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SEANCE SDE S 28 ET 29 DECEMBRE 1989 La séance est ouverte à 1 5 heures . Tous les membres sont présents . Monsieur le Président signale qu' il sera obligé d ' interrompre la séance à 17 h 20 en raison d'un rendez-vous. Il donne la parole à Monsieur Léon JOZEAU-MARIGNE qui présente son rapport sur la loi de finances rectificative pour 1989 . "Monsieur le Président, mes Chers Collègues , La loi de finances rectificative pour 1989 est déférée par 78 sénateurs du R . P . R . Ils contestent les articles 28 et 3 5 du projet de loi qui sont devenus, dans le texte définitif, les articles 40 et 5 3. L' article 40 crée une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux dans la région Ile-de-France et en définit le régime. L'article 5 3 ouvre , à compter du 1er mars 199 0 , dans les écritures du Trésor un compte d ' affectation spéciale intitulé "Fonds pour l ' aménagement de l ' Ile-de -France" . L' article caractérise l ' affectation du compte . Il s ' agit d ' aider la construction et les transports dans certaines parties de la région Ile-de-France . Les auteurs de la saisine nous demandent de juger que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant la loi contenu dans l 'article 2 de la Constitution et à celui de la libre administration des collectivités territoriales posé par l ' article 72 . Je n ' ai guère d 'hésitation à vous proposer de rej eter ces contestations . I - En ce gui concerne le pr inc ipe d ' éga l it é devant la loi : Les sénateurs font valoir que les dispositions concernées créent à l 'évidence une disparité, une inégalité , entre les différentes régions composant le territoire français en instituant un impôt spéci fique à une région nominativement désignée. Le principe d ' égal ité n ' aurait , selon eux, été respecté que si le Parlement avait fixé un critère juridique et objectif de di fférenciation pour opérer une distinction entre les régions . - la violation du principe d'égalité devant la loi est souvent invoquée devant nous . . ..1 ...

P.V. de séance - Conseil constitutionnel...tente de répondre une politique fiscale adaptée, je ne vois pas en quoi le principe d'égalité serait atteint. II - Je serai très bref

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Page 1: P.V. de séance - Conseil constitutionnel...tente de répondre une politique fiscale adaptée, je ne vois pas en quoi le principe d'égalité serait atteint. II - Je serai très bref

SEANCESDES 2 8 ET 2 9 DECEMBRE 1 9 8 9

La séance est ouverte à 15 heures . Tous l e s membres sont présents .

Mons ieur le Prés ident s ignale qu ' il sera obl igé d ' interrompre l a séance à 1 7 h 2 0 en ra ison d ' un rendez -vous .

I l donne la parole à Monsieur Léon JOZ EAU-MARIGNE qui présente son rapport sur l a l o i de finances recti ficat ive pour 19 8 9 .

"Monsieur le Prés ident , mes Chers Collègues ,

La l o i de f inances recti ficative pour 1 9 8 9 est déférée par 7 8 sénateurs du R . P . R .

I l s contestent les articles 2 8 et 35 du proj et de loi qui sont devenus , dans l e texte définit i f , les articles 4 0 et 53.

L ' article 4 0 crée une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux dans la région I le-de-France et en définit le régime .

L ' article 53 ouvre , à compter du 1er mars 1 9 9 0 , dans les écritures du Trésor un compte d ' a ffectation spéciale intitulé " Fonds pour l ' aménagement de l ' I le-de-France " . L ' article caractérise l ' a f fectation du compte . Il s ' agit d ' aider la construction et les transports dans certaines parties de la région Ile-de-France .

Les auteurs de l a saisine nous demandent de j uger que ces dispositions sont contraires au principe d ' égal ité devant la loi contenu dans l ' art icle 2 de l a Constitution et à celui de l a l ibre administration des col l ectivités territoriales posé par l ' article 7 2 .

Je n ' a i guère d ' hés itation à vous proposer de rej eter ces contestations .

I - En ce gui concerne le principe d ' égal ité devant la loi :

Les sénateurs font valoir que les dispos itions concernées créent à l ' évidence une d isparité , une inégal ité , entre les d i fférentes régions composant le territo ire français en instituant un impôt spécifique à une région nominativement dés ignée.

Le principe d ' éga l ité n ' aurait , selon eux , été respecté que s i l e Parl ement avait f ixé un critère j uridique e t obj ect i f d e différenciation pour opérer une distinction entre les régions .

- l a violation du principe d ' égal ité devant l a loi est souvent invoquée devant nous .

. .. 1 ...

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Nous en avons précisé les contours dans ce qui est devenu un considérant de principe :

" Le principe d'égal ité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon d i fférente des s ituations d i fférentes ni à ce qu'i l déroge à l'égal ité p our des ra isons d'intérêt général pourvu que , dans l'un et l'autre cas , l a d i fférence de traitement qui en résulte s o it en rapport avec l'obj et de la l o i qui l'établ it" .

En mati ère d'égal ité devant l'impôt , l a mise en oeuvre de ce principe nous a conduit à reconnaître une large marge d'appréciation au législ ateur , sous réserve que les critères de différenci ation retenus par lui soient en rapport avec le but qu'il s'assigne .

Or , ces principes sont respectés en l'espèce : les conditions du traitement d i fférenci é existent et elles sont obj ectivement déterminées .

I l suffit p our s'en convaincre de se reporter à l'exposé des moti f s qui soul igne l'existence d'une s ituation particul i ère et la nécess ité d'y porter remède .

Ains i , peut-on l ire dans l ' exposé des motifs de l'article 38 :

" Le Gouvernement a décidé d'engager en I le-de-France , avec l e s col l ect ivités locales , un programme visant à corriger l e s déséqu i l ibres les plus graves que conna ît cette région : difficulté de l ogement , saturati on des infrastructures de transport , aggravation de l'éloignement entre les l ieux de travail et l'habitation " .

Dès lors qu'on se trouve devant une s ituation spécifique à laquell e tente d e répondre une pol itique f i scale adaptée , j e ne voi s pas e n quoi l e principe d'égal ité serait atteint .

I I - Je serai très bref sur le second point relati f à l a l ibre administration des col l ectivités territoriales .

Les sénateurs auteurs de l a sais ine partent du principe que toute impos ition perçue localement et localement uti l isée est une imposition locale , ce qui j ustifie l a compétence des organes représentat i f s de l a coll ectivité concernée pour son étab l i ssement .

I l y a l à une analyse qui est évidemment inacceptable s auf à interdire à l'Etat d'asseoir un impôt sur une activité géographiquement dél imitée . Une tel l e construction , éminemment réductrice des compétences de l'Etat , ne repos e certainement pas sur les impl ications de l'article 7 2 de la Constitution .

Nous nous trouvons tout s implement devant la création d'un impôt de l'Etat , dont l'assiette est déterminée l ibrement par le législateur conformément à la compétence que lui donne la Constitution et l a contestation est a in s i sans pertinence .

Je vous p ropose donc de j uger que l es articles contestés ne sont pas contra ires à la Constitution .

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Ma is j e n ' en restera i pas là . Je vais prolonger mon expsé à partir d ' un problème qui se pose à nous et qui concerne le dispos itif de notre décis ion . Devons-nous nous en tenir seulement au rej et des contestations relatives aux articles 4 0 et 53 ou devons-nous mentionner la conformité de l a loi de finances recti ficative à la Constitut ion ? J ' ai penché pour la première solution , après en avoir discuté avec Monsieur le S ecrétaire général . Ma is j ustement la discussion sur l ' espèce de blanc-seing que constitue le brevet de conformité donné à l a loi toute entière nous a conduit à nous interroger sur l ' existence de caval iers budgétaires . Or , en cherchant , nous en avons trouvé un , d ' où l a variante qui vous est soumise en même temps que l e proj et de rej et ( 1 ) . Dans l a loi de finances elle-même nous avons trouvé deux caval iers budgétaires. Il y a une tendance à l ' extension des caval iers , alors même que le Conseil constitutionnel a clairement marqué sa réticence devant cette procédure . Or , l ' article 6 1 de la loi de finances recti ficative est relat i f à l ' intégration de fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie dans un corps métropol itain homologue . Cel a ne correspond ni à une créat ion d ' emploi , ni à une ouverture de crédit . I l s ' agit d ' une dispos ition qui n ' a pas un caractère financier et qui n ' a donc pas sa place dans une loi de finances .

S i vous partagez cette analyse , nous pourrions nous l imiter dans le dispos i t i f à cette censure sans soul igner que les autres dispositions de l a loi s ont conformes à la Constitution . Nous avons déj à util isé cette formulation en 19 8 7 et en 1 9 8 8 .

Monsieur le Prés ident : Merci Monsieur le rapporteur . Le problème que vous pose z pour terminer est un problème que nous connaissons bien . Peut-on donner un label de constitutionnal ité alors que nous ne sommes pas en état de tout véri fier ? Il faut censurer ce qui correspond mani festement à des caval iers budgétaires . Ma is il ne faut pas donner un blanc-se ing pour le reste . La formule restrictive que vous nous propose z e s t une formule que nous avons déj à retenue pour d e s l o i s d e f inances . J ' ouvre l a discussion sur ce rapport .

Monsieur Robert FABRE se demande s i la censure concernant l ' intégration de fonctionnai res de Nouvel l e-Calédon ie dans un corps métropol itain ne risque pas d ' etre perçue comme une brimade . N ' y-a-t- i l pas eu des engagements sur ce point dans les Accords Matignon ?

Monsi eur JOZEAU-MARIGNE : Ce qu ' il faudrait pour résoudre cette question c ' est une autre loi !

Monsieur l e Président : Je comprends très bien la question posée par Monsieur FABRE mai s ce n ' est pas le problème de fond qui est pos é , c ' est celui de l a procédure .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : S i les crédits exi stent i l n ' y aura pas de prob l ème , pour répondre à l ' inquiétude de Mons ieur FABRE qui est parfaitement j ustifiée . Ma is la solution interviendra dans le cadre de l a loi ordinaire .

(1 ) Voi r le dossier de séance

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Mons ieur FAURE : Un probl ème ident ique s ' est posé pour les fonctionnaires de Tunis ie , du Maroc et de l ' Algérie , en 1 9 5 6 , 1 9 5 7 et 1 9 58 . C ' était le Prés ident Marceau LONG qui avait été chargé du probléme avant 1 9 5 9 . I l avait fallu une loi spéci fique pour résoudre l e s problèmes dont j ' avais eu à m ' occuper .

Monsieur le Prés ident : Tout cela est très j udicieux mais n ' est pas directement l ié à notre problème de " cava l ier" .

Monsieur CABANNES : Le proj et n• 1 ( 1 ) est très bien . Je pense qu ' i l vaut mieux , en opportunité , ne pas soulever d ' office le probl ème de l a Nouvell e-Calédonie .

Mons ieur ROBERT : Je suis favorable à la variante .

Monsieur FAURE : Je suis pour la variante , ma is elle risque d ' être mal interprétée . Cependant , si c ' est soulevé !

Plusieurs membres font remarquer que le moyen n ' est pas soulevé .

Monsieur le Prés ident : Il y a quand même une procédure qui n ' est pas conforme ; cela est évident .

De toute façon , nous aurons à choisir entre deux dispos itifs . Je propose que nous pass ions à la lecture et ensuite au vote .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE soul igne qu ' il s ' est informé sur la recette concernant la taxe sur les bureaux . Elle est de l ' ordre de 1 M i l l iards de Francs .

Monsieur FAURE : Cel a ne va pas très loin !

Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du proj et de décis ion .

Mons ieur FABRE se demande si le deuxième al inéa de l a page 3 est suffisamment équil ibré dans sa rédaction . Ne faudrait- il pas écrire " d ' engager et d ' encourager . . . " dès lors que ce n ' est pas seulement l ' Etat qui est en cause ?

Monsieur JOZEAU-MARI GNE répond que tous les é l éments qui ont mot ivé le législateur sont bien indiqués dans la décis ion .

Mons ieur FABRE équil ibrée .

Je n ' ins iste pas , s i vous pensez que l a formulation est

Monsieur le Prés ident cons idère que la formulation est effectivement équil ibrée .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE achève la l ecture du proj et de décision et donne aus s i l ecture de l a variante concernant l ' article 6 1 ( 2 ) .

Mons ieur le Prés ident met au voix la vers ion avec la variante et cel le sans l a variante .

Le texte de l a décision avec l a variante est adopté à l ' unanimité moins la voix de Mons ieur CABANNES .

( 1 ) ( 2 ) Voir le dossier de séance

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Monsieur l e S ecrétaire général s ' interroge sur la date du dél ibéré qui doit être mentionnée .

Monsieur l e Prés ident demande que soient indiquées les dates des 2 8 et 2 9 décembre 1 9 8 9 puisque les deux décisions concernant la loi de finances pour 1 9 9 0 et la loi de finances rectificative pour 1 9 8 9 seront rendues pub l iques en même temps .

-ooo-

Monsieur le Président finance s .

Nous passons aux choses sérieuses avec la loi de

Monsieur JOZEAU-MARIGNE

"Mons ieur le Président , mes Chers Coll ègues ,

L ' an passé , à pareille époque , nous avions constaté que l a loi de finances de l ' année ne nous était pas soumise et nous en étions presque à le regretter .

La s ituation est toute d i fférente cette année .

La loi de finances pour 1 9 9 0 est attaquée devant nous . I l n ' y a pas qu ' une s a i s ine , mais trois comme vous avez pu le constater .

D ' abord , une sais ine des députés R . P . R . qui est particulièrement fournie et d ' un intérêt inégal .

Ensuite , une sais ine des s énateurs qui est beaucoup mieux construite .

C ' est Mons ieur Roger CHINAUD , rapporteur général du budget , qui est venu la déposer lui-même au Conseil constitutionnel le 2 3 décembre en fin de j ournée .

I l y a enfin une sais ine des députés centristes qui contestent exclus ivement la régularité de la mise en oeuvre de l ' article 4 9 , al inéa 3 , de la Constitution .

On pourra it évidemment s ' interroger sur la profus ion souda ine des saisines en matière budgétaire . Je me bornera i sur ce point à deux brèves réflex ions .

D ' une part , i l faut y voir un s igne de l a détérioration du cl imat au sein des a ssemblées en fin de sess ion . La multipl ication des amendements de derni ère heure et le recours fréquent à l ' article 4 9 , a l inéa 3 , laissent inév itablement quelques traces dans les esprits .

D ' autre part , et c ' est surtout sens ible dans le cas de l a s a i s ine des députés R . P . R . , à une contestat ion d ' origine proprement parlementa ire s ' aj oute une contestation émanant des mil ieux socioprofessionnel s .

Cela con fère aux arguments dont nous sommes saisis un caractère quelque peu disparate .

Auss i me suis-j e e f forcé d ' introduire un minimum d ' ordre et de logique •

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Je sera i conduit , dans un souci de clarté , à exposer devant vous

- dans une p remi ère partie , toutes les questions se rattachant à la procédure ;

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- dans une seconde partie , tout ce qui a trait au contenu des articles contestés .

Les moyens relat i fs à l a procédure législative peuvent être regroupés sous quatre rubriques

- les moyens tirés du recours à l ' article 4 9 , al inéa 3 , de l a Constitution ;

- les moyens t i rés de la procédure suivie pour la suppres s i on de l ' article 3 3 ter du proj et de loi de f inances et de ses conséquences sur l ' a rticle d ' équil ibre ;

- les moyens t irés de la procédure suivie pour introduire par voie d ' amendements des dispositions nouvell es au cours de l a discuss ion parlementa ire ;

les moyens relatifs à l ' introduction de caval iers budgéta i res.

SUR LES MOYENS TIRES DU RECOURS A L ' ARTICLE 4 9 , ALINEA 3 , DE LA CONSTITUTION :

Les recours des groupes R . P . R. et U . D . C . de l ' Assemblée nati onale font valoir qu ' en l ' absence du Premier ministre , c ' est Monsieur Lionel JOSPI N , Ministre d ' Etat , Ministre de l ' Education nationale , de l a Jeunesse e t des Sports , qui a été chargé d e l ' intérim du Premier ministre et a engagé la responsab il ité du Gouvernement devant l ' Assemblée national e sur la première parti e de la l o i de f inances en nouvel l e lecture , l e 1 4 décembre 19 8 9 , à 0 h 5 5 . or , le décret du Président de l a Répub l i que , contresigné par le Premier ministre , désignant Mons ieur Lionel JOSPIN comme Premier ministre par intérim , daté du 1 4 décembre , a été publ ié au Journal officiel du 1 5 décembre .

En foncti on de cette s i tuation de droit et de fait , les s a i s issants dénoncent trois irrégularités .

I l s soul ignent tout d ' abord qu ' aux termes de l ' article 4 9 , al inéa 3 , seul le Premier ministre peut " après dél ibération du Conseil des ministres , engager la responsab il ité du Gouvernement sur le vote d ' un texte " .

Non s eulement l e Premier ministre n ' aurait pas été présent pour engager la responsabil ité du Gouvernement mais le compte rendu officiel du Cons�i l des mini stres du 1 3 décembre 1 9 8 9 ne fait pas état d ' une tel l e dél ibération.

Par a i ll eurs , les députés ne pouvant avoir conna i s sance du décret du Président de la Répub l i que , celui-ci ne leur éta it pas opposable .

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Je répondra i d ' abord sur le moyen tiré de l ' absence de dél ibération en conseil des ministres pour me concentrer ensuite sur l ' intérim du Premier ministre .

En réal ité , l e Conseil des mini stres , au cours de sa réunion du 1 3 octobre 19 8 9 , a b ien dél ibéré sur l ' engagement de la responsabi l ité du Gouvernement sur le proj et de loi de finances . Cette part i e de la dél ibération n ' a pas été rendue pub l i que . Mais j e me suis fait communiquer un extrait du relevé de décis ions qui est formel . Par conséquent , les conditions posées par la Constitution pour l a mise en oeuvre de l ' article 4 9 , al inéa 3, de la Constitution , se trouvai ent réunies .

Tout au p lus , convient-il de faire l ' e ffort d ' admettre qu ' une dél ibérat ion du conseil des Ministres autorisant le recours à l ' article 4 9 , al inéa 3 , vaut pour l ' ensemble de l a procédure légis l at ive .

J ' en viens ma intenant à l ' intérim .

La Constituti on de 1 9 5 8 qui règle de façon précise la vacance de l a Prés idence d e l a Républ ique n e contient aucune dispos ition fixant l e s conditions d ' exerc ice des attributions du Premier ministre , l orsqu ' i l est empêché ou provisoirement absent .

Le Premier ministre absent , il importe cependant d ' assurer l a conti nuité de l ' acti on du Gouvernement. C ' est au Président de la Républ ique , qui a nommé l e che f du Gouvernement et qui est chargé , notamment en appl icati on de l ' art icle 5 de la Constitution , d ' assurer par son arbitrage le fonctionnement régul ier des pouvoirs publ ics et l a continuité de l ' Etat , de prendre les d i spos itions nécessaires pour que l ' éloignement du Premier mini stre ne paralyse pas l ' activité gouvernementale . Le décret du Prés ident de la Républ ique , contres igné par le Premier ministre , qui désigne personnellement un ministre chargé d ' assurer l ' intérim du Premier ministre , va incontestablement au-de l à du concept de dél égation par le Premier ministre à un ministre d ' une partie de ses p ouvoirs qui est envisagé par l ' article 2 1 de la Constitution .

L ' intérim est un concept dégagé par notre droit public et plus précisément par la j urisprudence du Conseil d ' Etat .

L ' intérim constitue une des institutions visant à assurer l a continuité . I l concerne le cas dans lequel cette continuité est menacée par un empêchement provisoi re d ' une autorité ou d ' un agent ou par l ' empêchement défin iti f qui se traduit par la vacance du poste .

Dans ces cas , une autorité supérieure va dés igner un intérimaire qui rempl ira la fonction j usqu ' à la fin de l ' empêchement temporaire ou l ' entrée en service du nouveau titula ire .

L ' intérim est généralement prévu par un texte . Cependant , les nécess ités de la continuité des services publ ics conduisent à admettre qu ' en l ' absence d ' un texte l ' autorité dotée du pouvoir hiérarchique peut dés igner un intérimai re .

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C ' est a in s i que par un arrêt du 3 1 octobre 1 9 8 0 , l e Conseil d ' Etat a admis qu ' en cas d ' absence du Premier mini stre le Prés ident de l a Républ i que pouva it , de manière à assurer la continuité d e l ' act ion gouvernementale , charger un ministre d ' exercer les pouvoirs que le Premier ministre "n ' exercera pas en raison de son absence " .

L ' intérim doit être de brève durée .

Les pouvoirs de l ' intérimaire peuvent être préc isés par les textes . A défaut , l a j urisprudence du Conseil d ' Etat a admis , en ce qui concerne les mini stres intérimaires qu ' i ls possédaient : " l ' intégral ité des pouvoi r s attachés à l a fonction" ( arrêt du Conseil d ' Etat , MOLLARET du 2 9 j anvier 1 9 6 5 ) .

L ' intérimaire perd tout pouvoir lorsque cesse l ' empêchement provisoire sans qu ' il soit besoin d ' un acte j uridique mettant fin à l ' intérim .

I l me s emble que le Conseil constitutionnel peut faire s iens les principes ainsi dégagés par la j urisprudence administrative .

Reste , i l est vrai , une dernière difficulté ; c ' est cel l e de l a date d ' effet du décret dés ignant l ' intérima ire .

I l est exact que les règles de droit commun en la matière sont cel les définies par le décret-loi du 5 novembre 18 7 0 .

S i on applique à la l ettre ce texte , le décret chargeant Monsieur JOSPIN de l ' intérim ne serait entré en vigueur qu ' un j our franc à compter de s a publ ication a u Journal officiel .

Mai s i l me semb l e pos s ib l e d ' admettre que le décret individuel chargeant un ministre d ' assurer la continuité de l ' action gouvernementa l e en l ' absence du Premier ministre produit effet dès s a s ignature .

Le Conseil d ' Etat l ' a admis à propos du décret de nomination d ' un nouveau Premier ministre . Cette solution me paraît ici transposable .

Monsieur l e Prés ident : J ' ouvre la discuss ion .

Monsieur CABANNES : Je t i ens d ' abord à rendre hommage au rapporteur qui a dû accompl i r un travai l cons idérable dans un délai record . Je préfère les p roblèmes de fond aux quest ions de procédure mais , s i on l it l ' article 2 1 de la constitution , ses dispositions me paraissent très claires . Le deuxième a l inéa prévoit que le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres . Cependant , l es honneurs comme l e s charges ne se délèguent pas et les actes du Prés ident de l a Républ ique qui n e sont pas soumis au contreseing sont l imités par la Constitut i on . A mon sens , le Premier ministre qui exerce l ' intérim ne dispose pas des mêmes pouvo irs que le Premier ministre . Il p eut exercer tous l e s pouvoirs sau f celui d ' engager la responsab i l ité du Gouvernement . La mise en oeuvre de l ' article 4 9 , al inéa 3 , de l a Constitution , peut déboucher sur la dissolution . I l s ' agit l à d ' une question e ssentielle qui relève de la seule responsab i l ité du Chef du Gouvernement .

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Monsi eur ROBERT : L ' existence de la dél ibération en Conseil des Ministres ne fait pas problème pu isqu ' elle existe . S ' agissant de l a date d ' effet du décret dés ignant l ' intérimaire , il n ' est pas besoin d ' attendre s a publ ication au Journal officiel . Le décret est d ' e f fet immédiat .

En revanche , j e rej o ins Monsieur CABANNES sur le terrain de l a mise en j eu de la responsabil ité gouvernemental e car le recours à l ' article 4 9 , al inéa 3 , de l a Constitution par le Premier mj nistre par intérim me paraît être une dérive contraire à la l ettre et à l ' esprit de la Constitution .

En e ffet , celle-ci menti onne l a vacance du pouvoir dans certa ins cas mai s n ' évoque ni l ' intérim du Premier ministre ni la suppléance . I l n ' est question que d e délégation de certains pouvoirs .

Or , l ' expérience montre que depuis 1 9 5 8 les délégations de pouvo ir du Premier ministre aux ministres ne portent que sur la gestion des a ffaires courantes et , lorsque le Conse i l d ' Etat dit que l ' intérimai re est chargé de la total ité des pouvoirs , i l ne vise que la gestion quotidienne et il censure toute dél égation qu ' il trouverait trop l a rge ou dont le cadre et l ' obj et ne sera ient pas définis avec assez de précis i on . C ' est préci s ément parce que la délégation présente ces défauts qu ' il a été recouru à la formule de l ' intérim mai s celui-ci ne recouvre pas , à mon sens , l ' exercice des fonctions essentielles , constitutionnel les pour au moins deux raisons .

La première t i ent au texte même de la Constitut ion . C ' est en e ffet l e Premier ministre e t non le Gouvernement qui engage la responsabi l ité devant l ' Assemblée nationale . J ' aj oute que le Pré s ident de l a Répub l ique par intérim , en vertu de l ' article 7 de la Constitut ion ne d i spose pas de la p lénitude des pouvoirs du Prés ident de la République puisqu ' il ne peut ni soumettre au référendum un proj et de loi dans l e cadre de la Constitut ion , ni prononcer la dissolution de l ' Assemblée nationa l e . or , ce n ' est pas une coïncidence s i le Président de l a Républ ique par intérim ne dispose pas du pouvoir de d i ssolution . Cette restrict i on va dans le sens de ma thèse dans la mesure où le Premier ministre par intérim ne peut avoir l a total ité des pouvoirs qui est refusée au Président de la Républ ique .

Admettre que le Premier ministre par intérim peut engager la respons abil ité du Gouvernement c ' est en outre aller à l ' encontre de la pratique de l a Vème Répub l i que . L ' article 4 9 , al inéa 3 , de l a Constitution a été uti l i sé 4 1 f o i s depuis 1 9 5 8 mai s le Premier ministre était touj ours présent . Cela est touj ours resté une prérogative fondamentale du Premier mini stre . ou va-t-on si l ' intégral ité des pouvoi rs du Premier ministre est trans férée à un vulga ire ministre ? Je n ' accepte pas cette dérive qui bafoue les droits du Parl ement . On ne peut l a is ser passer cette pratique qui est inacceptable même s ' il n ' y a pas eu de violation de l a Constitution .

Mons ieur le Prés ident : Je vous remercie Mons ieur le Professeur •

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Monsieur FAURE : On ne peut pas échapper à la question de s avoir s i cette procédure éta it ou non conforme à l a Constitution . J e commencerai par là où Mons i eur ROBERT a terminé . Je voi s mal comment on peut d ire que cette procédure était contraire à la Constitution tout en l a laissant passer . I l faut auss i se rendre compte des conséquences d ' une censure . Cela reviendrait à j eter à bas toute la loi de finances . I l faut à nouveau convoquer le Parlement pour voter un texte identique . Ce scénario s erait mal compri s .

Pour revenir aux notions de délégation et d ' intérim , j e t iens à soul igner qu ' à l ' inverse de la délégation qui a un champ l imité celui de l ' intérim ne l ' est pas . De plus , c ' est un décret du Pré s ident de l a Républ ique contres igné par le Premier ministre qui dés igne l e Premier ministre par intérim et , en l ' espèce , il s ' agit du numéro deux du Gouvernement .

Aucune d i sposit ion ne l imite cet intérim .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : C ' est très important .

Monsieur FAURE : C ' est fondamental . On ne peut mettre sur l e même plan l ' intérim du Prés ident de l a Républ ique et l ' intérim d Premier mini stre . La vacance du Prés ident de la République est prévue . L ' intérim du Premier ministre ne dure en fait que quarante-huit heures . En outre , j e maintiens qu ' aucune dispos ition constitutionnelle n ' évoque l ' i ntérim du Premier ministre .

Monsieur ROBERT : La Constitution n ' en parle pas .

Monsieur FAURE : E l l e n ' en parle pas préci sément pour ne pas le l imiter . Le Premier ministre par intérim s ' adresse au Parlement dans les mêmes conditions que l e Premier ministre . J ' observe auss i que , dans les faits , cet engagement de responsabi l ité du Gouvernement traduit b ien un accord entre l e Premier ministre et le Premier mini stre par intérim . Par conséquent , pour toutes ces ra i sons et par souci de bon sens , j e rej oins notre rapporteur .

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : J ' a i écouté ces trois avi s success i fs et malgré l e s rai sons pratiques avancées par Monsieur FAURE , j e me range aux arguments j uridiques de Monsieur ROBERT .

Monsieur MAYER : J ' étais déj à conva incu avant d ' entendre Mon s i eur FAURE car on j oue p lus sur des mots que sur des faits . Pour moi , l e Gouvernement a décidé de poser une question d e confiance devant l ' Assemblée nationale et i l l ' a fait par l ' intermédiaire du Premier ministre par intérim . Cela ne fait pas problème .

Monsieur FABRE : Je fera i une compara i son à l ' échelon muni c ipal . Lorsque le maire n ' est pas l à , le premier adj oint assume tous ses pouvoi rs , même sans texte . S i nous prenons une décis ion contestant la conformité en l ' espèce de l a procédure de l ' article 4 9 , al inéa 3 , de l a Constitution , nous devons être ferrés à gl ace sur le suj et et nous ne pouvons nous permettre d ' improviser .

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Monsieur LATSCHA : Je sui s troublé . Cette question a à l a foi s un aspect concret et un aspect rédactionnel touchant aux termes mêmes de la Constitut i on . Il appara ît clairement que cel l e-ci ne prévoit l ' intérim que pour le Président de la République . Aus s i , dans le s ilence des textes , d ' autres moyens sont uti l i sés ma is j e cons idère que le recours à l ' intérim peut certes régler le problème mais peut être aus s i analysé comme un subterfuge pour tourner la Constitution . Enfin , j ' aj oute que le Premier ministre pourrait assister au vote définit i f de la loi de finances . Pour cette série de raisons , je partage l ' op inion de Mons ieur ROBERT .

Mons i eur le Pré s ident : On peut déplorer l ' existence ou l ' util isat i on de l ' article 4 9 , al inéa 3 , de la Const itution . Personnel lement , j e n ' y a i j amai s e u recours . On peut aus s i regretter que le Premier ministre a it été remplacé par un Premier ministre par intérim . Cela n ' est pas convenab l e pour reprendre les mots d ' un ancien Premier ministre qui fut diplomate ( 1 ) . Ce qui est en j eu ici c ' est le budget . Il convient , comme le soul ignait Monsieur FAURE , de ne pas confondre l ' intérim et l a délégation. A c e propos , j e voudrais vous donner lecture des termes de l ' arrêt S ieur MOLLARET du 2 9 j anvier 1 9 6 5 , rendu à propos de l ' intérim des fonctions du Mini stre de l ' Education Nationale exercé par le Ministre d ' Etat chargé des affaires algériennes de l ' époque , Louis JOXE : " · · · l edit Ministre possédait ainsi l ' intégral ité des pouvoirs attachés à l a fonction qui lui éta it confiée pour prendre l ' arrêté attaqué " ( 2 ) . A partir de l à , on peut en conclure que l ' intérim recouvre tous les pouvoirs qui ne sont pas expressément reti rés . Le Premier ministre ne b énéficie pas de dispositions spéc i fiques concernant l ' intérim mai s les règles relatives à l ' intérim dégagées par l a j urisprudence administratives peuvent lui être appl iquées .

Cela dit , le Premier ministre aurait dû être l à . Mai s , s i nous censurons la procédure d ' adoption de la loi de f inances , nous créons en fait une nouvel l e règl e , une adj onction à la Constitution en disant : "Vo i l à ce que l ' intérimaire ne peut pas faire au nom de l a Constitution " . Par là même , nous interd isons au Premier ministre d ' avo ir la possibil ité de l aisser un Premier ministre par intérim exercer toutes les prérogatives du Chef du Gouvernement . Or , si nous pouvons critiquer le légis l ateur , nous ne pouvons nous permettre d ' assortir l ' appl ication de l a Const itution d e conditions supplémentaires . Je m ' interroge auss i sur l e point d e savoir s i nous n ' avons pas été déj à confrontés à u n tel probl ème .

Mons i eur l e Président se tourne vers Mons ieur le S ecréta ire généra l .

( 1 ) Mons i eur Maurice COUVE DE MURVI LLE

( 2 ) C . E . , 2 9 Janvier 1 9 6 5 , MOLLARET et syndicat national des médecins , chirurgiens et spécial istes des hôpitaux publ ics , p . 6 1 ) .

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Mon s i eur l e Secrétaire général : Le problème ne s ' est pas posé devant l e Conse i l constituti onnel mais devant l e Conseil d ' Etat . Dans s e s conclus i ons sur l ' arrêt d ' assembl ée du 3 1 octobre 1 9 8 0 , F . E . N . et S . N . I . , C . G . T . , Fédération nationale des unions de j eunes avocats et Verdet , Syndicat des avocats de France ( 1 ) , le commissaire du Gouvernement a constaté que la délégat ion de pouvoirs éta it une formule inadaptée et que l ' aménagement des attributions du Premier ministre durant s on absence était plus proche de la notion d ' intérim que de celle de la délégation de pouvoirs . Le Conseil d ' Etat a j ugé dans cet arrêt qu ' en conférant au Garde des Sceaux les pouvo irs du Premier ministre que celui-ci n ' exerça it pas en raison de son absence , le Président de l a Républ ique ava it pris les d ispo s itions nécessaires pour assurer l a continuité de l ' action gouvernementale .

Par conséquent , l ' idée que l ' on trouve aussi sous la plume du Doyen AUBY dans un article paru dans l a Revue de droit publ ic ( 2 ) est que l a cont inuité du service public impl ique l ' intérim pour combler une vacance du pouvo ir , fût-e l l e très brève .

Enfin , l a j urisprudence administrative a décidé que les ministres intérima ires possédaient l ' intégral ité des pouvoirs attachés à la fonction qui leur est conférée à titre intérima ire ( 3 ) . Par conséquent , ces arguments mil itent en faveur de l a position adoptée par votre rapporteur . Il va de soi que le Conseil constitutionnel n ' est pas l ié par l a j urisprudence du Conseil d ' Etat . Mais , s ' i l s ' en s éparai t à propos de l a l o i de f inances , il est évident qu ' il assumerait l à une responsabil ité très forte . Mais , j e m ' arrête là car ce ne sont plus des cons idérations j uridiques .

Mons ieur l e Président : Vous savez comment cela se passe . Le premier mini stre demande l ' autorisation d ' engager la responsabil ité du Gouvernement sur un texte , en conseil des ministres . S i j e vous suis , il faut admettre que l e Premier ministre par intérim n ' éta it pas hab i l ité à engager l a responsabi l ité du Gouvernement dans l a mesure où ce pouvoir ne figurait pas dans l e décret le nommant Premier ministre par intérim . Mai s , i l est devenu Premier ministre lui-même . Par conséquent , s ' engager sur cette voie revient à créer une rupture avec l a j urisprudence du Conse i l d ' Etat a l ors même qu ' i l n ' appartient pas au Conseil constitutionnel de modi fier l a Constitution . Dans ces conditi on s , j e suivra i l ' avis de notre rapporteur .

(1) Conclus ions de Mi chel FRANC à la Revue de droit publ ic 1 9 8 1 , p . 4 9 9 et s .

( 2 ) L ' intérim . Jean-Marie AUBY , Revue de droit pub l ic 1 9 6 6 , p . 8 6 4 .

( 3 ) c f . supra , 2 9 j anvier 1 9 6 5 , MOLLARET et syndicat nati onal des médecins , chirurgi ens et spécial i stes des hôpitaux publ ics .

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Mons ieur FAURE : Que dit le texte du décret nommant le min istre d ' Etat Premier ministre par intérim ?

Mons ieu r l e Prés ident en donne lecture .

Mons ieur ROBERT : J ' avoue ne pas avoir été convaincu par votre analyse . Lorsque l e Conseil d ' Etat a élaboré la théorie de l ' intérim , i l visait l a gestion des a f faires courantes et le remplacement d ' un ministre par un autre ne recouvrait pas l ' engagement de la responsabil ité du Gouvernement .

Ma seconde observation porte sur la Constitution qui , pour l ' intérim , ne prévoit qu ' une délégation partiel le .

Monsieur l e S ecrétaire général : La délégation prévue dans le cadre de l ' article 2 1 de la Const itution concerne essentiellement le pouvoi r réglementaire .

Monsieur CABANNES : Je comprends tous les désagréments que causera it une annul at i on pour le Gouvernement . I l y en a déj à eu une .

Mons i eur l e S ecrétaire général l o i de f inances pour 19 8 0.

I l y a effectivement le précédent de l a

Mons ieur CABANNES : Vous m ' avez convaincu en grande partie ma i s j e ne partage pas vos dernières observations car , en censurant cette procédure , nous n ' aj outons rien à la Constitution puisque la notion de Premier ministre par intérim n ' est pas prévue par la Constitution .

Mons ieur l e Président : L ' arrêt du Conseil d ' Etat du 3 1 octobre 1 9 8 0 vise b ien l e Premier min istre par intérim ( 1 ) .

Mons i eur LATSCHA : De quo i s ' ag it- il ?

Monsieur l e S ecrétaire général : Le décret attaqué instituait l a gratuité d e s actes d e j ustice devant l e s j uridict i ons civiles et admin istratives . Il s ' agissait d ' un décret d ' appl icat ion de la l o i du 3 0 décembre 1 9 7 7 . Ce décret n ' avait pas été s igné par l e Premier mini stre mai s , en son absence , en application d ' un décret dit de dél égat ion , par le Garde des Sceaux , Mini stre de la j ustice . Le syndicat qui ava i t déposé le recours estima it que cette dél égation éta it irrégul i ère . Les notes que j ' avais prises au cours de l a séance de l ' assembl ée du contentieux montrent bien que , dans son ra isonnement , le Conseil d ' Etat a entendu comb l er le vide de la Constitution à l ' a ide de s a j ur i sprudence et le développement de votre rapporteur s ' inscrit parfaitement dans l a l igne de la j urisprudence du Conseil d ' Etat .

( 1 ) F.E . N . et S . N . I . , C . G . T . , Fédération nationale des uni ons de j eunes avocats et Verdet , Syndicat des avocats de France , p . 3 9 5 ) .

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Monsi eur LATSCHA : Je vous remercie pour ces prec1sions mai s j e n ' a i pas le sentiment que nous aj outons de nouvel les dispos itions à la Constitution . Nous interprétons celle-ci .

L ' article 49 , al inéa 1er , de la Const itution prévoit que " l e Premier ministre , après dél ibération du conseil des ministres , engage devant l ' Assemblée national e la responsabil ité du Gouvernement . . . " . Or , cette dél ibération date du 17 octobre et l ' intérim s ' est produit en décembre . Par conséquent , s i nous censurions , nous ne ferions , j e l e répète , qu ' interpréter la Constitution .

Vous ave z parlé de vacance mais la vacance de l a Présidence de l a Républ ique est prévue par l ' article 7 de la Constitution . E n revanche , il n ' en est rien pour l e Premier ministre et accepter le recours à l ' intérim pour lui revient à mettre l ' intérim à toutes les sauces et à vider l es fonctions du Premi er ministre de l eur importance .

Monsieur le Prés ident : En suivant ce ra isonnement , vous a l l e z au-delà de l ' interprétation . Or , de quelque façon que l ' on l ise la Constituti on , i l n ' est dit nul le part que le Premier ministre se voit interdire d ' être remplacé pour exercer certa ines fonctions . A partir du moment où vous dites qu ' il ne peut pas le faire , j ' estime que vous n ' avez pas l e droit de le d ire car , en l e disant , vous aj outez une nouvel l e règle à l a Constitution . J e vous défie d ' a i lleurs de trouver une disposition dans la Constitut1on qui vous autorise à a f firmer l ' absence du droit d ' un Premier ministre intérimaire à engager la responsabil ité du Gouvernement . Une tel l e démarche n ' a pas de fondement const itutionnel . Ce n ' es t plus l e Gouvernement des juges , c ' est l a Constitution des juges !

Mons i eur FAURE : Je partage tout-à-fait votre analyse et j e renversera i cel le de Monsieur LATSCHA en disant que nous interprétons le texte constitutionnel alors que son raisonnement conduit à aj outer de nouvel l e s dispos itions à la Constitution dans l a mesure où aucune règle n ' interdit à un ministre d ' engager la responsabi l ité du Gouvernement . En e ffet , cela est couvert par l ' intérim .

Mons ieur ROBERT : L ' intérim n ' est pas constituti onnel .

Mons ieur FAURE : Je vous renvoie à la j urisprudence du Conseil d ' Etat qui a été citée tout-à-l ' heure .

Mons ieur ROBERT : La responsabi l ité du Gouvernement n ' éta it pas en cause .

Mons ieur FAURE : Dans l ' hypothèse de l ' intérim , un ministre ordinaire assure la total ité des pouvoirs comme on l ' a vu . La même règle s ' app l i que pour l ' intérim du Premier ministre .

Monsi eur CABANNES : Les pouvoirs du Premier ministre intérima ire n ' entrent pas dans le champ de l ' intérim , pui s qu ' i l n ' y a rien sur l ' intéri m dans la Constitution , mais se rattachent à la délégati on des pouvo irs prévue par l ' article 2 1 de la Constitution . Dans le s i l ence de la Constitution sur l ' intérim , c ' est à nous de dire l e dro it.

Mons i eur le Président : A ce moment-l à , tous les intérims seraient irrégu l i ers mais , en a f f irmant que l'intérim n ' existe pas , vous procédez à une adj onction à la Constitut i on .

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Monsieur MAYER : J ' a i fait , tout-à-l ' heure , une intervention élémentaire mai s , l orsque j e prends le cons idérant relati f à l ' intérim du Premier ministre contenu dans le proj et de décis ion , j e l i s : " · · · pendant l ' absence de ce dernier ( le Premier ministre ) , le Président de l a Républ ique a , ainsi que l ' y habil ite l ' article 5 d e la Const itution , pris l e s d i spos itions nécessaires pour assurer la cont inuité de l ' action gouvernementale" . Par conséquent , le recours à l ' article 49 , al inéa 3 , de la Constitution , dans ce cas de f igure , s ' inscrit b ien dans l a poursuite de l ' action gouvernementale qui , autrement , aurait été interrompue .

Monsieur ROBERT : S i nous censurions , le Premier ministre reviendrait devant l ' Assemblée nationa le pour engager l a responsab il ité du Gouvernement comme cela a été pratiqué quarante-et-une fois j usqu ' ici .

Monsieur MAYER : Le Premier ministre peut être malade ou aux Indes , que sais-j e !

Monsieur FAURE I l peut être aphone aus s i

Mons ieur FABRE L ' article 2 1 de la Constitut ion évoque la délégation de certains pouvoirs du Premier ministre or , qu ' est-ce qui dit que , précisément , i l n ' a pas délégué le pouvoi r d ' engager la responsab i l ité du Gouvernement devant l ' Assemblée nationa le ?

-Mons ieur le Président : Ce qui est en cause , c ' est l ' intér im.

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Chacun s ' est exprimé et a mesuré les conséquences d ' une annulat ion de la l o i de finances . Mons ieur FAURE a particul ièrement soul igné l es in

-cidences d ' une telle décis ion s i elle

était prise . Je restera i fidèle à mon rapport . Nous sommes con frontés à un probl ème de définition . En effet , nous sommes en tra in de chercher s1il y a une d i fférence entre l ' intérim et la délégation . or , l ' intérim du Premier ministre n ' étant pas exp l i c ité dans la Constitut ion , on ne peut en tirer aucun enseignement pour affirmer qu ' il est l imité . Cependant , l ' intérim ne saura it être confondu avec la délégation car cel le-ci répond à un obj et ponctuel et précis .

Pour reprendre une express ion famil ière dans ma reg1on , nous dirions du Premier ministre intérima ire qu ' il est "pouil l é " , ce qui s igni f ie qu ' il a tous les droits et tous les devoirs . Cette notion d ' intérim n ' a j amai s été contestée j uridiquement e t nous serions b ien e n peine d e comptabi l iser tous les ministres intérimaires d e la Vème Républ ique . Monsieur ROBERT a dit tout-à-l ' heure que les pouvoirs du Prés ident de la Républ i que par intérim éta ient l imités ma i s là , pour ce qui nous concerne , aucun texte ne déf init l ' intérim du Premier ministre. S i les pouvoirs du Président de la République intérimaire font l ' obj et de restrictions , on peut se demander pourquoi il n ' en est pas de même pour le Premier ministre intérima ire . S i le const ituant ava it voulu a l ler dans ce sens , i l l ' aura it prévu .

En outre , j e pense , pour ma part , que le décret de nomination du Premier mini stre intérimaire recouvre la gestion des a ffaires courantes . Or , qu ' y-a-t- i l de plus courant , de plus urgent que le vote du budget puisque le Parlement dispose d ' un dél a i de soixante-dix j ours pour se prononcer ? On peut donc très légitimement penser que l e recours à l ' article 49 , a l inéa 3 , de la Constitut ion , s ' inscrit b ien dans l a gestion des a f fa ires courantes e t que l ' intérim du Premier ministre n ' étant pas défini par la Constituti on il n ' est assorti d ' aucune limitation .

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Mons ieur l e Prés ident : Nous allons ma intenant passer au vote . Je mets aux voix le proj et du rapporteur .

Celui-c i est adopté , Messieurs CABANNES , MOLLET-VIEVILLE , LATSCHA et ROBERT votant contre .

Monsieur FAURE : Le recours , en 1 9 7 9 , à deux votes séparés sur l a l o i de finances pour 1 9 8 0 ne constituait pas une procédure caval ière .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE l it les considérants de la décis ion rel at i f s à l ' appl ication de l ' article 4 9 , al inéa 3 , de l a Constitution et à l ' intérim du Premier ministre .

Le proj et de décision est adopté .

Monsieur le Prés ident : Nous allons nous arrêter là . Ce n ' éta it pas une mince question .

La séance est suspendue à 1 6 h 5 5.

Mess ieurs l e s Consei l l ers fixent l e calendrier des prochaines séances .

La séance est levée à 17 h 2 0 .

-ooo-

La séance est reprise le vendredi 2 9 décembre à 1 0 heures en présence de tous l e s membres .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE

Le deuxième moyen de procédure invoqué , cette fois , par le recours de l a maj orité sénatoriale , concerne l a procédure d ' adoption d e l a loi de f inances et de l ' article d ' équil ibre .

Les s a i s i s sants rappel l ent que l ' article 3 3 ter du proj et de la l o i de finances a été inséré par un amendement du Gouvernement devant l ' Assemblée national e en première lecture . Cet article avait pour obj et de maj orer la taxe sur les véhicules des sociétés a fin de financer un certain nombre d ' aj ustements de crédits en seconde partie du proj et de l o i sel on une pratique traditionnelle . L ' article a été voté dans l e s mêmes termes par les deux assemblées . Mais il a été supprimé e n nouvel l e l ecture par l ' Assemblée nationale dans la mesure où l e proj et d e l o i de f inances recti ficative pour 1 9 8 9 introduisait un article qui augmentait plus encore que la l o i de finances pour 19 9 0 la taxe sur les véhicules des soc iétés , à compter du 1er octobre 1 9 8 9 .

a ) Il est soutenu tout d ' abord que cette suppress ion n ' aurait pas respecté les termes de l ' article 4 5 de la Constitution sur les textes en navette entre les deux assemblées .

Sur ce point , il peut être aisément répondu que l ' art icle 3 3 ter ayant été supprimé , le Consei l ne peut en être valablement s a i s i puisqu ' il ne figure pas dans le dispos itif soumis à notre examen .

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b ) Les auteurs de la saisine sénatoriale invoquent un second moyen tenant à soul igner que la suppress ion de cet article 3 3 ter a eu nécessairement une inc idence sur l ' art icle d ' équil ibre de l a loi de finances pour 1 9 9 0 .

Mai s , à partir du moment où cette maj oration de recettes a été prévue dans l a l o i de f inances pour 1 9 8 9 , elle est intégrée dans la l o i de f inances pour 1 9 9 0 . Celle-ci entérine en quelque sorte la loi de finances rect i f icative de l ' exercice passé . Par conséquent , j e vous proposerai d ' écarter auss i ce moyen .

Pour i l lustrer ce propos , j ' ai qualifié cette méthode de " b i l l et aller-retour" et j ' ai dit aux représentants du Gouvernement qu ' i l ne convena it pas de multipl ier les recours à cette procédure . Cela d it , les moyens invoqués ne rés istent pas à l ' examen .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE l it le passage du proj et de décision relat i f à l a suppression de l ' article 3 3 ter du proj et de loi .

Monsieur ROBERT : Nous pourrions nous dispenser peut-être d ' expl iciter le contenu de l ' article 6 1 de la Constitution .

Monsieur le Prés ident : Effectivement .

Cette modification , tel le qu ' elle figure dans la rédaction définitive de l a décis ion , est adoptée.

Monsieur LATSCHA : Je suggérerai aus s i de supprimer , dans le premier considérant , les mots "davantage que ne le faisait l ' article 3 3 ter" .

Cette modi ficat i on est adoptée avec l ' accord de Monsieur JOZEAU-MARIGNE .

La partie du proj et de déc i s ion relative à l ' article 3 3 ter a ins i amendée est adoptée .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit la présentation de son rapport .

Un tro i s i ème groupe de moyens consiste à critiquer l ' inserti on , par voie d ' amendements , de modifications ou d ' articles nouveaux dans la l o i de f inances . Selon le cas , c ' est le moment de l ' insertion qui est critiqué ou l ' ampleur et la portée de l ' amendement .

Ces moyens sont s oulevés à propos des articles 7 3 , 7 9 , 9 9 à 10 6 et 108 de la l o i déférée .

a ) S ' agissant de l ' article 7 3 , la sais ine du groupe R . P . R . conteste son adoption , au mot i f qu ' il aurait été introduit par un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture après échec de l a commiss i on mixte paritaire . I l avait pour obj et d ' inscrire à l ' état H le chapitre 45-4 0 : " Contributions de l ' Etat à l a S . N . C . F . " du budget des transports terrestres . Son adoption serait contra ire à l ' article 4 2 de l a Constitution dans l a mesure où cet article dispose qu ' "une assemblée saisie d ' un texte votée par l ' autre assemblée dél ibère sur le texte qui lui est transmis " et contraire à l ' article 45 de l a Constituti on , qui prévoit que " tout proj et de loi est examiné successivement dans les deux assemblées en vue d ' un texte identique".

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Ce moyen n ' est pas fondé au regard de notre j urisprudence .

Ni l ' article 4 2 , ni l ' article 45 ne privent le Gouvernement du dro it de déposer des amendements en cas d ' échec de la commiss ion mixte paritaire . Par s a décision no 8 1 -1 3 6 DC du 3 1 décembre 1 9 8 1 , l e Conseil constitutionnel a estimé qu ' aucune disposition de l ' article 45 ne fixait de l imitation du droit d ' amendement l ors de la lecture devant les assembl ées après l ' échec de la procédure de la commission mixte parita i re . Par suite , le Gouvernement peut introduire des disposit ions nouvel les dans le texte en discus s ion , sous les seules réserves qu ' el les soient s oumises tour à tour à chaque assembl ée et qu ' el les ne soient pas dépourvues de tout l ien avec l e texte en discuss ion . or , ces deux conditions ont bien été remp l ies . Je vous demande donc de rej eter l e moyen de procédure dirigé contre l ' article 7 3 .

A propos de cet article , j e voudrais aj outer quelques mots tirés de mon expérience parlementaire . Tous les gouvernements ne se sont pas privés de ce droit de dépôt d ' amendement mais il est évident que cette intervention du Gouvernement est encore plus mal ressentie par l es parlementaires lorsque la commis sion mixte parita ire est parvenue à élaborer un texte . Je me souviens que , l ors de la discuss ion du texte de la l o i sur la décentral isation , dans le cadre de la commission mixte paritaire que j e présida i s , le 1 6 décembre 1 9 8 2 , nous étions arrivés à un accord ; l e texte de la commiss ion mixte parita ire avait été adopté par tre i z e voix et un vote b l anc (Monsieur TOUBON ) . Le Ministre des Finances avait déposé quatorze amendements et le Ministre d ' Etat , Min istre de l ' Intérieur , Mons ieur Gaston DEFFERRE , avait été très surpris de cette pratique .

Par conséquent , cel le-ci n ' est pas nouvel l e ; aus s i , j e m ' étonne que les sénateurs uti l isent cet argument auj ourd ' hui .

b ) S ' agissant de l ' article 7 9 , i l faut s avoi r que cet article a pour o rigine un amendement des députés social istes de la commiss ion des finances de l ' Assembl ée nationale , adopté en première l ecture l e 1 6 novembre 1 9 8 9 .

S on dispositi f tend à substituer à la part départemental e de la taxe d ' hab itation due au titre des rés idences principales une taxe proporti onne l l e sur le revenu . I l prévoit , en outre , la création d ' une taxe sur les revenus soumis à prélèvement l ibératoire dont le produit est destiné à al imenter un fonds national d ' aide aux départements .

Les auteurs de l a saisine R . P . R . de l ' Assemblée nationa l e soutiennent qu ' " i l d épasse les l imites inhérentes à l ' exercice du droit d ' amendement " .

Or , j e rel ève que cet article de caractère fiscal a sa place dans une l o i de finances . I l a été introduit en première lecture à l ' Assemblée nationa l e . Son ampl eur n ' est pas négl igeable . Ma is j e ne crois pas que l ' on pui s s e dire que son amp l eur et sa portée soient tell e s que se trouvent méconnues les l imites inhérentes à l ' exercice du droit d ' amendement .

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Je pen s e donc qu ' il ne méconnaît pas les dispos itions des articles 3 9 , al inéa premier , et 4 4 , al inéa premier , de l a Constitution . En conséquence , l e moyen invoqué appelle le rej et .

c ) La même sais ine estime que , globalement , les articles 9 8 à 1 0 6 de l a loi déférée seraient inconstitutionnel s au motif qu ' il s ' agira it d ' un tout "visant à remettre en cause l ' équil ibre des rapports entre l ' administration et les contribuables " .

Ces dispos itions sont inspirées des travaux d ' une miss ion d ' information de l a Commission des finances de l ' Assemblée nationale sur le contrôl e fiscal , présidée par Mons ieur Guy BECHE .

Son auteur a j ugé opportun d ' en reprendre quelques éléments pour l e s insérer dans le proj et d e loi de finances .

Je dira i s que c ' est de bonne guerre sur le plan parlementa ire . Nous sommes aussi dans un cas l imite au regard des principes posés par notre décis ion du 2 3 j anvier 1 9 8 7 , à propos de l ' amendement SEGUIN .

Néanmoins , j e ne suis pas partisan de la censure pour vice de procédure des art icles en cause et ceci pour deux motifs .

D ' une part , dans la mesure où la '' j urisprudence SEGUIN" est mal acceptée par les mil ieux parlementaires , il convient de ne pas en faire une appl ication trop stricte , faute de quoi , les parl ementa ires désirant exercer l eur droit d ' amendement se sentiraient frustrés .

D ' autre part , on peut relever que les articles portant sur les contrôles fiscaux ont été présentés , pour la quasi-total ité , en première l ecture devant l ' Assemblée nationa l e . De plus , i l s se bornent à aménager l a l égislat ion fiscale· existante .

d ) Le dernier article dont les députés R. P. R . contestent l a constitutionnal ité , touj ours au nom d e cette même j urisprudence du Conseil constitutionnel , est l ' article 1 0 8 .

I l s ' ag it de l ' article sur l es perquis itions fiscales sur lequel j ' aurais l ' occas ion de revenir .

I l a été introduit en nouvel l e lecture à l ' Assembl ée nationale par l e Gouvernement .

Deux moyens sont à examiner : d ' une part , la contestation de l ' ampleur de l ' amendement et , d ' autre part , la contestat ion du droit du Gouvernement à le déposer . Sur le premier point , on peut estimer que son ampleur n ' est pas tel l e qu ' il y ait méconnaissance du droit d ' amendement , d ' autant qu ' il aménage des règle s déj à en vigueur et qu ' il s ' inspire d ' un amendement à la loi de f inances rectificative pour 1 9 8 9 . Sur l e second point , les saisissants estiment qu ' à ce stade de l a procédure , en nouve l l e lecture , l e Sénat n ' a qu ' une influence l imitée puisqu ' en lecture définitive , en cas d ' échec de la commission mixte paritaire , l ' Assemblée reprend l e texte qu ' el l e a voté , modifié l e cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par l e S énat . Mai s , ce faisant , cette procédure est cell e qui est prévue par l ' article 45 , al inéa 4 , de la Constitution . Il n ' y a là aucun mot i f d ' inconstitutionnalité comme le Conseil constitutionnel l ' a j ugé , par une décision du 3 1 décembre 1 9 8 1 . Je vous invite donc à rej eter là encore ce moyen .

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Mons ieur l e Prés ident : La discuss ion en première lecture est importante . Or , l ' article 1 0 8 a été adopté après l ' échec de l a commis s i on mixte paritaire .

2 0 -

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE : oui , la discuss ion en première l ecture permet un large débat dans les deux Assemblées .

Mons ieur l e Président : Le Conseil doit respecter les droits de l a minorité . KELSEN a écrit des choses très fortes là-dessus . Qui ferait respecter l e s droits de la minorité sinon le Conseil ? Je pense qu ' i l convient de distinguer les cas de figure qui peuvent se présenter . I l est évident que nous n e pourrions admettre , par exemple , que l e Gouvernement modi fie l e code d e procédure pénale dans son ensemb l e après l ' échec de la commission mixte paritaire si l ' on sait que ce code contient 4 3 4 articles .

Mons ieur FAURE : Je voudrais vous poser une quest ion pour m ' instruire . Comment s ' exerce le droit d ' amendement en dernière lecture , dans l a mesure o ù l e s amendements peuvent n e pas être examinés par l e s deux Assembl ées ?

Mons ieur l e S ecrétaire général : En cas d ' échec de la procédure de la commiss ion mixte paritaire , l ' Assemblée national e statue définitivement , après une nouvel l e lecture devant chaque assemblée .

L ' Assemblée nationale peut reprendre , soit le texte élaboré par l a commiss ion mixte paritaire , soit l e dernier texte voté par el l e , modifié , l e cas échéant , par un ou plus ieurs des amendements adoptés par le Sénat . Mai s le Gouvernement ne peut rien aj outer .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Soit la commis sion mixte paritaire parvient à un accord , s o it e l l e échoue et l ' Assemblée national e statue définitivement après une lecture devant chaque assemblée .

Monsieur l e Président : Après l ' échec de la commiss ion mixte parita ire , c ' est l e Gouvernement qui , en s ' appuyant sur la maj orité à l ' Assemblée nationa l e , détient la clef du probl ème . Mais , si la maj orité fait la loi , il ne faut pas la isser écraser la minorité .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Effectivement , en cas d ' échec de la commiss ion mixte paritaire , il faut convenir que le Gouvernement et la maj orité sont maîtres du j eu .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE l it l e passage du proj et de décision a fférent à la mod i fication par voie d ' amendement de l ' articl e 7 3 et à l ' insertion , sous forme d ' amendements , des articles 7 9 , 9 9 à 1 0 6 et 1 0 8 .

Le passage du proj et de décis ion est adopté .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : J ' en viens maintenant , avant d ' aborder l es moyens de fond , à l ' analyse de deux articles dans l esquels les auteurs des s a i s ines voient des caval iers budgétaires .

Il s ' agit des art icles 4 7 , paragraphe VII I , et 1 2 0 .

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a ) L' article 4 7 concerne le prélèvement sur recettes dénommé dotation globale de fonctionnement prévu par l a loi n o 7 9 - 15 du 3 j anvier 1 9 7 9 . Le montant de la dotation global e de fonctionnement est versé p ar l ' Etat aux coll ectivités locales et à certains de l eurs groupements . L ' article 4 7 de la loi fixe les modal ités de calcul de ce prélèvement à partir du 1 er j anvier 19 9 1 .

Cela f a it l ' obj et des paragraphes I à VII qui ne sont pas critiqués .

Le paragraphe VIII en cause précise

" Pour 1 9 9 0 , i l est noti fié à chaque col lectivité bénéficiaire , d ' une part , le montant de la dotation globale de fonctionnement prévis ionnel l e pour 1 9 9 0 qui lui revient et , d ' autre part , par anticipation un compl ément à valoir sur la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de l ' année 1 9 8 9 .

Le montant total de a fraction de l a régularisation noti fiée par anticipation est égal à 4 % du montant de l a dotation globale de fonctionnement inscrit en loi de finances pour 1 9 8 9 . Il est réparti selon l e s règles prévues pour la dotat ion initiale de l ' exercice 19 8 9 .

Le solde éventuel de la régularisation de la dotation global e d e fonctionnement d e l ' exercice 1 9 8 9 dont le montant sera arrêté avant le 3 1 j ui l l et 1 9 9 0 , après avis du comité des finances l ocales , sera réparti dans les conditions fixées par l ' al inéa ci-dessus . La régularisation de l a dotation globale de fonctionnement de l ' exercice 1 9 9 0 est elle-même répartie selon les règles prévues pour la dotation initial e de l ' exercice 1 9 9 0 11 •

Les sénateurs font valoir que l e paragraphe a trait aux modal ités de répart ition entre les communes de la dotation globale de fonctionnement et non à l a fixation de son montant . I l serait dès l ors étranger au domaine imparti aux l o i s de finances .

Rappel ons que ce domaine est défini par l ' article 1er de l ' ordonnance organique du 2 j anvier 1 9 5 9 .

La disposition qui est susceptibl e de s ' appl iquer ici et qu ' invoque l e Gouvernement est la suivante :

" Les lois de f inances déterminent l a nature , l e montant et l ' a ffectation des ressources et des charges de l ' Etat , compte tenu d ' un équil ibre économique et financier qu ' el les définissent" .

Devant moi , les représentants du Gouvernement ont reconnu que les modal ités de la répartition entre communes de la D . G . F . ne concerna ient pas d irectement les charges de l ' Etat . Mais i l s ont invoqué deux arguments

- d ' une part , la théorie de l ' accessoire ;

- d ' autre part , l e souc i de satisfaire l a curiosité des élus l ors des débats parlementaires .

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Cette a rgumentation ne m ' a pas convaincu pour deux ra isons . En premier l ieu , et c ' est là l ' élément essentiel , l e Conseil constitutionnel a déj à pris position sur un problème identique en décembre 19 8 2 . Dans une première décis ion du 2 9 décembre 1 9 8 2 , rendue sur le rapport de Monsieur SEGALAT , il a j ugé que le prélèvement sur recettes s ' analysait

" en une rétrocess ion directe d ' un montant déterminé de recettes de l ' Etat au profit des col lectivités locales . . . en vue de couvrir des charges qui incombent à ces col lectivités " .

I l en a déduit l ogiquement , dans une décis ion rendue le 30 décembre 1 9 8 2 , sur le rapport du Doyen VEDEL , que les disposit ions de l ' article 23 de l a loi de finances recti ficative qui

" ont pour obj et de modifier les conditions de répartition entre les communes intéressées de la dotation supplémentaire . • • ne modi fient en rien le montant global de ladite dotat ion qui a le caractère d ' un prélèvement , et non d ' une dépense de l ' Etat ; que , par suite , l ' article 2 3 est étranger à l ' obj et des lois de finance s " .

En deuxième l ieu , j e suis d ' autant plus partisan du maintien et de l ' appl ication de la j urisprudence dégagée en 1 9 8 2 qu ' il faut protéger l ' admini stration des f inances contre el le-même .

S i l ' on ne fait pas preuve de rigueur dans l a détermination des mat ières qui peuvent f igurer dans une loi de finances on va encourager encore une tendance qui consiste à , si vous me permettez l ' express ion , " charger la barque" .

Je vous invite donc à censurer l ' article 4 7 -VI I I .

Monsieur le Prés ident Quel les sont vos observations sur ce prob l ème ?

Monsieur FAURE : Ce qui risquera it de charger l a barque , c ' est s i l ' on augmenta it l a somme mise à la disposit ion des communes mais ne risque-t-on pas , au contraire , de charger l a barque dans l ' autre sens ?

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Ce que j e veux dire en employant cette express ion , c ' est que la multipl ication des amendements modifie très sens ibl ement le volume de l a loi de finances initiale .

Mons ieur FAURE : Quelle procédure suggérez -vous alors d ' adopter ?

Monsieur JOZEAU-MARIGNE I l sera it préférable d ' intégrer ces dispositions dans une loi ordinaire .

Monsieur le Prés ident Oui .

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du passage du proj et de déci s ion relatif à l ' article 4 7 -VII I de la loi de finances . Ce passage du proj et de décision est adopté .

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L ' article 12 0 de l a loi me paraît être aussi un caval ier budgétaire .

I l dispose : "Un comptable public principal , nommé membre de la Cour des comptes , est installé sans délai dans ses fonctions . Il ne peut toutefoi s , s ' il est constitué en débet , exercer d ' activité j uridictionnel le j usqu ' à ce qu ' il ait reçu quitus .

L ' interdiction prévue à l ' a l inéa précédent prend fin dès que l ' intéressé obtient décharge de responsabilité " .

Ce sont l es députés qui invoquent à son encontre la méconnaissance de l ' ordonnance de 1 9 5 9 . I l s font valoir que cette disposition particulière concerne l e s compétences d ' un comptab l e public nommé à la Cour des comptes et qu ' el l e n ' a aucun l ien avec la loi de finances .

Le Gouvernement se retranche pour sa part derrière les d i spositions du deuxième al inéa de l ' article premier de l ' ordonnance organique du 2 j anvier 19 5 9 , en vertu desquel les :

" Les dispositions l égislatives destinées à organiser l ' informat ion et le contrôl e du Parlement sur la gestion des finances publ iques ou à imposer aux agents des services publ ics des responsabil ités pécuniaires sont contenues dans les lois de f inances " .

Un premier argument du Gouvernement a cons isté à soutenir que l a Cour des comptes assistant le Parlement dans le contrôle de l ' exécution de la loi de f inances , l a définition du statut de ses membres se rattachera it par là même au " contrôle du Parlement sur la gestion des finances publ iques " .

Cet argument ne m ' a pas du tout conva incu .

Un second argument a consisté à soutenir que les conditions dans lesque l l es un quitus est donné à un comptable se rattachent aux :

" di spos itions législatives destinées . . . à imposer aux agents des services pub l ics des responsabi l ités pécuniaire s " .

L ' argument est p lus sol ide que le précédent . Mais i l ne m ' a pas conva incu pour autant .

D ' une part , en e ffet , l ' article 12 0 n ' impose aucune responsab i l ité nouvel l e d ' ordre pécuniaire au comptable nommé à la Cour des comptes . Cette responsab i l ité préexiste .

D ' autre part , j ' entends rester fidèle à mon souci de freiner l a tendance au giganti sme et à l ' extension sans l imite des lois de f inances .

Je vous propose donc de censurer l ' article 12 0 .

Mons ieur FAURE : Cel a ne vise qu ' une seule personne .

Monsieur l e Président : Ce cas est moins évident que le précédent mais nous ne p ouvons l a isser se mult ipl ier ce type de petites mesures particul ières . Au contraire , il convient de les décourager et d ' imposer au l ég i s lateur une discipl ine .

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Monsieur ROBERT : Je me range à ces arguments , même si j e m ' interroge sur le fond de cette dispos ition .

Monsieur MAYER : Je suis tout-à-fait d ' accord avec notre rapporteur ma is j e me demande s i nous ne donnons pas l ' impres sion de règler des cas particul iers et j e m ' interroge sur ce que sera it notre position si nous n ' avions pas été saisis .

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE : E ffectivement , ce n ' est pas une censure proprio motu car le moyen a été invoqué par les députés .

Monsieur MAYER : Dans un souci d ' équité , il conviendra it d ' adopter l e même raisonnement si nous n ' étions pas saisis .

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE l it le passage du proj et de décis ion concernant l ' article 1 2 0 de la loi de finances .

Celui-ci est adopté .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Avec l ' examen de tout ce qui a trait à l a procédure législative , nous ne sommes p a s a u bout d e nos peines ;

I l nous reste à examiner l e s questions de fond .

Elles concernent certa ins articles de la loi de finances .

E l l es s ont d ' un intérêt inégal . I l est des cas où la contestation est sérieuse . I l est des cas où elle me paraît dénuée de pertinence .

Compte tenu du temps l imité dont nous disposons et du caractère hétérogène des problèmes posés , la solution la plus s imple est d ' examiner un à un , chacun des articles fai sant l ' obj et d ' une contestation sur le fond .

ARTICLE 6 :

Le V de cet article prévoit de compléter l ' article 1 6 4 1 du code général des impôts en instituant , au profit de l ' Etat , un prélèvement a s s i s sur les valeurs locat ives communales servant de base à la taxe d ' habitation diminuées des abattements votés par la commune .

Pour l e s auteurs de l a s a i s ine R . P . R . de l ' Assemblée national e , cette disposition est contra ire à la Constitution à un double titre . D ' une part , il ne serait pas conforme au principe d ' égal ité que l ' assiette de cet impôt puisse baisser en fonction de déci sions prises de mani ère faculta tive par les communes . D ' autre part , le barême institué par cette taxe serait contraire à l ' article 13 de la Déclaration des Droits de l ' Homme et du Citoyen qui prévoit que " l a contribution doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de l eur faculté " , dans la mesure où la progression de l ' impôt serait disproportionnée par rapport au relèvement de l ' assiette de celui-ci .

a ) sur le premier point , j e tiens à rappeler que l e Cons e i l constitutionnel l a i s s e une importante marge de manoeuvre a u l ég i s lateur pour fixer l ' assiette de l ' impôt . De même que des d i fférences de taux ou de seui l s d ' exonérat ion ont été admis en fonction de d i fférences de

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s ituation , ces dernières ne font pas obstacle à ce que l ' assiette d ' un impôt soit a ss ortie d ' un correctif destiné à tenir compte de l a capacité contributive des redevables dans des l imites fixées par la l o i . or , c ' est l a fonction que remp l issent déj à l ' abattement général à l a base et l ' abattement spécial à la base , qui sont de la seule responsab i l ité des col l ectivités locales .

b ) S ' agissant du moyen relatif à la progressivité de cette taxe , cel le-ci ne paraît pas être source de discrimination fl agrante dans le traitement des contribuables . Sur ce terrain , le Cons e i l constitutionnel n e censure que les erreurs manifestes d ' appréciation du législateur . Auss i est- il quelque peu exces s i f de l a part des saisissants de citer , à l ' appui de l eur démonstration , notre déci s ion sur la contribution de sol idarité du 16 j anvier 1 9 8 6 , où il y avait effectivement une rupture caractérisées de l ' égal ité devant l e s charges pub l iques .

En l ' espèce , nous ne sommes pas en présence d ' une tel le disproportion . Le barême adopté est progressif en taxant plus fortement les résidences seconda i res que les rés idences principales . De plus , le taux est d ' autant plus élevé que la valeur locative est plus forte . Même s ' il peut y avoir dans quelques cas l imites des effets de seui l , j e vous propose de rej eter le moyen .

Mons ieur l e Prés ident : Messieurs , sur ce point ? On pourrait s ' interroger sur l ' effet de seuil ma is cel a devient du point i l l i sme et j e ne vois pas le Conseil constitutionnel se lancer dans ce type de contrô l e . Il faudrait que l ' erreur fût mani feste .

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE l it le passage du proj et de décision sur l ' article 6 -V de la loi de finances .

Mons ieur l e Président : Je vous proposerai de couper l a phrase ayant trait à l ' a s siette de prélèvement , page 1 7 du proj et de décis ion , dans la mesure où e l l e fait huit lignes .

Mons ieur l e Secrétaire général , avec un sourire , c ' est modeste !

Mons ieur l e Prés ident : Cette rédaction est nourrie par l a j urisprudence du Cons e i l d ' Etat . Il faut que nous trouvions un autre styl e . Les étudiants souffrent mi l l e tourments en l i sant nos décis ions .

Mons ieur CABANNES : C ' est le risque que l ' on court lorsque l ' on va trop vite .

Mons ieur le Prés ident : Je crains plutôt que quelques commodités byzantines n ' expliquent l e recours à cette l angue de bois j uridique . I l faut rompre avec cette habitude que l ' on a d ' écrire des phrases trop longues . Alors qu ' à la fin de la Révolution on a employé la l angue de bois , dans ses débuts , les circulaires éta ient rédigées dans un style admirab l e . Nous verrons cela au déj euner .

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE poursuit sa l ecture et aborde l e cons idérant concernant le barême de l ' impôt .

Monsieur l e Prés ident Là c ' est très bien .

Mons ieur LATSCHA : Je sera i s partisan de supprimer l e mot "principalement" après les mots " les l ocaux servent " .

Le mot " p rincipalement " est maintenu .

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Monsieur JOZEAU-MARIGNE présente les moyens soulevés contre l ' article 1 6 .

1 ° Cette disposition tend à supprimer à compter du 1er j anvier 1 9 8 9 l ' exonération de l ' impôt sur le revenu des primes d e remboursement distribuées ou réparties par les organismes de placement collect i f en valeurs mob i l i ères , dès lors que ces primes représentent plus de 1 0 % des répartitions ou distributions .

Pour comprendre la partie de cette dispos it ion , il faut savoir que les étab l i s s ements de crédit ont créé des organismes de placement collecti f en val eurs mobil ières destinés à produire des moins-values fiscales dans la mesure où des mo ins -values résultaient de la ces s ion des primes de remboursement attachées à des obl igations , notamment l ' emprunt 3 % de l a Caisse Nationale d e l ' Energie . Par cet article , le Gouvernement a entendu mettre fin à une distors ion fiscale .

2 ° Les s a i s ines du R . P . R . de l ' Assemblée nationa l e et du Sénat soulèvent à l ' encontre de cette dispos ition plusieurs moyens . E l les font valoir :

- qu ' elle constitue une sanction rétroactive ;

que sa sévérité est excess ive , eu égard à l ' intérêt généra l poursuivi

- qu ' elle méconnaît la l iberté d ' entreprendre et le droit de propriété

qu ' el l e porte atteinte au principe d ' égal ité ;

3 ° La d i spos ition incriminée constituera it une s anction rétroactive et par là-même violerait le principe de non-rétroactivité de la loi pénale consacré par l ' article 8 de l a Déclaration des Droits de l ' Homme et du C itoyen .

Je n ' aura i guère de d i f ficulté à vous conva incre du caractère excess i f d ' un t e l moyen soulevé à l ' encontre d ' une mesure d e rationa l is ation fiscale . En soumettant à l ' impôt sur le revenu des primes de remboursement d ' obl igations , dès lors qu ' elles constituent plus de 10 % du montant du revenu distribué par un organisme de placement col l ecti f , e l l e met fin à une exonération et tend vers l ' al ignement sur le droit commun .

S i vous concevez que cette disposition ne saurait être assimilée à une s anction pénale , vous conviendrez pareillement qu ' il est l o i s ib l e au législateur de lui faire produire effet au 1er j anvier 1 9 8 9 . S eul le principe de non-rétroactivité de la loi pénale a valeur constitutionnelle .

Cette d isposition serait auss i empreinte d ' une sévérité excess ive , eu égard à l ' intérêt général poursuivi .

Ce moyen est l ié au précédent . I l revient à estimer que la " sanction" encourue est disproportionnée par rapport à l ' opération f i scale visée . Mais , en écartant l ' idée que cette mesure puisse être cons idérée comme une sanction , ce moyen devient inopérant .

I l est f a it grief auss i à cette disposit ion de péna l iser la l iberté d ' entreprendre et de porter atteinte au droit de propriété .

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S ' il a mis fin à une source d ' évasion fiscale que les établissements financiers avaient ingénieusement exploitée , l e l égislateur n ' a pas pour autant porté atteinte à la l iberté d ' entreprendre .

I l reste l ' atteinte au droit de propriété : l e seuil de la l imitation du droit de propriété ne saura it être franchi l orsqu ' une simple exonération fiscale propre à une catégorie particulière de val eurs mobil ières est supprimée . Une tel l e dispos it ion ne dénature ni l e sens , ni la portée , du droit de propriété .

J ' en arrive maintenant au dernier moyen invoqué à propos de l ' article 1 6 , à s avoir la méconnaissance du principe d ' égal ité devant l a l o i .

La sais ine R . P . R . invoque ce principe en estimant que l ' exonération fiscale des primes de remboursement distribuées ou réparties par un O . P . C . V . M . n ' est supprimée que l orsque ces primes représentent plus de 10 % des revenus distribués ou répartis .

Or , la dif férence de tra itement des épargnants trouve sa j usti ficat ion dans une différence de situation au regard de l ' obj et poursuiv i par la loi . Cel le-ci a pour obj ectif de mettre fin à une distors ion f isca l e et d ' empêcher que pour des ra isons purement fiscales les primes en que stion soient cédées en trop grand volume , entra înant a insi une perte de valeur du capital qui perturberait le marché bours ier .

En conséquence , j e vous propose d ' écarter ces moyens .

Mons ieur l e Président Mess ieurs ?

Mons ieur LATS CHA : Je partage l ' avis de notre rapporteur ma is , sur l e plan d e l a technique financ ière , j e conteste le b ien-fondé d e cette disposition et estime que c ' est une erreur polit ique . Il y a là une rétroactivité de fa it qui peut poser des probl èmes pour la réputation internat ional e de la pl ace financière de Paris . S ' agissant des moyens portant sur la d i fférence de traitement imposée aux épargnants , il faut convenir que seuls certa ins porteurs de parts de fonds communs de placement son visés .

Mons ieur MAYER : La d i f férence de traitement j oue dans les deux sen s .

Mons ieur LATSCHA : Les effets du tirage au sort font que les inc idences ne sont pas touj ours les mêmes . En effet , les exonérations concernent des primes de remboursement qui n ' existent pas . S ont surtout visés l e s fonds communs d e placement dépositaires de l ' emprunt Caisse national e de l ' énerg ie précisément à cause de la prime de remboursement . I l faut savoir que l orsque ces primes sont vendues elles peuvent décl encher une perte de valeur du principal cons idérable . Si l e s primes de remboursement représentent 8 à 9 % du capital et ne correspondent pas à une augmentation de cap ital , leur versement a un gros effet multipl icateur . On peut avoir j usqu ' à 9 0 mil l ions de Francs de primes de remboursement .

Nous sommes proches de l ' abus de droit ma is il y en a eu d ' autres comme l e créd it d ' impôt j usqu ' à l ' année dernière . I l n ' en reste pas mo ins que j ' ai conscience de la dif ficulté de ces probl èmes .

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Mons ieur le Président : Nous sommes en présence d ' un vice technique dont les spéc ial istes se sont emparés . Tout le monde a profité de cette fail l e .

Monsieur ROBERT plus sévère ?

Est-ce que l ' on arriverait à la même solution en étant

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : S ' il n ' y avait pas eu d ' évas ion fisca l e , j ' aura i s été moins sévère . Là il s ' agit de consoler les victimes .

Monsieur le Prés ident : Des amis banquiers m ' ont confié que les banques avaient fa it un gros effort de démarchage auprès de leur cl ientèle pour lui vendre ce produit . I l s sont naturel lement maintenant embarrassés .

Le seul problème qui doit retenir notre attention est de s avoir s i cette disposition doit ou non être d ' appl ication immédiate car , de toute façon , il convenait d ' y mettre un terme . Or , en ce qui concerne la non-rétroactivité , s ' il n ' y a pas de problème pour l ' appl icat ion de ce princ ipe à l a matière pénale , on peut estimer que l a d i spos ition de l ' espèce n ' est pas une sanction . Que ceux qui avaient spéculé sur une faille technique soient déçus , cela se conçoit ma is cela n ' est pas suffisant .

Dans notre décision des 2 5 et 2 6 j uin 1 9 8 6 , nous avions soul igné que " l e principe d e non-rétroactivité des l o i s n ' a val eur constitut ionnelle , en vertu de la Déclaration des Droits de l ' Homme de 17 8 9 , qu ' en matière répress ive " .

Le terme " répress i f " est plus large que le mot "peine " .

Je crains surtout que cette modification de la législation ne soit une mauvaise a f fa ire sur le plan international . Au moment où l ' on assiste à l ' ouverture du marché des capitaux , il n ' est pas bon de dire que l ' on peut reven ir sur une réglementation . Le ministère des finances raisonne à court terme sur ce point .

Monsieur LATSCHA : S i la nouvelle réglementation ne s ' app l i quait qu ' à compter du 1er j anvier 19 9 0 , personne n ' aura it bougé .

Monsieur l e Président : C ' est une erreur pol itique ma i s ce n ' est pas notre p rob lème .

Monsieur MOLLET-VI EVILLE : Je partage ef fectivement votre point de vue car i l n ' y a pas de droit acquis que l ' on pouvait protéger sur le plan constitutionnel .

Monsieur le Président : Il n ' y a pas d ' atteinte au droit de propriété mais rien n ' est acqu i s sur le plan fiscal . Ce qui est en cause c ' est l a réputation internationale d e la place financière de Paris ma is i l y a de bonnes et de mauvaises lois .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Nous constatons effectivement qu ' il y a des erreurs pol itiques , surtout à l ' heure où nous constru is on s l ' Europe .

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Monsieur le Prés ident censurions la loi .

Nous serions une tro i s i ème chambre s i nous

Mon s i eur JOZEAU-MARIGNE l it l e proj et de déc i s i on , pages 18 et 1 9 .

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Mons i eur JOZEAU-MARIGNE : page 19 , j e vous propose une variante pour b ien marquer ce qu ' a d ' excessive la sévérité de cette mesure .

Mons i eur FAURE : I l faudrait insérer cette adj onction avant le dernier point virgule , page 19 .

Mons i eur JOZEAU-MARIGNE : Mon raisonnement cont ient deux branches une réponse en droit et une réponse en opportunité .

Mons i eur FAURE : Je regrette , d ' un point de vue logique , l ' emplo i des mots " en tout état de cause " , page 19 .

Mons i eur l e Président : Je crains que l ' adj onct ion que vous suggérez n ' a ffaibl isse le ra isonnement j uridique car la sévérité excess ive n ' est pas inconstitut ionnel l e .

Mons i eur FAURE : I l faut le mettre avant .

Mons i eur le Président : En le mettant avant , vous détruisez l e rai sonnement . Nous avons tro i s phases qui m e paraissent suffisantes , à s avo i r le principe , la cons idération et la conclusion .

Monsi eur le Secrétaire général : Cette adj onction s ' exp l i que par le souci de répondre à l ' argumentation développée par le rapporteur général de l a Commiss ion des f inances du Sénat , Mons ieur CHINAUD .

Mons i eur l e Président : C ' est un homme charmant mai s là n ' est pas l a quest ion . Vous conv iendrez que cette adj onct ion n ' est p a s indispensable .

Mons i eur FAURE : On peut qual i fier cette mesure de s impl e mesure d ' opportunité .

Mons i eur l e Président Le considérant tompe b ien . Je n ' en suis pas part isan .

Monsieur MOLLET-VIEVILLE C ' est au 3 1 décembre que peuvent être f ixés l e s droits acqu i s .

Monsieur l e Président : Je voi s bien le souci de répondre au moyen invoqué ma is , même s i on l ' amél iore un peu , on n ' aj oute rien . S i , à chaque fois que l ' on avance des arguments sans portée constitutionnelle , i l faut en tenir compte pour les rej eter , c ' est alourdir inut ilement les déci s i ons .

Monsieur LATSCHA : Lorsque le mécanisme du crédit d ' impôt a été supprimé l ' année dernière , i l n ' y a pas eu d ' appl ication rétroactive de cette mesure . I l n ' en demeure pas moins que l ' adj oncti on proposée atténue l a s évérité d e c e dispositi f e t marque le coup car i l est de mauvai s e méthode d e remettre e n cause l a sécurité j uridique des s ituation s . Ce qui me gêne c ' est l ' expre ss ion " en tout état de cause" .

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Monsieur l e Président rédactions .

Nous pourrions , à ce moment-là , j oindre les deux

Monsieur ROBERT : Je souscris à l ' opinion de Mons ieur LATSCHA . I l faut dire quelque chose .

Mons ieur l e S ecrétaire général : Le Conseil peut avoir le souci d ' en dire un peu plus sans en dire trop .

Monsieur le Prés ident : " En tout état de cause'' , page 19 , est surabondant .

Monsieur l e S ecréta ire général lit le passage de la nouvel l e rédaction du proj et de décis ion concernant la date d ' effet de l ' article 1 6-IV de la loi de finances . Cette nouvelle rédaction , telle qu ' el l e figure dans la vers ion définitive de la décision , est adoptée .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit la lecture des passages du proj et de décis ion relat i fs , d ' une part , aux atteintes à la l iberté d ' entreprendre et au droit de propriété , d ' autre part , au principe d ' égal ité .

Monsieur MAYER : La référence aux O . P . C . V . M . , au bas de la page 1 9 , est-ell e assez expl icite ?

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : Cela a été expl icité dans les considérants précédents .

Monsieur le Prés ident : Je trouve la rédaction du dernier considérant sur le respect du droit de propriété très importante .

Nous fixons un principe selon lequel une maj oration rétroactive ne pourra it atteindre le droit de propriété .

Monsieur LATSCHA : Cette rédaction ne reprend-t-el le pas cel le de l a décision du 4 j ui l l et 1 9 8 9 sur l e s " noyaux durs '' ?

Mons ieur le S ecrétaire général E ffectivement , elle est inspirée de cette décis ion à votre rapport J de la décis ion du 2 6 j ui l l et 1 9 8 4 sur les structures des exploitat ions agricoles et le statut du fermage au rapport de Mons ieur SEGALAT ; et de la déc i sion du 13 décembre 1 9 8 5 sur la communication audiovisuelle au rapport de Monsieur LECOURT .

Monsieur LATS CHA : Une suppres s ion des mots " qui en dénaturera it l e sens et la portée " amènerait le lecteur qui fait ces parallèles à se poser des questions .

Monsieur le Prés ident : Je trouve l ' express ion très mauvaise car j e ne sais pas ce qu ' est le sens du droit de propriété .

Monsieur LATSCHA : Nous avons dit l a même chose le 4 j ui l l et dernier

Monsieur le Prés ident : S i j e ne sais pas ce qu ' est le sens du droit de propriété , en revanche j e sais ce qu ' est la portée du droit de propriété . Nous avons abandonné cette j urisprudence sur l ' erreur mani feste d ' appréciation . on ne peut dire au législateur qu ' il dénature le sens du droit de propriété . Si nous étions en présence d ' une l o i portant sur l ' expropriation o u la nationa l i s ation , nous s erions prudents . Là , j e ne pense pas que cela soit la peine d ' apporter ce complément .

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Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Dans ces conditions , on laisserait seulement les mot s : " qui en dénaturerait la portée " .

Monsieur l e Président : S i nous adoptons cette solution , l a doctrine s ' interrogera .

Monsieur FAURE l ' opacité .

La formule du sens et de la portée a l e mérite de

Monsieur le Prés ident : Nous dirions s implement : " · · · il n ' en résulte pas , au cas présent , une atteinte au droit de propriété qui sera it contra i re à la Constitution . Nous verrons bien si quelqu ' un réagit .

Cette nouvelle rédaction est adoptée .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE présente les moyens soulevés à l ' encontre de l ' article 4 1 de la loi de finances .

L ' article 4 1 de la loi déférée institue un prélèvement sur l e résultat net de la Caisse des dépôts au profit de l ' Etat . Le prélèvement est déterminé " après avis de la commiss ion de surveillance de l ' établ i s s ement saisie par le directeur général dans le cadre des lois et règl ements fixant le statut de l ' établissement " .

Pour l e s auteurs de la saisine R . P . R . , ce prélèvement doit être cons idéré comme "une impos ition de toutes nature s " . De ce fait , il serait contra ire à l ' article 34 de la Constitution qui précise qu ' il apparti ent au législateur de fixer les règles concernant l ' assiette , le taux et les modal ités de recouvrement des impos itions de toutes natures " .

La Cai s s e des dépôts et cons ignat ions a été créée par l a loi du 2 8 avri l 1 8 1 6 en tant qu ' établ issement spécial placé " de l a matière l a plus spéciale sous la survei l l ance d e l a garantie légis l at ive" avec un statut p articulier destiné , comme l ' a rappelé le Conse i l d ' Etat dans un avis du 8 j anvier 1 9 5 2 11 à a ssurer à sa gestion une indépendance complète vis-à-vis du pouvoir exécuti f ( et à la soustra ire ) à la général ité des règles de tutelle et de contrôle appl icables aux établissements publics " . Relevant par l ' intermédiaire de sa commiss ion de surveillance du Parlement , la Caisse des dépôts et consignations doit être regardée comme étant un établissement publ ic national à statut l égislatif spécial .

La commiss ion de surveil l ance de l a Caisse a admis en 1 9 6 1 , à la demande du Ministre des Finances , que le montant de la contribution versée chaque année par la Caisse au Trésor soit égal "à celui qui résultera it de l ' appl ication aux bénéfices de l ' étab l issement de l ' impôt sur les société s " .

En l ' espèce , s i le législateur détermine le principe du versement , qui s ' aj outera à la contribution représentative de l ' impôt sur les sociétés , ce versement ne peut être effectué qu ' avec l ' accord du Conseil de survei l l ance de la Caisse . Par conséquent , du fait de la particularité du statut de l a Caisse des dépôts , le prélèvement en cause ne saura it s ' analyser comme une impos ition au sens de l ' article 3 4 de l a Const itution ; aus s i c e moyen doit-il être rej eté .

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Mons ieur MAYER Constitution ?

En quoi cette disposition est-elle contraire à l a

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Monsieur le Secrétaire général : Si ce versement est assimilé à un impôt , le législateur doit en déterminer l es règles de taux et d ' assiette .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE l it le passage du proj et de décision sur l ' artice 4 1 . Celui-ci est adopté .

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE : J ' aborde ma intenant l ' article 7 9 .

Le recours R . P . R . invoque l ' article 3 4 de l a Constitution pour estimer que l ' a rticle 7 9 ne fixe pas préc isément l ' a s s iette de la taxe départementale sur le revenu qui entrera en vigueur à compter du 1er j anvier 1 9 9 1 .

Je rappelle que le sous-paragraphe 2 du I de l ' article 7 9 dispose notamment que " cette taxe est assise , chaque année , sur le montant net des revenus et plus-values pris en compte pour l ' établ issement de l ' impôt sur le revenu de l ' année précédant cel le de l ' imposition '' · Le sous-paragraphe 6 du paragraphe 5 du même article prévoit qu ' il est perçu sur les revenus soumis à prél èvements l ibératoires une taxe dont le taux est égal au taux unique de la taxe proport ionnelle sur le revenu voté par les départements l ' année précédente .

Pour les auteurs de l a sais ine , il n ' appara ît pas clairement s i l e revenu "pris en compte" inclut les revenus exonérés ou l e s revenus bénéficiant d ' abattements . L ' articl e 7 9 n ' indique pas davantage s i les revenus soumis à prélèvements l ibératoires figurent dans la base imposab le .

Cependant , la définition de l ' assiette contenue au sous-paragraphe 2 de l ' article 7 9 - 1 , doit être rapprochée des articles 1 5 6 et 157 du code général des impôts . L ' article 1 5 6 di spose que l ' impôt sur le revenu est étab l i d ' après le revenu net annuel et la l iste des revenus n ' entrant pas dans le champ de ce revenu net figure à l ' article 1 5 7 .

En revanche , l ' abattement de 2 0 p . l O O dont bénéficient les salariés en vertu de l ' article 1 5 8 du code général des impôts ne viendra pas en déduction de l ' as s iette de l ' impôt départemental .

Quant aux revenus soumis à prélèvements l ibératoires , i l s seront assuj ettis à la taxe spéc i fique résultant du sous-paragraphe 6 du paragraphe I , taxe spéci fique qui est exclusive de l ' appl ication de l a taxe résultant du sous-paragraphe 1 du paragraphe I .

Au vu , tant des termes de la loi que des travaux préparatoires , il convient d ' écarter l e moyen tiré de ce que le législ ateur aurait méconnu l ' étendue de la compétence qu ' il tient de l ' article 3 4 de la Const itution .

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Monsieur le Prés ident : Je n ' ai pas compris pourquoi ce moyen ava it été soulevé car cela n ' a rien à voir avec la Constitut ion .

Monsieur FAURE : Je crains que cette réforme n ' aggrave les d i stors ions actuel les . Cela n ' a rien à voir , il est vra i , avec la Constitution . C ' est l e début de la réforme des impôts locaux . Avec les quatre vieil l e s , les inj ustices se compensa ient ma is , pour pal l ier le manque de ressources , on a pensé à asseoir la taxe départementale sur le revenu .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE l it le passage du proj et de décis ion ayant trait à l ' art icle 7 9 de la loi de finances .

Ce passage est adopté .

Monsieu r JOZEAU-MARIGNE présente les moyens soulevés à l ' encontre de l ' article 1 0 0 .

La contestation de la constitutionnal ité de l ' article 1 0 0 de la loi déférée vise le II-1 et 2 de cet art icle .

Le 1 est a in s i rédigé : " L ' abattement ( il s ' agit de l ' abattement de 2 0 % appl icable aux revenus soumis à l ' impôt sur le revenu ) n ' est pas appl iqué lorsque la déclaration profess ionnelle , la déclaration d ' ensemb l e de revenus ou les déclarations de chiffres d ' a ffaires n ' ont pas été souscrites dans les délais " .

Pour les auteurs de l a saisine R P . R . , cette dispos ition péna l i s erait l ' absence de déclaration dans les délais par une double s anction dans la mesure où le retard dans le dépôt des déclarations est déj à s anctionné par l es articles 1 7 2 7 et 1 7 2 8 du code général des impôts . En infl igeant cette double sanction , le l égisl ateur violerait l ' article 8 de l a Déclaration d e s Dro its d e l ' Homme e t du Citoyen qui consacre l a proportionnal ité des peines et des infractions .

Il peut être aisément répondu à ce moyen que le principe de l a proportionnal ité des sanctions et des peines n e reçoit d ' appl ication que pour l e s sanctions et non pour la suppression d ' un abattement fiscal subordonné à l ' accomp l issement de certa ines formalités . Ce premier moyen ne s aurait donc être retenu .

La même s a i s ine fait valoir que la perte de l ' abattement de 2 0 % est inj ust i f iable s ' agissant d ' un retard dans le dépôt d ' une déclaration de chi f fres d ' af faires dans la mesure où l ' abattement s ' applique aux revenus et concerne l ' impôt sur le revenu .

L ' article 1 0 0 a pour obj et d ' introduire des éléments de contrôle supplémentaire sur les centres de gestion agréés dont l e rôle est d ' assurer la transparence de l a comptabi l ité de leurs membres .

C ' est dans l e cadre de l ' obj ect i f d ' intérêt général poursuivi par le législateur qu ' i l faut replacer la s ituation des contribuables non salariés intéressés par la dispos ition en cause . La loi accorde , d ' une part , des avantages fiscaux et , d ' autre part , veille à contrôler la sincérité des comptes tenus par les centres de gestion .

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Par conséquent , i l n ' y a pas d ' attente en l ' espèce au principe d ' égal ité .

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S ' agiss ant du 2 du paragraphe I I I du même article , prévoyant le retrait de l ' abattement de 2 0 % en cas de mauvaise foi pour un redressement de T . V . A . , les saisissants estiment que la disproportion entre la sanction et la faute est sans fondement , dès lors qu ' il ne s ' agit pas du même impôt .

Là encore , i l peut être répondu que ce n ' est pas tant la nature des impôts qui est en cause , impôt sur l e revenu ou taxe sur la val eur aj outée , que le statut fiscal de non-salarié du contribuab l e .

Je vous propose donc de rej eter l ' ensemble des moyens rel at i fs à l ' article 1 0 0 I I I .

Mons ieur l e Président : Mess ieurs , sur cette question n ' est pas excess ivement complexe ?

Le contribuable qui n ' aura it pas fourni dél ibérément perdrait l e bénéf ice d e l ' abattement d e 2 0 % . On s e demande quel est l e groupe de pre s sion derrière ces moyens .

Monsieur l e Secréta ire général : Ce sont les petits commerçants . En 1 9 7 4 , les centres de gestion agréés avaient été attaqués par Nicoud lui -même .

Mons ieur le Prés ident : De là à ce que ce problème remonte j usqu ' au Conseil constitut ionnel . Trouvez -vous indi spensable de définir précisément page 2 6 le régime j uridique des adhérents des centres gestion de gestion agréés ?

Mons ieur le Secréta ire généra l C ' est plus cla i r .

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La connaissance des revenus des non-sal ariés adhérents des centres de gestion agréés j usti fie qu ' ils soient cons idérés comme des sa lariés et bénéficient , à ce titre , de l ' abattement supplémentaire de 2 0 %. C ' est donc l a prise en compte du statut de non-salarié qui commande en l ' espèce l ' attribution de l ' abattement , que le contribuabl e soit assuj etti de par la nature de ses activités à une déclaration de revenus ou à une déclaration sur le chiffre d ' a ffaires .

La spéci ficité du statut fiscal des non-salariés permet donc de rej eter ce deuxième moyen mais les mêmes mot ivations peuvent être emp l oyées à l ' encontre du tro i s i ème moyen .

Celu i-ci cons iste à faire valoir que les adhérents des centres de gestion agréés sont , au regard de la date de dépôt de la décl aration de revenus , dans la même s ituation que tout contribuable . Si précisément ces contribuables rel èvent de centres de gestion agréés , c ' est b ien parce qu ' i l s sont pl acés dans une s ituation différente .

Par conséquent , il n ' y a pas d ' atteinte , en l ' espèce , du principe d ' égalité .

S ' agissant du 2 du paragraphe I I I du même article prévoyant l e retra it de l ' abattement de 2 0 % en cas de mauva ise foi pour un redressement de T . V . A . , les sais issants estiment que la disproportion entre l a s anction et la faute est sans fondement , dès lors qu ' il ne s ' agit pas du même impôt .

Là encore , il peut être répondu que ce n ' est pas tant la nature des impôts qui est en cause , impôt sur le revenu ou taxe sur l a valeur aj outée , que le statut fiscal de non-salarié du contribuable .

Je vous propose donc de rej eter l ' ensemb l e des moyens relat i fs à l ' artic l e 1 0 0- I I I .

Mons ieur l e Prés ident : Messieurs , sur cette question qui n ' est pas excess ivement compl exe ?

Le contribuable qui n ' aurait pas fourni dél ibérément perdra it l e béné fice d e l ' abattement d e 2 0 % . On se demande quel est le groupe de pression derrière ces moyens .

Mons ieur l e S ecréta ire qénéral : Ce sont les petits commerçant s . En 1 9 7 4 , les centres de gestion agréés ava ient été attaqués par NICOUD lui-même .

Mons ieur le Prés ident : De là à ce que ce problème remonte j usqu ' au Conseil constitutionnel ! Trouvez-vous indispensable de définir précisément , page 2 6 , le régime j uridique des adhérents des autres centres de gestion agréés ?

Monsieur l e Secréta ire général C ' est plus clair .

Monsieur ROBERT : Les centres de gestion spéc i fiques ont été définis avant . Dans ces conditions , on pourra it supprimer l e membre de phrase " reposant sur un équ i l ibre entre des avantages particuliers et le respect de l eurs obl igations de contribuable" .

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Cette mod i fication est adoptée . Le passage du proj et de déc i s ion concernant l ' article 1 0 0 - I I I de la loi de finances ains i modi fié est adopté .

La séance est levée à 1 2 h 3 5 .

Mess ieurs les Conseillers applaudissent Monsieur JOZEAU-MARIGNE .

Monsieur l e Président : Nous l ' applaudirons après , la p i èce n ' est pas j ouée ! Je pense que nous aurons fini ra isonnablement dans l a soirée .

-ooo-

La séance reprend à 14 h 1 5 . Tous les membres sont présents .

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport en abordant la contestation de l ' art ic l e 1 0 2 .

L ' article 1 0 2 de la loi est difficilement compréhens ible dans sa formulation en raison des renvois qu ' i l opère à divers articles du l ivre des procédures fiscales .

Pour b ien saisir la portée du texte , j e vous prec1se que les articles du l ivre des p rocédures fi scales auxquel s fait référence la disposition contestée concernent les garanties accordées au contribuable en cas de véri fication ( procédures de redressement ; conséquences et l imites des procédures de redressement , enfin les sanctions fiscales ) .

On se trouve donc au coeur du contrôle fiscal avec la difficulté d ' étab l i r un équil ibre entre les moyens d ' investigation du fisc et les garanties qui doivent être accordées aux contribuables . Parmi cell es -ci , figure l ' existence d ' une procédure contradictoire en principe et l a transparence des motifs du redressement quand il e s t poursuiv i .

Le mécanisme prévu par le nouvel article a pour obj et d ' éviter que des erreurs à caractère vén iel et qui ne peuvent être régularisées en ra ison de la prescription , permettent à des contribuables de béné f icier , grâce à l ' annulation de la procédure de redressement , la décharge des impos itions . C ' est donc un dispos itif qui permet à l ' administration fisca l e , avec l ' accord du j uge , de réparer ses erreurs . Le contribuable perd de ce fait le béné fice de cel les-ci . . .

La contestation l a plus sérieuse a trait au respect des droits de la défense .

Je distinguerai deux aspects : celui du principe même de l a rect ification e t celui d e s a m i s e e n oeuvre .

Sur le p remier point , les s a i s i s sants font valoir que l ' équil ibre des droits des parties est nécessairement rompu dès lors que l ' admini stration peut obteni r l ' ef facement des vices de procédure , a lors que l ' e ffet combiné de la nul l ité et de la prescription mettrait l e contribuabl e à l ' abri d ' une reprise de l a procédure .

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Le mécanisme mettra touj ours en échec la prescription , car l ' administration est en droit , pour autant qu ' elle se trouve encore dans le déla i de reprise , d ' annuler un redressement pour reprendre l a procédure à partir des actes entachés d ' irrégularités .

or , l a prescription apparaît comme un élément des droits de l a défense puisqu ' el le garantit qu ' au-delà d ' un certain dél a i les actions ne s ont plus recevables .

Ma is on peut se demander s ' il y a réellement atteinte aux droits de l a défense . . . .

En effet , il s ' agit d ' éviter que la prescription ne j oue au bénéfice du contribuable en raison d ' une erreur vénielle , a l ors même que l ' administration avait poursuivi le contribuable dans le délai .

La lenteur de l a j ust ice fait que souvent l ' annulation de la procédure se conj uguera avec la prescription .

Mais surtout , le l égislateur a pris soin d ' enserrer l ' autorisat ion dans des condit ions strictes de nature à sauvegarder les droits du contribuable .

En particul ier , l ' autori sation n ' est accordée que s i l ' erreur ne revêt pas un caractère sub stantiel et qu ' elle n ' a pas porté atteinte aux intérêts de la partie qu ' el le concerne .

L ' autorisation de recti f ication appara ît ainsi l imitée aux cas où l ' erreur vénielle qui conduit à l ' annulation s ' apparente à une aubaine pour le contribuable .

Dans tous les cas , il appartient au j uge soll icité d ' apprécier l e caractère substantiel ou non du vice a l légué .

En ce qui concerne les modal ités de mise en oeuvre de l ' autorisation , députés et sénateurs sout iennent que la procédure méconnaît les droits de la défense . Selon eux , le contribuable n ' a pas l a possibil ité de fa ire valoir son point de vue devant le j uge quant au caractère substantiel ou non de l ' erreur commise par l ' admin istration . De plus , il serait privé de tout recours contre cette déc i sion .

Deux situations sont à d i stinguer :

Dans la première , le vice de procédure est révélé l ors d ' une instance content ieuse déj à engagée . La demande s ' inscrit alors dans une procédure j uridictionnelle contrad ictoire , et l ' appel contre l ' autorisation s era touj ours possibl e .

Dans la seconde , l ' administration soll ic ite l e droit de rectification en dehors de tout content ieux . Dans ce cas , le j uge devrait demander au contribuable ses observations avant de prendre sa déc i s ion , et celle-ci sera susceptible d ' être déférée au j uge par l a voie de l ' appel .

En conséquence , j e propose de dire que l ' article 1 0 2 ne méconnaît pas l es droits de l a défense .

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Sénateurs et députés cons idèrent que cette disposition met auss i en cause le principe d ' égal ité .

Mais l ' invocation d ' une inégal ité inj ustifiée entre l ' administration et le c itoyen est d ' autant plus difficile à retenir que les relations entre l ' administration fiscale et le contribuable sont nécessairement inéga l itaires . De même on peut aisément écarter l ' argumentation selon laquel l e serait créée une inégal ité entre les contribuables v i s-à-vis desquels l ' administration aura commis une erreur de procédure et les autres . I l me semble que l ' on peut soutenir que le contribuable qui fait l ' obj et d ' un redressement et les autres sont dans des s ituations différentes .

Les députés invoquent en outre la violation du principe de l ' autorité de la chos e jugée , cel le du principe de légal ité des dél its et des peines et de l ' indépendance de la juridiction répressive .

L ' argumentation déve loppée à ce suj et est incons istante . Je ne crois pas néces s aire de m ' y attarder .

En conclus ion , l ' article 1 0 2 ne me para ît pas contraire à l a Constitut ion .

Mons ieur l e Prés ident : Et bien , Messieurs . . . Sur ce texte qui est comp l iqué . . . lorsqu ' une erreur n ' est pas substantielle qu ' est-ce que l ' administration fiscale peut vra iment faire ? Et pu is qu ' est-ce que cela veut dire que l ' erreur n ' a pas porté atteinte aux intérêts de la part ie qu ' el l e concerne ? Quelle est cette partie ?

Mons ieur le S ecréta ire général rappel le la génèse de l ' article 1 0 2 telle qu ' e l l e ressort des travaux préparato ires .

L ' article provient d ' un amendement du groupe social iste de l a commission des finances . Mons ieur CHARASSE a apporté des précis ions devant l e S énat au cours de l a séance du 9 décembre 1 9 8 9 en donnant des exempl es de vices de procédure non substantiels . Ces exemples étaient t irés d ' un arrêt du Conseil d ' Etat '' Biancal e " . Dans le premier cas , il manquait la ment ion du numéro d ' un article du code général des impôts dans une not i f ication , dans le second cas une déc ision a été annulée parce que l ' av i s de vérif icat ion visait , selon le ministre , les années 1 9 7 5 et suivantes et non pas les années véri fiées , 1 9 7 5 , 1 9 7 6 , 1 9 7 7 et 1 9 7 8 .

Cet article s ' appl iquera dans un cas sur dix mais il est très redouté par les avocats , surtout les avocats fiscal istes car il risque de rédui re à néant leurs efforts devant le j uge des impôts pour démontrer l ' irrégularité de la procédure . On peut se demander s ' i l ne s ' agit pas d ' une crainte excess ive car la procédure ne concernera que des cas très restre ints et dans le respect des droits de la défense et du caractère contradictoire .

Mons i eur FAURE : Je suis à vra i dire plus ébloui par ces exp l ications que vraiment éclairé sur les intentions réelles de l ' administration et les impl ications de cette procédure .

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Je ne l a comprends pas très b ien , elle reste mystérieuse . I l me semb l e que le l ièvre f iscal paraît avec s e s oreilles . I l y a l a poss ib i l ité de continuer ou de faire rena ître une procédure mal engagée . Il y a donc un moyen de tourner la prescription . Tout cela au bénéf ice exclusi f de l ' administration f i scal e . I l y a par ailleurs une rupture de l ' éga l ité entre l e s j usticiables puisque l a prescription est variab l e selon les fautes de l ' administration . Par ailleurs , est-ce que par hasard l ' administration n ' aurait pas , tout s implement , un cas précis en tête ? Cela sera it fâcheux .

Mons ieur le S ecrétaire généra l s ' interroge sur le principe constitutionnel qui pourrait fonder la censure .

Monsieur l e Prés ident : L ' atteinte aux droits de la défense à travers l a prescription ! L ' atteinte à l a prescription j oue a u bénéfice exclu s i f de l ' admin i strat ion f iscal e .

Monsieur le S ecréta ire général soul igne que la procédure d ' étab l i ssement de l ' impôt n ' est pas une procédure répressive , sauf en ce qui concerne l ' infl i ction des amendes . Il est di fficile , dans ce cadre , de recourir aux dro its de la défense .

I l soul igne qu ' en matière f i s cale le j uge constitutionnel s ' est d ' a i l leurs borné , dans la décis ion du 2 9 décembre 1 9 8 8 , à rattacher la prescription du principe de non-rétroactivité comme étant son corollaire dans certaines conditions . Mais le principe n ' est opposable que pour l e s textes à caractère répress i f e t donc , en mat ière f iscale , uniquement pour l e s amendes . I l restera it alors le recours au principe d ' égal ité , mai s il est d ' ut i l i sation dél icate , sans être imposs ibl e , dans une matière inégal itaire comme le droit fiscal .

Mons ieur FABRE se demande s i le législateur ne pourrait pas supprimer l a prescription dans une t e l l e matière .

Monsieur LATS CHA cons idère que l a suppression de l a prescription en l ' espèce est particulièrement importante . En outre , s oul igne-t- il , on ne s a it pas très b ien finalement à quels textes cela s ' applique .

Monsieur le Président : S i une loi modi fiait le dél a i de prescription , e st-ce qu ' on l ' accepterait ? Par exemple , une loi qui ferait passer l e déla i d e pres cription d e 3 ans à 5 ans e t qui concernera it ceux qui ont déj à bénéficié de la prescription ? Non , j e pense que nous serions unanimes .

Monsieur le Secrétaire général p ourrait-il être opposé ?

Mais quel principe constitutionnel

Monsieur le Prés ident : Cela porte un très j ol i nom , c ' est tout s impl ement la sûreté j uridique . Prenons l ' exemple des articles 5 4 -B et 5 9 du l ivre des procédures f isca l es . Imaginons que la procédure a été viciée mais que l a prescription était acquise . L ' admini strat ion fiscale peut-el l e déclencher une procédure de fraude fisca l e ?

Mons ieur le Secrétaire général : Il faut t�nir compte de la d i fférence entre l e dél a i de reprise et le dél a i de prescription de la fraude fiscale . I l s ne sont pas touj ours les mêmes et le déla i de reprise varie s elon les impôts .

. . . 1 . . .

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4 0 -

Monsieur le Prés ident : Si la prescription n ' est pas acquise , l a procédure peut être acceptée , mais p a s s i l a prescription e s t acquise .

Monsieur ROBERT : Quel principe constitutionnel peut-on opposer ? La question reste posée .

Monsieur FABRE : On vient de nous indiquer le principe de sûreté . . .

Monsieur le S ecrétaire général : Il est très difficile de construire un rai sonnement j uridique à partir de ce principe dans notre espèce , sauf à étendre dangereusement son champ d ' appl ication .

Monsieur le Prés ident : Alors il y a la violation des droits de la défense !

Monsieur le S ecréta ire général : Mais peut-on l ' invoquer dans le cadre de la procédure de l ' étab l i ssement de l ' impôt ?

Monsieur le Président : Essayons de vivre la s ituation . L ' administration dit : "Je me suis trompée , j e demande une rect i fication , j e vai s devant le j uge de l ' impôt " .

La question posée au j uge concerne l ' erreur . Mais l a rect i f ication de cette erreur fait grief puisque le système de défense du contribuable devient inopérant . On fa it revivre la prescription acquise . La notion de procès équitabl e doit concerner tout le procès . Le constat est finalement qu ' une partie perd le bénéfice de l a prescription acquise . La question est de s avoir si la prescription a valeur constitutionnel l e . Quand e l l e permet la réouverture d ' une répression , certainement oui .

L ' autre question est de savoir si nous pouvons admettre que le législateur intervienne pour remettre en cause la procédure j uridictionne l l e .

Monsieur le S ecrétaire général souligne qu ' il est possible de " renforcer'' le proj et de décision pour répondre à ces préoccupations concernant la répres sion et la séparation des pouvoirs . Pour le reste , il voit mal l e terrain de l a censure . S i l ' on pense que le ven in du texte est suf f isant pour j usti fier l a censure , le rai sonnement est difficile à construire car le législateur a donné beaucoup de garanties .

Mons ieur LATSCHA remarque que le texte n ' a pas de sens sans la mise en cause de la prescription .

Monsieur le Président : Ce qui me gêne c ' est la suppres s ion de l a prescription acquise . L ' administration fiscale pourra donc reprendre l a procédure à tout moment , même 10 ans après .

Monsieur le S ecrétaire général souligne que cela ne concerne que l e s erreurs non substantielles . L ' obl igation de l ' impôt e s t prévue p a r l a Constitution e t il n e s ' agit pas d ' une matière pénale . I l y a donc une nécessité de l ' impôt et une s ituation particul ière au regard des droits de la défense dont on ne peut faire abstraction .

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Monsieur l e Prés ident : On comprend bien la préoccupation de l a commiss ion d e s finances e t son souci d e n e p a s laisser les fraudeurs échapper à l ' impôt . Mais le but fondamental de la d i spos ition semb l e bien être d e tourner la prescript ion . I l n e devrait pas y avoir d ' autorisation de reprendre la procédure s i la prescription est acquise .

Mons ieur le S ecréta ire général rappel le que la procédure d ' établ issement de l ' impôt n ' est pas une procédure répressive . I l s ' agit d ' une procédure souvent déclarative qui établ it un dialogue entre l ' administration et le fisc même si l ' impôt est imposé par la puissance publique .

Mons ieur FAURE : En réal ité , nous sommes tous les otages du f i sc .

Monsieur le Président : I l suffira , à la l imite , que l es redressements soient mal rédigés pour que l ' administration puisse touj ours recommencer les procédures .

Mons ieur FAURE l a censure .

Reste à trouver l a j ustif ication constitut ionnel l e de

Mons ieur LATS CHA un droit acquis .

La mise en cause de la prescription porte atteinte à

Mons ieur FAURE : Toutes les prescriptions fiscales risquent de se voir remises en cause .

Monsieur le Prés ident : Postalis pensait que "partout où l a rétroactivité serait admise , non seulement la sûreté n ' existerait plus , mais son ombre même " .

Mons ieur le S ecrétaire général s ignale que le problème s ' était posé devant les constituants de 1 9 4 6 d ' une extension à l a matière c ivile . L ' Assemblée ava it dit non .

Monsieur FAURE : Mais Herriot avait dit oui

Monsieur le Président : Alors il nous reste le principe d ' égal ité

Monsieur l e S ecréta ire général remarque que ce terrain de censure est préférable à celui d ' une atteinte à la sûreté ou aux droits de la défense .

Monsieur le Président propose que le proj et soit lu - le passage concernant le principe d ' égalité est modifié à sa demande - La censure doit être j us it i fiée par l ' idée que tout le monde bénéficie de la prescription , sauf ceux qui sont concernés par la l o i . I l y a l à une rupture d ' égal ité . Brique par brique , commente-t-il , nous construisons les fondements de l ' Etat de droit .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport en abordant l a contestation de l ' art icle 1 0 3 de la loi de finances .

L ' article 1 0 3 est contesté par les seu l s députés .

I l concerne l a comptabil ité informatisée et complète ou modifie plusieurs articles du l ivre des procédures fiscales .

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Les députés cons idèrent que les dispositions de l ' article portent atteinte à l ' article 6 6 de la Constitution et au principe de l a nécess ité des peines .

Aucun de ces moyens n ' emporte l a conviction .

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L ' argumentation qui consiste à invoquer la violation du principe de ''nécess ité des peine s " est dérisoire . Elle repose en e f fet uniquement sur l ' obl igation faite au contribuable de conserver pendant au moins 3 ans des documents . I l est évident que cette obl igation ne constitue pas une peine .

Je pense que nous devons aussi écarter le moyen tiré de la violation de l ' article 6 6 de la Constitution .

Les auteurs de la s a i s ine rappel lent le complément apporté à l ' article L . 13 du l ivre des procédures fiscales ( L . P . F . ) par l ' article 1 0 3 . I l s ' agit d e préciser l es conditions dans lesquelles l ' administration fiscale peut véri fier sur place , et suivant les règles prévues par l e L . P . F . , l a comptabil ité des contribuables qui sont tenus de présenter des documents comptables .

Le compl ément précise : " Lorsque la comptabil ité est tenue au moyen de systèmes informatisés , le contrôle porte sur l ' ensemb l e des informations , données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fis caux et à l ' élaboration des déclarations rendues obl igatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses , à la programmation et à l ' exécution des traitements " .

Les auteurs de l a sais ine en déduisent que les agents de l ' administration , quel le que soit leur qual ité , pourront rechercher toute i nformation , même dans les l ieux privés , s ans habil itation de l ' autorité j udiciaire .

Cette argumentation procède d ' une mauvaise lecture du texte car le complément apporté à l ' article L. 1 3 ne concerne que l ' étendue des investigations , dans le cadre de l ' informatisation de la gestion , sans mettre en cause la procédure organisée par l ' art ic l e L . 1 6 - B qui prévoit , el l e , l ' intervention du j uge j udiciaire .

Ains i , l es dispositions de l ' article 6 6 de l a Constitution ne sont tout s impl ement pas concernées .

Mons ieur l e Prés ident : Messieurs , des observations !

En l ' absence d ' observations , Monsieur JOZEAU-MARI GNE poursuit son rapport avec l a contestation de l ' article 1 0 4 .

L ' article 1 0 4 est contesté par les députés et les sénateurs .

I l est bref et j e peux donc vous en donner directement lecture " I . Dans l ' a rticle L . 1 7 0 du l ivre des procédures fiscales , le mot " répress i f " est supprimé . - I I . L ' article L . 1 7 0 du l ivre des procédures fiscales est complété par les mots : " et , au plus tard , j usqu ' à la fin de la d i xième année qui suit cel l e au titre de laque l l e l ' imposition est due " .

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,

L ' art i c l e 1 0 4 e s t c on t e s t é p a r l e s dépu t é s e t l e s

s é n a t e u r s .

4 3 .;_

I l e s t br e f et J e p e u x d o n c v o u s en donne r d i r e c t ement

l e c t u r e " I Dan s l ' ar t i c l e L 1 7 0 du l i v r e d e s pr o c é d ur e s

f i s c a l e s , l e mot : " répr e s s i f " e s t s uppr imé .

I I L ' art i c l e L 1 7 0 du l i v r e d e s p r o c é d u r e s f i s c a l e s e s t c omp l é t é

p a r l e s mots " e t , a u p l u s t a r d , j u s qu ' à l a f i n d e l a d i x i ème

ann é e qui s u i t c e l l e au t i t r e d e l a qu e l l e l ' impos i t i on e s t d u e " .

L ' a r t i c l e L 1 7 0 d i s po s a i t " Même S l l e s d é l a i s d e r e pri s e

pr é v u s à l ' ar t i c l e L 1 6 9 s on t é co u l é s , l e s omi s s i o n s o u

i n s u f f i s an c e s d ' impo s i t i o n s r é vé l é e s p a r u n e i n s t a n c e d ev a n t l e s

t r i bu n a ux répr e s s i f s ou p a r u n e r é c l ama t i on c o n t e n t i e u s e p euvent

être r é p a r é e s p a r l ' a dmi n i s t r a t i o n d e s imp&ts j u s qu ' à l a fin d e

l ' ann é e s u i va n t c e l l e de l a d é c i s i on q u i a c l o s l ' i n s t a n c e " .

La s u ppr e s s l on du q u a l i f i c a t i f " r é pres s i f " é l a r g i t d o n c

l e d oma i n e de l a r e p r l s e , p o s s i b l e d é s o rm a i s d e v a n t n ' impo r t e

qu e l t r i buna l .

Par a i l l e u r s , i l e s t é t a bl i un d é l a i max imum d e r e pr l s e

de 1 0 a n s à c omp t e r d e l a m i s e e n r e c o u v r ement d e l ' impo s i t i on .

L e s s é na t e u r s invoqu e nt l a v i o l a t i on d u pr i n c i pe

d ' é ga l i t é devant l a l o i e t d e va n t l e j u g e . Leur a r g umen t a t i on

n ' e s t p a s conva i n c an t e . S o u t e n i r qu e l ' é g a l i t é d e v a n t l e j ug e

e s t a t t e i n t e p a r c e q u e l e s c o n tr i bu a b l e s a u ront peu r d ' e n g a g e r

une a c t i on s u s c e p t i b l e d e p e rme t t r e l ' app l i c a t i on d e s d i s po s i ­

t i o n s nouve l l e s n ' e s t g u è r e proban t .

Quant à l ' a r g umen t a t i on c o n c e r n a n t l e p r i n c i p e d ' é g a l i t é

è l l e n e t i e n t p a s d a v a n t a g e La l o i s e r a b i e n l a meme o o u r t o u s

l e s c i toyens s e t r o u v a n t d a n s l a même s i t u a t i on .

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L ' article L . 1 7 0 disposait : "Même s i les délais de reprise prévus à l ' article L . 1 6 9 sont écoulés , les omiss ions ou insuffisances d ' impositions révélées par une instance devant les tribunaux répress i fs ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l ' administration des impôts j usqu ' à la fin de l ' année suivant cel l e de la déc i s ion qui a clos l ' instance " .

La suppress ion du qual i ficati f " répress i f " élargit donc l e domaine de la reprise , possible désormais devant n ' importe quel tribuna l .

Par a i l l eurs , il est établ i un délai maximum de reprise de 1 0 ans à compter de l a mise en recouvrement de l ' imposition .

Les sénateurs invoquent la violation du principe d ' égal ité devant la loi et devant le j uge . Leur argumentation n ' est pas conva incante . Soutenir que l ' éga l ité devant le j uge est atteinte parce que l es contribuab l es auront peur d ' engager une action susceptible de permettre l ' appl ication des dispo s it ions nouvelles n ' est guère probant .

Quant à l ' argumentation concernant l e principe d ' égal ité e l l e ne tient pas davantage . La loi sera b ien la même pour tous les citoyens se trouvant dans la même s ituation .

Les députés invoquant , eux , la violation des dispos itions de l ' article 8 de la Déclaration des Droits de l ' Homme , celle de l ' article XI I et cel le de l ' article XVI .

Aucun de ces articles ne me para ît mis en cause par l a d i spos ition contesté e .

Pour l ' atteinte au principe de nécess ité des peines ou de proport i onnal ité , les auteurs de l a sais ine remarquent que l ' article favorisera la délation ou l a révél ation de faits sans que l ' intérêt qu ' en t i rera it l ' administration fiscale soit équilibré par le désordre qui en résulterait .

Le l ien entre l ' argumentation et le principe posé par l ' a rticle 8 de la Déclarat ion de 1 7 8 9 ne saute pas aux yeux . Je dirai même que j e ne le vois pas . La réparation d ' une omiss ion d ' impos ition n ' est bien évidemment pas une peine au sens de l ' article 8 .

J ' a i tout autant de difficulté à retenir une violation de l ' article 1 2 qui concerne la force publ ique . L ' ut i l isation de " l ' arme f is ca l e " pour l ' ut i l ité particul ière de ceux auxquel s elle est confiée aboutit à un amalgame assez plaisant mais n ' établit aucune inconstitutionnal ité .

Quant à l ' atteinte à l a séparation des pouvoirs , j e ne voi s pas en quoi elle con s i ste . Il me semble en e f fet assez facile de distinguer dans ces opérations la tâche du j uge et celle de l ' administration f iscale qui ne sont nul lement mêlées .

Monsieur l e Président : cet a rticle m ' a laissé pens i f . I l est fait pour que l ' on puisse menacer l ' autre partie de révélations f iscales au-delà du déla i de prescription pour les omiss ions ou les insuffisances . Quel est l e délai ?

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Monsieur le Secréta ire général cause .

De 4 à 1 0 ans selon les impos itions en

Monsieur le Prés ident : Admettons que le déla i de prescription soit de 4 ans . Une révélation dans l e cadre d ' un procès postérieur permettra une procédure de reprise .

Monsieur l e Secrétaire général dans le temps .

La possibil ité de reprise est l imitée

Monsieur le Prés ident : Certes , ma is la prescript ion est anéantie rétroactivement ! Là est le problème .

Monsieur LATS CHA donne lecture de l ' article L . 1 7 0 du l ivre de procédure f isca l e et remarque qu ' il permet le dépassement du délai de reprise tout en prévoyant un butoir .

Mons ieur le Président : De quand date ce texte ?

Monsieur le Secréta ire général : De la période 1 9 4 1 - 1 9 4 3 . Il a fait l ' obj et d ' interprétations raisonnables de l a part du Conseil d ' Etat .

Monsieur l e Président : La modif ication apportée conduit à un élargissement de la répression . Mais nous ne nous sommes j amais prononcés sur l ' article L. 1 7 0 dans sa précédente formulation .

Monsieur le Secrétaire général remarque qu ' i l y a une l imite dans le temps à la reprise .

Monsieu r le Prés ident I l y a quand même une prescript ion acquise qui est remise en cause par le fait d ' un tiers .

Monsieur MOLLET-VIEVILLE : Pour les sentences arbitrales , la prescription fiscale est de 5 ans . Avec ce texte , il y a un moyen de pression pour les débiteurs !

Mons ieur LATSCHA remarque qu ' avec la nouvel le formul ation de l ' article les deux conditions du délai se cumulent .

Monsieu r le Prés ident : Oui , " j usqu ' à la fin de l ' année suivant cel l e de la déci sion qui a clos l ' instance " , cela suf fit ! Le nombre d ' a f fa ires où le texte va être brand i est cons idérable . Cela facil itera d ' a i l leurs les transactions plus que cela n ' enrichira l ' admin istration fisca l e . Ma is , puisque le législ ateur a décidé • • •

Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du proj et de décision qui est adopté . I l poursuit son rapport avec l ' analyse de l ' article 1 0 5 .

L ' article 1 0 5 concerne l a taxe forfaitaire de 3 p . 1 0 0 sur l a valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n ' y ayant pas leur s iège socia l .

Cette taxe a été instituée par l ' article 4 de l a loi de f inances pour 1 9 8 3 dont les dispositions ont été codifiées sous les articles 9 9 0 - D à 9 9 0 -H et 7 11-A du code général des impôts .

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L ' article 1 0 5 comporte quatre paragraphes qui précisent et comp lètent le régime j uridique de cette imposition et un paragraphe V qui confère aux aménagements apportés un caractère interprétati f .

L ' article est contesté par les seu l s députés dans une très longue argumentation qui a pour obj et d ' établ ir :

- que son caractère interprétati f porte atteinte à l ' indépendance , garantie constitutionnellement , du j uge de cassation

- qu ' il maintient ou rétab l it un impôt confiscato ire et discriminatoi re contra ire aux articles 13 et 17 de la Déclaration de 1 7 8 9 i

- qu ' il est contraire à l ' article 5 5 de la Constitution dans la mesure où il tend à faire échec à l ' application de traités .

La dernière contestation peut être évidemment écartée sans d i f fi culté . Les traités ne font pas partie du bloc de constitutionnal ité comme le Conseil l ' a décidé en 1975 et à plusieurs reprises depuis lors .

Les deux autres contestations peuvent aus s i être écartées .

En ce qui concerne l ' indépendance constitutionnel l e du j uge de cassat i on , il convient de bien distinguer la fonct ion du j uge de cel le du légis l ateur . Le j uge interprète l a l o i à défaut pour l e l égislateur de le f aire . Mai s cette compétence n ' est nul lement exclus ive . De la même man ière que l e l égislateur peut défaire l a loi , il peut l ' interp réter , même rétroactivement et dans un sens d i fférent de celui retenu par le j uge .

I l convi ent seul ement de veiller dans ce cas que l e princ ipe de non-rétroactivité des lois répressives n ' est pas mis en caus e , n i l ' autorité d e la chose j ugée .

Or , tel n ' est pas le cas en l ' espèce .

Quant au caractère confiscatoire et discriminatoire de l ' impôt en question qui porterait atteinte aux articles 13 et 17 de l a Déclaration des Droits de l ' Homme , il ne saura it être retenu .

La l o i répond à un obj et précis qui consiste à dissuader les contribuables a ssuj ettis à l ' impôt de sol idarité d ' échapper à l ' imposition en créant des sociétés étrangères qui deviendraient propriétaires d ' immeubles en France .

Pour arriver à cette fin , elle interprète l a notion de redevabl e , dans des conditions d i fférentes de celles retenues par la Cour de cassat ion . Mais l e s principes restent ceux posés par l a loi de finances p our 1 9 8 3 qui a été déclarée conforme à l a Const itution par l e Conse i l constitutionnel .

Ces dispositions ne portent atteinte n i au dro it de propriété , n i au principe d ' égal ité devant les f inances publiques . Tant l a nouvelle définiti on des redevables que le taux de l ' impôt sont j ustifiés par le but de l a loi .

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Je remarque qu ' on pourra it , à l ' occasion de cette déc i s ion , se poser l a question des conséquences de notre dispos itif d e conformité d ' une loi .

Tel est le cas , en l ' espèce , comme j e l ' a i rappelé , et l ' on pourrait se demander s i l a contestation de l a constitutionnal ité de dispo s itions j ugées conformes est b ien recevable .

Ma is trancher la question de recevabil ité n ' est pas nécessaire dès lors qu ' il n ' y a guère de doute au fond sur le rej et du moyen .

Mons ieur le Président : J ' ouvre la discussion . J ' aura is quelques remarques à faire en ce qui concerne le passage du proj et de décision relati f aux tra ités .

Mons ieur FAURE : I l n ' y a pas de problème sur le fond !

Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne l ecture du proj et de décis ion et de la variante ( 1 ) .

Mons ieur le Prés ident : La variante n ' est pas , comme vous pouvez le constate r , une reprise pure et simple de l a décis ion du 3 septembre 1 9 8 6 . J ' ouvre l a discuss ion .

Mons i eur ROBERT signale qu ' il est favorable à la variante .

Mons ieur le S ecrétaire général donne des expl ications sur la décis ion du 3 septembre 1 9 8 6 . Il soul igne que ce qui a été censuré c ' est l a restriction du domaine d ' app l ication d e l ' article 5 5 qui résultait d ' un amendement présenté par Mons ieur DEBRE . Par a i l leurs , le Conseil constitutionnel a rappelé qu ' il appart ient aux divers organes de l ' Etat de ve i l l er à l ' appl ication des conventions internationa les .

L ' amendement AURILLAC , voté en 1 9 8 0 en première lecture devant l ' Assemblée nationale , avait pour obj et de revenir sur la j urisprudence de la Cour de cassation qui avait sanctionné la supériorité du traité sur la l oi postérieure . I l serait inconstitutionnel au regard de la j urisprudence .

Les principes posés par l a décision du 3 septembre 1 9 8 6 ont été appl iqués par la décis ion du 2 1 octobre 1 9 8 8 dans laque l l e le Conseil constitutionnel a véri fié l a compatibil ité de l a loi du 1 1 j uil l et 1 9 8 6 qui détermine le mode d e scrutin pour l ' élection des députés à l ' Assemblée nationale avec les stipulations du protocole n • 1 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l ' homme et des l ibertés fondamentales .

Mons ieur le Prés ident : Donc , nous vérif ions seulement que les lois ne restreignent pas le champ d ' appl ication défini par l ' article 5 5 de l a Constitution .

Monsieur ROBERT : C ' est restreint !

Monsieur l e Président déc i s ion de 1 9 7 5 .

Nous ne pouvons pas revenir ma intenant sur la

( 1 ) Voi r le dossier de séance

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La déci sion est adoptée avec quelques modi fications concernant l a rédact ion d e l a variante . Ains i , la ré férence a u fait que l a règ l e de l ' article 55 s ' impose "même dans le silence de la l o i " est supprimée et la formule " que la l o i respecte le champ d ' application de l ' article 55 "

est pré férée à l a formule initiale : " qu ' une l o i ne restreint pas l e champ d ' application d e l ' articl e 55 11 •

Mons ieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport avec l ' analyse de l ' article 1 0 7 .

L ' article 1 0 7 dispose que tout règlement d ' un montant supérieur à 1 5 0 0 0 0 F effectué par un particul ier non commerçant en paiement d ' un bien ou d ' un s ervice doit être opéré , soit par chèque barré non endossable , soit par virement bancaire ou postal , soit par carte de paiement ou de crédit .

Toutefois , les particul iers non commerçants n ' ayant pas leur domi c i l e fiscal e n France peuvent effectuer ces règlements e n espèces o u e n chèques d e voyage , après relevé d e leur identité e t d e leur domic i l e par le vendeur .

Les infractions à ces dispos itions sont sanctionnées par une amende fiscale égal e à 25 % des sommes non règlées régul ièrement et qui incombe pour mo itié au débiteur et pour moitié au créancier . Cette amende est recouvrée comme en mat ière de timbre .

Cet art icle 1 0 7 est contesté par les seul s députés dans une longue argumentation qui comporte trois moyens . Avant de les examiner , j e dois indiquer qu ' une dispos ition analogue figurait déj à dans la l o i de finances pour 1 9 8 4 . Elle avait été déférée , par une argumentation d ' ailleurs d i fférente , au Conseil qui , dans une décis ion du 2 9 décembre 1 9 8 3 , a déclaré l a dispos ition en cause conforme à l a Constitution .

Premier moyen : En assortissant l e paiement en espèces , autorisé pour les particul iers n ' ayant pas l eur domicile fiscal en France , d ' une obl igation de rel evé d ' identité et de domicil iation , l ' al inéa 2 est contraire au princ ipe fondamental du cours l égal de la monnaie .

I l n ' y a pas l ieu de s ' attarder sur ce moyen inconsistant . Comme j e l ' ai indiqué , nous avons , en 1 9 8 3 , déclaré conforme à l a Constitut ion une disposition qui imposait la même obl igation .

Deuxième moyen : L ' obl igation d ' information sur l eur domicil iat ion à l ' encontre des rés idents étrangers est contraire au droit communaut aire .

Les députés invoquent l a méconnaissance de l ' article 67 du Tra ité de Rome qui prévoit l a suppress ion des discriminations de tra itement fondées sur l a nat ional ité ou la rés idence des parties ou sur l a l ocalisation du p l acement ainsi que de son article 3 0 qui interdit l ' instauration de restrictions quantitatives à l ' importation ainsi que toute mesure d ' effet équival ent .

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Le moyen est inopérant puisque les conventions international e s ne font pas partie du "bloc de constitutionnal ité " au regard duquel s ' apprécie la conformité à la Constitution des lois qui nous sont soumises en appl ication de l ' article 61 de cette dernière .

Un troi s ième moyen plus sérieux est dirigé contre l ' amende .

La critique est dirigée contre l e trois ième al inéa de l ' article 1 0 7 , qui est rel at i f aux infractions aux dispos itions des deux al inéas précédents .

Le moyen comporte trois branches concernant respectivement l e principe de la s anction , le montant de l ' amende et la procédure appl icab l e .

a ) En premier l ieu , les auteurs de la saisine contestent l e principe même d e l ' institution d ' une amende fiscale qui , selon eux , ne correspond à aucune des j ustifications admises par la j urisprudence pour les amendes fiscales .

Cette amende ne permet pas d ' assurer l e recouvrement d ' un impôt ou d ' une taxe puisque l ' agi ssement s anctionné est étranger à toute procédure fiscal e déterminée . E l l e ne revêt pas davantage le caractère de réparation c ivile que la Cour de cassation reconnaît part i e l l ement aux amendes fisca l es . Ains i , le non respect des obl igations définies aux deux premiers al inéas est étranger au doma ine d ' intervention d ' une amende fiscale .

On se trouverait donc dans un cas s imilaire à celui qui a donné l ieu à notre décis ion du 3 0 décembre 1 9 8 7 par laquelle le Conseil a déclaré inconst itutionnel l e une amende fiscale encourue en cas de divulgation du revenu d ' une personne . Disons tout de suite que ce précédent n ' en est pas un car , dans sa décision de 1 9 8 7 , le Consei l a censuré , non l e principe d e l a création d ' une amende fiscale , mais l e caractère man i festement disproportionné du montant de cel le-ci .

Cette premi ère branche du moyen n ' est pas déterminante car l e s dispositions sanctionnées ont pour obj et de lutter contre l ' évas ion fiscale . Cela j ustifie , semble-t-il , que la sanction puisse présenter l e caractère d ' une sanction fisca l e .

b ) La seconde branche du moyen est tirée de ce que l e montant de l ' amende - 2 5 % des sommes non règl ées conformément aux prescriptions de l ' art icle 1 0 7 - est disproportionné .

Sans doute , l e taux de l ' amende est- il élevé . De plus , cette amende ne peut être modulée ou atténuée sauf par le biais d ' une remise ou modération à t itre grâcieux . Mais j e ne pense pas que nous pui s s i ons a f firmer que le taux de l ' amende fiscale prévu par cet article soit mani festement disproport ionné . Le conseil n ' exerce qu ' un contrôl e restre int .

c ) Reste l a trois ième branche du moyen qui est t irée de ce que la procédure applicable au recouvrement de l ' amende méconnaît les droits de la défense .

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Les députés font valoir que le mécanisme proposé méconna ît , pour une large part , les principes posés par le Conse i l const itut ionnel en matière de sanctions administratives , notamment dans sa décision du 17 j anvier 1 9 8 9 concernant l ' audiovisuel : la sanction revêt un caractère automatique , aucune forme de motivation n ' est prévue , non p lus qu ' aucune procédure contradictoire .

Cette argumentation est partiellement fondée .

Certes , on ne peut soutenir que le contrevenant sera privé de toute garant i e . Contrairement à ce qui est soutenu , la décis ion de mise en recouvrement de l ' amende devra être motivée en appl ication de la l o i du 11 j ui l l et 1 9 7 9 relative à la motivation des actes administrati fs . En second l ieu , cette déci s ion pourra faire l ' obj et d ' un recours grâcieux et d ' un recours contentieux devant le j uge j udicia ire , assorties d ' une demande de surs is de pa iement , qui sera de droit si l ' intéressé o f fre des garanties suffisantes de paiement .

Mai s l e s auteurs de la sais ine sont fondés à soutenir que la procédure prévue ne comporte aucune garantie antérieurement à l ' intervention de la déci s ion . Le texte prévo it que l ' amende est recouvrée comme en mat ière de t imbre , c ' est-à-dire par voie d ' arrêté de mise en recouvrement après constatation de l ' infraction par procès-verbal . Or , cette procédure ne comporte aucune phase contradictoire avant l ' intervention de l ' arrêté . A la d i fférence du cas où l e p rononcé d ' une amende f i scale s ' insère dans une procédure administrative f i scale où l e contribuable bénéficie de toutes les garanties dont est assort ie cette procédure , en particulier d ' un débat contradictoire , l e caractère "haut le p ied'' de l ' amende fiscale prévue à l ' article 1 0 7 prive le contrevenant de toute poss ib i l ité de débat contradictoire avant l ' intervention de l ' arrêté de mise en recouvrement .

La dispos ition en cause paraît donc contraire au princ ipe du respect des droits de la défense , leque l , en vertu de notre décision du 17 j anvier 1 9 8 9 , constitue un principe fondamental reconnu par les l o i s d e la République .

Mons iezur l e Président : Messieurs

Mons ieur ROBERT : Je sui s d ' accord avec Mons i eur le rapporteur . Mai s l ' amende n ' est-elle pas disproportionnée ?

Monsieur FAURE : Cel a ne me choque nul lement . Sans la sanction cela ne s erait pas dissua s i f !

Mons ieur l e Président : . . . Et vogue l e Sentier

Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne l ecture du proj et qui est adopté .

Monsieur FAURE s igna l e qu ' i l est très scept ique sur l ' efficacité de l a d ispos it ion .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE poursuit son rapport avec l ' analyse de l ' article 1 0 8 .

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Cet art icle qui est contesté tant par les sénateurs que par l es députés est rel atif aux visites et aux saisies que l ' autorité j udicia ire peut autoriser l ' amin istration fiscale à e ffectuer lorsqu ' il existe des présomptions qu ' un contribuable ou un redevable se soustrait fraudul eusement à l ' établissement ou au paiement d ' impos itions .

L ' art icle comporte trois paragraphes rédigés en des termes très vois ins mais qui concernent respectivement :

l o l ' impôt sur le revenu ou sur les bénéfices et l a TVA 2 ° les contributions indirectes 3 ° les droits de douane .

Le Conseil constitutionnel a déj à été amené à se prononcer , à deux reprises , sur cette dél icate question des perquis itions et des saisies qui touche à l ' inviolabil ité du domicile et , par là-même , à l a l iberté individuel l e .

Par une première décis ion du 2 9 décembre 1 9 8 3 , il a censuré des dispositions contenues dans la loi de finances pour 1 9 8 4 dont il a estimé qu ' elles ne satisfaisaient pas aux exigences constitutionnel les et il a été conduit à préciser quelles étaient ces exigences .

Le Conse i l a tout d ' abord relevé que les nécess ités de l ' action f i scale pouvaient exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans des l ieux privés , mai s que ces investigations ne pouva ient être conduites que dans le respect de l ' article 66 de la Constitution qui confie à l ' autorité j udiciaire la sauvegarde de l a l iberté individuell e . Dans ces conditions , l ' intervention de l ' autorité j udicia i re doit être prévue dans des conditions permettant de conserver à celle-ci toute la responsabil ité et tout le pouvoir de contrôl e qui lui reviennent . En particul ier , la loi doit assigner de façon exp l icite , au j uge ayant le pouvoir d ' autoriser l es investigations des agents de l ' administration , la miss ion de véri fier de façon concrète le b i en-fondé de la demande qui lui est soumise . E l l e doit préciser , en outre , l es possib i l ités d ' intervention et de contrôle de l ' autorité j udiciai re dans le déroul ement des opérations autorisées . Enfin , doivent être spécialement autorisées par le j uge , non seulement les visites e ffectuées dans des locaux d ' habitation , ma is , en outre , celles operees dans d ' autres l ocaux pour lesquel s une s imple autorisation général e ne saurait suffire .

A la su ite de cette déc i s ion de non-conformité et à la lumière des directives données par le Conseil , le Gouvernement a fait adopter , dans la loi de f inances pour 1 9 8 5 , de nouvelles dispositions que , par décision du 2 9 décembre 1 9 8 4 , le Conseil a déclarées conformes à l a Constitution .

Ce sont ces dispositions , auj ourd ' hui cod i f iées , que l a loi déférée modi fie .

Ramenées à l ' essentiel , les nouvelles dispositions ont un triple obj et :

l o elles restreignent le contenu des obl igations de motivation des ordonnances du j uge autorisant l es v i s ites

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2 ° elles allègent l a procédure d ' autorisation de vis ite des coffres banca ires en cas de découverte de leur existence au cours d ' une vis ite ;

3 ° enfin , elles val ident les impos itions fiscales ou douanières établies sur le fondement de pièces et documents saisis lors de vis ites intervenues avant le 31 décembre 1 9 8 9 dans des conditions que l a Cour de cassation , compte tenu de sa j urisprudence actuel le , ne pourrait manquer de tenir pour irrégul ières .

Je vous propose d ' examiner succes sivement ces trois points qui sont soulevés par les sénateurs

a ) En ce qui concerne l a motivation des ordonnances autorisant les visites :

En vertu des dispositions en vigueur , le j uge doit vérifier , de manière concrète , que la demande d ' autorisation qui lui est soumise est b ien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d ' information en posse s s ion de l ' administration de nature à justifier la vis ite .

La Cour de cassation a fait une application très rigoureuse de ces dispositions . E l l e ne se borne pas à imposer au j uge l ' obl igation de vérifier concrètement que la demande d ' autorisation de vis ite est fondée , au vu de tous les éléments d ' information que l ' admini stration doit lui soumettre , notamment des présomptions de fraude dont e l l e a eu conna i s s ance . Elle exige , en outre , que l ' ordonnance se réfère , en les analysant fût-ce succinctement , aux éléments d ' informat ion fournis par l ' admin istration fiscale . Au-delà d ' une motivation en droit et en fait , elle exige une analyse des p ièces fournies par l ' administrat ion , faute de quoi le j uge ne la met pas en mesure d ' exercer son contrôle .

Autrement dit , alors que l e Conseil constitutionnel a exigé un contrôl e d u j uge j udiciaire sur l e s visites , la Cour de cass ation se préoccupe de son propre contrôle sur le j uge chargé d ' autoriser les vis ites .

C ' est pour tempérer cette j urisprudence que l ' article 1 0 8 de la loi déférée complète le texte en vigueur en y introduisant une disposition aux termes de laquelle "le j uge motive sa décision par l ' indication des éléments de fait et de dro it qu ' il retient et qui laissent présumer , en l ' espèce , l ' existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée " .

A part i r du moment où l a l o i définit ce que doit être l a motivation , le j uge de cassation ne pourra plus exiger de plus grandes précisions .

I l est s outenu par les auteurs des sais ines que les modi fications ainsi apportées par l ' article 108 méconna issent l ' article 66 de la Constitut ion .

Cette critique ne me paraît pas fondée .

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L ' obl igation fa ite au j uge d ' indiquer , dans sa décision , les é l éments de fait et de droit qu ' il retient et qui lui laissent présumer l ' existence d ' agissements frauduleux paraît suffisante pour permettre l ' exercice du contrôle du j uge de cassation . Par ailleurs , l ' information du j uge chargé d ' autoriser devra être complète et concrète . Il me semb l e que ces deux impératifs sont de nature à garantir le respect de l ' article 6 6 de la Constitution et le respect des droits de la défense .

b ) En ce gui concerne l ' autorisation de vis ite des cof fres bancaires

L ' art icle 1 0 8 introduit dans les dispositions codi fiées un al inéa concernant la visite de coffres se trouvant dans un étab l i ssement de crédit .

En vertu de cet al inéa , s i , à l ' occas ion de la vis ite de locaux , est découverte l ' existence d ' un coffre dans un établ issement de crédit dont la personne occupant les l ieux visités est titula i re et où des p ièces et documents se rapportant aux agissements qui ont motivé la visite de ces lieux s ont susceptibles de se trouver , les agents habil ités peuvent , sur autorisation donnée par tout moyen par le j uge qui a pris l ' ordonnance , procéder immédiatement à la visite de ce coffre ; mention de l ' autori sation est portée au procès-verbal .

Dans le silence des textes , les j uges ont souvent autorisé , par l eurs ordonnances initiales , la vi site de tout coffre ouvert dans un étab l issement bancaire s itué dans leur ressort et de tout véhicu l e de l ' intéressé . Mai s la Cour de cassation a censuré ces ordonnances car elle exige pour l a vis ite des coffres des ordonnances spécifiques dûment motivées .

Pour tenir compte de cette j urisprudence , l ' article 1 0 8 exige une autorisation spécifique du j uge pour la vis ite des coffres banca ires dont l a visite des locaux révèle l ' existence mais prévoit que cette autorisation pourra être donnée par tout moyen , ce qui paraît recouvrir l ' autorisation donnée par téléphone .

Cette d i spos ition est critiquée en ce qu ' el l e a ffaib l it l e contrôl e de l ' autorité j udiciaire le j uge ne pourra pas vérifier de manière concrète que l a demande d ' autorisation est bien fondée .

Après avoir hésité , j e vous propose de ne pas retenir cette obj ecti on . En e f fet , le j uge qui dél ivrera l ' autorisation compl émentaire est celui - l à même qui a pris connaissance du dossier . En outre , la l o i prévoit que mention d e l ' autorisation supplémentaire est portée au procès-verbal établ i contradictoirement et relatant l es modal ités de déroulement de l ' opération . De plus , subsistent toutes les garanties légales d ' ores-et-déj à prévues par les textes et , en particul ier , l a possibil ité pour l e j uge d ' ordonner à tout moment la suspension des opérat ions .

c ) En ce gui concerne la val idation des opérations effectuées avant le 3 1 décembre 1 9 8 9

Je serai très bref sur ce moyen .

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L ' article 1 0 8 val ide les impositions établ ies à l ' aide des pièces et documents s a i s i s au cours d ' une vis ite effectuée avant le 31 décembre 1 9 8 9 dans trois cas :

- lorsque l ' ordonnance autorisant la visite comporta it l a nouvel l e motivation prévue par le présent texte

- lorsque l ' ordonnance a autorisé la visite de tout coffre ou véhicule ma i s qu ' une tel le vis ite n ' a pas été effectuée ;

- l orsque l a perquis ition a été faite avec l a participation d ' agents de col l aboration de l ' administration fiscal e .

Contrairement à ce qu ' i l est soutenu , ces dispositions ne s auraient être interprétées comme permettant de porter atteinte aux droits nés de décis ions de j ustice passées en force de chose j ugée ni au principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères .

En outre , l a val idation des opérat ions , dans le cas où l ' ordonnance a autori s é , en plus de cel l e du domicile , la vis ite de tout coffre ou véhicule , s au f lorsque cette dernière n ' a pas eu l ieu , ne const itue pas une discrimination . Elle répond au souci de l imiter les e f fets d ' une mesure de val idation à une hypothèse où les droits des intéressés ne se trouvent pas a f fectés .

J ' indique , pour être complet , que les députés ont soutenu qu ' en matière de contribut ions indirectes , la saisie était confiscatoire . Ma i s , en réal ité , cette argumentation manque en fait .

En définitive , i l me sembl e que cet article 1 0 8 méritait de retenir toute notre attent ion .

Mai s , et bien qu ' une hés itation soit permise en ce qui concerne l a visite d e s coffres dans l es établ issements d e crédit , j e vous propose d ' admettre la conformité à la Constitution de l ' article 1 0 8 .

Monsieur l e Président : Merci Mons ieur le rapporteur . La discuss ion est ouverte .

Monsieur FABRE : I l faut éviter les polyvalents , mai s il faut aus s i · · donner à l ' admini stration fi scale les moyens de combattre l a fraude .

En 1 9 6 9 , i l y a eu l ' amendement SOUCHAL qui demandait l a l evée du secret bancaire pour lutter contre la spéculation . On est touj ours à la recherche de nouveaux moyens de contrôle , ma is il faut ma inteni r l ' équil ibre .

Monsi eur ROBERT : Soit il n ' y a pas suffisamment de garanties , soit il y a des garant ies qu ' il faut que le j uge fasse respecter .

Monsieur l e Prés ident A défaut de la procédure prévue , les gens en cause auraient touj ours le temps de vider le coffre avant l a perquis ition . En outre , la poss ibil ité de vis ite du coffre intervient en adj onction à une autre ordonnance .

Monsieur JOZEAU-MARIGNE : S ' i l n ' y a pas de censure , il faudrait que nous insistions , dans la décision , sur l e contrôle du j uge •

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Monsieur LATSCHA : La comparaison du nouveau texte avec l ' ancien ne me paraît pas cla ire . Normalement , tous les coffres sont d ' ail leurs déclarés .

Monsieur FAURE : I l ne faut être ni ange , ni bête . La lutte contre l a fraude fiscale n e doit p a s être découragée ma is on doit respecter certains droits des individus . Si l ' on donne trop de garanties , cela permet à la personne soupçonnée de fa ire disparaître toute trace . Le fait que le j uge soit impliqué , même si c ' est par téléphone , me rassure . Je ne censurera i pas ce texte finalement . Chacun est témoin autour de lui de certaines évas ions fiscales . Tout ce qui peut servir à lutter contre cel a sert la démocratie . Après l ' a f faire de l ' avoir fiscal concernant Monsieur CHABAN-DELMAS , tous les parlementaires ont fait l ' obj et de véri fications f i scales . J ' ai personnel lement eu un redressement de 1 5 0 0 F pour un article que personne n ' a lu , sauf ceux qui étaient en mal de sommeil . Pousser trop loin les garanties c ' est a l l er à l ' encontre de l a lutte contre la fraude fiscale , c ' est mettre en cause l ' égal ité des citoyens devant l ' impôt .

Mons ieur ROBERT : Il faut cependant éviter que le j uge soit un s imple a l ib i .

Mons ieur l e Prés ident : Je souhaite une circulaire de la Chancel lerie sur ce point . Une observation sur ce que viens de d i re Monsieur FAURE dans l ' ensemble c ' est vrai ma is ce qui caractéri se , à l ' heure actuelle , l ' administration en matière de fisc et de douane c ' est plutôt l ' excès de p ouvoirs . . .

Mons ieur CABANNES : Les douanes ne sont pas très contestées .

Monsieur le Prés ident de l ' économie .

S i , mais il y a la toute pui ssance du Ministère

Mon sieu r LATSCHA : Ce qui est important c ' est l ' autorisation donnée par l ' autorité j udiciaire .

Mons ieur l e Prés ident : En 1 9 8 3 , le Conseil constitutionnel a eu ra ison de mettre l e Holà ! ( 1 )

Monsieur JOZEAU-MARIGNE donne lecture du proj et qui est discuté et mod ifié sur certains points . Notamment , le premier considérant de la page 47 du proj et est comp l èté par les dispositions suivantes qui ont pour obj et de mieux écla irer l ' intervention du j uge : " qu ' il incombe à l ' autor ité j udiciaire de veiller au respect de ces dernières prescriptions , comme de l ' ensemble des garanties énoncées par les d i spositions demeurant en vigueur des articles L. 1 6 - B et L. 38 du l ivre des procédures f iscales et 64 du code des douanes .

Le p roj et est adopté .

Le Conseil revient alors sur l ' article 1 0 2 { 2 ) dont l a variante est adoptée à l ' unanimité .

( 1 ) Al lusion à l a déc i sion n o 8 3 - 1 6 4 OC du 2 9 décembre 1 9 8 3 , dans sa partie concernant les perquis itions fiscales .

( 2 ) Voir l e dos s ier de séance et supra .

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Le vote sur l ' ensemble est acquis à l ' unanimité .

Monsieur le Prés ident fél icite le rapporteur qui est applaudi par le Conseil .

La séance est levée à 17 h 4 5 .