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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/6 Surveillance: enquête sur Qosmos, le fournisseur de sondes à la Syrie d'al-Assad PAR JÉRÔME HOURDEAUX ET REFLETS.INFO (BLUETOUFF ET KITETOA) ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 2 MAI 2014 Mediapart et le site Reflets.info s'associent pour une enquête en trois volets sur Qosmos, société française spécialisée dans la technologie de surveillance de masse visée par une information judiciaire pour « complicité d'actes de torture ». Qosmos est soupçonnée d'avoir participé, en 2011, à un projet de surveillance global du Net syrien. En novembre 2011, Bloomberg révèle que la société Qosmos, l'un des leaders français du Deep Packet Inspection (DPI), la technologie d'interception de flux Internet la plus en pointe, travaille comme sous- traitant de l'allemand Utimaco, lui-même sous-traitant de l'italien Area SpA, pour la livraison à Bachar al-Assad d'un système de surveillance global de la population syrienne. L'image de Qosmos commence à se dégrader nettement, d'autant que la révolution dans le pays, qui a démarré neuf mois plus tôt, a déjà fait 3000 morts. [[lire_aussi]] Pour contrer les effets de cette publication, Qosmos annonce alors avoir décidé de se retirer du projet et clame que ses matériels n'ont pas été « opérationnels » dans le pays. Cette défense tiendra-t-elle devant les trois juges d'instruction du pôle génocides et crimes contre l'humanité chargés d'instruire une plainte initiée par la LDH et la FIDH ? Quoi qu'il en soit, son produit d'interception massive a été développé par Qosmos grâce au contrat avec la Syrie. L'argent des dictateurs n'a pas d'odeur dans le milieu français de la surveillance. Le contrat passé par l'autre acteur, Amesys, avec le colonel Kadhafi avait lui aussi permis de développer la solution Eagle ayant conduit a des tortures en Libye. hibaut Bechetoille, PDG de Cosmos © extrait d'une vidéo Tivipro.tv Selon les informations recueillies par Mediapart et Reflets.info, même sous une forme « dégradée », les outils de Qosmos ont bien été installés en Syrie et ont très bien pu être utilisés par les autorités, quand bien même Qosmos se serait retirée du projet. En outre, Qosmos a continué à travailler avec Utimaco au moins jusqu'en novembre 2012. Les projets n'étaient peut- être pas liés à la Syrie, mais pour autant, Utimaco avait un accès aux nouvelles versions des produits Qosmos bien après la fin annoncée du projet Asfador et l'allemand aurait pu affiner la solution syrienne de son côté. Il est par ailleurs difficile d'imaginer que Qosmos, qui a des relations très étroites avec les services de renseignements intérieurs et extérieurs français, au point que ses activités sont « confidentiel défense », ait pu travailler sur ce projet sans que les plus hautes autorités françaises n'en aient été averties. L'affaire du projet Asfador dévoilée par Bloomberg avait mis la société Qosmos sous les feux de la rampe. Peu après le scandale Amesys (filiale de Bull à l'époque) et la vente d'un système d'écoute global de la Libye de Mouammar Kadhafi (documenté par Mediapart et Reflets.info), le grand public découvrait que la société française Qosmos avait livré du matériel visant à mettre sur écoute la population syrienne. Vendre des armes de surveillance électroniques capables d'espionner les échanges de mails, les discussions en temps réel, les visites sur le Web, des citoyens de pays dictatoriaux n'est pas, en termes d'image, une activité qui fait briller notre belle république dans ces contrées souvent plus assoiffées de libertés que de sondes espionnes. Et pourtant... La

QOSMOS Mediapart 02052014

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mediapart- PAR JÉRÔME HOURDEAUX ET REFLETS.INFO (BLUETOUFF ET KITETOA)ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 2 MAI 2014

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    Surveillance: enqute sur Qosmos, lefournisseur de sondes la Syrie d'al-AssadPAR JRME HOURDEAUX ET REFLETS.INFO (BLUETOUFF ET KITETOA)ARTICLE PUBLI LE VENDREDI 2 MAI 2014

    Mediapart et le site Reflets.info s'associent pour uneenqute en trois volets sur Qosmos, socit franaisespcialise dans la technologie de surveillance demasse vise par une information judiciaire pour complicit d'actes de torture . Qosmos estsouponne d'avoir particip, en 2011, un projet desurveillance global du Net syrien.En novembre 2011, Bloomberg rvle que la socitQosmos, l'un des leaders franais du Deep PacketInspection (DPI), la technologie d'interception de fluxInternet la plus en pointe, travaille comme sous-traitant de l'allemand Utimaco, lui-mme sous-traitantde l'italien Area SpA, pour la livraison Bacharal-Assad d'un systme de surveillance global de lapopulation syrienne. L'image de Qosmos commence se dgrader nettement, d'autant que la rvolution dansle pays, qui a dmarr neuf mois plus tt, a dj fait3000 morts.[[lire_aussi]]Pour contrer les effets de cette publication, Qosmosannonce alors avoir dcid de se retirer du projet etclame que ses matriels n'ont pas t oprationnels dans le pays. Cette dfense tiendra-t-elle devant lestrois juges d'instruction du ple gnocides et crimescontre l'humanit chargs d'instruire une plainte initiepar la LDH et la FIDH ? Quoi qu'il en soit, sonproduit d'interception massive a t dvelopp parQosmos grce au contrat avec la Syrie. L'argent desdictateurs n'a pas d'odeur dans le milieu franais dela surveillance. Le contrat pass par l'autre acteur,

    Amesys, avec le colonel Kadhafi avait lui aussi permisde dvelopper la solution Eagle ayant conduit a destortures en Libye.

    hibaut Bechetoille, PDG de Cosmos extrait d'une vido Tivipro.tv

    Selon les informations recueillies par Mediapart etReflets.info, mme sous une forme dgrade , lesoutils de Qosmos ont bien t installs en Syrie et onttrs bien pu tre utiliss par les autorits, quand bienmme Qosmos se serait retire du projet. En outre,Qosmos a continu travailler avec Utimaco au moinsjusqu'en novembre 2012. Les projets n'taient peut-tre pas lis la Syrie, mais pour autant, Utimacoavait un accs aux nouvelles versions des produitsQosmos bien aprs la fin annonce du projet Asfadoret l'allemand aurait pu affiner la solution syrienne deson ct.Il est par ailleurs difficile d'imaginer que Qosmos,qui a des relations trs troites avec les services derenseignements intrieurs et extrieurs franais, aupoint que ses activits sont confidentiel dfense ,ait pu travailler sur ce projet sans que les plus hautesautorits franaises n'en aient t averties.L'affaire du projet Asfador dvoile par Bloombergavait mis la socit Qosmos sous les feux de larampe. Peu aprs le scandale Amesys (filiale deBull l'poque) et la vente d'un systme d'couteglobal de la Libye de Mouammar Kadhafi (documentpar Mediapart et Reflets.info), le grand publicdcouvrait que la socit franaise Qosmos avaitlivr du matriel visant mettre sur coute lapopulation syrienne. Vendre des armes de surveillancelectroniques capables d'espionner les changes demails, les discussions en temps rel, les visites sur leWeb, des citoyens de pays dictatoriaux n'est pas, entermes d'image, une activit qui fait briller notre bellerpublique dans ces contres souvent plus assoiffesde liberts que de sondes espionnes. Et pourtant... La

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    France est championne dans ce secteur... pas celui dela libert, mais celui des systmes d'interception descommunications lectroniques... catgorie massive.En juillet 2012, les associations de droits de l'hommeLDH et FIDH fustigeaient cette hypocrisie franaisedans une lettre envoye au Parquet et demandantl'ouverture d'une procdure l'encontre de Qosmos.Quelque deux annes de travail aprs, la vice-procureure spcialiste des violations des droits del'homme, Aurlia Devos, vient de dcider, au dbut dumois d'avril, d'ouvrir une information judiciaire pour complicit d'actes de torture . Celle-ci a t confie trois juges d'instruction du ple gnocides et crimescontre l'humanit. Concrtement, les magistrats auront claircir au moins deux points cruciaux :- les produits vendus par Qosmos ont-ils toprationnels ?- ses dirigeants avaient-ils conscience, au momentde signer ce contrat, que leur technologie risquaitde servir un dictateur pour reprer, et arrter sesdissidents ?Qosmos, pour sa part, a toujours ni que ses produitsaient t oprationnels et affirme ne jamais avoirvendu de matriel la Syrie, se contentant d'tre unsimple sous-traitant de la socit allemande Utimaco,elle-mme sous-traitante du consortium italien AreaSpA.L'origine du contrat incrimin remonte 2009. cette poque, Qosmos est une socit en pleinessor. Devenue une rfrence mondiale en matirede DPI, elle signe un contrat qui se rvleraparticulirement important pour son dveloppement.L'entreprise franaise devient en effet le fournisseurde sondes pour le compte d'Utimaco, une socitallemande spcialise dans linterception lgale detlcommunications.Peu aprs la signature de ce contrat, les salaris deQosmos commencent travailler sur un mystrieuxprojet, dvelopp avec son nouveau partenaireUtimaco dans le cadre d'un consortium men parl'entreprise italienne Area SpA. Le nom de ce projet

    est Asfador, et son but est d'quiper le rgimed'Assad d'un outil permettant de mettre l'ensemble descommunications du pays sur coute.Le DPI ou la douane volante toute-puissantedes rseauxCe que Qosmos apportait dans le projet, c'est labrique essentielle d'une telle architecture technique :les sondes. Celles qui vont auditer le trafic, lesiphonner pour qu'il soit ensuite entr dans d'normesbases de donnes, ces dernires tant in fine consultespar les surveillants humains. Il suffit alors d'entrerun nom ou un email pour que tout le trafic de cettepersonne soit isol. Il est aussi possible de dresser desarbres relationnels pour identifier les interlocuteurs etsavoir qui communique avec qui. Si Jean a parl avecGeorges, on extraira aussi le contenu de Georges. Et siGeorges a parl de Jean Grard, on consultera ensuiteles mails envoys par ce Grard. Sait-on jamais...Dans une dictature ou un tat policier, le DeepPacket Inspection est donc l'outil ultime pour reprerles opposants. On comprend aisment que le plegnocides et crimes contre l'humanit s'intresse cetype de technologies qui sera le principal auxiliaire desbourreaux dans un avenir proche, si rien n'est fait pourles encadrer trs srieusement. L'interception globaledes flux d'un pays ne peut d'ailleurs intresser quedes dictatures ou des tats policiers. Les vendeurs dece type de solutions le savent bien. Une dmocratiene peut thoriquement pas, pour des raisons lgales,mettre toute sa population sur coute.

    Un schma expliquant le fonctionnement d'unesonde de Qosmos (site internet de Qosmos)

    Qosmos se contente, dit-elle, de vendre des sondes qui ne sont quun lment dans un dispositif desurveillance plus global. Ces sondes peuvent tre

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    intgres dans un vaste systme de surveillance l'chelle d'un pays comme dans du hardware rseau(les routeurs qui "dirigent" les donnes vers leursdestinations, par exemple). Elle qualifie dailleurs sesproduits de briques technologiques , choisies parses clients au sein dun catalogue. Qosmos travailleainsi rarement directement avec le client final mais agitle plus souvent comme un sous-traitant.Pour autant, en fonction de ce qui lui est demand,Qosmos ne peut ignorer l'usage final qui sera faitde ses produits. Les demandes techniques pour dela mesure d'audience ou pour de la surveillanceglobale l'chelle d'un pays ne sont pas les mmes.Une faible culture gnrale permet par ailleurs demesurer le niveau dmocratique du pays client.Les considrations thiques voques par ThibautBechetoille, PDG de Qosmos, pour arrter le projetAsfador en octobre 2011 pouvaient assez simplementse faire jour ds la prise de connaissance du nomdu pays client, la Syrie. C'est--dire pratiquement audbut du projet.Pour apprhender l'activit de Qosmos, il fautcomprendre ce qu'est le Deep Packet Inspection :une technologie l'origine neutre, assez passe-partout,dont les multiples applications pourraient aismentpasser sous les radars. Dans un futur proche, de plusen plus d'quipements informatiques sont appels faire du Deep Packet Inspection comme monsieurJourdain fait de la prose. Commenons par imaginerInternet comme un rseau routier, avec des pages,des embouteillages... et du Deep Packet Inspection quel'on pourrait comparer aux douanes volantes, ayantle pouvoir de dsosser votre vhicule, de dtournerla circulation, de la bloquer. Ce qui diffrencierait leDPI de la douane volante, c'est son caractre massif,systmatique et quasi infaillible, pourvu qu'on placenos douaniers sur la bonne artre. Ces douaniersdsosseraient systmatiquement toutes les voitures,et les remonteraient instantanment, sans mme queleurs occupants s'en aperoivent ni aient besoin destationner leur vhicule.

    Mais cette technologie, aussi versatile soit-elle,est tout fait comparable au nuclaire avec lequelon produit de l'lectricit aussi bien que des bombes.Le Deep Packet Inspection est l'informatique ceque le neutron est au nuclaire... un truc ni bon nimauvais, tout dpend de ce que l'on en fait. Et c'estjustement ce qui est reproch Qosmos, souponned'avoir, en connaissance de cause, fourni cette briquetechnologique des pays peu recommandables.Maintenant, imaginons que toutes les artres denotre rseau routier convergent en un seul point,celui-l mme o nos douaniers se trouvent. Eta, c'est justement l'architecture du rseau Internetsyrien o le Syrian Telecom Establishment (STE),oprateur national, FAI du gouvernement, totalementcontrl par Bachar al-Assad, assure la connectivitde tous les autres oprateurs. Le STE, client final ducontrat Asfador, avait t longuement voqu surReflets.info.Avant mme le soulvement populaire en Syriede 2011, ds 2009, une autre entreprise franaise,SOFRECOM, spcialise dans l'implantation surdes marchs perceptions alatoires des droits del'homme (le Congo, le Vitnam, la Thalande, laSyrie, lthiopie, la Mauritanie, la Cte dIvoire,le Tchad, la Libye de Kadhafi, le Maroc, ou laTunisie de Ben Ali), donnait un coup de mainau Syrian Telecom Establishment pour moderniserson rseau... SOFRECOM, c'est une filiale d'Orange.Orange, c'est justement cet oprateur tellementhistorique qu'il noue des liens trs troits avec lesservices de renseignements intrieurs et extrieurs.SOFRECOM, et plus largement Orange, se retrouventdonc assez rgulirement prs de lieux dans lesquels laFrance dispose d'intrts conomiques, militaires, ou ades besoins en matire de collecte de renseignements...afin de rester proche de son ennemi.La dfense de Qosmos : Asfador n'auraitjamais t oprationnelCes collaborations douteuses, comme Libye/Amesys,Syrie/Qosmos, mais aussi Birmanie/Alcatel sont enfait tellement courantes, qu'il devient trs difficilede ne pas se questionner sur la possibilit que ces

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    contrats soient pousss au plus haut niveau des finsd'oprations de collecte de renseignements extrieurs,avec la bndiction et l'appui d'autres puissances.Le PDG de Qosmos, Thibaut Bechetoille, interrogen 2011 par Bloomberg, affirmait que sa socit apris la dcision en octobre 2011 d'arrter toustravaux sur le projet Asfador, avant que celui-cine soit rvl par la presse . Cette dcision apris effet immdiatement, et les logiciels de Qosmosn'ont jamais t oprationnels en Syrie. L'articlede Bloomberg date du 4 novembre et rapporte lespropos du PDG de Qosmos : il aurait pris la dcisionde se retirer du projet quatre semaines plus tt,soit aux alentours du 14 octobre 2011. Toutefois,le responsable marketing de Qosmos, Erik Larsson,galement cit dans l'article, souligne que lesmcanismes pour sortir de cela, techniquement etcontractuellement, sont complexes . En tout tat decause, la rvolution syrienne s'tait tendue tout lepays en mars 2011, soit huit mois plus tt...La dcision formelle darrter le projet Asfador auraitt prise lors dune runion du directoire de Qosmosdont il nexiste pourtant aucune trace crite. Le projeten lui-mme nayant pas fait lobjet dun contratspcifique, il nexiste pas non plus de preuve desa rsiliation La socit Utimaco a de son ctconfirm la version de son ancien partenaire, savoirque les sondes nont pas t oprationnelles et queles livraisons ont dfinitivement cess en novembre2011, dans une attestation rdige en juillet 2013 lademande de Qosmos.Seules les autorits syriennes elles-mmes pourraientdire si le projet Asfador n'a effectivement jamais toprationnel, comme l'affirme Thibault Bechetoille.Cependant plusieurs choses sont sres. Tout d'abord,les sondes Qosmos ont bel et bien t livres, et lematriel a bien t install, selon nos informations,courant de l't 2011, soit au moins cinq moisaprs le dbut des troubles. Au total, entre 5 et10 serveurs chargs de rcolter les informations desinternautes syriens ont t installs dans le pays.Au moment des rvlations de Bloomberg, le projet

    n'tait effectivement pas totalement oprationnel. Laquestion reste de savoir quel point... Or, justement,les versions divergent en fonction des interlocuteurs.Un document interne de la socit en date du 8septembre 2011, que nous avons pu consulter, montrequ' cette date la phase 2 du projet tait en tat derecette. C'est--dire, la phase de validation. Le clientet le fournisseur vrifient ensemble par une srie detests, que tout fonctionne comme prvu. Le documenten question voque cette date une phase deux et unephase trois venir. La phase de recette indique toutle moins que le projet est trs nettement avanc.

    Le document du 8 septembre 2011

    ce moment, l'infrastructure vendue Bachar al-Assad n'tait donc pas oprationnelle au sens d'undploiement actif pour une surveillance globale de lapopulation, mais en phase de recette, un passage obligavant la livraison de l'ensemble au client final dansun march informatique. Qosmos indique par ailleursque la sonde permettant de capter le trafic GSM(protocole GTP) serait livre le 29 dcembre. Le 29septembre 2011 est galement voqu comme date delivraison de la capacit d'coute du protocole MSRP,c'est--dire un protocole utilis entre autres chosespour la tlphonie sous IP ou les fichiers multimdiaschangs via des tlphones portables. Un autredocument interne voque la livraison d'informationssur les aspects techniques lis MSRP et GTP pourmai 2012.Un ingnieur de Qosmos ajoute : Pour moi, le projetn'tait pas oprationnel car on ne savait pas faire pourde tels dbits. Entre les cases que l'on coche dans unappel d'offres pour en tre et ce que l'on peut vraimentfaire, il y a parfois une diffrence.

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    Pour d'autres employs, le projet aurait pu au moinstre partiellement oprationnel, en tout cas assez pourtre utilis, par la suite, par les autorits syriennesgrce des correctifs et des mises jour. Le problmedans cette affaire est que, officiellement, le projetAsfador n'a aucune existence. Il n'a en effet fait l'objetd'aucun contrat spcifique et s'inscrit simplement dansle cadre de l'accord de partenariat sign entre Qosmoset Utimaco. Et ce dernier a, lui, bien continu, et cejusque fin 2012.Des livraisons jusque mi-2012C'est ce que montrent d'autres documents obtenuspar Mediapart et Reflets : malgr l'arrt officieldu projet Asfador, Qosmos a continu livrer sesproduits Utimaco. Dans un document de travaildatant du premier trimestre 2012, et faisant le point surl'avancement des diffrents contrats en cours, le nomUtimaco apparat en effet de nombreuses reprises,avec des dates de livraisons prvues pour les mois demai et juin 2012.

    Mme si Qosmos et Utimaco pouvaient travailler surd'autres projets que le projet syrien, Utimaco avait unaccs direct aux mises jour du produit d'interceptionmassive de Qosmos. Or, pour mettre jour les sondesdans le cadre d'un projet tel qu'Asfador, pas besoin de livraison au sens matriel du terme : les clients,ici Utimaco, ont en effet accs un site spcialementddi sur lequel ils tlchargent les nouvelles versionsamliores du logiciel. Selon les documents consultspar Mediapart et Reflets, Qosmos a donc bien livrdes versions corriges et amliores de sa solutiond'interception son client Utimaco, bien que le nomdu projet Asfador n'apparaisse pas.Si les sondes de Qosmos n'ont pas t oprationnellesen Syrie, comme l'affirme Thibaut Bechetoille, ilest assez intrigant que son entreprise continuede livrer des informations sur les procdures suivre pour les paramtrer, quelque neuf mois aprs

    le retrait suppos de Qosmos... Surtout proposde protocoles spcifiquement demands par STE,l'entreprise syrienne, dans le cadre du projet Asfador.Reste la possibilit d'autres projets, outre Asfador,mens en partenariat avec Utimaco. Selon nosinformations, des dirigeants de Qosmos ont ainsivoqu l'existence d'autres clients de la socitallemande, au Canada ou encore en Australie...Toutefois parmi les diffrents salaris interrogs parnos soins, aucun n'a souvenir, l'poque, d'un autreprojet qu'Asfador avec Utimaco. Pour moi les deuxont toujours t lis et pour tout dire, je n'ai jamais sufaire la diffrence entre les deux , prcise l'un d'entreeux.

    Autre certitude : bien que sa direction se rfugiederrire son partenariat avec Utimaco, Qosmos avaiten fait bien conscience de l'utilisation qui pouvait trefaite de ses sondes par le rgime syrien. Ds le dbut duprojet, l'objectif est clair : outre les activits classiquesde surveillance du rseau, Qomos doit livrer dessondes capables d'intercepter les appels tlphoniques,de golocaliser l'utilisateur d'un tlphone portable,d'analyser la voix et mme de prendre le contrled'ordinateurs ou de lancer des cyber-attaques.De plus, la direction de Qosmos tait consciente queces armes de surveillance massive taient destinesau rgime de Bachar al-Assad. Au mois de septembre2013, le journaliste Jean-Marc Manach prcisaitmme, dans un article sur Rue89 l'occasion de lapublication des Spyfiles par Wikileaks, qu'un employde Qosmos s'tait rendu Damas en janvier 2011. Un ingnieur Qosmos a effectu un dplacementen Syrie en janvier 2011, en tant que sous-traitantde lentreprise Utimaco, elle-mme sous-traitante delentreprise Area. Ce dplacement a consist en desrunions techniques avec des oprateurs dans le cadrede la pr-tude du projet. Cet ingnieur, qui est, selon nos informations,Sbastien Synold, actuel responsable du bureauamricain de Qosmos, ne pouvait absolument pasignorer quoi allaient servir les produits de sa socit.Il connaissait le client final (STE) et ses demandesprcises en matire de types d'coutes. Encore une

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    fois, on ne surveille pas la mme chose lorsque l'on faitde la mesure d'audience et de la surveillance massive.Par ailleurs, les outils voqus dans les documentsde Qosmos pour le projet Utimaco sont affubls dusigle LI , soit : Lawful Interception, ou InterceptionLgale.Ce qui est d'ailleurs une vision trs particulire dece qu'est l'interception lgale. De fait, rcuprer lesidentifiants, les mots de passe des utilisateurs du Netsyrien, lire leurs mails, savoir quelles pages Webils consultent, etc., ne ressemble pas tellement del'interception lgale, telle qu'on peut la concevoir dansune dmocratie.Contacte pour s'exprimer sur ces diffrents points,Qosmos refuse catgoriquement de rpondre : Qosmos tient dmentir fermement, comme nousnavons cess de le faire, les accusations fausses

    et calomnieuses dont nous avons fait lobjet depuisplusieurs mois , explique-t-elle dans un mail. Eneffet, nous raffirmons quaucun de nos quipementsou logiciels na t oprationnel en Syrie. Noussouhaitons rappeler que nous avons, ds septembre2012, port plainte pour dnonciation calomnieuse lencontre de la FIDH et de la LDH. Pour le reste, uneinformation judiciaire tant en cours, nous rservonsnos rponses la justice. En attendant, la vice-procureure Aurlia Devos, qui atudi prs de deux ans durant les lments apportspar la FIDH et la LDH dans leur dnonciation, etqui a men ses propres auditions, a bel et biendcid l'ouverture d'une information judiciaire. C'estmaintenant aux trois juges d'instruction saisis dudossier de dterminer si Qosmos devra tre juge pour complicit d'actes de torture .

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