant, à partir de laquelle peuvent se décliner les propositions d’évolution des politiques publiques qui le concernent au premier chef.
Ainsi pour l’UNAF, il ne peut y avoir de loi à l’égard de la famille sans la réalisation, en amont, d’une véritable étude d’impact réalisée en référence à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), et notamment à son préambule et à son article 27, qui affirment respectivement le rôle premier de la famille et celui des parents à l’égard de l’enfant[1].
Nous proposons alors de décliner nos positions, remarques et propositions autour des axes suivants :
- Quels nouveaux droits pour les enfants ? Comment mieux appliquer ceux qui existent déjà ?
- Faire du principe de coparentalité une réalité pour toutes les familles ; - Comment concilier, dans l’intérêt de l’enfant, les responsabilités des parents et la
légitime reconnaissance de l’investissement de tiers auprès de l’enfant ? - Offrir aux parents en difficulté les moyens de satisfaire les besoins de leurs enfants ; - Sécuriser la filiation adoptive et encadrer l’accès aux origines personnelles.
[1] Extraits du préambule de la CIDE : « convaincus que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres
et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté »;
« reconnaissant que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension ».
[1] Extraits de l’article 27 de la CIDE : « C’est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l’enfant qu’incombe au premier chef la responsabilité d’assurer, dans les
limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant ». « Les Etats parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour
aider les parents et autres personnes ayant la charge de l’enfant à mettre en œuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement et le logement ».
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2. Quels nouveaux droits pour les enfants ? Comment mieux appliquer ceux qui existent déjà ?
2.1. Considérations générales L’incapacité de l’enfant est pensée comme un moyen de sa protection, liée à sa vulnérabilité
et à son inaptitude à défendre ses intérêts. Il appartient ainsi aux parents ou au représentant légal d’accomplir à la place de l’enfant certains actes, ou de l’autoriser explicitement à en exercer certains autres. Tel est le principe.
Il existe toutefois de nombreuses exceptions à ce principe d’incapacité qui sont liées, généralement, à la capacité de discernement du mineur, et qui lui permettent de s’affranchir de l’autorisation de ses parents ou représentants légaux. Il en est ainsi, pour exemple, en matière d’accès à la contraception1.
Le droit positif consacre ainsi deux statuts du mineur selon l’âge de ce dernier, ou plus
exactement selon son degré de discernement. Pourquoi ne pas accorder ainsi de nouveaux droits aux mineurs, progressivement, par exemple dès 15 ou 16 ans – ainsi que l’évoquait récemment la Ministre de la Famille ?
Si des aménagements pouvaient être envisagés, ils devraient selon nous concerner des actes précis visant l’acquisition d’une autonomie progressive, sans incidence sur la protection des mineurs, et sans risque de disqualifier les parents.
La raison en est que c’est précisément à cet âge que les tensions sont les plus grandes entre
les droits et aspirations des mineurs et les devoirs et responsabilités des parents. C’est sur cette tranche d’âge des 15‐18 ans que se concentre ainsi une grande partie des
demandes d’informations et de soutien formulées par les parents, par exemple dans les actions de type « REAAP ». C’est le moment où, précisément, les parents se sentent le plus souvent en difficulté dans l’exercice de l’autorité parentale. Le moment aussi où la prise de risque des jeunes est maximale…
2.2. De l’intérêt ou non d’abaisser à 16 ans l’âge légal du droit de vote
Le projet d’abaisser l’âge du vote de 18 ans à 16 ans pose les questions suivantes :
- Quelle serait la signification d’un droit de vote déconnecté des devoirs et responsabilités qui accompagnent l’accès à la majorité ?
- Ces nouveaux droits politiques devraient‐ils s’accompagner à plus ou moins long terme d’un accès conjoint à certains droits sociaux ou familiaux ?
1 L’article L. 5131-1 du code de la santé publique dispose que la prescription, délivrance et administration de contraceptifs ne
nécessite pas le consentement du titulaire de l’autorité parentale.
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- N’y a‐t‐il pas un risque, en accordant aux mineurs des droits identiques à ceux des adultes, d’oublier que la société leur doit aussi une sollicitude particulière ?
L’UNAF considère en premier lieu qu’il y aurait une forme de paradoxe à accroître les droits et libertés politiques des enfants, fût‐ce uniquement à partir de 16 ans, dans un contexte sociétal où ces derniers sont de moins en moins rapidement autonomes financièrement et matériellement.
Elle voit dans l’ouverture de nouveaux droits politiques au mineur de 16 ans, comparables à
ceux des adultes, un risque majeur : celui qu’à terme, ces nouveaux droits viennent justifier l’abandon pur et simple des principes éducatifs portés par l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.
C’est dans un même souci de protection des mineurs que le législateur a durci les conditions
d’accès au droit au mariage des adolescentes. Afin de lutter contre les mariages forcés ou arrangés, il a ainsi voté la loi du 15 avril 2006, qui rehausse de 15 à 18 ans l’âge légal du mariage.
L’UNAF n’est pas majoritairement favorable au droit de vote des mineurs de 16 ans lors des élections, qu’elles soient locales ou nationales. Des réflexions seront toutefois engagées dans les mois à venir sur cette question, en lien notamment avec l’acquisition du statut de mineur émancipé.
Ce n’est pas dans l’expérience du vote, acte ponctuel et isolé de la participation à la vie démocratique, que l’enfant acquière réellement les bases de la citoyenneté. C’est sous d’autres formes, notamment en termes d’engagement associatif et dans la cité, que les efforts devraient porter.
Parallèlement, l’UNAF recommande de veiller à ce que les jeunes puissent exercer pleinement leurs droits au sein des structures d’expression citoyenne déjà existantes, aux seins des établissements scolaires, dans les conseils municipaux d’enfants…
2.3. L’engagement associatif du mineur L’engagement des mineurs dans la vie associative nous semble donc relever de cette
démarche en ce sens qu’il s’accompagne d’une expérience riche, faite d’acquisition de savoir‐faire et de savoir‐être. Il témoigne d’une démarche potentiellement tournée vers la découverte de l’autre, et d’une volonté d’agir sur son environnement, dans la cité. Il est extrêmement formateur et participe d’une éducation pleine et entière à l’exercice d’une citoyenneté active.
Dans cet esprit, l’article 15 de CIDE reconnaît d’ailleurs le droit des enfants à la liberté d’association.
Sur le principe, l’UNAF est favorable à l’octroi des possibilités pour les mineurs de s’investir pleinement dans des projets associatifs.
Pour autant, la loi n°2011‐893 du 28 juillet 2011 a déjà modifié l’article 2 bis de la loi du 1er juillet
1901 permettant ainsi aux mineurs de 16 ans de créer une association. Seule la condition d’une
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autorisation parentale (ou du représentant légal) vient ainsi s’ajouter aux conditions prévues pour les majeurs.
Concernant la simple adhésion, la jurisprudence considère que l’autorisation peut être tacite. Une circulaire du 24 février 1978 autorise les mineurs de 16 ans à participer aux AG des associations agréées de jeunesse et d’éducation populaire. C’est alors à l’association de prévoir les conditions de vote des mineurs. Elle peut d’ailleurs choisir aussi d’élire un mineur comme dirigeant, mais sans pouvoir se retourner éventuellement contre lui en cas de faute – ceci afin de protéger le mineur.
Resteraient, à la marge, la possibilité de supprimer l’obligation de l’autorisation parentale
dans les cas de création d’association, ou encore l’obligation pour les associations d’accepter l’élection d’un mineur dans l’équipe dirigeante. Mais n’y aurait‐il pas dans le premier cas un risque de disqualification supplémentaire des parents, et dans le second cas, une atteinte à la liberté associative ?
En conclusion, et compte tenu des avancées notables apportées par la récente loi du
28 juillet 2011, l’UNAF considère que la réflexion doit porter sur l’amélioration des conditions d’accès à ces droits préexistants, ce qui passe par l’information à destination des mineurs et de leur famille, et par le soutien aux acteurs associatifs.
2.4. Concernant la protection des jeunes majeurs confiés à l’ASE : le droit à un projet de vie semblable à celui des autres enfants
Le devenir des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance est une question importante qui
nécessite un investissement particulier des pouvoirs publics, tant au niveau de politique de jeunesse dans son ensemble, qu’au niveau spécifique de l’aide sociale à l’enfance.
Sur ce second point, il nous semble opportun de mieux anticiper la fin du placement et
l’entrée dans la majorité dès l’âge de 16 ans, et même sans doute dès 14 ans. Une véritable réflexion doit être systématiquement menée en incluant non seulement les
questions relevant de l’orientation scolaire et professionnelle de l’enfant, mais aussi les domaines de la vie quotidienne, du logement ou des soins corporels. L’accent doit être parallèlement mis sur l’entretien d’un réseau social et la capacité du jeune à l’utiliser en tant que ressource. Ceci est d’autant plus important que le relai parental ou familial est souvent limité par rapport aux autres jeunes.
Aujourd’hui, la protection des jeunes majeurs par l’ASE est facultative et repose sur des
impératifs qui se situent à la frontière entre insertion et protection. Formalisée par une demande écrite, elle prend la forme d’un contrat, au point d’être désignée sous ce terme même, puisqu’on parle en effet de « contrat jeune majeur » tandis que, sur le versant judiciaire, la protection jeune majeur est prononcée par le Juge des enfants et mise en œuvre par les services de la PJJ. Ces dernières années ont vu les missions de ces derniers services se réorienter vers le pénal et se désengager progressivement du suivi des jeunes majeurs.
La réforme de la protection de l’enfance de mars 2007 a renforcé la compétence des
départements y compris en matière d’aide aux jeunes majeurs, sans pour autant modifier son
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aspect non obligatoire, ni préciser ses conditions de mise en œuvre. Ainsi, chaque département définit lui‐même sa stratégie quant au déploiement de l’aide aux jeunes majeurs.
Devenue contractuelle, celle‐ci se pose comme une négociation d’engagements réciproques pour la réalisation d’un projet visant l’insertion sociale et professionnelle. Mais la logique à l’œuvre étant celle d’une autonomie financière rapide, le modèle du projet est souvent calibré de la même manière pour tous, et orienté vers une formation courte et professionnalisante, sans toujours tenir compte des aspirations réelles des jeunes. Dans les faits, il apparaît même que les services de l’ASE, désireux de justifier au mieux du bon emploi des budgets ainsi investis, peuvent opérer une forme de sélection en proposant prioritairement les contrats jeunes majeurs à ceux qui leur semblent avoir le plus de chance de mener à bien leur projet. Ce qui signifie, paradoxalement, que les jeunes les plus en difficulté tendent à être exclus du dispositif2.
L’aide aux jeunes majeurs pose beaucoup de questions de par sa mise en œuvre
contractuelle, souvent ponctuelle et calquée sur un schéma d’accès à l’indépendance obsolète, tant en terme d’entrée dans le monde du travail qu’en terme d’âge. Or, dans le même temps nous constatons :
- un allongement de la dépendance familiale à l’entrée dans l’âge adulte découlant de l’allongement des études ;
- une importante précarité professionnelle des jeunes, surtout les moins diplômés ; - une scolarité difficile des enfants confiés à l’ASE, avec en moyenne 2 années de
redoublement, rallongeant d’autant la fin de la scolarité ; - une surreprésentation des jeunes confiés à l’ASE parmi la population SDF (10 fois plus
que dans la population générale des personnes logées).
Pour l’UNAF, l’Aide sociale à l’enfance a une responsabilité particulière quant au devenir des enfants accueillis durant leur minorité. l’UNAF souhaite ainsi, au minimum, que les jeunes accueillis précédemment par les services de l’ASE puissent systématiquement bénéficier d’un contrat de protection financé conjointement par les départements et l’Etat au‐delà de leurs 18 ans, s’ils le demandent et dès lors qu’ils suivent régulièrement une scolarité générale ou une formation, et ce jusqu’à 21 ans.
La loi devrait prévoir en outre cette possibilité pour les jeunes majeurs n’ayant pas
bénéficié d’une prise en charge durant leur minorité, ainsi qu’une possibilité d’extension jusqu’à 25 ans pour tous les jeunes ayant besoin d’une protection.
l’UNAF demande également à ce que le passage à la vie autonome puisse s’accompagner le
cas échéant de retours ponctuels en accueil selon les besoins du jeune majeur, comme un groupe de travail piloté par l’ONED en avait souligné l’intérêt dans un rapport de décembre 2009.
L’article L. 224‐11 du Code de l’action sociale et des familles confie aux associations
départementales d’entraide des pupilles et anciens pupilles (ADEPAPE) une mission d’accompagnement des jeunes dans leur processus d’insertion. L’UNAF constate à regret que les ADEPAPE sont insuffisamment dotées financièrement pour remplir efficacement cette mission.
2 Nathalie Guimard, Juliette Petit-Gats, Contrat jeune majeur. Un temps négocié, préface de David Pioli, Paris, L’Harmattan,
2011.
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Elle soutient ainsi le souhait de la FNADEPAPE de voir établie une convention tripartite ETAT/ADF/FNADEPAPE afin que soit impulsé sur l’ensemble du territoire un véritable dispositif d’accompagnement des jeunes confiés à l’ASE.
En complément de ces remarques et propositions, l’UNAF souligne que le parrainage de
proximité offre aussi des possibilités intéressantes encore insuffisamment explorées. Il ressort des actions menées dans ce domaine par notre réseau des UDAF, une série de
témoignages probants rendant compte de la construction d’une relation affective privilégiée instituée entre un enfant, un filleul et un parrain qui repose sur des valeurs d’échange, de réciprocité, d’enrichissement mutuel et de confiance. Le parrainage de proximité constitue pour l’UNAF un mode d’accompagnement personnalisé prometteur et il serait souhaitable de voir ce dispositif se pérenniser et se développer dans ce cadre.
2.5. Audition de l’enfant en justice Dans son article 3, la Convention européenne des droits de l’enfant prévoit que : « Dans
toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».
Aujourd’hui, l’article 388‐1 du Code civil dispose que : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet ».
Cette audition est alors « de droit lorsque le mineur en fait la demande », et « il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix ». Notons alors que l'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.
L’UNAF formule deux remarques et propositions.
a. Repenser le principe de l’audition de droit… Une jurisprudence relativement récente3 a montré les limites du principe de l’audition de
plein de droit qui peut, in fine, se retourner contre l’enfant. Ainsi, même lorsque les résultats d’une enquête sociale confirment l’état d’emprise d’un mineur vis‐à‐vis d’un de ses parents il n’est pas possible de refuser la demande d’audition d’un mineur doté de discernement. Et ceci tant bien même cette audition serait susceptible de le mettre dans une difficile situation de conflit de loyauté, si ce n’est dans une situation de danger.
C’est la raison pour laquelle un magistrat peut se contenter d’un simple compte rendu oral de
l’audition de l’enfant au moment de l’audience, plutôt que de leur communiquer le compte rendu écrit préalablement à l’audience ‐ comme l’exigerait le respect de la procédure contradictoire.
3 Cass. 1re civ., 20 juin 2012.
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Quel est donc ce droit de l’enfant qui, lorsqu’il est respecté, oblige parfois des magistrats à faire fi du respect du principe du contradictoire dans la procédure afin de protéger l’enfant ? S’il en est ainsi, c’est bien que l’audition de l’enfant, de droit, peut, dans certain cas, constituer un danger pour l’enfant.
L’UNAF propose ainsi d’aménager ce principe de l’audition de droit prévu à l’article 388‐1 du
C.Civ. Afin de mieux protéger le mineur, cette audition pourrait être limitée selon les résultats des
enquêtes commandées par les magistrats, dès lors qu’elles laissent apparaître un danger pour l’enfant.
L’UNAF souhaite en outre que soient apportées des précisions au décret n° 2009‐572 du 20 mai 2009 relatif à l'audition de l'enfant en justice : - Prévoir expressément que l’audition de l’enfant fait l’objet d’un compte rendu
écrit soumis au principe de la contradiction, établi en prenant en compte l’intérêt de l’enfant ;
- Prévoir la lecture systématique de ce compte rendu à l’enfant et l’informer que ses parents peuvent en avoir connaissance ;
- Préciser que le compte rendu est consultable par les parties ou leur représentant au greffe, et, qu’à défaut, le magistrat peut restituer lui‐même le contenu de l’audition lors de l’audience ;
- Préciser que le compte rendu doit rester au dossier afin de permettre à tout autre juge de première instance ou d’appel d’en prendre connaissance et de statuer en considération de ces éléments soumis à la connaissance des parties et au débat contradictoire ;
- Prévoir que l’audition ne peut se dérouler dans un temps concomitant à l’audience des parties.
- Prévoir l’obligation de convoquer l’avocat lors de l’audition de l’enfant dès lors que ce dernier est assisté d’un avocat.
L’UNAF relève que le magistrat a la possibilité à ce jour soit d’entendre le mineur, soit de
déléguer cette audition à un tiers désigné (Association). Or, certains tribunaux ont systématisé ce recours au tiers désigné.
Pour l’UNAF, ce recours peut être justifié dès lors, par exemple, que l’intérêt de l’enfant exige une rapidité dans la procédure que la charge de travail du magistrat ne permet pas de respecter. Mais ce recours à un tiers doit demeurer une exception. Cette délégation devrait en outre être motivée systématiquement, au regard de l’intérêt de l’enfant.
Enfin, nous constatons que les textes n’obligent pas le magistrat à motiver ses décisions.
L’UNAF souhaite que chaque décision soit motivée, y compris lorsqu’il s’agit de ne pas auditionner un mineur, qu’on estime, dénué de discernement.
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b. … et étendre certains droits procéduraux Concernant l’assistance éducative
Il existe en matière pénale une obligation d’assistance du mineur par un avocat (Ordonnance du 2 février 1945) qui n’existe pas en matière civile.
L’UNAF ne voit pas d’obstacle à ce que soit prévue une telle obligation dans deux autres
cas : celui où l’enfant est victime dans une affaire pénale, et en assistance éducative. En effet, un mineur en danger du fait de l’attitude de ses proches par exemple doit avoir les mêmes droits d’assistance qu’un mineur présumé auteur de faits délictueux ou criminels.
L’UNAF relève en outre une limitation importante des droits de l’enfant dans les procédures
d’assistance éducative. Ainsi, seuls les mineurs doués de discernement ont droit à un avocat et à interjeter appel de la décision. Il en va de même pour ce qui est de la consultation du dossier (Décret n° 2002‐361 du 15 mars 2002).
L’UNAF propose que le droit à l’assistance d’un avocat d’enfant, spécialement formé, soit étendu aux mineurs non doués de discernement dans les procédures d’assistance éducative.
Concernant les procédures disciplinaires scolaires
Le passage d’un enfant devant une commission de discipline est une affaire importante qui peut avoir des conséquences durables sur son parcours. L’UNAF pense que la présence d’un avocat spécialement formé auprès du jeune et de sa famille peut permettre de réintroduire du droit et un équilibre dans des procédures où les familles et les jeunes ont trop souvent l’impression de faire face à une administration toute puissante qui serait à la fois juge et partie.
Or, si la présence de l’avocat est aujourd’hui possible, les textes en vigueur ne précisent pas cette possibilité, qui reste ainsi mal connue, et ce recours à l’avocat demeure en outre difficile pour les familles les moins aisées.
Afin de faciliter l’assistance d’un tiers, et le cas échéant celle d’un avocat, l’UNAF souhaite : - Que les documents expliquant les procédures disciplinaires aux parents
précisent qu’ils ont la possibilité de se faire assister par toute personne de leur choix, dont un avocat ;
- Que soient inscrits, parmi les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les litiges liés aux rapports entre famille et école entrainant un risque d’exclusion et de déscolarisation.
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2.6. Les droits des enfants de parent incarcéré
a. L’accueil de l’enfant de moins de 18 mois en milieu carcéral Actuellement, un mineur peut vivre en milieu carcéral, avec sa mère, jusqu’à ses 18 mois. L’absence de moyens ou de volonté politique conduit aujourd’hui à des constats alarmants,
relevés notamment par les associations, mais aussi récemment par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Lieux exigus non équipés, absence de séparation des quartiers pénitentiaires accueillant les enfants des autres lieux de détention, impossibilité de faire entrer dans le milieu carcéral certains produits destinés aux enfants, sortie de maternité insuffisamment préparée…
L’UNAF souhaite que l’élaboration du projet de loi sur la famille soit l’occasion pour le gouvernement de se prononcer sur les propositions faites par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté afin que soit apportée une réponse satisfaisante aux difficiles conditions de vie de ces enfants vivant auprès de leurs mères incarcérées.
b. Le droit de rencontrer ses deux parents
L’UNAF considère que l’accès de l’enfant à ses deux parents est un droit fondamental qui
nécessite à cette fin un aménagement spécifique du milieu de vie carcérale. Les unités de vie familiale constituent à ce titre le lieu privilégié pour ces rencontres qui doivent pouvoir avoir lieu dès la naissance.
L’UNAF souhaite ainsi leur généralisation, comme le recommande le Contrôleur général des
lieux de privation de liberté dans son rapport d’activité de 2010. L’UNAF considère que l’enfant doit pouvoir entrer et sortir librement du milieu carcéral afin
de rencontrer l’autre parent, titulaire de l’autorité parentale. De même, toute personne autorisée par la mère, doit pouvoir rencontrer l’enfant sans avoir à
obtenir un permis de visite spécifique, comme le prévoit une circulaire de 1999, pas toujours correctement appliquée.
2.7. Les droits de l’enfant hospitalisé Les remarques formulées précédemment valent tout autant dans le cas des enfants
hospitalisés. Ce dernier a droit à ses deux parents, et l’humanisation des lieux de vie sanitaires doit se traduire par une plus grande adaptation au respect de la vie familiale.
L’UNAF et ses représentants au sein des CA des établissements hospitaliers, encouragent le développement des chambres « mère‐enfant » et toutes les solutions complémentaires permettant de maintenir des liens quotidiens entre l’enfant et sa famille.
Nous insistons pour que les parents puissent en outre être associés, s’ils le souhaitent, aux
soins donnés à l’enfant. Cela évite de déposséder le parent, de diminuer les possibles angoisses qui accompagnent l’hospitalisation, tant du côté des parents que de l’enfant.
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Il est tout aussi important que de maintenir les liens entre l’enfant, ses camarades et amis en permettant un accès plus répandu et gratuit aux technologies nouvelles.
L’UNAF relève que les textes relatifs à l’hospitalisation des enfants sont aujourd’hui anciens
(Le dernier date de 1998). Il serait intéressant de les revisiter aujourd’hui sous l’angle des droits de l’enfant et de la parentalité, et, au regard des évolutions sociétales de ces quinze dernières années.
De la même manière, il existe aujourd’hui un droit à la scolarisation des enfants hospitalisés,
mais à notre connaissance aucune évaluation de ce dispositif n’existe. Si tel est le cas, il serait souhaitable de remédier à cette absence.
3. Faire du principe de coparentalité une réalité pour l’ensemble des familles
3.1 Pour une justice familiale plus intégrée Il nous apparaît qu’un « pôle famille », vraiment structuré et identifié au sein du TGI,
contribuerait à la promotion du droit de la famille lui‐même, qui y gagnerait ainsi dans sa dimension de « spécialité ». Il permettrait d’améliorer parallèlement les données statistiques de la justice, en facilitant une observation d’ensemble du champ familial.
L’UNAF propose sur ce dernier point que soit mis en place un dispositif de remontée
régulière des statistiques relatives aux divorces, séparations et aux modalités de partage du temps de l’enfant auprès de ses parents. Les demandes formulées par les parents en amont des décisions devraient aussi être intégrées dans le logiciel utilisé par les juridictions. L’étude réalisée cette année par le ministère de la justice est muette sur ce point.
Dans l’attente d’une mise à niveau des logiciels permettant une collecte au fil de l’eau et la réalisation d’études annuelles, l’UNAF recommande de prévoir des études spécifiques avec une périodicité régulière, par exemple, tous les trois ans. La dernière étude sur la résidence alternée réalisée par le ministère de la justice datait en effet de près de 10 ans…
L’UNAF recommande aussi la spécialisation du Juge aux affaires familiales, ainsi que la délivrance d’une formation obligatoire relative aux problématiques familiales, aux spécificités de l’enfant et à la parole de l’enfant pour tout magistrat amené à occuper cette fonction.
L’UNAF a récemment avancé des propositions en ce sens dans le cadre des travaux initiés par
la Chancellerie sur les « Juridictions du XXIème siècle », et dans le cadre du groupe de travail relatif à l’exercice à la coparentalité après les divorces et séparations. Ces propositions doivent à nouveau être présentées afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics4.
4 Voir le texte de l’audition de F. Fondard devant le groupe de travail « Juridiction du XXIème siècle ». Les conclusions des travaux du groupe de travail sur la coparentalité ne sont pas encore rendues publiques.
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3.2 Permettre aux familles de mieux appréhender les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale
Pour rendre effective la coparentalité, la réponse juridique ne suffit pas à elle seule. Il est
nécessaire de renforcer l’information et l’accompagnement des parents sur les règles applicables en matière d’autorité parentale.
Afin d’accompagner ces derniers, il conviendrait de leur donner les outils nécessaires pour rappeler les grands principes de l’autorité parentale et de son exercice, notamment afin de prévenir les difficultés qui peuvent apparaître lors d’une séparation ou dans le cadre d’une recomposition familiale. Cette information et cet accompagnement doivent se faire avec l’idée constante que c’est aux parents de décider librement du choix et de la façon dont doit être organisée cette coparentalité et ce dans l’intérêt de l’enfant.
a. Quant à l’information
Les dispositifs d’accès au droit comme outil de prévention et de promotion de la coparentalité
Nombre des difficultés rencontrées par les parents au moment des séparations et divorces, ou plus généralement des conflits qui peuvent survenir entre eux, trouvent en partie leur origine dans une méconnaissance de leurs droits réciproques, et de ceux de leur enfant.
Il existe pourtant des lieux d’informations et de conseils, gratuits, déployés sur le territoire,
tels les centres départementaux d’accès au droit (CDAD). Plusieurs UDAF nous signalent que les familles les méconnaissent et que ceux‐ci ne sont pas assez nombreux pour être accessibles. C’est notamment le cas en milieu rural, et plus particulièrement pour les personnes les plus isolées ou les plus en difficulté.
Nous déplorons que cette justice de proximité, qui correspond à un besoin réel et qui offre
un panel de services très variés, ne puisse pas disposer de davantage de lieux d’information, et ne fonctionne pas convenablement partout, faute de moyens !
Les UDAF nous confirment les difficultés de ces structures : ici de moins en moins d’avocats, ou d’éducateurs spécialisés, là, une baisse du budget pour employer du personnel au point d’accès au droit, ou au point info famille …
Nous proposons que les maisons du droit, les UDAF en lien avec les CAF, et les délégués du Défenseur des Droits puissent définir et proposer en commun des actions préventives et spécifiques sur la coparentalité et les droits réciproques des parents et des enfants.
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Brochure d’information à destination des familles
Afin de prévenir les difficultés qui apparaissent entre les parents séparés et qui ne sont souvent que le prolongement des difficultés rencontrées durant la vie conjugale, des brochures d’informations distribuées dans des lieux ressources pourraient être distribuées aux familles Mairies, CAF, PIF, associations familiales…) et de proposer, comme le suggère la note d’analyse du centre d’analyse stratégique, de la détailler sur le portail grand public « info.familles.gouv »5.
Guide sur l’exercice de l’autorité parentale
A l’instar du guide sur « l’exercice de l’autorité parentale en milieu scolaire » réalisé par le ministère de l’éducation nationale6, d’autres guides notamment en milieu hospitalier devraient être donnés à chacun des parents lors de l’inscription de l’enfant à l’école, chez le médecin, les hôpitaux…
Ces guides permettraient une meilleure information tant à l’égard des parents que des professionnels sur les droits et devoirs de chacun, et permettraient ainsi de réduire les conflits existant entre les parents et les institutions.
b. Quant à l’accompagnement L’UNAF souhaite que soient développées les actions de soutien à la parentalité. Les REAAP à
travers l’organisation de groupes de parole et de conférences permettant ainsi aux parents d’échanger sur les questions concernant notamment l’exercice de l’autorité parentale.
c. Donner une dimension pédagogique aux jugements L’incompréhension du vocabulaire juridique et du sens à donner aux jugements rendus, sont
source d’amalgames, d’incompréhensions qui peuvent être à l’origine de conflits entre les parents. Approche juridique des séparations ‐ Juge qui tranche un litige, avocat qui règle une affaire en droit – ne favorise pas les liens entre l’institution judiciaire et le justiciable et au lieu de tendre vers un apaisement des personnes et des situations provoque souvent des souffrances supplémentaires.
Les jugements rendus sont souvent source d’amalgames, qui peuvent favoriser le conflit entre les parents séparés.
Dans l’exercice de sa pratique, Mme Danielle Ganancia, JAF au TGI de Paris, a inséré dans
chaque jugement une formule destinée à rappeler ce qu’implique l’autorité parentale conjointe, formule qui, d’ailleurs, a été reprise par d’autres JAF. Selon elle « la loi ne définit pas le contenu précis de l’autorité parentale conjointe. Le juge doit donc non seulement l’expliciter à l’audience mais, pédagogie exige, l’écrire dans son jugement ».
5 Note d’analyse, centre d’analyse stratégique, octobre 2012, n°294. 6 Site eduscol, « guide relatif à l’exercice de l’autorité parentale en milieu scolaire ».
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Ainsi, dans chaque jugement, il est rappelé que l’exercice de l’autorité parentale implique que les parents ont des devoirs et des droits égaux à l’égard de leur enfant et qu’ils doivent : - « Prendre ensemble les décisions importantes concernant, la santé, l’orientation scolaire, l’éducation
religieuse et le changement de résidence de l’enfant ; - S’informer réciproquement, dans le souci d’une indispensable communication entre les parents, sur
l’organisation de la vie de l’enfant (vie scolaire, sportive, culturelle, traitements médicaux, loisirs, vacances…) ;
- Respecter les liens et les échanges de l’enfant avec l’autre parent. L’enfant a le droit de communiquer librement par lettre ou téléphone avec le parent chez lequel il ne réside pas, celui‐ci ayant le droit de le contacter régulièrement ;
- Respecter l’image et la place de l’autre parent auprès de l’enfant ; - Communiquer, se concerter, et coopérer dans l’intérêt de l’enfant ».
Cette disposition formelle est pédagogique et elle a l’avantage de donner du sens au jugement concernant les droits et les devoirs qu’ont les parents en tant que protecteurs des intérêts de l’enfant. L’UNAF souhaite qu’une formulation telle que celle utilisée par Mme Danielle GANANCIA soit généralisée à l’ensemble des jugements.
d. Les contrats de coparentalité Les conventions passées par les parents et soumises à homologation du JAF devraient être
également adaptées aux difficultés pratiques que rencontrent les parents, ceci afin d’apaiser notamment les conflits à l’occasion d’un divorce ou d’une séparation.
L’UNAF est favorable aux contrats de coparentalité, dès lors qu’ils sont un support à portée pédagogique aidant les parents à l’exercice de l’autorité parentale dans tous les aspects de la vie quotidienne. Ces contrats de coparentalité devraient mettre l’accent sur le rappel des droits et devoirs partagés, et les décliner sur les différents aspects de la vie de l’enfant (Sport, école, vacances…). Ces contrats devraient également mentionner les décisions qui nécessitent l’accord des deux parents.
A l’instar des pays de common law, où sont institués les « parenting plan », le contenu des
contrats de coparentalité pourrait mentionner les principes directeurs de la coparentalité (Respect mutuel des parents, du comportement parental adéquat) et préciser les actes qui nécessitent une prise de décisions communes, ainsi que l’ensemble des aspects pratiques relatifs, pour exemple aux contacts téléphoniques, date d’anniversaire de l’enfant, etc...
Son contenu est toutefois laissé à l’appréciation des parties.
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Le contrat de coparentalité pourrait être annexé au jugement. Le juge homologuerait alors l’accord des parents sur les aspects qui relèvent de sa compétence (Résidence de l’enfant…) et inviterait les parties à se référer au contrat de coparentalité conclu entre ces derniers pour les aspects qui ne relèvent pas de sa compétence.
3.3 Développer la médiation familiale
Le principe même de la médiation vise à restaurer la communication et à préserver les liens entre les personnes et plus particulièrement les membres de la famille.
Le champ d’intervention de la médiation familiale va donc au‐delà des simples ruptures conjugales et concerne l’ensemble des situations de ruptures familiales (Médiation intergénérationnelle, rupture enfant‐parent...).
Pour l’UNAF, la médiation familiale devrait pouvoir être entamée le plus en amont possible afin d’éviter que le conflit dégénère et se fige, dans bien des cas dans un débat judiciaire. Plusieurs dispositifs pourraient favoriser le recours à la médiation familiale en amont de toute procédure judiciaire : - une plus grande diffusion sur les sites internet ; - la mise à disposition de brochures sur la médiation et la liste des médiateurs familiaux dans les mairies, écoles, associations, Caf… ; - une orientation par les professionnels ; - le lancement d’une campagne de promotion de la médiation familiale ; - Le recours à la médiation pourrait également être favorisé grâce à la mention dans les conventions parentales ou les contrats de coparentalité du recours à la médiation familiale lors de la survenance d’une difficulté entre les parents sur des questions liées à l’exercice de l’autorité parentale.
Pour l’UNAF, la mise en œuvre de la médiation familiale dans le cadre des procédures judiciaires, doit se préparer et se travailler collectivement.
Elle suppose un partenariat de tous les acteurs du litige familial (juges, greffiers, avocats, notaires, médiateurs familiaux) réunis par le président du tribunal de grande instance, de concert avec le bâtonnier de l’ordre des avocats.
Ce partenariat doit permettre à chaque acteur de définir son rôle et sa place. Elle doit permettre pour les parents d’identifier le médiateur comme un tiers neutre, et indépendant du cadre judiciaire.
Par ailleurs, pour l’UNAF, il est nécessaire d’assurer la qualité et la spécificité du service en confortant le diplôme de médiateur familial. L’UNAF souhaite que seules les personnes qui sont titulaires de ce diplôme puissent conduire un processus de médiation familiale, quelle que soit leur profession d’origine. Il s’agit d’assurer à toutes les familles un égal accès à la médiation, mais aussi de renforcer la légitimité du médiateur familial et la lisibilité de ses compétences propres.
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La médiation familiale, dans le cadre des séparations conjugales, est l’occasion de rétablir un dialogue entre les époux, qui permet parfois d’évoluer vers un divorce moins contentieux, voire vers un divorce par consentement mutuel.
Elle favorise également l’exercice en commun de l’autorité parentale et l’affirmation d’une responsabilité durable des parents, quelle que soit l’histoire de leur couple. La médiation familiale permet aux parents de se réapproprier un espace de propositions parentales communes qu'ils pourront soumettre au magistrat.
Elle permet d’apaiser le conflit par‐delà la seule question du litige, donnant plus de force aux décisions prises à l’occasion de la séparation.
Elle permet aux justiciables, dans le cas où une procédure devant le juge est engagée, d’accéder directement à la médiation familiale depuis l’institution judiciaire.
Les 2/3 des médiations familiales sont dites conventionnelles, c’est‐à‐dire à l’initiative des parents. Pour le 1/3 restant, il s’agit de médiations familiales judiciaires.
L’UNAF partage le souhait du Ministre de la Famille et du Ministre de la Justice de promouvoir davantage ce mode de résolution amiable des conflits dans le domaine familial.
a. La médiation « préalable obligatoire »
L’UNAF propose d’étendre l’expérimentation de la médiation « préalable obligatoire » menée par le TGI d’ARRAS.
En effet, de septembre 2008 à septembre 2013, le TGI d’Arras, à l’initiative de Daniel COQUEL,
Président du TGI d’Arras et magistrat coordinateur, a mis en place en partenariat avec l’UDAF 62, et à titre d’expérimentation, une médiation préalable obligatoire à l’audience du JAF dans les cas des séparations et, après divorce.
La procédure est la suivante :
Après dépôt de la requête, les parents reçoivent une première information de la médiation familiale grâce à l’envoi d’un dépliant joint au courrier adressé aux parents les convoquant devant le médiateur familial. Un seul courrier est envoyé aux parents fixant la date et l’heure de la médiation ;
Les parents rencontrent le médiateur dans un espace neutre ;
Les parents sont libres d’accepter ou de refuser cette médiation.
En l’absence d’un ou des parents, la médiation est reportée à une date ultérieure ;
En l’absence d’adhésion ou en cas de refus d’un ou des parents, le juge statue immédiatement, ou reporte une date ultérieure ;
Le juge ne tire aucune conséquence du refus des parties, aucune sanction n’est prévue ;
En cas d’accord entre les parties, et en vue de l’homologation de leur accord, les parents peuvent choisir de rencontrer le magistrat, ou, de déposer leur accord au greffe qui sera homologué par le Juge ultérieurement.
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Cette expérimentation a permis d’aboutir à des résultats satisfaisants dans la mesure où sur les 2252 dossiers confiés au Médiateur, 1182 médiations ont pu être réalisées dont 89% seront homologuées par le JAF.
En septembre 2013, cette expérimentation sera définitivement interrompue à la demande de
la chancellerie et remplacée par les deux nouvelles expérimentations dites de la « double convocation » et, de la tentative de médiation préalable obligatoire dans les instances modificatives.
L’UNAF regrette, au regard des résultats relativement positifs de l’expérience du TGI
d’Arras, que cette expérimentation n’ait pas été portée par la Chancellerie et mise en place dans d’autres TGI afin d’évaluer la reproductibilité, ou non, de celle‐ci.
Une telle démarche aurait permis de confronter les résultats de cette démarche expérimentale aux autres expérimentations initiées ; ceci, sous réserve d’un accord préalable sur les attendus de chaque expérimentation et sur le choix des indicateurs utilisés pour l’évaluation des dispositifs. Tel n’est pas le cas à ce jour, et nous le regrettons.
b. Les limites de la double convocation et de la médiation préalable obligatoire telles que mises en place par la Chancellerie.
Deux démarches expérimentales ont été mises en œuvre par le ministère de la Justice, en
application des arrêtés du garde des Sceaux du 16 mai 2013 relatives à la « double convocation » et à la médiation préalable obligatoire ».
Concernant l’expérimentation de la « double convocation», l’UNAF reste réservée quant aux
modalités d’application de ce dispositif qui ne semble pas favoriser la poursuite de la médiation familiale par les parents.
Plusieurs TGI ont déjà mis en place à ce jour un dispositif comparable. Or, les remontées d’information concernant l’impact de la double convocation sur la poursuite vers la médiation familiale, paraissent varier d’un TGI à l’autre, rendant difficile la mise en exergue des éléments favorisant ou non la poursuite vers la médiation familiale. C’est ce dernier point qui aurait du faire l’objet d’une évaluation.
L’UNAF est tout aussi réservée sur la seconde démarche expérimentale prévue par arrêté
du 16 mai 2013. Il s’agit dans ce cas d’une médiation préalable obligatoire, imposée avant la saisine du JAF, dès lors que celle–ci a pour objet de modifier la fixation des modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou de la contribution à l’entretien et à l’éducation de leur enfant. A défaut du recours des parents à la médiation familiale, le magistrat doit alors observer une irrecevabilité de leur requête.
En effet, pour l’UNAF prévoir une sanction en cas de refus des parents de rencontrer un
médiateur risque d’avoir des effets pervers : modification de l’esprit de la médiation familiale, formalisation de la démarche sans implication véritable, accord de façade, augmentation du conflit…
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c. Sur l’obligation à l’entretien d’information dans les cas de séparations et de divorces
L’UNAF est favorable à cette disposition à la condition toutefois et ce notamment au regard des propositions qui ont été faites dans le cadre des expérimentations citées ci‐dessus : - que cette obligation ne soit pas assortie d’une sanction, au risque d’avoir des
effets pervers et de porter atteinte aux principes directeurs de la médiation familiale ;
- que cette obligation ne se limite pas à une seule information mais permette, en cas d’adhésion des parties, d’engager dans le même temps une médiation.
d. Les autres pistes envisageables pour favoriser le recours à la médiation familiale et éviter le dépôt de requêtes modificatives
D’autres pistes pourraient être envisagées afin d’amener les parents à recourir à la médiation familiale lorsqu’une difficulté apparait quant à l’exercice de l’autorité parentale.
C’est ainsi que l’UNAF soutient les propositions faites des UDAF 35 et 49, en proposant d’ajouter à la mention prévue dans les décisions de justice initiales : « Sauf meilleur accord entre les parties » la mention suivante « ou élaboré dans le cadre d’une médiation familiale… ».
Cette proposition permettrait d’amener les parties vers la médiation familiale et de limiter le dépôt de requêtes modificatives.
Par ailleurs, dès le dépôt d’une requête concernant les modalités d’exercice de l’autorité parentale, une information par courrier pourrait être adressée aux parties sur la médiation familiale.
Il conviendrait que ces propositions s’articulent avec l’obligation faite aux juges d’informer lors de l’audience de la possibilité de recourir à la médiation familiale en cas de difficulté.
e. Médiation familiale et Juge pour enfant
A contrario du juge aux affaires familiales, il n’existe aucune dispositions spécifiques
permettant au juge des enfants de désigner un médiateur familial. Seul un article du Code de procédure civile prévoit la possibilité pour les juges de recourir à la médiation.
L’UNAF constate que les juges pour enfants recourent ainsi rarement à la médiation, alors même que, par nature, nous nous retrouvons dans des situations souvent problématiques où, d’une part, l’intérêt de l’enfant peut être contraire à celui des parents, et où, d’autre part, les cas de conflits conjugaux/parentaux sont largement surreprésentés en comparaison avec la population générale.
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L’UNAF est ainsi favorable à ce que le juge des enfants ordonne une mesure de médiation familiale dès qu’il la pense utile. Nous préconisons donc que ce magistrat soit particulièrement sensibilisé à cette possibilité, qui lui permet d’ordonner une médiation : - à titre principal, dans le souci de favoriser un règlement apaisé du conflit et ce,
avant l’application éventuelle de mesures plus contraignantes ; - en complément d'une mesure éducative.
En amont, il serait souhaitable que les travailleurs sociaux intervenant dans le domaine de la protection de l’enfance soient sensibilisés, en cas de conflits parentaux, sur l’utilité d’avoir recours à un médiateur familial ; soit en orientant directement les parents vers le médiateur, soit en le proposant au juge, par exemple à l’occasion du rapport de situation qui lui est adressé.
f. Assurer le financement des services de médiation familiale Pour l’UNAF, il est essentiel que la réflexion autour du développement de la médiation
familiale soit faite en tenant compte des financements alloués aux services de médiation familiale. Sur cette question, l’UNAF souhaite attirer l’attention sur le retrait des financements de la
DGCS à partir de janvier 2014, concernant la médiation familiale. Si les financements issus de la branche famille vont augmenter dans le cadre de la COG Etat‐CNAF, il n’en demeure pas moins que l’objectif fixé dans cette COG, à savoir le doublement des mesures de médiation, sera difficile à atteindre. Par ailleurs, à ce jour aucune indication n’est faite quant aux autres financeurs et notamment le ministère de la Justice. Dès lors que l’Etat se retire des financements, la participation des conseils généraux, qui est facultative, risque aussi d’être fragilisée.
Pour l’UNAF, pour favoriser le développement de l’offre il est nécessaire d’améliorer les financements des services de médiation familiale : ‐ en renforçant la prestation de service versée par les Caf et en stabilisant les financements ; ‐ en revalorisant le prix plafond et veiller à ce qu’il soit régulièrement réactualisé ; ‐ en mobilisant un engagement pérenne de l’ensemble des financeurs impliqués dans les comités de financement.
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3.4 Résidence alternée
a. Les positions de principe La résidence alternée est la conséquence logique de l’inscription de la loi du principe de
coparentalité, en ce sens qu’elle constitue la modalité de partage des temps de l’enfant la plus à même de faire de ce principe une réalité.
C’est au regard de cette position, défendue par l’UNAF, que notre institution conçoit la
nécessité de clarifier la place et le rôle de chacun. Or, une confusion existe aujourd’hui sur la notion de résidence alternée, qui est souvent
assimilée à un partage de temps strictement égalitaire.
Si l’UNAF est favorable à la résidence alternée, elle milite avant tout pour que soit inscrit, dans la loi, le principe d’un partage du temps auprès de l’enfant, sans pour autant que celui‐ci soit égalitaire. Le magistrat doit pouvoir statuer en fonction des particularités de chaque situation, en fonction d’un intérêt de l’enfant qui ne peut être estimé qu’au cas par cas (âge de l’enfant, éloignement géographique, nature du conflit parental…).
Pour l’UNAF le terme de résidence alternée pourrait ainsi lui‐même être remplacé par un autre terme qui rende davantage compte de l’éventail des modalités d’exercice de cet « accueil ». Ainsi pourrions‐nous parler, par exemple, de « fixation des conditions » ou de « modalités » de partage de l’accueil de l’enfant.
L’UNAF est donc opposée à ce que la résidence alternée paritaire soit inscrite dans la loi comme étant le principe de base.
Enfin, l’UNAF est favorable à ce que soit modifié le terme même de « résidence alternée » et de « droits de visite et d’hébergement » et, qu’il ne soit réservé qu’à des situations relevant d’une décision volontairement « limitative », justifiée par la protection de l’enfant, et prononcée par le Juge des enfants.
Les droits de visites et d’hébergement, même étendus, ne sont pas perçus par les justiciables
comme des droits entiers. Ni par celui qui en « bénéficie », ni par le parent qui a la résidence principale : ce dernier en vient très souvent à penser que l’autre parent ne partage pas les différents attributs de l’autorité parentale.
Pourtant, dans les faits, il peut n’y avoir que très peu de différence entre un droit de visite et d’hébergement étendu et un prononcé de résidence alternée. Une même modalité de partage de l’accueil de l’enfant, par exemple 5 nuits sur 14 jours (comme cela semble être parfois le cas) peu légalement être qualifiée par le magistrat de résidence alternée ou de droit de visite et d’hébergement à l’égard du parent qui aurait moins souvent l’enfant à son domicile. Dans les faits, toutefois, c’est la deuxième solution qui sera généralement choisie par le JAF.
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Pourquoi ne pas étendre le terme de résidence alternée à ces situations ? Cela permettrait symboliquement de regrouper sous un même terme le mode d’accueil, rétablissant une forme d’égalité en droit pour les deux parents. Ne serait‐ce pas une source d’apaisement des conflits, ainsi que de reconnaissance des droits des uns et des autres ?
Une telle solution aurait en outre le mérite de permettre l’accès des deux parents à des droits fiscaux et à une possibilité de partage des allocations familiales (uniquement possible si le magistrat qualifie le mode de résidence de résidence alternée, même si celle‐ci n’est pas paritaire).
b. Quelles contre-indications à la résidence alternée ?
Concernant le non versement des pensions alimentaires :
L’UNAF affirme fortement que la décision de résidence alternée, ou le simple exercice des droits de visites et d’hébergement, ne doivent pas être conditionnés par le respect de l’obligation parentale d’entretien, ou du versement de la pension alimentaire.
Une telle disposition reviendrait à faire de la résidence alternée une forme de droit pour les
parents dont serait privé celui qui ne s’affranchirait pas de certaines obligations à l’égard de l’autre. Par ailleurs, quel est le lien entre le paiement de la pension alimentaire et la capacité du
parent à « permettre le développement de l’enfant dans le respect dû à sa personne » ?
L’UNAF estime que l’intérêt de l’enfant ne peut et ne doit être mis en balance. S’il y a un conflit lié au paiement de la pension alimentaire, il doit être réglé indépendamment, dans le cadre de procédures dédiées, et autrement qu’en privant éventuellement l’enfant de son droit à vivre durablement avec ses deux parents dans une relation de quotidienneté, fût‐elle parcellaire.
Concernant la présence d’un conflit parental : Pour l’UNAF, le constat d’un conflit entre les parents ne peut justifier, en soi, un
empêchement à la résidence alternée, même s’il peut la rendre plus difficile, et éventuellement y faire échec du fait de l’incapacité à communiquer qui accompagne le dit conflit.
Dans le cas contraire, cela reviendrait à déléguer de facto, en quelque sorte, la décision à
celui des deux parents qui, refusant la résidence alternée, se sentirait en position de force. C’est l’intérêt de l’enfant qui doit rester le critère déterminant.
L’UNAF considère ainsi que le conflit n’est pas indépassable. Il est possible par exemple
d’ordonner parallèlement une médiation familiale pour y remédier. L’UNAF souligne aussi qu’en l’absence de résidence alternée, le choix concurrent des droits
de visites et d’hébergement n’apporterait pas de solution plus convaincante. En effet, dans une telle situation l’enfant est tout aussi contraint à des déplacements, à être témoin du conflit, etc…
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Il peut être aussi intéressant d’ordonner une résidence alternée, précisément lorsqu’il y a un conflit parental, afin de prévenir l’éviction d’un des deux parents du fait de l’attitude, de la tentative d’obstruction, de l’autre.
Concernant la question de la présence maternelle et celle de l’âge de l’enfant : L’UNAF considère que le père et la mère peuvent constituer des figures principales
d’attachement pour les jeunes enfants. La condition de maternité ne peut ainsi être en soit un critère pour refuser la résidence alternée.
Les conditions d’un bon développement de l’enfant en bas âge nécessitent pour leur part
une stabilité, si ce n’est une permanence, de la figure d’attachement principale mais aussi du cadre de vie. En conséquence, un mode d’accueil principalement fixé chez l’un ou l’autre des parents est sans nul doute préférable à la résidence alternée durant les toutes premières années de la vie de l’enfant.
Par ailleurs, les droits de visites et d’hébergement, induisent également une modification dans le rythme de vie du jeune enfant. Ils ne garantissent donc pas cette nécessaire stabilité du rythme de l’enfant.
L’UNAF estime préférable qu’il ne soit accordé au parent qui n’héberge pas l’enfant en bas âge, que des droits de visite sans hébergement durant les premiers mois de la vie de l’enfant. Toutefois, parce qu’il est primordial pour le développement de l’enfant qu’il se construise très tôt une qualité d’attachement satisfaisante avec les deux parents, il est important que ces droits de visites soient suffisamment longs et réguliers.
Concernant l’incapacité d’un parent :
Le fait de bénéficier d’une mesure de protection des majeurs n’a aucune incidence sur l’autorité parentale.
Pour l’UNAF, cela ne peut donc justifier en soi le refus d’une résidence alternée.
La situation individuelle doit être estimée de manière spécifique au regard de l’intérêt de l’enfant, en ayant éventuellement recours aux moyens d’investigations mis à l’usage du JAF.
3.5 Pensions alimentaires
l’UNAF est favorable à l’utilisation du barème indicatif des pensions alimentaires qui existe à ce jour, mais elle estime qu’il serait possible de l’améliorer en tenant compte non seulement des ressources du débiteur, mais aussi de celles du créancier ; sans toutefois prévoir une exonération totale de la contribution à la charge d’enfant.
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Pour l’UNAF, l’intérêt de l’enfant doit être premier, de sorte que s’il y a un conflit lié au paiement de la pension alimentaire, il doit être réglé indépendamment, dans le cadre de procédures dédiées, et autrement qu’en privant éventuellement l’enfant de son droit à vivre durablement avec ses deux parents dans une relation de quotidienneté, fût‐elle parcellaire.
Les droits de visites et d’hébergement ou la résidence alternée ne doivent donc pas être strictement conditionnés par le versement ou non de la pension alimentaire.
En cas de non paiement, l’UNAF rappelle que les CAF peuvent se subroger dans les droits du
parent créancier d’aliments lorsque l’autre parent se soustrait à ses obligations et engager à cette fin toute action contre le parent débiteur. L’allocation de soutien familial est alors versée à titre d’avance.
Cette intermédiation et cette mise à distance des deux parents permettent de protéger non seulement le parent créancier, mais aussi l’enfant.
A noter que le projet de loi « Egalité femme – homme » prévoit des dispositions visant à
améliorer ce dispositif.
3.6 Faire de la coparentalité une réalité juridique et sociale : accompagner les évolutions du droit civil de la famille de nouveaux droits sociaux
Pour l’UNAF, la valorisation de la coparentalité doit s’accompagner de mesures visant à garantir un meilleur équilibre entre les deux parents, tant sur le plan des prestations sociales et familiales (Ex : partager les allocations), qu’au niveau de la politique fiscale, ou qu’en matière d’accès au logement social.
a. Fiscalité L’UNAF souligne l’iniquité d’un dispositif fiscal qui, dans les cas de résidence alternée, ne
permet pas au parent débiteur d’une pension alimentaire de bénéficier à la fois d’une majoration du quotient familial liée à la présence d’enfants, et de la déduction de cette somme versée – de sorte que le parent en question va payer l’impôt sur le revenu sur une somme qu’une décision de justice lui interdit pourtant de disposer.
Inversement, le parent bénéficiaire de la pension va, dès lors qu’il est imposable, devoir payer un montant d’impôt sur cette somme qui se trouve ainsi deux fois imposée.
b. Prestations sociales et familiales Aujourd’hui, seul le partage des allocations familiales stricto sensu est possible, dans les cas
de résidence alternée, lorsque les parents le demandent. Cela ne permet pas l’accès à la coparentalité pour tous. Peut‐on admettre pour exemple qu’un enfant handicapé ne puisse vivre chez ces deux parents au motif que l’un des deux n’a pas les moyens matériels d’un accueil qui serait pourtant possible si les deux parents pouvaient recevoir l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ?
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Une réflexion mérite d’être engagée afin d’accompagner les évolutions du droit civil d’un accès à de nouveaux droits sociaux et familiaux susceptibles de les rendre effectifs pour tous les couples divorcés ou séparés, au bénéfice de tous les enfants se trouvant dans cette situation.
4. Le tiers auprès de l’enfant
Sur la question des droits des tiers, l’UNAF a toujours été favorable aux dispositions destinées à faciliter la vie quotidienne des familles, mais à la condition que l’autorité parentale ne devienne pas une propriété disponible pour les parents, voire les tiers, ce qui serait contraire à l’intérêt de l’enfant. Aussi, un risque de transformation de l’idée même de la famille où l’autorité parentale serait une conséquence des seuls liens affectifs, introduisant ainsi le trouble et l’ambiguïté dans l’identification de ses parents par l’enfant, serait contraire à l’intérêt de l’enfant.
Pour l’UNAF, c’est en raison de la participation de cette personne à l’éducation de l’enfant,
que le rôle et la place du tiers doivent être reconnus.
4.1 Clarifier les actes usuels Pour l’UNAF, développer l’information et l’accompagnement des parents dans l’exercice de
l’autorité parentale tant au point de vue de l’accompagnement que de la clarification des actes juridiques, permet de faciliter le rôle du tiers qui participe à l’éducation de l’enfant. Le plan parental doit s’inscrire dans cette dynamique.
Pour l’UNAF et afin de faciliter la place du tiers qui exerce de fait des responsabilités
éducatives, la définition des actes usuels doit être clarifiée. L’article 371‐1 du Code civil dispose que « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de
devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». L’autorité parentale apparaît ainsi comme une mesure de protection de l’enfant.
Quel que soit le statut du couple (marié, pacsé ou vivant en concubinage), depuis 2002,
l’autorité parentale est exercée en commun par les père et mère (art. 372 C.Civ) et la séparation des parents est « sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale » (art. 373‐2).
Pour faciliter cet exercice conjoint de l’autorité parentale au quotidien, la loi prévoit une
présomption d’accord pour « les actes usuels » : « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait un acte usuel de la vie courante relatif à l'enfant » (art. 372‐2 C.Civ).
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L’UNAF considère qu’il n’y a pas lieu d’établir une liste des actes usuels, car ceci entrainerait de facto un risque de voir les parents s’affranchir de chercher l’accord de l’autre pour exercer ces actes alors même que la loi incite les parents à s’entendre sur tous les aspects de la vie de leur enfant, quels qu’ils soient. Une telle disposition irait ainsi à l’encontre du principe de coparentalité.
Pour l’UNAF, sans dresser une liste des actes usuels, il serait toutefois possible de les clarifier. Elle propose ainsi d’inscrire dans le Code civil la définition des actes usuels telle que formulée par la cour d’appel d’Aix‐en‐Provence dans un arrêt de 2011. Les actes usuels seraient ainsi définis comme étant : « Les actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l’enfant, ou encore, même s’ils revêtent un caractère important, des actes s’inscrivant dans une pratique antérieure non contestée ».7
4.2 Des réponses déjà existantes
Les solutions aux difficultés éducatives rencontrées dans le cas des familles recomposées ne sont que très partiellement à rechercher dans le droit civil de la famille, dans la création d’un statut juridique.
C’est avant tout dans les pratiques et les interactions quotidiennes que se construisent chaque jour le statut social et la place de chacun des adultes vivant auprès de l’enfant. C’est en proposant ainsi des actions de soutien à la parentalité, ancrées sur les réalités quotidiennes des familles, que la collectivité peut réellement aider les tiers, notamment les beaux‐parents, à se construire une place auprès des enfants d’une précédente union, et inversement.
Toutefois, certains aménagements juridiques méritent d’être pensés, tout en prenant acte de
l’existant. L’UNAF rappelle qu’à ce jour, le droit positif permet déjà au beau‐parent d’obtenir :
- Un droit de visite et d'hébergement après la séparation d'avec le parent de l'enfant (C.Civ., art. 371‐ 4). Depuis la loi du 17 mai 2013, le second alinéa de l’article 371‐4 vise expressément le droit du beau‐parent, « le tiers qui a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, à pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a
noué avec lui des liens affectifs durables ». Sous cette expression le législateur désigne le « beau‐parent » qui a partagé pendant un temps certain la vie de l’enfant.
- La garde de l'enfant en cas de décès du parent qui en avait la garde (C.Civ., art. 373‐3), - Mais surtout le droit d'exercer ou de partager l'autorité parentale avec l'un des deux
parents ou les deux du fait de la délégation totale ou partage (C.Civ., art. 377‐1 : cf. supra).
L’UNAF est favorable au maintien tel quel de ces dispositions dont la mise en œuvre doit
rester toujours motivée par l’intérêt de l’enfant. Il est important que ce droit reste motivé par l’intérêt de l’enfant et ne devienne par un droit du tiers à maintenir des relations avec l’enfant. En aucun cas le beau‐parent ne doit se voir reconnaître un droit automatique à maintenir des relations avec l’enfant.
7 Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre des mineurs, 28 octobre 2011.
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L’inscription d’un statut du tiers prenant la forme de dispositions générales dans le droit positif est inutile.
En revanche, les contrats de coparentalité pourraient clarifier le cas échéant les actes de la vie quotidienne pour lesquels des tiers pourraient agir (nouveau conjoint d’un des parents par exemple), et constituer ainsi un outil de prévention des conflits, mais aussi de reconnaissance. D’autre part, afin que le tiers puisse obtenir une légitimité juridique dans la réalisation des actes effectués pour les besoins de l’enfant il convient de favoriser le recours à la délégation partage et d’en faire un dispositif propre et distinct de la délégation totale ou partielle de l’autorité parentale.
4.3 Faciliter le recours à la délégation-partage de l’autorité parentale
Deux dispositions du code civil permettent d’exercer totalement ou partiellement l’autorité
parentale sur l’enfant (délégation totale ou partielle de l’autorité parentale) et l’autre de la partager avec l’un des deux parents (délégation partage) Rappelons que ces mesures ne concernent pas seulement le beau‐parent et peuvent être mises en œuvre au bénéfice d’autres tiers (grands‐parents, oncle, tante…).
Les effets de la délégation totale ou partielle de l’autorité parentale et de la délégation
partage sont différents. En cas de délégation totale ou partielle, les parents demeurent titulaires de l’autorité parentale mais renoncent à l’exercer en la déléguant au profit d’un tiers.
En cas de délégation partage, le ou les parents partage(nt) son autorité parentale avec un tiers mais reste(nt) titulaire(s) de l’exercice de l’autorité parentale et il(s) continue(nt) de l’exercer.
A ce jour, le dispositif de la délégation est une mesure qui est justifiée par des circonstances
particulières, notamment en cas d’impossibilité pour le ou les parents d’exercer l’autorité parentale. Elle vise à pallier de façon temporaire l’incapacité du ou des parents à exercer cette autorité en la déléguant à un tiers. Cette délégation peut‐être volontaire, à la demande du ou des parents ou, forcée à la demande d’un tiers.
La délégation partage de l’autorité parentale telle que prévue à l’article 377‐1 du code civil se
présente comme une déclinaison de la délégation classique alors qu’elle est une idée innovante.
L’article 377‐1 alinéa 2 concernant la délégation partage est ainsi rédigé : « Toutefois, le jugement de délégation peut prévoir, pour les besoins d'éducation de l'enfant,
que les père et mère, ou l'un d'eux, partageront tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale avec le tiers délégataire. Le partage nécessite l'accord du ou des parents en tant qu'ils exercent l'autorité parentale. La présomption de l'article 372‐2 est applicable à l'égard des actes accomplis par le ou les délégants et le délégataire.
Le juge peut être saisi des difficultés que l'exercice partagé de l'autorité parentale pourrait générer par les parents, l'un d'eux, le délégataire ou le ministère public. Il statue conformément aux dispositions de l'article 373‐2‐11 »
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Le partage de l’autorité parentale présente donc l’avantage :
‐ De ne pas dessaisir le ou les parents de l’exercice de l’autorité parentale qui tout en la partageant continue(nt) de l’exercer.
‐ De poser comme condition à sa mise en œuvre l’accord des deux parents en cas d’exercice commun de l’autorité parentale, et qu’elle soit justifiée pour les besoins de l’éducation de l’enfant.
‐ De poser une présomption quant aux actes de la vie courante effectués par le tiers délégataire à l’égard des tiers.
‐ De prévoir le recours devant le juge, en cas de difficulté sur l’exercice partagé. L’assouplissement de la procédure et des conditions de la délégation‐partage est une
possibilité offerte au législateur pour permettre aux enfants vivant auprès d’une famille dite recomposée de leur voir reconnues des prérogatives et obligations parentales, sans avoir à modifier par ailleurs les règles du droit de la filiation.
Afin d’aménager l’exercice de l’autorité parentale pour un tiers ayant la charge effective de l’éducation de l’enfant (Indépendamment de l’orientation sexuelle du couple dans lequel il vit), la délégation‐partage de l’autorité parentale au profit de l’autre membre du couple, marié ou non, pourrait être facilitée par la loi, tant du point de vue procédural que des conditions de mise en œuvre.
Pour autant, le partage de l’autorité parentale doit être un dispositif propre distinct de la
délégation. En effet, la délégation classique qu’elle soit volontaire ou forcée vise les situations où l’un des parents en raison de circonstances particulières ne peut exercer cet exercice. Or, la délégation ici ne vise pas une circonstance particulière ou une incapacité mais une organisation de l’enfant justifiée pour les besoins de l’enfant. La portée de cet article est donc source de confusion, puisque la délégation est soit utilisée comme venant sanctionner la défaillance de l’un des parents soit utilisée pour organiser la vie de l’enfant.
Pour l’UNAF, sans modifier les dispositions juridiques sur le partage de l’autorité parentale, il conviendrait de distinguer clairement dans le code ces deux dispositifs ‐ celui de la délégation totale et partielle et celui de la délégation de partage de l’autorité parentale – en créant deux articles distincts.
Pour l’UNAF, et afin de rendre plus souple la procédure de délégation partage, une convention de délégation partage pourrait être simplement soumise à homologation du JAF, voire même à une simple validation devant le greffe. Plusieurs conditions pourraient être respectées et contrôlées dans un cas comme dans l’autre : - que cette demande soit justifiée pour les besoins d’éducation de l’enfant ; - le consentement libre et éclairé de chacun des parents ; - l’exigence d’une durée minimum de vie commune, d’une stabilité effective
probante, ou d’une relation continue avec l’enfant. Afin de prévenir tout conflit dans le cadre de la délégation possible, et d’en protéger ainsi l’enfant, l’intervention du médiateur familial, ou de l’avocat dans la rédaction de la convention est une piste à envisager.
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Par ailleurs, le partage de l’autorité parentale prendrait fin suite à la séparation, en cas de nouvelle recomposition familiale, soit à la demande du tiers ou de l’un ou des deux parents. Elle devrait alors être constatée par le juge.
Elle prendrait fin dans tous les cas à la majorité de l’enfant.
4.4 Faciliter les dons et legs Aujourd’hui le beau‐parent qui souhaite donner à l’enfant de son ou sa partenaire est soumis
à un taux d’imposition de 60 %, sans bénéfice des abattements – c'est‐à‐dire indépendamment du montant de la donation.
L’UNAF est favorable à ce qu’un adulte ayant contribué à l’entretien et à l’éducation de l’enfant de son conjoint ou de sa partenaire puisse bénéficier de nouveaux avantages fiscaux en matière de libéralités, sous réserve qu’il soit marié ou pacsé avec le parent de l’enfant depuis un certain nombre d’années et que ces avantages n’entament pas les droits des enfants dont la filiation est établie à l’égard du parent. Dans ce cadre, l’UNAF propose ainsi que le beau‐parent puisse bénéficier du même régime fiscal accordé aux parents et à leur enfant. Les dons et les legs ne concerneraient que la quotité disponible.
L’UNAF tient à souligner que dans le cadre de l’adoption simple, le parent adoptif peut
donner ou léguer un bien à l’adopté en bénéficiant d’avantages fiscaux. Or, la jurisprudence considère toutefois, qu’une demande d’adoption motivée par la volonté
de transmettre un bien à l’adopté est contraire au but poursuivi par l’institution. La demande d’adoption à des fins exclusivement successorales ou fiscales sera donc rejetée par le législateur afin d’éviter notamment un détournement fiscal de l’adoption simple. Si on ne peut comparer les dons et legs dans le cadre l’adoption simple à la situation du beau‐parent, la question du détournement des règles fiscales se pose toutefois.
C’est la raison pour laquelle, la reconnaissance d’un allègement fiscal sur les biens que le
beau‐parent souhaite donner ou léguer à l’enfant de sa ou son partenaire, doit être encadrée par la loi et soumise à des conditions strictes.
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5. Offrir aux parents en difficultés les moyens de satisfaire aux besoins de leurs enfants
L’UNAF tient à rappeler que l’article 18 de la CIDE dispose que la responsabilité d’élever un
enfant incombe en premier lieu aux parents ou à ses représentants légaux, lesquels doivent être guidés par l’intérêt de l’enfant. En contrepartie de ce principe, l’UNAF considère que l’Etat doit à l’enfant de soutenir autant que faire ce peut les parents dans leur fonction parentale.
Cela passe par l’amélioration des conditions matérielles d’existence des familles, qui peut se décliner sur des points précis directement en lien avec les questions liées à la protection de l’enfance, et par le respect des droits des parents.
Les éléments de connaissances disponibles dans la littérature scientifique montrent d’ailleurs que ces deux dimensions sont étroitement liées, le non‐recours au droit étant sur‐représenté chez les familles pauvres.
5.1 Sur les fondements de la protection de l’enfance
L’UNAF est favorable à une conception élargie de la protection de l’enfance inscrite dans la réforme de 2007.
L’UNAF se retrouve pleinement dans l’esprit de la loi 2007‐293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance de 2007 qui indique dans son article premier que la protection de l’enfance « a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs ».
Les parents sont ainsi les premiers acteurs de la protection de l’enfance et se doivent d’être
aidés à cette fin par la collectivité. Car la protection de l’enfance est aussi l’affaire de tous. Elle prend appui sur la qualité du contexte environnemental et sur l’enrichissement et le développement du tissu social pour se structurer dans le cadre de la politique familiale autour des dispositifs de soutien à la parentalité, et dans le cadre des politiques sociales, éducatives et judiciaires, tant au niveau de l’aide sociale à l’enfance qu’en matière de justice pénale des mineurs.
En ce sens, la question du bien‐être de l’enfant doit intéresser la quasi‐totalité des ministères.
5.2 Conditions matérielles d’existence : un pré-requis à l’action psycho-socio-éducative
Les situations d’enfance en danger sont des situations complexes, où se cumulent les
difficultés. Elles ont toutefois en commun d’être caractérisées dans la majorité des cas par une précarité économique et matérielle. Trop souvent, une action psycho‐socio‐éducative est proposée sans autre forme d’accompagnement véritable permettant d’agir sur les conditions matérielles d’existence des familles.
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a. Améliorer le recours à l’accompagnement budgétaire des familles dans l’intérêt de l’enfant
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a créé la mesure judiciaire d’aide à
la gestion du budget familial (MJAGBF), en remplacement de l’ancienne tutelle aux prestations sociales enfance (TPSE), qu’elle introduit dans le code civil en même temps qu’elle l’inscrit dans le domaine de la protection de l’enfance.
Il s’agit d’une mesure utile, visant le bien‐être des enfants par un soutien actif auprès de parents cumulant des difficultés, notamment matérielles.
A) La MJAGBF se doit d’être clairement différenciée de la loi n° 2010‐1127 du 28 septembre 2010
visant à lutter contre l'absentéisme scolaire en permettant la suspension des allocations familiales, et de tout autre texte législatif motivé par une logique sécuritaire, et axé sur la culpabilisation et le répression à l’égard de parents. Or, le fait que la MJAGBF soit expressément citée dans le cadre de la loi de prévention de la délinquance vient entretenir une confusion quant à sa logique et ses finalités, amenant les acteurs de terrain, et notamment les travailleurs sociaux, à ne pas explorer cette voie, et à pénaliser ainsi les familles qui auraient pu en bénéficier.
Sa pleine application nécessite qu’elle soit aujourd’hui déconnectée de la loi de prévention de la délinquance qui prévoit dans son article 10 que le maire ou son représentant au sein du conseil des droits et devoirs des familles peut saisir les juges des enfants, conjointement avec l’organisme débiteur des prestations familiales, afin de réclamer une MJAGBF.
L’UNAF souhaite la suppression de l’article 375‐9‐2 du Code civil ayant inscrit dans le dit code l’article 10 de la loi 2007‐297 du 5 mars 2007.
B) La création de la MAESF, dans le cadre de la loi du 5 mars 2007‐293 réformant la protection
de l’enfance, semble avoir contribué à un mouvement plus général de baisse du nombre de MJAGBF prononcées par les juges pour enfants. Cela, compte tenu du fait que le principe de subsidiarité de la justice, porté par la loi réformant la protection de l’enfance, amène à ce que les MJAGBF ne devraient être prononcées que dans les cas où l’accompagnement administratif, par l’intermédiaire de la MAESF, est insuffisant (Ceci a d’ailleurs été confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2010). Or, une majorité des départements ne semble pas avoir mis en place cette MAESF, se contentant dans le meilleur des cas d’une aide de substitution effectuée au niveau du territoire d’action sociale, généralement par l’embauche de CESF supplémentaires.
Pour l’UNAF, il est du rôle de l’Etat que de s’assurer que la loi est appliquée partout sur le sol national, de sorte que l’offre de service prévue par la création de la MAESF puisse être proposée sur tout le territoire national.
C) Mais l’action budgétaire auprès des familles dans l’intérêt de l’enfant, par le biais des
MAESF et MJAGBF est aussi empêchée par le dévoiement d’un autre dispositif créé dans le cadre de la loi du 5 mars 2007‐308 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Ces deux mesures de protection de l’enfance subissent ainsi une concurrence inappropriée avec la mesure d’accompagnement social personnalisée avec gestion (MASP 2) (destinée aux adultes percevant des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité sont menacées par les difficultés éprouvées dans la gestion de leurs ressources).
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Cette dernière peut ainsi être utilisée à mauvais escient par des travailleurs sociaux qui semblent souvent méconnaitre la MJAGBF.
A cette fin, il serait souhaitable que les services de l’Etat communiquent auprès des conseils généraux afin de leur rappeler l’intérêt d’une inscription de la MJAGBF dans les schémas départementaux relatifs à l’enfance et à la famille où aux solidarités, selon les termes consacrés localement.
b. Le maintien du principe de versement direct des allocations familiales aux parents en cas de placement judiciaire
Afin de permettre aux parents de continuer d’exercer leurs responsabilités, et pour maintenir
plus largement le lien entre parents et enfant au‐delà de la possible séparation, l’UNAF affirme avec force son attachement à ce que les allocations familiales et l’allocation de rentrée scolaire puissent continuer à être versées directement aux parents dans leur intégralité si nécessaire. Seul le magistrat doit pouvoir estimer, au cas par cas, l’opportunité de verser directement tout ou partie de ces aides aux services du conseil général.
Rappelons ainsi que la très grande majorité des parents d’enfants placés restent titulaires de l’autorité parentale et que le projet prioritaire pour l’enfant est de permettre son retour dans son milieu de vie. Pour cela les parents doivent pouvoir avoir les moyens financiers de se déplacer afin de rendre visite à l’enfant, de lui témoigner par de petits achats une forme d’attention et de sollicitude, de s’investir dans son éducation en participant à l’achat de fournitures scolaires et de livres, de pouvoir payer la vêture, l’alimentation ou le mobilier nécessaire pour l’accueillir ponctuellement (notamment le week‐end), et d’être en mesure, in fine, de préparer un retour de l’enfant qu’on espère définitif.
L’UNAF s’oppose à la proposition de loi votée au Sénat proposant le versement automatique des allocations familiales aux services de l’ASE dans les cas de placement judiciaire d’enfant.
c. Uniformité et revalorisation des aides financières de l’Aide sociale à l’enfance (ASE)
Les aides financières accordées par l’ASE, versées aux familles en situation de grande
précarité, sont des aides facultatives, dont le montant et le mode d’attribution sont laissés à l’appréciation des conseils généraux.
Depuis plusieurs années les conditions d’éligibilité se sont durcies pendant que leur montant et la durée de leur versement se réduisaient – ce qui participe d’un recul plus général des politiques préventives en faveur des familles et enfants en difficulté.
Au‐delà de ce constat, l’UNAF observe que l’Etat n’a aucune visibilité sur les pratiques des
conseils généraux. Nous savons néanmoins que celles‐ci apparaissent extrêmement contrastées. L’ODAS, en 2006, relevait ainsi un rapport de 1 à 13 selon les départements ! Il y a là une forme de rupture d’égalité manifeste dans les droits des familles et des enfants que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne peut justifier.
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L’UNAF considère que l’Etat doit initier une réflexion commune avec les conseils généraux et les associations familiales afin d’établir des indicateurs nationaux quant au bien‐être minimal des enfants, et un barème commun permettant de définir des minima à partir desquels ces aides devraient être attribuées.
5.3 Respecter les droits des parents dans l’intérêt de l’enfant
a. L’égalité devant la justice A quoi servent des droits si les familles ne peuvent accéder à la justice ? L’UNAF est particulièrement attachée au principe d’égalité de tous les individus devant la
justice, inscrit dans la constitution française. Le coût de la justice ne doit jamais constituer une entrave à son recours. L’accès de toutes les familles à la justice doit rester identique, quelles que soient leurs ressources, ainsi que la qualité des réponses qui leur sont apportées, en tenant compte de chaque situation individuelle.
Compte tenu des seuils déjà extrêmement bas permettant l’accès à l’aide juridictionnelle, et du faible montant de celle‐ci, l’UNAF considère que toute mesure limitant davantage l’accès à cette aide constituerait une entrave grave au principe d’égalité de tous devant la justice.
b. Le droit des parents de participer activement aux décisions prises pour protéger leur enfant
Il est important pour l’UNAF que le placement ne soit pas une cause supplémentaire de
rupture entre parents et enfants. Les recommandations de l’ANESM relatives à la question de l’autorité parentale dans le cadre
du placement constituent une bonne base de travail. Plus largement, l’UNAF soutient pleinement l’esprit de la réforme de la protection de l’enfance de 2007 qui indique dans son article 1 que celle‐ci « a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs ».
Suivant cette logique, l’UNAF estime que les parents doivent autant que possible être
informés et associés aux décisions prises à l’égard de leur enfant. Il devrait en particulier en être ainsi lorsqu’il s’agit de l’élaboration du « Projet pour l’enfant », prévu par la réforme de 2007. Pourtant, ceci est trop rarement le cas, quand ce n’est pas le projet lui‐même qui est inexistant.
Un même décalage entre les textes et la pratique semble exister pour ce qui est de
l’évaluation de la situation de l’enfant, obligatoire avant l’octroi des prestations d’assistance éducative, et tous les ans par la suite. Or, projet et évaluation sont deux des éléments garantissant la stabilité et la cohérence des parcours.
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L’UNAF souhaite que soit réaffirmée l’obligation d’association des parents à la l’élaboration du projet pour l’enfant, et que l’absence de réalisation de ce dernier constitue, devant les juridictions compétentes, un motif de rejet des décisions prises en protection de l’enfance8.
c. Respecter le contradictoire en protection de l’enfant Le respect de la procédure contradictoire est une exigence dès l’évaluation de la situation.
Elle est en grande partie la condition pour que la mesure puisse être comprise et acceptée par la famille. Or, les services de protection de l’enfance de nos UDAF relèvent, comme le fait d’ailleurs régulièrement le Carrefour national de l’action éducative en milieu ouvert (CNAEMO), que certains magistrats, faute de moyens suffisants, se dispensent parfois de convoquer les parents pour audience lors des reconductions de MJAGBF ou d’AEMO.
La décision est alors prise sur la seule base des rapports réalisés par les travailleurs sociaux, sans possibilité d’expression des justiciables.
Une telle pratique est inacceptable, tant sur le plan du fonctionnement de notre démocratie
qu’au niveau de l’efficacité attendue des mesures, tant il est vrai que celle‐ci est fonction du niveau de compréhension et d’adhésion des familles aux dispositions prises à leurs égard.
L’UNAF demande que la Chancellerie rappelle aux juridictions cette obligation d’auditionner les familles dans le cadre d’un renouvellement de mesure.
d. Exécuter les mesures prononcées dans des délais raisonnables Les juges sont garants de l’exécution des mesures qu’ils prononcent, et la notion de temps
n’y est pas indifférente. Or, de nombreux témoignages de familles ou de services de protection de l’enfance gérés
par des UDAF nous alertent sur une lenteur excessive. En protection de l’enfance : les décisions de mettre en place une mesure d’assistance
éducative en milieu ouvert (AEMO) ou une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial (MJAGBF) peuvent prendre plusieurs mois après que le signalement ou la demande de reconduction aient été transmis…
Les délégués aux prestations familiales des UDAF nous indiquent que les ordonnances leur sont parfois transmises plusieurs semaines (voire mois) après l’audience. Il est donc compliqué de démarrer la mesure (MJAGBF) ou bien de la poursuivre en cas de renouvellement, car c’est l’envoi de l’ordonnance à la CAF qui permet de percevoir les prestations familiales que nous sommes censés gérer dans l’intérêt de l’enfant.
Le temps de la prise de décision ou de l’exécution de la décision aggrave la situation de
danger des personnes concernées. Comment accepter qu’une décision prise au regard d’une situation de danger de l’enfant puisse ainsi être reportée ?
8 La cour d’appel d’Aix a pour exemple déjà statuer en ce sens.
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Une note d’instruction du 29 juillet 2013 relative à la mise en œuvre de l’article 12‐3 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante vise à simplifier les modes de saisine des services éducatifs de milieu ouvert de la protection judiciaire de la jeunesse et à fixer à 5 jours le délai de prise en charge des mesures et sanctions éducatives ou des mesures restrictives de liberté. Ces dispositions sont applicables au 1er janvier 20149.
Sans retenir ce délai spécifique de 5 jours, difficilement applicable, l’UNAF considère qu’une
telle disposition qui permet de réduire les délais d’exécution de certaines décisions judiciaires prononcées à l’encontre des mineurs mis en examen ou condamnés dans le cadre d’une procédure pénale pourrait être appliquée utilement dans les situations d’enfant en danger et de familles en difficultés…
L’UNAF réclame ainsi qu’un délai maximal soit fixé dans tous les cas de prononcés de mesures prises par les juges pour enfants.
5.4 Clarifier et harmoniser le fonctionnement des conseils de famille des pupilles de l’Etat
Le statut de pupille de l’Etat est une mesure de protection privilégiée de l’enfant qui rend un
enfant adoptable et le dote d’un conseil de famille et d’un tuteur. La responsabilité du bien‐être de l’enfant est ainsi organisée selon un modèle démocratique basé sur une répartition des pouvoirs entre le tuteur, le conseil de famille des pupilles de l’Etat, et l’ASE du conseil général, qui assure la prise en charge quotidienne des enfants pupilles de l’Etat.
L’UNAF est attachée au maintien de ce statut et à ce concept ou nul n’est juge et partie. A la fin de l’année 2012, l’UNAF a pris l’initiative de piloter la réalisation d’un guide destiné aux
représentants associatifs au sein des conseils de famille des pupilles de l’Etat, en associant EFA, la FNADEPAPE et l’UFNAFAM.
L’objectif était d’aider les représentants, et d’harmoniser les pratiques dans le respect de la loi. Le guide sera publié au premier semestre 2014.
Il apparaît, au regard des éléments collectés auprès des participants, que dans les faits, les
choses ne fonctionnent pas à ce jour de manière optimale. Les textes juridiques encadrant le statut de pupille sont extrêmement complexes. Leur
rédaction est souvent peu lisible, et ils sont répartis de manière éparse dans plusieurs codes. Il est très difficile de s’y retrouver. Cela crée des situations où la connaissance des règles de droit est imparfaite, ou très inégalement répartie entre les membres du conseil de famille, ou entre le conseil de famille des pupilles de l’Etat et le tuteur ou l’ASE.
In fine, cela induit une assez forte hétérogénéité des fonctionnements des conseils de
famille, et des situations où l’équilibre des pouvoirs est souvent mis à mal. On observe ainsi une inégalité de traitement de la situation des pupilles de l’Etat.
9 BOMJ n°2013-08 du 30 août 2013 - JUSF1320400N.
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Ces inégalités de traitement selon les territoires sont renforcées par les choix politiques effectués par les conseils généraux qui peuvent, par exemple, privilégier un mode d’accueil plutôt qu’un autre ; de sorte que les choix du conseil de famille en matière d’accueil de l’enfant seront fortement contraints.
Il apparaît important pour l’UNAF que l’Etat assure pleinement ses responsabilités à l’égard des enfants pupilles de l’Etat en favorisant l’accès au droit des conseillers, en formant et sensibilisant ses personnels à l’échelle des départements, en conduisant avec les conseils généraux et les acteurs associatifs une réflexion sur les conditions d’amélioration des Conseils de famille.
L’UNAF constate que le Système d’information pour l’adoption des pupilles de l’État (SIAPE),
créé en 2005 afin de faciliter le rapprochement entre les enfants pupilles de l’État et les postulants souhaitant accueillir un enfant "à particularité", est un échec.
L’UNAF demande que les moyens nécessaires au fonctionnement du SIAPE soient enfin alloués, avec par exemple une participation partagée de l’Etat et des conseils généraux.
6. Filiation adoptive et accès aux origines
6.1 Pour une filiation adoptive respectueuse de la diversité des besoins de l’enfant
La loi du 11 juillet 1966 a réorganisé le système de l’adoption et a introduit deux régimes
distincts : l’adoption plénière et l’adoption simple. L’adoption plénière ne concerne que les mineurs de moins de 15 ans. Elle substitue la filiation
adoptive à la filiation d’origine. Le lien juridique avec sa famille d’origine est totalement rompu. L’adoption plénière crée un lien de filiation identique à celui crée par la filiation biologique. Le mineur prend le nom de sa famille adoptante. L’autorité parentale est exercée par les parents adoptifs. L’adoption est irrévocable.
L’adopté a dans la famille de l’adoptant les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant légitime.
L’adoption simple est permise quel que soit l’âge de l’adopté et laisse subsister un double
lien de filiation. L’adoption simple maintient la parenté avec la famille d’origine. Les droits héréditaires que l’adopté acquiert dans sa famille adoptive s’ajoutent à ceux qu’il conserve dans sa famille d’origine, sa filiation adoptive venant se superposer à sa filiation première. L’adoption est révocable mais seulement en cas de motifs graves.
L’adoption a été instituée par le législateur dans l’intérêt de l’enfant afin de lui apporter un
cadre juridique sécurisé nécessaire à sa stabilité affective. La confusion entre les effets de l’adoption plénière et l’accès aux origines a amené à penser
que l’enfant du fait de l’adoption plénière ne pouvait pas avoir accès à ses origines. Or, si l’adoption plénière rompt les liens avec sa famille biologique, l’enfant peut, s’il le souhaite, rechercher ses origines. l’UNAF rappelle à ce titre que trop souvent une confusion est faite entre l’accès aux
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origines et la recherche d’identité des parents, alors que bien souvent l’enfant adopté recherche son histoire familiale, ses origines culturelles, sans forcément vouloir connaître l’identité des parents d’origine.
L’étude statistique du ministère de la justice et des libertés de 2007 démontre que les deux
types d’adoption correspondent ainsi à des situations et des projets d’adoption très différents. En effet, plus de 70% des adoptions plénières le sont dans le cadre des adoptions
internationales. Les adoptions plénières dans un cadre national représentent 22% et concernent essentiellement des enfants pupille de l’Etat qui n’ont aucun lien de filiation. L’absence de filiation, la volonté des parents de rompre les liens avec l’enfant, et le jeune âge de l’enfant, rend pour l’enfant nécessaire d’avoir une famille dont l’adoption plénière, irrévocable, apportera à l’enfant la sécurité et l’affection dont il a besoin.
Les adoptions simples sont, dans 95 % des cas, dans un cadre intrafamilial, et sont souvent les enfants du conjoint ou d’un ex‐conjoint. Sur l’ensemble des adoptés en la forme simple dans un cadre intrafamilial 87% sont majeurs, et 10% sont âgés de moins de 15 ans. L’augmentation du nombre des adoptions simples dans un cadre intrafamilial s’explique notamment par le changement de « type de conjugalité » que sont les familles recomposées. Bien souvent les parents séparés vont construire une nouvelle union, dans laquelle l’enfant va nouer des liens avec l’autre parent qui n’est pas son parent biologique. L’adoption simple va en quelque sorte légitimer le lien affectif qui s’est crée entre l’enfant et le nouveau conjoint de son père ou de sa mère.
Force est de constater que l’adoption plénière et l’adoption simple correspondent ainsi à des
projets d’adoption différents en fonction des besoins de l’enfant.
Pour l’UNAF, les deux types d’adoption doivent être maintenus.
Il pourrait être toutefois nécessaire de favoriser l’adoption simple dans les situations où l’enfant a besoin d’une sécurité affective que ses parents ne sont plus en mesure de lui offrir.
En fonction de la situation et du souhait de l’enfant, l’UNAF propose que soit développé le recours à l’adoption simple. Afin de mieux protéger l’enfant et de sécuriser les parents, l’UNAF souhaite qu’elle soit irrévocable.
D’autre part, l’UNAF souligne que l’accès à l’Etat civil des enfants adoptés plénièrement n’est pas définitivement effacé. Celui‐ci existe bien, puisque les officiers d’Etat civil s’y réfèrent pour vérifier les possibles prohibitions du mariage. Nous proposons de rendre possible l’accès des adoptés à leur acte d’Etat civil intégral d’origine. Ceci pourrait se faire par l’intermédiaire du CNAOP.
Nous précisons qu’une telle disposition n’aurait aucune répercussion sur l’accouchement
sous le secret, puisqu’il ne figure dans ce cas aucune information identifiante sur cet acte. Elle permettrait, en revanche, de lever certaines critiques adressées à l’adoption plénière qui
reste pourtant le mode d’adoption le plus approprié dans de très nombreux cas.
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6.2 Mieux accompagner les parents adoptifs
La question de l’adoption ne doit pas se limiter au seul volet juridique.
L’insuffisant accompagnement des candidats à l’adoption et des parents d’enfants adoptés, tout au long des différentes étapes de la vie familiale, est régulièrement relevé par les associations spécialisées, comme par les spécialistes de cette question.
Cet accompagnement est d’autant plus important que le contexte de l’adoption a évolué (fratrie, enfant à particularité, grand âge), accentuant ainsi l’écart entre le désir initial des couples et la réalité de l’adoption.
Pour l’UNAF, il conviendrait à l’instar de certains pays européens (Belgique, Luxembourg) et du Québec, de mettre en place un véritable dispositif de soutien à la parentalité adoptive.
Il doit s’inscrire dans la lignée de la politique de soutien à la parentalité mise en place en France, et avoir comme objectif d’épauler les couples, en mettant à leur disposition des services et des moyens leur permettant d’assumer pleinement leur rôle éducatif.
En Belgique, un programme de préparation des candidats adoptants a été mis en place (Accueil des candidats adoptants, information, sensibilisation aux principaux enjeux de la parentalité adoptive). Des séances de groupe sont prévues, afin de préparer à une parentalité plus responsable et éclairée.
Un tel dispositif doit s’articuler avec les différents acteurs impliqués (Tribunaux, OAA, associations) et s’ouvrir sur un réseau de personnes ressources (Adoptants, professionnels...).
La mise en œuvre de cette politique doit s’articuler avec d’autres dispositifs mis en place en France, telle que la consultation d’orientation et de conseil de l’adoption (COCA). Il s’agit de consultations spécialisées, animées généralement par des pédiatres ayant une connaissance particulière du domaine de l’adoption. Elles peuvent, en fonction des besoins, être sollicitées à une ou plusieurs des périodes clés : lors de la proposition d’enfant, à l’arrivée de l’enfant, pendant sa période d’intégration familiale et sociale, et à l’adolescence, où il est fréquent que les difficultés liées à cet âge se manifeste avec une intensité encore plus grande.
L’UNAF souhaite que la consultation d’orientation et de conseil de l’adoption (COCA) soit développée et mise en place au sein des services hospitaliers, ou au sein d’espaces tels que les maisons des adolescents, de chaque département. Ce dispositif permettra ainsi à chaque service hospitalier de se doter d’une personne ressource formée aux questions de l’adoption. Les associations de parents adoptifs pourraient faire « lien » et travailler en partenariat avec les services hospitaliers ou autres lieux d’accueil dans le cadre des COCA, en organisant comme cela est déjà le cas : des groupes de parole, des modules à destination des familles adoptantes.
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6.3 Lorsque les parents ne peuvent assurer leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants : améliorer les conditions d’accès au statut de pupille de l’Etat
Désintérêt manifeste / Délaissement parental Pour l’UNAF, il va de soi qu’un projet de vie stable doit le plus rapidement possible être
envisagé lorsqu’un enfant est placé en dehors de sa famille, et que le retour dans le milieu de vie d’origine doit être prioritairement travaillé.
Il est néanmoins des cas où cela est impossible. C’est la raison pour laquelle nous préconisons
que dans certaines situations de placements complexes, un projet de vie alternatif à l’élaboration du projet de retour au domicile des parents, pouvant passer par une demande de déclaration judiciaire d’abandon et l’acquisition du statut de pupille de l’Etat, soit rapidement travaillé en parallèle au projet de retour au domicile.
Sur ce point, l’UNAF affirme la nécessité de penser le recours à la déclaration judiciaire d’abandon comme une mesure de protection de l’enfance permettant l’accès au statut protecteur de pupille de l’Etat, et pouvant déboucher sur un projet d’adoption, et non comme un outil destiné à accroître le nombre d’enfants adoptables. L’UNAF souhaite en conséquence que l’article portant sur la déclaration judiciaire d’abandon (art. 350 C.Civ) soit déplacé du titre huitième du Code civil, relatif à la filiation adoptive, au titre neuvième, relatif à l’autorité parentale.
Il pourrait être placé au sein d’une nouvelle section III bis intitulée « De la déclaration
d’abandon », qui se situerait entre les actuelles section III (art. 377‐3 C.Civ) et section IV (art. 378), comme le proposait un temps le Conseil supérieur de l’adoption,
Ce faisant, l’article serait reconnu pleinement comme une mesure de protection avant d’être envisagé comme une disposition relative à l’adoption. Accessoirement, une telle démarche conduirait à bien séparer ces articles de l’article 377‐3, qui prévoit que le droit à consentir à l’adoption du mineur n’est jamais délégué, mais qui ne concerne pas les situations prévues dans les autres sections du C.Civ que la sienne.
Aucune modification de la rédaction de l’article 350 C.Civ n’est nécessaire pour lui donner la dimension protectrice qui doit être la sienne. On pourrait toutefois en modifier la rédaction afin de le rendre moins stigmatisant, et d’en faciliter le recours, en supprimant notamment les termes « d’abandon » et de « désintérêt manifeste ».
Il suffirait pour cela de remplacer le premier de ces deux termes par ceux de « bénéficiaire du
statut de pupille de l’Etat », et le second par la définition que donne lui‐même le Code civil du « désintérêt manifeste ». La nouvelle rédaction de l’article 350 C.Civ alinéa 1, serait la suivante : « L’enfant recueilli (…), dont les parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs pendant une année, peut bénéficier du statut de pupille de l’Etat »10.
10 Dans ce cas, l’enfant accueilli préalablement par un tiers ou un établissement obtiendrait, de fait, directement
le statut de pupille de l’Etat, alors que c’est actuellement uniquement le cas pour l’enfant préalablement accueilli par l’ASE. Il faudrait alors modifier aussi l’art. 347, 3° du C.Civ qui prévoit entre autre que les enfants déclarés
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Pour aller jusqu’au bout du raisonnement conduisant à faire du recours à l’article 350 CC une
mesure de protection, éventuellement transitoire vers une adoption, il faudrait modifier l’article L. 225‐1 du CASF qui indique que « les enfants admis en qualité de pupille de l’Etat (…) doivent faire l’objet d’un projet d’adoption dans les meilleurs délais ».
La nouvelle formulation pourrait être la suivante : « les enfants admis en qualité de pupille de l’Etat (…) doivent faire l’objet d’un projet de vie permanent dans les meilleurs délais. Un projet d’adoption est alors examiné à cette fin ».
Enfin, nous pensons que la prudence des magistrats dans le maniement de cet article (et celle des travailleurs sociaux en amont) pourrait être partiellement levée s’il leur était possible de limiter au cas par cas l’effet de la déclaration d’abandon à la seule possibilité de l’adoption simple – garantissant ainsi le maintien d’un lien de filiation auquel ils restent le plus souvent attachés.
Le consentement à l’adoption : Une autre voie à explorer Une autre voie est aussi possible, et mériterait d’être pleinement explorée. Il s’agit du
consentement à l’adoption formulé par les parents, prévu par l’article 347 CC et suivants. Une telle réflexion pourrait être menée dans le cadre d’un travail portant non plus sur le
délaissement, mais sur les critères devant amener les professionnels à proposer un statut de pupille de l’Etat aux fins de mieux protéger l’enfant et d’élaborer un projet de vie durable.
Développer le recours à cette disposition pourrait être intéressant. Certains enfants
pourraient ainsi bénéficier plus rapidement d’une plus grande stabilité et donc d’une plus grande protection, tout en évitant le côté stigmatisant de l’abandon.
Nous préconisons que les parents puissent donner leur consentement pour la forme d’adoption qu’ils souhaitent pour leur enfant. Ceci permettrait d’inverser le sens du débat en l’organisant autour de l’idée de protection, et non plus autour de la seule notion de « délaissement », culpabilisante pour les parents et lourde à porter pour l’enfant.
Ceci est actuellement impossible, l’enfant adoptable l’étant tout autant en simple qu’en
plénière. En offrant cette possibilité, davantage de parents se trouvant concrètement dans des situations d’empêchement durable, pourraient consentir plus facilement à l’adoption, et le travail des professionnels serait facilité.
6.4 L’accès aux origines personnelles entre droit et sécurité Protéger l’intérêt de l’enfant et la vie familiale nécessitent de trouver un équilibre entre les
intérêts de chacun, et le respect des principes d’ordre public.
abandonnés dans les conditions prévues par l’article 350 sont directement adoptables (sans passer par le statut de pupille de l’Etat).
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L’équilibre de l’enfant et sa stabilité passent par la sécurisation de son lien de filiation avec ses parents, que cette filiation soit adoptive ou biologique.
De l’établissement du lien de filiation de l’enfant à ses parents biologiques, ou adoptifs, vont
découler les droits et les devoirs des parents sur la personne de l’enfant. Ses droits et ses devoirs doivent protéger l’enfant, et doivent donc être exercés dans son intérêt.
Toutes décisions ou réformes visant à modifier cette filiation auraient pour conséquence de
fragiliser cet équilibre et de porter atteinte à l’intérêt de l’enfant. Dans le cas de l’assistance médicale à la procréation, la loi propose expressément à l’article
311‐19 du code civil « qu’aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation ».
a. Concernant les droits de l’enfant à connaître l’identité des personnes qui ne sont pas ou plus ses parents au sens de la filiation
Toute la complexité de la question de l’accès aux origines, et plus particulièrement celle de
l’accouchement dans le secret, résulte de la difficile conciliation entre deux principes de justice qui se valent.
Dans le cas de l’accouchement sous le secret, l’UNAF estime que les dispositions tendant à lever totalement le secret de l’anonymat seraient contraires à l’intérêt de l’enfant, en ce sens qu’elles entraineraient des risques médicaux pour la mère et l’enfant.
La mère risquerait ainsi, si elle était dans l’obligation de donner son identité, même sous pli
fermé, de ne plus aller à la maternité et d’accoucher de façon sauvage en mettant en danger sa santé et en faisant courir un risque sanitaire pour l’enfant. Ce risque n’est pas totalement théorique. La situation a pu être constatée en Europe, et notamment en Allemagne, où il existe « des boites à bébés » (babyklappe), dans un contexte où l’autorité judiciaire suprême du pays reconnait que le droit de l’enfant à la connaissance des origines est un droit fondamental opposable à ses parents de naissance (1989).
La Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt « Odièvre » du 13 février 200311, a
jugé les dispositions françaises en conformité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et a clairement évoqué entre autre le souci de protéger la santé de la mère et de l’enfant et d’éviter des avortements clandestins ou des abandons « sauvages »12. C’est également la position récente du Conseil constitutionnel saisi sur la constitutionnalité de l’accès aux origines13.
Pour l’UNAF, les dispositions actuelles permettent d’assurer, depuis la création du CNAOP de
par la loi du 2 janvier 2002, un équilibre entre les différents intérêts en cause (intérêt de l’enfant quant à sa santé, son droit à la vie, choix des parents biologiques, et protection de la santé de la femme, et préservation du lien familial/respect de la vie familiale dûs aux parents adoptifs).
11 CEDH, 13 février 2003, Odièvre c/ France, n°42326/98. 12 Notons que dans l’arrêt Godelli du 25 septembre 2012, la Cour EDH a condamné l’Italie pour violation du droit au respect de la vie privée
(Art. 8). Si une telle solution ne menace pas directement la législation française, qui garantit l’anonymat des mères qui le désir, il convient de noter que les juges européens proscrivent les dispositifs qui instaurent un refus absolu et définitif d’accès à leurs origines personnelles.
13 Conseil constitutionnel, Décision n°2012-248 QPC du 16 mai 2012.
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Pour autant, certains aménagements pourraient être développés :
- un meilleur accompagnement des femmes lors de l’entrée en maternité, et après l’accouchement, sur les possibilités qui lui sont offertes quant à la levée de l’anonymat en faciliterait ainsi l’exercice ;
- amélioration du contenu du dossier et des informations concernant l’histoire de l’enfant. Les enfants souvent souhaitent connaître les raisons de leur adoption plus que l’identité de la mère.
b. Concernant la levée de l’anonymat du tiers donneur dans le cadre de l’aide médicale à la procréation
Pour l’UNAF, un enfant issu d’une AMP pourrait avoir, s’il le souhaite, accès à certains éléments lui permettant de connaître des éléments de son histoire. Les CECOS pourraient collecter des données non identifiantes au moment du don, susceptibles d’être transmises aux parents, après la naissance de l’enfant, et à l’enfant majeur qui en fait la demande.
En outre, l’ensemble des données médicales devraient continuer à être collectées et mises à
disposition du corps médical, uniquement dans une visée thérapeutique concernant l’enfant. Les CECOS devraient proposer par ailleurs un accompagnement aux parents (cette offre
d’accompagnement devrait être proposée lors de la conception, de la naissance mais aussi durant toute l’enfance et l’adolescence de l’enfant). Les donneurs, au moment où ils répondent au questionnaire, devraient également être accompagnés. Enfin, la nature des données non identifiantes ainsi que les modalités d’accompagnement devraient faire l’objet d’une concertation entre les représentants du corps médical et les associations familiales.
L’UNAF attire l’attention sur le fait que la question de l’accès aux origines dans le cadre d’une
AMP avec tiers donneur ne doit pas se focaliser seulement sur les cas de don de sperme. Elle doit être étudiée en prenant en compte l’ensemble des situations où un tiers donneur intervient : don d’ovocyte et don d’embryon.
Par ailleurs, les dons de gamètes et d’organes obéissent aux mêmes principes éthiques : anonymat, gratuité et consentement. La question de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes induit de poser une question préalable : faut‐il lever l’anonymat pour tous (donneurs de gamètes et d’organes) ou créer des règles distinctes en fonction de la nature des dons ? Dans tous les cas, l’UNAF soulève les risques liés à la levée de l’anonymat du tiers donneur (y compris dans les cas où cette levée de l’anonymat ne serait pas systématisée, mais laissée au choix des couples demandeurs, comme du donneur) :
- risque que les parents, du fait de la levée de l’anonymat, souhaitent garder secret le recours à un tiers donneur, privant ainsi l’enfant de la possibilité d’accéder à certains éléments relatifs à son origine ; - risque de porter atteinte au respect de la vie familiale (principe consacré par l’art. 8 de la
CEDH) ; - risque d’une chute des dons.
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c. Concernant les missions du Conseil National pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP)
Le Conseil National pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) a été créé par la loi du 22
janvier 2002. Celui‐ci est compétent pour traiter les demandes des enfants adoptés qui souhaitent avoir accès à leurs origines lorsque l’identité de la mère est inconnue (Accouchement sous X, enfant trouvé). Le CNAOP doit se déclarer incompétent si dans le cadre d’une recherche, l’identité de la mère est connue. Cette mission est assurée en liaison avec les départements, organismes autorisés pour l’adoption…
Dans le cas d’une adoption nationale, le CNAOP demandera une copie du dossier à l’ASE, à un
organisme autorisé pour l’adoption (OAA), et dans le cas d’une adoption internationale à la mission de l’adoption internationale.
La compétence limitée du CNAOP et la difficulté de transmission des données par les différentes institutions concernées, participent à la confusion des rôles, et des compétences de chacun des acteurs, portant ainsi atteinte aux droits de l’enfant adopté à connaître ses origines.
L’UNAF propose que la compétence du CNAOP soit élargie à toutes les demandes d’accès aux origines, que l’identité de la mère soit ou non connue, et que l’ensemble des informations recueillies par les OAA, ASE et mission de l’adoption internationale dans les cas d’une adoption plénière soient transmises aux CNAOP.
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Annexe 1
La politique familiale dans le Code de l’Action Sociale et familiale Chapitre II : politique familiale
Article L112-1 Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport récapitulant les dépenses de l'Etat, des collectivités
territoriales, de la branche Famille de la sécurité sociale et d'assurance maternité, ainsi que les dépenses fiscales et les allègements de cotisations et de contributions, concourant à la politique de la famille. Ce rapport comporte également une présentation consolidée de ces dépenses par catégories d'objectifs. Il évalue l'impact et la cohérence d'ensemble des financements apportés par les différents contributeurs. Il est annexé au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année. Le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement le rapport prévu à l'article 44 (b) de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.
Article L112-2
Afin d'aider les familles à élever leurs enfants, il leur est accordé notamment : 1° Des prestations familiales mentionnées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 732-1 code rural et de la pêche maritime ; 2° Des aides à l'emploi pour la garde des jeunes enfants mentionnées au titre IV du livre VIII du code de la sécurité sociale ; 3° Des réductions ou exonérations fiscales dans les conditions prévues par le code général des impôts ; 4° Des réductions sur les tarifs de transport par chemin de fer dans les conditions prévues par décret ; 5° Des allocations destinées à faire face à des dépenses de scolarité dans les conditions prévues par les articles L. 531-1 à L. 531-5 du code de l'éducation ou des réductions sur les frais de scolarité dans des conditions fixées par décret ; 6° Des prestations spéciales aux magistrats, fonctionnaires, militaires et agents publics ; 7° Des allocations d'aide sociale dans les conditions prévues au présent code.
Article L112-3 La protection de l'enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités
éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs. Elle comporte à cet effet un ensemble d'interventions en faveur de ceux-ci et de leurs parents. Ces interventions peuvent également être destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. La protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge.
Article L112-4
L'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant.
Chapitre V : lutte contre la pauvreté et les exclusions
Article L115-1 - La lutte contre la pauvreté et les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation. Elle tend à garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l'enfance. L'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics dont les centres communaux et intercommunaux d'action sociale, les organismes de sécurité sociale ainsi que les institutions sociales et médico-sociales poursuivent une politique destinée à connaître, à prévenir et à supprimer toutes les situations pouvant engendrer la pauvreté et les exclusions. Ils prennent les dispositions nécessaires pour informer chacun de la nature et de l'étendue de ses droits et pour l'aider, éventuellement par un accompagnement personnalisé, à accomplir les démarches administratives ou sociales nécessaires à leur mise en œuvre dans les délais les plus rapides. Les entreprises, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles, les organisations syndicales de salariés représentatives, les organismes de prévoyance, les groupements régis par le code de la mutualité, les associations qui oeuvrent notamment dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre les exclusions, les citoyens ainsi que l'ensemble des acteurs de l'économie solidaire et de l'économie sociale concourent à la réalisation de ces objectifs.
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Union nationale des associations familiales 28 place Saint Georges 75009 PARIS
Tél. : 01 49 95 36 00 www.unaf.fr