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Dossier d’accompagnement de la conférence / concert du jeudi 3 décembre 2009 programmée aux 31 èmes Rencontres Trans Musicales, dans le cadre du projet d’éducation artistique des Trans et des Champs Libres. Cycle de trois conférences-concerts : “Quand technologies, création et écoute se rencontrent dans les musiques actuelles” Conférence-concert # 1 “L’incidence des moyens de diffusion sur la circulation de la musique” Conférence de Pascal Bussy Concert de Slow Joe & The Ginger Accident Depuis toujours, les musiciens se nourrissent naturellement de ce qu'ils entendent dans leur environnement immédiat, en y ajoutant bien sûr leur personnalité et leur émotion. Au cours de cette conférence, nous expliquerons pourquoi la généralisation des outils de diffusion modernes (radio, disque, cassette, télévision, internet, etc.), couplée au phénomène de la mondialisa- tion, a permis aux musiciens du 20 è siècle de découvrir des styles et des pratiques de plus en plus éloignés et différents de leur propre vécu. Le rôle de la radio de l'armée américaine dans la propagation du rock en Europe, celui des disques de musique cubaine en Afrique, celle des "soundsystems" des deejays jamaïcains sur le hip-hop émergeant dans les ghettos américains, voilà quelques exemples qui nous permettront de dégager des tendances et de les organiser en "familles d'influences", sans oublier les chocs musicaux qui résultent de rencontres entre musiciens de différentes cultures, générations et, quelquefois, d'époques. “Une source d'informations qui fixe les connaissances et doit permettre au lecteur mélomane de reprendre le fil de la recherche si il le désire” Afin de compléter la lecture de ce dossier, n'hésitez pas à consulter les dossiers d’accompagnement des précédentes conférences-concerts ainsi que les “Bases de données” consacrées aux éditions 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 des Trans, tous en téléchargement gratuit, sur www.lestrans.com, rubrique Action culturelle. Présentation Dossier réalisé par Pascal Bussy, avec Jérôme Rousseaux (Atelier des Musiques Actuelles)

Présentation - Jeu de l'Ouïe · 2010-10-04 · à Gorillaz en passant par The Good, The Bad And The Queen. Il est l'un des musiciens de rock parmi les plus ouverts aux musiques

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Dossier d’accompagnementde la conférence / concertdu jeudi 3 décembre 2009

programmée aux 31èmes Rencontres Trans Musicales,

dans le cadre du

projet d’éducation artistiquedes Trans et des Champs Libres.

Cycle de trois conférences-concerts :“Quand technologies, création et écoute

se rencontrent dans les musiques actuelles”

Conférence-concert # 1“L’incidence des moyens de diffusion

sur la circulation de la musique”

Conférence de Pascal BussyConcert de Slow Joe & The Ginger Accident

Depuis toujours, les musiciens se nourrissent naturellement de ce qu'ils entendent dans leur environnement immédiat, en y ajoutant bien sûr leur

personnalité et leur émotion. Au cours de cette conférence, nous expliqueronspourquoi la généralisation des outils de diffusion modernes (radio, disque,

cassette, télévision, internet, etc.), couplée au phénomène de la mondialisa-tion, a permis aux musiciens du 20è siècle de découvrir des styles et des

pratiques de plus en plus éloignés et différents de leur propre vécu.

Le rôle de la radio de l'armée américaine dans la propagation du rock en Europe, celui des disques de musique cubaine en Afrique, celle des

"soundsystems" des deejays jamaïcains sur le hip-hop émergeant dans lesghettos américains, voilà quelques exemples qui nous permettront de dégager

des tendances et de les organiser en "familles d'influences", sans oublier leschocs musicaux qui résultent de rencontres entre musiciens de différentes

cultures, générations et, quelquefois, d'époques.

“Une source d'informations qui fixe les connaissanceset doit permettre au lecteur mélomane de reprendre

le fil de la recherche si il le désire”

Afin de compléter la lecture de ce dossier, n'hésitez pas à consulter les dossiers d’accompagnement des précédentes conférences-concertsainsi que les “Bases de données”consacrées aux éditions 2005,2006, 2007, 2008 et 2009 desTrans, tous en téléchargementgratuit, sur www.lestrans.com,rubrique Action culturelle.

Présentation

Dossier réalisé parPascal Bussy, avec Jérôme Rousseaux

(Atelier des Musiques Actuelles)

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1 - Le mystère de la création

Tenter de décrire les processus de la création musicale ressemble à un pariimpossible. Nous sommes là comme devant l'infini, car chaque compositeur

possède son propre vécu, ses propres expériences, et ses influences qui peuvent être diverses. Tous ces éléments se combinent, à des degrés variables, au pouvoir émotionnel de celui qui crée. De chacun de ces

mondes intérieurs, de chacune de ces additions aux multiples inconnues, il va surgir une pièce de musique. Et, si on peut parfois la rattacher facilement

à un style, et même considérer l'ensemble de l'œuvre d'un compositeur comme faisant partie d'une école ou d'un courant, il n'empêche que

cette pièce de musique sera unique.

Que ce soit dans les musiques écrites, dans les musiques improvisées, et même dans les musiques de tradition orale, la création reste un mystère.

Chaque compositeur se nourrit de manière "naturelle", il puise dans son époque, dans son environnement et dans sa culture au sens large du terme,

il capture quelquefois "l'air du temps", mais il ajoute à tout ce socle sa personnalité, son inconscient et son émotion. Cela est vrai pour tous, qu'ils'agisse d'Olivier Messiaen retranscrivant les chants de la linotte et de lachouette dans les campagnes françaises pour alimenter son "Catalogue

d'oiseaux", de Mick Jagger et Keith Richards en train de peaufiner le riff de"Satisfaction" qui deviendra l'un des hymnes mondiaux du rock'n'roll, ou de

Richard D. James alias Aphex Twin en pleine méditation créative dans son "home studio", préparant un nouveau chapitre

de ses travaux de "techno intelligente".

Et puis, nous allons le voir en nous concentrant sur les "musiques actuelles"qui sont au cœur de notre démarche dans ce Jeu de l'Ouïe, beaucoup de

progrès techniques du siècle dernier, axés sur la diffusion, ont encore accéléré les choses. Renforcés par le phénomène de la mondialisation, au même moment où ils élargissaient considérablement l'offre musicale

du public, ils proposaient aux compositeurs (qui sont ne l'oublions pas euxaussi des auditeurs faisant partie du public) des sources d'inspiration encore

plus étendues, les confrontant ainsi à une masse d'information, de cultures, etdonc de possibilités nouvelles. Autant de paramètres qui viennent

s'ajouter à la mystérieuse alchimie de la création. L'Anglais Damon Albarn a composé pourtous les groupes qu'il a fondés, de Blur à Gorillaz en passant par The Good, The Bad And The Queen. Il est l'un desmusiciens de rock parmi les plus ouvertsaux musiques du monde et, sans oublierson activité de producteur (pour le groupede chaâbi El Gusto ou Amadou etMariam), il a aussi écrit un opéra inspiréd'un roman chinois. Dans sa culture personnelle, on trouve trois axes qui ont certainement eu une influence sur ses travaux :

- il a passé son enfance et son adolescence dans un milieu artistiquepuisque sa mère était décoratrice de théâtre, et que son père a été l'un desmanagers du groupe Soft Machine, étaitami de Cat Stevens, et a travaillé pour la BBC,

- il a toujours eu des goûts musicaux trèséclectiques, aimant autant le compositeurclassique Vaughan Williams que desgroupes comme les Kinks, et plus tard lesJam et les formations de ska anglais telsMadness et les Specials,

- il a profité des tournées internationalesdu groupe Blur pour s'ouvrir à d'autrescultures musicales.

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2 - L’imprimerie

Il est bon de rappeler que l'imprimerie est la première technologie qui a permisà la musique de se propager. C'est grâce à elle que les premières partitions

ont pu être copiées non plus de manière manuelle et artisanale, mais à grandeéchelle, et cela dès la Renaissance, en Italie puis en France. Le phénomèneconcerne la musique religieuse comme les chants grégoriens, mais aussi la

musique profane. C'est de cette époque que datent les premières tablatures,d'abord établies pour le luth qui est l'un des instruments phares du moment.

En fixant une composition sur le papier, des musiciens peuvent l'exécuter, et certains d'entre eux devenir compositeurs à leur tour en s'en inspirant.

Les partitions jouent plus tard un rôle important dans le développement de lamusique classique, et c'est au seizième siècle que sont publiés les premiers

recueils de chansons de rue, et notamment les complaintes que l'on appelleraégalement "bluettes" car elles sont présentées dans des cahiers à couverture

bleue. On peut aussi rattacher à l'histoire de l'imprimerie et des partitions l'avènement de l'édition musicale et la naissance de la notion de droit d'auteur,deux aspects de l'industrie de la musique qui restent aujourd'hui fondamentaux

dans son économie, toutes familles musicales confondues bien sûr.

Au début du vingtième siècle, les partitions de certains thèmes de blues, de gospel, de jazz, et évidemment de chansons (les "petits formats" dont

l'origine remonte au dix-huitième siècle) auront un effet décisif dans les développements respectifs de toutes ces esthétiques. De nos jours encore, les partitions permettent aux musiciens professionnels comme aux amateurs

de jouer les morceaux de Duke Ellington, les titres des Beatles ou les chansons d'Alain Bashung, et quelquefois de s'en inspirer pour nourrir leurs propres créations. Les partitions ne font pas que permettre à une œuvre d'être jouée en concert, elles sont pour beaucoup le moyen de

s'approprier une musique et elles restent par conséquent, dans les musiquesoccidentales (les choses sont différentes dans les musiques de tradition orale)

un vecteur de circulation essentiel.

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3.1 - L’objet musical par excellence

Même si aujourd'hui ses ventes déclinent de manière inexorable au point deremettre en question son avenir, le disque est depuis un siècle l'objet central

de la vie musicale et il va le rester encore quelque temps, autant sous saforme analogique (le disque vinyle) que sous sa forme digitale (le disque

compact). En outre, les formats qu'il a imposé, qu'il s'agisse du "single" (un morceau ou une chanson durant entre trois et quatre minutes) ou de

l'"album" (un recueil de plusieurs de ces morceaux durant entre trente et soixante-dix minutes), resteront longtemps les "mètres étalons"

de la création musicale.

Depuis les débuts de l'industrie phonographique dans les années 1910 et 1920, le disque est un produit à la fois marchand et culturel, et sa diffusion

exponentielle au fil du vingtième siècle est le moteur du développement de toutes les musiques "populaires". Pour tous ceux qui s'intéressent à la musique

et pour ceux qui en créent, le disque est fondamental. La magie de certainesde ses étiquettes (Chess, Imperial, Stax, Island, Impulse !, Blue Note, etc.), la

notoriété quasi-mythique auprès du grand public de certains noms (Vogue,Barclay, Philips, etc.), l'apparition du jukebox dans les années vingt, et enfin

ses supports successifs, de la cire au disque compact en passant par le vinyle,sont autant de chapitres de son histoire qui s'étend sur un siècle.

À plusieurs reprises, le disque va être dopé par des médias qui sont en pleine ascension. La radio poussera les industriels à concevoir des faces plus

longues pour éviter de couper une œuvre et installer par là une plus grandefluidité dans ses programmes, accélérant par là l'apparition du format 33 tours.

Vingt ans plus tard, d'abord aux Etats-Unis et en Angleterre puis en France,l'apparition des classements et des hit-parades fait monter de façon constanteles chiffres de vente en installant un étrange système de prime au gagnant qui

perdure aujourd'hui, et qui rend de plus en plus compliquée l'accession à lanotoriété des artistes qui pratiquent des musiques moins commerciales et moins médiatisées. À travers ses grandes émissions de variétés qui

voient le jour au milieu des années soixante, puis de l'évolution du paysagemédiatique de la fin du vingtième siècle (la naissance de MTV, celle de M6,

puis l'autorisation de la publicité télévisée pour le disque), la télévision ne fera qu'accentuer ce phénomène.

3.2 - Le disque : un moteur de la création

Le disque accompagne les évolutions du gospel, du blues, du jazz, de la chanson, et des musiques dites "du monde", et il contribue fortement à

l'installation pérenne de toutes ces esthétiques et de leurs sous-familles. Il est étroitement associé à la naissance du rhythm'n'blues et de la soul,

du rock et de la pop, du rap, et de la musique électronique.

3.2.1 - Le blues et le jazz

Le maintien du blues comme une musique vivante et vivace doit énormément au disque. Il passe à la fois par de nouveaux enregistrements

de jeunes artistes, par le travail de mémoire de certains labels (Fat Possum,Music Maker / Dixiefrog), les collections "Maison de Blues" et "Saga Blues"

chez Universal Jazz France), et par les rééditions et anthologies de catalogueshistoriques comme ceux de Prestige, Atlantic, Vanguard, Columbia, et bien

d'autres encore.

Le disque est essentiel dans l'implantation du jazz dans l'hexagone. Le HotClub de France, crée par Hugues Panassié en 1932, est une association

d'amateurs qui se procurent des disques encore rares et chers, se les fontdécouvrir mutuellement, et s'en servent comme instruments d'information de

base pour agrandir leur cercle de militants. L'un de ces activistes les plus

3 - Le disque

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passionnées, Charles Delaunay, fonde la revue Jazz Hot en 1935, puis selance dans la production de disques deux ans plus tard en créant le label

indépendant Swing, qui publiera 400 disques 78 tours puis quelques microsillons. La première session d'enregistrement de la jeune compagnie

a lieu en avril 1937 et elle réunit Coleman Hawkins, Benny Carter, AndréEkyan, Alix Combelle, Stéphane Grappelli, Tommy Benford, Eugène

d'Hellemmes et Django Reinhardt. Cette initiative de label et le casting même de ce premier disque sont très symboliques des liens très forts qui

sont en train de s'installer à travers le jazz entre les Etats-Unis et la France, et qui perdurent aujourd'hui. C'est aussi Charles Delaunay qui fonde en 1945la maison Vogue, qui intégrera le catalogue Swing, et dont l'un des premiers

"tubes" sera "Les oignons" de Sidney Bechet, puisqu'il dépassera le million deventes. Il est impossible de quantifier le nombre de musiciens - et de futur

musiciens - de jazz français, professionnels et amateurs, qui ont été touchéspar ce tout ce travail où le disque est prédominant, mais il est certainement

important, tout comme celui des mélomanes qui ont pu découvrir le jazz, à l'instar de Jean Cocteau qui en parlait en disant "c'est de la poésie, c'est de

la très grande musique", ou encore "c'est de la musique de chambre avec des solistes incomparables".

Les premiers réalisateurs artistiques jazz de l'époque, Delaunay chez Voguemais aussi Édouard Ruault (le futur Eddie Barclay) chez Blue Star, bénéficient

de l'apparition du microsillon qui fait passer le disque d'objet précieux à produitde masse. À la fois hommes de culture et hommes d'affaires, ils inventent enquelques années la "position" du directeur artistique et jettent les bases d'uncertain art de la publicité qui préfigure le marketing. L'un de leurs principaux

concurrents, le label Philips où Jacques Canetti est déjà responsable du secteur de la chanson, s'est adjoint les services de Boris Vian pour le jazz

en 1956 ; ces deux directeurs artistiques, ainsi qu'Eddie Barclay qui leuremboîte le pas en 1957 avec l'étiquette qui porte son nouveau nom, ont euxaussi compris l'importance du disque en tant que nouveau medium culturel,

mais aussi… commercial.

Le "V-disc" ou "victory disc" ("disque de la victoire" en français) est le nom générique que porte une série de 78 tours éditée de 1943 à 1948 pour

stimuler le moral des soldats américains combattant puis stationnant enEurope. Enregistrements originaux ou licenciés à d'autres compagnies, 905 au total ont été publiés. Les styles musicaux y étaient variés, de la musique classique à la chanson de music hall en passant par la musique de danse,

mais c'est sans aucun doute le jazz qui en a le plus "profité", comme un témoignent plusieurs sessions originales organisées avec les solistes les

plus prestigieux du moment (Louis Armstrong, Art Tatum, Lionel Hampton,etc.). En outre, ces "victory discs" ont eu une influence non négligeable

dans la propagation du jazz en Europe.

3.2.2 - Le rock

Le 3 mars 1951, Ike Turner, guitariste, pianiste et chef d'orchestre, enregistre"Rocket 88" avec le chanteur Jackie Brenton au studio Sun de Memphis. Le 12 avril 1954, Bill Haley et son groupe The Comets "mettent en boîte" "Rock

Around The Clock" au Pythian Temple de New York. Le 5 juillet 1954, ElvisPresley enregistre "That's All Right (Mama)" au studio Sun de Memphis

en compagnie du guitariste Scotty Moore et du contrebassiste Bill Black. Ces trois enregistrements, qui deviendront des disques, sont pour

beaucoup d'historiens les dates fondatrices du rock'n'roll.

On peut en trouver d'autres dans le développement de cette musique qui vadevenir la famille la plus populaire des musiques d'aujourd'hui, et elles sonttoujours liées au disque. Tous deux publiés en 1967, "Sgt Pepper's Lonely

Hearts Club Band" des Beatles et "The Velvet Underground & Nico" du VelvetUnderground symbolisent d'une part l'acte de naissance de la pop moderne

pour le premier, et d'autre part celui du rock urbain pour le second.

3 - Le disque (suite)

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Dans le rock le disque est à la fois une œuvre et un medium d'émulation. "Rien en moi ne bougea vraiment jusqu'au jour où j'entendis pour la première

fois Elvis Presley. Sans lui, les Beatles n'auraient jamais existé !", racontaitJohn Lennon qui ajoutait : "Ma principale ambition était de devenir

aussi célèbre que lui…"

En 1965, c'est en entendant "The House Of The Rising Sun" par le groupeanglais The Animals que Bob Dylan décide de passer à l'électricité et que sonfolk qu'il a forgé à l'écoute de Woody Guthrie et Pete Seeger devient folk rock.Plus tard, Tom Waits expliquera que l'album "Trout Mask Replica" de Don VanVliet alias Captain Beefheart, paru en 1969, avait "libéré [sa génération] de la

servitude, de la forme, de la structure, de la répétition, des influences".

Aujourd'hui, des professions de foi similaires pourraient être faites par de nombreux musiciens et groupes qui ont décidé de faire de la musique oud'orienter celle qu'ils avaient commencé à faire, suite à l'écoute d'albums

comme "OK Computer" de Radiohead, "Homework" de Daft Punk, ou "Dummy" de Portishead. La "liste" est bien sûr infinie mais le disque est

toujours au cœur des mutations du rock. D'ailleurs, aucune conversation entre deux musiciens n'est possible sans la phrase rituelle :

"au fait, tu as écouté le dernier… ?"

3.2.3 - Les musiques du monde

Au Mali, Ali Farka Touré, guitariste et chanteur et personnage central des musiques africaines contemporaines, rappelait que les disques de musique

mandingue parus autrefois sur Ocora le label de musique ethnologique de Radio France, l'avaient "aidé à trouver sa propre voie", certainement

parce que Charles Duvelle l'auteur de ces enregistrements avait réalisé en les collectant un véritable travail de sauvetage de langages musicaux en train

de disparaître, une entreprise qui touchait forcément le Malien. En Éthiopie, les disques de soul et de rhythm'n'blues américain qui sont importés dans un

pays aux frontières très fermées provoquent l'émergence de l'éthio-jazz, une musique très particulière basée sur le groove et la transe et dont les ambassadeurs les plus connus sont le chanteur Mahmoud Ahmed

et le percussionniste Mulatu Astatke.

En Afrique et plus globalement dans beaucoup de pays alors encore coloniséspar les pays d'Europe occidentale (comme le Vietnam par la France), le

gramophone est l'un des acteurs d'une révolution qui amène en même tempsl'avion, l'appareil photographique, et le groupe électrogène, et il a souvent une

forte influence sur les populations locales et à travers elles sur l'évolution deleurs musiques, comme par exemple au Congo la rumba congolaise.

L'influence des musiciens d'Afrique de l'Ouest par la musique cubaine est passée par le disque et par le voyage. Ce sont d'abord des marins cubains qui s'arrêtent dans des ports comme Dakar et dont les 33 tours animent les

soirées et inspirent des musiciens locaux. Ensuite, au début des annéessoixante, en raison d'une proximité politique entre les deux pays, plusieursmusiciens maliens, à la tête desquels l'arrangeur Boncana Maïga avec son

groupe Maravillas de Mali (Les Merveilles du Mali), partent étudier au conservatoire de La Havane. Lorsqu'il rentre dans son pays, il a posé les

bases d'une musique africano-cubaine qu'il a longtemps portée avec le producteur sénégalais Ibrahim Sylla au sein de la formation Africando. On

trouve aujourd'hui les traces de ce courant chez les Sénégalais d'OrchestraBaobab et chez les "Maliens de Paris" Amadou et Mariam.

Les musiques de Jamaïque doivent beaucoup au disque, et cela par plusieursbiais. D'abord à travers les "sound systems" de Kingston qui étaient des

discothèques ambulantes et qui permettaient de diffuser les derniers disquesauprès de la population. Ensuite par l'alimentation de ces "sound systems"dont les propriétaires comme Clement "Coxsone" Dodd s'approvisionnaient

3 - Le disque (suite)

L'origine de ce qu'on appelle aujourd'huile "white label", soit "disque à étiquetteblanche", en fait un disque non labelliséqui est censé provoquer la curiosité carpersonne ne connaît sa provenance, vientdes batailles de "toasters" et de "deejays"en Jamaïque dans les années soixante.Pour enrayer la concurrence et conserverl'exclusivité d'un titre pour leur "soundsystem", ceux-ci enlevaient tout simplement l'étiquette du vinyle qu'ils diffusaient. Aujourd'hui, la pratique du"white label" reste courante dans lesmilieux du rock alternatif, du dub, et de la musique électronique, la différenceétant que les disques sont pressés enquantités réduites (quelques centainesd'exemplaires parfois), et sont présentéssous des pochettes génériques, sans étiquette et donc de façon anonyme.

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régulièrement aux Etats-Unis où ils allaient travailler comme saisonniers ; c'est ainsi que le reggae naquit, influencé notamment par les grooves du

blues et du rhythm'n'blues et par les groupes vocaux américains. Enfin par l'"invention" du dub qui est né d'une erreur technique, l'ingénieur du son

Osbourne Ruddock alias King Tubby ayant oublié la piste vocale du morceauqu'il était en train de copier d'une bande magnétique sur un disque. Au lieu de

le jeter, il diffusa le disque le soir même dans le "sound system" de l'un de ses amis, et la réaction du public lui révéla le potentiel que pouvait générer

ce genre de manipulations… Au-delà du dub, c'est aussi de cette source inattendue que provient la technique du remix, qui a été annexé par la pop,

le funk, le disco, le rap et l'électro. Le pas en avant qu'a incarné le dub, c'est le recyclage dans un nouveau morceau de musique d'un motif rythmique déjà

existant. Par exemple, le morceau fétiche des débuts du rap américain, le"Rapper's Delight" du groupe Sugarhill Gang, n'est rien d'autre que le "Good

Times" de Chic sur lequel rappent Wonder Mike, Master Gee et Big BangHank. Nous sommes en 1979 et à l'aube d'une philosophie musicale

nouvelle, basée autant sur la création que sur le recyclage…

3.2.4 - Le rap et l'électro

À son tour, le rap doit énormément au disque. Par son emprunt au reggaeà travers le "toasting", pratiqué par les "toasters", un mot ancêtre de "deejay"

qui tire son origine du nom anglais du grille-pain et qui signifie littéralement"celui qui chante en faisant ''sortir'' les mots". À travers l'adaptation du principedu "sound system" jamaïcain qui est à l'origine du duo de base de la musiquerap, le couple "M.C." ou "maître de cérémonie" et le deejay. Et aussi grâce au"scratching" inventé par le New-Yorkais Grand Wizard Theodore à partir d'uneerreur (comme le dub), puisqu'il avait glisser maladroitement la tête de lecturede sa platine sur le vinyle qu'elle était en train de lire, mais qu'il avait trouvé le

son provoqué plutôt intéressant… À ce moment-là, le disque était clairementdevenu un instrument de musique et la platine un élément de percussion…

Il aura une troisième utilité pour les instrumentaux de rap : celui d'offrir unesource inépuisable de sons à échantillonner. Ce n'est pas un hasard si sur la

pochette du "Endtroducing" de Josh Davis alias D.J. Shadow, en 1996, le premier album de "abstract hip hop music", et qui est construit uniquement

à partir de "samples", figure la photo d'un intérieur de magasin de disques vinyles.

Quant aux musiques électroniques actuelles, elles sont souvent portées par des créateurs qui possèdent une grande culture musicale qui passe par

le disque autant que par la technique. Qu'ils s'agisse de deejays commeLaurent Garnier et Jeff Mills ou de compositeurs aux visions plus intimistes

tels Alexander Kowalski ou même Moritz von Oswald, ils sont tous des adeptes du recyclage et ils croient toujours en l'objet disque.

3 - Le disque (suite)

"J'adore la musique classique. Je croisque ça me vient de la découverte de"Pierre et le loup", lorsque j'étais encoreau jardin d'enfants. J'écoute encore le disque aujourd'hui !"Michael Jackson, chanteur et auteur compositeur américain, né en 1958 et mort en 2009.

Chanteuse de jazz et également auteure-compositrice, l'Américaine MadeleinePeyroux raconte que ses parents lui ontfait écouter "les trésors du jazz, du vieuxblues, et du swing texan". SergeGainsbourg évoque son écoute des disques d'Art Tatum ou de JackieMcLean. Ces témoignages sont révélateurs du rôle du disque en tant que medium stimulant la créativité.Aujourd'hui, il est possible et facile d'effectuer des parcours ou des recherches à travers l'histoire du disqueet des labels pour retrouver le son d'uneépoque, l'évolution d'un style ou d'unmusicien précis, et la couleur d'une musique. Longtemps après leur fixation,les enregistrements continuent à nousrenseigner et à nous informer.

"Il y a vingt ans, un jeune qui voulait selancer dans la musique s'achetait une guitare. Aujourd'hui, son choix ira plutôtvers une paire de platines Technics."Christian Marclay en 1998, musicien,compositeur et plasticien américain né en 1955 en Californie.

"Ce que fait un deejay traditionnellement,c'est mélanger plusieurs vinyles demanière linéaire, chaque disque aprèsl'autre. La modification qu'il apporte, c'est le rapprochement entre deux disques. J'ai voulu aller plus loin que ça,je voulais modifier chaque disque avantde les mélanger les uns aux autres. J'ai donc retravaillé chaque titre pour en dégager ce qui me semblait le plus important : une ligne de basse ici, un pied de caisse là, une charley ailleurs. Et à partir de là j'ai commencé à créerune composition originale, comme un puzzle. Dans un sens, je me suis approprié les morceaux d'autres musiciens pour créer ma propre composition. Mais c'est également ce que fait un deejay traditionnel par ses choix et les associations qu'il crée,non ?"Ritchie Hawtin alias Plastikman ouF.U.S.E., deejay et producteur canadienné en 1970.

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Après être devenue dans les années 1920 un outil destiné au grand public, la radio acquiert rapidement un statut de medium privilégié, et des stations

naissent un peu partout dans le monde, diffusant des programmes d'informa-tions et de divertissements. Les progrès techniques aidant et les émetteurs

étant de plus en plus puissants, les ondes des radios ne connaissent pas les frontières et elles sont peu à peu capables de franchir les océans. Suite

logique de cet état de fait, les radios deviennent dans des contextes géopoliti-ques spécifiques de conflits voire de guerres des instruments stratégiques,

car même si elles peuvent être quelquefois brouillées, leurs ondes sont capables de transporter des messages sur le terrain de l'adversaire.

Beaucoup de créateurs de musique vont bénéficier de cet impact de la radio,et contrairement à l'attitude "passive" de l'auditeur de base ("écouter une

émission"), ils feront preuve d'une écoute "active" qui sera pour eux synonymede connaissance et d'apprentissage au service de leur art. Les exemples

de ce rôle fondamental de la radio abondent :

- dans les années 1930 et 1940, dans le sud des Etats-Unis où la ségrégationest très forte, les stations blanches diffusent de la musique country et de la

musique folk, et les stations noires de la musique gospel et du blues. Leracisme a beau être omniprésent, tout le monde écoute quasiment de tout, et

cela a un résultat très fort sur le parcours de nombre d'artistes. Des artistesnoirs comme les pionniers du blues Big Bill Broonzy et Reverend Gary Davis

ont été nourris par la country, et Ray Charles, qui a très bien expliqué cette"double influence radiophonique", a à son actif une discographie très riche, où

l'on trouve certes principalement des albums de blues et de rhythm'n'blues,mais aussi de country et de pop.

- après la seconde guerre mondiale, les radios qui émettent depuis les basesaméricaines installées en Europe aident le rhythm'n'blues et le rock'n'roll à

s'installer dans des pays comme l'Allemagne, la France, et les Pays Bas. C'estnotamment par ce biais que des chanteurs comme Johnny Hallyday et DickRivers découvrent Elvis Presley et Chuck Berry. Alan Stivell, inventeur de la

harpe celtique électrique, situe le début de son inspiration en 1957-58, quand ila "entendu pour la première fois des guitares électriques à la radio."

- pendant la longue période de ségrégation en Afrique du sud, la radio permetà la population noire d'écouter de la musique pop blanche, et cela pousse des

artistes comme Brenda Fassie à forger leur propre musique que l'on peutconsidérer comme de l'"afro-pop".

- pendant la guerre froide, la radio joue un rôle central dans le parcours d'artistes des pays de l'est, car c'est principalement en écoutant les stations

d'Allemagne de l'Ouest qu'il restent informés des évolutions du rock et du jazz.Jamais un groupe comme The Plastic People Of The Universe, qui s'est formé

à Prague en 1968 juste après la mise au pas du pays organisée par l'UnionSoviétique, n'aurait pu exister et maintenir son niveau d'inspiration et de

créativité sans la possibilité d'écouter en cachette les radios de l'ouest ni celle de découvrir des disques importés clandestinement. Même si nous

les connaissons moins, le même constat peut-être fait pour les artistes des scènes chinoises.

- dans les années cinquante et soixante en Jamaïque, on capte facilement les radios américaines, et c'est en écoutant les programmes musicaux de certains animateurs, avec leur élocution rapide typique et leur talent dans

l'enchaînement des titres, que plusieurs deejays de Kingston comme The Great Sebastian, Count Machuki, et Duke Reid, adaptent leur phrasé

et s'en servent pour perfectionner l'efficacité de leurs "sound systems".

La radio est multiple. Au-delà de son double rôle de "vecteur de liberté" et de "moteur d'évolutions", n'oublions surtout pas sa position centrale en tantque source d'information mais aussi de diffusion de masse. Aux Etats-Unis,

les disc-jockeys au micro de leurs radios sont essentiels dans l'explosion durock. À Memphis, Dewey Phillips est la courroie de transmission décisive du 45

tours d'Elvis Presley "That's All Right (Mama)" auprès de ses auditeurs et parextension du grand public. À Cleveland, Alan Freed est surnommé "le père du

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4 - La radio et la télévision (suite)

rock'n'roll" car c'est lui qui aurait inventé l'expression, empruntée à l'argot de la population noire et qui était un synonyme de "faire l'amour", "rock" signifiant

"balancer" et "roll" voulant dire "rouler".

À Détroit, de la fin des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt,le disc-jockey Charles Johnson, qui sous son pseudonyme The Electrifying

Mojo avait atteint un statut de personnage culte, a joué un rôle essentiel dansl'élaboration et la construction d'une nouvelle scène musicale actuelle. En effet,

parmi les auditeurs de son programme quotidien, de 22 heures jusqu'à 2 ou 3heures du matin, se trouvaient Juan Atkins, Kevin Saunderson et Derrick May

les trois "inventeurs" de la "Detroit techno", et dans la génération suivante leurshéritiers Richie Hawtin et Carl Craig. Tous attestent que l'émission, avec

notamment des playlists éclectiques qui faisaient se côtoyer funk, rock, soul,new wave et jazz, a profondément marqué leur développement personnel.

C'est aussi chez The Electrifying Mojo que le célèbre Jeff Mills a commencé sa carrière de deejay, sous le pseudonyme The Wizard (Le sorcier). Se

souciant peu des formats imposés par les radios, ce disc-jockey pas commeles autres avait en fait pratiqué l'inverse, puisque c'est lui qui avait imposé

sa formule d'émission aux radios qui l'accueillaient, c'est d'ailleurs pourquoi il a souvent changé de station…

En France, des émissions comme "Pour ceux qui aiment le jazz" et "Salut lescopains", apparues sur Europe 1 respectivement en 1955 et 1959 et animéespar Franck Ténot et Daniel Filipacchi, ainsi que "Le pop club" sur France Inter

qui est créé en 1965 par José Artur, sont décisives dans la propagation dujazz, de la chanson et du rock en France, et elles ont alimenté et suscité

nombre de vocations d'amateurs de musique, de journalistes, d'organisateursde concert et de musiciens. À l'opposé, ce sont les radios périphériques, Europe 1 et RTL en tête, qui inaugurent au milieu des années cinquante

l'ère du matraquage radiophonique qui est toujours en vigueur aujourd'hui et dont le but avoué est d'influencer le public et de le pousser à acheter

un disque - sur les ventes duquel telle ou telle radio touche parfois un pourcentage…

En diffusant partout dans le monde les disques des artistes de grande variétépuis de pop américaine et anglaise, de Frank Sinatra à Michael Jackson etMadonna en passant par Elvis Presley, les Beatles, et quelques autres, la

radio, ou plutôt les radios de quasiment tous les pays du globe, ont contribué àen faire des stars planétaires. Le même phénomène s'est produit avec Bob

Marley, et dans une moindre mesure avec Manu Chao. Cette diffusion massiveet "globale", soutenue dans certains cas par des tournées mondiales réguliè-

res, par le travail des majors du disque, et favorisée par la suprématie de l'anglais qui est la langue que la plupart de ces artistes emploient, a

commencé bien avant même que l'on ne parle de mondialisation, et elle a certainement eu un impact sur la création musicale de beaucoup d'artistes de

toutes les scènes musicales du monde entier, tant dans le format des chansons que dans la couleur des rythmiques. Par contre, il existe

évidemment des musiques pop très intéressantes au Japon, en Australie, ou en Scandinavie, mais comme elles ne sont pas poussées par les

mêmes enjeux économiques, la plupart du temps on ne les connaît pas au-delà de leurs frontières…

La radio a également été très présente sur le terrain de l'illégalité, qui corres-pondait à l'esprit libertaire et subversif du rock des années soixante et soixante

dix. Une station comme Radio Caroline qui émet au large de l'Angleterredepuis les eaux internationales à partir de 1964, et dix ans plus tard les radios

libres qui voient le jour un peu partout en Europe de l'Ouest sont un instrumentdécisif dans la diffusion de la contre-culture et de toutes les musiques qui lui

sont liées, essentiellement dans les familles rock et pop, et un peu plus tard lerap. Aujourd'hui en France, beaucoup de stations de "la bande F.M.", dont la

libéralisation a eu lieu en 1981, sont les héritières des radios libres de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt, mais la

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plupart d'entre elles sont devenues des radios commerciales qui diffusent des programmes souvent interchangeables. Pour s'informer intelligemment

sur la créativité musicale, les mélomanes doivent plutôt écouter certainesradios associatives qui subsistent telle Radio Aligre et Radio Libertaire à

Paris, certaines radios indépendantes comme Radio Nova et T.S.F., ou desprogrammes spécifiques de radios du groupe Radio France, de France Cultureà France Musique en passant F.I.P. et France Inter. D'ailleurs, certaines d'entre

elles développent en collaboration avec des labels de disques des collectionsqui reprennent leur "couleur" ou un de leur programme fétiche ; c'est le cas

de Radio Nova avec notamment sa série "Nova Tunes", et de F.I.P. avec ses disques estampillés "Live à F.I.P.".

Media de masse par excellence, et même si son offre a décuplé en termes de nombre de chaînes disponibles, la télévision ne brille pas aujourd'hui par

l'information musicale et donc l'impact qu'elle peut avoir sur des créateurspotentiels semble limité. Mais cela n'a pas toujours été le cas, et paradoxale-

ment, à l'époque où l'information politique était muselée de manière beaucoupmoins sournoise qu'aujourd'hui, une émission comme Pop 2 au début desannées soixante dix permettait de suivre l'actualité rock avec à la clef une

revue de presse et des entretiens et des extraits de concerts avec par exempleFrank Zappa, John Lennon, Gong, Robert Wyatt, et beaucoup d'autres, sansoublier les Rolling Stones et les Beatles qui démarraient leurs carrières solo.

Plus près de nous, le petit écran a tout de même été le vecteur de phénomènes atypiques mais bien rééls, comme au milieu des années

quatre-vingt l'émission animée par Sidney "H.I.P. - H.O.P." sur le rap et ladance hip hop. En même temps que les programmes de Radio Nova sur lemême sujet, elle a certainement poussé des artistes comme les fondateurs

de N.T.M. à se lancer dans l'aventure du rap français.

4 - La radio et la télévision (suite)

"Le pop club" de France Inter, qui a existéde 1965 à 2005, a eu plusieurs indicatifs :des thèmes inédits signés par les compositeurs de jazz Claude Bolling et Henri Texier, par les chanteurs SergeGainsbourg, Pierre Perret, par Areski et Brigitte Fontaine, par le duo popfranco-américain Chagrin d'Amour, ainsi que le titre "Jessica" du groupe américain The Allman Brothers.

Disparu en 2008, le journaliste DanielCaux, qui travailla longtemps pour France Culture et France Musique et fut aussi organisateur de concerts et auteur de nombre de textes pour des pochettes de disques, a été un "passeur" essentiel pour nombre d'écoles musicales et entre ces écoles : le free jazz américain (Sun Ra, AlbertAyler, etc.), les minimalistes américains(Terry Riley, Steve Reich, etc.), les avant-gardistes européens (Arvo Pärt,le Penguin Cafe Orchestra), les musiques traditionnelles du Maghreb, et les musiques électroniques et techno d'Europe et des Etats-Unis.

Voici comment se décomposait une émission type de The Electrifying Mojo :

- de 22h à 23h : la séquence "TheLanding Of The Mothership", avec laprésentation du programme de la soirée,agrémentée d'effets spéciaux,

- de 23h à 23h30 : une sélection de nouveautés,

- de 23h30 à minuit : une séquence de "slow jams" pour les amoureux,

- de minuit à 1h du matin : "The MidnightFunk Association", axée sur le répertoirede George Clinton, Zapp, The Gap Band,Prince, etc.

- de 1h à 3h du matin : alternance de plusieurs séquences avec portrait d'unartiste, dialogue avec les auditeurs, et un "Star Wars" qui était une "bataille detitres" entre deux groupes connus avecvote du public.

C'est ainsi que l'on pouvait écouter dans une même émission Billie Holiday,Human League, Cabaret Voltaire, Prince,Kraftwerk, Duke Ellington, Parliament et les B-52's. Il arrivait aussi à TheElectrifying Mojo de parler de sujetsdivers, de lire ses propres écrits poétiques, et il mettait un point d'honneura "passer de la musique blanche pour lesNoirs et de la musique noire pour lesBlancs", renvoyant par là même au rôlede la radio dans les États du sud du pays.

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Depuis la mise au point de la bande magnétique et l'invention des premiersmagnétophones dans les années trente, ce support a sous-tendu bien des

étapes de l'évolution des "musiques actuelles". Peu de temps après son apparition, elle apparaît dans les studios des radios et contribue au même

titre que le disque longue durée à une plus grande souplesse dans la conception des programmes et donc à un confort d'écoute amélioré pour

l'auditeur. Le blues, le jazz et les musiques de variétés à base de chanson vont en bénéficier. Dans les années1950, l'avènement du Nagra, un

magnétophone portatif, permet non seulement aux journalistes de faire des reportages en extérieur, mais aussi aux ethnomusicologues d'effectuer

des collectages sonores autour du globe (jusqu'à présent, John et Alan Lomax avaient travaillé avec un studio mobile et un système de disques

vierges). Plusieurs d'entre eux, comme l'Américain Robert Palmer, l'AnglaisHugh Tracey, et le Français Charles Duvelle, ont laissé des témoignages

très précieux, notamment sur les musiques africaines.

Ce sont les créateurs des musiques contemporaines qui font basculer la bande magnétique vers d'autres territoires. En 1948, le Français Pierre

Schaeffer invente le terme de "musique concrète" et la même année il donneun "concert de bruits" et il compose son "Étude aux chemins de fer" en utilisant

une bande magnétique qu'il a découpée et recollée. L'un des pères de la musique électro-acoustique avec Pierre Henry, Schaeffer fonde en 1958

le Groupe de Recherches Musicales (G.R.M.). Tous les deux ont réalisé lepotentiel créatif que permet la bande magnétique, avec montages, trucages

et effets sonores inédits à la clef. Au même moment, l'Allemand KarlheinzStockausen démarre à Cologne son studio de musique électronique

("elektronische Musik") et il compose "Kontakte" qui est une pièce pour bandemagnétique, piano et percussion. Quant à John Cage, philosophe autant que

compositeur et inspirateur du mouvement Fluxus, il compose pour la bandemagnétique dès le début des années cinquante avec son impressionnant

"Williams Mix". Dans les années soixante, des pièces comme "Cartridge Music"et "Variations" montrent que la musique électronique lui sert à élargir son

vocabulaire, toujours dans le cadre de sa conception de musique "aléatoire" où la chance et l'imprévu sont intégrés au jeu du compositeur et de ses

interprètes. En 1969, Cage, qui revendique le "mixed media", fait cohabiterdans son morceau "HPSCHD" sept clavecins amplifiés, de multiples bandesenregistrées, et des effets de lumière. "Être artiste", disait ce créateur épris de liberté, "c'est d'être engagé par soi-même, et non par quelqu'un d'autre."

Quelques musiciens de l'école minimaliste américaine ont également travailléavec la bande magnétique. Citons Terry Riley qui, en s'inspirant aussi de la

musique indienne, a élaboré en 1967 pour son "Poppy Nogood And The Phantom Band" un appareillage pour saxophone, orgue, et dispositif

à bande magnétique ("tape delay"), Steve Reich qui a été un des premiers a véritablement travailler sur la bande magnétique comme matériau principal

d'une œuvre, voir ses morceaux "It's Gonna Rain" (1965) et "Come Out"(1966), ainsi que Pauline Oliveros qui, aux côtés de son fondateur Morton

Subotnick, a collaboré aux recherches du San Francisco Tape Music Center.

Toutes ces expériences influencent nombre de compositeurs de la sphère popqui sont en pleine ébullition créative, et ce n'est pas un hasard si on trouve

Stockhausen parmi la galerie de personnages qui illustrent la pochette du "Sgt.Pepper's Lonely Hearts Club Band" des Beatles en 1967. Avec l'aide de leurproducteur George Martin, ceux-ci iront loin dans les expérimentations, et ilsseront l'un des tout premiers groupes à incorporer dans leurs morceaux des

bouts de musique qui passent à l'envers, des bruitages et des effets, tout celaétant réalisé à l'aide de collages de bandes magnétiques.

Jimi Hendrix utilisera aussi le studio comme personne ne l'a fait avant lui, etcela passera autant par un choix délibéré de la prise de son (les niveaux deréglage entre la voix et les différents instruments) que par les effets utilisés

(comme justement le"tape delay" avec bande magnétique). Un exemple

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frappant de cette approche est sa version du morceau de Bob Dylan "All Along The Watchtower" sur son album "Electric Ladyland" (1968).

Au même moment, Soft Machine et Pink Floyd en Angleterre, et la formationaustralo-franco-anglaise Gong en France pratiquent également l'art du collage,

tandis que plusieurs groupes allemands tels Can, Kraftwerk, et un peu plustard Neu ! et Cluster, vont jusqu'à considérer le studio à la fois comme un outilde production et comme un instrument de musique à part entière. Dans cette

perspective, la bande magnétique est un élément de base qui permet souventd'"éditer" un morceau de musique, comme le font le metteur en scène et

son monteur pour un film.

Mise sur le marché à la fin des années soixante, la cassette audio, qui n'est rien d'autre qu'une bande magnétique miniaturisée, donne une énorme

impulsion à la circulation de la musique. Par sa petite taille, elle symbolise unnomadisme de l'écoute qui se renforce avec l'apparition de son lecteur fétichele "walkman" en 1979, et elle autorise des échanges beaucoup plus faciles etspontanés entre amateurs et créateurs du monde entier. Elle permet aussi de

faire face à des situations géopolitiques particulières et contribue notamment àfaire pénétrer le rock dans les pays du bloc de l'Est. Elle s'insère aussi dans

les réseaux du "mail art" et joue un rôle non négligeable dans l'effervescencedes labels indépendants des années quatre-vingt, une période où plusieurspetits labels indépendants européens, américains, ou japonais publient des

séries limitées de cassettes contenant des œuvres originales de musiciens etde groupes de rock alternatif comme Pascal Comelade, Eyeless In Gaza et

This Heat dans des emballages incongrus : boîtes en métal, litre de lait, boîted'allumettes, pochette plastique, cône en carton, etc.

Dans les réseaux amateurs comme professionnels, la cassette a aussi beaucoup circulé sous la forme de "mixtape", soit littéralement "bande mixée".

Celle-ci pouvait avoir plusieurs fonctions :

- d'une façon privée, permettre à quelqu'un de réaliser ses propres compilations de morceaux pour les faire connaître à ses amis

et connaissances,

- d'une façon professionnelle, faciliter les contacts et les relations entre musiciens pour faire écouter une nouvelle composition, une idée

d'arrangement, etc. D.J. Shadow a démarré sa carrière quand le patron d'une radio californienne est tombé par hasard sur l'une de ses cassettes

"mixtapes"…

- d'une façon publique, fournir le moyen à un créateur, compositeur, musicienou deejay, de diffuser sa musique de façon parallèle, en dehors des grands

circuits commerciaux.

Sous ce dernier aspect, les "mixtapes" ont connu un grand succès au début de la culture hip hop. D'une part elles pouvaient se dupliquer plus rapidementqu'un disque donc elles permettaient une instantanéité dans la diffusion d'unnouveau titre ou de son remix ; d'autre part elles étaient le support idéal du"ghetto blaster" sur lesquelles elles pouvaient d'ailleurs non seulement êtrelues mais aussi être copiées pendant le temps réel de l'écoute, collant ainsiparfaitement aux côtés "culture parallèle et miltante" du rap. Aujourd'hui, on

continue quelquefois à appeler "mixtape" un ensemble de titres qui circulentsous forme de disque compact voire de format numérique compressé.

Dans les années quatre-vingt et jusqu'au milieu des années quatre-vingt dix, beaucoup de jeunes musiciens travailleront sur des magnétophones

à cassettes "4 pistes". Bon marché, ces appareils leur permettent de réaliserdes enregistrements multi-pistes basiques sur de simples cassettes audio,

et, même si la qualité sonore n'est pas optimale, de s'initier au travail en studio et de présenter leur travail à leurs partenaires potentiels, labels,

éditeurs ou tourneurs.

5 - La bande magnétique (suite)

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5 - La bande magnétique (suite)

À la fin des années quatre-vingt, Sony lance le format D.A.T. ("digital audiotape") qui propose un enregistrement numérique de très bonne qualité, le butdu fabricant japonais étant clairement de remplacer la cassette traditionnelle.

Cela s'avèrera un échec auprès du grand public, mais la D.A.T. sera très utilisée par les professionnels, et cela jusqu'à son remplacement par les

CDs gravés par les ordinateurs.

Tombée en désuétude de nos jours, la bande magnétique a été le premier support d'écoute qui soit devenu aussi un support créatif. Tant

dans la restitution de la musique que dans les possibilités qu'elle offraità sa conception, elle annonçait en filigrane la révolution du digital.

Dans "Williams Mix", un collage pourbande magnétique huit pistes que JohnCage compose d'octobre 1952 à janvier1953 en s'inspirant des notions de hasardet de chance proposées par le "I Ching"chinois, il utilise six familles de sons classées de A à F : les sons A (bruitsurbains), les sons B (bruits de la campagne), les sons C (sonorités électroniques), les sons D (des sons produits manuellement), les sons E (des sons produits à base de vent), et les sons F (des "petits" sons qui doivent être amplifiés). Environ six cents enregistrements spécifiques ont été nécessaires pour construire le morceau, dont une version, montée avec la collaboration de cinq collaborateurs et plusieurs assistantsa été donnée en public en mars 1953 à l'Université de l'Illinois, dans le cadredu Festival des Arts Contemporains.

Au début des années soixante-dix, le guitariste Robert Fripp, fondateur dugroupe King Crimson, met au point ens'inspirant du travail de Brian Eno sur"Discreet Music" son système"Frippertronics" qui est basé sur son jeu de guitare et une bande magnétiquequi passe en boucle dans deux magnétophones Revox. La guitare est enregistrée sur l'appareil de gauche,puis le signal sonore passe sur l'appareilde droite avant d'être renvoyé et ré-enregistré sur l'appareil de gauche,Fripp contrôlant et modifiant le tout avec notamment une pédale "fuzz box".La réalisation la plus célèbre qui utilise ce procédé est l'album "No Pussyfooting"(1973), enregistré en duo par RobertFripp et Brian Eno. Pour Fripp, les"Frippertronics" correspondent aussi à une volonté de créer dans le cadred'une "petite unité mobile et intelligente",qui est à l'opposé du contexte dans lequelévolue un groupe de rock traditionnel.

Au milieu des années quatre-vingt-dix,Robert Fripp fait évoluer son concept"Frippertronics" vers celui de"Soundscaping". Grâce à la technologiedigitale et à travers elle de nouvelles formes de synthétiseurs et de delays ainsi qu'une assistance par ordinateur,les possibilités créatives du compositeurs'en trouvent considérablement élargies.Parmi les disques exclusivement réalisésà l'aide de ce procédé se trouvent lesalbums "1999" et "The Gates OfParadise".

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6 - L'internet

L'internet est le dernier des moyens de diffusion né au vingtième siècle mais dix ans après l'explosion du "world wide web" son impact est retentissant.

À la fois moyen d'information et de communication, il accélère les échanges et on peut quasiment tout y faire "en ligne", comme lire son quotidien préféré,

y chercher un disque rare ou y acheter des places de concert.

L'internet occupe un rôle central sur le grand échiquier de la mondialisationmais il est assez difficile d'évaluer son influence réelle sur la création musicaleelle-même, à un niveau esthétique en tout cas. On peut simplement constaterque l'accès illimité à toutes les musiques qu'il offre théoriquement aux artistes(mais la théorie n'est pas forcément la pratique…) coïncide avec la multiplica-

tion des styles hybrides, des genres que l'on pourrait aussi qualifier de "transversaux" voire de "musiques puzzle" et qui sont de plus en plus difficilesà définir précisément, même s'ils ont souvent à voir avec l'électronique et l'art

du mixage. De la même manière, il serait faux et réducteur d'affirmer que toutes les musiques se ressemblent de plus en plus

et que c'est "la faute" d'internet.

S'ajoutant à l'usage exponentiel du son et donc de la musique compressée,internet n'est ni un démon ni la panacée absolue. C'est une réalité avec

laquelle il faut compter. Et pour l'instant, dresser des constats (par exemplel'atomisation de certaines scènes musicales) est beaucoup plus simple que derépondre à la question de savoir si oui ou non chaque artiste développe grâce

et à travers lui son propre style…

En quelque sorte, la toile contient et cumule le mythe du village global, la réalité de la "sono mondiale" (un terme conçu en 1981 par Jean-François

Bizot lorsqu'il fonde Radio Nova) et la vision d'un gigantesque marché virtueloù chacun peut être à la fois acheteur, vendeur, ou simple spectateur, voire

tout cela à la fois. Pour ce qui est de la musique en tant que produit, les choses sont encore plus compliquées : les tenants de l'économie la plus libérale qui soit peuvent y donner la main aux alter-mondialistes les plus

utopistes, et le concept de commerce équitable s'entrechoque avec celui de la gratuité totale, sans parler de tous ceux qui n'ont aucun concept et qui secontentent d'utiliser la toile comme un moyen de consommation supplémen-taire. Et si finalement internet n'était qu'un monde en réduction, ou plutôt un

espace qui reproduirait toutes les contradictions du monde… ?

Tout en favorisant les contacts potentiels, le paradoxe d'internet est qu'il participe aussi à un phénomène d'individualisation que l'on retrouve un peu

partout. Il permet à toute personne où qu'elle soit de quasiment tout faire derrière son écran, ou demain (et déjà un peu aujourd'hui) avec son téléphone.

S'il est vrai que chaque internaute (et la plupart des musiciens le sont aussi) y développe son propre réseau de contacts et sa propre culture musicale,

chaque internaute musicien n'y développe pas forcément son propre style.

Pour les créateurs de musique, la diffusion instantanée qu'offre la transmissionvia le réseau internet est un progrès auquel même Jules Verne n'avait pas

pensé… Grâce au web, l'ordinateur est à la fois outil d'information, de création,de diffusion, voire de vente. Sitôt un mix terminé, son auteur peut le mettre sur

sa page myspace. En clair, internet permet désormais à un musicien :

- de mettre son travail à la disposition de qui il veut,

- d'envoyer de la musique sous forme de fichiers en temps réel à qui il veut,que ce soit à son collaborateur qui est à l'autre bout de sa rue ou à un

partenaire néo-zélandais ou japonais,

- de faire circuler des textes, des partitions, des projets de pochette, des contrats,

- de créer son site web, de l'alimenter régulièrement, d'y dialoguer avec ses"fans", et d'y vendre éventuellement sa production, sous forme physique et / ou

digitale.

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6 - L'internet (suite)

- d'établir des relations et de faciliter des rencontres, que celles-ci restent "virtuelles" ou qu'elles se concrétisent physiquement.

- et bien sûr de s'informer sur à peu près tout ce qui se passe partout autour du globe en terme de création musicale, de nouveaux courants,

de progrès techniques, etc.

Mais l'usage intensif d'internet et son omniprésence dans notre quotidien ontdes effets collatéraux sur le statut même du compositeur et du musicien, son

environnement social et économique, et donc sur la diffusion de sa musique etson "confort" en temps que créateur. Son attitude et son comportement sont

donc touchés et son œuvre peut s'en ressentir.

L'information, la promotion et le marketing ne sont plus les mêmes. Pour certains artistes, il peut être plus intéressant de toucher des cibles

communautaires sur la toile plutôt que de passer par les anciennes méthodes de l'attaché(e) de presse qui vend un "produit" aux journalistes.

En termes d'image et de visibilité, s'associer à une plateforme de vente ou à un opérateur de téléphonie peut être plus lucratif que d'acheter

des encarts publicitaires dans la presse musicale spécialisée.

Les revenus numériques des auteurs, des compositeurs et de leurs interprètes(ce sont parfois les mêmes personnes) sont encore dans un flou artistique.

Sans parler du téléchargement illégal qui est devenu pour un grand nombreune habitude qu'il sera quasiment impossible de changer, la répartition desroyalties provenant du digital n'est pas aussi cadrée que celle des produits

physiques. Droits voisins comme droits d'auteur y sont bafoués, les états deredevances sont confus et ne révèlent que très imparfaitement la provenancedes revenus, le "co-branding" (un partenariat entre un label de disques et une

marque quelconque) se multiplie sans que l'artiste y ait forcément son mot à dire, les plateformes du type Myspace, Youtube ou Dailymotion n'en sontqu'au début d'une reconnaissance du droit d'auteur et ne génèrent que très

peu de reversements… En outre, la mise à disposition de catalogues entiersne génère pas forcément pour tous les artistes concernés des revenus clairs

tels qu'ils devraient être définis contractuellement.

La formule du "speed dating" qui a pour but de sceller de nouvelles relationsamoureuses se décline en "speed meeting", des rendez-vous express où unartiste a un quart d'heure pour séduire un producteur ou un agent potentiel.

On commence à parler de "coaching" musical en ligne. Même s'il est difficile à définir, tout cela a forcément un impact en terme d'attitude face à la musique,

de relations humaines, et forcément de créativité, d'autant plus que les modèles changent vite et que personne ne possède toutes les clefs

des mutations en cours et de leurs conséquences.

"En tant qu'"artiste", internet a bouleversémon approche de la diffusion et de lacommunication, mon rapport avec lepublic et mes démarches professionnelles(salles de spectacle, journalistes, etc.),mais cela n'a changé en rien mon approche créative, même si j'utilise beaucoup l'ordinateur. Comme tout lemonde, j'utilise internet pour découvrir des musiques, mais j'étais déjà curieuxavant internet !"Jérôme Rousseaux alias Ignatus, auteur-compositeur et poly-instrumentistefrançais.

"On pourrait parler d'une évolution globaledu son qui commencerait avec le 78 tourstrès lourd et qui se terminerait par le soncompressé qui s'envoie en un clic de souris… Elle débuterait avec les grandsorchestres, se poursuivrait avec les combos, puis les groupes, et enfin lesmusiciens solitaires."Jean-Luc Leray, responsable d'antennede la radio F.I.P. dans le groupe RadioFrance.

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7 - Les rencontres

Fondamentales dans le parcours de beaucoup de compositeurs et dans l'évolution de nombre de musiques, les rencontres sont de natures multiples.

Une page essentielle de l'histoire du rock n'aurait sans doute pas été écrite, si un beau jour de 1960 sur le quai de la gare de Dartford dans le sud-est

de Londres, Keith Richards n'avait pas rencontré Mick Jagger, une ancienneconnaissance, qui avait sous le bras des disques rares de blues américain,

et notamment un 33 tours de Muddy Waters, et s'il n'avait pas accepté sa proposition d'aller les écouter chez lui… Deux générations plus tard,

l'Anglais Fyfe Dangerfield, le fondateur des Guillemots, explique qu'il empruntait les albums de Jeff Buckley et de Björk à la discothèque de

son quartier et que "leur façon d'insister sur l'émotion autant que sur l'espace sonique" lui ont "ouvert des voies et poussé à écouter aussi

du jazz et de la musique classique".

Les rencontres sont fréquemment liées à des voyages qui ont parfois un côtéinitiatique, comme chez Steve Reich qui a découvert en Afrique les structures

rythmiques qui constituent la base de son inspiration. Dans le même ordred'idées, c'est en rentrant des Etats-Unis que Fela Kuti a commencé à sculpter

son "afrobeat". Quant à Jon Hassell, il a mis au point sa technique de trompette qui est au cœur de sa musique à la suite d'un voyage en Inde où il

avait séjourné auprès du chanteur Pandit Prân Nath, et le traitement électroni-que qu'il lui ajoute a certainement à voir avec ses études auprès de Karlheinz

Stockhausen. Le voyage, lorsqu'il pensé de façon intelligente, est synonymed'ouverture. C'est ce que veut dire Manu Chao quand il dit : "la plus bellechose que je peux faire aujourd'hui dans ma vie, c'est d'aller faire le tour

du monde. Si je fais pas ça, je suis le roi des cons."

L'éducation musicale de chacun y est souvent pour beaucoup. Même s'il a découvert plus tard les trios classiques de Charles Ives, l'écriture pourbig band de Duke Ellington, le surf-rock de Dick Dale et l'easy-listening

d'André Popp, Fred Pallem qui dirige Le Sacre Du Tympan fait remonter l'origine de son approche à ses études avec Olivier Messiaen.

Une rencontre peut aussi se faire par un travail, comme pour Philip Glass, qui,après avoir étudié à Paris avec Darius Milhaud et Nadia Boulanger, a d'abordcroisé Ravi Shankar lorsqu'un studio parisien lui fait appel pour transcrire en

notation occidentale une partition écrite par le maître indien pour une musiquede film. Les deux musiciens se rencontreront effectivement deux ans plus tard

et ils collaboreront bien plus tard, mais ce premier contact est déjà pour lui unerévélation qui va fortement orienter sa façon de composer.

À condition que les partenaires acceptent le hasard, une rencontre peut aussi être fortuite. Le groupe allemand Can, quatuor instrumental après le

départ de leur premier chanteur le Noir américain Malcolm Mooney, ont"trouvé" leur second vocaliste, le Japonais Damo Suzuki, en se promenant

dans les rues de Munich. "On a vu cet incroyable personnage qui faisait desincantations dans une langue curieuse qu'on ne comprenait pas, il était en faiten train de mendier, on a parlé avec lui et le soir même il était sur scène avecnous…" De 1970 à 1973, le groupe avec Suzuki enregistrera plusieurs de ses

meilleurs albums : "Tago Mago", "Ege Bamyasi", et "Future Days".

En France, où Paris est avec Londres l'une des plaques tournantes des "musiques du monde", de nombreuses rencontres ont eu lieu, et des

trajectoires comme celles des Négresses Vertes, d'Amazigh Kateb et GnawaDiffusion, et de Rachid Taha en sont des exemples forts. Avant eux, Charles

Aznavour l'Arménien, Yves Montand l'Italien et Dalida l'Égyptienne, avant d'être des exemples d'intégration, symbolisent des rencontres entre une originespécifique et une culture. Faire un portrait de la chanson française aujourd'hui,

c'est parler de Thomas Fersen et Vincent Delerm, mais aussi de Mouss &Hakim, Moussu T et Abd al Malik. Une rencontre peut aussi avoir lieu parl'écoute : c'est en entendant Jimi Hendrix que Miles Davis a eu l'idée de

brancher une pédale wah wah sur sa trompette, et même si les deux

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7 - Les rencontres (suite)

musiciens n'ont jamais joué ensemble, cela a été crucial dans la suite du parcours du créateur de "Kind Of Blue".

Les rencontres peuvent aussi être liées à des faits de société ou à des événements de géopolitique. En Afrique dans les années quarante, en mêmetemps que des religions animistes se sont christianisées sous l'influence desmissionnaires occidentaux, certaines esthétiques comme la musique chorale

congolaise ont évolué au contact de leurs chants d'église.

Enfin, la rencontre peut être aussi un aboutissement, comme celle des deuxfrères Lionel et Stéphane Belmondo avec le flûtiste Yusef Lateef, pour célèbrer

avec lui les compositions raffinées de Lili Boulanger, ou le point culminantd'une longue construction, et c'est le cas avec Slow Joe & The Ginger Accident

le groupe qui illustre cette conférence.

De tout temps, les musiciens occidentaux ont été fascinés par les musiquesdes autres continents. Cette curiosité pour des cultures lointaines et donc descouleurs différentes se relève déjà chez Lully au dix-septième siècle ou chez

Mozart plus tard ("La marche turque"). Plus tard, la culture espagnole, voisinede la notre, a influencé nombre de compositeurs français, d'Édouard Lalo

à Maurice Ravel en passant par Georges Bizet.

Et puis, certains compositeurs classiques se sont intéressés au folklore de leurpays. Au cœur de l'Europe orientale, le Hongrois Zoltán Kodály, qui est aussimusicologue, journaliste et folkloriste, recueille les mélodies des campagnes

de son pays. Il est accompagné dans cette démarche par son ami Béla Bartók qui participe à ce collectage des musiques populaires hongroises, mais aussiroumaines et serbes, pour alimenter ses propres oeuvres. Quant au Tchèque

Leos Janácek, fils d'un instituteur de campagne, il passe plusieurs années à rassembler les chants populaires de son terroir, notant à la fois les inflexions

de voix mais aussi les bruits de la nature qui peuvent y être associés ; ses partitions sont teintées de l'esprit, des rythmes et des modes des musiques

populaires tchèques.

Le travail de ces compositeurs qui puisent dans leurs racines et dans le folklore de leur terre s'inscrit dans une démarche nationaliste qui est en phase

avec la situation socio-politique de l'époque. À travers l'assemblage de deuxmatériaux, d'un côté une musique écrite et réputée "savante", de l'autre unemusique populaire et à priori non écrite, il s'agit non seulement d'enrichir lapremière par la seconde, mais aussi de reconstruire une identité culturelle.

C'est évident, l'écoute d'autres créateurs et les rencontres avec d'autres artistes est primordiale. Le disque d'un côté, les voyages de l'autre (comme

le dit Damon Albarn, "Être dans Blur m'a permis de voyager et d'entendre la musique faite partout dans le monde"), et tous un tas d'autres facteurs,

permettent aux artistes de dépasser non seulement leur cultures, mais aussiles époques et le temps ; un musicien électro d'aujourd'hui peut être confronté

à une musique ethnique sud-américaine, tout comme il y a trente ans desmusiciens de rock tel George Harrison et de jazz comme John McLaughlin

pouvaient découvrir les ragas indiens multi-séculaires. Sans parler de l'élémenthumain qui se trouve au centre d'une rencontre, celle-ci stimule la créativité

et il peut en résulter des chocs musicaux passionnants.

"Dans la musique occidentale nous divisons le temps, c'est comme si on prenait une certaine durée et la sectionnait comme on coupe des tranches de pain. Dans la musiqueindienne on prend des petites unités et on les assemble pour créer des valeurs de temps plus grandes."Philip Glass, compositeur américain né à Baltimore en 1937.

Les influences en chaîne sont légion dansla musique. Par exemple, Jon Hassell aforgé son style auprès du Pandit PrânNath et de Stockhausen, et à son tour il ainfluencé Brian Eno dans son élaborationde l'"ambient music", et plus tard leNorvégien Nils Petter Molvaer et leFrançais Erik Truffaz. Dizzy Gillespie, en accueillant des percussionnistescubains dans ses orchestres, a lancé la vague du jazz afro-cubain dont onretrouve aujourd'hui les traces chez lespianistes Roberto Fonseca et HaroldLopez Nussa, Le Velvet Underground a influencé plusieurs générations de groupes rock, des plus anciens tel SonicYouth aux plus jeunes comme le duofranco-gallois Risqué, et en passant par Chrome, Tortoise, les Stranglers, etbien d'autres.

"C'est de la rencontre que naissent unquestionnement et la connaissance desoi."Philippe Conrath, créateur du festivalAfricolor en 1989.

Ce chapitre reprend des éléments du dossierd'accompagnement réalisé par Pascal Bussy dans le cadre de la conférence-concert du Jeu de l’ouïe "Les musiques du monde",donnée le 21 juin 2008.

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8 - Conclusion

Après nous être focalisés sur les familles des "musiques actuelles", nous inaugurons avec cette conférence un cycle centré sur l'importance de la

technologie. Cet angle d'approche inédit induit comme d'habitude dans lecadre du Jeu de l'ouïe une prise de recul nécessaire et il fait intervenir la transversalité, afin d'aborder des points cruciaux pour la compréhension

des musiques d'aujourd'hui.

Nous aurions pu parler aussi du concert, de la littérature, de l'information en général, du rôle de la publicité, de l'importance de l'image en général, de la vidéo, de la photo et de son rôle d'identification à un clan ou à une

communauté.

. Et bien sûr du cinéma ; depuis "Le chanteur de jazz" d'Alan Crosland avec Al Jolson en 1927 jusqu'au récent cycle blues produit par Martin Scorsese

avec notamment les réalisateurs Clint Eastwood et Wim Wenders, sans oublierles grands films rock comme "Don't Look Back" de Donn Alan Pennebaker

consacré à Bob Dylan, ou encore les longs métrages sur le reggae tels "TheHarder They Come" de Perry Henzell et "Rockers" de Theodoros Bafaloukos.

Tout cela a eu aussi des effets certains sur le parcours de certains artistes et sur leur œuvre.

Le sujet est vaste et la question était déjà posée dans le cycle "Trans EuropeExpress" de 2008 : qu'est-ce qui influence les artistes ? Une réponse, sans

doute, dépasse et contient toutes les autres : les outils de diffusion sont certesimportants, mais ils ne prennent tout leur sens que lorsqu'ils sont maniés

(on pourrait presque dire "détournés") par l'enthousiasme et la passion, un dénominateur commun que l'on retrouve chez des fondateurs de labels,

des hommes de media, des inventeurs, tous étant des "passeurs", et qui faitoffice de détonateur auprès du public et des artistes - qui rappelons-le font

partie de ce public. Ces "passeurs" jouent à la fois un rôle de créateurs de goûts et de stimulateurs de vocations.

Et puis, on constate une fois encore que l'écoute d'autres musiques, qu'elle passe par le disque, le voyage ou internet, est le plus riche des

moteurs et… qu'apprendre à écouter mieux ne peut que renforcer son efficacité.

La plupart des inventions sont tôt ou tarddétournées par des créateurs qui veulentélargir leur champ d'action, ou des chercheurs qui les font évoluer :

- Le haut-parleur : les artistes du G.R.M.ont inventé leur "acousmonium" qui est un orchestre de haut-parleurs ;

- La radio : elle a engendré d'une part des radios pirates et d'autre part des compositions insolites. En 1969,l'Allemand Holger Czukay glisse dans"Canaxis 5" un chant vietnamien qu'il acapté sur une radio ondes courtes ; ilrenouvelle l'exercice dix ans plus tardavec "Persian Love" sur son album"Movies", un morceau culte du rock parallèle ;

- La télévision : Brian Eno a détournél'écran traditionnel en en faisant un moniteur horizontal ou vertical pour sesinstallations vidéo à base de musique"ambiante" ;

- Le disque : il a donné le "scratching" et le "deejaying" dans les cultures hip hop et électro, et plus tard encore le "turntablism" qui est l'art de composer de nouvelles musiques à l'aide de disquesexistants. Enfin, l'"échantillonnage" en afait un symbole du recyclage musical, un des exemples les plus parlants étanten 1981 l'album de David Byrne et BrianEno "My Life In The Bush Of Ghosts", où les vocaux sont remplacés par deschants extraits de disques de musiques ethniques, comme la voix d'un prêcheurnoir ou celle d'un évangéliste arabe quisont injectés sur des "grooves" futuristes.Cette création a marqué son époque et est à la source de bien des développe-ments du rock, du hip hop, des fusions"worldbeat" et bien sûr de la musiqueélectronique ;

- L'ordinateur portable : il est devenu à la fois instrument de musique, outil decomposition, et "home studio" ;

- Le téléphone : après avoir été utilisédans des œuvres (Kraftwerk a injecté des sonneries et des messages dans"The Telephone Call", le Brésilien Tom Zéa composé un morceau exclusivement à l'aide de sonneries de téléphones mobiles), sa fonction a déjà changé et ils'apprête à devenir le medium essentieldu XXIè siècle.

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9 - Le concert

SLOW JOE & THE GINGER ACCIDENT

L'histoire de Slow Joe & The Ginger Accident ressemble à un conte de féesmusical ou à une rencontre dont le scénario aurait été écrit par John Cage

et Brian Eno, respectivement armés du "I Ching" chinois et du jeu de cartes"Oblique Strategies"...

En 2006, un musicien de Lyon, Cédric de La Chapelle, est en voyage en Inde dans la région de Goa. Il est à la recherche d'un endroit pour dormir et

un monsieur sans âge l'aide en lui recommandant un hôtel. Tous deux se sentent des atomes crochus et ils décident de faire mieux connaissance.

Ils passent quelques jours ensemble sur une plage ; Cédric se rend compteque Joe est non seulement un grand amateur de musique populaire

américaine qu'il a découvert grâce aux disques et à la radio, en gros d'ElvisPresley à Frank Sinatra. mais qu'il est aussi chanteur amateur. Le Françaisavec son ukulélé et l'Indien avec sa voix improvisent ensemble. Cédric est

séduit par les vocaux et le timbre de Joe et il l'enregistre avec son minidisc.

De retour en France, sans toucher à la voix, c'est-à-dire en la prenant "tellequ'elle" ou en l'échantillonnant, Cédric la place au centre d'une musique rock

qu'il imagine pour Joe, qui entre-temps a été rebaptisé "Slow Joe" car chez luion l'appelle "Joe le lent"… Le projet est ambitieux. Un groupe est constitué et se prépare pour accueillir le chanteur en France : il s'appellera Slow Joe

& The Ginger Accident et comprendra, outre Cédric de la Chapelle à la guitare,Lucas Spirli aux claviers, Alexis Morel à la basse et Josselin Varengo à la

batterie. Beaucoup d'énergies sont sollicitées, en Inde et à Paris, pour faire aboutir l'entreprise.

Il y aura d'autres entrevues. Cédric retourne régulièrement en Inde et chaque fois il enregistre Joe qui chante a cappella ou dans des "bœufs".

Parfois, un enregistrement a lieu dans un studio. Lorsqu'il écoute tel ou telmorceau que Cédric lui fait écouter, il arrive à Joe de réécrire un arrangement.

Tout cela s'est déroulé sur un concours de circonstances. Cédric n'écoutait pasparticulièrement de musique indienne, et Joe ne fait pas de référence à l'Inde

lorsqu'il chante. Âgé de soixante-cinq ans, celui-ci est issu d'une anciennecolonie portugaise près de Goa, il a vécu dans la rue pendant trente ans et il

survit entre Goa et New Delhi, grâce à des "petits boulots". En dehors deCédric de La Chapelle (qui par ailleurs a un projet solo, "S"), les trois autres

membres du groupe n'ont jamais rencontré Joe, ils ne connaissent de lui quesa voix imprégnée d'une raucité blues, quelques photographies, des boutsd'enregistrements vidéo où on le voit en train de chanter et de frapper des rythmes percussifs avec ses mains, et ses textes où il semble transporter

un secret personnel chargé d'émotions.

La réunion de cet artiste indien qui donne parfois des concerts en Inde maisqui a toujours refusé les contrats qui lui étaient proposés et de ce groupe

français monté pour l'accompagner possède tous les ingrédients du sujet quinous occupe. Le disque et la radio ont façonné la culture musicale de Joe,

Cédric joue du rock en France et possède son propre background, et la suiten'est une succession de rencontres : entre les deux musiciens à Goa, avec

les autres membres du groupe à Lyon, avec le public enfin à Rennes, d'abordle 2 décembre à l'Ubu et le lendemain dans le cadre de ce Jeu de l'Ouïe.

Un projet de disque suivra peut-être, ainsi qu'une tournée en Inde à l'automne 2010.

Derrière tout cela se cache une prise de risques musicale, d'autant plus excitante qu'elle recèle aussi une belle aventure humaine et qu'elle est,

par essence, totalement unique.

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Afrika Bambaataa : anthologie "Looking for the perfect beat (1980-1985)", (2001), import Tommy Boy

Aphex Twin : "I Care Because Of You" (1995), Warp / P.I.A.S.

The Beach Boys : "Pet Sounds" (1966), Capitol / E.M.I.

The Beatles : "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" (1967), Parlophone / E.M.I.

Can : "Future Days" (1973), Spoon / E.M.I.

Ray Charles : anthologie "The Definitive Ray Charles" (2001), Rhino / Warner Music

The Ornette Coleman Quartet : "This Is Our Music" (1959), Atlantic / Warner

John Coltrane : "A Love Supreme" (1964), Impulse ! / Universal

Miles Davis : "Bitches Brew" (1970), Columbia / Sony Music

Gil Evans : "Out of the Cool" (1960), Impulse ! / Universal

Fela : "The two sides of Fela : jazz & dance" (2002), double CD Barclay / Universal

Robert Fripp & Brian Eno : "No Pussyfooting" (1973), réédition double CD Discipline Global Mobile (import)

Jon Hassell : "Power Spot" (1986), E.C.M. / Universal

The Jimi Hendrix Experience : "Axis : Bold As Love" (1967), MCA / Universal

Billie Holiday : "Solitude" (1952), Verve / Universal

Robert Johnson : double CD "The Complete Recordings (1934-1936)"(1996), Sony Legacy / Sony Music

Kraftwerk : "The Mix" (1991), Kling Klang / E.M.I.

Led Zeppelin : "Houses Of The Holy" (1973), Atlantic / Warner Music France

Paul McCartney : "McCartney" (1970), Apple Records / E.M.I.

Moby : "Play" (1999), Mute / E.M.I.

Nils Petter Molvaer : "Solid Ether" (2000), E.C.M. / Universal

Pink Floyd : "Dark Side Of The Moon" (1973), E.M.I.

Ritchie Hawkin aka Plastikman : "Consumed" (1998), Novamute (import)

Prince : "Dirty Mind" (1980), Warner Bros. / Warner Music

Radiohead : "OK Computer" (1997), E.M.I.

Steve Reich : "Music for 18 Musicians" (1976), E.C.M. (Import)

The Rolling Stones : "Exile On Main Street" (1972), Virgin (import)

Jean Sablon : "Le crooner français (20 succès et inédits 1930-1951)" (2002), Forlane

Soft Machine : "Third" (1970), Columbia Sony Music

Bruce Springsteen : "Nebraska" (1982), Columbia / Sony Music

Karlheinz Stockhausen : "Kontakte" (1974), Wergo (import)

Ali Farka Toure : "Red & Green" (1984 et 1988), 2006, double CD World Circuit / harmonia mundi

The Velvet Underground : "The Velvet Underground & Nico"(1967), CD Polydor / Universal, 2001

Muddy Waters : double CD "Muddy "Mississippi" Waters Live" (1979), 2003, Epic / Sony Music

Weather Report : "Sweetnighter" (1973), Columbia / Sony Music

The Who : "Who's Next" (1971), Polydor / Universal Music

Stevie Wonder : "Talking Book" (1972), Motown / Universal Music

Robert Wyatt : "Rock Bottom" (1974), Domino / P.I.A.S.

10 - Repères discographiques

La bibliographie, la discographie et les recommandations de journaux et de sites internet qui suivent se rapportent à l'ensemble des troisconférences du cycle de conférences-concerts (3, 4 et 5 décembre 2009) :

"Quand technologies, création et écoutese rencontrent dans les musiques actuelles" :

I - L'incidence des moyens de diffusionsur la circulation de la musique,

II - Les supports sonores et leur influencesur notre rapport à l'écoute,

III - L'impact des évolutions technologiques sur la création et la diffusion en concert de la musique.

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COMPILATIONS ET ANTHOLOGIES

"Big Apple Rappin' / The Early Days Of Hip-Hop Culture In New York City 1979-1982", (2006), double CD Soul Jazz / Discograph

"OHM : The Early Gurus Of Electronic Music : 1948-1980"(2000), triple CD Ellipsis Arts (import)

"Sounds of the South", coffret de quatre CDs consacré au travail d'Alan Lomax, Atlantic,

(1993) (import)

"Studio One Story",(2002), double CD + DVD, Soul Jazz / Discograph

11 - Sélection bibliographiqueCette bibliographie est sélective et ne contient que des ouvrages édités en France.

Mishka Assayas : "Dictionnaire du rock", Robert Laffont, collection Bouquins, 2002

Jean-Yves Bosseur : "La musique du XXè siècle : à la croisée des arts", Musique ouverte, Minerve, 2008

Louis Chrétiennot : "Le chant des moteurs : du bruit en musique", L'Écarlate, L'Harmattan, 2008

Nicholas Cook : "Musique, une très brève introduction", Éditions Allia, 2006

Olivier Donnat : "Les pratiques culturelles des Français à l'ère numérique (enquête 2008)", La Découverte / Ministère de la Culture et de la Communication, 2009

Charlotte Dudignac et François Mauger : "La musique assiégée : d'une industrie en crise à la musique équitable",

L'échappée, 2008

Guillaume Kosmicki : "Des avant-gardes aux dance floors", Le Mot et le Reste, 2009

Daniel Lesueur : "L'histoire du disque et de l'enregistrement sonore", Les Éditions Carnot, 2004

Philippe Tournès : "Du phonographe au MP3, une histoire de la musique enregistrée - XIXè - XXIè siècles”,

Éditions Autrement, 2008

Revue "Art Press 2" : "L'art des sons", n° 15, novembre 2009

10 - Repères discographiques (suite)

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Les Inrockuptibles, hebdomadaire

www.lesinrocks.com

Jazz Magazine / Jazzman, mensuel

www.jazzmagazine.com

Le Monde, quotidien

www.lemonde.fr

Mondomix, mensuel

www.mondomix.com

Neosphere,www.neospheres.free.fr

Rock & Folk,mensuel

www.rocknfolk.com

Vibrations, mensuel

www.vibrations.ch

Eldorado, trimestriel

12 - Quelques journaux et sites internet

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Dossier d’accompagnementde la conférence / concert

du vendredi 4 décembre 2009programmée aux

31èmes Rencontres Trans Musicales,dans le cadre du

projet d’éducation artistiquedes Trans et des Champs Libres.

Cycle de trois conférences-concerts :“Quand technologies, création et écoute

se rencontrent dans les musiques actuelles”

Conférence-concert # 2“Les supports sonores et leur influence

sur notre rapport à l’écoute”

Conférence de Pascal Bussy & Jérôme RousseauxSpectacle de 78 RPM Selector

Des premiers cylindres phonographiques aux disques en vinyle, de la bande magnétique à la cassette, du compact disc à la compression sonore

d'aujourd'hui, les supports sonores ont déjà connu plusieurs révolutions. De plus en plus pratiques, bénéficiant d'une miniaturisation extrême et de

prix de plus en plus bas, ils ont énormément influencé notre façon d'entendre et d'écouter.

En rendant la musique accessible à tous, en faisant passer l'écoute d'un étatsédentaire à un nomadisme absolu, ces évolutions ont peu à peu permis une

démocratisation de la consommation de la musique. Cette conférence nousconduira aussi à l'analyse des comportements sociaux, et nous aborderonsnotamment les notions de liberté et d'émancipation des jeunes générations,

ainsi que le débat actuel autour de la gratuité de l'œuvre musicale.

“Une source d'informations qui fixe les connaissanceset doit permettre au lecteur mélomane de reprendre

le fil de la recherche si il le désire”

Afin de compléter la lecture de ce dossier, n'hésitez pas à consulter les dossiers d’accompagnement des précédentes conférences-concertsainsi que les “Bases de données”consacrées aux éditions 2005,2006, 2007, 2008 et 2009 desTrans, tous en téléchargementgratuit, sur www.lestrans.com,rubrique Action culturelle.

Présentation

Dossier réalisé parPascal Bussy & Jérôme Rousseaux

(Atelier des Musiques Actuelles)

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1 - Du cylindre au disque

L'année 1877 marque la première expérience d'enregistrement de la voixhumaine par l'américain Thomas Edison. Celle-ci est effectuée sur un

phonographe dont le principe est le suivant : une aiguille, soutenue par undiaphragme et surplombée d'un entonnoir, imprime des "motifs sonores" en

relief sur une feuille d'étain qui recouvre un cylindre d'acier actionné par une manivelle.

En France, la déception est grande, lorsqu'on constate que Charles Cros, la même année, a déposé le brevet d'un instrument similaire, le paléophone,

mais qui ne verra jamais le jour faute de moyens. Cependant, le phonographea de gros défauts : la qualité de reproduction du son est faible et se dégradetrès vite, et un cylindre ne peut pas être dupliqué. Son usage prioritaire sera

par conséquent l'enregistrement de la voix parlée, et il n'est pas encore ques-tion de musique. En 1887, Émile Berliner, ingénieur d'origine allemande installé

aux États-Unis, a l'excellente idée de remplacer le cylindre par un disque plat,donnant ainsi naissance au gramophone, actionné lui aussi par une manivelle.

Le disque permet une meilleure qualité de reproduction, et surtout, grâce auprocédé de moulage galvanoplastique, il peut être dupliqué en nombre.

En 1895, un moteur à ressort remplace la manivelle et tout est donc en placepour que cette drôle de machine inonde le monde industrialisé. Uniquement

aux États-Unis, le nombre d'appareils utilisés passe de 500.000 en 1900 à 2,5 millions en 1910.

Plus maniable, plus facile à stocker, davantage adapté à la production de masse et de meilleure qualité sonore, le disque plat à 78 tours par minute

supplante le cylindre dans les années dix. Jusqu'au milieu du siècle, il sera le grand standard de la musique enregistrée.

À cette époque, ce sont les fabricants de machines qui produisent et vendentles disques et les cylindres, et cinq grandes firmes dominent le marché : trois

sont américaines (Edison, Columbia et Victor), une est française (Pathé) et une germano-britannique (Gramophone). À la veille de la première guerre

mondiale, on estime à cinquante millions le nombre cumulé de disques et de cylindres vendus dans le monde.

Cette nouvelle manière d'écouter la musique plaît. Il faut dire que c'est unevéritable révolution dans le rapport de l'auditeur à la musique puisqu'il peut

enfin écouter les airs qu'il possède quand il le désire. Cette pénétration de lamusique dans l'ère industrielle va aussi avoir de grandes conséquences sur le

rapport entre les artistes et le public. Avant même la radio, qui ne connaîtrason développement qu'après la seconde guerre mondiale, c'est le disque qui

consacre les premières vedettes, au premier rang desquelles on trouve leténor italien Enrico Caruso ; sous contrat avec Victor, il enregistrera près de

quatre cents disques jusqu'à sa mort prématurée en 1921.

Les premiers catalogues des fabricants offrent d'abord beaucoup de musiqueclassique et d'opéra. Mais, avec une durée d'écoute de quatre minutes

maximum par face, il faut de nombreux disques pour écouter la "Neuvièmesymphonie" de Beethoven ou un opéra de Verdi comme "Nabucco". Aussi, ledisque se révèle vite comme le support idéal pour le répertoire des chansons

populaires (airs de café-concert, de music-hall, et d'opéra comique), et les éditeurs phonographiques proposent aussi aux amateurs trouvera des

musiques de danse et des marches militaires.

Le développement de ce marché connaît successivement des périodes decroissance faste (les années vingt notamment) mais aussi des moments de

forte dépression (les deux guerres mondiales et la crise de 29). Il commence às'étendre à travers le monde, notamment sous l'impulsion des colons des pays

occidentaux qui maintiennent grâce à la musique le lien affectif fort qu'ils ontavec la métropole. Mais le disque n'étant pas un produit de première nécessité,

son commerce est volatile.

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1 - Du cylindre au disque (suite)

Jusqu'aux années cinquante, le phonographe continue de bénéficier de nombreuses évolutions technologiques. Les disques sont fabriqués successi-

vement en ébonite, en gomme-laque (obtenue à partir de la sécrétion d'unecochenille asiatique !), en acétate de cellulose, puis en vinyle à partir de 1948.Les appareils bénéficient aussi de l'électricité qui donne plus de régularité à lalecture des disques. Les techniques d'enregistrement progressent égalementbeaucoup, en partie grâce au perfectionnement du microphone qui remplace le "cornet" autour duquel les musiciens devaient se placer, avec souvent un

positionnement très étudié. Le micro va beaucoup apporter à la musique classique ainsi qu'aux grands orchestres de jazz car le cornet rendait

très mal les nuances du son des big bands.

L'enregistrement électrique commence en 1925 et, avec l'apparition de lacabine (la "control room" ou "salle de contrôle") où se placent les technicienset les appareils, le studio d'enregistrement ressemble peu à peu à ce qu'il est

aujourd'hui. L'objectif est alors de reproduire du mieux possible la réalité de la musique jouée dans un esprit de "fidélité". Puis dans les années 50, les premiers magnétophones multipistes font leur apparition, ainsi que la table de mixage et les hommes clés de ce lieu à part, stratégique et émotionnel

à la fois : l'ingénieur du son et le réalisateur artistique, qui parfois sont la même personne, éventuellement augmenté(s) d'un ou plusieurs assistants.

En France, le phonographe touche essentiellement la bourgeoisie, en devenant d'abord un objet rare signe de modernité qui trône dans les salons,puis quasiment un meuble comme sa cousine la radio, mais il touche peu lescouches populaires. Aux États-Unis, avec 150 millions de disques vendus en

1929, le phénomène touche la "middle class" dont font quasiment partie lesouvriers qualifiés qui bénéficient alors de meilleurs revenus que, par exemple,

leurs homologues français.

"Phonographe : jouet irritant qui redonnela vie à des bruits morts."Ambrose Bierce, écrivain et journalisteaméricain (1842-1914), extrait du "Dictionnaire du diable" (1911).

"Tout le monde a besoin d'un phonographe pour son utilité, son économie, sa distraction... Dans les soirées, le phonographe remplace toutseul le programme du chant et de l'orchestre. Dans toutes les classes de la société, le phonographe s'impose."Extrait du catalogue Pathé Frères, 1898.

"D'ici peu les artistes vont, à l'aide des disques, lancer de vrais poèmes symphoniques dans le monde. À la poésie horizontale vient s'ajouter une poésie verticale ou "polyphone". Déjà, on peut prédire le jour où les poètes, lorsque le tourne-disque* et le cinémaseront devenus les seules formes d'expression, jouiront d'une liberté inconnue jusqu'alors qui leur permettra de créer le livre "audible" et "visible" de l'avenir."Guillaume Apollinaire en 1914, poète d'origine polonaise naturalisé français, né en 1880 et mort en 1918.* d'autres sources mentionnent cette citation avec quelques variantes, notamment avec le terme "phonographe"à la place de celui de "tourne-disque".

Voici un témoignage sur un épisode de lavie dans un village rural au Congo Belgeà la fin des années quarante : "Certainsont un gramophone à manivelle "HisMaster's Voice" ainsi qu'une collection dedisques 78 tours. Il trône sur un dressoiret on se réunit autour de lui pour écouterdes mélodies surannées de Tino Rossi ouRina Ketty. La séance commence par leplacement d'une aiguille d'acier que l'onva puiser dans une petite boîte prévuepour les "aiguilles de rechange". Ensuite,on sort la manivelle de son logement eton remonte le ressort jusqu'à la butée. Le disque est déjà choisi depuis bellelurette car on n'a pas un choix illimité. Un chiffon pour le nettoyer puis on lepose délicatement (ça se brise facilement,le vinyle n'existe pas encore), on fait exé-cuter une torsion comique à la grosse têtede lecture que l'on abaisse vers le débutdu sillon. Dès que la pointe est posée, on libère une manette latérale qui faitdémarrer en "dégueulant" la chansonchoisie. Cela donne à peu près : "Scrtch,schrtch, j'attandrééé, schrtch, lejôôôôuuur et la nuîîîît..." Les dames se mettent parfois à l'unisson."

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Le phénomène de consommation de masse du disque amorcé avant la deuxième guerre mondiale s'amplifie nettement pendant les "trente

glorieuses", et cela de manière très prononcée dans les pays développés.

Le disque bénéficie tout d'abord d'un "saut" technologique avec l'apparition du microsillon. Moins cher, plus léger, de meilleure qualité, celui-ci permet

en outre de restituer des plages de musiques de 20 à 30 minutes sans inter-ruption. Peu après que la compagnie Columbia ait lancé en 1948 le 33 tours,

appelé également "Long Playing" d'où les initiales "LP", RCA Victor, sa concur-rente, met sur le marché le 45 tours. Finalement les deux formats cohabiterontet ils détrôneront rapidement le 78 tours, devenant même les deux balises de

référence de l'industrie du disque. Quant aux appareils qui servent à lire lesdisques, ils sont eux aussi moins chers, plus légers, et plus souples à l'usage.

Apparu dans les années vingt, le "juke-box", qui est en fait un gros lecteur oùl'utilisateur a la possibilité de choisir une chanson parmi une sélection d'une

centaine de titres en y glissant une pièce de monnaie, devient pour plusieursgénérations de jeunes, d'abord aux États-Unis puis en Europe, le symbole

d'une liberté naissante et de découverte de nouveaux frissons musicaux. Cen'est pas un hasard si son modèle le plus connu, le U.S. Wurtlizer construit par

la firme américaine du même nom, est finalement l'un des "personnages" principaux de films aussi différents que le "American Graffiti" de George

Lucas Films et des meilleurs "road movies" de Wim Wenders.

Car le boom du microsillon, à partir des années cinquante, est beaucoup uneaffaire de jeunesse. Bien plus que leurs parents, les "teenagers" bénéficient de

temps libre et d'argent de poche, ils ont envie de s'amuser, de profiter de lavie, et ils prônent une farouche indépendance. La musique, et notamment le

rock'n'roll, répond à ce désir, et le disque permet à la jeunesse de s'appropriercette musique qui, à cause de son côté rebelle et ses aspects provocateurs,

déplaît tant aux aînés. En France en 1966, l'année de "La poupée qui fait non"de Michel Polnareff et de "Yellow Submarine" des Beatles, 42 % des quinze

vingt ans possèdent un "tourne-disques".

Face à cet engouement, l'industrie s'organise. Ayant beaucoup souffert pendant la guerre, les entreprises européennes ont pris du retard sur leurs

consoeurs américaines. Ces dernières se regroupent, innovent techniquementet comprennent vite les nouveaux enjeux qui reposent sur le multi média. En

travaillant étroitement avec la radio, la télévision et la presse écrite, et enregroupant plusieurs activités au sein de conglomérats, elles mettent en place

des stratégies de mise en avant de vedettes qui deviennent en quelquessemaines les "idoles des jeunes". Cette démarche qui n'est autre que du

marketing avant que ce terme ne soit omniprésent touche d'ailleurs tous lespublics, puisqu'il va du développement de la "variété" (en France des artistes

comme Claude François) à l'exposition de chefs d'orchestres à l'image charismatique tel Herbert Von Karajan.

En 1975, le marché mondial du disque représente un milliard et demi d'exemplaires, dont 446 millions aux États-Unis, 200 en URSS, 177 au Japon,165 en Grande-Bretagne, 113 en France, 107 en Allemagne de l'Ouest et 100

au Canada. Il est dominé par les firmes américaines C.B.S. (ColumbiaBroadcasting System), R.C.A.-Victor et Warner Bros., mais les Européens sont

aussi présents avec les compagnies E.M.I. et Philips qui sont respectivementbritannique et néerlandaise. Bien entendu, en U.R.S.S., le disque est un

marché d'état. Et puis, dans l'ombre des "majors", de très nombreux labelsindépendants découvrent les vedettes de demain ou se positionnent sur des

niches de marché spécifiques qui sont trop petites pour intéresser les grandesmaisons : musiques folkloriques, jazz, un peu plus tard le metal, mais aussi

la musique baroque ou la musique contemporaine. Lorsque leur fragilité est trop grande ou qu'ils arrêtent leur activité, ces labels sont souvent

repris par les "majors".

2 - Le disque vinyle

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Aujourd'hui, à la suite de multiples fusions et rachats, il ne subsiste plus quequatre "majors" du disque. Par ordre de taille, il s'agit d'Universal Music,

à base de capitaux français et américains, Sony Music, à base de capitauxaméricains, allemands et japonais, Warner Music qui est 100 % américaine,

et E.M.I. Music qui est britannique. Les "majors" représentent 80 % du marchédu disque, et les labels indépendants, dont les plus importants en France sont

Wagram, Naïve, harmonia mundi et P.I.A.S., se partagent les 20 % restants.

2 - Le disque vinyle (suite)

Le 45 tours de 17 centimètres de diamètre et le 33 tours de 30 centimètresde diamètre ont établi pour longtemps lesdeux formats de base du marché du disque, le "single" et l'album. Le premiers'est décliné en 45 tours simple, en CDsingle, jusqu'à devenir aujourd'hui un"morceau" numérisé qui peut s'acheter au titre sous forme de fichier. Le second,dans la plupart des "musiques actuelles",reste la norme la plus courante quand ils'agit de proposer une nouvelle œuvre au public. On raisonne toujours en termede titre et d'album. Le 45 tours a été fondamental dans l'histoire du rock, de la pop et de la chanson. Quant au 33 tours, il est au centre de toutes les collections de disques rock, pop, jazz, soul etrhythm'n'blues, sans oublier les musiquesdu monde et la musique classique. Il s'estmué en "album" quand sa pochette simpleest devenue double (les Anglais parlentde "gatefold sleeve"). Ce fut d'abord pourpouvoir accueillir un second disque, lepremier de l'histoire étant le double 33tours d'Ella Fitgerald "Ella FitzgeraldSings the Cole Porter Songbook", publiépar Verve en 1956. Puis à partir de 1967,les Beatles ont lancé avec leur "SgtPepper's Lonely Hearts Club Band" lavogue des albums 33 tours, avec unespace de pochette élargi qui autorisaitun véritable travail graphique pouvantmettre en valeurs textes et photos.

Entre les "artistes maison", ceux qui sonten licence et ceux qui sont distribués,chacune de ces configurations serapportant à un type de contrat bien spécifique, on trouve de multiples catalogues chez les "majors". Ne serait-cequ'en France, Universal Music se diviseen plusieurs entités qui sont chacune uncentre de profit distinct. Ce sont Barclay,A.Z., Mercury, Polydor, UniversalClassics, Universal Jazz, et U.L.M. Quantaux labels représentés par ces entités, ilssont légion. Island, Impulse !, Def Jam,Emarcy, Decca, Deutsche Gramophon,London, No Format !, Concord, Motown,Stax, Prestige, Fantasy, Tuff Gong, E.C.M.et bien d'autres encore, toutes ces étiquettes participant à la force de frapped'Universal Music France.

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Le premier "magnetophon" à bande magnétique est mis au point en 1935 parla firme allemande Telefunken. Cet appareil est perfectionné pendant la guerrecar il offre, outre une meilleure qualité d'enregistrement et de reproduction que

le 78 tours, deux avantages stratégiques :- il permet d'enregistrer de longues plages de communication sans interruption,

une nouveauté très utile pour l'interception et le décodage des messagesennemis,

- couplé à des haut-parleurs ou à une station de radio, il facilite non seulementla transmission mais aussi la répétition de messages de propagande.

Vers la fin de la guerre, les Américains découvrent ce nouvel outil, et dès 1948,la société Ampex propose son premier modèle. Avant de toucher le grand

public, il sera d'abord adopté par les professionnels de la radio et du cinéma.En effet, en dehors des ses atouts mentionnés plus haut, la bande

magnétique permet également une recopie fiable et de bonne qualité entredeux magnétophones, ce qui ouvre la voix aux premières transformations

sonores (rajouts d'enregistrements ou d'effets, lecture à l'envers, filtrage, etc.).La bande peut également être découpée et remontée, à l'instar de la pellicule

cinématographique. Aux États-Unis, Les Paul, le créateur de la guitare qui porte son nom, a été l'un des tout premiers à comprendre l'intérêt du

magnétophone. On lui doit notamment l'invention du "son sur son" ("sound onsound"), une technique permettant de cumuler plusieurs prises sur une seule

bande, mais aussi la technique de l'écho sur bande ("tape delay") et l'utilisationdu "varispeed" qui permet de réaliser des effets sonores en changeant

la vitesse de défilement de la bande.

La bande magnétique s'installe alors pour longtemps dans les studios d'enregistrement, et elle rencontre un succès non négligeable auprès du grandpublic, même si le magnétophone reste un appareil lourd et peu maniable. Cet

inconvénient est balayé par la cassette compacte créée par Philips en 1963 et qui va connaître un engouement indéniable. En 1978, ce sont ainsi 300 millions de cassettes qui sont vendues de par le monde, dont deux cents

millions aux États-Unis et vingt-deux en France. Pratique, bon marché, elle va dans la voiture, elle permet la confection de ses propres "compilations",

elle permet aussi d'enregistrer la voix des grands-parents, les répétitions dans le garage ou son émission de radio préférée...

3 - La bande magnétique

La bande magnétique a connu plusieursvitesses de défilement :- 38,5 centimètres par seconde pour les enregistrements professionnels, par exemple ceux réalisés par les compositeurs électro-acoustiques et les techniciens des radios.- 19 centimètres par seconde pour lesenregistrements amateurs de haut niveau.- 9,5 centimètres par seconde pour lesenregistrements amateurs de niveaumoyen.- 4,75 centimètres par seconde pour lesenregistrements amateurs de niveaumédiocre. Cette vitesse fut égalementretenue pour être celle de la cassetteaudio.- 2,4 centimètres par seconde pour lesenregistrements exclusivement liés à laparole, comme ceux réalisés par exemplesur des dictaphones. Les autres paramètres de l'enregistrementsur bande magnétique étaient d'une partla taille des bandes correspondant aumagnétophone qui les lisait, leur format,et la façon dont les pistes y étaient organisées : piste mono unique, deux pistes mono, deux pistes stéréo, quatrepistes mono ou deux fois deux pistes stéréo.

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Le microsillon connaît son apogée en 1978 avec deux milliards de disquesvinyles vendus dans le monde, puis il décline. Mais cette chute est rapidement

compensée par l'arrivée d'un nouveau format proposé conjointement par le Néerlandais Philips et le Japonais Sony en 1982 : le disque compact ou

"CD" (pour "compact disc"). Inusable, plus léger, plus pratique, d'une duréed'écoute supérieure, le CD a de nombreux avantages. Sa précision sonore

impressionne, et même si certains regrettent la "chaleur" analogique du vinyleet l'esthétique des pochettes des 33 tours, le grand public l'adopte très vite.

Ainsi, dès 1987 le marché du disque retrouve son niveau de 1978, mais il estvrai qu'il est "boosté" par de nombreux facteurs : le développement des radios

musicales sur la bande FM, la création des chaînes M.T.V. et M6, ainsi quel'utilisation du "vidéo clip" comme outil promotionnel, sans oublier le début des

grosses tournées des vedettes planétaires... Le marché se mondialise ; en amortissant leurs investissements dans le monde entier, les majors du dis-que peuvent consacrer de gros moyens aux nouveaux rois de la pop comme

Michael Jackson, Madonna ou Queen. Aujourd'hui, les ventes du fameux"Thriller" de Michael Jackson sont estimées entre 50 et 60 millions

d'exemplaires à travers le monde, ce qui pour un seul album est tout simplement vertigineux (d'autres sources avancent des chiffres supérieurs à 100 millions, ce qui semble exagéré, à moins d'y inclure une estimation

du piratage).

L'avènement du CD symbolise parfaitement l'entrée du secteur de la musiquepopulaire dans la mondialisation économique. Il n'y a aucun hasard si, peu de

temps après avoir lancé le CD, Sony rachète CBS. Ce phénomène n'est certespas nouveau puisque les premiers fabricants de phonogrammes exportaientdéjà dans le monde entier, mais il s'amplifie. À la fin de années quatre-vingt,

les cinq majors du disque totalisent plus des trois quarts du marché mondial :B.M.G. (conglomérat multimédia allemand qui a racheté R.C.A. en 1986), SonyMusic Entertainment, E.M.I., Polygram et W.E.A. qui concrétise l'acquisition par

Warner Bros. de deux très gros labels indépendants, Elektra et Atlantic.

Le disque compact annonce également l'entrée définitive du numérique dansles foyers, à travers les ordinateurs personnels, les consoles de jeux, et le

support DVD. Le CD sert aussi de support pour les jeux vidéos, les logiciels, et il deviendra plus tard enregistrable, détrônant ainsi la cassette audio

après le microsillon.

Les ventes de CDs, stimulées notamment en France par l'accès à la publicitétélévisée concédé aux majors, continuent à croître jusqu'au tout début des

années deux mille. Avec des budgets marketing et promotionnels de plus enplus importants, les majors inventent de nouveaux partenariats pour vendreleurs artistes. C'est par exemple le cas avec "La lambada", lancée en 1989autour d'un partenariat particulièrement efficace entre CBS, TF1 et Pernod-

Ricard, et dont le résultat sera plus de dix millions de disques vendus… Mais,en 2001, la création du programme "Star Academy", basé sur un concept de

télé-réalité qui se décline internationalement, et qui est en France le fruit d'uneassociation entre TF1 et Universal, ne suffit pas à compenser ce qui s'avère

être une crise durable pour l'industrie du disque. On peut même se demandersi "Star Academy", ultime avatar de cette idéologie dont les bases ne sont quefinancières et "marketing", et qui, en brouillant les notions de talent avec cellede la notoriété éphémère et une force de frappe commerciale, ne pourrait pas

être considérée comme l'une des causes du déclin du marché du disque.

La réalité est cruelle : de 2002 à 2008, le marché du CD a été divisé par deux,avec des moyennes annuelles de baisse de 10 à 20 % par an. Si aujourd'hui

76 % des foyers français possèdent un lecteur de CD voire plus (car les ordinateurs et les consoles de jeux les lisent aussi), et 30 % une platine vinyle,

la chute semble impossible à enrayer et à vrai dire, le problème économiquepour l'industrie phonographique est insoluble. Alors que la fin du 78 tours a été

compensée par l'arrivée du microsillon, et celle du microsillon par le CD, ladégringolade du CD n'est que très marginalement compensée par celle du

téléchargement légal.

4 - Le disque compact

La contenance du premier disque compact (74 minutes) a été choisie en fonction de la durée de la "NeuvièmeSymphonie" de Beethoven. Les ingénieurs de Sony et de Philipsavaient fait le pari de faire tenir cetteœuvre fétiche du répertoire classique sur une seule face de ce nouveau support, au lieu de quatre faces de 33tours vinyle auparavant. Plus tard, le CD a été capable de contenir jusqu'à 80minutes de musique.

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Dans la foulée du disque compact qui supplante la cassette et relègue le disque vinyle à un second rôle, la révolution numérique commence. Au débutdes années quatre-vingt, seuls quelques studios d'enregistrement manipulent

le son sous forme de fichiers, car ceux-ci sont "lourds" et leur transfert s'opèresoit par l'intermédiaire d'un disque dur soit via un CD.

En 1993, une équipe de chercheurs européens qui travaille sur la radio numérique met au point le MP3, un format de compression sonore qui

révolutionne l'écoute de la musique. La compression rend les fichiers pluslégers, un titre de 3'30 passant par exemple d'un poids de trente cinq megas à moins de dix megas… La compression altère la qualité du son, notamment

dans les aigus, mais c'est cet allégement qui va permettre le transfert desfichiers musicaux sur internet.

La grande force du numérique, c'est qu'il offre des possibilités de copies uniques ou multiples sans modification du signal, ce qui n'était bien entendu

pas le cas avec la cassette audio. Désormais, chaque copie est un clone parfait de son "master" qui peut lui-même être une copie de copie… Ce constatétant fait, tout s'emballe. En 1995, les premiers logiciels de lecture de musiquesur ordinateur font leur apparition, et trois ans plus tard la technologie "peer to

peer" (littéralement "pair à pair") rend possible l'échange de musique entreordinateurs à travers le système de la mise en réseau. En 1999, le site Napsterqui réunit ainsi des internautes désireux d'appliquer cette technique voit le jour,

et en 2001 vingt-cinq millions d'usagers de la toile font du troc de fichiers musicaux. Encore plus simple que Napster, KaZaA, en 2004, met

progressivement à la disposition de millions d'internautes en réseau un milliard de fichiers en libre accès !

Face à ce phénomène, on peut s'interroger sur l'attitude des maisons de disques. S'ils ont été surpris par l'ampleur et la rapidité du phénomène,

internet était pourtant au cœur de leur stratégie ! En 2000, à l'aube du vingt-et-unième siècle, la fusion d'A.O.L. (Internet America Online) et du groupe Time-

Warner, puis celle de Vivendi avec Seagram (qui va donner naissance au mastodonte Vivendi-Universal) sont basées sur une volonté de synergies entre

la production de contenu (la musique mais aussi le cinéma, la littérature, lapresse, les films et les jeux vidéo) et internet. Mais les bénéfices sont moins

importants que prévu, et l'éclatement de la bulle spéculative peu de tempsaprès sonne le glas de ces projets, un échec qui échaude les acteurs

financiers de la filière. Finalement, c'est du "hardware" (le "matériel", ici informatique) que vient la première réponse significative au téléchargement

illégal : en 2003, la firme Apple lance son ingénieux baladeur numérique, le iPod, et le succès est immédiat ; en 2007, plus de trois milliards de

chansons en ligne sont téléchargées légalement sur iTunes, le logiciel de lecture et de gestion de bibliothèque multimedia conçu et donné,

puisqu'il est distribué gratuitement, par le même Apple.

En 2008, une enquête effectuée par le Ministère de la Culture et de la Communication entend décrypter "les pratiques culturelles des Français

à l'ère numérique". Il en ressort que 57% des plus de quinze ans utilisent unordinateur au moins une fois par mois, un pourcentage qui monte à 92 %

chez les 15-19 ans, une large majorité affirmant "surfer" sur le net "tous lesjours ou presque". L'enquête montre aussi très clairement que "les adolescents

consultent très majoritairement des sites en rapport avec la musique ou lesétudes". Ainsi, 67 % des 15-24 ans "écoutent ou téléchargent de la musique

ou des films", contre 43 % de leurs aînés les 25-34 ans, ce qui est une différence significative pour des tranches d'âge si voisines. Quand on sait

que depuis les années soixante les jeunes sont les leaders dans la consommation de la musique, on peut donc lire en filigrane de ces chiffres

la confirmation d'un pronostic plutôt pessimiste sur l'avenir du disque.

5 - Le "tout numérique"

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5 - Le "tout numérique" (suite)

Si les maisons de disques se sont beaucoup focalisées sur le téléchargementillégal, provoquant en France, sous les auspices de la Haute autorité pour

la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, le vote de la loi "Hadopi" (ou loi "Création et Internet"), on peut tout de même craindre

qu'une fois encore la filière se soit réveillée trop tard. D'abord, le "peer to peer"n'est pas le seul moyen de copier des fichiers, puisque quiconque possède

un ordinateur peut le faire à partir de CDs, d'une clé USB ou d'un disque dur externe : quoi de plus simple que d'aller chez un ami et de copier ses

fichiers musicaux ou ses CDs ! Ensuite l'écoute de la musique change et les internautes se connectent de plus en plus sur des sites d'écoute en ligne où de vastes choix de titres sont proposés en toute légalité (voir le chapitre 7).

Du "home studio" à l'écoute de la musique, c'est-à-dire du producteur auconsommateur, le "tout numérique" est désormais la règle.

"Qu'on le veuille ou non, on est à la fin dudisque. La musique circule autrement…N'allons pas contre l'évidence."Rémy Kolpa-Kopoul, journaliste à Radio Nova.

"Pour les jeunes, le vinyle, c'est déjàcomme la guerre de cent ans, c'est vieuxcomme le Moyen Âge, et le CD s'apprêteà suivre le même chemin…"Patrick P., disquaire à Paris dans un magasin d'une chaîne de produits culturels.

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Depuis que le support phonographique existe, le mot d'ordre des chercheurs a été la recherche de la plus grande "fidélité" dans la reproduction du son.

Avec l'arrivée du disque microsillon 33 tours puis de la stéréophonie, le motd'ordre sera la "haute fidélité", celle-ci se concrétisant par des générations successives de "chaînes hi-fi", sous forme de meuble, d'éléments séparés,

ou de blocs compacts.

Certains concepts d'écoute aujourd'hui abandonnés apparaîtront, comme laquadriphonie dans les années soixante-dix, la première technique de rendu

multi-canal, qui annonçait le "surround" de la fin du vingtième siècle et le 5.1domestique d'aujourd'hui, ce dernier étant rendu possible depuis une source

audio ou vidéo provenant d'un ordinateur.

Il y a dans toutes ces démarches une recherche de spectaculaire qui passepar une vison mythifiée de la perfection sonore (le CD en est le meilleur

exemple commercial), et qui a sans doute été influencé par notre rapport àl'image, le cinéma étant lui aussi de plus en plus un spectacle où les "effets"

comptent souvent autant que le scénario ou le jeu des acteurs. Le spectateur /auditeur doit en avoir pour son argent, on doit lui en mettre "plein la vue"

et donc "plein les oreilles".

Dans le même ordre d'idées, on trouve dans les "musiques actuelles" de multiples exemples de "séduction sonore", celle-ci étant un élément

fondamental de leur succès, et qui a souvent été rendue possible par une nouvelle technologie, le flair d'un producteur, ou le savoir-faire des artistes

eux-mêmes. Il est intéressant de constater qu'un certain "beau son" a émergéavec le disque compact, symbolisé dans la musique pop par le succès d'un

groupe comme Dire Straits ; leur explosion, avec leur album "Brothers In Arms"qui sort en 1985, coïncide avec le boom du CD, et les commentateurs commeles fans parlent autant de "belle musique" et de de "beau son" que de "bonne

musique". De même, si le reggae a eu un impact planétaire, c'est parce que le son "roots" de ses débuts a été "occidentalisé", notamment par l'adjonction

de nouveaux éléments rythmiques et une certaine couleur sonore, voir les premières productions à vocation internationale de Bob Marley organisées

par Chris Blackwell et l'équipe de production du label Island.

Cette même recherche de séduction existe dans le jazz cool de la côte ouest(de Chet Baker au Modern Jazz Quartet), dans le rock californien (Steely Danen tête), la musique planante (Klaus Schulze, Tangerine Dream), une certaine

variété française estampillée "ligne claire" (Michel Berger, Michel Jonasz), le trip hop (Portishead, Morcheeba), la "French touch" dans l'électro (Air,

Ludovic Navarre alias St-Germain, Étienne de Crécy), la pop dite progressive(Pink Floyd, Yes), sans oublier des productions de soul et de funk (de Marvin

Gaye à Zapp) où la texture du son est primordiale.

Tout cela participe d'un même art de la mise en sons, et rappelle fortement cequi se fait et dans le domaine du design sonore, et dans celui des musiques

utilisées pour des publicités où elles ont un rôle clef (Philip Glass pourSamsung ou BMW, Ludovico Einaudi pour Orange). D'ailleurs, les illustrateurssonores sont souvent des compositeurs savants passés maîtres dans l'art de

l'agencement des sons. Sait-on par exemple que certaines griffes sonorescomme celle de l'aéroport de Roissy et l'indicatif de l'émission sportive

de télévision "Stade 2" ont été réalisées par Bernard Parmegiani, un spécialiste de la musique électro-acoustique et membre du Groupe

de Recherches Musicales… ?

Derrière tout cela se cache bien sûr le studio d'enregistrement dont l'évolutionau fil du vingtième siècle a été déterminante, permettant l'élaboration de

musiques de plus en plus sophistiquées d'une part, et d'autre part se miniaturisant à l'extrême pour aboutir à un "home studio" dont la

version extrême est un ordinateur "laptop".

6 - Le "beau son" : mythes et réalité

La devise du label E.C.M. (Edition of Contemporary Music), fondé par l'Allemand Manfred Eicher, est :"le plus beau son après le silence". Les artistes principaux de ce catalogue à forte dominante jazz sont Keith Jarrett,Jan Garbarek, Ralph Towner, JohnSurman et Terje Rypdal, mais on y trouve aussi des minimalistes comme Jon Hassell, Gavin Bryars et Steve Reich,des compositeurs contemporains tels Arvo Pärt, des artistes inclassablescomme Stephan Micus, et des œuvres de Bach.

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Du côté du public les choses sont plus complexes, et deux catégories d'auditeurs cohabitent. D'une part ceux qui sont à la recherche d'un "beau

son" somme toute artificiel, où la quête d'émotions fortes rime souvent avecspatialisation et des effets un peu gratuits. Et d'autre part ceux qui veulent

écouter de la musique pour mieux s'y plonger et mieux la comprendre. On peut distinguer facilement ces deux attitudes :

- l'audiophilie : ses adeptes, les audiophiles, sont à l'écoute du son, et leur vocabulaire où il est question de bande passante, de pré-amplis,

d'amplis et de câbles est ésotérique pour les non-initiés, ils parlent davantage de technique que de musique ;

- la mélomanie : ses représentants, une certaine catégorie de mélomanes (car on peut aussi être mélomane en écoutant de la musique dans toutes les

conditions possibles, même médiocres), utilise des mots où il est questionavant tout de musique et de l'émotion qu'elle provoque. Il s'agit de "rentrer

dans la musique", de "suivre les instruments", de profiter et de découvrir.

Quant au son dématérialisé qui passe principalement aujourd'hui par la compression en MP3, son principal paradoxe est qu'il représente pour la

première fois dans l'histoire des inventions successives de la reproductionsonore une véritable régression. Comme l'écrit le journaliste Gilles Tordjman,

elle "mutile le son et l'audition", et elle demeure, "de l'avis général des spécialistes, le pire standard de toute l'histoire de la musique enregistrée."

Le "vrai beau son" de demain passera sans doute, les progrès et la miniaturisation aidant, par des fichiers sonores de meilleure qualité comme

le "wave" qui pourront bientôt circuler et on l'espère supplanter le MP3. Et lemoteur central en sera l'ordinateur, qui s'apprête à remporter une victoiredéfinitive sur le CD. En effet, le fait que l'ordinateur procède d'une lecture

magnétique à partir d'un disque dur, alors que les meilleures platines CD nefonctionnent "que" sur une base de lecture optique, est fondamental dans une

approche de la restitution sonore qui soit le plus fidèle possible. Avec ses microprocesseurs le lecteur CD recompose les pertes occasionnées par une lecturequi n'est jamais parfaite, alors que le "savoir faire" de l'ordinateur passe par le

procédé de la copie de fichier sans aucune perte, un peu comme si chaqueauditeur était branché en prise directe sur la sortie de la console de mixage

du studio d'enregistrement…

Cela dit, gardons en mémoire que l'écoute de la musique est une chaîne fragilisée par son maillon le plus faible. Ainsi, la qualité de rendu d'un fichier

numérique aussi fidèle soit-il dépendra aussi de la "carte son" de l'ordinateur(et notamment du "convertisseur" qui transforme l'information numérique

en signal analogique), de l'amplificateur, et des haut-parleurs (voire du casque). Dans cette optique, un fichier "wave" écouté sur un téléphone

aura une qualité de son nettement inférieure à un 45 tours joué sur une chaîne hi-fi des années soixante-dix !

6 - Le "beau son" : mythes et réalité (suite)

"Dans le cas du MP3, on a choisi arbitrairement d'enlever du signal tout ce qui est prétendument superflu.Mais on a fait cela sur des critères trèsdiscutables. On a réduit les informationspour gagner de la place de stockage. Au départ, le MP3 n'a été conçu que pour accélérer les flux de données surinternet. Et puis on a ouvert la boîte de Pandore, puisque cette circulation s'est faite sans aucune règle."Lionel Risler, ingénieur du son françaisspécialiste de la restauration sonore.

"La compression dynamique, appliquéeà l'écrasante majorité des musiquesactuelles, ne fait qu'aggraver les nuisances déjà bien connues d'un volume sonore excessif. Et cela vautaussi pour les musiques apparemment les plus "douces". C'est ainsi que deuxchercheurs amateurs de rock, YannCoppier et Thierry Garacino, se sont livrés à de savantes mesures sur l'évolution de la compression dynamiqueen trente ans. Le résultat est édifiant : le morceau "Rock & Roll" de LedZeppelin, perçu au début des années1970 comme l'une des choses les plusviolentes jamais enregistrées, n'est quefaiblement compressé en comparaisonde… "Quelqu'un m'a dit", le premier tubede Carla Bruni." C'est toute la perversitédes traitements modernes du son : la ballade un peu douceâtre de la désormaispremière dame de France se révèle, dans la froide objectivité des mesuresscientifiques, bien plus dommageablepour l'appareil auditif que l'hymne hardrock de Led Zeppelin." Gilles Tordjman, journaliste français, dans "Le Monde" du 29 août 2008.

Quelques exemples de matériel audio très haut de gamme :- la platine CD américaine Wadia. Prix : 30.000 € au début des années quatre-vingt dix,- le lecteur de CD anglais D.C.S. Prix : 80.000 € en 2005,- les câbles d'enceintes américains M.I.T.Prix : jusqu'à 25.000 € la paire,- les enceintes Grand Utopia du fabricantfrançais Focal. Prix : 135.000 € la paire.

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Du blues au rap et du rock aux musiques électroniques, nous avons montrédans notre cycle sur "Les grandes familles des musiques actuelles" commentétaient nées ces musiques et comment elles avaient évolué, portées par des

créateurs, mais aussi dans le sillage de mouvements de société. Mais, si ellescorrespondent aussi parfois à une manière de vivre et à des attitudes plus ou

moins spontanées, ces musiques sont aussi génératrices de produits culturelsqui se consomment suivant des règles à la fois suggérées ou dictées par

l'industrie et par des comportements individuels et collectifs.

7.1 - Musique sédentaire et musique nomade

L'histoire des supports est bien sûr intimement liée à celle de leurs lecteurs.Ces derniers étant de plus en plus maniables et de moins en moins chers, on a toujours été vers une écoute moins contraignante et plus libre. Entre le vieux cylindre et la clef USB d'aujourd'hui, et sans oublier le transistor,

l'électrophone portatif et le mange disques des années soixante, la cassette,portée par les trois inventions du walkman, du "ghetto blaster", et du radio-

cassette automobile, est le point de rupture. Symbole de liberté et d'émancipation, elle rime aussi avec échange et découverte, scellant ainsi

une nouvelle forme d'écoute, plus personnelle et plus "sociale". D'ailleurs, hasard ou pas, le nomadisme qu'elle autorise est concomitant

avec le début de l'engouement pour les musiques du monde (les musiquesindienne et marocaine notamment), et l'apparition de nouvelles musiques

(comme le rock d'avant-garde et le jazz fusion) au sein desquelles les artistes pratiquent eux-mêmes un parcours nomade culturel et musical

neuf et stimulant.

L'ordinateur et les appareils de lecture miniatures, aujourd'hui, brisent définitivement la frontière entre musique sédentaire et musique nomade. On

a "sa musique" et on l'emporte partout, elle vous suit en voyage, on "la prend"pour animer une soirée chez des amis, elle fait partie de ce qu'on met dans

la poche au même titre que sa carte bleue et ses clefs. On peut même l'écouter en solitaire "au casque", dans des conditions de confort

sonore raisonnable.

Mais cela a aussi tendance à la dévaloriser, en lui enlevant son côté physiqueet un certain aspect "émotionnel". De même, depuis déjà quelque temps, la musique est partout, des salles d'attente des aéroports aux magasins de vêtements en passant par les cafés, les restaurants, les ascenseurs

et les parkings. Non seulement l'auditeur bouge de plus en plus avec sa musique, mais en plus la musique est présente dans les lieux qu'il fréquente.

Elle devient une bande-son à laquelle on ne prête quasiment plus intention, on l'entend mais on ne l'écoute pas. Ainsi, elle peut être aussi bien le support

de "toiles de maîtres" que de "papier peint"…

De nouvelles tendances apparaissent et toutes se rapportent à un nouveaustyle de nomadisme, puisqu'il peut être pratiqué… en restant chez soi :

- le "blogging", qui est le fait de "se promener" dans la blogosphère, ce termeregroupant tous les journaux mis en ligne sur internet, certains se voulant

une alternative aux médias traditionnels ; on peut évidemment aussi écrire soi-même son propre blog ;

- le "podcasting", contraction de iPod et de "broadcasting" (diffusion radio) est le téléchargement sur son ordinateur de programmes courts - comme une émission de radio - à partir d'un site internet ou d'un blog ; selon des

paramètres personnels, ces "podcasts" peuvent être mis à jour régulièrementet automatiquement, et désormais ils ont la possibilité d'offrir également

de la vidéo.

- le "fightpod", appelé encore "deejaying numérique", permet de faire découvrir à d'autres, sous forme de compétition ou de duel musical,

de nouveaux morceaux.

7 - La consommation de la musique

"Le ''fightpod'', c'est un peu une façon de dire : ''écoutez qui je suis''. Ou encore : ''dis-moi ce que tu écoutes,je te dirai si je peux te parler''."Marie-Pierre Bonniol, fondatrice de l'association Discobabel et du fanzine "Maximum Rock'n'roll".

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7 - La consommation de la musique (suite)

7.2 - L'objet disque

Le support, et surtout le disque, est synonyme de culture et d'éducation de l'oreille. Au-delà du phonogramme lui-même, la pochette contient des

renseignements sur les musiciens, le producteur, l'arrangeur, etc., elle permet de suivre des parcours et d'enrichir sa connaissance. Son graphisme

peut renvoyer à des codes parfois très précis, comme dans les musiques électroniques. Le logo du label lui-même, qu'il s'agisse de Impulse !, Virgin,

Kompakt, ou Rough Trade, correspond souvent à un type de production.Parfois, des photos peuvent être aussi très parlantes, et des textes

additionnels, signés ou non par les artistes, expliquent la genèse de l'œuvre.

Tout cela forme une signalétique qui aide le mélomane à pénétrer l'album, à comprendre son processus de création, et à la replacer dans un contexte

plus large, qu'il s'agisse d'une école ("l'école de Canterbury" en pop), d'un style(le punk, le free jazz, le reggae), ou d'une famille ou sous-famille musicale

(le dub, la musique lounge, le jazz rock).

Malgré les intégrales, les anthologies thématiques, les collections et les coffretshistoriques qui ont fleuri sous l'ère du CD, et qui lorsqu'ils sont bien faits sont

l'équivalent d'une collection comme La Pléiade en littérature par rapport aulivre de poche ou broché (voir les productions du label Rhino), l'objet fétiche

par excellence de la culture musicale est le 33 tours vinyle. La plupart desgrands courants des "musiques actuelles" sont nés avec lui, en terme de

son analogique il représente un aboutissement, et il synthétise une étape de création artistique dans une carrière ("le nouvel album de…"). Même si tous les33 tours vinyle ont la même taille, il possède moins que le CD ce côté uniforme

et interchangeable qui a beaucoup desservi ce dernier. Enfin, malgré son élimination organisée par les "majors" au moment de l'arrivée du compact,

il est toujours présent dans le paysage musical, même si en fait seul un petit nombre de gens l'utilisent.

Sous l'influence de la dématérialisation, le nouvel objet prisé aujourd'hui n'estplus un support mais un appareil : le téléphone. Personnalisé, emblématique,appareil de communication tous azimuts (parole, photo, courrier électronique,

musique, etc.), il est le totem des temps modernes.

Les premières collections de disques remontent au 78 tours avec des collections d'opéra, de gospel, de blues et de jazz, puis de musique classique

et d'opéra, et, si tous les supports se prêtent à la collection, le 33 tours puis le CD en sont souvent la base, soit à travers des "collections musées" où le

but est de rassembler des pressages originaux et des éditions rares sans forcément… les écouter, soit dans des collections vivantes qui sont à la fois

instrument de loisir et de travail, une règle qui sera celle de l'amateur éclairé,du professionnel, ou de l'artiste, qu'il soit musicien ou deejay.

Au-delà de l'affect et d'une dose plus ou moins forte de nostalgie, le propriétaire d'une collection doit faire face au problème du rangement.

Sera-t-il effectué de façon alphabétique, par style, mélangera-t-il les genres,enfin peut-il être régulé par des règles quantitatives, par exemple un maximum

de cinq mille pièces (ou le double, ou le triple, ou plus), chaque nouvelle entrée signifiant une sortie ?

Aujourd'hui, nous vivons une période charnière. Pendant longtemps, l'accumulation des objets disques a été non seulement là règle mais surtout

le seul moyen d'avoir un accès rapide à un ensemble conséquent de phonogrammes, chacun concevant sa discothèque comme une véritable

bibliothèque sonore. Avec la dématérialisation, la musique peut être stockée de façon infinie, soit en prenant beaucoup moins de place sur un ou plusieurs

disques durs qui offrent des garanties de très grande qualité sonore, soit de façon virtuelle sur un "locker", une sorte de "casier" personnel auquel

on peut accéder de n'importe où en temps réel, via un simple navigateur et une

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7 - La consommation de la musique (suite)

connexion haut débit à internet. De même, un site comme Deezer, avec ses possibilités de play-lists personnalisées et mémorisables, rend possible

l'accès à une collection, sans en avoir l'encombrement. Il reste toutefois, pour ceux que cela intéresse, à régler la question du contenant, c'est-à-dire

des pochettes et des renseignements qui y figurent. On peut les synchroniser sur des fichiers textes spécifiques qui accompagneront la lecture de leurs

homologues sonores, ou se constituer une base personnelle en les scannantet en les rangeant sur son ordinateur. Le rapport à l'objet disque n'existe

plus mais la musique est toujours là.

7.3 - Media et magasins

La recherche d'une musique passe en général par deux étapes qui sont l'information et l'acquisition. La première peut se faire de mille manières,

du conseil amical à la lecture d'un journal, et aujourd'hui bien sûr par la toile. À sa manière, chacun est un medium, et la lecture d'un blog peut quelquefoiss'avérer plus enrichissante que celle d'un journal spécialisé. Mais il est facile

aussi de se perdre sur internet, car la nouvelle géographie musicale d'aujourd'hui passe entre autres par de plus en plus d'artistes

et de groupes inclassables.

Il n'est souvent pas facile de distinguer sur la toile le marketing viral du site de fan ou du forum de discussion. L'offre, qui est aussi un moyen de

communiquer, est multiple : les réseaux sociaux qui s'appuient sur des communautés comme Myspace, Facebook, Last FM, et Twitter, les blogs

qui fédèrent des ensembles d'internautes, enfin YouTube et Dailymotion quiproposent des possibilités vidéo, le tout pouvant bien sûr être interconnecté

et renvoyer sur des plateformes de vente ou sur le site d'un artiste. De nouveaux outils apparaissent régulièrement, comme récemment le widget

qui est une application permettant d'échanger des informations (la sortie d'un disque, les concerts d'un artiste, etc.). Aujourd'hui, aucune stratégie de

lancement d'un projet musical digne de ce nom ne peut raisonnablement se faire sans internet.

Quant aux disquaires traditionnels, leur nombre ne cesse de diminuer. En dehors des chaînes, des grandes surfaces, et de ceux qui sont spécialistes

de l'occasion, il y en a aujourd'hui moins de cent en France, alors qu'il y enavait plus de deux mille à la fin des années soixante-dix. Le bon disquaire,

comme le bon libraire, c'est avant tout celui qui écoute le client, qui le guide et qui le conseille. On peut trouver beaucoup de choses sur internet, et les

comparateurs de prix permettent quelquefois de faire de bonnes affaires, maisla transposition du modèle du disquaire physique sur la toile n'a pas encore vu le jour, et la boutique virtuelle reste à inventer. Cependant, d'ores et déjà

le consommateur de musique peut :

- s'informer sur des blogs et sur des sites d'écoute en "streaming" (voir chapitre 7.4),

- lire des journaux, qu'il s'agisse de quotidiens ou de la presse spécialisée française voire étrangère,

- écoute la radio, à travers des possibilités de captation de stations du monde entier,

- visiter quelques magasins virtuels, où il peut acheter soit un produit physique, vinyle ou disque compact, soit un produit numérisé, dans un

format plus ou moins qualitatif suivant les sites et les procédés de compression sonore proposés.

7.4 - La question de la gratuité

Dès que le disque a représenté un enjeu économique, deux types d'éditionclandestine voient le jour, et dans l'un et l'autre cas bien sûr, les artistes, qu'il

s'agisse des auteurs-compositeurs ou des interprètes, ne touchent pas un sou :

"Trouver un bon disque, c'est comme passer dans un village et trouver un vieux restaurant tenu par des gens qui ont conservé les recettes familiales."Robert Crumb, dessinateur et musicienaméricain né à Philadelphie en 1943.

"Le téléchargement n'est qu'un des éléments [de la crise du disque]. Mais c'est comme avec l'arrivée du CD en 1983. On prédisait la mort du vinyle, et aujourd'hui il représente encore entre15 % et 20 % de nos ventes. [Par contre,j'en veux aux majors et à] leur politiqued'appauvrissement culturel."Patrick Kerhousse en février 2008, quelques semaines avant la fermeture de son magasin Rennes Musique à Rennes, après trente et un ans d'activité.

Le label lyonnais sur lequel paraîtra le disque de Slow Joe & The GingerAccident, le chanteur indien et le groupefrançais qui jouent ensemble en concertpour la première fois dans le cadre desTrans de Rennes le 2 décembre à l'Ubu,s'appelle Back to Mono Records, en référence à un coffret rétrospectif du producteur américain Phil Spector. Publié en 1991, "Back To Mono" est un ensemble de quatre disques qui comprend tous les grands titres produits par Spector entre 1958 et 1969,et grâce auxquels il a édifié son célèbre"wall of sound" ou "mur du son". On y trouve notamment "Spanish Harlem"par Ben E. King, "To Know Him Is To LoveHim" par The Teddy Bears et "Be MyBaby" par The Ronettes.

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7 - La consommation de la musique (suite)

- d'abord, les disques "piratés". Ils sont issus d'un piratage organisé à grande échelle qui a représenté et représente toujours une véritable

économie parallèle sur certains marchés spécifiques comme dans les paysd'Amérique du Sud ou en Chine. Il s'agit de CDs quelquefois sans pochette

qui sont dupliqués à partir d'un compact standard (le dernier Madonna ou le dernier Manu Chao) et qui sont vendus bien sûr beaucoup moins cher

que la version officielle ;

Ensuite, les disques illégaux ou "bootlegs". Ce sont des enregistrements qui n'étaient pas à priori destinés à être mis sur le marché et qui sont vendussous le manteau, quelquefois assez cher car ce sont des raretés et donc desobjets de collection pour les fans et les connaisseurs. Dans l'histoire du rock,

le premier à avoir fait couler beaucoup d'encre est le "Great White Wonder"de Bob Dylan, paru en 1968, qui contenait des répétitions inédites de Dylan

et du groupe qui l'accompagnait à l'époque, The Band.

La cassette, avec les possibilités de duplication facile qu'elle apporte, installe une frontière quasi-officielle entre la musique achetée et la musique

"non achetée". Tout en offrant une grande liberté à ses usagers, elle contribueau piratage à grande échelle. En Afrique, par exemple, la musique s'est

longtemps transmise par les cassettes pirates qui étaient pressées dans desusines clandestines ou artisanales. Dans ce cas également, les artistes, qu'ils

soient occidentaux ou africains, ne touchaient aucun droit sur ces ventes.

Avec l'avènement de la galaxie internet, les choses ont encore évolué, et la musique a petit à petit été considérée par beaucoup comme une denrée gratuite. Cette attitude participe d'un phénomène de société : on veut tout

payer moins cher, les habits comme les voyages, on est dans l'ère du "discount" voire du "hard discount", alors, pourquoi payer la musique ?

Mais elle repose aussi sur des malentendus qui sont inscrits dans l'esprit de ces musiques elles-mêmes : l'aspect rebelle des rockers, le côté anarchiste

des punks, les déclarations libertaires des jazzmen pratiquant le free, la couleur vaguement contestataire de certains chanteurs dits "à gauche",

sans parler aujourd'hui de beaucoup de représentants des cultures hip hop et électro qui donnent leur musique car le disque n'est pour eux qu'une source

de revenu minime par rapport au concert ou à d'autres activités, tout celaa contribué à persuader une partie du public que la musique était quelque

chose non pas sans valeur mais en tout cas sans prix…

Les dernières possibilités offertes par internet confirment cet état de fait. Un site comme Deezer, qui est parfaitement légal, et dont la devise est

"musique gratuite et illimitée", concrétise un fantasme qui était déjà présentdans l'esprit de beaucoup. Il permet une écoute en "streaming", ce qui pourrait

se traduire par "écoute en continu sans possibilité de téléchargement". Pour beaucoup, cette non-possibilité de télécharger n'est pas une contrainte,

d'autant que l'usager peut se constituer des listes d'écoute qu'il retrouve avec son "profil" chaque fois qu'il se reconnecte sur le site. Alors, à quoi

bon posséder et à quoi bon payer ?

Aujourd'hui, l'avenir qui se dessine, en tous cas pour les jeunes générations, est celui d'une écoute en "streaming", donc sans piratage, par le

biais d'appareils mutants, tenant à la fois du "super téléphone" et de l'iPod, comme l'iPhone d'Apple qui est sans doute l'appareil le plus symbolique de

ces nouvelles technologies. Mais ce type de comportement entraîne l'industriedu disque dans une crise sans précédent et, dans son sillage, elle laisse sur le

bas-côté un nombre croissant d'artistes qui ne sont pas assez "vendeurs".

Si on peut estimer que la crise a de bons côtés en recentrant le travail des artistes sur la scène et en remettant en question les stratégies trop

orientées vers le marketing de la plupart des labels, les directeurs artistiquesont de fait moins le droit à l'erreur et ils sont moins prêts à suivre leur intuition

et à soutenir un projet original sur plusieurs années. La diversité artistique en souffrira, et donc par ricochet le consommateur.

"C'est tellement nouveau, cette possibilitéde pouvoir copier quelque chose ou ledonner... sans t'en déposséder toi-même.Si je te donne un livre, je ne l'ai plus. Mais si je te donne un mp3, je l'ai toujours. C'est la multiplication des pains !Il n'est jamais arrivé dans l'histoire de l'humanité qu'on puisse donner quelquechose sans s'en déposséder, et qu'enplus ce soit quelque chose de la mêmequalité, complètement identique. En fait,on est concurrencé par quelque chose de non économique, du gratuit total.Comment battre ça ? C'est quasimentimpossible." Laurent Bizot, juriste et fondateur du label indépendant No Format !, où on trouve notamment BallakéSissoko & Vincent Ségal, Gonzales, Rocé et Mélissa Laveaux.

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8 - Conclusion

La musique et le disque sont pris dans le mouvement général d'une société qui change, et dans lequel internet a bien entendu un grand rôle. Nous sommes dans la civilisation du zapping et les nouveaux modes de

consommation de la musique (MP3, streaming, culture de l’iPod) s’y inscrivent.Le problème de la gratuité à laquelle ils sont confrontés se retrouve dans

d'autres formes d'art car la dématérialisation touche aussi le cinéma, la photographie, et bientôt le livre. Enfin, les difficultés qui les frappent se

rapprochent petit à petit d'autres professions comme celles de la publicité, de la presse, et de l'économie culturelle en général.

Mais la musique est toujours là, plus vivante que jamais. Elle s'échange plus facilement. Elle trouve de nouvelles recettes. Les maisons de disques

signent moins d'artistes, et pourtant certains d'entre eux particulièrement inventifs trouvent comment s'exposer sur la toile. Une écoute passive apparaît ?

Oui, mais une nouvelle écoute active se met en place, à travers les blogs, les rencontres "fight pod" et les podcasts. Quant aux forums et aux

communautés, ce sont les répliques modernes des discussions des étudiantsdes années soixante ("Tu es Beatles ou tu es Stones ?"). Le consommateur de musique est face à une offre gigantesque, et s'il sait convenablement se

guider, il peut utiliser la toile aussi bien comme source d'informations, de découverte, d'audition, et éventuellement d'achat. De plus en plus, les

informations que l'on trouve via le net renvoient sur des sites d'achats privés(un artiste seul, un label) ou commerciaux type Amazon, en offrant chaque

fois un achat au titre ou un achat physique.

La majorité de la jeune génération ne jure que par YouTube ? Cela veut dire que certes il s'agit d'une rupture générationnelle, que l'image est

prépondérante mais que la musique l'intéresse comme on l'a vu précédemment… On annonce la mort du disque et la suprématie du

téléphone multimédia ? Différentes écoutes cohabiteront, de l'"écoute kleenex" à l'écoute attentive, et d'ailleurs certains les pratiqueront toutes. Le disque subsistera, en vinyle et en compact, car, même s'il s'agit d'un marché de niche, il y aura toujours une offre et une demande pour des objets bien conçus, et d'ailleurs ce n'est pas sûr que ce soit le premier

qui disparaisse avant le second…

"Pour les jeunes, le téléphone est le point de convergence parce que c'est l'objet fétiche. Il est capable de stocker du son, de faire des photos, c'est uneextension de la personnalité, un factotum,il représente l'histoire et la mémoire.Aujourd'hui nous sommes dans une èrede communication "no limit". C'est lasuperposition dont parlait McLuhan. Et demain le téléphone sera en plustélécommande, moyen de paiement, tout en étant au centre de l'économie de la musique…"Hervé Brasebin, directeur commercial de l'agence de communication Australie,né en 1959.

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9 - Le concert

78 RPM Selector

Formation hors du commun, 78 RPM Selector se présente avec trois mots,"musical", "visuel" et "étrange", dont l'addition éveille déjà la curiosité. Ses trois membres et concepteurs, Yannick Unfricht, Rosita Warlock et Mister

Djub veulent "appliquer leurs univers musical au rythme de création d'une troupe de théâtre".

Cultivant l'insolite, oscillant sans cesse entre concert et performance théâtrale, le 78 RPM Selector réalise un spectacle qui relie entre elles

plusieurs esthétiques de la culture du vingtième siècle : le jazz, la chanson, le rock'n'roll, le deejaying, la danse contemporaine, le mime, les films

des années vingt et trente (on pense notamment à "Freaks, la monstrueuse parade" de Tod Browning), le body art et le beatboxing,

auxquels il faut ajouter des clins d'oeils aux débuts de la musique enregistrée, au music hall, au théâtre de rue, au cirque, aux free parties,

à l'audiophilie et à la mélomanie, et à tout un esprit d'art populaire qui fait ressurgir refrains de cafés concert et atmosphère de cabaret, le tout étant

enrobé d'une poésie omniprésente.

Sur scène, les deux deejays Rosita Warlock et Mister Djub enchaînent desvieux 78 tours, pour la plupart introuvables, sur leurs trois gramophones non

électrifiés qui sont des survivants des années 1910… Changeant l'aiguilleaprès chaque disque, nettoyant la galette qui arrive, remontant la mécanique et ajustant le plateau pour que sa vitesse soit en phase, ils se plient au rituel

nécessaire pour les faire fonctionner. À leurs côtés, Yannick Unfricht alias OlafOdgari ou encore "L'homme rouge", et qui se présente comme "danseur

mentaliste", s'anime en entamant ses étranges gestuelles muettes, mises aupoint en s'inspirant à la fois des codes aborigènes et de son passé "indus".

Pour leur première saison qui vient de s'achever, le 78 RPM Selector présentait un show à trois personnages. Pour celle qui commence avec leurdouble passage aux Trans de 2009, et dont le prélude a été une résidence

à l'Ubu, ils inaugurent un nouveau projet en invitant le beatboxer Ezra commemembre à part entière de la formation. Ce pratiquant de la "human beat box"(littéralement : boîte à rythmes humaine) qui a notamment collaboré avec KidKoala, Wax Taylor, Jacques Higelin et Bauchklang, pousse sa voix dans ses

retranchements ; il imite les scratches des 78 tours, des bruits d'animaux, il glisse ici et là un motif rythmique qui peut venir (la liste n'est pas

exhaustive…) du jazz, du reggae, du rap ou du rock.

Ainsi, 78 RPM Selector entend constamment réinventer son univers, en présentant chaque année une déclinaison musicale de sa "planète sépia"

évolutive, tout en conservant à la base le concept de départ qui est "le mix en ping-pong live sur gramophone". Le mot d'ordre et de construire du rêve

avec des "forces poétiques toujours en mouvement".

Impressionnant autant par les techniques qu'il déploie que par l'intensité qu'il dégage, le 78 RPM Selector nous offre un spectacle singulier de hautniveau, un voyage à travers le temps éminemment moderne qui mixe rétro

et futurisme, une œuvre-miroir puissante et onirique où chacun d'entre nous trouvera son lot d'émotion.

http://www.myspace.com/78rpmselector

"Comment ne pas se sentir proche decette Dame ? Quand elle comptait déjàde multiples consoeurs étasuniennes, elle semblait si différente et excentriquepour le petit parterre parisien de l'époque,si follement amateur de music hall ! Son aisance sur scène confine à uneliberté qu'on cherche aujourd'hui à fairenôtre. Elle l'a fait, pourrait-on dire, quand les autres n'ont pas pu ou pas osé traverser la mer…"Le 78 RPM Selector, parlant de la chanteuse et danseuse Joséphine Baker,née en 1906 dans le Missouri aux Etats-Unis, et morte en 1975 à Paris.D'origine afro-américaine et amérindienne, elle prit la nationalité française en 1937.

"Le pianiste de jazz Fats Waller défiaitrégulièrement ses concurrents dans les"rent parties", réunions dans un appartement où, contre une contributionfinancière qui servait au locataire à s'acquitter de son loyer, on offrait boisson,buffet et joutes nocturnes musicales entre les grands du piano "stride" ou "boogie". Imaginez l'ambiance surchauffée de ces fêtes, très populairesdans les années vingt, qui préfigurent l'esprit des "clashs" qu'on verra naîtredans les "sound systems" jamaïcains puis dans les "blocks parties" des annéesquatre-vingt à New York ! Un esprit 100%urbain dont nous nous délectons de transposer le fond et la forme sur scène."Le 78 RPM Selector

"''Hot'' soit ''brûlant'' : dans la terminologiejazzistique, le mot désigne ces fameusesinterprétations qui privilégient l'expressi-vité et l'imagination aux exécutions''straight'' des orchestres de salons qui ne laissent aucune place aux variations.Devinez dans quel pot le groupe sélectionne ses galettes ?"Le 78 RPM Selector

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Afrika Bambaataa : anthologie "Looking for the perfect beat (1980-1985)", (2001), import Tommy Boy

Aphex Twin : "I Care Because Of You" (1995), Warp / P.I.A.S.

The Beach Boys : "Pet Sounds" (1966), Capitol / E.M.I.

The Beatles : "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" (1967), Parlophone / E.M.I.

Can : "Future Days" (1973), Spoon / E.M.I.

Ray Charles : anthologie "The Definitive Ray Charles" (2001), Rhino / Warner Music

The Ornette Coleman Quartet : "This Is Our Music" (1959), Atlantic / Warner

John Coltrane : "A Love Supreme" (1964), Impulse ! / Universal

Miles Davis : "Bitches Brew" (1970), Columbia / Sony Music

Gil Evans : "Out of the Cool" (1960), Impulse ! / Universal

Fela : "The two sides of Fela : jazz & dance" (2002), double CD Barclay / Universal

Robert Fripp & Brian Eno : "No Pussyfooting" (1973), réédition double CD Discipline Global Mobile (import)

Jon Hassell : "Power Spot" (1986), E.C.M. / Universal

The Jimi Hendrix Experience : "Axis : Bold As Love" (1967), MCA / Universal

Billie Holiday : "Solitude" (1952), Verve / Universal

Robert Johnson : double CD "The Complete Recordings (1934-1936)"(1996), Sony Legacy / Sony Music

Kraftwerk : "The Mix" (1991), Kling Klang / E.M.I.

Led Zeppelin : "Houses Of The Holy" (1973), Atlantic / Warner Music France

Paul McCartney : "McCartney" (1970), Apple Records / E.M.I.

Moby : "Play" (1999), Mute / E.M.I.

Nils Petter Molvaer : "Solid Ether" (2000), E.C.M. / Universal

Pink Floyd : "Dark Side Of The Moon" (1973), E.M.I.

Ritchie Hawkin aka Plastikman : "Consumed" (1998), Novamute (import)

Prince : "Dirty Mind" (1980), Warner Bros. / Warner Music

Radiohead : "OK Computer" (1997), E.M.I.

Steve Reich : "Music for 18 Musicians" (1976), E.C.M. (Import)

The Rolling Stones : "Exile On Main Street" (1972), Virgin (import)

Jean Sablon : "Le crooner français (20 succès et inédits 1930-1951)" (2002), Forlane

Soft Machine : "Third" (1970), Columbia Sony Music

Bruce Springsteen : "Nebraska" (1982), Columbia / Sony Music

Karlheinz Stockhausen : "Kontakte" (1974), Wergo (import)

Ali Farka Toure : "Red & Green" (1984 et 1988), 2006, double CD World Circuit / harmonia mundi

The Velvet Underground : "The Velvet Underground & Nico"(1967), CD Polydor / Universal, 2001

Muddy Waters : double CD "Muddy "Mississippi" Waters Live" (1979), 2003, Epic / Sony Music

Weather Report : "Sweetnighter" (1973), Columbia / Sony Music

The Who : "Who's Next" (1971), Polydor / Universal Music

Stevie Wonder : "Talking Book" (1972), Motown / Universal Music

Robert Wyatt : "Rock Bottom" (1974), Domino / P.I.A.S.

10 - Repères discographiques

La bibliographie, la discographie et les recommandations de journaux et de sites internet qui suivent se rapportent à l'ensemble des troisconférences du cycle de conférences-concerts (3, 4 et 5 décembre 2009) :

"Quand technologies, création et écoutese rencontrent dans les musiques actuelles" :

I - L'incidence des moyens de diffusionsur la circulation de la musique,

II - Les supports sonores et leurinfluence sur notre rapport à l'écoute,

III - L'impact des évolutions technologiques sur la création et la diffusion en concert de la musique.

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COMPILATIONS ET ANTHOLOGIES

"Big Apple Rappin' / The Early Days Of Hip-Hop Culture In New York City 1979-1982", (2006), double CD Soul Jazz / Discograph

"OHM : The Early Gurus Of Electronic Music : 1948-1980", (2000), triple CD Ellipsis Arts (import)

"Sounds of the South", coffret de quatre CDs consacré au travail d'Alan Lomax, Atlantic,

(1993) (import)

"Studio One Story",(2002), double CD + DVD, Soul Jazz / Discograph

11 - Sélection bibliographiqueCette bibliographie est sélective et ne contient que des ouvrages édités en France.

Mishka Assayas : "Dictionnaire du rock", Robert Laffont, collection Bouquins, 2002

Jean-Yves Bosseur : "La musique du XXè siècle : à la croisée des arts", Musique ouverte, Minerve, 2008

Louis Chrétiennot : "Le chant des moteurs : du bruit en musique", L'Écarlate, L'Harmattan, 2008

Nicholas Cook : "Musique, une très brève introduction", Éditions Allia, 2006

Olivier Donnat : "Les pratiques culturelles des Français à l'ère numérique (enquête 2008)", La Découverte / Ministère de la Culture et de la Communication, 2009

Charlotte Dudignac et François Mauger : "La musique assiégée : d'une industrie en crise à la musique équitable",

L'échappée, 2008

Guillaume Kosmicki : "Des avant-gardes aux dance floors", Le Mot et le Reste, 2009

Daniel Lesueur : "L'histoire du disque et de l'enregistrement sonore", Les Éditions Carnot, 2004

Philippe Tournès : "Du phonographe au MP3, une histoire de la musique enregistrée - XIXè - XXIè siècles”,

Éditions Autrement, 2008

Revue "Art Press 2" : "L'art des sons", n° 15, novembre 2009

10 - Repères discographiques (suite)

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Les Inrockuptibles, hebdomadaire

www.lesinrocks.com

Jazz Magazine / Jazzman, mensuel

www.jazzmagazine.com

Le Monde, quotidien

www.lemonde.fr

Mondomix, mensuel

www.mondomix.com

Neosphere,www.neospheres.free.fr

Rock & Folk,mensuel

www.rocknfolk.com

Vibrations, mensuel

www.vibrations.ch

Eldorado, trimestriel

12 - Quelques journaux et sites internet

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Dossier d’accompagnementde la conférence / concert

du samedi 5 décembre 2009programmée aux

31èmes Rencontres Trans Musicales,dans le cadre du

projet d’éducation artistiquedes Trans et des Champs Libres.

Cycle de trois conférences-concerts :“Quand technologies, création et écoute

se rencontrent dans les musiques actuelles”

Conférence-concert # 3“L’impact des évolutions technologiques

sur la création et la diffusion en concert de la musique”

Conférence de Jérôme RousseauxConcert de Complot diffusé et mixé en 5.1

La création artistique a toujours entretenu des liens étroits avec les outils qui lui sont indispensables. En dehors du chant a cappella, que ce soit pour

composer une œuvre ou pour l'"exécuter", le "rendu" de l'artiste dépend beaucoup de l'instrument, et de la "relation" qu'il entretient avec celui-ci.

Au cours du vingtième siècle, l'accélération des découvertes a bouleversé le monde de la musique, et l'ampleur exceptionnelle des évolutions technologi-

ques qu'ont connu tous les domaines d'activité n'a pas épargné le secteurmusical, bien au contraire. Ces évolutions ont été pour les musiciens un moyen

extraordinaire d'explorer des territoires sonores vierges et de faire découvrir au public des univers sensoriels sans cesse nouveaux.

L'électrification de la guitare dans les années trente, la découverte des synthétiseurs, celle des séquenceurs puis des échantillonneurs, l'avènement

du "home studio", la diffusion en système 5.1, voilà autant d'exemples qui nouspermettront de mettre en relief l'influence des évolutions techniques sur

la création, l'enregistrement et la diffusion en public de la musique.

“Une source d'informations qui fixe les connaissanceset doit permettre au lecteur mélomane de reprendre

le fil de la recherche si il le désire”

Afin de compléter la lecture de ce dossier, n'hésitez pas à consulter les dossiers d’accompagnement des précédentes conférences-concertsainsi que les “Bases de données”consacrées aux éditions 2005,2006, 2007, 2008 et 2009 desTrans, tous en téléchargementgratuit, sur www.lestrans.com,rubrique Action culturelle.

Présentation

Dossier réalisé parJérôme Rousseaux, avec Pascal Bussy

(Atelier des Musiques Actuelles)

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Préambule : les évolutions mécaniques

Longtemps, les instruments de musique n'ont été qu'un soutien du chant. Mais à partir de la Renaissance, grâce aux progrès de la lutherie, la musique

instrumentale prend de plus en plus son autonomie. Ainsi, les évolutionsconstantes dans les matériaux, les pistons, les systèmes de clés, les tamponsou encore les cordes métalliques permettent l'épanouissement de la musiquedite "classique". Ces progrès engendrent également la création de nouveaux

instruments.

Voici trois exemples d'évolutions mécaniques significatives :

- Le piano forte. Il est mis au point au début du dix-huitième siècle parBartolomeo Cristofori. En offrant un toucher et des possibilités de vélocité

tout à fait nouvelles, il remplace progressivement le clavecin et suscite une nouvelle manière d'aborder le clavier. Frédéric Chopin, Franz Liszt

et les romantiques allemands s'en emparent.

- Le saxophone. Au milieu du dix-neuvième siècle, Adolphe Sax cherche à créer "un instrument qui par son caractère peut se rapprocher des

instruments à cordes, mais tout en possédant plus de force et d'intensité". Son ambition de départ pour ce nouvel instrument est de le voir utilisé

en musique classique, mais cela n'arrivera que très rarement ; en effet, sa puissance et sa vélocité en feront finalement un instrument de référence

d'abord dans les fanfares puis dans le jazz.

- La batterie. C'est grâce notamment à l'invention de la pédale de grossecaisse par Roger Ludwig en 1882 qu'un seul individu assis peut jouer

simultanément de plusieurs instruments de percussion. La batterie naît avec le jazz au début du vingtième siècle. Depuis, elle occupe une place

incontournable dans l'ensemble des musiques populaires occidentales.

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1 - L’électricité

L'électricité permet la transmission, l'enregistrement et l'amplification, dans unpremier temps de la voix, puis ensuite d'instruments acoustiques comme lesguitares et les claviers. Plus tard, elle ouvre la voie à de nouvelles sonorités.

1.1 - Le microphone, l’enregistrement et la sonorisation

C'est en 1877 que Graham Bell invente le premier microphone réellement utilisable. Son premier usage est le téléphone. Dans le domaine musical, le

microphone est tout d'abord employé pour la radio et les enregistrements discographiques. Il révolutionne les techniques de chant et d'interprétation, et il

symbolise également les débuts du vedettariat de ces premiers chanteurs de charme à la voix "de velours" qu'on appelle les "crooners". C'est ainsi

qu'aux États-Unis, dès la fin des années vingt, Bing Crosby, Nat "King" Cole et Rudy Vallée rencontrent un franc succès.

En 1925, le début de l'enregistrement électrique représente un bon en avantdans la qualité du son. Mais jusqu'aux années cinquante, l'objectif du studio

d'enregistrement est strictement de reproduire du mieux possible les sonsacoustiques exécutés par les musiciens. Et ce n'est pas si simple : pour

chaque morceau enregistré, il s'agit de disposer de la façon la plus intelligentepossible les différents instruments, c'est à dire selon leur puissance et leur

"place" dans la partition, autour du "pavillon" qui est relié au micro.

La "sono" est le complément indispensable du micro pour les prestations enpublic. En 1936, la première utilisation d'un micro sur une scène en France,

par Jean Sablon qui est alors le "crooner" hexagonal à la mode, fait scandale.Le micro permet au chanteur de moduler sa voix de baryton pour mieux

murmurer ses couplets amoureux aux oreilles de ses admirateurs, et devantles 1.800 spectateurs de la première de son nouveau spectacle, il sera ainsi

entendu par la salle entière sans avoir à forcer sa voix. Mais cela ne plaît pasà tout le monde. "Jean sans son" et "Jean qu'a le son court" sont deux des

surnoms dont il est affublé. La grande chanteuse "réaliste" Damia, affirmeraplus tard que le micro "a tué notre métier", alors qu'Edith Piaf, en l'acceptant,

prendra le pas sur sa consoeur Marie Dubas.

1.2 - La guitare électrique et l’amplificateur

Au cours des années 30 se développe la mode des big bands et, face aux cuivres et à la batterie, les guitaristes n'arrivent pas à se faire entendre.

1.2.1 - La guitare électrique

Eddie Durham, qui peut être considéré comme celui qui a introduit en 1935 la guitare électrique dans le jazz, racontait que son propre père tuait des

serpents à sonnettes et qu'après les avoir fait sécher, plaçait les grelots dansson violon pour l'amplifier mécaniquement. De son côté Georges Beauchamp,

guitariste de "lap-steel" qui rencontrait les mêmes problèmes que ses collègues du jazz, s'était associé en 1931 avec un ingénieur, Adolphe

Rickenbacker, pour produire les premières "frying pans", autrement dit des"poêles à frire", des guitares au long manche et au corps arrondi dont les

micros magnétiques placés au dessus des cordes amplifiaient le son.

Mais les premières véritables guitares électriques qui rencontrent le succèssont des guitares électro-acoustiques (en d'autres termes des instruments

acoustiques avec une possibilité d'amplification), comme la Gibson ES-150,commercialisée en 1936 et popularisée par le jazzman Charlie Christian.

Le jeune Christian rencontre au milieu des années 30 Eddie Durham qui luiconseille d'acheter une guitare électrique. Christian met alors au point une

technique qui consiste à reproduire sur sa guitare amplifiée le discours dessaxophonistes ténors et en particulier de Lester Young. Il se fait remarquer par

ses improvisations riches d'audaces mélodiques et harmoniques qui sont asso-ciées à un swing éclatant. En 1939, il entre dans le fameux orchestre de Benny

"Ce n'était pas pour faire plus de bruit,mais pour (…) murmurer en musiqueune confidence comme on fait à voixbasse."Jean Sablon, chanteur français né en 1906 et mort en 1994.

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Goodman et il enregistre ses premiers titres en compagnie des musiciens lesplus prestigieux du moment, Lionel Hampton, Cootie Williams, Benny Carter

et Count Basie. Le choc est immense : finis les notes aigrelettes et les accordsse glissant péniblement dans les plages silencieuses qu'on voulait bien luiaccorder ! Grâce à la fée électricité, Christian ne fait pas qu'accompagner les solistes par un jeu ferme d'accords au tempo implacable et enrichi par

l'inclusion de nombreuses figures, il se hisse tout simplement à leur niveau, en plaçant dans la musique des riffs imparables et en développant des lignes

mélodiques surprenantes avec une articulation sans faille et une attaque rendue très nette par l'emploi du médiator. Hélas, sa carrière fulgurante se terminera trop tôt puisqu'il sera emporté par la tuberculose à vingt-six ans.

La guitare électrique est un instrument neuf qui marque un changement du son et il symbolise pour les musiciens une ouverture sur de nouveaux

horizons. Ainsi, l'amplification est utilisée par les joueurs de blues, notammentà Chicago où, dans un milieu urbain dense, elle permet aux guitaristes de

s'adresser à un public plus large. Ils vont peu à peu s'adjoindre les servicesd'autres musiciens (batteurs, bassistes, saxophonistes et organistes) et donner

naissance dans les années cinquante au blues électrique dont les grandesfigures sont B.B. King, Muddy Waters, Howlin' Wolf et Buddy Guy. Ce blues

modernisé par l'amplification donnera plus tard naissance au rhythm'n'blues, au rock'n'roll, et à certaines formes de jazz.

De nos jours, une grande partie des guitares électriques sont dites "solidbody", car elles ne disposent pas de caisse de résonance et que leur corps

est plein. Une des premières "solid body" a été conçue par le célèbre guitaristeet inventeur Les Paul au début des années quarante. Sa guitare était appelée

log ("la poutre") en raison de sa forme rectangulaire à laquelle s'ajoutait son manche et sa tête. D'autres modèles avaient vu le jour, notamment chezAudiovox et chez Rickenbacker, mais c'est grâce à l'électricien et fabriquant

d'amplificateurs Leo Fender que la première "solid body" qui connaîtra le succès, la Fender Telecaster, est fabriquée en 1950. La Stratocaster, la guitareélectrique la plus répandue et la plus copiée depuis lors, lui succède en 1954,la même année où sort la Gibson Les Paul, aujourd'hui encore un instrument

prisé. Leo Fender inventera aussi la basse électrique moderne, qui remplacerales prototypes précédents et se substituera dans la plupart des musiques

électriques à la contrebasse utilisées jusque là.

1.2.2 - L’amplificateur

L'amplificateur permet d'amplifier le signal reçu par la guitare en entrée, et de délivrer en sortie le son grâce à un haut-parleur.

Le premier étage de l'amplification est le pré-amplificateur ou pré-ampli, qui regroupe les fonctions d'égalisation ou de tonalité et de réglage de "gain"(la sensibilité d'entrée). Il peut être très utile pour certains musiciens, car si le"gain" est poussé au maximum, il provoque un phénomène de distorsion qui

produit un son caractéristique, particulièrement recherché par les guitaristes deblues puis de rock. Dès les années cinquante, des bluesmen comme GuitarSlim et Johnny Guitar Watson commencent à "pousser" leur ampli. En 1951,sur le titre "Rocket 88" de Ike Turner & The Kings Of Rhythm, la guitare et le

saxophone sont traités par un ampli défectueux, ce qui donne un son trèsnovateur pour l'époque. C'est une des raisons pour laquelle ce titre de

rhythm'n'blues est considéré par de nombreux spécialistes comme le premier morceau de rock'n'roll.

Dans les années soixante, la distorsion s'impose comme une "couleur" à partentière. Et si le solo saturé sur le titre "Don't worry about me" du chanteur

country Marty Robbins en 1961 est assez anecdotique, les groupes américainsde "rock garage" de cette époque tels The Sonics ou The Monks n'hésitent pas

à aller beaucoup plus loin en salissant volontairement le son de leurs guitareset en criant dans le micro. À la fin de cette décennie très riche pour

1 - L’électricité (suite)

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la musique, Jimi Hendrix s'impose comme un "sorcier du son" : en combinantla distorsion, le larsen, et les premières pédales d'effets fabriquées à l'époque

(notamment la "wah-wah"), il entraîne la guitare vers des terres jusque là inexplorées. Quant au Velvet Underground, avec leur titre "White Light /

White Heat" en 1967, il construit ce qui est sans doute le premier "mur du son"de l'histoire de la musique. À partir de là, la saturation devient monnaie

courante dans le rock et elle prend différentes formes et une intensité spécifique selon les styles : hard-rock, metal, punk-rock, grunge, funk, etc.

De fait, être guitariste, c'est non seulement posséder un style et une technique,mais c'est aussi avoir un son. Citons, associés à des musiciens phares,

quelques "couples" guitare / amplificateur qui sont devenus célèbres :- la Fender Stratocaster et le Marshall à lampes double corps

pour Jimi Hendrix,- la Gibson Les Paul et le Marshall pour Jimmy Page (Led Zeppelin),

- la Gibson SG et le Marshall pour Angus Young (AC/DC),- la Fender Telecaster et le Fender à lampes pour Andy Summers (The Police).

L'électrification a finalement permis de durcir le son de la guitare et de répondre ainsi à un besoin de plus en plus virulent d'exprimer

de manière provocante et agressive un sentiment de révolte et de frustration.Mais aujourd'hui, certaines de ces sonorités dures semblent plus être

des clichés, voire des "poses", que l'expression d'une révolte...

1.3 - Les claviers électromécaniques

Dans un instrument électromécanique, les éléments physiques qui servaientd'amplificateur et de résonateur ont été supprimés et un haut-parleur

leur a été substitué.

1.3.1 - L'orgue Hammond

L'orgue Hammond a été inventé dans les années trente pour équiper les églises n'ayant pas la place ou les moyens d'avoir un orgue traditionnel

à tuyaux.

Le principe de son fonctionnement est celui de la roue phonique, basée sur unensemble de 91 pignons entraînés par un moteur électrique et tournant chacun

devant un électro-aimant générant un champ magnétique. C'est cette combi-naison des pignons et du champ magnétique qui donne le fameux "son

Hammond". Le modèle le plus connu est le B-3. Mis au point en 1955 ettoujours utilisé, il se différencie de ses prédécesseurs par l'utilisation d'un système de percussion et de tirettes linéaires qui permettent au

musicien de choisir et surtout de faire évoluer le son pendant qu'il joue. L'orgue Hammond est souvent associé à une cabine Leslie (du nom de soninventeur Don Leslie), une sorte de grand haut-parleur devant lequel tourne

un plan incliné qui donne un vibrato naturel très apprécié des organistes. Cette cabine permet également d'apporter une légère distorsion au son.

Cet orgue d'un nouveau genre a énormément influencé la musique afro-améri-caine. Sa chaleur et son "groove" potentiel en font un instrument de référence

dans les musiques jouées par les Noirs américains, qu'il s'agisse du gospel, dublues, du jazz ou de la soul. Dans les années cinquante, Jimmy Smith est lepremier a lui donner ses lettres de noblesse, et il est suivi par bien d'autres

dont Booker T. Jones, Rhoda Scott et le Français Eddy Louiss. Au cours desdécennies suivantes, l'orgue Hammond est utilisé dans d'autres esthétiques :

le rock avec Deep Purple, le rock progressif avec Yes et Emerson, Lake &Palmer, la pop psychédélique avec Pink Floyd et Genesis. Aujourd'hui, certainscompositeurs de musiques de film ou d'électro apprécient toujours sa couleur,

qui fait partie de la palette des sons "vintage" qui ont marqué leur époque.

1 - L’électricité (suite)

"Ce jour-là, Willie Kazart est arrivé au studio avec le cône de son amplibousillé, car il venait de le faire tomber.Le son était complètement distordu maisça m'a quand même plu parce que çasonnait original, nouveau. On l'a rafistolécomme on a pu avec du ruban adhésif et on a enregistré comme ça : le sonbizarre de "saxo étouffé" qu'on entend,c'est en fait ce qui est vraiment sorti del'ampli de la guitare à cette session !"Sam Phillips, producteur de Sun Recordsà propos de l'enregistrement de "Rocket88" par Ike Turner & The Kings OfRhythm en 1951.

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Mais c'est aussi un instrument lourd et fragile, à tel point que les premiersorgues électroniques qui imitaient le son du Hammond, comme les "combo

organs", ont vite eu la préférence de certains musiciens comme Ray Manzarekdu groupe The Doors, qui utilisera successivement un Fender Rhodes Piano

Bass pour ses lignes de basse, un Vox Continental, puis un Gibson G101.Après plusieurs années d'améliorations, les instruments électroniques légers

comme le Roland VK-7, les KORG BX-3 ou CX-3, et le Nord Electro de Claviavoient le jour, reproduisant tous assez bien le mythique "son Hammond".

1.3.2 - Le piano Rhodes ou "Fender Rhodes"

Durant la seconde guerre mondiale, Harold Rhodes est chargé par l'U.S. AirForce de soigner le moral des soldats sur les différentes bases que possèdent

les États-Unis. Il imagine alors un piano suffisamment petit et léger pour êtrefacilement transporté. Plutôt que des cordes, son piano fait vibrer des mor-

ceaux d'aluminium récupérés sur des ailes de bombardiers. Ce premier modèlene fait que deux octaves et demi, ce qui ne permet pas de jouer du Chopin

mais est suffisant pour accompagner des chanteurs ou des chanteuses.

Harold Rhodes s'associe ensuite avec Leo Fender, le célèbre fabricant de guitares et d'amplificateurs, puis, avec l'apport financier de C.B.S., tous deuxperfectionnent l'invention de Rhodes en augmentant le nombre de touches et

en rajoutant un haut-parleur, un tremolo, et enfin la stéréo.

C'est Miles Davis qui lance la vogue du Fender Rhodes en poussant HerbieHancock et Chick Corea à en jouer. Lorsque ce musicien phare du jazz passe

à l'électricité à la fin des années soixante, toute cette famille musicale s'entrouve bouleversée, et l'onde de choc s'étend jusqu'à d'autres genres des

"musiques actuelles". Ce n'est pas un hasard si Miles Davis est invité au festi-val de l'île de Wight en Angleterre en août 1970. Là, avec son groupe, il joue

un long morceau de 38 minutes totalement improvisé, posant les bases du jazzfusion ou jazz-rock, et donnant du même coup une fabuleuse démonstration de

free-jazz (ou de free-rock ?) devant un auditoire médusé !

Le Fender Rhodes connaîtra une période faste dans les années 70 grâce également à Stevie Wonder, Georges Duke, Donald Fagen et Ray Manzarek.

Mais comme l'Hammond, il garde de nombreux adeptes encore aujourd'hui à travers le monde et on peut en entendre sur des albums

de Radiohead, Portishead, Jamiroquai ou Morcheeba.

1.3.3 - D'autres claviers

Il est impossible ici de citer toutes les "inventions à clavier", du "musical telegraph" à l'"audion piano" en passant par l'"optophonic piano" et

l'"ondioline", mais en voici une petite sélection :

- le telharmonium, créé à la fin du XIXème siècle par l'américain Thaddeus Cahili, est le premier instrument de synthèse musicale. Il produit des sons

grâce à des "roues phoniques" (comme pour l'orgue Hammond) qui sontposées devant des micros. Le son est ensuite transmis par téléphone.

Il pèse… 200 tonnes ;

- le vibraphone, inventé en 1916, possède un petit moteur électrique qui émet un vibrato caractéristique. Il sera utilisé surtout en jazz, ses maîtres

étant Lionel Hampton et Milt Jackson qui fut longtemps l'un des piliers du Modern Jazz Quartet ;

- le "wurlitzer". Proche dans sa conception et dans le son, il a toujours étédans l'ombre du Fender Rhodes, mais a eu de nombreux adeptes après

son utilisation par Ray Charles sur "What I'd Say". On peut l'entendre aussi sur des albums de Supertramp et du Pink Floyd ;

1 - L’électricité (suite)

"J'avais dans l'oreille une ligne de basseavec les voicings* utilisés par Gil Evansavec son big band. (…) Ce n'était passimplement que je voulais passer à l'électricité, comme beaucoup l'ont dit,histoire d'avoir quelques trucs électriquesdans le groupe. Je cherchais un voicing*qu'un Fender Rhodes pouvait m'apporter.Idem pour la basse : les musiciens doivent utiliser les instruments qui reflètent le mieux leur époque, la technologie leur donnerace qu'ils veulent entendre".Miles Davis, peu après la sortie de sonalbum " Bitches Brew " en 1970.

* Les voicings sont des suites d'accordsdans lesquelles des mélodies sont sous-entendues.

Les débuts du pianiste Herbie Hancockau Fender Rhodes sont éloquents et ilsrévèlent comment l'instrument a évolué en temps réel pour coller à ses désirs de musicien. Miles Davis avait demandé à Hancock d'en jouer au cours d'une session. Celui-ci est d'abord réticent car il trouve que c'est un gadget… Puis il se met au clavier et découvre un son chaud, harmonieux, riche et"pêchu". Ensuite, voulant brancher dessusune pédale wah-wah et une chambred'écho Echoplex, il s'aperçoit qu'i n'y apas de prise prévue pour cela et qu'il fautqu'il "bricole". En venant au studio, HaroldRhodes constate le problème et il décided'équiper ses pianos de "jacks" d'insertiond'effets. Enfin, Hancock lui suggère unesortie directe pour le studio, car de plusen plus de musiciens en ressentent lanécessité.

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- le "clavinet" de Hohner, créé en 1964, cherche à imiter le son du clavecin. Il est basé sur un système de cordes dont une partie est recouverte d'un fil

de laine et dont la résonance est amplifiée. C'est un "clavinet" que l'on entend sur le fameux "Superstition" de Stevie Wonder ;

- le mellotron lit des sons sur des bandes magnétiques à partir d'échantillonspré-enregistrés. Immortalisé par les Beatles sur "Strawberry Fields Forever",

il a également été très utilisé par les groupes de rock progressif anglais des années soixante-dix comme King Crimson et Yes.

Avant l'arrivée des synthétiseurs, tous ces instruments permettent aux compositeurs et aux pianistes de s'affranchir de la contrainte sonore du piano

en s'appropriant de nouveaux sons. En écoutant le "Superstition" de StevieWonder, on constate facilement comment un son et un toucher spécifique

peuvent inspirer un artiste et emmener un instrument dans un usage totalement différent de celui prévu au départ.

1 - L’électricité (suite)

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L'électronique est la seconde grande révolution technologique dans les musiques modernes.

La musique électronique voit le jour dans les années cinquante, d'abord à partir de générateurs de signaux et de sons synthétiques. Elle est alors

réservée à une élite de compositeurs de musique contemporaine et elle se pratique principalement dans de grands studios qui appartiennent à des radios.Puis, à partir des années soixante, elle s'introduit définitivement dans la culturepopulaire. Cause ou conséquence ? Le fait est que ces nouveaux instruments

collent parfaitement à un "air du temps" et à une modernité qui sont faits d'expérimentations et de recherches de sensations nouvelles.

2.1 - Les premiers instruments électroniques

Comme dans les claviers, de nombreux instruments innovants sont créés dans l'entre-deux-guerres. Si la plupart, comme le "Kurbelsphärafon" ou le

"trautonium", sont aujourd'hui oubliés, deux sont encore utilisés aujourd'hui.

Le thérémine (ou "theremin vox") est l'un des plus anciens instruments demusique électronique. Inventé en 1919 par le Russe Lev Sergeivitch Termen

(alias Léon Theremin), il est composé d'un boîtier équipé de deux antennes etil possède la particularité de produire de la musique sans contact physique

avec l'instrumentiste. C'est la distance entre les mains du musicien et lesantennes qui module le son, avec des couleurs assez proches de celles

proposées cinquante ans plus tard par les premiers synthétiseurs. On peutentendre du thérémine dans les oeuvres de compositeurs classiques tels

Edgard Varèse, mais aussi dans la galaxie rock chez Led Zeppelin ("WholeLotta Love"), The Beach Boys ("Good Vibrations", avec sa variante le

"tannerin"), The Bee Gees, Nine Inch Nails, The Pixies, Portishead, Jean-Michel Jarre, Dionysos, etc.

Inventé en 1928 par Maurice Martenot, les ondes Martenot sont un instrument qui utilise des oscillateurs électroniques pilotés par un clavier,

avec une "touche d'expression" pour gérer le volume sonore. Il procure dessons particulièrement aigus et "légers", proches parfois de la scie musicale.

On peut entendre des ondes Martenot dans les oeuvres de Varèse, d'OlivierMessiaen, Tom Waits, Radiohead, Jacques Brel ("La Fanette", "Le Plat Pays"),

Edith Piaf, Yann Tiersen, Arthur H., Gorillaz, et bien d'autres.

Jusqu'aux années soixante, ces instruments sont peu utilisés pour la créationmusicale. Certains interprètes s'en servent pour jouer des œuvres connues

du répertoire de la musique classique, mais c'est surtout dans l'illustrationsonore qu'ils seront utilisés, en particulier pour le cinéma et la radio. En 1963,

"Les Oiseaux" d'Alfred Hitchcock est par exemple un film sans musique à proprement parler, mais le "mixturtrautonium" d'Oskar Sala permet de produiredes sons stridents et agressifs qui viennent s'ajouter aux sons enregistrés desoiseaux. Il est intéressant de noter des démarches similaires dans le domainede la musique électro-acoustique et des musiques dédiées aux synthétiseurs.Grâce à la série télévisée "Les Shadocks" en 1968, au film "2001, L’Odyssée

De L'Espace" la même année, et à "Orange Mécanique" trois ans plus tard,ces nouveaux styles musicaux toucheront d'abord le public par la télévision

et le cinéma.

2.2 - La musique électro-acoustique

À partir du moment où il est possible de capter un son et de l'enregistrer, le rapport à la musique des créateurs et des auditeurs change brutalement.

Pressentie par Edgard Varèse, une nouvelle esthétique apparaît. La matièresur laquelle travaillent les compositeurs change radicalement et la typologie

des timbres n'obéit plus au classement traditionnel entre voix et instruments,vents, cordes et percussions, bois et cuivres, etc. Le processus de création lui-

même est bouleversé.

2 - Les instruments électroniques

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2 - Les instruments électroniques (suite)

Il n'est pas facile de s'y retrouver, ni de comprendre précisément à l'aide de mots à quoi correspondent les termes de musique électro-acoustique,

d'acousmatique, de musique concrète, de musique sérielle ou de musiquealéatoire, et de fait les frontières entre tous ces genres sont floues et poreuses.

Pour schématiser, on peut dire que la musique électro-acoustique se partagedès le début des années cinquante entre deux orientations différentes :

la musique concrète basée sur le traitement de sons enregistrés, et la musique électronique.

L'apport de la bande magnétique et son impact sur la musique concrète, et plus tard sur la pop, a été vu lors de la conférence sur "L'incidence des

moyens de diffusion sur la création musicale", nous ne reviendrons donc pasdessus. Mais il faut se souvenir que comme pour la musique concrète, c'est

dans les laboratoires des radios européennes qu'émergent les premières expériences de synthèse sonore. En 1951, le premier studio de musique

électronique ("Elektronische Musik") est créé à Cologne. Puis ce sera Milan,Paris, Tokyo, et enfin les Etats-Unis, avec les premières expériences

d'informatique musicale.

En 1952, Karlheinz Stockhausen rejoint Cologne et compose quelques annéesplus tard ses premières oeuvres électroniques. En 1956 il crée "Chant des

adolescents dans la fournaise" mêlant des voix d'enfants (démultipliées par latechnique) à des sons électroniques dispersés dans l'espace, l'œuvre étant

conçue pour cinq groupes de haut-parleurs répartis géographiquement et permettant de construire une polyphonie spatialisée. Quatre ans plus tard,"Kontakte", pour piano, percussion et bande, confronte le jeu électronique

au jeu instrumental sur scène.

Jusqu'ici, la démarche des compositeurs est intellectuelle, et la plupart d'entre eux viennent de la musique contemporaine "savante" qui découle

du dodécaphonisme sériel initié par Arnold Schoenberg. La musique électronique est donc l'occasion d'aller encore plus loin dans la remise en question de l'esthétique traditionnelle tonale occidentale. C'est une

démarche élitiste qui n'entraîne pas l'adhésion du public mais qui pose desbases incontournables, d'abord pour des artistes comme Frank Zappa

et Kraftwerk, puis plus tard pour l'ensemble des acteurs des scènes de musique électronique.

Parmi les précurseurs qui ont su marier électronique et musique populaire,citons Pierre Henry et Michel Colombier, dont la "Messe pour le temps pré-

sent", composée pour un ballet de Maurice Béjart, date de 1968.

2.3 - Les synthétiseurs

C'est en 1954-1955 que se franchit une des premières étapes importantesvers un nouveau procédé de production musicale électronique : le contrôle

programmé (certains disent même "numériquement" en référence à la naturedes tensions de contrôle), jouable en temps réel, d'un équipement de synthèsesonore. Apparaissent alors les premiers synthétiseurs E.M.S. (pour "Electronic

Music Synthesizer") : le Mark I, suivi en 1958-1959 du Mark II. Ces appareilssont imaginés et construits par Harry F. Olson et Herbert Belar pour la R.C.A.

Il est généralement admis que Robert Moog, dans les années soixante, est le premier qui ait réussi à réunir en un seul appareil les principaux

composants d'un studio d'enregistrement de musique électronique, créant ainsi le premier synthétiseur. Ce nouvel instrument apparaît alors sur les scènes et dans les disques de musique populaire à la fin de la décennie

("Pop Corn", le fameux tube de Gershon Kingsley, date de 1969). Il s'agit d'un synthétiseur analogique qui est encore cher et encombrant, mais

qui propose réellement des sonorités totalement nouvelles.

"Le musicien de musique électroniqueveut créer ses propres sons. Pas de microphone, mais des généra-teurs de sons ou de bruits, des filtres,des modulateurs et des appareils de contrôle qui lui permettent d'examinerun signal sonore dans sa structure physique."Luciano Berio (1925-2003), compositeur.

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Jusque-là, les nouvelles inventions dont profitaient les artistes étaient encore assez proches des instruments existants. Ce n'est pas le cas avec les

synthétiseurs qui permettent d'introduire des timbres neufs, de nouvelles fréquences, et qui ouvrent de plus à la musique un nouveau champ créatif où

l'intuition sera capable de supplanter la technique. Comme pour la guitare électrique (et comme pour tous les instruments), différents fabricants vont se

distinguer, chacun d'entre eux pouvant s'identifier avec une couleur particulière.

Au départ, les synthétiseurs sont analogiques, et leur principal inconvénient(mais c'est aussi leur charme…) est qu'il est très difficile de retrouver un son

précis car il ne peut pas être mémorisé et de nombreux paramètres rentrent encompte dans sa production. Dans les années quatre-vingt, ce "défaut" est

balayé par l'arrivée et la banalisation du numérique, avec notamment le DX-7de Yamaha qui rencontre un grand succès grâce à sa synthèse FM.

Dans le sillage de ces inventions, les nouveaux courants du rock allemand,dès la fin des années soixante, plongent le rock dans un formidable bain

d'expérimentation. On y trouve deux écoles principales, la "kosmische musik"ou musique cosmique dont les concepteurs, Klaus Schulze et Tangerine

Dream en tête, sont basés à Berlin et produisent des albums où le synthétiseurest l'instrument de base. Et les adeptes d'un rock libertaire et très innovant,

baptisé "krautrock" (soit "rock choucroute") de manière un rien condescendantepar certains journalistes, mais qu'il faut plutôt qualifier de rock avant-gardiste.Ses principaux représentants en sont Can à Cologne (deux de ses membres

sont d'anciens élèves de Stockhausen), Organisation rebaptisé Kraftwerk à Düsseldorf, et Amon Düül à Munich. Tous manipulent des bandes, ont

pour mot d'ordre d'expérimenter, remettent en question aussi bien le format de la "chanson" que l'utilisation conventionnelle des instruments et de la voix,

ils sont donc naturellement attirés par les synthétiseurs. Can et Amon Düül pratiquent "l'instant composing" ou "composition instantanée". Quant

à Kraftwerk, le groupe change de style au milieu des années soixante-dix et invente l'"electro-pop" qui inspirera à la fois les premiers musiciens techno

de Detroit et les pionniers du hip-hop à New-York. En ayant ainsi ouvert la popeuropéenne à l'utilisation massive des synthétiseurs et des machines, le

nouveau rock allemand peut aussi se lire comme le point de rencontre névralgique entre la musique contemporaine, le free jazz, et la techno

et l'electro.

2.4 - Les séquenceurs, les boîtes à rythmes

À l'origine, un séquenceur est un appareil capable de mémoriser puis de rejouer des "instructions" contrôlant des instruments de musique

électronique. Il permet également de "recaler" exactement sur le temps ("quantize") ou de programmer de manière précise des sons pré-enregistrés.

Le résultat est de donner à la musique un côté "carré", un aspect que l'ontrouve effectivement dans beaucoup de productions des années quatre-vingt

(les courants "new wave", et "indus"), et qui ressurgira plus tarddans la musique techno et electro.

Un séquenceur peut avoir des sons "embarqués". Une boîte à rythme, par exemple, est un séquenceur dédié aux percussions et susceptible de

remplacer une batterie. À partir de la décennie 1980, la plupart des synthétiseurs ont un séquenceur intégré, mais celui-ci peut aussi n'être qu'un

outil de pilotage. Sous forme de "hardware", il est alors relié à des instrumentsélectroniques via un réseau M.I.D.I. (Musical Instrument Digital Interface), une

technologie qui se généralisera avec les synthétiseurs numériques. Des fabricants ont proposé des instruments M.I.D.I. autres que les claviers, commepar exemple la guitare (expérimentée par John McLaughlin), le violon (joué par

Didier Lockwood), voire des instruments à vent, mais leur usage est resté marginal. Aujourd'hui, les séquenceurs sont intégrés

aux logiciels informatiques.

2 - Les instruments électroniques (suite)

L'un des tout premiers synthétiseurs, le GX1 qui est fabriqué par Yamaha à partir de 1973, est ainsi constitué : une console de 300 kilos, un pédalier de 87 kilos, et deux "speakers" de 141kilos chacun.Voici quelques synthétiseurs qui ont mar-qué l'histoire de la musique :- l'ARP 2600 (The Who, Stevie Wonder,Weather Report, Edgar Winter, JeanMichel Jarre, New Order),- l'E-mu Emulator (The Residents,Depeche Mode, Deep Purple, Genesis),- l'EMS VCS3 (Roxy Music, Pink Floyd,Brian Eno),- le Fairlight CMI (Jean-Michel Jarre, JanHammer, Peter Gabriel, Mike Oldfield, PetShop Boys, The Art of Noise),- le Minimoog (Pink Floyd, Rush, Yes,Emerson Lake and Palmer, Stereolab,Devo, George Duke),- l'Oberheim OB-Xa (Rush, Prince, Styx,Supertramp, Van Halen),- le Roland Jupiter-8 (Rush, Duran Duran,OMD, Huey Lewis and The News),- le Roland JP-8000 qui est le synthéti-seur qui a posé les bases sonores de la"trance music", avec notamment ce sonde dent de scie très chaud et typique,- le Roland TB-303 qui est l'instrumentclef de la techno et de l'"acid house",- le NED Synclavier (Michael Jackson,Stevie Wonder, Laurie Anderson, FrankZappa, Pat Metheny Group),- le Yamaha DX7 (Steve Reich, DepecheMode, The Cure, Brian Eno, U2).

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L'aspect répétitif du séquenceur est exploré dès les premiers synthétiseursanalogiques. The Silver Apples, groupe précurseur du mouvement techno,exploite déjà en 1968 la dimension hypnotique de la boucle dans des titres

expérimentaux mais néanmoins dansants. Dans le domaine du pop rock, TheWho dans "Who's next" (1971) et le Pink Floyd avec notamment l'album "The

Dark Side Of The Moon" deux ans plus tard, utilisent les séquenceurs dessynthétiseurs. Mais c'est surtout avec le passage au numérique que le procédé

va envahir les ondes et les "dancefloors" avec la vogue de l'electro-pop (ou "synthpop") et des groupes comme New Order, Human League, Soft Cell

et The Pet Shop Boys. Leurs musiques puisent étonnamment à la fois dans lerock et dans le disco, et il annonce la famille naissante des musiques

électroniques et tout particulièrement la techno.

La techno est une forme de musique électronique qui est apparue au début des années quatre-vingt simultanément dans les villes de Détroit et de

Chicago. Kevin Saunderson, Jeff Mills, Juan Atkins et Derrick May sont considérés comme les pionniers du genre. Ils intègrent les sons de certainsartistes européens comme les allemands Kraftwerk ou encore Jean Michel

Jarre en les greffant sur une rythmique simple et puissante, axée sur la grossecaisse. Alors que le genre décolle en Europe à la fin de la décennie, la techno

restera très longtemps un genre confidentiel aux États-Unis.

Le mot "techno" regroupe parfois certains styles de musique électronique dansante (la transe, la "house"), mais il est surtout utilisé pour décrire uneforme bien particulière qui se caractérise, même si on y trouve parfois des

instruments conventionnels comme la voix, par une abondance de sons synthétiques (notamment des ersatz de percussions) joués sur une rythmique

généralement régulière (4/4). C'est une musique plutôt rapide (de 120 à 145bpm ou "beats per minute"), mais on trouve aussi des formes de techno lente

aussi bien que d'autres qui sont trépidantes, allant jusqu'à 250 bpm comme dans le genre "hardcore techno".

En fait, le résultat d'un "bon mix" est obtenu par la modification de sonset d'harmoniques complexes. Les instruments éléctroniques permettent une

approche différente de la composition qui ne repose plus uniquement sur uneexpression "simple" de l'harmonie mais sur des progressions parallèles et

complémentaires du grain, de la résonance, et du filtrage des sons, chacun de ces paramètres évoluant tout au long d'un morceau.

La "dramaturgie" d'un morceau de techno n'est pas basé sur la mélodie mais sur le glissement des sons, le tempo, et sur une variation cyclique de lapulsation rythmique. C'est en partie pour cela que la techno a révolutionné le

monde de la musique et de la danse, une de ses autres spécificités étant soncôté libre et anti-commercial. Connu mondialement, Jeff Mills a toujours refusé

de signer sur une major, et l'un des labels cultes de techno américaine s'appelle Underground Resistance, ce qui est un symbole

de ses deux côtés de culture parallèle et libertaire.

2.5 - Les échantillonneurs

Le "sampler" ou échantillonneur est un instrument de musique électroniquecapable d'enregistrer des sons (des "samples" ou échantillons) et de les

restituer à l'identique ou en les modifiant. Le développement deséchantillonneurs est étroitement lié au mouvement hip-hop.

L'échantillonneur peut avoir deux fonctions :

- restituer un son ou une boucle rythmique enregistrée par le musicien lui même, ce dernier pouvant enregistrer un disque, une "ambiance",

ou un ou plusieurs musiciens à l'aide d'un micro,

2 - Les instruments électroniques (suite)

"Notre musique, c'est la rencontre dansun même ascenseur de George Clinton et de Kraftwerk. Elle est à l'image deDétroit : une totale erreur."Derrick May, l'un des pionniers de la techno, né en 1969 à Detroit.

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- restituer des sons ou boucles "achetés" ou "donnés" à cet effet (certaines boucles rythmiques reconstituent par exemple un piano notepar note), pour se rapprocher au maximum d'un instrument acoustique.

Au début du rap, les musiciens qui réalisent les "instrus" (instrumentaux) n'hésitent pas à échantillonner des disques. C'est le cas d'Afrika Bambaataaqui en 1982, est le premier à avoir utilisé un échantillon sur son titre "Planet

Rock" et, symbole fort s'il en est, le groupe échantillonné n'est autre queKraftwerk. Des formations comme Grandmaster Flash & The Furious Five et Public Enemy utilisèrent également l'échantillonneur pour introduire des

sons urbains (sirènes, bris de verres...) dans leur musique. Par la suite,l'échantillonnage de disques rencontre des problèmes juridiques (respect

et rémunération des auteurs-compositeurs, producteurs et musiciens échantillonnés) et la pratique s'est aujourd'hui raréfiée.

2 - Les instruments électroniques (suite)

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3 - Les effets, le studio

Les instruments changent, mais l'environnement direct de l'instrument et du musicien changent également.

3.1 - Les effets

On entend par "effets" la très large palette de possibilités d'altération du son en continu, basé sur le traitement du signal électrique fourni par les micros.

Un effet peut être produit :

- par un matériel (le "hardware") : une pédale actionnée par le pied du musicien ou un boîtier ("rack") actionné par divers boutons et / ou manettes,

- par un logiciel (un "software" ou "plug-in" lié au logiciel) au sein d'un ordinateur ou d'une console numérique.

Comme pour les synthétiseurs, les effets sont d'abord analogiques et ils deviennent ensuite numériques. Dès les années soixante, les guitaristes

sont les premiers grands utilisateurs de pédales d'effets. Mais aujourd'hui, quasiment tous les musiciens travaillent leurs sons en utilisant des effets.

Les effets les plus utilisés :

- la distorsion : c'est la saturation d'un étage d'amplification quelconque. Elle est très utilisée en heavy métal et hard rock ;

- la "fuzz" : une saturation puissante et typée. Elle est employée parJimi Hendrix et nombre de groupes notamment dits de rock psychédélique. Le bassiste Hugh Hopper l'emploie dans Soft Machine, et elle est au cœur

du riff d'introduction du "Satisfaction" des Rolling Stones ;

- la réverbération : il s'agit d'un écho plus ou moins lointain du son original qui simule l'impression que peut produire l'émission d'un son

dans une grande pièce fermée ou semi-ouverte ;

- le "delay" ou chambre d'écho : il copie le son de la guitare avec un décalagedans le temps qui est paramétré par la durée entre chaque répétition

et la variation du volume de ces répétitions en fonction du temps ;

- le "chorus" et le "flanger" : ce sont des ajouts de légères perturbations en temps et en fréquence au son original, ce qui donne l'impression que

plusieurs guitaristes jouent la même partition (une sorte de "delay"). Il est très utilisé par les groupes new wave comme The Cure, et un bon exemple

en est aussi le "Come As You Are" de Nirvana ;

- le "phasing" : il permet la réinjection du signal avec une variation de phase,voir le titre "Atomic Punk" de Van Halen ;

- la "wah-wah" : piloté par une pédale dite "d'expression", il provoque l'exagération d'une partie des fréquences du son : si celle-ci est baissée

les aigus sont favorisés, mais si elle est levée, ce seront les graves, l'alternance des deux donnant un effet caractéristique de couinement.

Elle a été très utilisée par des guitaristes comme Jimi Hendrix, Frank Zappa, et George Harrison qui a même baptisé un morceau de son nom… ;

- le "noise gate" : il permet de couper automatiquement le son lorsque l'instrument n'est pas joué afin d'éviter le souffle produit par l'environnement ;

- le compresseur : il donne au musicien la possibilité d'agir sur la dynamique du signal entrant ;

- l'"octaver" : il permet d'ajouter un doublage du signal avec un ou plusieursoctaves au- dessus ou en-dessous de celui qui est effectivement joué.

Led Zeppelin et The White Stripes en sont de grands adeptes ;

- le vibrato et le tremolo : ce sont des effets d'ondulation.

Avec l'avènement du "home studio" ou studio domestique, de nouveauxeffets électroniques ont vu le jour dans les ordinateurs,

comme l'"autopan", le "rotary", ou le "grainalizer"…

Quelques exemples de combinaisonsutilisées par des guitaristes :

- la "disto" classique : distorsion + compression (pour dynamiser le son) + "noise gate" (pour éviter les larsensintempestifs),

- Jimi Hendrix : la "wah-wah", la "fuzz",l'"univibe" relié aux combis Mashall,

- Jimmy Page (Led Zeppelin) : guitareGibson (58 Les Paul Standard) et “double-neck" EDS-1275, amplis Mashall 100 wattSLP-1959 et Fender Tonemaster 100watts, un archet de violon, un MaestroEchoplex, un "harmonizer" EventideH949.

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3 - Les effets, le studio (suite)

3.2 - Le studio

Jusqu'au milieu des années soixante, la fonction du studio est de reproduire du mieux possible la musique qui y est jouée en direct. Sous l'impulsion decertains artistes comme les Beatles, les Beach Boys et Jimi Hendrix, mais

aussi grâce à l'ingéniosité de certains producteurs et réalisateurs comme PhilSpector, Joe Meek et George Martin, il devient ensuite un élément important

de la production de rock et de pop, se muant en un véritable lieu de rechercheet de création. Depuis, il n'a pas cessé d'évoluer et aujourd'hui il a plus que

jamais une influence primordiale sur le rendu d'une musique et donc sur son succès.

Pour mieux comprendre ce qu'il peut se passer en studio, voici une série de témoignages liés à trois albums majeurs de l'histoire de la musique

du vingtième siècle.

The Beatles : "Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band" (1967)

Cet album légendaire qui a propulsé la musique pop vers l'ère moderne ademandé neuf mois de gestation dont cinq mois de studio plein. Une chanson

comme "Strawberry Fields Forever" (qui n'est pas sur l'album mais qui a faitpartie des mêmes sessions) a demandé vingt-six prises et a nécessité

cinquante cinq heures d'enregistrement ! L'album a été enregistré dans les studios d'Abbey Road sur un magnétophone 4 pistes Studer J 37.

George Harrison raconte : "Nous avons enregistré la majorité des chansonsdans les conditions du direct [...]. Nous passions des heures à trouver la

bonne balance de son entre la basse, la batterie et la guitare avant d'effectuerune prise. La piste de base assurée, nous ajoutions nos "overdubs" en les préparant minutieusement à l'avance. Nous devions tout réussir d'un seul

coup. Si une erreur était commise, nous devions tout recommencer à partir de la piste de base."

Pink Floyd : "Dark Side Of The Moon" (1973)

"Le quatuor découvre les ressources des synthétiseurs de recherche et des bruitages (pas, horloges, etc.), Nick Mason place des "noise gates" sur toute sa batterie, l'ingénieur du son Alan Parsons utilise des trucages

exclusifs sur les chœurs et le saxophone de Dick Parry, il dérègle intentionnellement une piste du magnétophone pour obtenir un son de guitare électrique particulier. "Money", hit mondial, est même basé sur

une boucle de bruits en 7 / 4 ! Cet album révolutionne littéralement le son rock :

après cet album, plus rien ne sera comme avant." Commentaire extrait de la revue "Recording" (février 2002).

Radiohead : "OK Computer" (1997)

Sur cet album, Radiohead expérimente en mélangeant des instruments "classiques" (guitare, basse, batterie, Fender Rhodes, mellotron, etc.) et destechniques de production modernes (notamment des effets numériques et lamise en boucle de batteries). Les musiciens enrichissent leur musique avec

des éléments venant du jazz rock (mesures en 7/8 et en 5/4) et du rock allemand avant-gardiste des années soixante-dix. En outre, leur démarche

est souvent instinctive et ils exploitent les "accidents".

"Nous étions totalement ignorants", explique Thom Yorke, "Il nous arrivait de nous retrouver à tester les capacités d'un délai numérique en tournant

les boutons dans tous les sens et en hurlant "c'est génial !"… Notre stratégieétait simple : il fallait viser et… rater."

"Le studio d'enregistrementcomme instrument."Devise de Brian Eno, compositeur,vidéaste et producteur anglaisné en 1948, et également concepteur des "obliques stratégies" ou "stratégiesobliques", un jeu de cartes basé sur lanotion de hasard et influencé par l'espritdu surréalisme. En plein processus de création, le compositeur ou musicienqui est face à une impasse tire une cartedu jeu et doit s'efforcer de réagir à unesérie de questions ou remarques : "Que ferait votre meilleur ami dans lamême situation ?", "Pose le problème en mots aussi clairement que possible",ou encore "Essaye de tricher !".

"L'artiste retrouve rarement sur son disque ce qu'il a dans la tête. Mais lesnouveaux instruments et l'évolution du studio lui ont permis de s'exprimerd'une manière spontanée, voir le "sound-painting" des années soixante-dix…Aujoud'hui, et c'est comme ça depuisdix ans, n'importe qui peut enregistreravec le système audio numérique pro-tools, avec dix-huit pistes à sa disposition ! Mais s'il n'y a pas de talentet de savoir-faire…"Raphaël Jonin, responsable du studio de mastering J. Raph à Clichy près de Paris, ayant notamment travaillé pour Jane Birkin, DuOud, Vincent Ségal,Elliott Murphy, Lila Downs, Tina Arena,Isabelle Boulay, Sylvain Bœuf, JulioIglesias, Omar Sosa, et Martial Solal.

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3 - Les effets, le studio (suite)

Aujourd'hui, tout ou presque est devenu possible, et l'un des derniers logicielsmis sur le marché, le système "Auto-Tune", est l'exemple parfait de l'ambiguïté

que portent parfois en eux les progrès techniques. Mis au point en 1997,"Auto-Tune" possède une double fonction de pourvoyeur d'effets sonores etde… correcteur de fausses notes qui ont pu être commises par un chanteur

pendant un enregistrement. À force de l'utiliser, cette fonction de correction, quipermet en outre de monter ou de descendre la voix d'une octave donc de

"pousser" la voix, a tendance du même coup à la déformer légèrement. La chanteuse américaine Cher, ou du moins son entourage, ont été les

premiers à s'apercevoir du potentiel inédit que recélait cette machine, et le traitement de son chant sur son titre "Believe", en 1998, inaugure une utilisation imprévue de "Auto-Tune". On la retrouve chez le producteur

français Mirwais dans son album "Production" en 2000, puis dans "Music", un tube qu'il concocte pour Madonna. Ensuite, nombre d'artistes de rap

l'adoptent à leur tour, comme Lil'Wayne et Kanye West aux États-Unis, etBoobaa et Rohff en France, avant quelques interprètes de raï algérien.

Le résultat dans tous ces disques est une couleur très spéciale de la voix, qui semble dérailler, être sur un fil d'équilibriste, tout en conservant sa netteté.

Que signifie la notion d'authenticité dans la production de la musique ?Jusqu'où peut-on aller dans sa déformation ? Jusqu'à quel point le marketing

peut-il s'emparer de la création ? Nous sommes là aux prises avec des enjeuxqui sont à la fois culturels et philosophiques…

3.3 - Le “home studio”

Avant le "home studio", le choix d'enregistrer "à la maison" correspond souvent à un désir d'intimité, de se retrouver "seul avec soi-même",

voire de quitter la tension du studio traditionnel.

C'est le cas de Paul McCartney en rupture des Beatles, quand il décide en 1969 d'enregistrer son premier album solo ("McCartney") dans son

appartement londonien de Cavendish Avenue avec un magnétophone quatrepistes Studer. C'est un travail à l'aveuglette, car il ne dispose ni d'une console

ni d'aucun outil pour travailler le son, et il ne suit que son instinct. Mais ladémarche est aussi symbolique, car elle avalise la rupture avec des habitudesde productions sophistiquées que le groupe pratiquait depuis trois ans, et elle

signifie un retour à un artisanat rafraîchissant et régénérateur.

Plus de dix ans plus tard, lorsque Bruce Springsteen enregistre "Nebraska" en 1982 sur un 4 pistes TEAC, la technique s'est améliorée et l'entreprise est

plus facile, mais il s'agit également de s'évader d'une façon d'enregistrer parfois lourde qui peut provoquer du stress chez les artistes

et donc affaiblir leur créativité.

Certains reconstituent chez eux de véritables studios professionnels, à moinsqu'ils n'investissent un lieu pour s'y consacrer à la confection d'un projet disco-graphique (l'exemple fameux des Rolling Stones investissant la villa Nellcôte à

Villefranche sur Mer pour enregistrer "Exile On Main Street" pendant l'été1971) mais cela réclame à la fois des moyens importants et la présence, si on

n'en possède pas les compétences, d'un ingénieur du son. Ces expériencessont donc rares et ce n'est qu'à partir de la fin des années quatre-vingt que le

"home-studio" va réellement se développer, dopé par l'évolution des musiquesélectroniques, qui peuvent être "mises en boîte" de manière plus souple

que la pop, le jazz, ou le rock.

Depuis, les progrès de la micro-informatique ainsi que l'amélioration des performances et la miniaturisation des instruments électroniques font quebeaucoup de musiciens de tous styles travaillent désormais dans leurs "home

studios". C'est un choix à la fois pratique (faire "du son" chez soi ou dans unlocal personnel en prenant son temps) et économique, puisqu'une journée destudio coûte de 600 à 2.000 € (ingénieur du son compris) et que pour moins de 10.000 € on peut enregistrer un album "à la maison" dans des conditions

relativement bonnes.

"Le logiciel “Auto-Tune” lisse la voix et la prive d'une part de sa vie. Il convientbien à une époque qui met en avant deschanteuses plus sexy que compétentes."Philippe Tessier du Cros, ingénieur du sonet réalisateur français ayant notammenttravaillé avec Eric Legnini, DjelimadyTounkara, Angélique Ionatos, AldoRomano et Enrico Pieranunzi.

Quelques exemples d'albums enregistrés"à la maison" :

- 1970 : Paul McCartney : "McCartney"(Apple), sur un Studer 4 pistes ;

- 1973 : Robert Fripp & Brian Eno : "No Pussyfooting" (E.G. / Island), sur un Revox 2 pistes ;

- 1980 : Prince : "Dirty Mind" (WarnerBros.), sur un Ampex 16 pistes ;

- 1982 : Bruce Springsteen "Nebraska"(Columbia), sur un TEAC 4 pistes ;

- 1999 : Moby : "Play" (Mute / Labels),sur son ordinateur personnel et sa console.

"Le home studio, au début c'était unepièce remplie de matos. Aujourd'hui, il estdevenu nomade."Jean-Luc Leray, responsable d'antennede la radio F.I.P. dans le groupe RadioFrance.

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3 - Les effets, le studio (suite)

Bien entendu, le "home studio" ne convient pas à toutes les musiques et la réussite d'un enregistrement reste d'abord une affaire de talent et desavoir-faire, un musicien ne pouvant pas devenir ingénieur du son du jour

au lendemain. Mais il a certainement libéré certains artistes de contraintes de temps et d'argent, en leur permettant d'aller au bout de leur démarche artistique. Aujourd'hui, il est en outre intéressant d'observer que dans les

musiques électroniques, il y a finalement peu de différence entre le "home studio" et la prestation en concert, le "home studio" se retrouvant

"stage studio" sur scène...

3.4 - Le “soundwriting”

Ce terme anglo-américain est apparu dans les années quatre vingt dix. Il seréfère à une nouvelle façon d'aborder la composition qui est directement liée

aux évolutions technologiques. Plutôt que de chercher une mélodie à partird'une grille d'accords, le musicien travaille sur des "textures sonores", des

ambiances, des rythmiques ou des boucles qui peuvent être des échantillons.Il s'agit en quelque sorte d'un "design sonore" qui se caractérise par :

- un travail en groupe ou / et à l'ordinateur, voire avec un ou plusieurs appareilsélectroniques ;

- un travail vocal "ouvert" plus ou moins mélodique (le "parlé-chanté" dans lerap ou chez Tricky, le chant quasi-lyrique chez Björk). La voix est fréquemmentutilisée comme un instrument, elle est éventuellement "trafiquée" ce qui donne

parfois une impression d'improvisation et de liberté.

Le "soundwriting" est une approche courante dans les musiques électroniqueset dans les scènes hip hop et trip hop. Il a été pratiqué par Can et Kraftwerk

dès les années soixante-dix, puis Björk, Portishead, Tricky, Air, et bien d'autresl'ont annexé. On le retrouve aussi chez certains groupes ou chanteurs rock

comme Radiohead, David Bowie (avec Brian Eno notamment mais aussi plus tard), et Alain Bashung.

Quelques artistes ont développé une forme de "soundwriting" sans artificeélectronique. On peut citer Van Morisson sur "Astral Weeks", Lou Reed et

John Cale en solo ou avec le Velvet Underground, Robert Wyatt ou encoreMark Hollis (avec et sans Talk Talk). Beaucoup de groupes de rock composent

collectivement dans une recherche à la fois sonore et mélodique, mais leurscompositions restent toutefois basées sur une suite d'accords. Le vrai"soundwriting" se rapporte plus à la construction d'une ambiance, et il

n'est pas étonnant que certains compositeurs de musiques de films s'en approchent parfois.

Cette forme d'écriture est une porte ouverte aux non-musiciens, un terrain de chasse où évoluent souvent des "metteurs en sons" (comme on dit "metteuren scène") autodidactes. Aujourd'hui, on y croise même des compositeurs d'unnouveau genre qui sont passés maîtres dans l'art du recyclage, une démarche

qui trouve son aboutissement dans les travaux de Two Many DJs et de BirdyNam Nam. Dans ces sphères de création qui ressemblent souvent à du "workin progress", les deejays sont en général en première ligne, sans doute grâce

à deux éléments complémentaires : d'une part ils ont une grande culture musicale et un esprit ouvert, d'autre part leur position de "non musicien" les

affranchit du poids historique des règles (écrites ou tacites) qui ont cours dansà peu près toutes les musiques d'aujourd'hui, du rock au slam en passant

par le jazz. Ils peuvent donc facilement aller de l'avant.

"Avec les Dust Brothers, on travaillecomme des musiciens électro. J'ajoute mon grain de sel en fin de cycle.Une fois qu'on a calé les beats, j'ajouteles parties instrumentales, j'écris les textes et je trouve les mélodies. J'en propose parfois cinq ou six pour un même titre et les Dust Brotherschoisissent leurs préférées. " Beck David Campbell alias Beck, chanteur, musicien et auteur-compositeuraméricain né en 1970 à Los Angeles.

Ce sous-chapitre 3.4 reprend des éléments du dossier d'accompagnement réalisé par Pascal Bussy et Jérôme Rousseaux dans le cadre de la conférence-concert du Jeu de l’ouïe "Le songwriting", donnée par Jérôme Rousseaux le 9 décembre 2006.

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4 - Les concerts

4.1 - De nouveaux outils pour les musiciens

Au fil du temps, les idées et les inventions ont permis aux artistes d'améliorerla densité et la qualité de leurs performances scéniques. Cela s'accorde au fait

que de plus en plus, le concert doit être un spectacle, un constat qui a sansdoute à avoir avec l'influence de la télévision et une certaine notion de passi-vité du spectateur devant son petit écran (qui devient de plus en plus… écrangéant), voir les applaudissements provoqués ou pré-enregistrés qui ponctuent

le moindre "talk show" ou émission de divertissement.

L'équipe technique peut gérer des outils son et lumière, mais ces mêmes outilspeuvent être pilotés soit par l'ingénieur du son à la console, soit par l'artiste lui-

même grâce à des pédales disposées à ses pieds. La pédale "loop / sample"(boucle / échantillonnage), dont il existe plusieurs modèles parfois agrémentés

d'effets, permet de superposer des boucles musicales ou rythmiques. Placéeau pied de l'interprète, sa manipulation exige une grande précision. Elle peut

permettre à un artiste seul de devenir multi-instrumentiste d'une façon vivanteet ludique. Parmi ses utilisateurs, on relève les noms de M, Nosfell et Anaïs.

Désormais, une nouvelle génération de matériel passe par des boîtiers multi-effets, des écrans tactiles, et des capteurs qui aident à contrôler

des sons programmés et à commander différentes actions.

Reliés à des ordinateurs, des échantillonneurs (samplers) ou des "expandeurs"(machines qui restituent des sons), les capteurs permettent de contrôler des

sons programmés (langage MIDI). Mais ils peuvent également commander des actions visibles ou tactiles via différents actionneurs : moteurs,

éclairages, système de projection d'image, aimants, écrans, etc.

Les capteurs les plus utilisés sont ceux qui réagissent à la pression mais il en existe des types sophistiqués qui permettent de capter le mouvement, laprésence ou la position, comme le tapis sensitif ou le télémètre à ultrasons

qui mesure les distances. Ils réclament en général des logiciels sophistiquéscomme Max conçu par l'IRCAM. Le chorégraphe Hervé Robbe et le musicien

Andrea Cera proposent par exemple un spectacle de danse où la captation du geste est utilisée comme matériau pour le contrôle d'un système de

synthèse sonore dédié à la composition musicale.

Lorsqu'ils apparaissent sur scène, les musiciens "hommes machines" ont souvent des allures différentes. Artisans géniaux ou savants fous, leur look

excentrique fait aussi partie du spectacle. On peut énumérer des artistes, mi-activistes sonores mi bricoleurs surdoués, qui ont semé des graines fertiles

au cours des dernières décennies : l'Allemand Uli Trepte et son concept de "spacebox", David Grubbs en congé de Gastr del Sol armé de sa guitare

et de son ordinateur, Khalid K et sa voix "tout terrain" comme un exorciste possible du "tout machine" - même si la voix, elle, reste bien modelable

par la technique (l'apprentissage) et la technologie (les boucles sonores).

Aujourd'hui, des initiatives solitaires d'ailleurs cachées sous des pseudonymescomme ceux du Canadien Son Of Dave, du Portugais Legendary Tiger Man ou du Français Rit de Marseille sont des versions modernisées de l'homme-

orchestre d'antan, un peu comme si celui-ci était devenu un humain technoïdecapable de se livrer tout seul sur scène aux jeux sonores les plus extrêmes.Il est assez passionnant de constater que beaucoup de ces initiatives flirtentavec le blues. Ce n'est pas étonnant, car nous sommes dans la prolongation

directe de la dynamique du blues et de la liberté infinie que donne aux musiciens le minimalisme de ses trois accords et de ses douze mesures.

La seule différence, c'est qu'une panoplie d'effets électroniques s'y rajoute.

Une exception dans cet univers : le deejay dont le statut a changé au coursdes dernières années et qui est passé du statut d'ambianceur à un rôle dequasi-musicien à part entière, partant en tournée et remplissant des salles.

Il est bien seul sur scène et la technologie (ses disques, deux platines,

"Depuis maintenant une bonne dizained'années, les artistes de la chanson et du rock peuvent obtenir des programmesde "résidences de création". Ils bénéficient ainsi de bonnes conditionspour préparer leurs spectacles, et l'artistepeut rôder son concert avec le soutiend'un ingénieur du son, d'un ingénieurlumière, et éventuellement d'un metteuren scène. Les consoles ou périphériquesnumériques d'aujourd'hui permettent auxingénieurs son et lumière de prévoir desprogrammes spécifiques pour chaquechanson de l'interprète qu'ils suivent. La mise au point de ces programmes se fait au cours de la résidence, puis est améliorée au fil des concerts. Ainsi,l'entourage technique peut bien plusqu'auparavant devenir réellement actif et créatif, variant les ambiances, leseffets, en accord avec ce que l'interprètecherche à faire passer."Mathieu Ballet, ingénieur du son, réalisateur et arrangeur français né le 15 janvier 1964 à Montreuil en Seine-Saint-Denis.

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4 - Les concerts (suite)

éventuellement quelques effets) l'aide à envoûter les foules.Mais ne nousy trompons pas : ses forces premières et irremplaçables, ce sont d'abord

sa culture musicale, et ensuite son art du choix et des enchaînements. La remarque vaudra aussi pour le veejay (le "deejay vidéo") qui est apparu

dans la mouvance des musiques électroniques et qui peut apparaître en solo, sculptant à la fois des images et des sons.

La programmation électronique permet également les prestations… sans musicien. Il s'agira alors plus d' "installations" que de "concerts", comme

par exemple ce spectacle "Contra-Tiempo-Suspendido" de Juan CristobalCerrillo, produit par l'I.R.C.A.M. et le Centre Pompidou, pour dix caisses claires et équipement électronique. Chaque caisse claire est équipée de

deux excitateurs (un haut-parleur démembrané et une pastille piezo) excités pas des signaux audio générés par un patch Max / MSP.

4.2 - La diffusion

Les premières véritables sonos stéréo ou "façades sonores" datent des années soixante. Depuis, des progrès ont été faits dans de nombreux

domaines (effets et consoles numériques par exemple) mais la diffusion des concerts reste stéréophonique.

La tentation de la diffusion du son multicanal, que l'on appelle aujourd'hui "surround", est pourtant très ancienne. Ainsi, la tentative infructueuse autour

de la quadriphonie est restée limitée à quelques concerts à la fin des annéessoixante et au cours de la décennie suivante, voir Pink Floyd. Mais comme

pour les instruments électroniques, c'est le cinéma qui sera le moteur du système. En 1940 déjà, les studios Disney présentaient le "fantasound"

à l'occasion du lancement du film "Fantasia". À New-York, le film est projetédans une salle de deux mille places ; la bande son qui tient sur quatre bandes

reproduit neuf canaux diffusés sur cinquantre-quatre haut-parleurs ! Mais l'échec relatif du film et les coûts d'équipement des salles font échouer le lancement du projet. Plus tard, nous en avons déjà parlé, les concerts de

musique électro-acoustique et électronique utiliseront des "orchestres de hautparleurs", comme l'"Acousmonium" du Groupe de Recherches Musicales (le

G.R.M.) à Paris. Dans ce cadre, les compositeurs et les musiciens entendentdonner une dimension supplémentaire à leurs prestations scéniques.

Aujourd'hui, le 5.1 est en passe de réussir son pari. Il s'agit d'un système de diffusion sonore comportant six canaux : trois canaux avant (gauche,

centre et droite), deux canaux arrières (arrière gauche, arrière droite), plus un canal dédié aux basses fréquences. Le procédé a été inventé par le

Français Dominique Bertrand et il a été installé au Moulin Rouge dès 1985.Les salles de cinéma commencent à s'équiper en 1992, avant que le boom

du "home cinema" ne l'impose comme un format standard. C'est ainsi que deplus en plus de DVDs de concerts sont proposés en 5.1, même s'il s'agit

souvent de "faux 5.1" avec une simple reprise du mixage stéréo agrémenté de quelques effets latéraux. Le "vrai" 5.1, lui, offre à l'auditeur une perception

transformée, dans des proportions équivalentes à celles du passage du mono à la stéréo. Il faut signaler quelques initiatives intéressantes:

- le guitariste Andreas Paolo Perger a mis au point en 1998 une guitare "5.1surround" où chaque micro correspondant à une corde est géré individuelle-

ment pour être ensuite dirigé vers 6 enceintes différentes,

- en novembre 2001, un concert de Britney Spears à Las Vegas bénéficied'une transmission en 5.1,

- en octobre 2003 a lieu la retransmission en Eurovision d'un concert en 5.1 àBerlin via la radio satellite numérique,

- en octobre 2005, Robbie Williams donne un concert qui est retransmis en 5.1dans neuf cinémas d'Europe.

Ce sous-chapitre 4.1 reprend des éléments du dossier d'accompagnement réalisé par Pascal Bussy et Jérôme Rousseaux dans le cadre de la conférence-concert du Jeu de l’ouïe "Être seul en scène", donnée par Pascal Bussy le 7 décembre 2006.

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4 - Les concerts (suite)

Régulièrement, mais de manière bien plus discrète, des musiciens de musique acousmatique (électro-acoustique) utilisent le 5.1. Mais les surcoûts

d'installation d'une part et la nécessité de maîtriser techniquement le formatd'autre part sont de sérieux handicaps pour l'utilisation régulière ou même

ponctuelle de ce système en concert.

On note tout de même qu'au dernier Festival de Dour (Belgique, juillet 2009),Aphex Twin et Florian Hecker ont fait un concert en 5.1. De son côté, Khalid K,

seul sur scène, pilote avec l'aide de pédales qu'il commande au pied, la diffusion des sons en 5.1, gérant ainsi les échantillons qui parsèment son approche unique de musicien bruiteur. Il y a certainement d'autres

initiatives qui fleurissent ici et là et l'utilisation de ce standard en concert est certainement amené à se développer ces prochaines années.

"Contrairement à l'image, le son n'a pas de cadre. Le standard 5.1 permet de le fixer et de l'inscrire dans des trajectoires en trois dimensions,de créer des dynamiques inédites dans l'espace, et de produire des mouvements qui traversent l'auditeur."Nicolas Losson, compositeur de musiqueacousmatique.

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5 - Conclusion

À la fin du dix-neuvième siècle, on trouvait d'un côté une musique dite"savante", basée sur des règles et des connaissances liées à l'écriture de lamusique, où le compositeur "pensait" sa musique avant de l'entendre ; et de

l'autre une musique dite "populaire", plus directe et plus immédiate, danslaquelle le créateur joue, écrit, et garde ce qui lui plaît ou l'émeut, sa capacité à toucher les autres n'étant lié à aucun bagage technique particulier. Tout cela

va voler en éclat au cours du vingtième siècle, et beaucoup de styles musicaux, du jazz aux musiques électroniques, vont se trouver

à cheval sur le savant et le populaire.

Tout au long du siècle dernier, le monde s'est considérable transformé. Les machines, surtout dans le monde occidental, se sont installées dans la vie

quotidienne des gens. La population mondiale s'est fortement urbanisée et les possibilités de communication se sont démultipliées.

C'est cette évolution que raconte la musique du vingtième siècle. Un siècle qui a placé le rythme, le timbre et le son au cœur des musiques populaires.

Un siècle qui permit à des artistes de s'exprimer librement sans aucuneconnaissance théorique musicale (solfège, harmonie, technique instrumentale)

ou d'ingénierie. Un siècle où l'utilisation intuitive des machines a redistribué les cartes entre compositeurs, interprètes et mélomanes, un siècle où les plus

novateurs n'ont pas été ceux que l'on attendait forcément. Un siècle aussi pleind'accidents, où des instruments ont été détournés de leur fonction d'origine,

où il n'est plus nécessaire de savoir jouer d'un instrument pour créer de lamusique, et où des idées sont nées d'erreurs de manipulations, ce qui participeévidemment à… la relative "humanité" des machines. Il reste le talent, celui du

compositeur et celui de l'artiste : aucune machine ne peut le remplacer car il est incontournable.

Dans le cadre de ce Jeu de l'ouïe, la prise de conscience de tous ces phénomènes était indispensable. Au-delà du recul qu'elle impose, elle nous

autorise peut-être d'esquisser une philosophie de la création qui passerait par la curiosité, l'adaptation à la technique, son détournement éventuel,

l'acceptation de l'erreur, et ce fameux talent bien sûr. Enfin, pour les mélomanes que nous sommes tous, elle permet d'attiser encore plus

notre curiosité et d'augmenter notre plaisir de la découverte et de l'écoute.

"La musique, qui doit vivre et vibrer,a besoin de nouveaux moyens d'expression, et la science seule peut lui infuser une sève adolescente. (...) Je rêve d'instruments obéissant à la pensée et qui, avec l'apport d'une floraison de timbres insoupçonnés,se prêtent aux combinaisons qu'il me plaira de leur imposer et se plient à l'exigence de mon rythme intérieur."Edgard Varèse en 1917, compositeurfranco-américain né en 1883 et mort en 1965.

“J'espère que, grâce à la technique, grâce aux images qu'on projettera sur un mur, grâce à ces essais de polyphonie concentrique, les gens deviendront amateurs de musique jusqu'à devenir musiciens. Il faut qu'il y ait beaucoup de musiciens, ce sera la meilleure façon pour que l'avenir soit calme."Pierre Henry, compositeur français né en1927.

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Complot Bronswick, devenu Complot tout court, est un groupe à part dans la scène rock française.

Né à Rennes en 1981, la formation affirmait d'emblée sa singularité. Le "cahier des charges" est de travailler la relation entre les sons et l'image, de retrouver la tradition bruitiste et les racines futuristes des

"musiques actuelles", d'imaginer et de mettre en scène des spectacles pour transformer le concert en une performance, la scène en plateau

de théâtre, la musique en spectacle total.

En vingt ans d'expériences, Complot a réalisé six albums et a participé à denombreuses compilations ("Divine", "Rrose Selavy", un disque des "Trans

Musicales", "On A Faim", "Machina", etc.), s'affirmant comme un groupe uniqueet singulier. En outre, ses membres ont mis leurs théories à l'épreuve, et trois

spectacles en sont le témoignage : "Icare" qui fut monté en 1981 dans unespace industriel abandonné ; "Maïakovski", un drame musical écrit et mis en

scène en 1983 en hommage au grand poète russe, à partir de ses textes et deson iconographie révolutionnaire dans le mode soviétique ; enfin, "Radix" avec

la Fabrick d'Utopies Fantaisistes, créé et présenté à Leningrad au débutde 1991 avant d'être joué quelques mois plus tard à la Grande Halle de LaVillette à Paris : plus de deux heures de musique et d'images, un spectacle

à mi-chemin entre le cirque, le music-hall, la performance, le théâtre,le concert rock et le cinéma...

Silencieux pendant près de huit ans, Complot se reforme en 2006, en répondant à une commande pour le théâtre, une adaptation de

"The Iceman" ("Le marchand de glace") d'Eugène O'Neill, par la compagnie Jean Beaucé. Les trois fondateurs historiques de la

formation, François Possémé alias Nikolaï Ada, Yves-André Lefeuvre, et Maurice Chesneau alias Paolo C Uccelo, trouvent en eux une nouvelle

énergie. Ils ont été rejoints entre-temps par Eric Trochu alias Ert, un ancienmusicien de End Of Data, groupe culte de la scène rennaise des années

quatre-vingt, qui collabore avec eux depuis le milieu des années quatre-vingt-dix en lui insufflant son goût pour les sons du monde.

Autre acteur de cette nouvelle aventure, l'ami Pierre Fablet fondateur de Tohu Bohu, un guitariste activiste infatigable qui a intégré Complot

pour le dernier album et ses nouveaux spectacles. Les cinq musiciens produisent une musique très forte ; elle est faite de souffle, de rage poétique,

et de groove, et comme toujours elle se confronte à l'image comme un complément logique du matériau sonore.

Au moment où le label Infrastition réédite leur discographie, le constat est évident : il s'agit d'une seconde naissance. Et ce n'est pas un hasard s'ils

invitent sur un titre Arnaud Le Brusq, leur tout premier chanteur. La nouvellevie du groupe a pour socle "Iceman", mais Complot, préservant sa puissance

intérieure retrouvée, ne s'y laissera pas enchaîner.

http://www.myspace.com/complotbronswick

Le concert-performance de Complot, mixé et diffusé en 5.1,

vous est proposé grâce au précieux soutien de l’ESRA et du CREA - Université Rennes 2.

6 - Le concert

COMPLOT

"Avec le 5.1, on quitte la relation frontale public/musiciens. Je peux donner au public l'impression d'être au milieu des musiciens, je peux fairevivre la musique d'une manière beaucoupplus intense. Mais cela demande une préparation minutieuse, notamment pour bien respecter l'intention de l'artiste".Fabrice Tison, ingénieur du son, a réalisédes mixages en 5.1 de concerts de YannTiersen et de Complot.

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Afrika Bambaataa : anthologie "Looking for the perfect beat (1980-1985)", (2001), import Tommy Boy

Aphex Twin : "I Care Because Of You" (1995), Warp / P.I.A.S.

The Beach Boys : "Pet Sounds" (1966), Capitol / E.M.I.

The Beatles : "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band" (1967), Parlophone / E.M.I.

Can : "Future Days" (1973), Spoon / E.M.I.

Ray Charles : anthologie "The Definitive Ray Charles" (2001), Rhino / Warner Music

The Ornette Coleman Quartet : "This Is Our Music" (1959), Atlantic / Warner

John Coltrane : "A Love Supreme" (1964), Impulse ! / Universal

Miles Davis : "Bitches Brew" (1970), Columbia / Sony Music

Gil Evans : "Out of the Cool" (1960), Impulse ! / Universal

Fela : "The two sides of Fela : jazz & dance" (2002), double CD Barclay / Universal

Robert Fripp & Brian Eno : "No Pussyfooting" (1973), réédition double CD Discipline Global Mobile (import)

Jon Hassell : "Power Spot" (1986), E.C.M. / Universal

The Jimi Hendrix Experience : "Axis : Bold As Love" (1967), MCA / Universal

Billie Holiday : "Solitude" (1952), Verve / Universal

Robert Johnson : double CD "The Complete Recordings (1934-1936)"(1996), Sony Legacy / Sony Music

Kraftwerk : "The Mix" (1991), Kling Klang / E.M.I.

Led Zeppelin : "Houses Of The Holy" (1973), Atlantic / Warner Music France

Paul McCartney : "McCartney" (1970), Apple Records / E.M.I.

Moby : "Play" (1999), Mute / E.M.I.

Nils Petter Molvaer : "Solid Ether" (2000), E.C.M. / Universal

Pink Floyd : "Dark Side Of The Moon" (1973), E.M.I.

Ritchie Hawkin aka Plastikman : "Consumed" (1998), Novamute (import)

Prince : "Dirty Mind" (1980), Warner Bros. / Warner Music

Radiohead : "OK Computer" (1997), E.M.I.

Steve Reich : "Music for 18 Musicians" (1976), E.C.M. (Import)

The Rolling Stones : "Exile On Main Street" (1972), Virgin (import)

Jean Sablon : "Le crooner français (20 succès et inédits 1930-1951)" (2002), Forlane

Soft Machine : "Third" (1970), Columbia Sony Music

Bruce Springsteen : "Nebraska" (1982), Columbia / Sony Music

Karlheinz Stockhausen : "Kontakte" (1974), Wergo (import)

Ali Farka Toure : "Red & Green" (1984 et 1988), 2006, double CD World Circuit / harmonia mundi

The Velvet Underground : "The Velvet Underground & Nico"(1967), CD Polydor / Universal, 2001

Muddy Waters : double CD "Muddy "Mississippi" Waters Live" (1979), 2003, Epic / Sony Music

Weather Report : "Sweetnighter" (1973), Columbia / Sony Music

The Who : "Who's Next" (1971), Polydor / Universal Music

Stevie Wonder : "Talking Book" (1972), Motown / Universal Music

Robert Wyatt : "Rock Bottom" (1974), Domino / P.I.A.S.

7 - Repères discographiques

La bibliographie, la discographie et les recommandations de journaux et de sites internet qui suivent se rapportent à l'ensemble des troisconférences du cycle de conférences-concerts (3, 4 et 5 décembre 2009) :

"Quand technologies, création et écoutese rencontrent dans les musiques actuelles" :

I - L'incidence des moyens de diffusionsur la circulation de la musique,

II - Les supports sonores et leur influencesur notre rapport à l'écoute,

III - L'impact des évolutions technologiques sur la création et la diffusion en concert de la musique.

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COMPILATIONS ET ANTHOLOGIES

"Big Apple Rappin' / The Early Days Of Hip-Hop Culture In New York City 1979-1982", (2006), double CD Soul Jazz / Discograph

"OHM : The Early Gurus Of Electronic Music : 1948-1980"(2000), triple CD Ellipsis Arts (import)

"Sounds of the South", coffret de quatre CDs consacré au travail d'Alan Lomax, Atlantic,

(1993) (import)

"Studio One Story",(2002), double CD + DVD, Soul Jazz / Discograph

8 - Sélection bibliographiqueCette bibliographie est sélective et ne contient que des ouvrages édités en France.

Mishka Assayas : "Dictionnaire du rock", Robert Laffont, collection Bouquins, 2002

Jean-Yves Bosseur : "La musique du XXè siècle : à la croisée des arts", Musique ouverte, Minerve, 2008

Louis Chrétiennot : "Le chant des moteurs : du bruit en musique", L'Écarlate, L'Harmattan, 2008

Nicholas Cook : "Musique, une très brève introduction", Éditions Allia, 2006

Olivier Donnat : "Les pratiques culturelles des Français à l'ère numérique (enquête 2008)", La Découverte / Ministère de la Culture et de la Communication, 2009

Charlotte Dudignac et François Mauger : "La musique assiégée : d'une industrie en crise à la musique équitable",

L'échappée, 2008

Guillaume Kosmicki : "Des avant-gardes aux dance floors", Le Mot et le Reste, 2009

Daniel Lesueur : "L'histoire du disque et de l'enregistrement sonore", Les Éditions Carnot, 2004

Philippe Tournès : "Du phonographe au MP3, une histoire de la musique enregistrée - XIXè - XXIè siècles”,

Éditions Autrement, 2008

Revue "Art Press 2" : "L'art des sons", n° 15, novembre 2009

7 - Repères discographiques (suite)

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Les Inrockuptibles, hebdomadaire

www.lesinrocks.com

Jazz Magazine / Jazzman, mensuel

www.jazzmagazine.com

Le Monde, quotidien

www.lemonde.fr

Mondomix, mensuel

www.mondomix.com

Neosphere,www.neospheres.free.fr

Rock & Folk,mensuel

www.rocknfolk.com

Vibrations, mensuel

www.vibrations.ch

Eldorado, trimestriel

9 - Quelques journaux et sites internet