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Quelles coopérations entre les métropoles et les territoires ruraux en France ? Les pactes État-métropoles et l’expérimentation des contrats de réciprocité Par Gwénaël Doré Gwénaël Doré, Chercheur associé, UMR SAD-APT (Équipe Proximités) [email protected] Introduction L’intérêt pour les métropoles s’est affirmé en France dès les années 1960, en particulier avec la création des « métropoles d’équilibre », et a ressurgi à partir de la fin des années 1990, notamment à partir de divers travaux de la DATAR (Fouchier, 2005). Toutefois, les motivations se sont dépla- cées : alors que les métropoles d’équilibre étaient justifiées pour structurer le « désert français » face à Paris, les métropoles sont invoquées aujour- d’hui essentiellement pour favoriser l’inscription mondiale de l’économie française et renforcer des foyers d’innovation bénéficiant au maximum des externalités positives résultant de la concentration (cf. par exemple, rapport Saint-Étienne, 2009). A la conception d’une armature urbaine fortement hiérarchisée s’inspirant du schéma de W. Christaller (1938) implicitement présente dans l’approche des métropoles d’équilibre (cf. Hautreux et Roche- fort, 1964), s’est substituée une approche de métropoles en réseau et marquée par le déséquilibre interne (ségrégation) et externe (étalement urbain et aspi- ration des fonctions des villes inférieures). Au rééquilibrage a succédé la priorité d’organisation des gouvernements et des gouvernances d’aggloméra- tion afin de renforcer leur poids en réduisant notamment leur fragmentation interne (Doré, 2017). L’effet quasi mécanique dentraînement du développement économique des métropoles sur leurs espaces environnants, doit être relativisé. Il doit être complété par la nécessité dintégrer dans les stratégies de développement rticle on line rticle on line Information géographique n°4 - 2019 55

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Quelles coopérations entre lesmétropoles et les territoires rurauxen France ?Les pactes État-métropoles etl’expérimentation des contrats deréciprocitéPar Gwénaël Doré

Gwénaël Doré, Chercheur associé, UMR SAD-APT (Équipe Proximités)[email protected]

◮ Introduction

L’intérêt pour les métropoles s’est affirmé en France dès les années 1960,en particulier avec la création des « métropoles d’équilibre », et a ressurgià partir de la fin des années 1990, notamment à partir de divers travauxde la DATAR (Fouchier, 2005). Toutefois, les motivations se sont dépla-cées : alors que les métropoles d’équilibre étaient justifiées pour structurerle « désert français » face à Paris, les métropoles sont invoquées aujour-d’hui essentiellement pour favoriser l’inscription mondiale de l’économiefrançaise et renforcer des foyers d’innovation bénéficiant au maximum desexternalités positives résultant de la concentration (cf. par exemple, rapportSaint-Étienne, 2009). A la conception d’une armature urbaine fortementhiérarchisée s’inspirant du schéma de W. Christaller (1938) implicitementprésente dans l’approche des métropoles d’équilibre (cf. Hautreux et Roche-fort, 1964), s’est substituée une approche de métropoles en réseau et marquéepar le déséquilibre interne (ségrégation) et externe (étalement urbain et aspi-ration des fonctions des villes inférieures). Au rééquilibrage a succédé lapriorité d’organisation des gouvernements et des gouvernances d’aggloméra-tion afin de renforcer leur poids en réduisant notamment leur fragmentationinterne (Doré, 2017).

L’effet quasi mécanique d’entraînement du développement économique desmétropoles sur leurs espaces environnants, doit être relativisé. Il doit êtrecomplété par la nécessité d’intégrer dans les stratégies de développement

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territorial la plus-value que constitue l’espace rural pour l’attractivité etl’équilibre des cœurs urbains. Cette plus-value des espaces environnants nese caractérise pas uniquement sous un angle de potentiel récréatif et tou-ristique, mais aussi par des capacités de production et de valorisation denombreux débouchés économiques en matière notamment d’alimentation,d’énergie (biomasse, énergies éoliennes...), de matériaux de construction...C’est le lien entre les métropoles et leurs hinterlands qui garantit le succèsd’une métropole, d’où la nécessité de mettre en place des dispositifs activantcette solidarité. L. Davezies et M. Talandier (2014) démontrent qu’il peutexister une synergie positive entre deux types d’économie et de territoires(productive et résidentielle), que les villes productives « marchent » mieuxquand elles sont dotées d’un environnement géographique de bonne qualitérésidentielle et que ces environnements géographiques résidentiels se portentd’autant mieux que la grande ville est dynamique... « parce que leurs destinsproductivo-résidentiels sont liés » (Talandier, 2012). C’est donc le dévelop-pement de ce type de configurations « productivo-résidentielles » qu’il s’agitde favoriser.

Par conséquent, d’après F. Gilli (2015) « la complémentarité entre villecentre et territoires périphériques doit être considérée non pas simplementcomme une question de solidarité ex-post, de cohésion sociale et d’égalitédevant les services publics », mais comme « une question stratégique pourle développement à moyen terme du territoire dans son ensemble », et « laquestion sous-jacente est de permettre l’accès aux ressources propres spéci-fiques du coeur de l’agglomération (les fameuses fonctions métropolitaines),afin que le centre joue pleinement son rôle d’intermédiation et facilite lestransactions au bénéfice de ces espaces périphériques ». Aussi, « le destinde la ville métropolitaine est indissociable de sa périphérie » (Ghorra-Gobin(2019). L’enjeu est donc de « s’organiser de manière beaucoup plus hori-zontale sur la base d’une coopération « métropolitain, urbain, rural » danslaquelle chacun trouvera sa place » (Gilli, 2015).

Dans cet article, nous rappelons tout d’abord le processus d’institutionnali-sation des métropoles françaises et nous présentons le poids des métropolesdans leur espace d’influence, puis nous abordons la question de l’incitation àla coopération des métropoles avec leur hinterland, notamment au travers desrécents pactes État-métropoles, et enfin nous analysons plus particulièrementles premiers contrats de réciprocité signés.

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◮ L’institutionnalisation des métropoles

La métropole, un nouveau statut renforcé d’intercommunalité

Aux termes de la loi Réforme des collectivités territoriales (loi RCT) du16 décembre 2010 (article 12), la métropole est un établissement publicde coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre regroupant plu-sieurs communes d’un seul tenant et sans enclave qui s’associent au seind’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projetd’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif,culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité etla cohésion. La loi Modernisation de l’action publique territoriale et d’af-firmation des métropoles » (loi MAPTAM) du 27 janvier 2014 (article 43)complète cet article par l’affirmation du rôle de la métropole dans le déve-loppement régional, en ajoutant le paragraphe suivant : « et de concourir àun développement durable et solidaire du territoire régional. Elle valoriseles fonctions économiques métropolitaines, ses réseaux de transport et sesressources universitaires, de recherche et d’innovation, dans un esprit decoopération régionale et interrégionale et avec le souci d’un développementterritorial équilibré ».

Alors que des métropoles pouvaient déjà être constituées depuis la loi RCT de2010 pour des ensembles de 500 000 habitants, mais seulement sur une basevolontaire, la loi MAPTAM de 2014 a rendu automatique la transformationen métropole de neuf EPCI (communautés urbaines ou d’agglomération) de400 000 habitants contenus dans une aire urbaine de 650 000 habitants :Bordeaux, Grenoble, Lille, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg etToulouse. Deux autres possibilités prévues par le texte pour la créationde ces métropoles relèvent du volontariat : des EPCI à fiscalité propreformant un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètredesquels se trouve le chef-lieu de région (exemple de Montpellier avant sonintégration en 2015 à la nouvelle région d’Occitanie en 2015), et d’autresEPCI à fiscalité propre, centres d’une zone d’emplois (au sens de l’INSEE)de plus de 400 000 habitants exerçant déjà, à la place des communes qui lescomposent, les compétences énumérées au I de l’article L. 5217-2, c’est-à-dire les compétences prévues pour les métropoles (exemple de Brest).

Cette possibilité a été complétée par la loi du 28 février 2017 relative austatut de Paris et à l’aménagement métropolitain (article 70) qui a permisl’accès au statut de métropole pour les EPCI à fiscalité propre centres d’unezone d’emplois de plus de 400 000 habitants, comprenant dans leur péri-mètre le chef-lieu de région, et pour les EPCI de plus de 250 000 habitantsou comprenant dans leur périmètre, au 31 décembre 2015, le chef-lieu de

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région, centres d’une zone d’emplois de plus de 500 000 habitants. Ceci aouvert l’accès au statut de métropole à une capitale régionale (Orléans) età une ancienne capitale régionale (Dijon), ainsi qu’à Saint-Étienne, Toulon,Clermont-Ferrand, Metz et Tours, au risque de faire craindre à certains ladilution du statut de métropole. Cette loi a ainsi élargi le cercle de quinze àvingt-deux métropoles, en permettant à toutes les (anciennes) régions métro-politaines françaises (hors Corse) de s’appuyer sur au moins une métropole.Ainsi, une région dispose désormais de quatre métropoles (Auvergne-Rhône-Alpes : Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand et Saint-Étienne), 2 régions sontdotées de trois métropoles (Grand Est : Strasbourg, Nancy et Metz, Provence-Alpes-Côte d’Azur : Aix-Marseille-Provence, Nice, Toulon), et 2 régionsaccueillent deux métropoles (Occitanie : Toulouse et Montpellier, Centre-Val de Loire : Orléans et Tours).

Fig. 1 : Les métropoles et les régions en 2017

Source : Réalisation ANPP, 2017

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Parallèlement à la constitution institutionnelle des métropoles, un article 20de la loi RCT de décembre 2010 avait introduit un autre outil : le « pôlemétropolitain », syndicat mixte devant regrouper des EPCI à fiscalitépropre comprenant plus de 300 000 habitants autour d’un EPCI de plus de150 000 habitants (seuil abaissé à 100 000 habitants par la loi MAPTAMet à 50 000 habitants en zone transfrontalière). Alors que les métropolesconcernent de grandes agglomérations d’un seul tenant et sans enclave,les pôles métropolitains sont conçus comme un dispositif plus souple,destiné à mettre en réseau, sans condition de contiguïté, différents territoiresurbains. Cependant que la création des métropoles répondait à « l’objectifde positionnement des grandes villes françaises dans la compétition urbainemondiale », celle des pôles métropolitains était davantage justifiée par « lavolonté de maîtriser les dynamiques interterritoriales de transformationurbaine (aménagement, déplacements...) » (Béhar, 2010).

L’insuffisante prise en compte par la plupart des métropoles deleur territoire d’influence

À l’occasion de leur passage en métropole, quatoreze entités sur vingt-deuxn’ont connu aucun changement par rapport à leur périmètre antérieur decommunautés urbaines ou d’agglomération, dont sept sur les quinze premiersregroupements issus de la loi MAPTAM (Bordeaux, Brest, Lyon, Montpellier,Nancy, Nantes, Toulouse). Sur les sept dernières créées, deux seulement ontété élargies (Metz et Saint-Étienne) : elles restent donc sur des périmètresétroits (Demazière, 2017).

Sur les vingt-deux métropoles institutionnelles, la moitié a une populationinférieure à l’unité urbaine correspondante qui caractérise la continuité dubâti, la moitié regroupe un nombre de communes inférieur à l’unité urbaineet la moitié a un nombre égal ou supérieur à l’unité urbaine, avec un netdétachement de Rennes qui agrège quarante-trois communes alors que l’unitéurbaine n’en compte que treize (cf. Figure 2).

Une façon d’appréhender la prise en compte de l’influence des métropolessur les territoires proches est d’examiner le chevauchement entre le périmètredes métropoles institutionnalisées par la loi et celui de l’aire urbaine qui lesinclut (cf. Figure 3). En dehors des seuls cas de Aix-Marseille-Provenceet de Lille qui incluent la totalité ou la quasi-totalité de la population del’aire urbaine, les autres ne prennent en compte qu’entre 78 % et 54 % de lapopulation de l’aire urbaine. Quant aux communes de l’aire urbaine inclusesdans la métropole, elles ne le sont en totalité que dans le cas de Aix-Marseille-Provence, ce taux pouvant varier de 58 % (Lille) à 7 % ou 8 % (Toulouse,Dijon, Nancy, Paris).

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Une influence économique différenciée selon les métropoles

Certaines métropoles ont de fortes interdépendances avec les territoiresvoisins en termes d’emplois fournis et de flux issus des salaires. AinsiToulouse, Nantes, Rennes voient entre 30 et 40 % de leurs emplois occupéspar des travailleurs habitant en dehors du territoire (FNAU et al., 2017), et surles 53 milliards d’euros de richesse générée dans l’aire urbaine de Lyon, letiers des salaires des entreprises est versé à quelque 180 000 salariés résidanten dehors (Insee Auvergne-Rhône-Alpes, 20 mars 2017).

Mais en termes d’implantation des emplois, les contrastes sont importantsentre les métropoles, et le ruissellement fonctionne moyennement. On peuten effet distinguer quatre groupes au sein des métropoles (moyenne sur lapériode 2009-2014), d’après une étude d’économistes (Levratto et al., 2017)reprise par le CGET et France Stratégie (Altaber et Le Hir, 2017) : certainespartagent leur dynamisme avec les territoires avoisinants (Rennes, Nantes,Aix-Marseille, Lyon, et, dans une moindre mesure, Bordeaux), d’autres sedéveloppent en relatif isolat (Toulouse, Lille, Montpellier, à la dynamique del’emploi plus favorable dans la métropole que dans les zones périphériques),d’autres présentent au contraire une dynamique d’emploi plus faible que celledes territoires avoisinants (Grenoble et Strasbourg), et d’autres connaissentenfin un emploi décroissant comme dans leurs zones périphériques (Nice etRouen).

◮ L’incitation à la coopération des métropoles avec leurhinterland

Les pactes État-métropoles et l’« alliance des territoires »1

Des pactes État-métropoles ont été signés avec les métropoles institutionna-lisées à partir de novembre 2016. Dotés au total d’une enveloppe de 150 mil-lions d’euros via le Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), cespactes comportent deux volets :

– un volet dit de « pacte métropolitain d’innovation », basé sur les projetsinnovants des métropoles,

– et un volet dit de « contrat(s) de coopération métropolitaine », centré surles projets de coopération des métropoles avec des territoires proches.

1. L’expression « alliance des territoires » a été lancée par la présidente de Nantes Métropole, J. Rolland,et a été reprise par l’association regroupant les métropoles, France Urbaine.

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Aussi, sur les 169 actions recensées en 2017 dans le cadre des 15 premièresmétropoles, 127 relevaient du volet « innovation » et les 42 relevant du volet« coopération » étaient fondés sur une ou plusieurs actions. Celles-ci sontplus ou moins évidentes en faveur des territoires périphériques (ainsi la requa-lification du Parc des expositions de Nancy présentée comme équipementstructurant pour le tissu économique du Sud Meurthe-et-Moselle), elles sefont parfois au niveau du SCoT (Schéma de coopération territoriale2 : Bor-deaux, Nancy), mais aussi dans quelques cas, avec des territoires lointains(Bordeaux avec l’agglomération de Marmande Val-de-Garonne et la ville deSaintes ; Lille avec la communauté urbaine de Dunkerque).

Les coopérations peuvent être mono-thématiques mais le plus souvent com-prennent deux thématiques, voire trois.

La gestion des mobilités et des flux (transports collectifs et modes doux)sont mentionnées dans huit métropoles (dont Lille :extension du dispositifécobonus-mobilité aux territoires limitrophes, Grenoble : projets de mobili-tés douces et de transports en commun avec les territoires voisins, Bordeaux :réseau express d’intermodalités, Nancy : aménagement de pôles d’échangesmultimodaux autour des gares, Rennes : coopérations avec d’autres inter-communalités de l’aire urbaine, Nantes : coopération dans le cadre du pôlemétropolitain Nantes-Saint-Nazaire,).

Les questions énergétiques et la gestion en commun de certaines ressources(eau, énergie, déchets) sont présentes dans sept métropoles (dont Bordeaux :approfondissement de chantiers sur la qualité environnementale, Lyon : plande prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie, Paris :extension d’un site de recherche en écologie et en biodiversité, création d’unezone humide, rénovation énergétique d’un groupe scolaire).

L’agriculture et les circuits courts sont mentionnés dans quatre métropoles(Montpellier, Nancy, Nantes et Toulouse).

Le rayonnement économique métropolitain à l’égard des territoires extérieursest ciblé par au moins trois métropoles (Bordeaux, Grenoble, Montpellier), demême que le télétravail est mentionné par quelques métropoles. Le tourismeest également cité dans trois métropoles, le soutien à l’artisanat est évoquéau moins à Nancy et la santé est un domaine présent au moins dans unemétropole (Brest).

2. Document intercommunal d’aménagement et d’urbanisme généralisé à partir de 2017.

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Le renforcement de l’ingénierie territoriale au service de la coopération estégalement mentionné (notamment à Rouen et Aix-Marseille-Provence à par-tir des agences d’urbanisme). La coopération transfrontalière est développéepar deux métropoles : Lille et Nice (cf. dossier du Premier Ministre et deFrance Urbaine, 2017).

En matière de coopération des métropoles avec d’autres structures territo-riales, le partenaire chef de file est dans deux cas un Pôle métropolitain(Nantes et Rouen), dans deux cas, un Pôle d’équilibre territorial et rural3

(Brest et Toulouse, signataires d’un contrat de réciprocité), dans deux cas, unSCoT (Bordeaux et Nancy), dans un cas, un Parc naturel régional (Gre-noble : coopération sur la politique montagne), dans un cas un schémad’aménagement (Rouen : vallée de la Seine), dans un cas une communauté decommunes (contrat de réciprocité de Montpellier) et dans un cas, correspondà un travail mutualisé des agences d’urbanisme (Aix-Marseille-Provence).

Une coopération plus large

Une étude publiée par le Commissariat général à l’égalité des territoires(CGET), France urbaine et l’Assemblée des communautés de France (AdCF)en 2019 a été réalisée sur la base d’un questionnaire soumis aux vingt-deuxmétropoles (avec vingt et une réponses) : elle montre que 173 coopérationsde toutes sortes ont été passées avec leurs territoires avoisinants. Elles portentprincipalement sur trois thématiques : la mobilité et les transports, le tou-risme et le développement économique. Viennent ensuite les thèmes del’environnement, de la culture, de l’eau/assainissement et de la GEMAPI(Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations). Elles sonten majorité pluri-thématiques : elles concernent à 38 % trois thématiques etplus, à 19 % deux thématiques, à 43 % une seule thématique, Ces coopéra-tions se font principalement avec des communautés de communes, sont entrès grande majorité conventionnelles (contrat ou convention) et s’appuient à80 % sur une instance de suivi.

189 réponses de territoires environnants, soit un taux de réponse de 20 %, ontété également recueillis via une enquête en ligne menée par les mêmes orga-nisations. Une coopération avec la métropole proche a été déclarée à 80 %par les communautés de communes de la première couronne (45 % des EPCI

3. Alors que les EPCI à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d’agglomération,communautés urbaines, métropoles) réunissent plusieurs communes autour d’une mise en commun decompétences et des ressources fiscales, les PETR (Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux) créés parla loi Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du27 janvier 2014 sont des syndicats mixtes regroupant plusieurs EPCI à fiscalité propre pour mettre enœuvre un projet de territoire. Ils constituent en quelque sorte la prolongation des pays consacrés par laLoi d’orientation d’aménagement et de développement durable du territoire de 1999 (loi Voynet).

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ayant répondu à l’enquête), tandis qu’elle concerne près de 27 % de ceux dela deuxième couronne (55 % des EPCI ayant répondu à l’enquête). Diversfreins à la coopération sont cités, d’ordre technique, géographique, politiqueet psychologique, liés aux asymétries de moyens comme aux représentations.Ainsi, l’absence de sollicitation de la part de la métropole, l’éloignementgéographique ou psychologique des territoires, l’existence de concurrencesentre les territoires (par exemple entre zones d’activité économique) sontmentionnés parmi les raisons expliquant l’absence de coopérations. Maissont mises en avant les avantages de la coopération avec les métropoles :bénéfices de la dynamique de développement économique de cette dernière,actions à la bonne échelle (bassins de vie ou d’emploi), complémentaritéslocales, sources d’externalités positives (par exemple dans les offres touris-tiques), ou augmentation des capacités d’action grâce aux moyens humainset aux outils des métropoles (notamment agences d’urbanisme).

◮ Six contrats de réciprocité signés

Les six « contrats de réciprocité ville-campagne » signés

L’idée de « contrats de réciprocité ville-campagne » entre les métropoles etles territoires ruraux a été introduite par le Comité interministériel aux rura-lités (CIR) du 13 mars 2015, pour favoriser le développement d’interactions.

Les quatre cas initialement proposés par le CIR du 13 mars 2015 étaientBrest métropole et le Pays du Centre-Ouest Bretagne, la métropole de Lyonet Aurillac (abandonné du fait de la distance), la métropole de Toulouse etle Massif des Pyrénées (depuis, réduit au Pays de Portes de Gascogne), lacommunauté urbaine de Le Creusot et de Montceau-les-Mines et le ParcNaturel Régional (PNR) du Morvan (qui n’a pas débouché faute de volontépolitique locale).

Après une phase d’expérimentation (Verhaeghe, 2015), il était question deproposer une extension du dispositif à d’autres territoires volontaires dansle cadre de la clause de revoyure des contrats de plan État-région 2015-2020 fin 2016. En réalité, l’idée de contrats de réciprocité a été reprisedans certains pactes État-métropoles signés à partir de fin 2016 avec lesmétropoles institutionnelles.

Mi-2019, six métropoles avaient ainsi signé un contrat de réciprocité : Brestet le PETR Pays du Centre Ouest Bretagne (2016), Toulouse et le PETR PaysPortes de Gascogne (2017), Montpellier et la communauté de communesdes Monts de Lacaune et de la Montagne du Haut Languedoc, Tours etles intercommunalités d’Indre-et-Loire, Nantes et le PETR Pays de Retz,

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Clermont Auvergne et la communauté de communes de Saint-Flour (cf.figure 5).

Le premier contrat a été signé le 4 novembre 2016 (Zapalski, 2016) entreBrest Métropole (8 communes et 208 930 habitants4) et le PETR Pays duCentre Ouest Bretagne (COB), pays inter-départemental (Finistère, Côtesd’Armor, Morbihan : 5 communautés de communes, 79 communes et 83 125habitants). L’objectif est de rechercher des complémentarités entre l’offre deservices, d’équipements et d’ingénierie de la métropole et le COB, espacemajoritairement orienté vers la production et la transformation et à la natureet à l’environnement préservés (pour schématiser, les ouvriers et agriculteursrésident dans le COB et les cadres sont localisés à Brest métropole, ADEUPa,2015). Les thèmes de coopération concernent l’économie et l’insertion, lasanté, la culture et les services, l’énergie et l’environnement.

Le deuxième contrat a été signé entre Toulouse Métropole (trente-sept com-munes et 762 956 habitants) et le PETR « Pays Portes de Gascogne » (160communes, 5 communautés de communes et 71 500 habitants à l’est duGers autour des petits pôles urbains de Lectoure et de Fleurance), situé aunord-ouest, à l’extérieur de l’aire urbaine de Toulouse et bordant dans sapartie sud Toulouse Métropole. Selon le contrat de réciprocité, « sa proximitégéographique à la métropole, l’accessibilité au foncier constructible, à uncadre de vie moins urbain, en ont fait un territoire d’installation de choixpour un certain nombre d’actifs employés sur la métropole ». Ce territoireaccueille neuf entreprises de l’aéronautique, présente un potentiel de produc-tion agricole et offre des aménités résidentielles et touristiques. Signalons parailleurs que ce contrat est le résultat des contacts entre le maire de Toulouse,président de l’association nationale France Urbaine qui réunit les métropoles,et le président du PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural) du Pays Portesde Gascogne, également président de l’Association nationale des pays et despôles (ANPP). Ce contrat engage des coopérations sur sept domaines prin-cipaux : développement économique et emploi (filière aéronautique, télétra-vail), alimentation, tourisme, offre culturelle culture scientifique et technique,mobilité et transition écologique, et comprend plusieurs actions autour dela filière aéronautique qui structure l’économie du territoire. Il prolonge lecontrat de pays (Vall, 2018) qui tablait sur des réserves foncières et des zonesd’activités afin de capter notamment des établissements de sous-traitanceélectronique.

Le troisième contrat signé en 2018 porte sur Montpellier-MéditerranéeMétropole (trente et une communes, 465 070 habitants et 201 000 emplois)

4. Le chiffre de population est en général celui de 2016.

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et la petite communauté de communes Monts de Lacaune et Montagnedu Haut Languedoc, située à cheval sur les départements de l’Hérault etdu Tarn et à plus de 100 kilomètres de Montpellier (dix-neuf communes,8 464 habitants5 et 4 000 emplois). Ce contrat est très centré sur la forêt(quatre axes sur six) dans le territoire de la communauté de communes oùelle recouvre entre 50 et 60 % du sol.

Le quatrième contrat (2019) concerne des contrats de réciprocité signés pourla période 2018-2020 en janvier 2019 entre Tours Métropole Val de Loire(vingt-deux communes et 293 123 habitants) et neuf communautés de com-munes (233 224 habitants au total). « Nous sommes la première métropole àmettre en place ce type de contrats » a affirmé le président de Tours Métro-pole (18 janvier 2019)6, ce qui n’est pas exact (quatre autres contrats signésen France) même si l’originalité de Tours est de contractualiser avec toutesles intercommunalités du département (à l’exception d’une communauté decommunes en raison d’un différend sur un projet local), mais sans le départe-ment. Les thèmes de travail sont le développement économique, le tourisme,un projet alimentaire, la mobilité, l’énergie, les déchets, la prévention desrisques d’inondation, la culture et la couverture 4G.

Le cinquième contrat a été signé le 10 avril 2019 (Zapalski, 2019) entreNantes Métropole (vingt-quatre communes et 638 931 habitants) et le Paysde Retz limitrophe, située sur la rive Sud de la Loire et entre Nantes et Saint-Nazaire au Nord (trente-huit communes, quatre communautés de communeset 151 440 habitants). Ce territoire est marqué par le contraste entre lelittoral touristique et le rétro-littoral polarisé vers la métropole nantaise etdes flux pendulaires importants (la moitié des actifs, qui habitent le territoire,le quittent chaque jour pour aller travailler). Quatre premiers thèmes detravail ont été identifiés : les mobilités, l’alimentation, le développementéconomique et le tourisme.

Le dernier contrat enregistré a été signé en juillet 2019 entre ClermontAuvergne Métropole et Saint-Flour Communauté. Quatre pistes d’actionsont été fléchées : le développement économique et touristique, la culture, lamobilité, la transition énergétique et écologique. Des échanges pourraientêtre organisées également entre les programmes alimentaires territoriaux

5. Cette petite communauté de communes a une population inférieure au seuil des 15 000 habitants fixéspar la loi NOTRe (Nouvelle organisation la République) de 2015, en raison des dérogations prévuespour les zones de montagne et les territoires peu denses : elle résulte elle-même de la fusion en 2017 descommunautés des Monts de Lacaune (5 623 habitants en 2013, dans le Tarn) et de la Montagne du HautLanguedoc (2 841 habitants en 2013, dans l’Hérault).

6. http://www.info-tours.fr/articles/politique/2019/01/18/10315/une-metropole-humaine-active-desirable-genereuse-et-imaginative/

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et les plans climat air énergie territorial. Il entend tirer parti de l’autorouteA75 qui ouvre de nouvelles perspectives à l’Est cantalien. Il prolonge lacoopération déjà entreprise entre le groupement hospitalier de territoire duCantal et le CHU de Clermont. Il prévoit une gouvernance partagée, avecun comité de pilotage, et des groupes de travail ouverts aux acteurs et auxpartenaires (les Chambres de commerce et d’industrie des deux départementssont parties prenantes du projet).

Fig. 4 : Périmètre des contrats de réciprocité signes à l’échelle nationale au1er septembre 2019

Source : réalisation L. Ghosn

Les populations des territoires « périphériques » concernés vont de près de8 500 habitants à plus de 230 000 habitants (cf. tableau 1).

Le portage des contrats

Trois contrats sont signés avec des PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural)et trois avec des EPCI à fiscalité propre (communautés de communes). Lescontrats ont été préparés en général et négociés entre les deux partenairespublics. On relève toutefois l’association à la préparation du contrat de socio-professionnels et de représentants du secteur associatif dans les cas de Brest7.Ainsi après une première rencontre des représentants de l’État, de la région et

7. Pour alléger le texte, nous désignons en général le contrat par le nom de la métropole correspondante.

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des deux territoires, les élus et représentants des conseils de développementde Brest et du COB ont co-construit les axes de coopérations du contrat.L’élaboration du contrat a été caractérisée par de longs allers-retours sur laconstitution du groupe de travail (notamment en ce qui concerne la place dusecteur privé et associatif) et les choix de contenu. Sur Brest, les actions sontportées par la métropole, le PETR ou d’autres acteurs (CHRU, chambresconsulaires, associations). Les actions prévues comportent des projets opéra-tionnels, des projets en préparation et des thématiques faisant encore l’objetde réflexions. En dehors d’actions « concrètes » (logements pour jeunes tra-vailleurs, télémédecine, imagerie médicale), beaucoup d’actions consistenttoutefois en de la promotion, de la sensibilisation, et de la mise en contactd’acteurs des deux territoires. Certains projets existaient déjà et le contrat apermis de dialoguer sur ces sujets, voire de mettre en commun des éléments :il a permis de les renforcer.

Quant à Tours, le grand nombre d’intercommunalités impliquées a reposé surdes échanges sur des groupes de travail thématiques, et il est prévu d’associercomme partenaires les chambres consulaires, les organisations du tourisme,les grandes entreprises... Sur Toulouse, en 2019, le contrat a débouché sur laconstitution d’une association des producteurs, transformateurs et artisansdu Gers afin d’ouvrir un espace de promotion et de commercialisation desproduits gersois sur le Marché d’Intérêt National de Toulouse Métropole.

Les thèmes de coopération

Ces contrats comprennent toujours un programme pluri-thématique de coopé-ration, au contraire de plusieurs pactes État-métropoles mono-thématiques. Ilressort de l’examen de ces six contrats huit thèmes majeurs de coopération :le tourisme (constitution d’une offre complémentaire) et l’action économique(filières, implantation d’entreprises) présents dans tous les contrats, l’alimen-tation (circuits courts) dans cinq contrats, la mobilité (co-voiturage) dansquatre contrats, l’approvisionnement énergétique de la métropole et la pré-servation de l’environnement et le traitement des déchets dans trois contrats(la transition énergétique et écologique est mentionnée également à Cler-mont, mais sans précision), l’emploi (développement du co-working et dutélétravail) dans deux contrats, et la santé dans deux contrats. La culture estégalement évoquée à Clermont. On notera que la question des mobilités estmoins présente que dans les pactes État-métropoles mais que le tourisme etl’action économique arrivent en tout premier lieu et que l’alimentation estmentionnée presque partout.

Le tourisme est cité dans les six contrats. Brest entend promouvoir conjoin-tement avec le COB les destinations touristiques (promotion commune des

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Fêtes maritimes de Brest et du Festival des vieilles charrues de Carhaix),comme Toulouse (« circuit-test de mobilité douce » entre les deux territoires,aménagement du site d’accueil d’un office du tourisme). À Montpellier, ilest également prévu de développer l’offre touristique des deux territoires :événement sportif commun, manifestations pour la promotion des vins dugrand Montpellier, promotion des paysages, des activités de pleine natureet des produits du terroir du Haut-Languedoc, et offres structurées autourdu patrimoine sacré et vernaculaire des territoires. À Tours, le volet tou-risme et marketing comprend les projets de consolidation du réseau dessept offices de tourisme (évènements communs, coordination plus fluide),de mutualisation d’actions de promotion de la Touraine, et de création d’unpass touristique.Sur Nantes, il s’agit de créer une offre complémentaire pourdécouvrir la métropole et le territoire alentour (côtier et rural).

L’action économique est également mentionnée dans les six contrats, notam-ment en termes de soutien au développement de filières. À Brest, une actionvise le développement de l’export de la production agro-alimentaire du COBgrâce aux infrastructures de transport portuaire brestoises. Sur les Portesde Gasgogne, le contrat de Toulouse porte sur la prospection des entre-prises de l’aéronautique et les réserves foncières. Sur Montpellier (Monts deLacaune), quatre axes (sur six) concernent la filière bois : outre le soutien àune filière bois-énergie, il s’agit de renforcer la filière bois-construction pourl’édification d’équipements collectifs (écoles, crèches, logements collectifs),de développer une filière locale de mobilier bois intérieur et extérieur (pourapprovisionner progressivement la métropole en plaquettes bois en prove-nance des forêts du Haut Languedoc), de mobiliser des moyens financierspour favoriser le reboisement et préserver la biodiversité.À Tours, le déve-loppement économique porte sur une stratégie commune d’aménagement, larequalification des parcs d’activité, le développement de réseaux et l’amélio-ration de la gamme de services aux entreprises, et sur Nantes, dans le Paysde Retz, il concerne l’implantation des entreprises.

La valorisation des filières alimentaires de proximité figure dans cinqcontrats : Brest, Toulouse, Tours, Nantes, Clermont. Le contrat de Toulousecomporte un « projet alimentaire territorial » pour renforcer les liens entreproducteurs de denrées bio (légumineuses et céréales en particulier) et larestauration collective (Moudenc, 2018), pour ouvrir un espace de promotionet de commercialisation des produits gersois sur le Marché d’intérêt natio-nal de Toulouse Métropole et aussi pour préserver l’agriculture urbaine dela métropole, constituée essentiellement de maraîchage. À Tours, le projetalimentaire territorial vise la structuration de filières maraîchage et élevageet l’organisation de circuits courts autour de la restauration collective. Sur

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Nantes, l’alimentation porte également sur les circuits courts à partir du Paysde Retz (1 000 exploitants) et l’approvisionnement des cantines scolaires.

L’approvisionnement énergétique de la métropole apparaît dans trois contrats.Montpellier entend pérenniser la filière bois-énergie des Monts de Lacauneen développant et en diversifiant l’utilisation du bois énergie (réalisation dechaufferies pour chauffage urbain, équipements publics et habitat individuel).Un débouché sur le territoire de Brest métropole est organisé pour la filièrebois-énergie en cours de structuration dans le pays du COB. À Tours, l’éner-gie est concernée au travers de projets concernant le bois mais également lephotovoltaïque et l’hydrogène.

La préservation de l’environnement est mentionnée dans trois contrats. SurToulouse, sont notamment prévus un plan de gestion de la compensation éco-logique des projets portés sur les territoires partenaires et la préservation dela ressource eau par une gestion préventive des réseaux publics (campagnesde gestion par drone, contrôles environnementaux par l’imagerie satellitaireet par drone). Sur Brest, où les deux territoires sont labellisés « Territoires àénergie positive et pour la croissance verte », est prévu le partage avec le paysdu COB de l’ingénierie déployée par Brest métropole et Ener’gence (Agencede maîtrise de l’énergie et du climat du pays de Brest) dans les domaines dela performance énergétique de l’éclairage public et de la plate-forme d’ac-compagnement à la rénovation énergétique du bâti. La réalisation d’un SCoTau niveau du COB est accompagnée par l’agence d’urbanisme de Brest, etles modalités d’exercice de la compétence eau et assainissement par les EPCIsont identifiées comme un sujet potentiel d’échanges. Sur Tours, la questiondes déchets est abordée avec la structuration d’une filière de ressourcerie enéconomie circulaire, la mutualisation des déchetteries et l’harmonisation desconsignes de tri entre les EPCI.

La gestion des mobilités apparaît dans quatre contrats. Le Pays de Retzprévoit des voies dédiées au covoiturage (une première en France) et le déve-loppement de transport en commun. Sur Toulouse, et Portes de Gasgogne,sont mentionnées des aires de covoiturage. À Tours, l’amélioration des mobi-lités vise à améliorer les déplacements à dominante professionnelle avec untravail impliquant les grands groupes.

En matière d’emploi, l’appui au coworking et au télétravail est mentionnédans deux contrats : Toulouse et Nantes pour permettre aux « navetteurs »d’avoir le choix entre déplacement quotidien ou la possibilité de travaillersur leur territoire de résidence (sur Toulouse, projet pilote avec les salariésdu groupe Airbus et soutien à six tiers lieux de coworking), afin de contribuerà diminuer la congestion automobile et la pollution métropolitaine. Brestentend également travailler avec le COB sur des échanges de pratiques autour

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des dispositifs de soutien à l’entreprenariat, d’insertion et d’accompagnementdes usages du numérique et du renforcement de l’accompagnement desjeunes (logements pour jeunes travailleurs, de soutenir l’émergence de leursprojets et de les amener à découvrir les deux territoires.

La santé est évoquée dans deux contrats. Sur Brest, l’hôpital de Carhaix afusionné avec le Centre hospitalier universitaire de Brest (CHRU) depuisjuillet 2009 et l’enjeu est d’améliorer l’accès aux soins pour les habitants dupays du COB (télémédecine, partage d’actions de prévention dans le cadredes contrats locaux de santé, prévention des maladies cardiovasculaires...)tout en confortant le niveau d’activité des équipements brestois. Sur Mont-pellier, il est question de mettre en place une offre de soins plus adaptée surla communauté de communes des Monts de Lacaune, avec des innovationstechniques (télé opération, télédiagnostic et suivi médical à distance) et enfavorisant les échanges entre les praticiens de la communauté de communes,la faculté de médecine et le CHU de Montpellier.

Le domaine des services est peu évoqué, en dehors d’une réflexion sur lamutualisation du coût des services (petite enfance) liés à l’accueil de ménagestravaillant à Toulouse autour de l’Isle-Jourdain.

◮ Conclusion : apports et limites des contrats deréciprocité

Les contrats de réciprocité sont la forme la plus avancée des coopérationsentre métropoles et territoires voisins, à la fois sur le plan des contenus etdu partenariat entre territoires. Mais ils ne sont que six actuellement et neprennent en compte que l’un des territoires d’influence de la métropole (àl’exception de Tours). On remarquera que les « pôles métropolitains » censésrenforcer les coopérations territoriales ne se sont pas emparés de cette notion.

Par ailleurs, les contrats ne comprennent pas de budget particulier et nedisposent pas de financements de la métropole : ils bénéficient seulement decrédits spécifiques de l’État et parfois du conseil régional ou de la Caisse deDépôts (par exemple, pour Toulouse, 500 000 € sur 2017 pour la réalisationd’espaces de co-working et d’une étude sur la mobilité, et appui de la Caissedes Dépôts pour l’ingénierie, pour Brest, crédits d’étude et d’ingénieriedu CGET et apport du conseil régional à hauteur d’1,5 M€). L’inscriptiond’un projet au contrat permet seulement de bénéficier d’une visibilité accruenotamment lors d’une demande de subvention ou de peser davantage pourêtre plus facilement retenus dans le cadre d’appels à projets. Un appel à un

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soutien de l’État est notamment régulièrement exprimé par des élus de Brestet du COB.

Sur Tours, le contrat a reçu un accueil réservé de la part de certains éluscommunautaires qui ont regretté qu’il n’y ait pas de fiches actions concrètes,pas de calendrier, pas de financements spécifiques et qui ont indiqué leurvigilance quant à de futures sollicitations de participations techniques etfinancières. Par ailleurs, on note également sur Tours une concurrence avecle département (Ghosn, 2019) dans le domaine de la promotion touristique(coexistence d’une marque territoriale avec une autre marque portée parl’Agence départementale de tourisme missionnée par le département).

M. Vanier (2015) a suggéré de remplacer les mots « égalité », conjuguéavec le mot territoire, par les mots de « réciprocité » contractuelle entre lesterritoires. Il prend comme illustration les « contrats de réciprocité », et enappelle à substituer une solidarité financière horizontale (entre territoires)à l’actuelle solidarité verticale (de l’État). La difficulté sera de dépasser lestendances au « nouvel égoïsme territorial » (Davezies, 2015) qui guette lesmétropoles confrontées au financement de leurs politiques d’excellence etde gestion de leurs propres « pauvres ». À noter ainsi la réaction négativede France Urbaine8 (association des métropoles) à la proposition de l’Asso-ciation des Petites Villes de France d’affecter 1 % des recettes fiscales desmétropoles à des projets dans les petites villes9.

Ces contrats s’inscrivent au demeurant dans « une démarche venant légitimerun vœu d’accession au rang métropolitain », et la communication autour descontrats est dirigée vers les instances de niveau national « afin d’accéder àdes subventions supplémentaires » (Ghosn, 2019). La solidarité horizontalene se manifeste pas par une redistribution financière entre les collectivités (entout cas pour l’instant) mais sur le plan de la gouvernance. On peut soulignerpar ailleurs souvent le portage par un acteur tiers – les agences d’urbanisme– allant au-delà de leur simple expertise.

Il serait toutefois prématuré de conclure à « l’échec des contrats de réci-procité ville-campagne », comme l’affirme le rapport parlementaire de J.-F.Cesarini et G. Vuilletet (2018), en raison d’un « principe faux, celui duruissellement, la métropole absorbant les énergies ». L’intérêt est le « rejetprogressif d’une approche partitive et binaire des relations ville-campagne »au profit de partenariats entre territoires (Verhaeghe, 2015). Ces contrats ontdonc une fonction de sensibilisation et ceci passe par la reconnaissance de

8. http://www.lagazettedescommunes.com/495066/le-1-metropole-de-la-discorde/

9. http://www.apvf.asso.fr/files/publications/MTAG_APVF_Manifeste2017_Def.pdf

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l’altérité et de la différence des territoires (Jousseaume, 2017). Le principedes contrats de réciprocité a été ainsi consacrée au sein de la loi du 22 juillet2019 portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires,qui prévoit leur possibilité dans le cadre des futurs contrats de cohésionterritoriale, contrats visant à regrouper notamment les quelque 485 actuelscontrats de ruralité (Doré, Chahid, 2019), les 222 contrats « Action Cœur deVille » en faveur des villes moyennes et les contrats de ville.

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