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Psychologie du Travail
et des Organisations Fondée en 1995 à l'initiative de Claude Lemoine et Michel
Rousson, sous l'égide de l'Association Internationale de
Psychologie du Travail de Langue Française, cette revue publie des
articles originaux, des revues de questions, des comptes-rendus
de recherches, y compris celles réalisées sur le terrain ou dans une
perspective d'application. Elle présente également des comptes
rendus d'ouvrages et des notes sur l'actualité du domaine.
Audience
Psychologie du Travail et des Organisations s’adresse aux
enseignants, aux chercheurs et aux praticiens du domaine et à un
plus vaste public : étudiants, responsables des ressources
humaines, gestionnaires, ergonomes, médecins du travail…
Objectifs
Les thèmes principaux concernent les aspects individuels, psycho-sociaux et structurels du travail et des organisations. À titre d'exemples non exclusifs, on peut citer les questions portant sur : la gestion et le développement des ressources humaines (formation, compétences, innovation), l'organisation et l'évaluation des systèmes (changement, communication, climat), les articulations hommes-organisations-techniques (représentations, aspects culturels, négociation, coopération, style de direction), la santé (bien-être, conditions de travail, stress, risques, sécurité), l'environnement, les aspects psychologiques liés à l'emploi et au non emploi (sélection, orientation, évaluation des personnes, insertion, identité, implication), le rôle du psychologue (expertise, conseil, mode d'intervention), l'épistémologie, la méthodologie et la déontologie. La revue comporte environ 384 pages distribuées en 4 numéros par an. La revue publie régulièrement des numéros à thèmes. Les travaux doivent satisfaire aux critères de vérification scientifique.
Comité de rédaction:
Directeur éditorial: Professeur Claude Lemoine
(Université de Lille 3)
Rédacteur en chef : Professeur Jean-Luc Bernaud
Secrétaire de rédaction: Sébastien Germain
En cas de question sur un article en cours d’expertise ou de publication un projet de numéro thématique, contacter le rédacteur en chef. Il est à noter qu’un suivi et des relances des experts sont régulièrement menés. Il n’est donc pas souhaitable, pour ne pas engorger la rédaction, d’adresser des relances pour savoir où en est le processus d’expertise. En cas de question sur l’impression ou la mise en ligne des articles, les tarifs, les abonnements, contacter le secrétaire de rédaction.
Membres du comité de rédaction: Bernard Gangloff (Université de Rouen)
Dongo-Rémi Kouabenan (Université de Grenoble) André Savoie (Université de Montréal)
Michel Rousson (Université de Neuchâtel) Christian Vandenberghe (HEC Montréal) Anne Marie Vonthron (Université Paris X, Paris Ouest-Nanterre)
Comité scientifique:
Miriam Aparicio (Université Nacional de Cuyo, Argentine) - Adalgisa
Battistelli (Université de Montpellier, France) - Marc-Eric Bobillier
Chaumon (Université de Lyon 2, France) - Jean-Sébastien Boudrias
(Université de Montréal, Canada) - Pascale Desrumaux (Université de Lille
3, France) - Annamaria Di Fabio (Université de Florence, Italie) - Bruno
Fabi (Université de Trois-Rivières, Canada) - Pierre-Henri Francois
(Université de Poitiers, France) - Patrick Gilbert (Université Paris I,
France) - Christine Lagabrielle (Université de Bordeaux 2, France) -
Claude Louche (Université de Montpellier, France) - Marcel Lourel
(Université d'Arras, France) - Estelle Morin (HEC Montréal, Canada) -
Sabine Pohl (Université Libre de Bruxelles, Belgique) - Nicole Rascle
(Université de Bordeaux 2, France) - Alain Rondeau (Université de
Montréal, Canada) - Pierre Salengros (Université Libre de Bruxelles,
Belgique) - Philippe Sarnin (Université de Lyon 2, France) - Dirk Steiner
(Université de Nice, France) - Michel Sylin (Université Libre de Bruxelles,
Belgique) - Didier Truchot (Université de Franche-Comté, France) - Cécile
Van de Leemput (Université Libre de Bruxelles, Belgique)
PTO est indexée
Thomson Reuter (Thomson Scientific - ISI) & INIST CNRS
©AIPTLF : Tous droits de traduction, de reproduction, et d’adaptation réservés
mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]
96
Editorial
Chers collègues lecteurs de PTO,
La revue « Psychologie du Travail et des Organisations » a
renouvelé ses comités scientifiques et de rédaction pour la période
2012-2015. Vous trouverez sur le site Internet de la revue comme sur la
version papier la liste actualisée de ces comités. Je tiens à saisir cette
occasion pour adresser mes remerciements les plus sincères à tous ceux
et celles qui ont accepté de s’engager dans un nouveau mandat, sans
oublier les experts qui contribuent à maintenir l’excellence scientifique
de la revue. Le travail de suivi éditorial des articles, comme chacun sait,
demande un effort important et n’est sans doute pas suffisamment
reconnu au niveau qu’il mériterait.
Par ailleurs, c’est un nouveau numéro thématique que nous
accueillons sur le sujet : « du conflit à l’enrichissement travail-famille :
résultats et perspectives de recherche » coordonné par Marcel Lourel et
Sylvie St-Onge. Il faut s’en réjouir et je vais brièvement en expliquer les
raisons. La psychologie du travail et des organisations se veut vivante
dans ses perspectives théoriques et ses méthodes. Cela suppose des
efforts de renouvellements des thématiques et le développement
d’applications qui nourriront positivement les organisations. Ce numéro
spécial concilie pleinement ces aspirations. Il ouvre d’abord sur de
nouvelles questions théoriques autour de l’articulation entre les
domaines de vie, dans une perspective qui cherche à comprendre la
complexité sans parti pris idéologique. D’autre part, il donne à entrevoir
de nouvelles formes d’intervention qui s’intègrent pleinement à des
politiques de prévention – champs où les psychologues sont
particulièrement attendus. Ce thème de la conciliation est le bienvenu
car sa transversalité est grande : il présente des répercussions aussi
bien en matière de formation des adultes, de prévention des risques
psychosociaux, d’accompagnement en cours de carrière ou de bilans de
compétences.
Pour ce deuxième numéro 2012, je vous souhaite une lecture
attentive et utile, avec l’espoir de voir chacun y puiser pour le
développement de sa pratique professionnelle.
Jean-Luc BERNAUD
Professeur des Universités au CNAM Paris
Rédacteur en chef de la revue PTO
CONTENTS
Éditorial p 96
Introduction from Marcel Lourel & Sylvie St-Onge p 100 From Work-Family Conflict to Enrichment: Research Findings and Opportunities Isabelle Létourneau, Lise Chrétien p 102 & Marie-Ève Lécine
Evaluation of Work-Life Balance Training: A Review and Research Agenda
Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, p 122 Audrey Roquefort & Alexis le Blanc
Registers and meanings of exchanges between life domains : the example of new social work managers
Mouni Haoua Kouidri, Christine Roland-Levy p 142 & Sophie Berjot
When gender is involved: Which balance between private and professional life ?
Ariane Ollier-Malaterre p 160 Work-life enrichment research: A review
and agenda for future research Yasmine Misantrope p 174
Martinican’s identity and dynamic of conflict Claude Lemoine p 182
Books analysis and books received
SOMMAIRE
Éditorial p 96
Introduction de Marcel Lourel & Sylvie St-Onge p 100 Du conflit à l’enrichissement travail-famille :
résultats et perspectives de recherche
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien p 102 & Marie-Ève Lécine L’évaluation de la formation à l’harmonisation
travail-vie personnelle : bilan et perspectives de recherché Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, p 122
Audrey Roquefort & Alexis le Blanc Nature et significations des échanges entre domaines de vie : l’exemple des nouveaux cadres de l’Action Sociale
Mouni Haoua Kouidri, Christine Roland-Levy p 142 & Sophie Berjot
Quand le genre s’en mêle: quelle conciliation entre vie professionnelle et vie privée ?
Ariane Ollier-Malaterre p 160
L’enrichissement entre vie professionnelle et vie personnelle : revue et programme de recherché
Yasmine Misantrope p 174 Identite martiniquaise et dynamique du conflit
Claude Lemoine p 182 Analyses d'ouvrages et livres reçus
99
PTO – vol 18 – n°2
100
Introduction de l'ouvrage
Du conflit à l’enrichissement travail-famille : résultats et
perspectives de recherche
From Work-Family Conflict to Enrichment: Research
Findings and Opportunities
Marcel LOUREL*, Sylvie ST-ONGE**
*Professeur de psychologie – santé et travail
Laboratoire RECIFES - EA4520
IUFM Nord-Pas de Calais, école interne de l'université d'Artois
Campus universitaire du Mont Houy
BP 90357 - 59304 FAMARS Cedex
Courriel : [email protected]
**Professeure titulaire de management
HEC Montréal
Service de l’enseignement du management,
3000, chemin de la Côte Ste-Catherine
Montréal (Québec). Canada
H3T 2A7
Contact : [email protected]
L’idée de temps de travail et de temps personnel résulte d’une
évolution sociale, culturelle et juridique qui ne va pas de soi. Encore
aujourd’hui, le modèle social dominant fixe d’ailleurs ce qui de l’ordre du
temps contraint (temps au travail) de ce qui touche au temps extérieur à
l’organisation dit « temps libre ».
C’est pourquoi les domaines de vie au travail et de vie privée sont, à plus
d’un titre, des éléments majeurs d’un débat social où la juxtaposition des
domaines de vie semble davantage relever d’un « conflit » à gérer, ou tout au
mieux d’un « compromis » à trouver (voir Lourel, 2008) que d’un échange
de nature systémique ou encore d’un enrichissement entre les deux sphères
de vie.
À ce jour, la quasi-totalité des chercheurs ont analysé l’arrimage
entre le travail et la vie personnelle en privilégiant une perspective
conflictuelle, le travail et la famille étant associés à des conflits de rôles au
niveau du temps, des efforts que des comportements. Sous ce rapport, la
contribution de Létourneau, Chrétien et Lécine fait état d’une revue critique
et ambitieuse de la littérature ayant trait à l’évaluation des dispositifs de
formation en faveur de l’harmonisation des temps de vie au travail et hors
travail. Cette étude montre l’intérêt d’offrir une formation de qualité via un
PTO – vol 18 – n°2
101
dispositif innovant (HTVP), qui plaide en faveur de l’harmonisation des
temps au sein des organisations. Selon la perspective du conflit travail-
famille, les exigences professionnelles et familiales sont jusqu’à un certain
point incompatibles, faisant en sorte que l’implication dans un rôle rend
difficile l’implication dans un autre. Grâce à la multitude des recherches qui
ont été menées sur le sujet, nous savons aujourd’hui que le conflit travail-
famille a des effets négatifs importants tant pour les travailleurs que pour
les employeurs et qu’il peut être compris et minimisé en intervenant auprès
des déterminants relevant tant de la personne, de son travail, de sa famille,
de son organisation et du degré de socialisation du sujet. Dans cet ordre
d’idées, l’étude de Martin, Mègemont, Roquefort et Le Blanc se réfère à un
modèle de socialisation active des nouveaux cadres dans le secteur de
l’Action Sociale. Ce travail montre que la signification des liens entre les
domaines de vie oriente la structure et l’organisation des échanges au même
titre que les dialogues avec autrui.
Pour sa part, l’étude de Kouidri, Berjot et Roland-Levy a été réalisée
auprès d’un échantillon de 240 répondants. Elle montre que la conciliation
s’articule autour d’une matrice qui lie conflit et enrichissement. Cette étude
révèle que l’ajustement congruent (principe de domination masculine) des
facteurs de sexe, de genre et de niveau statutaire des répondants semble
protéger les salariés, tandis qu’un ajustement dysfonctionnel est délétère en
particulier pour les femmes salariées.
Récemment, des chercheurs ont toutefois proposé d’étudier
l’articulation entre les vies professionnelle et familiale en adoptant une
perspective dite de « l’enrichissement » selon laquelle la participation à
certains rôles génère des ressources qui peuvent servir dans d’autres rôles.
Greenhaus et Powell (2006, p.72) définissent l’enrichissement travail-
famille comme étant l’étendue avec laquelle les expériences dans un rôle
améliorent la qualité de vie dans un autre rôle. C’est dans cette perspective
d’enrichissement que se situe la contribution d’Ollier-Malaterre. L’auteure y
développe une dialectique approfondie à partir des travaux les plus récents
en la matière. Si la perspective conflictuelle a permis d’expliquer une partie
de la réalité, tant les dirigeants, les cadres que les employés gagnent
dorénavant à étudier et à mieux exploiter le caractère énergisant ou
enrichissant de l’articulation travail-famille. Ollier-Malaterre montre
combien le caractère énergisant est notamment relié à l’implication, la
satisfaction ou à la notion de soutien social.
Nous tenons à remercier vivement les contributeurs pour la qualité
des travaux. Nous remercions également et chaleureusement les experts pour
la finesse de leurs analyses.
PTO – vol 18 – n°2
102
L’évaluation de la formation à l’harmonisation travail-
vie personnelle : bilan et perspectives de recherche
Evaluation of Work-Life Balance Training: A Review
and Research Agenda
Isabelle LÉTOURNEAU*, Lise CHRÉTIEN** & Marie-Ève LÉCINE*
* Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université Laval,
Pavillon Palasis-Prince, bureau 2326, 2325 rue de la Terrasse, Québec, Québec,
Canada, G1V 0A6.
[email protected] et [email protected]
** Département de management de l’Université Laval, Pavillon Palasis-Prince,
bureau 1507, 2325 rue de la Terrasse, Québec, Québec, Canada, G1V 0A6
Résumé Cet article propose une revue de la littérature des études portant sur l’évaluation de
la formation à l’harmonisation travail-vie personnelle (laquelle inclut la conciliation
travail-famille). Une recherche dans 43 bases de données a permis d’identifier 17
articles pertinents publiés dans des revues avec comité de lecture. Les études sont
analysées en fonction de leurs principales caractéristiques (design, échantillon,
intervention, résultats, etc.). Il en ressort notamment qu’offrir une formation à
l’HTVP est profitable pour les personnes en emploi et les managers. Un regard
critique est porté sur les qualités méthodologiques des études. Des avenues de
recherche qui gagneraient à être empruntées sont présentées en conclusion dont,
entre autres, l’importance de mener des recherches comparatives et d’adopter des
protocoles quasi-expérimentaux et expérimentaux.
Abstract The present article offers a review of the literature evaluating work-life balance
training (which includes work-family balance training). The research, spanning over
43 databases, allowed the identification of 17 pertinent peer-reviewed articles. The
selected studies are analysed in light of their main characteristics (design, sample,
intervention, outcomes, etc.). The analysis shows that the offering of work-life
balance training benefits both employees and managers. The methodological
presuppositions and limitations of the selected studies are then critically examined.
Lastly, possible topics for further research, such as the importance of conducting
comparative researches and of adopting quasi-experimental and experimental
protocols, are suggested in manner of conclusion.
Mots-clés : conciliation travail-famille, évaluation, formation, intervention, effets
Keywords : work-life balance, evaluation, training, intervention, outcomes
mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
103
1. Introduction
Depuis plusieurs décennies, les praticiens encouragent vivement la
formation à l’harmonisation travail-vie personnelle (HTVP) – laquelle inclut
la conciliation travail-famille, l’équilibre emploi-vie privée, l’articulation vie
professionnelle et vie hors travail, etc. – comme moyen de promouvoir la
santé publique et organisationnelle, de même que la performance des
entreprises. Des livres, guides, coffrets et séminaires de formation sont
apparus au fil des ans dans le but de répondre aux besoins exprimés par les
personnes en emploi et les employeurs d’être mieux soutenus dans
l’apprentissage de la pratique efficace de l’HTVP (Adams, 2003; Caillaud,
2008; Clutterbuck, 2003; Friedman et al., 1998; OPE, 2010; Spinks, 1998;
WFC Resources, 2009). Le temps, l’énergie et l’argent investis dans la
formation à l’HTVP sont-ils profitables ? Au fond, que sait-on vraiment de
la formation à l’HTVP et de l’évaluation de son efficacité ? Qu’en est-il de
la rigueur des études de ce champ de recherche en pleine émergence ?
Quelles autres voies de recherche mériteraient d’être explorées ? Afin de
répondre à ces questions, une revue de la littérature sur l’évaluation de la
formation à l’HTVP a été réalisée. Il s’agit d’ailleurs de la toute première
effectuée sur ce sujet. Les articles retenus sont analysés en fonction de leurs
principales caractéristiques (le design des études, leurs échantillons, leurs
types d’intervention, leurs instruments de mesure et leurs analyses des
données, ainsi que leurs principaux résultats). L’interprétation des résultats
de la revue de la littérature porte un regard critique sur les qualités
méthodologiques des articles. La conclusion présente les avenues de
recherche qui mériteraient d’être explorées.
2. Méthode
Cette section détaille les stratégies de recherche utilisées pour
identifier les articles portant sur l’évaluation de la formation à l’HTVP et les
critères d’inclusion des études dans la revue de la littérature. Or, comme le
soulignent Brough et O’Driscoll (2010, p. 280), « the published literature on
organizational interventions to improve work-life balance is extremely
sparse »1, et ce, tout spécialement lorsque les interventions sont de l’ordre de
la formation. Une recherche étendue et en profondeur a donc dû être menée
pour parvenir à une collecte intéressante d’articles. Une première revue de la
littérature fut effectuée en mai 2010 dans 34 bases de données. Celle-ci a
permis d’identifier 8 articles académiques pertinents. En juillet 2011, la
revue de la littérature fut mise à jour et étendue à 9 bases de données
supplémentaires. Au total, 43 bases de données en administration,
1 « (…) la littérature publiée traitant des interventions organisationnelles visant à
améliorer l’équilibre travail-vie personnelle est extrêmement rare (…). »
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
104
management, gestion des ressources humaines, relations industrielles,
éducation, sciences sociales, psychologie et médecine ont été consultées :
Scholars Portal Search (laquelle inclut 26 bases de données en sciences
sociales dont, entre autres, ABI/INFORM, E-Journals, ERIC, Family
Studies, Human Resources Abstracts, Proquest Research Library,
PsycARTICLES, PsycINFO, Social Sciences Abstracts, Sociological
Abstracts), Web of Knowledge (laquelle inclut 4 bases de données : Web of
Science, Medline, BIOSIS Previews et Journal Citation Reports), Business
Abstracts, Business and Management, Business Source Premier, Education
Full Text, Educational Research Abstracts, Ergonomics Abstracts, Embase,
Industrial Relations and Human Resources, Occupational Therapy, Project
Muse, Scopus, Érudit et Famili@. La recherche dans les bases de données
fut menée en français et en anglais. Aucune limite ne fut imposée quant à la
date de publication des articles, ce qui veut dire que tous les articles publiés
antérieurement à juillet 2011 ont été considérés. La recherche fut limitée
quant au type de documents afin de n’inclure que les articles publiés dans les
revues à comité de lecture (peer-reviewed journals). Une liste de mots-clés
fut établie afin d’identifier les articles pertinents, c’est-à-dire ceux se
trouvant à l’intersection entre la « formation », l’ « HTVP »,
l’ « évaluation » et les « résultats » (Tableau 1). Les mots-clés furent
combinés entre eux au moyen d’opérateurs booléens (« ET », « AND »,
« OU » et « OR »). Les mots-clés ont principalement été utilisés dans les
champs de recherche suivants : « titre / title » et « résumé / abstract ». Les
articles trouvés au moyen des mots-clés furent ensuite examinés un à un afin
d’évaluer la pertinence pour la recherche. Plusieurs ont dû être éliminés
parce qu’ils ne concernaient pas l’expérimentation d’une formation, une
formation ayant trait (en totalité ou en partie) à l’HTVP, une évaluation de
cette formation ou les résultats de l’évaluation de cette formation à l’HTVP.
Le processus de sélection permit d’identifier 17 articles, tous publiés en
anglais, à inclure dans la revue de la littérature.
Tableau 1 : Mots-clés utilisés pour la revue de la littérature
Mots-clés
Formation « formation » ou « intervention » ou « éducation » ou « training » ou
« coaching » ou « mentoring » ou « mentorat » ou « counseling » ou
« guidance » ou « learning », etc.
HTVP « conciliation » ou « équilibre » ou « articulation » ou
« harmonisation » ou « balance » ou « conflit » ou « conflict » ou
« enrichissement » ou « enrichment » ou « enhancement » ou « fit »
et « travail » ou « emploi » ou « vie professionnelle » ou « work » et
« famille » ou « vie » ou « vie personnelle » ou « vie privée » ou
« vie hors travail » ou « family » ou « life » ou « home », etc.
Évaluation « évaluation » ou « evaluation » ou « mesure » ou « efficacité » ou
« efficacy » ou « effectiveness », etc.
Résultats « résultats » ou « effets » ou « impacts » ou « outcomes », etc.
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
105
Les articles sélectionnés rencontrent quatre critères fondamentaux.
Ils portent sur la formation, c’est-à-dire sur des efforts planifiés pour faciliter
l’apprentissage de compétences spécifiques telles que des savoirs, des
habiletés ou des comportements spécialisés nécessaires à la réussite d’une
activité dans un environnement particulier (Robson et al., 2010, p. 4). Cette
formation peut prendre de multiples formes : cours en classe, tutoriel en
ligne, coaching individuel ou de groupe, mentorat, atelier de discussion, etc.
Elle doit cependant porter sur un ou des aspects de l’HTVP. En ce sens, la
formation vise à faire comprendre ce qu’est l’HTVP, à sensibiliser aux
enjeux de l’HTVP ou à outiller les apprenants afin qu’ils puissent mieux
pratiquer l’HTVP (en les initiant à diverses stratégies telles la gestion du
temps, des émotions ou du stress, l’adoption de comportements plus
efficaces au bureau ou à la maison, l’art de demander du soutien à
l’employeur ou aux proches, etc.). La définition de l’HTVP retenue pour la
revue de la littérature est ainsi très large et comprend toutes les interactions
positives et négatives entre les rôles qu’un individu peut avoir à jouer dans
sa vie professionnelle et personnelle (Brough & O’Driscoll, 2010). En outre,
la formation à l’HTVP doit avoir fait l’objet d’une évaluation quantitative
(avec des instruments de mesure) ou qualitative (fondée sur les témoignages
des participants ou les observations participatives des chercheurs) de son
efficacité. Les articles sélectionnés décrivent donc une ou plusieurs
expérimentations et les résultats de celles-ci. Enfin, les impacts de la
formation doivent être en lien avec l’HTVP. D’une façon générale, ils
doivent montrer une augmentation ou une diminution des interactions
négatives (perspective du conflit) ou positives (perspective de
l’enrichissement) entre le travail et la vie personnelle. Plus spécifiquement,
ils peuvent mettre en évidence des retombées sur certains aspects du travail
ou de la vie personnelle comme la productivité, le nombre d’heures de
travail, le niveau d’énergie, la santé physique et psychologique, les tensions
liées à des rôles professionnels et personnels, la satisfaction quant au travail
et à la vie familiale, etc.
3. Résultats
Le Tableau 2 présente une synthèse des principaux résultats de la revue de la
littérature. La prise en compte des caractéristiques des études sélectionnées
permet de déterminer ce qui est connu de la formation à l’HTVP et de
l’évaluation de son efficacité. La présentation des résultats est
essentiellement descriptive.
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
106
Tableau 2 : Synthèse des principaux résultats de la revue de la littérature
Auteurs
(année)
Design des
études
(échantillon)
Interventions Principaux
résultats
Ascentia
(2005a)
Étude de cas
(n = 1 manager)
Coaching
individuel
pendant 6 mois.
À la dernière rencontre de coaching,
le participant a noté une
augmentation de son énergie et de
son désir de réussite de 50 %, une
augmentation de sa productivité de
35 % et de celle de son équipe de
25 % à 60 %.
Ascentia
(2005b)
Étude de cas
(n = 1 groupe de
managers)
Coaching de
groupe pendant 4
mois.
À la fin de l’intervention, les
participants travaillant
régulièrement en temps
supplémentaire ont noté une
réduction de 4h à 15h de travail par
semaine. Les participants ont aussi
constaté qu’ils utilisent de nouveaux
comportements (liés à la délégation,
au leadership ou au fait de
déterminer ce qui est important) de
30 à 50 % du temps.
Beauchamp,
Irvine,
Seeley &
Johnson
(2005)
Design
expérimental avec
pré-test, post test,
groupe témoin et
échantillon
aléatoire
(n = 299 proches
aidants en emploi)
Programme
multimédia de
soutien sur
Internet.
Temps total
moyen
d’utilisation du
site Internet :
32.2 minutes.
30 jours après la première visite du
site Internet, les participants du
groupe expérimental ont démontré
une amélioration significative au
niveau de la dépression, de
l’anxiété, du stress, des tensions
relatives au fait de fournir des soins,
de l’auto-efficacité et de l’intention
de demander du soutien, ainsi que
de la perception d’aspects positifs
quant au rôle de proche aidant.
Bedell
(2008)
Projet pilote avec
pré-test et post-
test
(n = 53
chercheurs
d'emploi atteint
du VIH/SIDA)
Programme de
formation en
classe (incluant
des cours
magistraux, des
discussions et des
activités). Durée :
1h30, 2 fois par
semaine, pendant
7 semaines.
3 à 5 mois après l’intervention, la
dimension moyenne de l’effet
(effect size) est faible à modérée
quant à l’habileté perçue à équilibrer
la santé, le travail et la vie
quotidienne.
Cahan,
Larkin,
Starr et al.
(2010)
2 projets pilotes :
l’un avec post-test
et groupe témoin
(quasi-
équivalents),
l’autre avec pré-
Programme de
formation en
classe, dont 60
minutes
spécifiquement
sur l’équilibre
Projet pilote 1 : le groupe témoin
montre une amélioration de
l’équilibre travail-vie personnelle
plus importante que le groupe
expérimental.
Projet pilote 2 : aucune amélioration
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
107
test et post-test
(n = 148 étudiants
de 3e année en
médecine)
travail-vie
personnelle
(donné en cours
magistral).
significative de l’équilibre travail-
vie personnelle.
Doherty &
Manfredi
(2006)
Recherche-action
(n = 51 managers
d’une université)
Ateliers avec
discussion sur 2
études de cas
portant sur le
travail flexible
(chaque manager
n’a participé qu’à
un seul atelier).
Les ateliers avec les managers sont
l’un des facteurs pouvant contribuer
au développement d’une culture
organisationnelle plus favorable à
l’équilibre travail-vie personnelle.
Cependant, davantage doit être fait
pour encourager les managers à faire
confiance à leur personnel (en ce qui
a trait à la flexibilité du travail) et à
adopter un style de management
participatif.
Dutta,
Hawkes,
Kuipers et
al. (2011)
Projet pilote avec
pré-test et post-
test (n = 46
femmes occupant
des postes
académiques et 39
mentors)
Mentorat : de 4 à
12 rencontres
pendant 1 an.
Après une année de mentorat, on
note une diminution plus prononcée
de l’interférence du travail sur la
famille qu’après 6 mois.
Goeke,
Klein,
Garcia-Reid
et al. (2011)
Recherche-action
(n = 6 femmes
occupant des
postes
académiques)
Groupe de
mentorat par les
pairs axé sur des
tâches (task-
centered peer-
mentoring
group) :
rencontres
mensuelles de 2h
pendant 1 an.
Les participantes ont été capables de
se soutenir dans leur choix de
préserver leur engagement envers
l’équilibre travail-vie personnelle :
d’accroître la productivité au travail,
sans sacrifier l’équilibre travail-vie
personnelle. Les discussions
ouvertes ont, entre autres, permis de
remettre en question la culture de
silence existant autour de l’équilibre
travail-vie personnelle dans le
monde académique.
Green &
Skinner
(2005)
Projet pilote avec
post-test et suivi.
(n = 38 employés
d’un corps
policier et 2
managers)
Programme de
formation en
classe d’une
journée.
3 mois après l’intervention, les
participants montrent une
amélioration significative de leur
équilibre travail-vie personnelle. Les
témoignages des managers,
recueillis de 3 à 7 mois après
l’intervention, corroborent les
résultats obtenus auprès des
participants.
Kossek &
Hammer
(2008)
Design quasi-
expérimental avec
pré-test, post-test,
suivi et groupe
témoin (aucune
information sur le
caractère aléatoire
ou non de
l’échantillon)
(n = des
Séance avec un
tutoriel en ligne
(30-45 minutes)
et une discussion
individuelle en
personne (de 75
minutes) avec un
formateur.
Quelques semaines après
l’intervention, les personnes en
emploi ont perçu une amélioration
significative de leur santé en
général, de leur satisfaction au
travail, de leur désir de se soumettre
aux règles de sécurité en milieu de
travail et du soutien de leur
superviseur en matière d’HTVP.
Avant l’intervention, les
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
108
douzaines de
superviseurs de
supermarchés et
des centaines de
leurs employés)
superviseurs se percevaient
généralement plus soutenants en
matière d’HTVP que ne les
percevaient leurs subordonnés.
Après l’intervention, une réduction
de cet écart a été observée.
Liossis,
Shochet,
Millear &
Biggs
(2009)
Design quasi-
expérimental avec
pré-test, post-test,
suivi et groupe
témoin (non
équivalent)
(n = 28 personnes
en emploi d’une
organisation
publique et 98
diplômés
universitaires)
Programme de
formation en
classe.
Durée : 1h30 par
semaine pendant
7 semaines.
Au post-test, les participants du
groupe expérimental ont perçu une
plus grande augmentation de leur
efficacité, de leur satisfaction
familiale, de l’ajustement et de
l’équilibre entre leur travail et leur
vie personnelle, ainsi qu’une plus
grande diminution des
débordements négatifs de leur
famille sur leur travail que les
individus du groupe témoin. Lors du
suivi (6 mois après l’intervention),
l’équilibre travail-personnelle des
participants du groupe expérimental
a été considérablement renforcé et
leurs débordements négatifs travail-
famille (bidirectionnels) a été
réduits.
Millear,
Liossis,
Shochet
Biggs &
Donald
(2008)
Design quasi-
expérimental avec
pré-test, post-test,
suivi et groupe
témoin (non
équivalent)
(n = 28 personnes
en emploi d’une
entreprise privée
et 71 diplômés
universitaires)
Programme de
formation en
classe.
Durée : 1h par
semaine pendant
11 semaines.
Au moment du suivi (7 mois après
l’intervention) les participants du
groupe expérimental ont montré un
maintien des améliorations notées
dans le post-test quant à leur
efficacité et à leur niveau de stress et
de dépression, ainsi qu’une
augmentation plus importante de
leur ajustement travail-vie personnel
que les participants du groupe
témoin.
Petridou &
Glaveli
(2008)
Étude de cas avec
post-test
(n = 167 femmes
entrepreneures de
20 coopératives)
Programme de
formation de 4
semaines (120h)
en classe,
comprenant des
modules sur
l’équilibre
travail-famille.
3 mois après l’intervention, les
participantes ont perçu une
influence positive du programme de
formation sur leur équilibre travail-
famille, soit une diminution du
stress lié au travail, une
augmentation du temps voué à la
famille et, donc, une amélioration de
la gestion du conflit travail-famille.
Richardson,
Ainsworth,
Allison et
al. (2008)
Recherche-action
(n = 6 consultants
du domaine de la
santé)
Groupe de
formation-action
(action learning
set). Rencontres
bimensuelles
pendant 9 mois.
Soutien d’un
Les discussions furent une occasion
pour les participants de réfléchir sur
leurs pratiques professionnelles,
leurs priorités et les limites entre le
travail et la vie personnelle, de
même que d’affronter des questions
relatives à leur charge de travail et
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
109
facilitateur pour
quelques
rencontres
individuelles et
de groupe.
aux obstacles les empêchant
d’équilibrer leur travail et leur vie
personnelle. Les réponses recueillies
grâce au questionnaire (9 mois après
le début de l’intervention) montrent
que les participants sont d’avis
qu’ils ont réussi à équilibrer leur
travail et leur vie personnelle.
Tennant &
Sperry
(2003)
Étude de cas.
(n = 3 managers)
Counseling
individuel : 3
rencontres
obligatoires et
des rencontres de
suivi au besoin.
Durée : 6 mois.
Après 6 mois à mettre en œuvre les
recommandations, tous les
participants étaient satisfaits de leur
progrès et notaient une amélioration
considérable de leur équilibre
travail-famille.
Wales
(2003)
Étude de cas avec
post-test
(n = 16 managers
d’une institution
financière)
Coaching
individuel : 1h
chaque 2
semaines pendant
1 an.
Les participants assument davantage
leurs décisions concernant leur
équilibre travail-vie personnelle. Ils
sont plus proactifs dans la gestion
des rôles qu’ils jouent. En
améliorant leur équilibre travail-vie
personnelle, les participants gagnent
en confiance et deviennent
davantage capables de gérer
efficacement leurs difficultés au
travail et à la maison.
Wilson,
Polzer-
Debruyne,
Chen &
Fernandes
(2006)
Recherche
comparative avec
design quasi-
expérimental :
pré-test, post-test
et groupe témoin
(non équivalent)
(n = 503 hommes
travaillant de soirs
ou de nuits dans
des usines)
Programme de
formation en
classe de 2 demi-
journées.
Groupe témoin :
formation sans le
module sur
l’HTVP. Groupe
expérimental 1 :
formation avec le
module sur
l’HTVP. Groupe
expérimental 2 :
formation avec le
module sur
l’HTVP et la
présence du
conjoint.
Même si les 3 groupes notent (6
mois après l’intervention) une
réduction du conflit travail-famille,
celle-ci est beaucoup plus marquée
pour le groupe expérimental 2. En
ce qui a trait au conflit famille-
travail, le groupe contrôle présente
une légère augmentation, le groupe
expérimental 1 révèle une très légère
diminution et le groupe
expérimental 2 montre une
réduction importante. Le nombre de
commentaires positifs sur les
interactions travail-vie familiale a
davantage augmenté et le nombre de
commentaires négatifs sur ces
interactions a davantage diminué
dans le groupe expérimental 2 que
les autres groupes.
3.1 Auteurs et année de publication
La grande majorité des auteurs des études incluses dans la revue de
la littérature sont des chercheurs affiliés à des universités. Ceux qui ne le
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
110
sont pas peuvent être motivés à publier en raison d’intérêts financiers liés à
la commercialisation des formations qu’ils offrent : Ascentia (2005a et
2005b), Beauchamp et al. (2005) et Wales (2003). Le premier auteur est une
corporation spécialisée dans le coaching de cadres d’entreprises, les seconds
sont affiliés à une organisation qui vend des programmes de formation pour
le bien-être et la productivité des personnes en emploi et le troisième est une
coach de cadres d’entreprises. On notera également deux articles où les
auteurs agissent également à titre de participants à la recherche : Goeke et al.
(2011) et Richardson et al. (2008). Leurs résultats de recherche sont donc
fondés sur l’auto-observation et l’auto-analyse.
La considération des dates de publication des articles nous apprend
que les études sont très récentes. Ce champ de recherche qu’est l’évaluation
de la formation à l’HTVP est en pleine émergence. Les 2 premières études
sur le sujet ont été publiées en 2003. Se sont ajoutés depuis 4 articles en
2005, 2 articles en 2006, 5 articles en 2008, 1 article en 2009, 1 article en
2010 et 2 articles au cours des 6 premiers mois de 2011.
3.2 Design des études
Environ 70 % des études suivent des protocoles de recherche pré-
expérimentaux. On dénombre, en effet, 5 études de cas (Ascentia, 2005a et
2005b; Petridou & Glaveli, 2008; Tennant & Sperry, 2003; Wales, 2003), 3
recherches-actions (Doherty & Manfredi, 2006; Goeke et al., 2011;
Richardson et al., 2008) et 4 projets pilotes (Bedell, 2008; Cahan et al.,
2010; Dutta et al., 2011; Green & Skinner, 2005). Le champ de recherche de
l’évaluation de la formation à l’HTVP étant nouveau, il est normal que les
premières études soient de nature exploratoire. Du point de vue de la rigueur
scientifique, 4 études se démarquent en suivant des protocoles quasi-
expérimentaux avec pré-test, post-test et groupe témoin (Kossek & Hammer,
2008; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008; Wilson et al., 2006). Une
seule étude peut être qualifiée d’expérimentale, au sens propre du terme,
puisqu’elle inclut un pré-test, un post-test, un groupe témoin et un
échantillon aléatoire (Beauchamp et al., 2005). On ne compte, enfin, qu’une
seule étude comparative, laquelle évalue différents types de formation à
l’HTVP (Wilson et al., 2006).
3.3 Échantillon et provenance
La majorité des recherches portent sur des échantillons composés de
personnes en emploi. Cette expression est à prendre au sens large, car elle
inclut des employés (Beauchamp et al., 2005; Dutta et al., 2011; Goeke et
al., 2011; Green & Skinner, 2005; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008;
Richardson et al., 2008; Wilson et al., 2006), des chercheurs d’emploi
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
111
(Bedell, 2008), des étudiants en médecine en stage dans des hôpitaux (Cahan
et al. 2010) et aussi des managers et des entrepreneurs qui cherchent à
améliorer leur propre HTVP (Ascentia 2005a et 2005b; Petridou & Glaveli,
2008; Tennant & Sperry, 2003; Wales, 2003). Quelques recherches
s’intéressent plus spécifiquement aux managers dans la mesure où ceux-ci
sont appelés à superviser des personnes en emploi aux prises avec des
difficultés d'HTVP (Doherty & Manfredi, 2006; Kossek & Hammer, 2008).
La taille des échantillons varie de 1 à 503 individus. Pour près de la
moitié des études, les échantillons ne dépassent pas 50 individus. Il faut
toutefois distinguer les participants formés des participants sondés, car tous
les participants formés ne sont pas nécessairement sondés. Dans certains cas,
des participants se sont désistés pendant l’étude (Liossis et al., 2009; Millear
et al., 2008). Dans d’autres cas, il n’a tout simplement pas été possible de
rejoindre tous les participants formés pour les enjoindre de répondre au
questionnaire post-test (Bedell, 2008) ou bien quelques-uns d’entre eux ont
refusé d’y répondre (Dutta et al., 2011; Liossis et al., 2009; Millear et al.,
2008; Petridou & Glaveli, 2008). Dans l’étude de Wilson et al. (2006), ce ne
sont pas tous les participants formés qui ont été retenus pour le post-test,
mais seulement ceux avec un conjoint ou une famille. L’étude de Green &
Skinner (2005) et celle de Kossek & Hammer (2008) présentent une
particularité : les personnes sondées ne sont pas exclusivement celles qui ont
été formées. Dans la première, les données recueillies auprès des personnes
en emploi sont comparées aux témoignages de leurs managers. Dans la
seconde, des managers ont été formés, mais ce sont leurs subordonnés qui
ont été sondés.
En ce qui a trait à la provenance des échantillons, on notera que
47 % des études ont été menées en Europe (7 au Royaume-Uni et 1 en
Grèce), 35 % en Amérique (soit 6 études aux États-Unis) et 18 % en
Océanie (2 études en Australie et 1 en Nouvelle-Zélande).
3.4 Interventions
Une portion significative des études a testé des programmes de
formation en classe pour les personnes en emploi (Bedell, 2008; Cahan et
al., 2010; Green & Skinner, 2005; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008;
Petridou & Glaveli, 2008; Wilson et al., 2006). Selon les différentes
recherches, la durée des cours offerts varie d’une journée à un mois intensif.
Il faut toutefois souligner que ce n’est généralement pas le programme en
entier qui porte spécifiquement sur l’HTVP, mais bien un ou quelques
modules de cours. Tous les programmes incluent des cours magistraux et
certains proposent aussi des discussions et des activités avec les participants.
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
112
Du côté de la formation des personnes en emploi à l’HTVP sous la
forme de l’accompagnement de groupe, les études ont testé une journée de
coaching de groupe (Ascentia, 2005b), un groupe de mentorat par les pairs
axé sur la réalisation de tâches (task-centered peer-mentoring group) avec
des rencontres mensuelles de 2h pendant 1 an (Goeke et al., 2011) et un
groupe de formation-action (action learning set) avec des rencontres
bimensuelles pendant 9 mois (Richardson et al., 2008).
En ce qui concerne la formation des personnes en emploi à l’HTVP
prenant la forme de l’accompagnement individuel, les études ont évalué le
coaching individuel (Ascentia, 2005a; Wales, 2003), le mentorat (Dutta et
al., 2011) et le counseling (Tennant & Sperry, 2003) sur une période allant
de 6 mois à 1 an.
Une seule étude publiée propose un programme d’autoformation multimédia
sur Internet (Beauchamp et al., 2005). Le programme a spécialement été
conçu pour les personnes en emploi qui fournissent des soins à des proches
atteints de démence. Il propose des vidéos interactives en ligne qui donnent
des informations sur la démence et présentent des stratégies émotionnelles,
cognitives et comportementales pour aider le soignant à mieux assumer ses
responsabilités quotidiennes.
Pour ce qui est des formations à l’HTVP à l’intention des managers,
l’étude de Doherty et Mandredi (2006) a testé des ateliers de discussion
animés à partir d’études de cas portant sur le travail flexible, tandis que
l’étude de Kossek et Hammer (2008) a plutôt proposé une séance (axée sur
le soutien émotionnel, le soutien structurel, les comportements
recommandables et la collaboration avec d’autres managers en matière
d’HTVP) avec un tutoriel en ligne et une discussion en face-à-face avec un
formateur.
3.5 Instruments de mesure et analyse des données
Les études de cas et les recherches-actions reposent surtout sur les
impressions des participants recueillies à la fin de l’expérimentation ou le
contenu de leurs discours tout au long de l’intervention. Ces études sont
essentiellement qualitatives. Leurs analyses peuvent être très superficielles,
se limitant alors à rapporter les propos des participants (Ascentia 2005a et
2005b) ou très poussées, appliquant des méthodes d’encodage rigoureuses
qui permettent de faire ressortir la fréquence des thèmes discutés (Goeke et
al., 2011) et des approches interprétatives reconnues, telles que l’approche
phénoménologique (Wales, 2003).
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
113
Les projets pilotes, les études quasi-expérimentales et l’étude
expérimentale privilégient, quant à eux, les analyses quantitatives. Les
données sont recueillies au moyen de questionnaires auto-administrés, ce qui
constitue la pratique courante dans les études sur l’HTVP (Casper et al.,
2007). Pour mesurer les impacts de la formation sur l’HTVP, quelques
recherches utilisent des questionnaires développés par les auteurs eux-
mêmes (Cahan et al., 2010; Green & Skinner, 2005; Petridou & Glaveli,
2008). La plupart des études utilisent cependant des questionnaires validés
comme le Caregiver Strain Instrument (Bass et al., 1998), le Work Conflict,
Family Conflict and Interrole Conflict Scales (Kopelman et al., 1983), le
Work-Family Conflict and Family-Work Conflict Scales (Netemeyer et al.,
1996), le Work-Life Fit and Work-Life Balance (Clarke et al., 2004) et le
Work-Family Spillover Scale (Grzywacz & Marks, 2000). Cette dernière
échelle se distingue des autres en ce qu’elle est la seule à mesurer non
seulement les interactions négatives du travail sur la vie personnelle ou de la
vie personnelle sur le travail, mais aussi les interactions positives entre ces
deux sphères d’activité. La perspective de l’enrichissement travail-vie
personnelle est actuellement en développement dans la littérature sur
l’HTVP (Geurts et al., 2005; Greenhaus et Powell, 2006; Hanson et al.,
2006; Kinnunen et al., 2006; Lourel et al., 2009; McNall et al., 2010).
L’étude de Liossis et al. (2009), qui utilise le Work-Family Spillover Scale
(Grzywacz & Marks, 2000), et celle de Wilson et al. (2006), qui posent des
questions ouvertes sur les interactions positives et négatives du travail sur la
vie personnelle et inversement, innovent en considérant cette nouvelle
perspective.
3.6 Principaux résultats
Toutes les études ayant testé des programmes de formation en classe
pour les personnes en emploi, hormis une (Cahan et al., 2010), montrent que
les participants perçoivent une amélioration de leur HTVP grâce à ce type
d’intervention. Cahan et al. (2010) reconnaissent que le fait de n’offrir
qu’une heure de cours magistral sur l’HTVP n’est toutefois pas suffisant
pour produire un effet observable et recommandent d’intégrer à la formation
des discussions sur l’HTVP avec les participants. Selon les autres études
consultées, la perception de l’amélioration de l’HTVP varie de faible à
importante. Celles ayant procédé à un suivi (6 mois après la formation)
notent un renforcement de cette tendance avec le temps (Liossis et al., 2009;
Millear et al., 2008). La perception de l’amélioration de l’HTVP des
personnes en emploi se traduit surtout par une réduction des interactions
négatives du travail sur la vie personnelle et de la vie personnelle sur le
travail. Les études de Liossis et al. (2009) et de Wilson et al. (2006) notent
aussi que les participants perçoivent une augmentation des interactions
positives du travail sur leur vie personnelle. Cette dernière étude montre
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
114
également l’inverse, soit l’augmentation perçue des interactions positives de
la vie personnelle sur le travail. De plus, l’étude comparative de Wilson et
al. (2006) révèle que cette augmentation est beaucoup plus importante pour
les participants qui suivent la formation avec leur conjoint que pour ceux qui
s’y présentent seuls.
Les résultats des accompagnements de groupe indiquent, quant à
eux, que les personnes en emploi perçoivent une amélioration de leur HTVP
en raison, notamment, d’une réduction de leurs heures de travail et d’une
augmentation de leur productivité. Les participants sont d’avis que les
rencontres de groupe leur offre une occasion de discuter ouvertement de
leurs difficultés d’HTVP et de se soutenir les uns les autres dans leur
engagement à améliorer leur HTVP.
En ce qui a trait aux résultats des accompagnements individuels, les
études indiquent que les personnes en emploi perçoivent une amélioration
considérable de leur HTVP. Ces dernières ont, entre autres, appris à être plus
proactives dans la gestion des rôles qu’elles jouent au travail et à la maison,
ainsi qu’à assumer davantage leurs décisions concernant l’HTVP.
Les résultats de la formation en ligne montrent, pour leur part, que les
personnes en emploi perçoivent une réduction significative des tensions liées
au fait d’être un proche aidant (caregiver strain).
Du côté des formations pour les managers, Doherty et Manfredi
(2006) constatent que l’animation d’ateliers avec de tels participants est l’un
des facteurs pouvant contribuer au développement d’une culture
organisationnelle plus favorable à l’HTVP, mais que cela n’est pas suffisant
et qu’il faut aussi encourager les managers à faire davantage confiance à
leurs subordonnés et à adopter un style de gestion participatif afin de rendre
le travail plus flexible. Pour ce qui est de l’étude de Kossek et Hammer
(2008), les résultats montrent que la formation des managers à l’HTVP avec
un tutoriel en ligne et une discussion individuelle avec un formateur a eu des
effets bénéfiques sur les perceptions de leurs subordonnés. Ceux-ci notent
une amélioration significative de leur santé en général, de leur satisfaction
au travail, de leur désir de se soumettre aux règles de sécurité en milieu de
travail et du soutien de leur manager en matière d’HTVP. D’ailleurs, une
réduction considérable de l’écart entre la perception des subordonnés et celle
de leurs managers quant au niveau de soutien de ces derniers en matière
d’HTVP a été observée après l’intervention.
4. Discussion
Après avoir présenté les résultats de la revue de la littérature et
analysé les études pertinentes en fonction de leurs principales
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
115
caractéristiques, un regard critique sera maintenant porté sur leurs qualités
méthodologiques. Plusieurs d’entre elles omettent complètement de traiter
de leurs limites (Ascentia 2005a et 2005b; Doherty & Manfredi, 2006;
Goeke et al., 2011, Green & Skinner, 2005; Kossek & Hammer, 2008;
Petridou & Glaveli, 2008; Richardson et al., 2008; Tennant & Sperry, 2003;
Wales, 2003), tâche pourtant nécessaire à l’évaluation de la validité de leurs
résultats non seulement dans une perspective théorique, mais aussi pratique.
À quel point les études publiées jusqu’à maintenant ont-elles généré des
résultats non biaisés applicables dans la pratique?
Les études incluses dans la revue de la littérature comportent des
limites relatives à la sélection et à l’exclusion des participants. La taille de la
moitié des échantillons ne dépasse pas 50 individus. En raison de la petitesse
de ce nombre, les résultats des études s’avèrent difficilement généralisables.
En outre, plusieurs échantillons ne sont pas représentatifs par rapport à la
population en général : certains ne sont composés que d’hommes (Wilson et
al., 2006; Tennant & Sperry, 2003), tandis que d’autres n’admettent que des
femmes (Dutta et al., 2011; Goeke et al., 2011; Petridou & Glaveli, 2008).
Ajoutons que 2 études sont fondées sur des données provenant
d’échantillons pour lesquels les participants se sont auto-sélectionnés,
puisqu’ils en sont aussi les auteurs (Goeke et al., 2011; Richardson et al.,
2008). Quant à l’homogénéité des groupes témoins et des groupes
expérimentaux, une seule étude se démarque par sa sélection aléatoire des
participants (Beauchamp et al., 2005). Les autres utilisent des groupes
témoins non équivalents (Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008; Wilson et
al., 2006) ou quasi-équivalents (Cahan et al., 2010). Un dernier point
important à souligner concerne le taux élevé d’abandon des participants. Au
moment du post-test, ce taux varie de 20 % à 38 % (Bedell, 2008; Dutta et
al., 2011; Liossis et al., 2009; Millear et al., 2008; Petridou & Glaveli,
2008). Lorsqu’un suivi est effectué quelques mois après le post-test, ce taux
varie alors de 35 % à 68 %.
En ce qui a trait aux limites relatives aux interventions, on notera
d’abord qu’elles sont généralement traitées de manière très sommaire.
Quelques études ont cependant mesuré la satisfaction des participants ou
demandé aux participants de juger de l’utilité de la formation (Ascentia
2005a et 2005b; Beauchamp et al., 2005; Liossis et al., 2009; Millear et al.,
2008). Dans tous les cas, les participants semblent avoir apprécié les
formations ou avoir trouvé celles-ci adéquates. Pour ce qui est des
formations en classe et des séances de coaching, elles ont été données par
des professionnels. Il faut toutefois noter que les formateurs sont aussi
parfois les chercheurs eux-mêmes (Ascentia 2005a et 2005b; Doherty &
Manfredi, 2006; Green & Skinner, 2005; Tennant & Sperry, 2003; Wales,
2003), ce qui peut influencer les perceptions des participants. Dans un autre
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
116
ordre d’idées, les études analysées ne prennent pas en compte la possibilité
d’une intervention parallèle à la leur. On ne sait donc pas si les participants
auraient pu acquérir des informations ou des habiletés relatives à l’HTVP
d’une autre source pendant l’expérimentation. Or, cela peut influencer les
résultats quant à la perception qu’ont les participants de l’amélioration de
leur HTVP. Une autre limite, mentionnée par Beauchamp et al. (2005), est
importante : le fait de communiquer plus souvent avec les participants du
groupe expérimental qu’avec ceux du groupe témoin peut provoquer chez
les premiers une sorte d’effet de halo.
Pour ce qui est des limites relatives à la mesure des résultats, la plus
évidente d’entre elles tient à ce que les études reposent essentiellement sur
les perceptions auto-déclarées des participants. L’étude de Kossek et
Hammer (2008) et celle de Green et Skinner (2005) sont les seules à faire
intervenir une tierce personne (les subordonnées ou les superviseurs) pour
corroborer les résultats obtenus auprès des participants formés. Une autre
limite, qui touche spécialement les études de Goeke et al. (2011) et
Richardson et al. (2008), consiste en ce que les participants sont aussi les
chercheurs. Leurs auto-observations et auto-analyses peuvent
involontairement mettre de côté, voire refouler, les résultats négatifs au
profit des résultats plus positifs. En ce qui a trait aux instruments de mesure,
on se souviendra que plusieurs études reposent sur des échelles développées
par les auteurs eux-mêmes et que celles-ci n’ont pas nécessairement été
préalablement validées (Cahan et al., 2010; Green & Skinner, 2005;
Petridou & Glaveli, 2008). Parmi les instruments validés, il faut cependant
voir qu’ils n’ont pas tous la même sensibilité. Certains ne consistent qu’en
une ou deux questions générales sur l’HTVP (Clarke et al., 2004), tandis que
d’autres sont beaucoup plus précis et exhaustifs dans la mesure des multiples
interactions entre le travail et la vie personnelle (Grzywacz & Marks, 2000).
On remarquera également que les collectes des données ont souvent été
effectuées en milieu de travail, ce qui n’est pas un environnement neutre
pour des études portant sur l’HTVP.
Enfin, on doit prendre en compte que certains des auteurs des
articles peuvent être en conflit d’intérêts, dans la mesure où ils chercheraient
à vendre leurs services professionnels de formation par la publication de
leurs résultats de recherche (Ascentia, 2005a et 2005; Beauchamp et al.,
2005; Wales, 2003).
5. Conclusion
La revue de la littérature commentée fait ressortir avec évidence le
fait qu’offrir une formation à l’HTVP est profitable. Dans la quasi-totalité
des études, les participants ont perçu une amélioration de leur HTVP. De
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
117
nombreuses recherches devront encore être menées pour déterminer le type
de formation à l’HTVP le plus efficace pour l’ensemble des personnes en
emploi et des managers. Est-ce l’autoformation, la formation en classe,
l’accompagnement de groupe, l’accompagnement individuel ou même une
combinaison de divers types de formation ? Pour le savoir, il faudrait tester
un même contenu de formation donné selon différents formats et comparer
les résultats obtenus. La durée des formations devrait aussi être évaluée afin
de trouver le format le plus apte à produire les meilleurs résultats en un
minimum de temps. Il serait aussi important que les futures études puissent
identifier les caractéristiques des participants répondant le mieux aux
différents types de formation à l’HTVP, de même que les effets les plus
notables de chaque type de formation sur les diverses composantes de
l’interface travail-vie personnelle, c’est-à-dire sur les interactions négatives
du travail sur la vie personnelle et de la vie personnelle sur le travail et les
interactions positives du travail sur la vie personnelle et de la vie personnelle
sur le travail. Ces nouvelles connaissances permettront non seulement de
faire considérablement progresser ce nouveau champ de recherche qu’est
l’évaluation de la formation à l’HTVP, mais aussi d’offrir aux personnes en
emploi et aux managers des formations pouvant mieux répondre à leur profil
individuel et apporter l’amélioration souhaitée à leur pratique de l’HTVP.
En outre, des études pourraient porter sur des formations conjointes ou
parallèles des divers acteurs des milieux professionnels et familiaux. Par
exemple, une même formation suivie par des personnes en emploi, leur
conjoint et leur manager serait-elle plus profitable qu’une formation suivie
exclusivement par des personnes en emploi ? Une formation pour les
personnes en emploi offerte parallèlement à une formation pour les
managers serait-elle plus profitable qu’une formation simplement offerte aux
personnes en emploi ou aux managers ? Il va de soi que les futures études
devraient faire montre de plus rigueur en adoptant un design quasi-
expérimental ou même expérimental avec des échantillons représentatifs
constitués aléatoirement, des interventions davantage contrôlées et l’usage
d’instruments de mesure validés, précis et complets quant aux multiples
dimensions de l’interface travail-vie personnelle. Enfin, il serait pertinent
d’évaluer les formations en prenant en compte non seulement les perceptions
des participants eux-mêmes, mais également celles des membres de leur
famille, de leurs collègues de travail et de leur manager. Pour plus
d’objectivité encore, des mesures telles que des indicateurs de performance
au travail ou des comportements familiaux appropriés pourraient également
être considérées. Tout un programme de recherche est ici déployé afin
d’encourager la poursuite des études sur l’évaluation de la formation à
l’HTVP.
Isabelle Létourneau, Lise Chrétien & Marie-Ève Lécine / PTO – vol 18 – n°2
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Références
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Nature et significations des échanges entre domaines de
vie : l’exemple des nouveaux cadres de l’Action Sociale
Registers and meanings of exchanges between life
domains : the example of new social work managers
Annie-Christine MARTIN, Jean-Luc MEGEMONT, Audrey ROQUEFORT
& Alexis LE BLANC
Equipe de Psychologie Sociale, du travail et des organisations du Laboratoire
« Psychologie du Développement et Processus de Socialisation », Université
Toulouse 2 – Le Mirail, 5 allées Antonio Machado 31058 TOULOUSE Cedex 9
(France)
[email protected],[email protected], [email protected]
Résumé
L’accès à un premier poste de manager implique pour les professionnels concernés
une réflexion sur leurs engagements en différents champs et temps de leur
socialisation, sur leurs modalités d’articulation et sur les possibilités de les concilier.
En référence au modèle d’une socialisation active parce que plurielle et
conflictuelle, qui récuse une approche dichotomique des rapports entre vie de travail
et vie hors travail, les processus de signification des rapports entre domaines de vie
orientent, en dialogues avec autrui, l’organisation des échanges entre domaines de
vie. L’analyse d’entretiens approfondis menés auprès de nouveaux cadres de
l’Action Sociale met en évidence que ces échanges se développent sur différents
registres : temporel, informationnel, relationnel, émotionnel, axiologique,
idéologique et symbolique.
Abstract
Accessing to a management position for the first time implies, for professionals,
reflecting on their commitments in different fields and times of their socialization,
on their articulation, and on their compatibilities. Referring to the model of an active
socialization – active because plural and then conflicting – which rejects a
dichotomous approach of the “work/non work” relations, the meaning people give
to the relations between their different life spheres, communicating with others,
orientates the organization of exchanges between life domains. Content analysis of
interviews conducted with new social work managers brought us to distinguish six
types of exchanges: temporal, informational, relational, emotional, axiological,
ideological and symbolic.
Mots-clés : travail/hors travail, socialisation plurielle, transition de carrière, Action
Sociale
Key-Words: work/non work relations, plural socialization, career transition, social
work
mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]
Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, Audrey Roquefort & Alexis le Blanc / PTO – vol 18 n°2
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1. Introduction générale
Les situations de mobilité professionnelle deviennent de plus en plus
fréquentes dans le déroulement de carrière des individus (Feldman, 2002).
Sous leurs différentes formes (intra ou inter-organisationnelles, ascendantes
ou horizontales…), elles s'accompagnent d’expériences de transition au
cours desquelles les sujets sont conduits à réexaminer et à redéfinir leur rôle
professionnel (Louis, 1980). La phase "d'entrée de rôle" (Ashforth, 2001) qui
désigne le moment de l'engagement du sujet dans sa nouvelle situation
professionnelle induit de multiples perturbations susceptibles d'affecter
l'équilibre de vie des individus. C'est le cas des mobilités ascendantes qui
débouchent sur une première prise de poste de manager et dont les
conséquences peuvent être sources de bouleversements plus ou moins
importants. En dépit des nombreux bénéfices qu’il procure, en termes de
pouvoir, de rémunération, de prestige, d'estime de soi, ce type de
changement professionnel confronte le sujet à une réalité dont il peut
difficilement anticiper l'ensemble des conséquences. Les travaux qui traitent
de cette problématique permettent de repérer les différentes perturbations
qu'engendre un tel changement, en particulier dans le champ du travail social
sur lequel est centrée notre étude (Cousins, 2004 ; Stevens & Amundson,
2008).
Les difficultés majeures que les nouveaux cadres de l’Action Sociale
doivent affronter résident dans la multitude et la diversité des tâches à
accomplir et des responsabilités à assumer, pour lesquelles ils sont souvent
insuffisamment préparés. Bien que ces nouvelles missions et activités
puissent constituer une stimulation, elles peuvent aussi, lorsqu’elles se
cumulent, donner lieu à sentiment d’incompétence et devenir un facteur de
stress professionnel (Stevens & Amundson, 2008). En ce cas, les nouveaux
promus auraient tendance à se replier sur les composantes administratives et
juridiques de leur travail au détriment notamment des fonctions de
management des personnes placées sous leur responsabilité (Dill & Bogo,
2009 ; Hill, 1992 ; Watkins, 1993). La nécessité de gérer un nombre plus
conséquent de tâches, mais aussi le sentiment de responsabilité accru à
l’égard des missions du service, se traduisent par une intensification de
l’activité qui donne fréquemment lieu à un allongement conséquent de la
durée du travail (Dill & Bogo, 2009). L’accès au poste de manager implique
également l'exercice d'une autorité hiérarchique qui suscite, bien souvent,
chez les sujets, des conflits de valeurs : entre celles que sont censées
promouvoir les fonctions du travail social (responsabilisation et
autodétermination des personnes, acceptation de la différence de l’autre,
solidarité…) et celles liées à l’exercice du pouvoir au sein d'organisations de
travail de plus en plus soumises à des impératifs de performance (Cousins,
2004 ; Stevens & Amundson, 2008). Cela est susceptible de conduire les
nouveaux managers à l’évitement de certaines de leurs missions (Cousins,
Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, Audrey Roquefort & Alexis le Blanc / PTO – vol 18 n°2
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2004). Elle peut aussi contraindre le sujet à une distanciation à l'égard de ses
anciens pairs, qui peut être vécue douloureusement.
Les études qui s'intéressent aux effets perturbateurs d'une première
prise de poste de manager, tendent à circonscrire leur étude au seul domaine
professionnel. Or la recherche que nous présentons, menée auprès d'une
population de cadres nouvellement promus dans le secteur de l'Action
Sociale, vise à mettre à jour et à analyser les processus de régulation que
mobilisent les sujets en ces situations non seulement dans leur vie de travail
mais aussi dans la pluralité de leurs domaines de vie.
2. Prise de position théorique dans le champ des recherches sur les rapports entre la vie professionnelle et les autres domaines de vie
Depuis une vingtaine d’années, l’attention portée par les chercheurs
à l’interface travail-hors travail n’a cessé de se développer. En atteste la
méta-analyse proposée par Amstad, Meier, Fasel, Elfering & Semmer (2011)
qui recense à ce jour 356 études afférentes au champ spécifique du conflit
travail-famille.
La conceptualisation des rapports entre temps et espaces de vie,
réduite aux deux pôles travail-famille et initialement appréhendée en termes
exclusifs de conflit inter-rôle et de conciliation (Baltes & Heydens-Gahir,
2003 ; Dikkers, Geurts, Peper, & Komier, 2004 ; Greenhaus & Beutel,
1985 ; Mc Fayden, Kerpelman, & AdlerBaeder, 2005), a fait récemment
l’objet de nouvelles propositions. A cette perspective strictement
conflictuelle est opposée celle de l’enrichissement ou de la facilitation,
définie « comme une forme de synergie par laquelle les ressources associées
à un rôle favorisent la réalisation d’un autre rôle » (Greenhaus & Powell,
2006 ; Rothbard, 2001 ; Voydanoff, Raymond, & Fitz, 2004). C’est
aujourd’hui, dans le cadre de la « théorie des frontières » (Bulger, Hoffman,
& Matthews, 2007 ; Fischer, Bulger, & Smith, 2009; Matthews & Barnes-
Farrell, 2010), que ces deux dimensions conflit/enrichissement sont
introduites dans la controverse théorique. Le modèle auquel se réfère le
concept de « boundary » ou frontière vie de travail / vie privée porte
précisément sur la séparation ou l’interpénétration des domaines de vie. Il
postule que les sujets gèrent activement les limites temporelles entre vie de
travail et vie personnelle à travers des processus de segmentation ou
d’intégration de ces domaines. Deux caractéristiques permettent de qualifier
la porosité et la stabilité de ces frontières : la perméabilité et la flexibilité.
Rappelons (Martin-Canizarès, Mègemont, & Dupuy, 2009) qu’une frontière
est dite « perméable » lorsque le sujet autorise le déplacement d’éléments
d’un domaine dans un autre. Ces éléments peuvent être d’ordre
psychologique (s’inquiéter pour un enfant malade) ou comportemental
(recevoir la visite d’un collègue à son domicile) ; une frontière est dite
Annie-Christine Martin, Jean-Luc Mègemont, Audrey Roquefort & Alexis le Blanc / PTO – vol 18 n°2
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« flexible » si elle peut être distendue pour satisfaire les exigences d’un
autre domaine (un employé s’autorise à quitter son lieu de travail pour traiter
une question familiale). La flexibilité renvoie ainsi à la possibilité de
rétraction ou d’extension physique ou temporelle des limites du domaine.
Bulger et al. (2007) proposent la notion de « management des frontières »
pour rendre compte des stratégies de segmentation ou d’intégration des
domaines que les sujets adoptent.
Les travaux de notre équipe de recherche (Baubion-Broye, Dupuy,
& Hajjar, 2004 ; Curie & Hajjar, 1987 ; le Blanc, 2006 ; Martin-Canizarès et
al., 2009) se démarquent des approches précédentes sur plusieurs points
importants. D’abord parce qu’ils refusent de s’inscrire dans la dichotomie
classique « vie de travail / vie hors travail » qui offre une perspective limitée
tant de la vie professionnelle que de la vie personnelle. Or, comme l’indique
très justement Ollier-Malaterre (2010), la restriction de la vie personnelle à
la vie familiale, et, plus particulièrement au soin des enfants ou aux
personnes âgées, surtout quand les politiques publiques et les entreprises
visent les femmes, relève d’un modèle culturel (cf. « work-family culture »).
Sur l’exemple des théories du « care » (Brugère, 2011 ; Gilligan, 1982),
nous récusons une dichotomie travail/hors travail qui n’est autre qu’une
séparation (idéologiquement construite au nom du productivisme et de la
divisio