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Psychologie rganisations · 2013. 7. 30. · [email protected] Secrétaire de rédaction: Sébastien Germain [email protected] En cas de question sur un article en cours

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  • Psychologie du Travail

    et des Organisations Fondée en 1995 à l'initiative de Claude Lemoine et Michel

    Rousson, sous l'égide de l'Association Internationale de

    Psychologie du Travail de Langue Française, cette revue publie des

    articles originaux, des revues de questions, des comptes-rendus

    de recherches, y compris celles réalisées sur le terrain ou dans une

    perspective d'application. Elle présente également des comptes

    rendus d'ouvrages et des notes sur l'actualité du domaine.

    Audience

    Psychologie du Travail et des Organisations s’adresse aux

    enseignants, aux chercheurs et aux praticiens du domaine et à un

    plus vaste public : étudiants, responsables des ressources

    humaines, gestionnaires, ergonomes, médecins du travail…

    Objectifs

    Les thèmes principaux concernent les aspects individuels, psycho-sociaux et structurels du travail et des organisations. À titre d'exemples non exclusifs, on peut citer les questions portant sur : la gestion et le développement des ressources humaines (formation, compétences, innovation), l'organisation et l'évaluation des systèmes (changement, communication, climat), les articulations hommes-organisations-techniques (représentations, aspects culturels, négociation, coopération, style de direction), la santé (bien-être, conditions de travail, stress, risques, sécurité), l'environnement, les aspects psychologiques liés à l'emploi et au non emploi (sélection, orientation, évaluation des personnes, insertion, identité, implication), le rôle du psychologue (expertise, conseil, mode d'intervention), l'épistémologie, la méthodologie et la déontologie. La revue comporte environ 384 pages distribuées en 4 numéros par an. La revue publie régulièrement des numéros à thèmes. Les travaux doivent satisfaire aux critères de vérification scientifique.

  • Comité de rédaction:

    Directeur éditorial: Professeur Claude Lemoine

    (Université de Lille 3)

    [email protected]

    Rédacteur en chef : Professeur Jean-Luc Bernaud

    [email protected]

    Secrétaire de rédaction: Sébastien Germain

    [email protected]

    En cas de question sur un article en cours d’expertise ou de publication un projet de numéro thématique, contacter le rédacteur en chef. Il est à noter qu’un suivi et des relances des experts sont régulièrement menés. Il n’est donc pas souhaitable, pour ne pas engorger la rédaction, d’adresser des relances pour savoir où en est le processus d’expertise. En cas de question sur l’impression ou la mise en ligne des articles, les tarifs, les abonnements, contacter le secrétaire de rédaction.

    Membres du comité de rédaction: Bernard Gangloff (Université de Rouen)

    Dongo-Rémi Kouabenan (Université de Grenoble) André Savoie (Université de Montréal)

    Michel Rousson (Université de Neuchâtel) Christian Vandenberghe (HEC Montréal) Anne Marie Vonthron (Université Paris X, Paris Ouest-Nanterre)

    Comité scientifique:

    Miriam Aparicio (Université Nacional de Cuyo, Argentine) - Adalgisa

    Battistelli (Université de Montpellier, France) - Marc-Eric Bobillier

    Chaumon (Université de Lyon 2, France) - Jean-Sébastien Boudrias

    (Université de Montréal, Canada) - Pascale Desrumaux (Université de Lille

    3, France) - Annamaria Di Fabio (Université de Florence, Italie) - Bruno

    Fabi (Université de Trois-Rivières, Canada) - Pierre-Henri Francois

    (Université de Poitiers, France) - Patrick Gilbert (Université Paris I,

    France) - Christine Lagabrielle (Université de Bordeaux 2, France) -

    Claude Louche (Université de Montpellier, France) - Marcel Lourel

    (Université d'Arras, France) - Estelle Morin (HEC Montréal, Canada) -

    Sabine Pohl (Université Libre de Bruxelles, Belgique) - Nicole Rascle

    (Université de Bordeaux 2, France) - Alain Rondeau (Université de

    Montréal, Canada) - Pierre Salengros (Université Libre de Bruxelles,

    Belgique) - Philippe Sarnin (Université de Lyon 2, France) - Dirk Steiner

    (Université de Nice, France) - Michel Sylin (Université Libre de Bruxelles,

    Belgique) - Didier Truchot (Université de Franche-Comté, France) - Cécile

    Van de Leemput (Université Libre de Bruxelles, Belgique)

    PTO est indexée

    Thomson Reuter (Thomson Scientific - ISI) & INIST CNRS

    ©AIPTLF : Tous droits de traduction, de reproduction, et d’adaptation réservés

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]

  • 96

    Editorial

    Chers collègues lecteurs de PTO,

    La revue « Psychologie du Travail et des Organisations » a

    renouvelé ses comités scientifiques et de rédaction pour la période

    2012-2015. Vous trouverez sur le site Internet de la revue comme sur la

    version papier la liste actualisée de ces comités. Je tiens à saisir cette

    occasion pour adresser mes remerciements les plus sincères à tous ceux

    et celles qui ont accepté de s’engager dans un nouveau mandat, sans

    oublier les experts qui contribuent à maintenir l’excellence scientifique

    de la revue. Le travail de suivi éditorial des articles, comme chacun sait,

    demande un effort important et n’est sans doute pas suffisamment

    reconnu au niveau qu’il mériterait.

    Par ailleurs, c’est un nouveau numéro thématique que nous

    accueillons sur le sujet : « du conflit à l’enrichissement travail-famille :

    résultats et perspectives de recherche » coordonné par Marcel Lourel et

    Sylvie St-Onge. Il faut s’en réjouir et je vais brièvement en expliquer les

    raisons. La psychologie du travail et des organisations se veut vivante

    dans ses perspectives théoriques et ses méthodes. Cela suppose des

    efforts de renouvellements des thématiques et le développement

    d’applications qui nourriront positivement les organisations. Ce numéro

    spécial concilie pleinement ces aspirations. Il ouvre d’abord sur de

    nouvelles questions théoriques autour de l’articulation entre les

    domaines de vie, dans une perspective qui cherche à comprendre la

    complexité sans parti pris idéologique. D’autre part, il donne à entrevoir

    de nouvelles formes d’intervention qui s’intègrent pleinement à des

    politiques de prévention – champs où les psychologues sont

    particulièrement attendus. Ce thème de la conciliation est le bienvenu

    car sa transversalité est grande : il présente des répercussions aussi

    bien en matière de formation des adultes, de prévention des risques

    psychosociaux, d’accompagnement en cours de carrière ou de bilans de

    compétences.

    Pour ce deuxième numéro 2012, je vous souhaite une lecture

    attentive et utile, avec l’espoir de voir chacun y puiser pour le

    développement de sa pratique professionnelle.

    Jean-Luc BERNAUD

    Professeur des Universités au CNAM Paris

    Rédacteur en chef de la revue PTO

  • CONTENTS

    Éditorial p 96

    Introduction from Marcel Lourel & Sylvie St-Onge p 100 From Work-Family Conflict to Enrichment: Research Findings and Opportunities Isabelle Létourneau, Lise Chrétien p 102 & Marie-Ève Lécine

    Evaluation of Work-Life Balance Training: A Review and Research Agenda

    Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, p 122 Audrey Roquefort & Alexis le Blanc

    Registers and meanings of exchanges between life domains : the example of new social work managers

    Mouni Haoua Kouidri, Christine Roland-Levy p 142 & Sophie Berjot

    When gender is involved: Which balance between private and professional life ?

    Ariane Ollier-Malaterre p 160 Work-life enrichment research: A review

    and agenda for future research Yasmine Misantrope p 174

    Martinican’s identity and dynamic of conflict Claude Lemoine p 182

    Books analysis and books received

  • SOMMAIRE

    Éditorial p 96

    Introduction de Marcel Lourel & Sylvie St-Onge p 100 Du conflit à l’enrichissement travail-famille :

    résultats et perspectives de recherche

    Isabelle Létourneau, Lise Chrétien p 102 & Marie-Ève Lécine L’évaluation de la formation à l’harmonisation

    travail-vie personnelle : bilan et perspectives de recherché Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, p 122

    Audrey Roquefort & Alexis le Blanc Nature et significations des échanges entre domaines de vie : l’exemple des nouveaux cadres de l’Action Sociale

    Mouni Haoua Kouidri, Christine Roland-Levy p 142 & Sophie Berjot

    Quand le genre s’en mêle: quelle conciliation entre vie professionnelle et vie privée ?

    Ariane Ollier-Malaterre p 160

    L’enrichissement entre vie professionnelle et vie personnelle : revue et programme de recherché

    Yasmine Misantrope p 174 Identite martiniquaise et dynamique du conflit

    Claude Lemoine p 182 Analyses d'ouvrages et livres reçus

  • 99

  • PTO – vol 18 – n°2

    100

    Introduction de l'ouvrage

    Du conflit à l’enrichissement travail-famille : résultats et

    perspectives de recherche

    From Work-Family Conflict to Enrichment: Research

    Findings and Opportunities

    Marcel LOUREL*, Sylvie ST-ONGE**

    *Professeur de psychologie – santé et travail

    Laboratoire RECIFES - EA4520

    IUFM Nord-Pas de Calais, école interne de l'université d'Artois

    Campus universitaire du Mont Houy

    BP 90357 - 59304 FAMARS Cedex

    Courriel : [email protected]

    **Professeure titulaire de management

    HEC Montréal

    Service de l’enseignement du management,

    3000, chemin de la Côte Ste-Catherine

    Montréal (Québec). Canada

    H3T 2A7

    Contact : [email protected]

    L’idée de temps de travail et de temps personnel résulte d’une

    évolution sociale, culturelle et juridique qui ne va pas de soi. Encore

    aujourd’hui, le modèle social dominant fixe d’ailleurs ce qui de l’ordre du

    temps contraint (temps au travail) de ce qui touche au temps extérieur à

    l’organisation dit « temps libre ».

    C’est pourquoi les domaines de vie au travail et de vie privée sont, à plus

    d’un titre, des éléments majeurs d’un débat social où la juxtaposition des

    domaines de vie semble davantage relever d’un « conflit » à gérer, ou tout au

    mieux d’un « compromis » à trouver (voir Lourel, 2008) que d’un échange

    de nature systémique ou encore d’un enrichissement entre les deux sphères

    de vie.

    À ce jour, la quasi-totalité des chercheurs ont analysé l’arrimage

    entre le travail et la vie personnelle en privilégiant une perspective

    conflictuelle, le travail et la famille étant associés à des conflits de rôles au

    niveau du temps, des efforts que des comportements. Sous ce rapport, la

    contribution de Létourneau, Chrétien et Lécine fait état d’une revue critique

    et ambitieuse de la littérature ayant trait à l’évaluation des dispositifs de

    formation en faveur de l’harmonisation des temps de vie au travail et hors

    travail. Cette étude montre l’intérêt d’offrir une formation de qualité via un

    mailto:[email protected]:[email protected]

  • PTO – vol 18 – n°2

    101

    dispositif innovant (HTVP), qui plaide en faveur de l’harmonisation des

    temps au sein des organisations. Selon la perspective du conflit travail-

    famille, les exigences professionnelles et familiales sont jusqu’à un certain

    point incompatibles, faisant en sorte que l’implication dans un rôle rend

    difficile l’implication dans un autre. Grâce à la multitude des recherches qui

    ont été menées sur le sujet, nous savons aujourd’hui que le conflit travail-

    famille a des effets négatifs importants tant pour les travailleurs que pour

    les employeurs et qu’il peut être compris et minimisé en intervenant auprès

    des déterminants relevant tant de la personne, de son travail, de sa famille,

    de son organisation et du degré de socialisation du sujet. Dans cet ordre

    d’idées, l’étude de Martin, Mègemont, Roquefort et Le Blanc se réfère à un

    modèle de socialisation active des nouveaux cadres dans le secteur de

    l’Action Sociale. Ce travail montre que la signification des liens entre les

    domaines de vie oriente la structure et l’organisation des échanges au même

    titre que les dialogues avec autrui.

    Pour sa part, l’étude de Kouidri, Berjot et Roland-Levy a été réalisée

    auprès d’un échantillon de 240 répondants. Elle montre que la conciliation

    s’articule autour d’une matrice qui lie conflit et enrichissement. Cette étude

    révèle que l’ajustement congruent (principe de domination masculine) des

    facteurs de sexe, de genre et de niveau statutaire des répondants semble

    protéger les salariés, tandis qu’un ajustement dysfonctionnel est délétère en

    particulier pour les femmes salariées.

    Récemment, des chercheurs ont toutefois proposé d’étudier

    l’articulation entre les vies professionnelle et familiale en adoptant une

    perspective dite de « l’enrichissement » selon laquelle la participation à

    certains rôles génère des ressources qui peuvent servir dans d’autres rôles.

    Greenhaus et Powell (2006, p.72) définissent l’enrichissement travail-

    famille comme étant l’étendue avec laquelle les expériences dans un rôle

    améliorent la qualité de vie dans un autre rôle. C’est dans cette perspective

    d’enrichissement que se situe la contribution d’Ollier-Malaterre. L’auteure y

    développe une dialectique approfondie à partir des travaux les plus récents

    en la matière. Si la perspective conflictuelle a permis d’expliquer une partie

    de la réalité, tant les dirigeants, les cadres que les employés gagnent

    dorénavant à étudier et à mieux exploiter le caractère énergisant ou

    enrichissant de l’articulation travail-famille. Ollier-Malaterre montre

    combien le caractère énergisant est notamment relié à l’implication, la

    satisfaction ou à la notion de soutien social.

    Nous tenons à remercier vivement les contributeurs pour la qualité

    des travaux. Nous remercions également et chaleureusement les experts pour

    la finesse de leurs analyses.

  • PTO – vol 18 – n°2

    102

    L’évaluation de la formation à l’harmonisation travail-

    vie personnelle : bilan et perspectives de recherche

    Evaluation of Work-Life Balance Training: A Review

    and Research Agenda

    Isabelle LÉTOURNEAU*, Lise CHRÉTIEN** & Marie-Ève LÉCINE*

    * Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université Laval,

    Pavillon Palasis-Prince, bureau 2326, 2325 rue de la Terrasse, Québec, Québec,

    Canada, G1V 0A6.

    [email protected] et [email protected]

    ** Département de management de l’Université Laval, Pavillon Palasis-Prince,

    bureau 1507, 2325 rue de la Terrasse, Québec, Québec, Canada, G1V 0A6

    [email protected]

    Résumé Cet article propose une revue de la littérature des études portant sur l’évaluation de

    la formation à l’harmonisation travail-vie personnelle (laquelle inclut la conciliation

    travail-famille). Une recherche dans 43 bases de données a permis d’identifier 17

    articles pertinents publiés dans des revues avec comité de lecture. Les études sont

    analysées en fonction de leurs principales caractéristiques (design, échantillon,

    intervention, résultats, etc.). Il en ressort notamment qu’offrir une formation à

    l’HTVP est profitable pour les personnes en emploi et les managers. Un regard

    critique est porté sur les qualités méthodologiques des études. Des avenues de

    recherche qui gagneraient à être empruntées sont présentées en conclusion dont,

    entre autres, l’importance de mener des recherches comparatives et d’adopter des

    protocoles quasi-expérimentaux et expérimentaux.

    Abstract The present article offers a review of the literature evaluating work-life balance

    training (which includes work-family balance training). The research, spanning over

    43 databases, allowed the identification of 17 pertinent peer-reviewed articles. The

    selected studies are analysed in light of their main characteristics (design, sample,

    intervention, outcomes, etc.). The analysis shows that the offering of work-life

    balance training benefits both employees and managers. The methodological

    presuppositions and limitations of the selected studies are then critically examined.

    Lastly, possible topics for further research, such as the importance of conducting

    comparative researches and of adopting quasi-experimental and experimental

    protocols, are suggested in manner of conclusion.

    Mots-clés : conciliation travail-famille, évaluation, formation, intervention, effets

    Keywords : work-life balance, evaluation, training, intervention, outcomes

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    103

    1. Introduction

    Depuis plusieurs décennies, les praticiens encouragent vivement la

    formation à l’harmonisation travail-vie personnelle (HTVP) – laquelle inclut

    la conciliation travail-famille, l’équilibre emploi-vie privée, l’articulation vie

    professionnelle et vie hors travail, etc. – comme moyen de promouvoir la

    santé publique et organisationnelle, de même que la performance des

    entreprises. Des livres, guides, coffrets et séminaires de formation sont

    apparus au fil des ans dans le but de répondre aux besoins exprimés par les

    personnes en emploi et les employeurs d’être mieux soutenus dans

    l’apprentissage de la pratique efficace de l’HTVP (Adams, 2003; Caillaud,

    2008; Clutterbuck, 2003; Friedman et al., 1998; OPE, 2010; Spinks, 1998;

    WFC Resources, 2009). Le temps, l’énergie et l’argent investis dans la

    formation à l’HTVP sont-ils profitables ? Au fond, que sait-on vraiment de

    la formation à l’HTVP et de l’évaluation de son efficacité ? Qu’en est-il de

    la rigueur des études de ce champ de recherche en pleine émergence ?

    Quelles autres voies de recherche mériteraient d’être explorées ? Afin de

    répondre à ces questions, une revue de la littérature sur l’évaluation de la

    formation à l’HTVP a été réalisée. Il s’agit d’ailleurs de la toute première

    effectuée sur ce sujet. Les articles retenus sont analysés en fonction de leurs

    principales caractéristiques (le design des études, leurs échantillons, leurs

    types d’intervention, leurs instruments de mesure et leurs analyses des

    données, ainsi que leurs principaux résultats). L’interprétation des résultats

    de la revue de la littérature porte un regard critique sur les qualités

    méthodologiques des articles. La conclusion présente les avenues de

    recherche qui mériteraient d’être explorées.

    2. Méthode

    Cette section détaille les stratégies de recherche utilisées pour

    identifier les articles portant sur l’évaluation de la formation à l’HTVP et les

    critères d’inclusion des études dans la revue de la littérature. Or, comme le

    soulignent Brough et O’Driscoll (2010, p. 280), « the published literature on

    organizational interventions to improve work-life balance is extremely

    sparse »1, et ce, tout spécialement lorsque les interventions sont de l’ordre de

    la formation. Une recherche étendue et en profondeur a donc dû être menée

    pour parvenir à une collecte intéressante d’articles. Une première revue de la

    littérature fut effectuée en mai 2010 dans 34 bases de données. Celle-ci a

    permis d’identifier 8 articles académiques pertinents. En juillet 2011, la

    revue de la littérature fut mise à jour et étendue à 9 bases de données

    supplémentaires. Au total, 43 bases de données en administration,

    1 « (…) la littérature publiée traitant des interventions organisationnelles visant à

    améliorer l’équilibre travail-vie personnelle est extrêmement rare (…). »

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    104

    management, gestion des ressources humaines, relations industrielles,

    éducation, sciences sociales, psychologie et médecine ont été consultées :

    Scholars Portal Search (laquelle inclut 26 bases de données en sciences

    sociales dont, entre autres, ABI/INFORM, E-Journals, ERIC, Family

    Studies, Human Resources Abstracts, Proquest Research Library,

    PsycARTICLES, PsycINFO, Social Sciences Abstracts, Sociological

    Abstracts), Web of Knowledge (laquelle inclut 4 bases de données : Web of

    Science, Medline, BIOSIS Previews et Journal Citation Reports), Business

    Abstracts, Business and Management, Business Source Premier, Education

    Full Text, Educational Research Abstracts, Ergonomics Abstracts, Embase,

    Industrial Relations and Human Resources, Occupational Therapy, Project

    Muse, Scopus, Érudit et Famili@. La recherche dans les bases de données

    fut menée en français et en anglais. Aucune limite ne fut imposée quant à la

    date de publication des articles, ce qui veut dire que tous les articles publiés

    antérieurement à juillet 2011 ont été considérés. La recherche fut limitée

    quant au type de documents afin de n’inclure que les articles publiés dans les

    revues à comité de lecture (peer-reviewed journals). Une liste de mots-clés

    fut établie afin d’identifier les articles pertinents, c’est-à-dire ceux se

    trouvant à l’intersection entre la « formation », l’ « HTVP »,

    l’ « évaluation » et les « résultats » (Tableau 1). Les mots-clés furent

    combinés entre eux au moyen d’opérateurs booléens (« ET », « AND »,

    « OU » et « OR »). Les mots-clés ont principalement été utilisés dans les

    champs de recherche suivants : « titre / title » et « résumé / abstract ». Les

    articles trouvés au moyen des mots-clés furent ensuite examinés un à un afin

    d’évaluer la pertinence pour la recherche. Plusieurs ont dû être éliminés

    parce qu’ils ne concernaient pas l’expérimentation d’une formation, une

    formation ayant trait (en totalité ou en partie) à l’HTVP, une évaluation de

    cette formation ou les résultats de l’évaluation de cette formation à l’HTVP.

    Le processus de sélection permit d’identifier 17 articles, tous publiés en

    anglais, à inclure dans la revue de la littérature.

    Tableau 1 : Mots-clés utilisés pour la revue de la littérature

    Mots-clés

    Formation « formation » ou « intervention » ou « éducation » ou « training » ou

    « coaching » ou « mentoring » ou « mentorat » ou « counseling » ou

    « guidance » ou « learning », etc.

    HTVP « conciliation » ou « équilibre » ou « articulation » ou

    « harmonisation » ou « balance » ou « conflit » ou « conflict » ou

    « enrichissement » ou « enrichment » ou « enhancement » ou « fit »

    et « travail » ou « emploi » ou « vie professionnelle » ou « work » et

    « famille » ou « vie » ou « vie personnelle » ou « vie privée » ou

    « vie hors travail » ou « family » ou « life » ou « home », etc.

    Évaluation « évaluation » ou « evaluation » ou « mesure » ou « efficacité » ou

    « efficacy » ou « effectiveness », etc.

    Résultats « résultats » ou « effets » ou « impacts » ou « outcomes », etc.

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    105

    Les articles sélectionnés rencontrent quatre critères fondamentaux.

    Ils portent sur la formation, c’est-à-dire sur des efforts planifiés pour faciliter

    l’apprentissage de compétences spécifiques telles que des savoirs, des

    habiletés ou des comportements spécialisés nécessaires à la réussite d’une

    activité dans un environnement particulier (Robson et al., 2010, p. 4). Cette

    formation peut prendre de multiples formes : cours en classe, tutoriel en

    ligne, coaching individuel ou de groupe, mentorat, atelier de discussion, etc.

    Elle doit cependant porter sur un ou des aspects de l’HTVP. En ce sens, la

    formation vise à faire comprendre ce qu’est l’HTVP, à sensibiliser aux

    enjeux de l’HTVP ou à outiller les apprenants afin qu’ils puissent mieux

    pratiquer l’HTVP (en les initiant à diverses stratégies telles la gestion du

    temps, des émotions ou du stress, l’adoption de comportements plus

    efficaces au bureau ou à la maison, l’art de demander du soutien à

    l’employeur ou aux proches, etc.). La définition de l’HTVP retenue pour la

    revue de la littérature est ainsi très large et comprend toutes les interactions

    positives et négatives entre les rôles qu’un individu peut avoir à jouer dans

    sa vie professionnelle et personnelle (Brough & O’Driscoll, 2010). En outre,

    la formation à l’HTVP doit avoir fait l’objet d’une évaluation quantitative

    (avec des instruments de mesure) ou qualitative (fondée sur les témoignages

    des participants ou les observations participatives des chercheurs) de son

    efficacité. Les articles sélectionnés décrivent donc une ou plusieurs

    expérimentations et les résultats de celles-ci. Enfin, les impacts de la

    formation doivent être en lien avec l’HTVP. D’une façon générale, ils

    doivent montrer une augmentation ou une diminution des interactions

    négatives (perspective du conflit) ou positives (perspective de

    l’enrichissement) entre le travail et la vie personnelle. Plus spécifiquement,

    ils peuvent mettre en évidence des retombées sur certains aspects du travail

    ou de la vie personnelle comme la productivité, le nombre d’heures de

    travail, le niveau d’énergie, la santé physique et psychologique, les tensions

    liées à des rôles professionnels et personnels, la satisfaction quant au travail

    et à la vie familiale, etc.

    3. Résultats

    Le Tableau 2 présente une synthèse des principaux résultats de la revue de la

    littérature. La prise en compte des caractéristiques des études sélectionnées

    permet de déterminer ce qui est connu de la formation à l’HTVP et de

    l’évaluation de son efficacité. La présentation des résultats est

    essentiellement descriptive.

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    106

    Tableau 2 : Synthèse des principaux résultats de la revue de la littérature

    Auteurs

    (année)

    Design des

    études

    (échantillon)

    Interventions Principaux

    résultats

    Ascentia

    (2005a)

    Étude de cas

    (n = 1 manager)

    Coaching

    individuel

    pendant 6 mois.

    À la dernière rencontre de coaching,

    le participant a noté une

    augmentation de son énergie et de

    son désir de réussite de 50 %, une

    augmentation de sa productivité de

    35 % et de celle de son équipe de

    25 % à 60 %.

    Ascentia

    (2005b)

    Étude de cas

    (n = 1 groupe de

    managers)

    Coaching de

    groupe pendant 4

    mois.

    À la fin de l’intervention, les

    participants travaillant

    régulièrement en temps

    supplémentaire ont noté une

    réduction de 4h à 15h de travail par

    semaine. Les participants ont aussi

    constaté qu’ils utilisent de nouveaux

    comportements (liés à la délégation,

    au leadership ou au fait de

    déterminer ce qui est important) de

    30 à 50 % du temps.

    Beauchamp,

    Irvine,

    Seeley &

    Johnson

    (2005)

    Design

    expérimental avec

    pré-test, post test,

    groupe témoin et

    échantillon

    aléatoire

    (n = 299 proches

    aidants en emploi)

    Programme

    multimédia de

    soutien sur

    Internet.

    Temps total

    moyen

    d’utilisation du

    site Internet :

    32.2 minutes.

    30 jours après la première visite du

    site Internet, les participants du

    groupe expérimental ont démontré

    une amélioration significative au

    niveau de la dépression, de

    l’anxiété, du stress, des tensions

    relatives au fait de fournir des soins,

    de l’auto-efficacité et de l’intention

    de demander du soutien, ainsi que

    de la perception d’aspects positifs

    quant au rôle de proche aidant.

    Bedell

    (2008)

    Projet pilote avec

    pré-test et post-

    test

    (n = 53

    chercheurs

    d'emploi atteint

    du VIH/SIDA)

    Programme de

    formation en

    classe (incluant

    des cours

    magistraux, des

    discussions et des

    activités). Durée :

    1h30, 2 fois par

    semaine, pendant

    7 semaines.

    3 à 5 mois après l’intervention, la

    dimension moyenne de l’effet

    (effect size) est faible à modérée

    quant à l’habileté perçue à équilibrer

    la santé, le travail et la vie

    quotidienne.

    Cahan,

    Larkin,

    Starr et al.

    (2010)

    2 projets pilotes :

    l’un avec post-test

    et groupe témoin

    (quasi-

    équivalents),

    l’autre avec pré-

    Programme de

    formation en

    classe, dont 60

    minutes

    spécifiquement

    sur l’équilibre

    Projet pilote 1 : le groupe témoin

    montre une amélioration de

    l’équilibre travail-vie personnelle

    plus importante que le groupe

    expérimental.

    Projet pilote 2 : aucune amélioration

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    107

    test et post-test

    (n = 148 étudiants

    de 3e année en

    médecine)

    travail-vie

    personnelle

    (donné en cours

    magistral).

    significative de l’équilibre travail-

    vie personnelle.

    Doherty &

    Manfredi

    (2006)

    Recherche-action

    (n = 51 managers

    d’une université)

    Ateliers avec

    discussion sur 2

    études de cas

    portant sur le

    travail flexible

    (chaque manager

    n’a participé qu’à

    un seul atelier).

    Les ateliers avec les managers sont

    l’un des facteurs pouvant contribuer

    au développement d’une culture

    organisationnelle plus favorable à

    l’équilibre travail-vie personnelle.

    Cependant, davantage doit être fait

    pour encourager les managers à faire

    confiance à leur personnel (en ce qui

    a trait à la flexibilité du travail) et à

    adopter un style de management

    participatif.

    Dutta,

    Hawkes,

    Kuipers et

    al. (2011)

    Projet pilote avec

    pré-test et post-

    test (n = 46

    femmes occupant

    des postes

    académiques et 39

    mentors)

    Mentorat : de 4 à

    12 rencontres

    pendant 1 an.

    Après une année de mentorat, on

    note une diminution plus prononcée

    de l’interférence du travail sur la

    famille qu’après 6 mois.

    Goeke,

    Klein,

    Garcia-Reid

    et al. (2011)

    Recherche-action

    (n = 6 femmes

    occupant des

    postes

    académiques)

    Groupe de

    mentorat par les

    pairs axé sur des

    tâches (task-

    centered peer-

    mentoring

    group) :

    rencontres

    mensuelles de 2h

    pendant 1 an.

    Les participantes ont été capables de

    se soutenir dans leur choix de

    préserver leur engagement envers

    l’équilibre travail-vie personnelle :

    d’accroître la productivité au travail,

    sans sacrifier l’équilibre travail-vie

    personnelle. Les discussions

    ouvertes ont, entre autres, permis de

    remettre en question la culture de

    silence existant autour de l’équilibre

    travail-vie personnelle dans le

    monde académique.

    Green &

    Skinner

    (2005)

    Projet pilote avec

    post-test et suivi.

    (n = 38 employés

    d’un corps

    policier et 2

    managers)

    Programme de

    formation en

    classe d’une

    journée.

    3 mois après l’intervention, les

    participants montrent une

    amélioration significative de leur

    équilibre travail-vie personnelle. Les

    témoignages des managers,

    recueillis de 3 à 7 mois après

    l’intervention, corroborent les

    résultats obtenus auprès des

    participants.

    Kossek &

    Hammer

    (2008)

    Design quasi-

    expérimental avec

    pré-test, post-test,

    suivi et groupe

    témoin (aucune

    information sur le

    caractère aléatoire

    ou non de

    l’échantillon)

    (n = des

    Séance avec un

    tutoriel en ligne

    (30-45 minutes)

    et une discussion

    individuelle en

    personne (de 75

    minutes) avec un

    formateur.

    Quelques semaines après

    l’intervention, les personnes en

    emploi ont perçu une amélioration

    significative de leur santé en

    général, de leur satisfaction au

    travail, de leur désir de se soumettre

    aux règles de sécurité en milieu de

    travail et du soutien de leur

    superviseur en matière d’HTVP.

    Avant l’intervention, les

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    108

    douzaines de

    superviseurs de

    supermarchés et

    des centaines de

    leurs employés)

    superviseurs se percevaient

    généralement plus soutenants en

    matière d’HTVP que ne les

    percevaient leurs subordonnés.

    Après l’intervention, une réduction

    de cet écart a été observée.

    Liossis,

    Shochet,

    Millear &

    Biggs

    (2009)

    Design quasi-

    expérimental avec

    pré-test, post-test,

    suivi et groupe

    témoin (non

    équivalent)

    (n = 28 personnes

    en emploi d’une

    organisation

    publique et 98

    diplômés

    universitaires)

    Programme de

    formation en

    classe.

    Durée : 1h30 par

    semaine pendant

    7 semaines.

    Au post-test, les participants du

    groupe expérimental ont perçu une

    plus grande augmentation de leur

    efficacité, de leur satisfaction

    familiale, de l’ajustement et de

    l’équilibre entre leur travail et leur

    vie personnelle, ainsi qu’une plus

    grande diminution des

    débordements négatifs de leur

    famille sur leur travail que les

    individus du groupe témoin. Lors du

    suivi (6 mois après l’intervention),

    l’équilibre travail-personnelle des

    participants du groupe expérimental

    a été considérablement renforcé et

    leurs débordements négatifs travail-

    famille (bidirectionnels) a été

    réduits.

    Millear,

    Liossis,

    Shochet

    Biggs &

    Donald

    (2008)

    Design quasi-

    expérimental avec

    pré-test, post-test,

    suivi et groupe

    témoin (non

    équivalent)

    (n = 28 personnes

    en emploi d’une

    entreprise privée

    et 71 diplômés

    universitaires)

    Programme de

    formation en

    classe.

    Durée : 1h par

    semaine pendant

    11 semaines.

    Au moment du suivi (7 mois après

    l’intervention) les participants du

    groupe expérimental ont montré un

    maintien des améliorations notées

    dans le post-test quant à leur

    efficacité et à leur niveau de stress et

    de dépression, ainsi qu’une

    augmentation plus importante de

    leur ajustement travail-vie personnel

    que les participants du groupe

    témoin.

    Petridou &

    Glaveli

    (2008)

    Étude de cas avec

    post-test

    (n = 167 femmes

    entrepreneures de

    20 coopératives)

    Programme de

    formation de 4

    semaines (120h)

    en classe,

    comprenant des

    modules sur

    l’équilibre

    travail-famille.

    3 mois après l’intervention, les

    participantes ont perçu une

    influence positive du programme de

    formation sur leur équilibre travail-

    famille, soit une diminution du

    stress lié au travail, une

    augmentation du temps voué à la

    famille et, donc, une amélioration de

    la gestion du conflit travail-famille.

    Richardson,

    Ainsworth,

    Allison et

    al. (2008)

    Recherche-action

    (n = 6 consultants

    du domaine de la

    santé)

    Groupe de

    formation-action

    (action learning

    set). Rencontres

    bimensuelles

    pendant 9 mois.

    Soutien d’un

    Les discussions furent une occasion

    pour les participants de réfléchir sur

    leurs pratiques professionnelles,

    leurs priorités et les limites entre le

    travail et la vie personnelle, de

    même que d’affronter des questions

    relatives à leur charge de travail et

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    109

    facilitateur pour

    quelques

    rencontres

    individuelles et

    de groupe.

    aux obstacles les empêchant

    d’équilibrer leur travail et leur vie

    personnelle. Les réponses recueillies

    grâce au questionnaire (9 mois après

    le début de l’intervention) montrent

    que les participants sont d’avis

    qu’ils ont réussi à équilibrer leur

    travail et leur vie personnelle.

    Tennant &

    Sperry

    (2003)

    Étude de cas.

    (n = 3 managers)

    Counseling

    individuel : 3

    rencontres

    obligatoires et

    des rencontres de

    suivi au besoin.

    Durée : 6 mois.

    Après 6 mois à mettre en œuvre les

    recommandations, tous les

    participants étaient satisfaits de leur

    progrès et notaient une amélioration

    considérable de leur équilibre

    travail-famille.

    Wales

    (2003)

    Étude de cas avec

    post-test

    (n = 16 managers

    d’une institution

    financière)

    Coaching

    individuel : 1h

    chaque 2

    semaines pendant

    1 an.

    Les participants assument davantage

    leurs décisions concernant leur

    équilibre travail-vie personnelle. Ils

    sont plus proactifs dans la gestion

    des rôles qu’ils jouent. En

    améliorant leur équilibre travail-vie

    personnelle, les participants gagnent

    en confiance et deviennent

    davantage capables de gérer

    efficacement leurs difficultés au

    travail et à la maison.

    Wilson,

    Polzer-

    Debruyne,

    Chen &

    Fernandes

    (2006)

    Recherche

    comparative avec

    design quasi-

    expérimental :

    pré-test, post-test

    et groupe témoin

    (non équivalent)

    (n = 503 hommes

    travaillant de soirs

    ou de nuits dans

    des usines)

    Programme de

    formation en

    classe de 2 demi-

    journées.

    Groupe témoin :

    formation sans le

    module sur

    l’HTVP. Groupe

    expérimental 1 :

    formation avec le

    module sur

    l’HTVP. Groupe

    expérimental 2 :

    formation avec le

    module sur

    l’HTVP et la

    présence du

    conjoint.

    Même si les 3 groupes notent (6

    mois après l’intervention) une

    réduction du conflit travail-famille,

    celle-ci est beaucoup plus marquée

    pour le groupe expérimental 2. En

    ce qui a trait au conflit famille-

    travail, le groupe contrôle présente

    une légère augmentation, le groupe

    expérimental 1 révèle une très légère

    diminution et le groupe

    expérimental 2 montre une

    réduction importante. Le nombre de

    commentaires positifs sur les

    interactions travail-vie familiale a

    davantage augmenté et le nombre de

    commentaires négatifs sur ces

    interactions a davantage diminué

    dans le groupe expérimental 2 que

    les autres groupes.

    3.1 Auteurs et année de publication

    La grande majorité des auteurs des études incluses dans la revue de

    la littérature sont des chercheurs affiliés à des universités. Ceux qui ne le

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    110

    sont pas peuvent être motivés à publier en raison d’intérêts financiers liés à

    la commercialisation des formations qu’ils offrent : Ascentia (2005a et

    2005b), Beauchamp et al. (2005) et Wales (2003). Le premier auteur est une

    corporation spécialisée dans le coaching de cadres d’entreprises, les seconds

    sont affiliés à une organisation qui vend des programmes de formation pour

    le bien-être et la productivité des personnes en emploi et le troisième est une

    coach de cadres d’entreprises. On notera également deux articles où les

    auteurs agissent également à titre de participants à la recherche : Goeke et al.

    (2011) et Richardson et al. (2008). Leurs résultats de recherche sont donc

    fondés sur l’auto-observation et l’auto-analyse.

    La considération des dates de publication des articles nous apprend

    que les études sont très récentes. Ce champ de recherche qu’est l’évaluation

    de la formation à l’HTVP est en pleine émergence. Les 2 premières études

    sur le sujet ont été publiées en 2003. Se sont ajoutés depuis 4 articles en

    2005, 2 articles en 2006, 5 articles en 2008, 1 article en 2009, 1 article en

    2010 et 2 articles au cours des 6 premiers mois de 2011.

    3.2 Design des études

    Environ 70 % des études suivent des protocoles de recherche pré-

    expérimentaux. On dénombre, en effet, 5 études de cas (Ascentia, 2005a et

    2005b; Petridou & Glaveli, 2008; Tennant & Sperry, 2003; Wales, 2003), 3

    recherches-actions (Doherty & Manfredi, 2006; Goeke et al., 2011;

    Richardson et al., 2008) et 4 projets pilotes (Bedell, 2008; Cahan et al.,

    2010; Dutta et al., 2011; Green & Skinner, 2005). Le champ de recherche de

    l’évaluation de la formation à l’HTVP étant nouveau, il est normal que les

    premières études soient de nature exploratoire. Du point de vue de la rigueur

    scientifique, 4 études se démarquent en suivant des protocoles quasi-

    expérimentaux avec pré-test, post-test et groupe témoin (Kossek & Hammer,

    2008; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008; Wilson et al., 2006). Une

    seule étude peut être qualifiée d’expérimentale, au sens propre du terme,

    puisqu’elle inclut un pré-test, un post-test, un groupe témoin et un

    échantillon aléatoire (Beauchamp et al., 2005). On ne compte, enfin, qu’une

    seule étude comparative, laquelle évalue différents types de formation à

    l’HTVP (Wilson et al., 2006).

    3.3 Échantillon et provenance

    La majorité des recherches portent sur des échantillons composés de

    personnes en emploi. Cette expression est à prendre au sens large, car elle

    inclut des employés (Beauchamp et al., 2005; Dutta et al., 2011; Goeke et

    al., 2011; Green & Skinner, 2005; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008;

    Richardson et al., 2008; Wilson et al., 2006), des chercheurs d’emploi

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    111

    (Bedell, 2008), des étudiants en médecine en stage dans des hôpitaux (Cahan

    et al. 2010) et aussi des managers et des entrepreneurs qui cherchent à

    améliorer leur propre HTVP (Ascentia 2005a et 2005b; Petridou & Glaveli,

    2008; Tennant & Sperry, 2003; Wales, 2003). Quelques recherches

    s’intéressent plus spécifiquement aux managers dans la mesure où ceux-ci

    sont appelés à superviser des personnes en emploi aux prises avec des

    difficultés d'HTVP (Doherty & Manfredi, 2006; Kossek & Hammer, 2008).

    La taille des échantillons varie de 1 à 503 individus. Pour près de la

    moitié des études, les échantillons ne dépassent pas 50 individus. Il faut

    toutefois distinguer les participants formés des participants sondés, car tous

    les participants formés ne sont pas nécessairement sondés. Dans certains cas,

    des participants se sont désistés pendant l’étude (Liossis et al., 2009; Millear

    et al., 2008). Dans d’autres cas, il n’a tout simplement pas été possible de

    rejoindre tous les participants formés pour les enjoindre de répondre au

    questionnaire post-test (Bedell, 2008) ou bien quelques-uns d’entre eux ont

    refusé d’y répondre (Dutta et al., 2011; Liossis et al., 2009; Millear et al.,

    2008; Petridou & Glaveli, 2008). Dans l’étude de Wilson et al. (2006), ce ne

    sont pas tous les participants formés qui ont été retenus pour le post-test,

    mais seulement ceux avec un conjoint ou une famille. L’étude de Green &

    Skinner (2005) et celle de Kossek & Hammer (2008) présentent une

    particularité : les personnes sondées ne sont pas exclusivement celles qui ont

    été formées. Dans la première, les données recueillies auprès des personnes

    en emploi sont comparées aux témoignages de leurs managers. Dans la

    seconde, des managers ont été formés, mais ce sont leurs subordonnés qui

    ont été sondés.

    En ce qui a trait à la provenance des échantillons, on notera que

    47 % des études ont été menées en Europe (7 au Royaume-Uni et 1 en

    Grèce), 35 % en Amérique (soit 6 études aux États-Unis) et 18 % en

    Océanie (2 études en Australie et 1 en Nouvelle-Zélande).

    3.4 Interventions

    Une portion significative des études a testé des programmes de

    formation en classe pour les personnes en emploi (Bedell, 2008; Cahan et

    al., 2010; Green & Skinner, 2005; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008;

    Petridou & Glaveli, 2008; Wilson et al., 2006). Selon les différentes

    recherches, la durée des cours offerts varie d’une journée à un mois intensif.

    Il faut toutefois souligner que ce n’est généralement pas le programme en

    entier qui porte spécifiquement sur l’HTVP, mais bien un ou quelques

    modules de cours. Tous les programmes incluent des cours magistraux et

    certains proposent aussi des discussions et des activités avec les participants.

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    112

    Du côté de la formation des personnes en emploi à l’HTVP sous la

    forme de l’accompagnement de groupe, les études ont testé une journée de

    coaching de groupe (Ascentia, 2005b), un groupe de mentorat par les pairs

    axé sur la réalisation de tâches (task-centered peer-mentoring group) avec

    des rencontres mensuelles de 2h pendant 1 an (Goeke et al., 2011) et un

    groupe de formation-action (action learning set) avec des rencontres

    bimensuelles pendant 9 mois (Richardson et al., 2008).

    En ce qui concerne la formation des personnes en emploi à l’HTVP

    prenant la forme de l’accompagnement individuel, les études ont évalué le

    coaching individuel (Ascentia, 2005a; Wales, 2003), le mentorat (Dutta et

    al., 2011) et le counseling (Tennant & Sperry, 2003) sur une période allant

    de 6 mois à 1 an.

    Une seule étude publiée propose un programme d’autoformation multimédia

    sur Internet (Beauchamp et al., 2005). Le programme a spécialement été

    conçu pour les personnes en emploi qui fournissent des soins à des proches

    atteints de démence. Il propose des vidéos interactives en ligne qui donnent

    des informations sur la démence et présentent des stratégies émotionnelles,

    cognitives et comportementales pour aider le soignant à mieux assumer ses

    responsabilités quotidiennes.

    Pour ce qui est des formations à l’HTVP à l’intention des managers,

    l’étude de Doherty et Mandredi (2006) a testé des ateliers de discussion

    animés à partir d’études de cas portant sur le travail flexible, tandis que

    l’étude de Kossek et Hammer (2008) a plutôt proposé une séance (axée sur

    le soutien émotionnel, le soutien structurel, les comportements

    recommandables et la collaboration avec d’autres managers en matière

    d’HTVP) avec un tutoriel en ligne et une discussion en face-à-face avec un

    formateur.

    3.5 Instruments de mesure et analyse des données

    Les études de cas et les recherches-actions reposent surtout sur les

    impressions des participants recueillies à la fin de l’expérimentation ou le

    contenu de leurs discours tout au long de l’intervention. Ces études sont

    essentiellement qualitatives. Leurs analyses peuvent être très superficielles,

    se limitant alors à rapporter les propos des participants (Ascentia 2005a et

    2005b) ou très poussées, appliquant des méthodes d’encodage rigoureuses

    qui permettent de faire ressortir la fréquence des thèmes discutés (Goeke et

    al., 2011) et des approches interprétatives reconnues, telles que l’approche

    phénoménologique (Wales, 2003).

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    113

    Les projets pilotes, les études quasi-expérimentales et l’étude

    expérimentale privilégient, quant à eux, les analyses quantitatives. Les

    données sont recueillies au moyen de questionnaires auto-administrés, ce qui

    constitue la pratique courante dans les études sur l’HTVP (Casper et al.,

    2007). Pour mesurer les impacts de la formation sur l’HTVP, quelques

    recherches utilisent des questionnaires développés par les auteurs eux-

    mêmes (Cahan et al., 2010; Green & Skinner, 2005; Petridou & Glaveli,

    2008). La plupart des études utilisent cependant des questionnaires validés

    comme le Caregiver Strain Instrument (Bass et al., 1998), le Work Conflict,

    Family Conflict and Interrole Conflict Scales (Kopelman et al., 1983), le

    Work-Family Conflict and Family-Work Conflict Scales (Netemeyer et al.,

    1996), le Work-Life Fit and Work-Life Balance (Clarke et al., 2004) et le

    Work-Family Spillover Scale (Grzywacz & Marks, 2000). Cette dernière

    échelle se distingue des autres en ce qu’elle est la seule à mesurer non

    seulement les interactions négatives du travail sur la vie personnelle ou de la

    vie personnelle sur le travail, mais aussi les interactions positives entre ces

    deux sphères d’activité. La perspective de l’enrichissement travail-vie

    personnelle est actuellement en développement dans la littérature sur

    l’HTVP (Geurts et al., 2005; Greenhaus et Powell, 2006; Hanson et al.,

    2006; Kinnunen et al., 2006; Lourel et al., 2009; McNall et al., 2010).

    L’étude de Liossis et al. (2009), qui utilise le Work-Family Spillover Scale

    (Grzywacz & Marks, 2000), et celle de Wilson et al. (2006), qui posent des

    questions ouvertes sur les interactions positives et négatives du travail sur la

    vie personnelle et inversement, innovent en considérant cette nouvelle

    perspective.

    3.6 Principaux résultats

    Toutes les études ayant testé des programmes de formation en classe

    pour les personnes en emploi, hormis une (Cahan et al., 2010), montrent que

    les participants perçoivent une amélioration de leur HTVP grâce à ce type

    d’intervention. Cahan et al. (2010) reconnaissent que le fait de n’offrir

    qu’une heure de cours magistral sur l’HTVP n’est toutefois pas suffisant

    pour produire un effet observable et recommandent d’intégrer à la formation

    des discussions sur l’HTVP avec les participants. Selon les autres études

    consultées, la perception de l’amélioration de l’HTVP varie de faible à

    importante. Celles ayant procédé à un suivi (6 mois après la formation)

    notent un renforcement de cette tendance avec le temps (Liossis et al., 2009;

    Millear et al., 2008). La perception de l’amélioration de l’HTVP des

    personnes en emploi se traduit surtout par une réduction des interactions

    négatives du travail sur la vie personnelle et de la vie personnelle sur le

    travail. Les études de Liossis et al. (2009) et de Wilson et al. (2006) notent

    aussi que les participants perçoivent une augmentation des interactions

    positives du travail sur leur vie personnelle. Cette dernière étude montre

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    114

    également l’inverse, soit l’augmentation perçue des interactions positives de

    la vie personnelle sur le travail. De plus, l’étude comparative de Wilson et

    al. (2006) révèle que cette augmentation est beaucoup plus importante pour

    les participants qui suivent la formation avec leur conjoint que pour ceux qui

    s’y présentent seuls.

    Les résultats des accompagnements de groupe indiquent, quant à

    eux, que les personnes en emploi perçoivent une amélioration de leur HTVP

    en raison, notamment, d’une réduction de leurs heures de travail et d’une

    augmentation de leur productivité. Les participants sont d’avis que les

    rencontres de groupe leur offre une occasion de discuter ouvertement de

    leurs difficultés d’HTVP et de se soutenir les uns les autres dans leur

    engagement à améliorer leur HTVP.

    En ce qui a trait aux résultats des accompagnements individuels, les

    études indiquent que les personnes en emploi perçoivent une amélioration

    considérable de leur HTVP. Ces dernières ont, entre autres, appris à être plus

    proactives dans la gestion des rôles qu’elles jouent au travail et à la maison,

    ainsi qu’à assumer davantage leurs décisions concernant l’HTVP.

    Les résultats de la formation en ligne montrent, pour leur part, que les

    personnes en emploi perçoivent une réduction significative des tensions liées

    au fait d’être un proche aidant (caregiver strain).

    Du côté des formations pour les managers, Doherty et Manfredi

    (2006) constatent que l’animation d’ateliers avec de tels participants est l’un

    des facteurs pouvant contribuer au développement d’une culture

    organisationnelle plus favorable à l’HTVP, mais que cela n’est pas suffisant

    et qu’il faut aussi encourager les managers à faire davantage confiance à

    leurs subordonnés et à adopter un style de gestion participatif afin de rendre

    le travail plus flexible. Pour ce qui est de l’étude de Kossek et Hammer

    (2008), les résultats montrent que la formation des managers à l’HTVP avec

    un tutoriel en ligne et une discussion individuelle avec un formateur a eu des

    effets bénéfiques sur les perceptions de leurs subordonnés. Ceux-ci notent

    une amélioration significative de leur santé en général, de leur satisfaction

    au travail, de leur désir de se soumettre aux règles de sécurité en milieu de

    travail et du soutien de leur manager en matière d’HTVP. D’ailleurs, une

    réduction considérable de l’écart entre la perception des subordonnés et celle

    de leurs managers quant au niveau de soutien de ces derniers en matière

    d’HTVP a été observée après l’intervention.

    4. Discussion

    Après avoir présenté les résultats de la revue de la littérature et

    analysé les études pertinentes en fonction de leurs principales

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    115

    caractéristiques, un regard critique sera maintenant porté sur leurs qualités

    méthodologiques. Plusieurs d’entre elles omettent complètement de traiter

    de leurs limites (Ascentia 2005a et 2005b; Doherty & Manfredi, 2006;

    Goeke et al., 2011, Green & Skinner, 2005; Kossek & Hammer, 2008;

    Petridou & Glaveli, 2008; Richardson et al., 2008; Tennant & Sperry, 2003;

    Wales, 2003), tâche pourtant nécessaire à l’évaluation de la validité de leurs

    résultats non seulement dans une perspective théorique, mais aussi pratique.

    À quel point les études publiées jusqu’à maintenant ont-elles généré des

    résultats non biaisés applicables dans la pratique?

    Les études incluses dans la revue de la littérature comportent des

    limites relatives à la sélection et à l’exclusion des participants. La taille de la

    moitié des échantillons ne dépasse pas 50 individus. En raison de la petitesse

    de ce nombre, les résultats des études s’avèrent difficilement généralisables.

    En outre, plusieurs échantillons ne sont pas représentatifs par rapport à la

    population en général : certains ne sont composés que d’hommes (Wilson et

    al., 2006; Tennant & Sperry, 2003), tandis que d’autres n’admettent que des

    femmes (Dutta et al., 2011; Goeke et al., 2011; Petridou & Glaveli, 2008).

    Ajoutons que 2 études sont fondées sur des données provenant

    d’échantillons pour lesquels les participants se sont auto-sélectionnés,

    puisqu’ils en sont aussi les auteurs (Goeke et al., 2011; Richardson et al.,

    2008). Quant à l’homogénéité des groupes témoins et des groupes

    expérimentaux, une seule étude se démarque par sa sélection aléatoire des

    participants (Beauchamp et al., 2005). Les autres utilisent des groupes

    témoins non équivalents (Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008; Wilson et

    al., 2006) ou quasi-équivalents (Cahan et al., 2010). Un dernier point

    important à souligner concerne le taux élevé d’abandon des participants. Au

    moment du post-test, ce taux varie de 20 % à 38 % (Bedell, 2008; Dutta et

    al., 2011; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008; Petridou & Glaveli,

    2008). Lorsqu’un suivi est effectué quelques mois après le post-test, ce taux

    varie alors de 35 % à 68 %.

    En ce qui a trait aux limites relatives aux interventions, on notera

    d’abord qu’elles sont généralement traitées de manière très sommaire.

    Quelques études ont cependant mesuré la satisfaction des participants ou

    demandé aux participants de juger de l’utilité de la formation (Ascentia

    2005a et 2005b; Beauchamp et al., 2005; Liossis et al., 2009; Millear et al.,

    2008). Dans tous les cas, les participants semblent avoir apprécié les

    formations ou avoir trouvé celles-ci adéquates. Pour ce qui est des

    formations en classe et des séances de coaching, elles ont été données par

    des professionnels. Il faut toutefois noter que les formateurs sont aussi

    parfois les chercheurs eux-mêmes (Ascentia 2005a et 2005b; Doherty &

    Manfredi, 2006; Green & Skinner, 2005; Tennant & Sperry, 2003; Wales,

    2003), ce qui peut influencer les perceptions des participants. Dans un autre

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    116

    ordre d’idées, les études analysées ne prennent pas en compte la possibilité

    d’une intervention parallèle à la leur. On ne sait donc pas si les participants

    auraient pu acquérir des informations ou des habiletés relatives à l’HTVP

    d’une autre source pendant l’expérimentation. Or, cela peut influencer les

    résultats quant à la perception qu’ont les participants de l’amélioration de

    leur HTVP. Une autre limite, mentionnée par Beauchamp et al. (2005), est

    importante : le fait de communiquer plus souvent avec les participants du

    groupe expérimental qu’avec ceux du groupe témoin peut provoquer chez

    les premiers une sorte d’effet de halo.

    Pour ce qui est des limites relatives à la mesure des résultats, la plus

    évidente d’entre elles tient à ce que les études reposent essentiellement sur

    les perceptions auto-déclarées des participants. L’étude de Kossek et

    Hammer (2008) et celle de Green et Skinner (2005) sont les seules à faire

    intervenir une tierce personne (les subordonnées ou les superviseurs) pour

    corroborer les résultats obtenus auprès des participants formés. Une autre

    limite, qui touche spécialement les études de Goeke et al. (2011) et

    Richardson et al. (2008), consiste en ce que les participants sont aussi les

    chercheurs. Leurs auto-observations et auto-analyses peuvent

    involontairement mettre de côté, voire refouler, les résultats négatifs au

    profit des résultats plus positifs. En ce qui a trait aux instruments de mesure,

    on se souviendra que plusieurs études reposent sur des échelles développées

    par les auteurs eux-mêmes et que celles-ci n’ont pas nécessairement été

    préalablement validées (Cahan et al., 2010; Green & Skinner, 2005;

    Petridou & Glaveli, 2008). Parmi les instruments validés, il faut cependant

    voir qu’ils n’ont pas tous la même sensibilité. Certains ne consistent qu’en

    une ou deux questions générales sur l’HTVP (Clarke et al., 2004), tandis que

    d’autres sont beaucoup plus précis et exhaustifs dans la mesure des multiples

    interactions entre le travail et la vie personnelle (Grzywacz & Marks, 2000).

    On remarquera également que les collectes des données ont souvent été

    effectuées en milieu de travail, ce qui n’est pas un environnement neutre

    pour des études portant sur l’HTVP.

    Enfin, on doit prendre en compte que certains des auteurs des

    articles peuvent être en conflit d’intérêts, dans la mesure où ils chercheraient

    à vendre leurs services professionnels de formation par la publication de

    leurs résultats de recherche (Ascentia, 2005a et 2005; Beauchamp et al.,

    2005; Wales, 2003).

    5. Conclusion

    La revue de la littérature commentée fait ressortir avec évidence le

    fait qu’offrir une formation à l’HTVP est profitable. Dans la quasi-totalité

    des études, les participants ont perçu une amélioration de leur HTVP. De

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    117

    nombreuses recherches devront encore être menées pour déterminer le type

    de formation à l’HTVP le plus efficace pour l’ensemble des personnes en

    emploi et des managers. Est-ce l’autoformation, la formation en classe,

    l’accompagnement de groupe, l’accompagnement individuel ou même une

    combinaison de divers types de formation ? Pour le savoir, il faudrait tester

    un même contenu de formation donné selon différents formats et comparer

    les résultats obtenus. La durée des formations devrait aussi être évaluée afin

    de trouver le format le plus apte à produire les meilleurs résultats en un

    minimum de temps. Il serait aussi important que les futures études puissent

    identifier les caractéristiques des participants répondant le mieux aux

    différents types de formation à l’HTVP, de même que les effets les plus

    notables de chaque type de formation sur les diverses composantes de

    l’interface travail-vie personnelle, c’est-à-dire sur les interactions négatives

    du travail sur la vie personnelle et de la vie personnelle sur le travail et les

    interactions positives du travail sur la vie personnelle et de la vie personnelle

    sur le travail. Ces nouvelles connaissances permettront non seulement de

    faire considérablement progresser ce nouveau champ de recherche qu’est

    l’évaluation de la formation à l’HTVP, mais aussi d’offrir aux personnes en

    emploi et aux managers des formations pouvant mieux répondre à leur profil

    individuel et apporter l’amélioration souhaitée à leur pratique de l’HTVP.

    En outre, des études pourraient porter sur des formations conjointes ou

    parallèles des divers acteurs des milieux professionnels et familiaux. Par

    exemple, une même formation suivie par des personnes en emploi, leur

    conjoint et leur manager serait-elle plus profitable qu’une formation suivie

    exclusivement par des personnes en emploi ? Une formation pour les

    personnes en emploi offerte parallèlement à une formation pour les

    managers serait-elle plus profitable qu’une formation simplement offerte aux

    personnes en emploi ou aux managers ? Il va de soi que les futures études

    devraient faire montre de plus rigueur en adoptant un design quasi-

    expérimental ou même expérimental avec des échantillons représentatifs

    constitués aléatoirement, des interventions davantage contrôlées et l’usage

    d’instruments de mesure validés, précis et complets quant aux multiples

    dimensions de l’interface travail-vie personnelle. Enfin, il serait pertinent

    d’évaluer les formations en prenant en compte non seulement les perceptions

    des participants eux-mêmes, mais également celles des membres de leur

    famille, de leurs collègues de travail et de leur manager. Pour plus

    d’objectivité encore, des mesures telles que des indicateurs de performance

    au travail ou des comportements familiaux appropriés pourraient également

    être considérées. Tout un programme de recherche est ici déployé afin

    d’encourager la poursuite des études sur l’évaluation de la formation à

    l’HTVP.

  • Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2

    118

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  • PTO – vol 18 n°2

    121

  • PTO – vol 18 n°2

    122

    Nature et significations des échanges entre domaines de

    vie : l’exemple des nouveaux cadres de l’Action Sociale

    Registers and meanings of exchanges between life

    domains : the example of new social work managers

    Annie-Christine MARTIN, Jean-Luc MEGEMONT, Audrey ROQUEFORT

    & Alexis LE BLANC

    Equipe de Psychologie Sociale, du travail et des organisations du Laboratoire

    « Psychologie du Développement et Processus de Socialisation », Université

    Toulouse 2 – Le Mirail, 5 allées Antonio Machado 31058 TOULOUSE Cedex 9

    (France)

    [email protected],[email protected], [email protected]

    & [email protected],

    Résumé

    L’accès à un premier poste de manager implique pour les professionnels concernés

    une réflexion sur leurs engagements en différents champs et temps de leur

    socialisation, sur leurs modalités d’articulation et sur les possibilités de les concilier.

    En référence au modèle d’une socialisation active parce que plurielle et

    conflictuelle, qui récuse une approche dichotomique des rapports entre vie de travail

    et vie hors travail, les processus de signification des rapports entre domaines de vie

    orientent, en dialogues avec autrui, l’organisation des échanges entre domaines de

    vie. L’analyse d’entretiens approfondis menés auprès de nouveaux cadres de

    l’Action Sociale met en évidence que ces échanges se développent sur différents

    registres : temporel, informationnel, relationnel, émotionnel, axiologique,

    idéologique et symbolique.

    Abstract

    Accessing to a management position for the first time implies, for professionals,

    reflecting on their commitments in different fields and times of their socialization,

    on their articulation, and on their compatibilities. Referring to the model of an active

    socialization – active because plural and then conflicting – which rejects a

    dichotomous approach of the “work/non work” relations, the meaning people give

    to the relations between their different life spheres, communicating with others,

    orientates the organization of exchanges between life domains. Content analysis of

    interviews conducted with new social work managers brought us to distinguish six

    types of exchanges: temporal, informational, relational, emotional, axiological,

    ideological and symbolic.

    Mots-clés : travail/hors travail, socialisation plurielle, transition de carrière, Action

    Sociale

    Key-Words: work/non work relations, plural socialization, career transition, social

    work

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]

  • Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, Audrey Roquefort & Alexis le Blanc / PTO – vol 18 n°2

    123

    1. Introduction générale

    Les situations de mobilité professionnelle deviennent de plus en plus

    fréquentes dans le déroulement de carrière des individus (Feldman, 2002).

    Sous leurs différentes formes (intra ou inter-organisationnelles, ascendantes

    ou horizontales…), elles s'accompagnent d’expériences de transition au

    cours desquelles les sujets sont conduits à réexaminer et à redéfinir leur rôle

    professionnel (Louis, 1980). La phase "d'entrée de rôle" (Ashforth, 2001) qui

    désigne le moment de l'engagement du sujet dans sa nouvelle situation

    professionnelle induit de multiples perturbations susceptibles d'affecter

    l'équilibre de vie des individus. C'est le cas des mobilités ascendantes qui

    débouchent sur une première prise de poste de manager et dont les

    conséquences peuvent être sources de bouleversements plus ou moins

    importants. En dépit des nombreux bénéfices qu’il procure, en termes de

    pouvoir, de rémunération, de prestige, d'estime de soi, ce type de

    changement professionnel confronte le sujet à une réalité dont il peut

    difficilement anticiper l'ensemble des conséquences. Les travaux qui traitent

    de cette problématique permettent de repérer les différentes perturbations

    qu'engendre un tel changement, en particulier dans le champ du travail social

    sur lequel est centrée notre étude (Cousins, 2004 ; Stevens & Amundson,

    2008).

    Les difficultés majeures que les nouveaux cadres de l’Action Sociale

    doivent affronter résident dans la multitude et la diversité des tâches à

    accomplir et des responsabilités à assumer, pour lesquelles ils sont souvent

    insuffisamment préparés. Bien que ces nouvelles missions et activités

    puissent constituer une stimulation, elles peuvent aussi, lorsqu’elles se

    cumulent, donner lieu à sentiment d’incompétence et devenir un facteur de

    stress professionnel (Stevens & Amundson, 2008). En ce cas, les nouveaux

    promus auraient tendance à se replier sur les composantes administratives et

    juridiques de leur travail au détriment notamment des fonctions de

    management des personnes placées sous leur responsabilité (Dill & Bogo,

    2009 ; Hill, 1992 ; Watkins, 1993). La nécessité de gérer un nombre plus

    conséquent de tâches, mais aussi le sentiment de responsabilité accru à

    l’égard des missions du service, se traduisent par une intensification de

    l’activité qui donne fréquemment lieu à un allongement conséquent de la

    durée du travail (Dill & Bogo, 2009). L’accès au poste de manager implique

    également l'exercice d'une autorité hiérarchique qui suscite, bien souvent,

    chez les sujets, des conflits de valeurs : entre celles que sont censées

    promouvoir les fonctions du travail social (responsabilisation et

    autodétermination des personnes, acceptation de la différence de l’autre,

    solidarité…) et celles liées à l’exercice du pouvoir au sein d'organisations de

    travail de plus en plus soumises à des impératifs de performance (Cousins,

    2004 ; Stevens & Amundson, 2008). Cela est susceptible de conduire les

    nouveaux managers à l’évitement de certaines de leurs missions (Cousins,

  • Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, Audrey Roquefort & Alexis le Blanc / PTO – vol 18 n°2

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    2004). Elle peut aussi contraindre le sujet à une distanciation à l'égard de ses

    anciens pairs, qui peut être vécue douloureusement.

    Les études qui s'intéressent aux effets perturbateurs d'une première

    prise de poste de manager, tendent à circonscrire leur étude au seul domaine

    professionnel. Or la recherche que nous présentons, menée auprès d'une

    population de cadres nouvellement promus dans le secteur de l'Action

    Sociale, vise à mettre à jour et à analyser les processus de régulation que

    mobilisent les sujets en ces situations non seulement dans leur vie de travail

    mais aussi dans la pluralité de leurs domaines de vie.

    2. Prise de position théorique dans le champ des recherches sur les rapports entre la vie professionnelle et les autres domaines de vie

    Depuis une vingtaine d’années, l’attention portée par les chercheurs

    à l’interface travail-hors travail n’a cessé de se développer. En atteste la

    méta-analyse proposée par Amstad, Meier, Fasel, Elfering & Semmer (2011)

    qui recense à ce jour 356 études afférentes au champ spécifique du conflit

    travail-famille.

    La conceptualisation des rapports entre temps et espaces de vie,

    réduite aux deux pôles travail-famille et initialement appréhendée en termes

    exclusifs de conflit inter-rôle et de conciliation (Baltes & Heydens-Gahir,

    2003 ; Dikkers, Geurts, Peper, & Komier, 2004 ; Greenhaus & Beutel,

    1985 ; Mc Fayden, Kerpelman, & AdlerBaeder, 2005), a fait récemment

    l’objet de nouvelles propositions. A cette perspective strictement

    conflictuelle est opposée celle de l’enrichissement ou de la facilitation,

    définie « comme une forme de synergie par laquelle les ressources associées

    à un rôle favorisent la réalisation d’un autre rôle » (Greenhaus & Powell,

    2006 ; Rothbard, 2001 ; Voydanoff, Raymond, & Fitz, 2004). C’est

    aujourd’hui, dans le cadre de la « théorie des frontières » (Bulger, Hoffman,

    & Matthews, 2007 ; Fischer, Bulger, & Smith, 2009; Matthews & Barnes-

    Farrell, 2010), que ces deux dimensions conflit/enrichissement sont

    introduites dans la controverse théorique. Le modèle auquel se réfère le

    concept de « boundary » ou frontière vie de travail / vie privée porte

    précisément sur la séparation ou l’interpénétration des domaines de vie. Il

    postule que les sujets gèrent activement les limites temporelles entre vie de

    travail et vie personnelle à travers des processus de segmentation ou

    d’intégration de ces domaines. Deux caractéristiques permettent de qualifier

    la porosité et la stabilité de ces frontières : la perméabilité et la flexibilité.

    Rappelons (Martin-Canizarès, Mègemont, & Dupuy, 2009) qu’une frontière

    est dite « perméable » lorsque le sujet autorise le déplacement d’éléments

    d’un domaine dans un autre. Ces éléments peuvent être d’ordre

    psychologique (s’inquiéter pour un enfant malade) ou comportemental

    (recevoir la visite d’un collègue à son domicile) ; une frontière est dite

  • Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, Audrey Roquefort & Alexis le Blanc / PTO – vol 18 n°2

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    « flexible » si elle peut être distendue pour satisfaire les exigences d’un

    autre domaine (un employé s’autorise à quitter son lieu de travail pour traiter

    une question familiale). La flexibilité renvoie ainsi à la possibilité de

    rétraction ou d’extension physique ou temporelle des limites du domaine.

    Bulger et al. (2007) proposent la notion de « management des frontières »

    pour rendre compte des stratégies de segmentation ou d’intégration des

    domaines que les sujets adoptent.

    Les travaux de notre équipe de recherche (Baubion-Broye, Dupuy,

    & Hajjar, 2004 ; Curie & Hajjar, 1987 ; le Blanc, 2006 ; Martin-Canizarès et

    al., 2009) se démarquent des approches précédentes sur plusieurs points

    importants. D’abord parce qu’ils refusent de s’inscrire dans la dichotomie

    classique « vie de travail / vie hors travail » qui offre une perspective limitée

    tant de la vie professionnelle que de la vie personnelle. Or, comme l’indique

    très justement Ollier-Malaterre (2010), la restriction de la vie personnelle à

    la vie familiale, et, plus particulièrement au soin des enfants ou aux

    personnes âgées, surtout quand les politiques publiques et les entreprises

    visent les femmes, relève d’un modèle culturel (cf. « work-family culture »).

    Sur l’exemple des théories du « care » (Brugère, 2011 ; Gilligan, 1982),

    nous récusons une dichotomie travail/hors travail qui n’est autre qu’une

    séparation (idéologiquement construite au nom du productivisme et de la

    divisio