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Le magazine socialiste du tournant énergétique 3, août 2011 La sortie du nucléaire est décidée – notre avenir sera sans atome! Le Conseil fédéral et le Conseil national ont fait le bon choix. Un plan doit régler et assurer cet abandon, comme le demande l’initiative Cleantech du PS suisse. Plan pour une sortie sûre du nucléaire En optant pour l’abandon de l’éner- gie nucléaire, le Conseil fédéral et le Conseil national ont fait preuve de clairvoyance. C’est la seule façon d’assurer un approvisionnement énergétique sûr, écologique et fia- ble, car la sécurité des investisse- ments et de la planification est pri- mordiale pour notre politique énergétique. Evitons de répéter les erreurs des années 90: lorsque l’hy- pothèse du moratoire nucléaire a incité les exploitants de centrales nucléaires à réaliser des milliards d’économies pour de nouvelles centrales, bloquant les investisse- ments destinés à une véritable ex- tension des énergies renouvelables et à l’amélioration de l’efficience énergétique. Un plan de transition est nécessaire Afin d’éviter de telles erreurs et planifier dans les règles une sortie sûre du nucléaire, nous devons en fixer aujourd’hui le cadre politi- que: encouragement de l’efficience énergétique et des énergies renou- velables. Il s’agit de définir le plan de transition (voir encadré). L’adieu au nucléaire va de pair avec un tournant énergétique. Cette fois, il n’est plus question de temporiser et planifier pendant des décennies. Or, c’est ce que pro- posent le PRD et l’UDC, dans l’es- poir de gagner du temps afin que la population finisse par oublier «Fu- kushima» et vote en faveur de nou- velles centrales nucléaires. Si nous voulons une électricité sûre et de prix abordable, le temps presse. Une chose est claire: la solution la plus onéreuse est d’attendre sans ne rien faire. Une réponse: l’initiative Cleantech Les transformations nécessaires à un futur énergétique propre sont techniquement possibles, mais aussi économiquement très attrac- tives. Il y a un an, le PS a donc lancé l’initiative populaire fédérale «De nouveaux emplois grâce aux éner- gies renouvelables» qui sera dé- posée prochainement. Elle vise, jusqu’en 2030, à couvrir par des énergies renouvelables au moins la moitié des besoins énergétiques et le 100% de la production d’électri- cité. Le développement de nou- Photo: Keystone par Ursula Wyss, conseillère nationale

PS & Énergie 3 / 2011

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PS & Énergie 3 / 2011

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Page 1: PS & Énergie 3 / 2011

par Helmut Hubacher,ancien président du PS suisse

Helmut Hubacher dresse la rétrospective de la lutte contre la centrale de Kaiseraugstqui marque pour lui le début de la sortie du nucléaire. Il était conseiller national de1963 à 1997 et président du PS suisse entre 1975 et 1990.

Le rouge est le plus beau vert

Kaiseraugst, c’était le début de lafin. La sixième centrale nucléairede Suisse devait y être construite.Alors que les excavatrices s’apprê-taient à entrer en jeu, le terrain aété occupé. C’était le 1er avril 1975.Dès le début, les gens du PS ont étésur place. Par exemple, Alex Euler,conseiller national de Bâle-Ville,Peter Scholer, membre du Conseilmunicipal de Rheinfelden et HansSchneider, député au GrandConseil argovien.

Willi Ritschard, conseiller fédé-ral socialiste, était alors ministrede l’énergie. Le gouvernement ar-govien a décidé d’engager ses for-ces de police pour faire évacuer leterrain. Mais les effectifs étaientinsuffisants et d’autres cantons au-raient dû venir à la rescousse. Au-cun ne répondant présent. Il nerestait que l’armée. Les conseillersfédéraux Rudolf Gnägi et Kurt Fur-gler avaient menacé de faire inter-venir l’armée, comme l’expliqueRitschard. A la demande du parti, ila choisi d’ouvrir le dialogue avec

les occupants. La proposition écritedu Conseil fédéral a été transmiseà l’assemblée plénière qui a en-suite accepté d’ouvrir le dialogue.

Willi Ritschard a augmenté l’en-jeu: si l’armée intervenait, il dé-missionnerait immédiatement duConseil fédéral. Cela a été efficace.Les partis bourgeois ne voulaientpas être seuls responsables de laviolence militaire. Des négocia-tions entre des experts de la Confé-dération et les adversaires de lacentrale ont fait suite à la proposi-tion de dialogue. Après 13 ans, leprojet de centrale atomique à Kai-seraugst a été mis en station inten-sive politique avant de mourir desa belle mort. Les bourgeois l’ontfait chèrement payer: 350 millionsde francs en dommages et intérêtsaccordés aux maîtres d’ouvrage parle Conseil national et le Conseil desEtats.

Le PS tira les conséquences de«Kaiseraugst». Premier parti fédé-ral, il décida de l’abandon del’énergie atomique lors du congrèsdu parti de 1978 à Bâle. Ritschard,ministre de l’énergie, représentaitla position du Conseil fédéral, sanstoutefois avoir le «feu sacré» pourles centrales nucléaires.

Douze ans plus tard, le peuplerejeta l’initiative en faveur del’abandon de l’énergie nucléaire,

lancée par le PS. L’initiative avaitété lancée en réponse à la catas-trophe du réacteur de Tchernobyl.En mai 1990, le souverain l’a reje-tée avec 915 652 non contre 816 302oui. Les partisans représentaienttoutefois 47% des voix. Une inno-vation nécessite souvent une se-conde tentative. Souvenons-nousdu bon mot d’Albert Einstein qui af-firme, qu’en cas de guerre atomi-que, il se réfugierait en Suisse, carsi tout finit par y arriver, c’est vingtans plus tard…

Le fait que la majorité féminineau Conseil fédéral ait écrasé lesvoix de ses trois collègues mascu-lins, demandant la sortie du nu-cléaire, représente une véritablesensation politique. En dépit de lavéhémente opposition de l’UDC etdu PRD, le Conseil national a suivile Conseil fédéral. Les nouvellescentrales nucléaires prévues par lelobby de l’atome ont été balayées.Le lobby de l’atome ne se rendrapas tout de suite et la lutte seradure. Les nouveaux partenairesbourgeois auront-ils la persévé-rance nécessaire? Le PS a été pré-curseur – il y a 36 ans à Kaiser-augst. De tout temps, le rouge a étéle plus beau vert.

Je tiens à mon environnementSi vous voulez apporter votre soutienaux projets de politique environne-mentale du PS Suisse et recevoir quatre fois par an «PS & énergie»,envoyez votre adresse par e-mail à[email protected]

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Le 1er avril 1975, plusieurs centaines d’adversaires du nucléaire occupèrent le site de construction prévu pour la centrale de Kaiseraugsten Argovie. En quelques semaines, ils étaient des milliers. C’était le début de la fin de l’énergie atomique en Suisse.

Le groupe de travail«PS & énergie» Le groupe de travail «PS & énergie»veut faire connaître et mettre en œuvre la politique énergétique etenvironnementale du PS Suisse. Il est composé de spécialistes desdomaines de l’énergie et de l’envi-ronnement du groupe socialiste de l’Assemblée fédérale et d’autresspécialistes intéressés. Les dons reçus par «PS & énergie» sont affec-tés à des campagnes politiques et àdes projets de politique énergétiqueet environnementale.

Jusqu’ici, le groupe de travail a soutenu financièrement les projetset organisations suivants:

R Opposition à la demande d’exploitation illimitée de la centrale nucléaire de Mühleberg 2009R Contribution à l’initiative pour le climat lancée notamment par lePS (www.oui-initiativeclimat.ch)R Alliance «Non au nucléaire» et association «Initiative pour le climat»R Sommet de l’énergie du PS «Desdangers du nucléaire au potentieldes énergies renouvelables» du 22 septembre 2007 R Contribution à l’élaboration du papier de perspective du PS Suisse«Sortir du nucléaire, c’est faisable etc’est l’avenir – vers un approvision-nement basé sur les énergies renou-velables»R Contribution à «KLAR! Schweiz»pour le soutien de l’expertise deJohn Large sur la «démonstration de la faisabilité» de la NagraR Financement de l’expertise juridique «Consultation lors de laconstruction de nouvelles centralesnucléaires»

Impressum PS & énergie Editeur: PS Suisse, case postale, 3011 Berne, [email protected]. Rédaction: Pierre Bonhôte, ancien conseiller aux Etats; Thomas Christen,secrétaire général; Chantal Gahlinger, secrétaire politique; Reto Gamma, chef de projet recherche de fonds; Beat Jans, conseiller national; Barbara Marty Kälin, ancienne conseillère nationale; Roger Nordmann, conseiller national; Eric Nussbaumer, conseiller national; Gisèle Ory, conseillère d’Etat; Rudolf Rechsteiner, ancienconseiller national; Doris Stump, conseillère nationale; Ursula Wyss, conseillère nationale. Traitement rédactionnel et production: Gallati Kommunikation, Zurich. Maquette: Purpur AG für Publishing und Communication, Zurich. Impression: Abächerli Druck AG, Sarnen. PS & énergie paraît quatre fois par an en français et en allemand. CP: 30-665681-6, PS & énergie, 3001 Berne

Imprimé sur papiercertifié FSCSQS-COC-2086 «FSC Trademark 1996,Forest StewardshipCouncil A. C.»

Le magazine socialiste du tournant énergétiqueN° 3, août 2011

La sortie du nucléaire est décidée – notre avenir sera sans atome! Le Conseil fédéral et le Conseil national ont fait le bon choix. Un plan doit régler et assurer cet abandon, comme le demande l’initiative Cleantech du PS suisse.

Plan pour une sortie sûre du nucléaire

En optant pour l’abandon de l’éner-gie nucléaire, le Conseil fédéral etle Conseil national ont fait preuvede clairvoyance. C’est la seule façond’assurer un approvisionnementénergétique sûr, écologique et fia-ble, car la sécurité des investisse-ments et de la planification est pri-mordiale pour notre politiqueénergétique. Evitons de répéter leserreurs des années 90: lorsque l’hy-pothèse du moratoire nucléaire aincité les exploitants de centralesnucléaires à réaliser des milliardsd’économies pour de nouvellescentrales, bloquant les investisse-ments destinés à une véritable ex-tension des énergies renouvelableset à l’amélioration de l’efficienceénergétique.

Un plan de transition estnécessaireAfin d’éviter de telles erreurs et planifier dans les règles une sortiesûre du nucléaire, nous devons en fixer aujourd’hui le cadre politi-que: encouragement de l’efficienceénergétique et des énergies renou-velables. Il s’agit de définir le plande transition (voir encadré). L’adieuau nucléaire va de pair avec untournant énergétique.

Cette fois, il n’est plus questionde temporiser et planifier pendantdes décennies. Or, c’est ce que pro-posent le PRD et l’UDC, dans l’es-poir de gagner du temps afin que lapopulation finisse par oublier «Fu-kushima» et vote en faveur de nou-velles centrales nucléaires. Si nousvoulons une électricité sûre et de

prix abordable, le temps presse.Une chose est claire: la solution laplus onéreuse est d’attendre sansne rien faire.

Une réponse: l’initiativeCleantechLes transformations nécessaires àun futur énergétique propre sonttechniquement possibles, maisaussi économiquement très attrac-tives. Il y a un an, le PS a donc lancél’initiative populaire fédérale «Denouveaux emplois grâce aux éner-gies renouvelables» qui sera dé-posée prochainement. Elle vise,jusqu’en 2030, à couvrir par desénergies renouvelables au moins lamoitié des besoins énergétiques etle 100% de la production d’électri-cité. Le développement de nou-

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Monsieur H. m’a écrit l’histoiresuivante: «Je présentais nos lam-pes à un technicien chez un four-nisseur d’énergie des Grisons. Lechef arrive et nous demande ceque nous faisons. Réponse: nousexaminons des lampes à LED. El-les permettent de réaliser une

économie de consommation importante et sont moins chères à longterme. Le chef nous dit alors: nous n’en voulons pas, nous voulons vendrede l’électricité.» Une franchise rare. Les entreprises électriques se mo-quent généralement de l’efficacité énergétique, car une baisse de laconsommation diminue leurs profits.

L’efficacité énergétique au lieu des centrales à gazIl est temps de changer. A elle seule, l’amélioration des éclairages publicspermettrait d’épargner env. 10% de l’énergie nucléaire. Il en va de mêmedans de nombreux autres secteurs. Selon l’Agence suisse pour l’efficacitéénergétique (S.A.F.E.), un remplacement ciblé des installations, appareilset moteurs anciens permettrait d’économiser presque la totalité del’énergie nucléaire. La Suisse n’a pas besoin de nouvelles centrales. Elledoit s’occuper du parent pauvre de sa politique énergétique: l’efficacité.Tant que la branche de l’électricité profitera du gaspillage, les vieux ap-pareils gourmands auront de beaux jours devant eux. Le PS apporte doncune nouvelle proposition simple au débat: les quotas d’économie.

Des quotas d’économie pour les fournisseurs d’énergieElles existent déjà en Angleterre, France, Italie et Belgique. Le principeest le suivant: l’État fixe aux fournisseurs des objectifs d’économie obli-gatoires. S’ils ne les atteignent pas, ils paient un malus. S’ils les dépas-sent, ils reçoivent un bonus. L’efficacité énergétique s’impose ainsi poureux comme un modèle commercial rentable. Ceux qui incitent au gaspil-lage paient, ceux qui économisent profitent. En pratique: les entreprisesqui fournissent de l’électricité à des clients finaux doivent économiserchaque année un certain pourcentage d’électricité grâce à une augmen-tation de l’efficacité. Elles doivent présenter tous les ans des certificatsprouvant qu’elles ont investi dans mesures liées à l’efficacité. Ces certi-ficats doivent être établis par des organismes indépendants, lorsque leremplacement d’une installation existante a conduit à une baisse dura-ble de la consommation.

Parions que soudain, grâce à cette mesure, le téléphone de monsieurH. n’arrêtera plus de sonner. Et qu’au bout du fil, il y aura des fournisseursd’appareils souhaitant un contact commercial avec lui. Des milliers d’em-plois seront alors créés. Des programmes d’efficacité énergétique sontdéjà en place à Zurich et Bâle: ils montrent qu’on peut économiser 2% dela consommation électrique annuelle. Alors, au travail!

velles technologies novatricesfournirait à la Suisse quelque100000 emplois. Nous resterionsainsi à la pointe mondiale en re-cherche et développement detechnologies énergétiques. Enrevanche, la passivité nous met-trait à la traîne des autres pays etnous obligerait à importer cestechnologies au prix fort. Aucunposte de travail ne serait créé enSuisse.

En Allemagne, une commission d’éthique accompagne la sortie du nucléaire. Elle doitévaluer le risque de l’énergie nucléaire pour la société et apporter son point de vue audébat. A l’inverse, en Suisse on se contente de marchander sur les chiffres.

La sortie du nucléaire: une question d’éthique

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Plan de transition duPS suisse1. Prendre la décision de principe desortie du nucléaire: une loi surl’abandon du nucléaire fixe l’arrêt etla désaffection ordonnée de toutesles centrales nucléaires. La Suissen’octroie aucune nouvelle autorisa-tion-cadre pour la construction decentrales nucléaires.

2. Permettre l’extension des énergiesrenouvelables: il faut augmenter lapart d’énergies renouvelables utili-sées pour la production d’électricitéen Suisse et à l’étranger. En 15 ans,dans notre pays, la production descentrales hydrauliques (36 térawatt-heures TWh) peut être complétéepar 20 TWh produits grâce au soleil,au vent, à la biomasse, à l’eau et à lagéothermie.

3. Imposer une meilleure efficienceénergétique: d’ici à 2025, la consom-mation électrique devra diminuer de12 TWh (soit 20% de la consomma-tion actuelle) grâce à l’améliorationde l’efficience énergétique.

Informations détaillées: www.sp-ps.ch/fre/Medias/Conferen-ces-de-presse/2011/Conference-de-presse-Notre-feuille-de-route-pour-sortir-du-nucleaire

La chancelière Angela Merkel a misen place sans hésiter une commis-sion d’éthique dès le début des dé-bats sur le nucléaire. Bien loin desgroupes de travail techniques suis-ses qui calculent des scénarios etélèvent les opinions des groupesénergétiques au rang d’avis d’ex-perts. La sortie du nucléaire est enAllemagne une question d’éthique,chez nous on marchande sur deschiffres, d’ailleurs immédiatementcontestés. La décision du Conseilfédéral de sortir du nucléaire n’apas été motivée par une analyseéthique. Ce sont plutôt les tableauxet les graphiques de térawattheu-res et de gigawattheures qui consti-tuent la grille de lecture de notrepolitique énergétique. Nous ris-quons d’aboutir à une argumenta-tion technocratique sans issue, carles hypothèses ne sont jamais quede simples conjectures. On a beauactualiser les scénarios, préciserdes postulats de prix et pointer lespossibilités, ces chiffres empêchentde formuler la question fondamen-tale pour la sortie du nucléaire.

Quels risques acceptons-nous?En matière d’énergie nucléaire, ils’agit d’une évaluation sociale desrisques que nous voulons bien ac-cepter. Et nous avons du mal à l’in-

tégrer, à force de térawattheures.En Suisse, les exploitants des cen-trales nucléaires ont toujours af-firmé que cette évaluation ne peutse faire qu’au travers d’un vote po-pulaire, ou bien qu’elle a été délé-guée à l’Inspection fédérale de lasécurité nucléaire (IFSN). La dis-cussion sociopolitique a été habile-ment orientée sur les térawatt-heures et les gigawattheures ensoulignant la notion de pénurie.L’affirmation selon laquelle l’IFSN«garantit» la sécurité des centralesnucléaires étouffe dans l’œuf le dé-bat social autour de la questionfondamentale de la sortie du nu-cléaire.

En Allemagne, on a décidé de neplus construire de nouvelles cen-trales nucléaires il y a déjà long-temps, et la commission recom-mande, pour des raisons éthiques,de ne laisser fonctionner les cen-trales que jusqu’à ce qu’un appro-visionnement moins dangereuxpuisse remplacer leur production.On a retiré du réseau 8,5 gigawattsconsidérés comme non indispen-sables. «Au cœur du conflit surl’énergie atomique s’affrontent desconceptions antagonistes sur lecomportement face à la possibilitéfondamentale d’un sinistre majeur,entraînant des dégâts présents etfuturs du fait des déchets radioac-tifs», écrit la commission. Deux po-sitions s’affrontent: l’une rejette to-talement l’énergie nucléaire, l’autreest plus tempérée. Elles ont étébien représentées au sein de lacommission. Peut-on alors trouverune position consensuelle? Unénoncé favorisant l’entente entre

par Eric Nussbaumer,conseiller national

les opposants à l’énergie atomiqueet ses partisans a été formulé:«D’un point de vue pratique, lesdeux positions de départ parvien-nent à la même conclusion concer-nant l’énergie atomique: il faut ar-rêter rapidement l’utilisation descentrales dès qu’on peut remplacerleur production par des énergiesprésentant moins de risques sur labase des tolérances écologique,économique et sociale.»

On revendique la voie lamoins risquéeLes scénarios techniques suissespour la sortie du nucléaire mon-trent des alternatives. Puisque c’estle cas, une comparaison des risquess’appuyant fortement sur l’éthiqueconclura que la société se doit dechercher, et de suivre, la voie pré-sentant le moins de risques. LeConseil fédéral et une majorité duConseil national ont reconnu la fai-sabilité des alternatives. Leur miseen place est cependant loin d’êtresimple et nécessite la participationde tous. Le point décisif réside dansla volonté de suivre rapidement lavoie la moins risquée – un mini-mum en matière d’orientation éthi-que.

Ici, une ère nouvelle a commencé depuis long-tempsPhotos de bâtiments à haute efficacité énergétique, avec label Minergie-P. Le standard Minergie-P est réservé auxconstructions particulièrement économes en énergie.

De gauche à droite: immeuble collectif sur le terrain de l’Eichgutà Winterthour, immeuble collectif à Liebefeld et école d’Eichmattà Hünenberg.

Nous l’affirmions depuis long-temps. Pour la première fois, leConseil fédéral le confirme: il estpossible de remplacer toute la pro-duction nucléaire par de l’électri-cité renouvelable indigène. L’es-sentiel sera fourni par l’éolien, labiomasse et le solaire. Il s’agiraaussi d’augmenter un peu la pro-duction hydroélectrique, en veil-lant à respecter les règles de pro-tection de la nature.

La moitié de la productionnucléaireSwissolar a proposé un scénariopermettant d’atteindre 20% decourant photovoltaïque d’ici 2025.A lui seul, le solaire remplaceraitainsi la moitié de la production nu-cléaire. Vu la baisse rapide descoûts d’installation du photovoltaï-que, les coûts ne serait plus trèsélevés: ils culmineraient à 2 ou 3 centimes par KWh en 2025, soitenviron 10% du prix de l’électricité.En 2025, nous estimons en effet quele photovoltaïque aura rejoint lesprix de gros de l’électricité.

Pour atteindre cet objectif, ils’agit, d’ici 2020, de multiplier par30 le rythme annuel d’installationde cellules photovoltaïques. L’exem-ple de l’Allemagne nous prouve que

c’est parfaitement possible: rap-porté au nombre d’habitants, elle adéjà atteint en 2010 un rythmed’installation 15 fois supérieur à laSuisse.

La principale différence entre laSuisse et l’Allemagne tient au sys-tème du RPC: en Allemagne, ellen’est pas plafonnée, contrairementà la Suisse. Grace à ce système effi-cace, les nouvelles énergies re-nouvelables y atteignent ensemblebientôt 20% de la production élec-trique, ce qui permettra à l’Allema-gne d’éteindre la dernière centralenucléaire en 2022 déjà.

Pas un plafond du RPC En Suisse, le PS avait obtenu l’an-née passé une première hausse duplafond (de 0,6 à 0,9 ct). Cette mo-deste augmentation a permis d’oc-troyer cet été le RPC à 2000 nou-veaux projets. Mais il en reste desmilliers en attente, et le systèmesera de nouveau engorgé dès 2012-2013. Vu la lenteur du processusparlementaire, le PS propose delancer immédiatement le déblo-cage du système, avant mêmel’adoption définitive de la sortie du nucléaire. Le travail de mise enœuvre de la sortie du nucléaire estcolossal, et il serait absurde de nerien faire d’ici à 2015 ou 2016. Orc’est ce qui menace en raison duplafond du RPC. A noter bien évi-demment que le déblocage du RPCdoit aussi bénéficier à toutes lesautres technologies, et pas seule-ment au solaire.

par Beat Jans, conseiller national

par Roger Nordmann,conseiller national etprésident de Swissolar

A côté des mesures d’efficacité, le renforcement du sys-tème de rachat à prix coutant (RPC) de l’énergie renouve-lable est indispensable pour valoriser ce potentiel.

Débloquer rapide-ment le soutien auxrenouvelables

Les entreprises électriques font peu de cas de l’efficacitéénergétique car une baisse de la consommation réduit leurs profits. Les objectifs d’économie obligatoires devraient changer cet état de fait.

Rappeler les fournis-seurs à leurs devoirs

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Monsieur H. m’a écrit l’histoiresuivante: «Je présentais nos lam-pes à un technicien chez un four-nisseur d’énergie des Grisons. Lechef arrive et nous demande ceque nous faisons. Réponse: nousexaminons des lampes à LED. El-les permettent de réaliser une

économie de consommation importante et sont moins chères à longterme. Le chef nous dit alors: nous n’en voulons pas, nous voulons vendrede l’électricité.» Une franchise rare. Les entreprises électriques se mo-quent généralement de l’efficacité énergétique, car une baisse de laconsommation diminue leurs profits.

L’efficacité énergétique au lieu des centrales à gazIl est temps de changer. A elle seule, l’amélioration des éclairages publicspermettrait d’épargner env. 10% de l’énergie nucléaire. Il en va de mêmedans de nombreux autres secteurs. Selon l’Agence suisse pour l’efficacitéénergétique (S.A.F.E.), un remplacement ciblé des installations, appareilset moteurs anciens permettrait d’économiser presque la totalité del’énergie nucléaire. La Suisse n’a pas besoin de nouvelles centrales. Elledoit s’occuper du parent pauvre de sa politique énergétique: l’efficacité.Tant que la branche de l’électricité profitera du gaspillage, les vieux ap-pareils gourmands auront de beaux jours devant eux. Le PS apporte doncune nouvelle proposition simple au débat: les quotas d’économie.

Des quotas d’économie pour les fournisseurs d’énergieElles existent déjà en Angleterre, France, Italie et Belgique. Le principeest le suivant: l’État fixe aux fournisseurs des objectifs d’économie obli-gatoires. S’ils ne les atteignent pas, ils paient un malus. S’ils les dépas-sent, ils reçoivent un bonus. L’efficacité énergétique s’impose ainsi poureux comme un modèle commercial rentable. Ceux qui incitent au gaspil-lage paient, ceux qui économisent profitent. En pratique: les entreprisesqui fournissent de l’électricité à des clients finaux doivent économiserchaque année un certain pourcentage d’électricité grâce à une augmen-tation de l’efficacité. Elles doivent présenter tous les ans des certificatsprouvant qu’elles ont investi dans mesures liées à l’efficacité. Ces certi-ficats doivent être établis par des organismes indépendants, lorsque leremplacement d’une installation existante a conduit à une baisse dura-ble de la consommation.

Parions que soudain, grâce à cette mesure, le téléphone de monsieurH. n’arrêtera plus de sonner. Et qu’au bout du fil, il y aura des fournisseursd’appareils souhaitant un contact commercial avec lui. Des milliers d’em-plois seront alors créés. Des programmes d’efficacité énergétique sontdéjà en place à Zurich et Bâle: ils montrent qu’on peut économiser 2% dela consommation électrique annuelle. Alors, au travail!

velles technologies novatricesfournirait à la Suisse quelque100000 emplois. Nous resterionsainsi à la pointe mondiale en re-cherche et développement detechnologies énergétiques. Enrevanche, la passivité nous met-trait à la traîne des autres pays etnous obligerait à importer cestechnologies au prix fort. Aucunposte de travail ne serait créé enSuisse.

En Allemagne, une commission d’éthique accompagne la sortie du nucléaire. Elle doitévaluer le risque de l’énergie nucléaire pour la société et apporter son point de vue audébat. A l’inverse, en Suisse on se contente de marchander sur les chiffres.

La sortie du nucléaire: une question d’éthique

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Plan de transition duPS suisse1. Prendre la décision de principe desortie du nucléaire: une loi surl’abandon du nucléaire fixe l’arrêt etla désaffection ordonnée de toutesles centrales nucléaires. La Suissen’octroie aucune nouvelle autorisa-tion-cadre pour la construction decentrales nucléaires.

2. Permettre l’extension des énergiesrenouvelables: il faut augmenter lapart d’énergies renouvelables utili-sées pour la production d’électricitéen Suisse et à l’étranger. En 15 ans,dans notre pays, la production descentrales hydrauliques (36 térawatt-heures TWh) peut être complétéepar 20 TWh produits grâce au soleil,au vent, à la biomasse, à l’eau et à lagéothermie.

3. Imposer une meilleure efficienceénergétique: d’ici à 2025, la consom-mation électrique devra diminuer de12 TWh (soit 20% de la consomma-tion actuelle) grâce à l’améliorationde l’efficience énergétique.

Informations détaillées: www.sp-ps.ch/fre/Medias/Conferen-ces-de-presse/2011/Conference-de-presse-Notre-feuille-de-route-pour-sortir-du-nucleaire

La chancelière Angela Merkel a misen place sans hésiter une commis-sion d’éthique dès le début des dé-bats sur le nucléaire. Bien loin desgroupes de travail techniques suis-ses qui calculent des scénarios etélèvent les opinions des groupesénergétiques au rang d’avis d’ex-perts. La sortie du nucléaire est enAllemagne une question d’éthique,chez nous on marchande sur deschiffres, d’ailleurs immédiatementcontestés. La décision du Conseilfédéral de sortir du nucléaire n’apas été motivée par une analyseéthique. Ce sont plutôt les tableauxet les graphiques de térawattheu-res et de gigawattheures qui consti-tuent la grille de lecture de notrepolitique énergétique. Nous ris-quons d’aboutir à une argumenta-tion technocratique sans issue, carles hypothèses ne sont jamais quede simples conjectures. On a beauactualiser les scénarios, préciserdes postulats de prix et pointer lespossibilités, ces chiffres empêchentde formuler la question fondamen-tale pour la sortie du nucléaire.

Quels risques acceptons-nous?En matière d’énergie nucléaire, ils’agit d’une évaluation sociale desrisques que nous voulons bien ac-cepter. Et nous avons du mal à l’in-

tégrer, à force de térawattheures.En Suisse, les exploitants des cen-trales nucléaires ont toujours af-firmé que cette évaluation ne peutse faire qu’au travers d’un vote po-pulaire, ou bien qu’elle a été délé-guée à l’Inspection fédérale de lasécurité nucléaire (IFSN). La dis-cussion sociopolitique a été habile-ment orientée sur les térawatt-heures et les gigawattheures ensoulignant la notion de pénurie.L’affirmation selon laquelle l’IFSN«garantit» la sécurité des centralesnucléaires étouffe dans l’œuf le dé-bat social autour de la questionfondamentale de la sortie du nu-cléaire.

En Allemagne, on a décidé de neplus construire de nouvelles cen-trales nucléaires il y a déjà long-temps, et la commission recom-mande, pour des raisons éthiques,de ne laisser fonctionner les cen-trales que jusqu’à ce qu’un appro-visionnement moins dangereuxpuisse remplacer leur production.On a retiré du réseau 8,5 gigawattsconsidérés comme non indispen-sables. «Au cœur du conflit surl’énergie atomique s’affrontent desconceptions antagonistes sur lecomportement face à la possibilitéfondamentale d’un sinistre majeur,entraînant des dégâts présents etfuturs du fait des déchets radioac-tifs», écrit la commission. Deux po-sitions s’affrontent: l’une rejette to-talement l’énergie nucléaire, l’autreest plus tempérée. Elles ont étébien représentées au sein de lacommission. Peut-on alors trouverune position consensuelle? Unénoncé favorisant l’entente entre

par Eric Nussbaumer,conseiller national

les opposants à l’énergie atomiqueet ses partisans a été formulé:«D’un point de vue pratique, lesdeux positions de départ parvien-nent à la même conclusion concer-nant l’énergie atomique: il faut ar-rêter rapidement l’utilisation descentrales dès qu’on peut remplacerleur production par des énergiesprésentant moins de risques sur labase des tolérances écologique,économique et sociale.»

On revendique la voie lamoins risquéeLes scénarios techniques suissespour la sortie du nucléaire mon-trent des alternatives. Puisque c’estle cas, une comparaison des risquess’appuyant fortement sur l’éthiqueconclura que la société se doit dechercher, et de suivre, la voie pré-sentant le moins de risques. LeConseil fédéral et une majorité duConseil national ont reconnu la fai-sabilité des alternatives. Leur miseen place est cependant loin d’êtresimple et nécessite la participationde tous. Le point décisif réside dansla volonté de suivre rapidement lavoie la moins risquée – un mini-mum en matière d’orientation éthi-que.

Ici, une ère nouvelle a commencé depuis long-tempsPhotos de bâtiments à haute efficacité énergétique, avec label Minergie-P. Le standard Minergie-P est réservé auxconstructions particulièrement économes en énergie.

De gauche à droite: immeuble collectif sur le terrain de l’Eichgutà Winterthour, immeuble collectif à Liebefeld et école d’Eichmattà Hünenberg.

Nous l’affirmions depuis long-temps. Pour la première fois, leConseil fédéral le confirme: il estpossible de remplacer toute la pro-duction nucléaire par de l’électri-cité renouvelable indigène. L’es-sentiel sera fourni par l’éolien, labiomasse et le solaire. Il s’agiraaussi d’augmenter un peu la pro-duction hydroélectrique, en veil-lant à respecter les règles de pro-tection de la nature.

La moitié de la productionnucléaireSwissolar a proposé un scénariopermettant d’atteindre 20% decourant photovoltaïque d’ici 2025.A lui seul, le solaire remplaceraitainsi la moitié de la production nu-cléaire. Vu la baisse rapide descoûts d’installation du photovoltaï-que, les coûts ne serait plus trèsélevés: ils culmineraient à 2 ou 3 centimes par KWh en 2025, soitenviron 10% du prix de l’électricité.En 2025, nous estimons en effet quele photovoltaïque aura rejoint lesprix de gros de l’électricité.

Pour atteindre cet objectif, ils’agit, d’ici 2020, de multiplier par30 le rythme annuel d’installationde cellules photovoltaïques. L’exem-ple de l’Allemagne nous prouve que

c’est parfaitement possible: rap-porté au nombre d’habitants, elle adéjà atteint en 2010 un rythmed’installation 15 fois supérieur à laSuisse.

La principale différence entre laSuisse et l’Allemagne tient au sys-tème du RPC: en Allemagne, ellen’est pas plafonnée, contrairementà la Suisse. Grace à ce système effi-cace, les nouvelles énergies re-nouvelables y atteignent ensemblebientôt 20% de la production élec-trique, ce qui permettra à l’Allema-gne d’éteindre la dernière centralenucléaire en 2022 déjà.

Pas un plafond du RPC En Suisse, le PS avait obtenu l’an-née passé une première hausse duplafond (de 0,6 à 0,9 ct). Cette mo-deste augmentation a permis d’oc-troyer cet été le RPC à 2000 nou-veaux projets. Mais il en reste desmilliers en attente, et le systèmesera de nouveau engorgé dès 2012-2013. Vu la lenteur du processusparlementaire, le PS propose delancer immédiatement le déblo-cage du système, avant mêmel’adoption définitive de la sortie du nucléaire. Le travail de mise enœuvre de la sortie du nucléaire estcolossal, et il serait absurde de nerien faire d’ici à 2015 ou 2016. Orc’est ce qui menace en raison duplafond du RPC. A noter bien évi-demment que le déblocage du RPCdoit aussi bénéficier à toutes lesautres technologies, et pas seule-ment au solaire.

par Beat Jans, conseiller national

par Roger Nordmann,conseiller national etprésident de Swissolar

A côté des mesures d’efficacité, le renforcement du sys-tème de rachat à prix coutant (RPC) de l’énergie renouve-lable est indispensable pour valoriser ce potentiel.

Débloquer rapide-ment le soutien auxrenouvelables

Les entreprises électriques font peu de cas de l’efficacitéénergétique car une baisse de la consommation réduit leurs profits. Les objectifs d’économie obligatoires devraient changer cet état de fait.

Rappeler les fournis-seurs à leurs devoirs

soklar_3_11_f.qxp 4.8.2011 10:10 Uhr Seite 2