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08/04/2020 1/13 [AR - DE - EN - ES - FR - IT - PL - PT] CHEMIN DE CROIX PRÉSIDÉ PAR LE PAPE FRANÇOIS VENDREDI SAINT 10 AVRIL 2020 [ Multimédia] VIA CRUCIS MAIOLICHE (1757) ERETTE DALL’ARCICONFRATERNITA DEI TEUTONICI CIMITERO TEUTONICO CITTÀ DEL VATICANO

PRÉSIDÉ PAR LE PAPE FRANÇOIS CHEMIN DE CROIX

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CHEMIN DE CROIX PRÉSIDÉ PAR LE PAPE FRANÇOIS

VENDREDI SAINT10 AVRIL 2020

[Multimédia]

VIA CRUCISMAIOLICHE (1757)

ERETTE DALL’ARCICONFRATERNITA DEI TEUTONICICIMITERO TEUTONICOCITTÀ DEL VATICANO

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Méditations de la prison de Padoue

I une personne détenue condamnée à perpétuitéII deux parents dont une fille a été tuéeIII une personne détenueIV la maman d’une personne détenueV une personne détenueVI une catéchiste de la paroisseVII une personne détenueVIII la fille d’un condamné à la réclusion à perpétuitéIX un détenuX une éducatrice de la prisonXI un prêtre accusé, puis absoutXII un magistrat de surveillanceXIII un frère volontaireXIV un agent de la Police Pénitentiaire

Introduction

Cette année, les méditations du Chemin de Croix sont proposées par l’aumônerie de la Maison deréclusion “Due Palazzi” de Padoue. Accueillant l’invitation du Pape François, quatorze personnes ontmédité sur la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ la rendant actuelle dans leurs existences. Parmi ellesfigurent cinq personnes détenues, une famille victime d’un crime d’homicide, la fille d’un hommecondamné à la réclusion à perpétuité, une éducatrice de la prison, un magistrat de surveillance, la mèred’une personne détenue, une catéchiste, un frère volontaire, un agent de Police pénitentiaire ainsi qu’unprêtre accusé et ensuite absous définitivement par la justice après huit années de procès ordinaire.

Accompagner le Christ sur le Chemin de la Croix, avec la voix rauque des gens qui habitent le mondedes prisons, est l’occasion d’assister au duel prodigieux entre la Vie et la Mort, découvrant comment lesfils du bien s’entrecroisent inévitablement avec les fils du mal. Contempler le Calvaire de derrière lesbarreaux c’est croire qu’une vie entière peut se jouer en peu d’instants, comme il est arrivé au bon larron.Il suffira de remplir ces instants de vérité : le repentir pour la faute commise, la conviction que la mortn’est pas pour toujours, la certitude que le Christ est l’innocent injustement moqué. Tout est possible àcelui qui croit, parce que même dans l’obscurité des prisons résonne l’annonce pleine d’espérance :« Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37). Si quelqu’un lui serre la main, l’homme qui a été capable ducrime le plus horrible pourra être le protagoniste de la résurrection la plus inattendue. Sûrs que « mêmelorsque nous racontons le mal, nous pouvons apprendre à laisser de l'espace à la rédemption, nouspouvons aussi reconnaître, au milieu du mal, le dynamisme du bien et lui faire de la place » (Message duSaint-Père pour la Journée mondiale des communications sociales 2020).

C’est ainsi que la Via Crucis devient une Via Lucis.

Les textes recueillis par l’aumônier don Marco Pozza et par la volontaire Tatiana Mario, ont été écrits àla première personne, mais on a fait le choix de ne pas mettre le nom : Celui qui a participé à cetteméditation a voulu prêter sa voix à tous ceux qui, dans le monde, partagent la même condition. Ce soir,dans le silence des prisons, la voix d’un seul veut devenir la voix de tous.

Prions

Ô Dieu, Père tout-puissant, qui en Jésus Christ, ton Fils,

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a assumé les plaies et les souffrances de l’humanité, aujourd’hui j’ai le courage de te supplier, comme le larron repenti : « Souviens-toi de moi ! »Je suis ici, seul devant toi, dans l’obscurité de cette prison,pauvre, nu, affamé et méprisé,et je te demande de verser sur mes blessuresl’huile du pardon et de la consolation,et le vin d’une fraternité qui renforce le cœur.Soigne-moi par ta grâce et enseigne-moi à espérer dans la détresse.Mon Seigneur et mon Dieu, je crois, aide-moi dans mon incrédulité.Continue, Père miséricordieux, à me faire confiance,à toujours me donner une nouvelle opportunité,à m’embrasser dans ton amour infini.Avec ton aide et le don de l’Esprit Saint,moi aussi je serai capable de te reconnaîtreet de te servir dans mes frères.Amen.

Première Station

Jésus est condamné à mort

* (Méditation d’une personne détenue condamnée à perpétuité)

Pilate, dans son désir de relâcher Jésus, leur adressa de nouveau la parole. Mais ils vociféraient : «Crucifie-le ! Crucifie-le ! ». Pour la troisième fois, il leur dit : « Quel mal a donc fait cet homme ? Jen’ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir faitdonner une correction ». Mais ils insistaient à grands cris, réclamant qu’il soit crucifié ; et leurs criss’amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur requête (Lc 23, 20-24).

Plusieurs fois, dans les tribunaux et dans les journaux, résonne ce cri : « Crucifie-le, crucifie-le ! ». C’estun cri que j’ai aussi entendu sur moi : j’ai été condamné, avec mon père, à la réclusion à perpétuité. Macrucifixion a commencé quand j’étais enfant : quand j’y pense, je me revois recroquevillé dans leminibus qui m’amenait à l’école, exclu à cause de mon bégaiement, sans aucune relation. J’ai commencéà travailler lorsque j’étais petit, sans pouvoir étudier : l’ignorance a eu le dessus sur ma naïveté. Ensuitele harcèlement a volé des brins d’enfance à cet enfant né dans la Calabre des années Soixante. Jeressemble plus à Barabbas qu’au Christ, et pourtant la condamnation la plus féroce demeure celle de maconscience : la nuit, j’ouvre les yeux et je cherche désespérément une lumière qui éclaire mon histoire.

Lorsque, enfermé dans ma cellule, je relis les pages de la Passion du Christ, je fonds en larmes : aprèsvingt-neuf ans de galère, je n’ai pas encore perdu la capacité de pleurer, d’avoir honte de mon histoirepassée, du mal accompli. Je me sens Barabbas, Pierre et Judas dans une seule personne. Le passé estquelque chose dont j’éprouve du dégoût, même si je sais que c’est mon histoire. J’ai vécu des annéessoumis au régime restrictif de l’article 41-bis (de la législation pénitentiaire), et mon père est mort réduità la même condition. Tant de fois, la nuit, je l’ai entendu pleurer dans la cellule. Il le faisait en cachettemais je m’en apercevais. Nous étions tous les deux dans l’obscurité profonde. Cependant, dans cette non-vie, j’ai toujours cherché quelque chose qui fût vie : c’est étrange à dire, mais la prison a été mon salut.Si pour quelqu’un je suis encore Barabbas, je ne m’énerve pas : je ressens, dans mon cœur, que cetHomme innocent, condamné comme moi, est venu me chercher en prison pour m’éduquer à la vie.

Seigneur Jésus, malgré les cris bruyants qui nous détournent, nous t’apercevons dans la foule de tousceux qui hurlent que tu dois être crucifié ; et peut-être, parmi eux, nous y sommes aussi, inconscients dumal dont nous pouvons être capables. De nos cellules nous voulons prier ton Père pour ceux qui, commetoi, sont condamnés à mort et pour tous ceux qui veulent encore se substituer à ton jugement suprême.

Prions

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O Dieu, toi qui aimes la vie, toi qui dans la réconciliation nous donnes toujours une nouvelle opportunitépour goûter ta miséricorde infinie, nous te supplions de répandre en nous le don de la sagesse pourconsidérer tout homme et toute femme comme temple de ton Esprit et les respecter dans leur dignitéinviolable. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Deuxième Station

Jésus est chargé de la croix

* (Méditation de deux parents dont une fille a été tuée)

Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du palais, c’est-à-dire dans le Prétoire. Alors ils rassemblent toutela garde, ils le revêtent de pourpre, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puisils se mirent à lui faire des salutations, en disant : « Salut, roi des Juifs ! » Ils lui frappaient la tête avecun roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bienmoqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau de pourpre, et lui remirent ses vêtements. Puis, de là, ilsl’emmènent pour le crucifier (Mc 15, 16-20).

Au cours de cet été horrible, notre vie de parents est morte avec celle de nos deux filles. L’une a été tuéeavec sa meilleure amie par la violence aveugle d’un homme sans pitié ; l’autre, survivante par miracle, aété privée pour toujours de son sourire. Notre vie a été une vie de sacrifices, fondée sur le travail et sur lafamille. Nous avons enseigné à nos enfants le respect de l’autre et la valeur du service envers celui quiest plus pauvre. Souvent nous nous demandons : “Pourquoi justement à nous, ce mal qui nous est arrivé?”. Nous ne trouvons pas de paix. Pas même la justice, dans laquelle nous avons toujours cru, n’a étécapable de soulager les blessures les plus profondes : notre condamnation à la souffrance restera jusqu’àla fin.

Le temps n’a pas allégé le poids de la croix mise sur nos épaules : nous n’arrivons pas à oublier celle quin’est plus aujourd’hui. Nous sommes âgés, toujours plus sans défense, et nous sommes victimes de lapire douleur qui existe : survivre à la mort d’une fille.

Difficile à dire, mais au moment où le désespoir semble prendre le dessus, le Seigneur, de différentesmanières, vient à notre rencontre en nous donnant la grâce de nous aimer comme époux, en noussoutenant l’un l’autre, même péniblement. Il nous invite à garder ouverte la porte de notre maison au plusfaible, au désespéré, en accueillant celui qui frappe même seulement pour un bol de soupe. Avoir fait dela charité notre commandement est pour nous une forme de salut : nous ne voulons pas céder au mal.L’amour de Dieu, en effet, est capable de régénérer la vie parce que, avant nous, son Fils Jésus a faitl’expérience de la douleur humaine pour pouvoir en sentir la juste compassion.

Seigneur Jésus, ça nous fait très mal de te voir frappé, ridiculisé et dépouillé, victime d’une cruautéinhumaine. Dans cette nuit de douleur, nous nous adressons suppliants à ton Père pour te confier tousceux qui ont subi violences et injustices.

Prions

O Dieu, notre justice et notre rédemption, toi qui nous as donné ton Fils unique en le glorifiant sur letrône de la Croix, répands dans nos cœurs ton espérance pour te reconnaître présent dans les momentssombres de notre vie. Console-nous dans chaque affliction et soutiens-nous dans les épreuves, dansl’attente de ton Règne. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Troisième Station

Jésus tombe pour la première fois

* (Méditation d’une personne détenue)

En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensionsqu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, àcause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses

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blessures, nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son proprechemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous (Is 53, 4-6).

C’était la première fois que je tombais, mais cette chute a été pour moi la mort : j’ai ôté la vie à unepersonne. Il a suffi d’un seul jour pour passer d’une vie irréprochable à l’accomplissement d’un gestedans lequel est contenue la violation de tous les commandements. Je me sens comme la version modernedu larron qui implore le Christ : « Souviens-toi de moi ! ». Plus que repenti, je l’imagine commequelqu’un qui est conscient d’être sur la mauvaise route. De mon enfance, je me rappellel’environnement froid et hostile dans lequel j’ai grandi : il suffisait de débusquer une fragilité chez l’autrepour la transformer en une forme de divertissement. Je cherchais des amis sincères, je voulais êtreaccepté comme j’étais, sans y parvenir. Je souffrais pour le bonheur des autres, je sentais les bâtons dansles roues, ils me demandaient seulement des sacrifices et des règles à respecter : je me suis senti étrangerpour tous et j’ai cherché, à tout prix, ma revanche.

Je ne me suis pas rendu compte que le mal, lentement, grandissait en moi. Jusqu’à ce que, un soir, sonnemon heure des ténèbres : en un instant, les souvenirs de toutes les injustices subies dans la vie se sontdéchaînés, comme une avalanche. La colère a assassiné la gentillesse, j’ai commis un mal immensémentplus grand que tout ce que j’avais reçu. En prison, ensuite, l’injure des autres est devenue un méprisenvers moi-même : il suffisait de peu pour y mettre fin, j’étais arrivé au point de rupture. J’avais aussiconduit ma famille dans le ravin : ils ont perdu à cause de moi leur nom, l’honorabilité, ils sont devenusseulement la famille de l’assassin. Je ne cherche pas d’excuses ni de remises, j’expierai ma peinejusqu’au dernier jour parce qu’en prison j’ai trouvé des gens qui m’ont redonné la confiance perdue.

Ne pas penser qu’il existait la bonté dans le monde a été ma première chute. La deuxième, l’homicide, aété presque une conséquence : j’étais déjà mort à l’intérieur.

Seigneur Jésus, toi aussi, tu as fini à terre. La première fois est peut-être la plus dure parce que tout estnouveau : le coup est fort et le désarroi prévaut. Nous confions à ton Père ceux qui se renferment dansleurs raisons et n’arrivent pas à reconnaître les coups commis.

Prions

O Dieu, toi qui as relevé l’homme de sa chute, nous te supplions : viens en aide à notre faiblesse etdonne-nous des yeux pour contempler les signes de ton amour disséminés dans notre quotidien. Par leChrist notre Seigneur.

Quatrième Station

Jésus rencontre sa Mère

* (Méditation de la maman d’une personne détenue)

Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, etMarie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme,voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la pritchez lui (Jn 19, 25-27).

Pas même un instant j’ai ressenti la tentation d’abandonner mon fils face à sa condamnation. Le jour del’arrestation, toute notre vie a changé : toute la famille est entrée en prison avec lui. Aujourd’hui encore,le jugement des gens ne se calme pas, c’est une lame tranchante : les doigts pointés contre nous tousalourdissent la souffrance que nous portons déjà dans le cœur.

Les blessures grandissent au fil des jours, en nous enlevant même le souffle.

Je sens la proximité de la Vierge Marie : elle m’aide à ne pas me faire écraser par le désespoir, àsupporter les méchancetés. Je lui ai confié mon fils : à Marie seulement je peux confier mes peurs,puisqu’elle-même les a ressenties pendant qu’elle montait au Calvaire. Dans son cœur elle savait que sonFils n’échapperait pas au mal de l’homme, mais elle ne l’a pas abandonné. Elle se tenait là, pour en

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partager la douleur, l’accompagnant de sa présence. J’imagine que Jésus, en levant le regard, a rencontréses yeux pleins d’amour et ne s’est jamais senti seul.

C’est ce que je veux faire, moi aussi.

J’ai pris sur moi les fautes de mon fils, j’ai aussi demandé pardon pour mes responsabilités. J’implore surmoi la miséricorde que seule une mère arrive à ressentir, pour que mon fils puisse retourner vivre aprèsavoir expié sa peine. Je prie tout le temps pour lui, pour qu’il puisse, jour après jour, devenir un hommedifférent, capable d’aimer de nouveau, lui-même et les autres.

Seigneur Jésus, la rencontre avec ta Mère, le long du chemin de la croix, est peut-être la plus émouvanteet douloureuse. Entre son regard et le tien nous mettons celui de toutes les familles et des amis qui sesentent meurtris et impuissants pour le sort de leurs proches.

Prions

O Marie, mère de Dieu et de l’Eglise, disciple fidèle de ton Fils, nous nous adressons à toi, pour confierà ton regard attentionné et à la protection de ton cœur maternel, le cri de l’humanité qui gémit et souffredans l’attente du jour où sera asséchée toute larme de nos visages. Amen.

Cinquième Station

Jésus est aidé par le Cyrénéen

* (Méditation d’une personne détenue)

Comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils lechargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus (Lc 23, 26).

Avec mon métier j’ai aidé des générations d’enfants à marcher droit. Puis, un jour, je me suis trouvé àterre. C’était comme s’ils m’avaient brisé le dos : mon travail est devenu un point d’appui d’unecondamnation infamante. Je suis entré en prison : la prison est entrée chez moi. Depuis ce moment-là, jesuis devenu un errant dans la ville : j’ai perdu mon nom, on m’appelle par celui du crime dont la justicem’accuse, je ne suis plus le maître de ma vie. Quand j’y pense, il me revient à l’esprit cet enfant avec leschaussures trouées, les pieds mouillés, les habits usés : c’était moi, autrefois, cet enfant. Puis, un jour,l’arrestation : trois hommes en uniforme, un protocole rigide, la prison qui m’engloutit vivant dans sonbéton.

La croix qu’on m’a chargée sur les épaules est lourde. Au fil des jours j’ai appris à vivre avec ça, à laregarder en face, à l’appeler par son nom : nous passons des nuits entières à nous tenir compagnie. Dansles prisons, tout le monde connaît Simon de Cyrène : c’est le deuxième nom des volontaires, de celui quigravit ce calvaire pour aider à porter une croix ; ce sont les gens qui refusent la loi de la meute en semettant à l’écoute de la conscience. Simon de Cyrène, c’est ensuite mon compagnon de cellule : je l’aiconnu la première nuit passée en prison. C’était un homme qui avait vécu pendant des années sur unbanc, sans affection ni revenus. Sa seule richesse était la fabrication de brioches. Friand de gâteaux, il ainsisté pour que j’en amène à ma femme, la première fois qu’elle est venue me trouver : elle a fondu enlarmes pour ce geste aussi inattendu que généreux.

Je suis en train de vieillir en prison : je rêve de retourner un jour faire confiance à l’homme.

De devenir un Cyrénéen de la joie pour quelqu’un.

Seigneur Jésus, depuis ta naissance jusqu’à la rencontre avec un inconnu qui a porté ta croix, tu asvoulu avoir besoin de notre aide. Nous aussi, comme le Cyrénéen, nous voulons nous faire proches denos frères et de nos sœurs, et collaborer avec la miséricorde du Père pour soulager le joug du mal qui lesopprime.

Prions

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O Dieu, défenseur des pauvres et réconfort des affligés, restaure-nous par ta présence et aide-nous àporter tous les jours le doux joug de ton commandement d’amour. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Sixième Station

Véronique essuie le visage de Jésus

* (Méditation d’une catéchiste de la paroisse)

Mon cœur m’a redit ta parole : « Cherchez ma face. » C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. N’écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. Ne me laisse pas, ne m’abandonne pas, Dieu, mon salut ! (Ps 26, 8-9).

Comme catéchiste, j’essuie beaucoup de larmes, en les laissant couler : on ne peut limiter le trop-pleindes cœurs déchirés. Tant de fois je rencontre des hommes désespérés qui, dans l’obscurité de la prison,cherchent un pourquoi à leur mal qui leur semble infini. Ces larmes ont le goût de la défaite et de lasolitude, du remords et du manque de compréhension. J’imagine souvent Jésus en prison à ma place :comment essuierait-il ces larmes ? Comment apaiserait-il l’angoisse de ces hommes qui ne trouvent pasune voie de sortie à ce qu’ils sont devenus en cédant au mal ?

Trouver une réponse est un exercice ardu, souvent incompréhensible pour nos logiques humaines petiteset limitées. Le chemin que le Christ m’a suggéré c’est celui de contempler ces visages défigurés par lasouffrance, sans en ressentir de la peur. Il m’est demandé de rester là, à côté, en respectant leurs silences,en écoutant la douleur, en cherchant à regarder au-delà du préjudice. Exactement comme le Christregarde avec des yeux pleins d’amour nos fragilités et nos limites. A chacun, même aux personnesemprisonnées, la possibilité de devenir des personnes nouvelles est offerte chaque jour, grâce à ce regardqui ne juge pas mais qui donne vie et espérance.

Et de cette manière les larmes tombées peuvent devenir le germe d’une beauté qu’il était mêmeseulement difficile d’imaginer.

Seigneur Jésus, Véronique a eu compassion de toi : elle a rencontré un homme souffrant et elle adécouvert le visage de Dieu. Dans la prière nous confions à ton Père les hommes et les femmes de notretemps qui continuent à essuyer les larmes de tant de nos frères.

Prions

O Dieu, vraie lumière et source de la lumière, toi qui révèles dans la faiblesse la toute-puissance etl’extrémisme de l’amour, imprime dans nos cœurs ton visage, afin que nous sachions te reconnaître dansles souffrances de l’humanité. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Septième Station

Jésus tombe pour la deuxième fois

* (Méditation d’une personne détenue)

Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Puis, ils partagèrent sesvêtements et les tirèrent au sort (Lc 23, 34).

Lorsque je passais devant une prison, je regardais de l’autre côté : je me disais, “je ne finirai jamais là-dedans”. Les fois où je la regardais, je respirais mélancolie et obscurité : il me semblait passer à côtéd’un cimetière de morts vivants. Puis un jour, j’ai été écroué, avec mon frère. Comme si cela ne suffisaitpas, j’y ai aussi conduit mon père et ma mère. De pays étranger qu’elle était, la prison est devenue notremaison : nous les hommes, nous étions dans une cellule, la mère dans une autre. Je les regardais, j’avais

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honte de moi : je n’ai plus envie de m’appeler homme. Ils sont en train de vieillir en prison à cause demoi.

Je suis tombé à terre deux fois. La première fois lorsque le mal m’a fasciné et j’ai cédé : vendre de ladrogue, à mes yeux, valait plus que le travail de mon père qui travaillait durement dix heures par jour. Ladeuxième fois, c’était quand, après avoir ruiné la famille, j’ai commencé à me demander : “Qui suis-jepour que le Christ meure pour moi ?”. Le cri de Jésus – « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ilsfont » – je le lis dans les yeux de ma mère : elle a assumé la honte de tous les hommes de la maison poursauver la famille. Et il a le visage de mon père qui désespérait dans sa cellule en cachette. C’estseulement aujourd’hui que j’arrive à l’admettre : à cette époque je ne savais pas ce que je faisais.Maintenant que je le sais, avec l’aide de Dieu, je cherche à reconstruire ma vie. Je le dois à mes parents :il y a quelques années, ils ont vendu aux enchères nos choses les plus chères parce qu’ils ne voulaient pasje mène la vie de la rue. Je le dois surtout à moi : l’idée que le mal continue à commander ma vie estinsupportable. Cela est devenu mon chemin de croix.

Seigneur Jésus, tu es à terre une autre fois : alourdi par mon attachement au mal, par ma peur de ne pasarriver à être une personne meilleure. Avec foi nous nous adressons à ton Père et nous le prions pourtous ceux qui n’ont pas encore su échapper au pouvoir de Satan, à toute la fascination de ses œuvres et àses mille formes de séduction.

Prions

O Dieu, toi qui ne nous laisses pas dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, soutiens notre faiblesse,libère-nous des chaînes du mal et protège-nous avec le bouclier de ta puissance, pour que nous puissionschanter éternellement ta miséricorde. Par le Christ notre Seigneur.

Huitième Station

Jésus rencontre les femmes de Jérusalem

* (Méditation de la fille d’un condamné à la réclusion à perpétuité)

Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et selamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurezplutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Voici venir des jours où l’on dira : “Heureuses les femmesstériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui n’ont pas allaité !” Alors on dira aux montagnes :“Tombez sur nous”, et aux collines : “Cachez-nous.” (Lc 23, 27-30)

Que de fois, comme fille d’une personne détenue, je me suis entendu adresser une question : "Avez-vousde l’affection pour votre papa : avez-vous jamais pensé à la douleur que votre père a causée aux victimes?". Durant toutes ces années, je n’ai jamais évité la réponse : "Bien sûr, il m’est impossible de ne pas ypenser", dis-je. Puis, je leur pose moi aussi une question : "Avez-vous jamais songé que de toutes lesvictimes des actes de mon père, j’en ai été la première ? Depuis vingt-huit ans, je purge la peine degrandir sans un père". Durant toutes ces années, j’ai vécu dans la colère, l’inquiétude, la mélancolie : sonabsence est toujours plus lourde à supporter. J’ai traversé l’Italie du Sud au Nord pour être à ses côtés : jeconnais les villes non pas pour leurs monuments, mais pour les prisons que j’ai visitées. Il me sembleêtre comme Télémaque, quand il va à la recherche de son père Ulysse : mon Tour d’Italie est fait deprisons et d’affections.

Il y’a quelques années, j’ai perdu l’amour parce que je suis la fille d’un homme détenu, ma mère esttombée dans la dépression, la famille s’est écroulée. Je suis restée, moi, avec mon petit salaire, àsupporter le poids de cette histoire en lambeaux. La vie m’a obligée à devenir femme, sans me laisser letemps d’être enfant. Dans notre maison, c’est tout un chemin de croix : papa est l’un des condamnés àperpétuité. Le jour où je me suis mariée, je rêvais de l’avoir à mes côtés : il a aussi pensé à moi à descentaines de kilomètres de distance. "C’est la vie !", je me répète cela pour me donner du courage. C’estvrai : il y’a des parents qui, par amour, apprennent à attendre que les enfants grandissent. A moi, paramour, il m’arrive d’attendre le retour de papa.

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Pour des gens comme nous, l’espérance est un devoir.

Seigneur Jésus, le reproche aux femmes de Jérusalem, nous le ressentons comme un avertissement àchacun d’entre nous. Il nous invite à la conversion, en passant d’une religion sentimentale à une foienracinée dans ta Parole. Prions pour tous ceux qui sont obligés de supporter le poids de la honte, lasouffrance de l’abandon, le vide d’une présence. Et pour chacun d’entre nous, afin que les fautes despères ne retombent pas sur les enfants.

Prions

O Dieu, Père de toute bonté, qui n’abandonnes pas tes enfants dans les épreuves de la vie, donne-nous lagrâce de nous reposer dans ton amour et de jouir toujours de la consolation de ta présence. Par le Christnotre Seigneur. Amen

Neuvième Station

Jésus tombe pour la troisième fois

* (Méditation d’un détenu)

Il est bon pour l’homme de porter le joug dès sa jeunesse. Qu’il reste assis, solitaire, en silence, tant quele Seigneur le lui impose ; qu’il tienne sa bouche contre terre : peut-être y a-t-il un espoir ! Qu’il tende lajoue à qui le frappe, qu’il se laisse saturer d’insultes. Car le Seigneur ne rejette pas pour toujours ; s’ilafflige, il fera miséricorde selon l’abondance de sa grâce. (Lam 3,27-32).

Tomber à terre n’est jamais agréable : tomber souvent, outre le fait que ce n’est pas beau, devient aussiune sorte de condamnation, au point qu’il n’est plus possible de tenir debout. En tant qu’homme, je suistombé trop de fois : autant de fois je me suis relevé. En prison, je repense souvent au nombre de foisqu’un enfant tombe à terre avant d’apprendre à marcher : je me convaincs que ce sont les épreuvesgénérales pour le moment où l’on tombera quand on sera grand. Depuis l’enfance, j’ai vécu en prison à lamaison : je vivais dans l’angoisse de la punition, j’alternais la tristesse des adultes et l’insouciance desenfants. De ces années, je me souviens de la Sœur Gabriella, l’unique image de fête : elle fut l’unique àentrevoir le meilleur dans mon pire. Comme Pierre, j’ai cherché et trouvé mille excuses à mes erreurs : lefait étrange est qu’un fragment de bien est toujours resté allumé en moi.

En prison je suis devenu grand-père : j’ai manqué la grossesse de ma fille. Un jour, à ma petite-fille, je neraconterai pas le mal que j’ai commis mais seulement le bien que j’ai trouvé. Je lui parlerai de celui qui,quand j’étais à terre, m’a apporté la miséricorde de Dieu. En prison, le vrai désespoir est le fait de serendre compte que rien de ta vie n’a plus de sens : c’est le summum de la souffrance, tu te sens le plusseul de tous les solitaires au monde. C’est vrai que j’ai été brisé en mille morceaux, mais la chose belleest que ces morceaux peuvent encore être être recomposés. Ce n’est pas facile : c’est l’unique chose,cependant, qui ici a encore un sens.

Seigneur Jésus, pour la troisième fois tu es tombé à terre, mais quand tous pensent que c’est la fin, unefois encore tu t’es relevé. Avec foi, nous nous remettons entre les mains de ton Père et nous lui confionstous ceux qui se sentent emprisonnés dans les abimes de leurs erreurs, afin qu’ils aient la force de serelever et le courage de se laisser aider.

Prions

O Dieu, force de qui espère en Toi, qui accorde à celui qui suit tes enseignements de vivre dans la paix,soutiens nos pas craintifs, relève-nous des chutes de nos infidélités, verses sur nos blessures l’huile de laconsolation et le vin de l’espérance. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Dixième Station

Jésus est dépouillé de ses vêtements

* (méditation d’une éducatrice de la prison)

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Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaquesoldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut enbas. Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » Ainsis’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement.(Jn 19, 23-24).

En tant qu’éducatrice pénitentiaire, je vois entrer en prison l’homme privé de tout : il est dépouillé detoute dignité à cause des fautes commises, de tout respect à l’égard de soi et des autres. Chaque jour, jeme rends compte que son autonomie disparaît derrière les barreaux : il a besoin de moi, même pour écrireune lettre. Ce sont ces êtres en suspens qui me sont confiés : des hommes sans défense, exaspérés dansleur fragilité, souvent privés du nécessaire pour comprendre le mal qu’ils ont commis. Par moment,cependant, ils ressemblent à des enfants à peine nés qui peuvent encore être modelés. Je perçois que leurvie peut recommencer dans une autre direction, en tournant définitivement le dos au mal.

Mes forces, cependant, se relâchent jour après jour. Être imbus de colère, de douleur et de méchancetéscouvées, finit par user même l’homme ou la femme le plus préparé. J’ai choisi ce travail après que mamère ait été tuée dans une collision par un jeune en proie aux stupéfiants : j’ai décidé de répondreimmédiatement à ce mal par le bien. Mais tout en aimant ce travail, j’ai parfois du mal à trouver la forcede le poursuivre.

Dans ce service aussi délicat, nous avons besoin de ne pas nous sentir abandonnés, afin de pouvoirsoutenir toutes les existences qui nous sont confiées et qui risquent chaque jour de faire naufrage.

Seigneur Jésus, en te contemplant dépouillé de tes vêtements, nous éprouvons embarras et honte. Depuisle premier homme, en effet, nous avons commencé à fuir devant la vérité nue. Nous nous cachonsderrière les masques de personnes respectables et nous tissons des vêtements de mensonge, souvent avecles vêtements éculés des pauvres, usés par notre soif avide d’argent et de pouvoir. Que ton Père ait pitiéde nous et, avec patience, qu’il nous aide à être plus simples, plus transparents, plus vrais : capablesd’abandonner définitivement les armes de l’hypocrisie.

Prions

O Dieu, qui nous rends libres par ta vérité, dépouille-nous du vieil homme qui résiste en nous et revêt-nous de ta lumière pour être dans le monde le reflet de ta gloire. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Onzième Station

Jésus est mis en croix

* (Méditation d’un prêtre accusé, puis absout)

Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deuxmalfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas cequ’ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. Le peuple restait là à observer. Leschefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il estle Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient dela boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Il y avait aussi uneinscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croixl’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifsreproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous,c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait demal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus luidéclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Lc 23,33-43).

Le Christ est cloué sur la croix. Que de fois, en tant que prêtre, j’ai médité cette page d’Evangile. Puis,quand un jour on m’a mis en croix, j’ai senti tout le poids de ce bois : l’accusation était faite de parolesdures comme des clous, la montée était devenue raide, la souffrance s’est gravée dans la peau. Le

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moment le plus sombre a été celui de voir mon nom accroché au dehors de la salle du tribunal : en cetinstant, j’ai compris que j’étais un homme obligé à démontrer son innocence, sans culpabilité. Je suisresté suspendu en croix durant dix ans : cela a été mon chemin de croix fait de dossiers, de suspicions,d’accusations, d’insultes. Chaque fois, dans les tribunaux, je cherchais le crucifix accroché : je le fixaispendant que la loi enquêtait sur mon histoire.

La honte, un moment, m’a poussé à penser qu’il aurait été mieux de me suicider. Cependant, j’ai décidéde rester le prêtre que j’ai toujours été. Je n’ai jamais pensé à réduire la croix, même quand la loi me lepermettait. J’ai choisi de me soumettre au jugement ordinaire : je le devais à moi, aux jeunes que j’aiéduqués durant les années de séminaire, à leurs familles. Pendant que je montais mon calvaire, je les aitrouvés tous là, le long de la route : ils sont devenus mes cyrénéens, ils ont supporté avec moi le poids dela croix, ils m’ont essuyé beaucoup de larmes. Nombreux parmi eux ont prié ensemble avec moi pour legarçon qui m’a accusé : nous ne cesserons jamais de le faire. Le jour où j’ai été acquitté pleinement, j’aidécouvert être plus heureux qu’il y a dix ans : j’ai touché par la main l’action de Dieu dans ma vie.Suspendu en croix, mon sacerdoce s’est illuminé.

Seigneur Jésus, ton amour pour nous jusqu’à la fin t’a conduit sur la croix. Tu es en train de mourir,mais tu ne te lasses pas de nous pardonner et de nous donner vie. Nous confions à ton Père les innocentsde l’histoire qui ont souffert d’une condamnation injuste. Que résonne dans leur cœurs l’écho de taparole : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ».

Prions

O Dieu, source de miséricorde et de pardon, qui te révèles dans les souffrances de l’humanité, illumine-nous par la grâce qui jaillit des plaies du Crucifié et donne-nous de persévérer dans la foi durant la nuitobscure de l’épreuve. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Douzième Station

Jésus meurt en croix

* (Méditation d’un magistrat de surveillance)

C’était déjà environ la sixième heure (c’est-à-dire : midi) ; l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à laneuvième heure, car le soleil s’était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. Alors, Jésuspoussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira. (Lc23,44-46).

En tant que magistrat de surveillance, je ne peux pas clouer une personne, n’importe quelle personne, àsa condamnation : cela voudrait dire, le condamner une seconde fois. Il est nécessaire que l’homme expiele mal qu’il a commis : ne pas le faire signifierait banaliser ses crimes, justifier les actions intolérablesqu’il a faites et qui ont causé à d’autres des souffrances physiques et morales.

Une vraie justice, cependant, est possible seulement à travers la miséricorde qui ne cloue pas l’homme encroix pour toujours : elle s’offre comme un guide afin de l’aider à se relever, en lui apprenant à recueillirce bien qui, malgré le mal accomplit, ne s’éteint jamais complètement dans son cœur. C’est seulement enretrouvant son humanité que la personne condamnée pourra la reconnaître en l’autre, dans la victime àqui elle a provoqué la souffrance. Bien que son parcours de renaissance puisse être tortueux et le risquede retomber dans le mal rester toujours en embuscade, il n’existe pas d’autres voies pour chercher àreconstruire une histoire personnelle et collective.

La rigidité du jugement met à rude épreuve l’espérance en l’homme : l’aider à réfléchir, et à se demanderquelles sont les raisons de ses actions, peut devenir une occasion de se regarder autrement. Pour fairecela, cependant, il faut apprendre à reconnaître la personne cachée derrière la faute commise. En faisantainsi, on réussit quelquefois à entrevoir un horizon qui peut donner de l’espoir aux personnescondamnées et, une fois la peine expiée, les confier à la société, en invitant les hommes à les accueillir denouveau, après les avoir, à un moment peut-être, repoussés.

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Parce que tous, même en tant que condamnés, nous sommes fils de la même humanité.

Seigneur Jésus, tu meurs suite à une sentence corrompue, prononcée par des juges iniques et terroriséspar l’impétueuse force de la Vérité. Nous confions à ton Père les magistrats, les juges et les avocats, afinqu’ils se maintiennent droits dans l’exercice de leur service en faveur de l’Etat et des citoyens, surtoutceux qui souffrent en raison d’une situation de pauvreté.

Prions

O Dieu, roi de justice et de paix, qui a accueilli dans le cri de ton Fils celui de l’humanité entière,enseigne-nous à ne pas identifier la personne avec le mal commis et aide-nous à percevoir en chacun laflamme vive de ton Esprit. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

Treizième Station

Jésus est descendu de la croix

* (Méditation d’un frère volontaire)

Alors arriva un membre du Conseil, nommé Joseph ; c’était un homme bon et juste, qui n’avait donnéson accord ni à leur délibération, ni à leurs actes. Il était d’Arimathie, ville de Judée, et il attendait lerègne de Dieu. Il alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. Puis il le descendit de la croix,l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un tombeau taillé dans le roc, où personne encore n’avait étédéposé. (Lc 23, 50-53).

Les personnes détenues sont, depuis toujours, mes maîtres. Depuis soixante-ans, je rentre dans lesprisons en tant que frère volontaire et j’ai toujours béni le jour où, pour la première fois, j’ai rencontré cemonde caché. Dans ces regards j’ai compris clairement que j’aurais pu être à leur place si ma vie avaitpris une autre direction. Nous, chrétiens, nous tombons souvent dans l’illusion de nous sentir meilleursque les autres, comme si être en mesure de s’occuper des pauvres nous conférait une supériorité, au pointde nous ériger en juges des autres, les condamnant chaque fois que nous le voulons, sans aucun recours.

Le Christ, dans sa vie, a choisi et a voulu être avec les derniers : il a parcouru les périphéries oubliées dumonde, au milieu des voleurs, des lépreux, des prostituées, des escrocs. Il a voulu partager la misère, lasolitude, la préoccupation. J’ai toujours pensé que c’était cela le vrai sens de ses paroles : « J’étais enprison et vous êtes venus jusqu’à moi » (Mt 25, 36).

En passant d’une cellule à l’autre, je vois la mort qui y habite. La prison continue d’enterrer des hommesvivants : ce sont des histoires dont personne ne veut plus. Le Christ me répète chaque fois : "Continue, net’arrête pas. Prends-les encore dans les bras". Je ne peux pas ne pas l’écouter : même dans le pire deshommes, il y est toujours, même aussi souillé que soit son souvenir. Je dois mettre un frein à ma frénésie,m’arrêter en silence devant ces visages dévastés par le mal et les écouter avec miséricorde. C’est l’uniquemanière que je connais pour accueillir l’homme, en écartant de mon regard l’erreur qu’il a commise.Ainsi seulement, il pourra se confier et retrouver la force de s’abandonner au Bien, en s’imaginantdifférent de la manière dont il se voit maintenant.

Seigneur Jésus, ton corps, déformé par tant de mal, est maintenant enveloppé dans un linceul et déposédans la terre nue : voici la nouvelle création. Nous confions à ton Père l’Eglise, qui naît de ton côtéouvert, afin qu’elle ne désespère jamais face à l’insuccès et à l’apparence, mais qu’elle continue desortir pour porter à tous l’annonce joyeuse du salut.

Prions

O Dieu, principe et fin de toute chose, qui dans la Pâque du Christ as racheté l’humanité entière, donne-nous la sagesse de la Croix afin que nous puissions nous abandonner à ta volonté, en l’acceptant avecune âme joyeuse et reconnaissante. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

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Quatorzième Station

Jésus est mis au tombeau

* (Méditation d’un agent de la Police Pénitentiaire)

C’était le jour de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat. Les femmes quiavaient accompagné Jésus depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voircomment le corps avait été placé. Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et,durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit. (Lc 23,54-56).

Dans ma mission d’agent de Police Pénitentiaire, je touche chaque jour de la main la souffrance de celuiqui vit en réclusion. Ce n’est pas facile de se confronter avec celui qui a été vaincu par le mal et a causéd’énormes blessures à d’autres hommes, compliquant leur existence. Et pourtant, en prison,l’indifférence crée de nouveaux dommages dans l’histoire de celui qui a échoué et qui est en train depayer pour son compte à la justice. Un collègue, qui a été mon maître, répétait souvent : "La prison tetransforme : un homme bon peu devenir un homme sadique. Un mauvais peut devenir meilleur". Lerésultat dépend aussi de moi, et serrer les dents est essentiel pour atteindre l’objectif de notre travail :donner une autre possibilité à celui qui a favorisé le mal. Pour tenter cela, je ne peux pas me limiter àouvrir et à fermer une cellule, sans un tout petit peu d’humanité.

En respectant les temps de chacun, les relations humaines peuvent refleurir petit à petit, même dans cemonde pesant. Elles se traduisent en gestes, attentions et paroles, capables de faire la différence, mêmeprononcées à voix basse. Je n’ai pas honte d’exercer le diaconat permanent en revêtant l’uniforme dont jesuis fier. Je connais la souffrance et le désespoir : je les ai éprouvés dans mon enfance. Mon petit désirest d’être un point de référence pour celui que je rencontre entre les barreaux. Je fais tout pour défendrel’espérance de personnes résignées, effrayées en pensant qu’un jour elles sortiront et risqueront d’êtrerefusées, une fois encore, par la société.

En prison, je leur rappelle que, avec Dieu, aucun péché n’aura jamais le dernier mot.

Seigneur Jésus, une fois encore tu es livré aux mains de l’homme, mais, cette fois-ci, à t’accueillir cesont les mains aimantes de Joseph d’Arimathie et de quelques pieuses femmes venues de Galilée, quisavent que ton corps est précieux. Ces mains représentent celles de tous ceux qui ne se lassent jamais dete servir et qui rendent visible cet amour dont l’homme est capable. C’est justement cet amour qui nousfait espérer en la possibilité d’un monde meilleur : il suffit seulement que l’homme soit disposé à selaisser rejoindre par la grâce qui vient de toi. Dans la prière, nous confions à ton Père, de façonparticulière, tous les agents de la Police Pénitentiaire et ceux qui collaborent à divers titres dans lesprisons.

Prions

O Dieu, lumière éternelle et jour sans déclin, comble de tes biens ceux qui se consacrent à ta louange etau service de ceux qui souffrent, dans les innombrables lieux de souffrance de l’humanité. Par le Christnotre Seigneur. Amen.