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LES GRANDS ENJEUX AGRICOLES DU XXI e SIÈCLE LES GRANDS ENJEUX AGRICOLES DU XXI e SIÈCLE Pour la reconquête Pour la reconquête des cultures vivrières dans les régions ultrapériphériques : quelles politiques agricoles ? Actes du colloque de Goyave Guadeloupe les 22 et 23 septembre 2006 COLLOQUES DE LA FADEAR / CONFÉDÉRATION PAYSANNE CLIMAT CULTURES VIVRIÈRES EMPLOI ÉNERGIE UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES DE LA GUADELOUPE

quelles politiques agricoles

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LES GRANDS ENJEUX AGRICOLES DU XXIe SIÈCLELES GRANDS ENJEUX AGRICOLES DU XXIe SIÈCLE

Pour la reconquêtePour la reconquêtedes cultures vivrières

dans les régionsultrapériphériques :

quelles politiquesagricoles ?

Actes du colloque de GoyaveGuadeloupe

les 22 et 23 septembre 2006

COLLOQUES DE LA FADEAR / CONFÉDÉRATION PAYSANNE

CLIMAT

CULTURESVIVRIÈRES

EMPLOI

ÉNERGIEs

UNION DES PRODUCTEURSAGRICOLES DE LA GUADELOUPE

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Actes encore disponibles sur demande à la Confédération Paysanne : 104 rue Robespierre93170 Bagnolet ou sur le site internet : www.confederationpaysanne.fr

Actes des journées deréflexions «Résistances enEurope à la servitude enagriculture», états des luttescontre les conditions de travailinacceptables des salariésagricoles

Actes du colloque «Libéronsla biodiversité» : Droits despaysans et semences, lesenjeux pour l'Europe

Actes du séminaire européen«Politiques agricoleset petites fermes»

numéros 24 et 30,issus des travaux entre l'INRA et la Confédération Paysannen°24 : Désintensification de l'agriculture - Questions et débatsn°30 : Quelles variétés et semences pour des agriculturespaysannes durables ?

Actes des 5 colloques sur le Foncier :

Dossiers de l'environnement de l’INRA

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« Changements climatiques. Crises énerg é t i-ques. Croissance démographique. Accentuationde l'inégalité d'accès aux ressources naturelles.E x p losion du phénomène urbain etDésertification des campagnes. Précarisation…La liste des phénomènes qui menacent notrecapacité à nourrir nos prochains s'allonge cha-que jour.

Les scientifiques s'accordent sur le constat etl'heure est venue, pour les acteurs de nos socié-tés, de se projeter vers l'avenir, d'évaluer lesconséquences de ces évolutions pour les popula-tions et d'envisager les outils politiques capablesd'anticiper cette « nouvelle donne ».

Manger est un souci quotidien. Hier co m m ea u j o u rd'hui, tout groupe humain, s'il ne veut pasd i s p a ra î t re, doit s'organiser pour subvenir à sesbesoins alimenta i res vitaux. Ce qui était vrai il y aquelques millénaires le re ste ra demain. Les cré a-

te u rs de l'Union européenne avaient ce souci ent ê te lo rs de la création de la Politique agrico lecommune (Pac) qui depuis est demeurée la seulepolitique ré e l lement intégrée de ce t te union.

Au début des années 1960, cette politique avaitpour vocation de réguler, d'organiser, de plani-fier la production agricole pour répondre auxbesoins des populations de l'Union. L'explosionde la productivité, le développement des échan-ges internationaux et l'avènement du «libéra-lisme économique» ont signé la fin (provisoire)des politiques agricoles « planificatrices et inter-ventionnistes ». La politique a alors été penséepour l'agro - i n d u strie, dans l'optique de labataille économique sur les marchés mondiaux.La recherche des plus bas coûts de production,la baisse des prix agrico les, et la mise enco n c u r re n ce de to u tes les agricultures dumonde, constituent alors le socle de cette idéolo-gie. L'agriculture productiviste des pays riches,

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LES GRANDS ENJEUX AGRICOLESDU XXIe SIÈCLE

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tout comme celle des pays pauvres (spécialisa-tion croissante vers des cultures d'exportation etexode rural massif) sont les filles de cette logiquelibérale qui continue à être considérée dans lesinstances internationales comme la seule véritééconomique. Pourtant, le monde change. Les changementsclimatiques modifieront les principaux paramè-t res de la production (accès aux re ss o u rce s ,ensoleillement, température, hygrométrie, etc.).Ce que produisent les agriculteurs en Provence,en Bavière, ou dans le Sussex ne pourra peut-être plus l'être demain… L'énergie quasi gratuite,qui a permis l'explosion du transport mondial,appartiendra sous peu au passé, remettant encause l'équilibre économique d'une agricultureindustrielle, dévoreuse d'énergie.

Ces évolutions profondes, croisées avec les exi-gences de la société, qui dénoncent les consé-quences sur la qualité de l'alimentation, sur l'en-vironnement et sur l'équilibre territorial, justi-fient l'élaboration d'un autre modèle économiqueet politique. À l'échelle de la planète comme àcelle des territoires et des régions, l'accélérationdu processus d'anéantissement des populations

paysannes et de la destruction des écosystèmesconfère à cette réflexion un caractère d'urgence.Il est donc temps de s'interroger sur les consé-quences de cette « nouvelle donne » sur la capa-cité des agriculteurs européens mais aussi desterritoires et des agricultures, à répondre -dansles meilleures conditions possibles et de manièredurable- aux besoins alimentaires et non alimen-taires des habitants de notre continent.

Les problèmes auxquels nous sommes confron-tés sont évidemment mondiaux, et des politiquesdoivent être pensées à cette échelle. Mais parlerd'agriculture, c'est aussi parler de territoire. Etcette dimension territoriale pourrait, plus encoredemain qu'aujourd'hui, prendre tout son sensdans le contexte de crise que nous allons traver-ser. Des solutions devront être trouvée locale-ment, ce qui pose la question de la déconcentra-tion et de l'adaptation régionale des politiqueseuropéennes et nationales.Les débats que nous avons organisés entre lemois d'août 2006 et le mois de juin 2007 avaientpour ambition de dégager des perspectives pourla politique agricole et rurale du XXIe siècle.

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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

C O N T E X T EL’Union européenne et les régions ultrapériphériques

Quelles politiques de l’Union européenne pour répondre à la spécificité des régions ultrapériphériques en matière agricole ? - Lydia Barfleur-Lancrerot (Consultante en droit du développement international) . . . . . . . . 7Quels sont les effets de la politique de l’Union européenne aux Îles Canaries, aux Açores et Madère ?Manolo Redondo (COAG Canarias) et Vanda Santos Silva (syndicat CNA du Portugal) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

T A B L E R O N D E 1Évolution des cultures vivrières et rôle dans l’alimentation humaine

Évolution des systèmes vivriers de culture en Guadeloupe Catherine Cosaque-Lordinot (Agronome, directrice de la Communauté de communes du Nord Grande-Terre) . 12État des lieux des cultures vivrières dans les autres RUP• Guyane – Les productions vivrières progressent en Guyane - Sylvie Horth (Présidente du GRAGE) . . . . . . . . . 15• Mayotte – Les cultures vivrières de manioc et de bananes occupent 75 % de la surface agricoleMadi Laguerra (Confédération paysanne de Mayotte) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15• Martinique – L’agriculture vivrière victime de la pression foncière, de la pollution et des importationsVéronique Montjean (OPAM) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16• Canaries – Les surfaces vivrières en nette diminutionRafael Henandez Reyès (Président de la COAG-Canarias) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17Le rôle des cultures vivrières dans l’alimentation humaine - Henri Joseph (Docteur en pharmacognosie) . . . . 18

T A B L E R O N D E 2Place et rôle des cultures vivrières dans le contexte de l’agriculture actuelle

La réforme de l’OCM Sucre - Alex Vitalis, (Directeur SICAGRA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20La réforme de l’OCM banane - Jean-Michel Emmanuel (SICA « Les Producteurs de Guadeloupe ») . . . . . . . . . . . . 21Les réformes de la PAC et des POSEI - Annie Berthon-Wartner (Ministère de l’Outre-mer) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Les Accords de partenariat économique (APE) : un accord colonial - Alain Plaisir (syndicat CTU des douanes) 24La pollution des sols en Guadeloupe et en Martinique - Yves-Marie Cabidoche (INRA Antilles-Guyane) . . . . . . 26Quelle place pour les productions vivrières dans l’agriculture guadeloupéenne ? - Philippe Rotin (UPG) . . . . . 27Les atte n tes de la société en matière de produits agrico les et de services - Micheline Hatchi (Consommatrice ) . . .2 9

POUR LA RECONQUÊTE DES CULTURES VIVRIÈRESDANS LES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES :

QUELLES POLITIQUES AGRICOLES ?

COLLOQUES DE LA FADEAR / CONFÉDÉRATION PAYSANNE

SOMMAIRE

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T A B L E R O N D E 3Quelles politiques locales, régionales, nationales et européennes, pour la reconquête descultures vivrières dans l’espace ultramarin européen ?

Quelles stratégies de développement agricole et rural pour la Guadeloupe ?Alain Gayadine, (UPG) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Quels outils techniques, économiques, de formation et d’encadrement mettre en œuvre ?Sully Gabon (Directeur du SUAD à la Chambre d’agriculture de la Guadeloupe) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33Outils financiers : état des lieux du financement du secteur agricole ?Pascal Richer (Directeur adjoint de l’IEDOM) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35Quel rôle de la recherche et de l’INRA en particulier pour la reconquête des cultures vivrières dans les RUP ?Danielle Celestine-Myrtil-Marlin (Présidente du Centre INRA Antilles-Guyane) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Les outils institutionnelsPolitique foncière et restauration collective - Jean Laguerre(Président de l’Association des maires de Guadeloupe) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Les outils viennent en second plan, derrière le projet politique José Toribio (Conseiller général du Lamentin) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Passer à une agriculture orientée prioritairement vers la satisfaction du marché intérieurHilaire Brudey (Président de la Commission agriculture et pêche au Conseil régional) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

SYNTHÈSE DES TABLES RONDES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

SYNTHÈSE DES DÉBATS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Conclusions et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .46

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

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Au nom de l’ADEAR de Guadeloupe (ADEARG) et del’UPG, je re m e rcie de leur pré s e n ce les délégationsex t é r i e u res venues de la Martinique (OPAM), de laG u yane (GRAGE), de Mayo t te (Confédération Pa y s a n n ede Mayo t te), du Portugal (CNA), des Canaries (COAG -Canarias), les re p ré s e n tants au niveau national de laC o n f é d é ration paysanne et de la FADEAR, MmeB e r t h o n - Wartner, re p ré s e n tant le minist è re de l’ O u t reMer, ainsi que M. Luu, dire c teur de l’ODEADOM, leConseil général et le Conseil régional, la Chambred ’ a g r i c u l t u re, les différents inte r venants et animate u rs ,les invités des différents organismes agrico les et autre si n stitutions, les agriculte u rs, les membres de l’UPG etde l’ADEARG ainsi que les Guadeloupéens présents.

La satisfaction des besoins alimentairesCe colloque s’inscrit dans le cadre d’une série de cinqcolloques s’étalant d’août à décembre 2006, portés auniveau national par la Confédération paysanne et laFADEAR. Ces colloques répondent à un appel à projetsde la Commission européenne sur le thème : « les

politiques agricoles et territoriales face aux enjeux duXXIe siècle ».Un des enjeux majeurs du X X Ie s i è c le est la satisfa c t i o ndes besoins alimenta i res vitaux de la population àl’ é c h e l le planéta i re comme à l’ é c h e l le des pays ou deste r r i to i res. La vo cation pre m i è re de la Politique agrico lecommune (Pac) européenne était d’aille u rs de planifieret ré g u ler la production agrico le afin d’atte i n d re l’ a u to-nomie alimenta i re, au sortir de la 2e g u e r re mondiale. Sice t te autonomie alimenta i re a été atte i n te ra p i d e m e n tdans l’Union européenne dès les années 1970, dans le srégions insulaires ou ultramarines des pays euro p é e n sla situation est très différe n te. Ces régions, qu’ona p p e l le aujourd’hui « régions ultra - p é r i p h é r i q u e s »(RUP), sont les DOM fra n çais (Réunion, Guya n e ,Martinique, Guadeloupe), les Îles Canaries (région espa-g n o le) et les Aço res et Madère (régions portugaises).Pour ne citer que le cas de la Guadeloupe, notre auto n o-mie alimenta i re s’ e st au co n t ra i re dégradée avec uned é p e n d a n ce accrue vis-à-vis des produits importés, etce notamment depuis la départe m e n talisation qui at ra n s formé la société de production ex i sta n te en sociétéde consommation à outra n ce .

COLLOQUES DE LA FADEAR / CONFÉDÉRATION PAYSANNE

INTRODUCTIONALEX BANDOU,

PRÉSIDENT DE L’ADEAR DE GUADELOUPEET MEMBRE DE L’UNION AGRICOLE DE GUADELOUPE (UPG)

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La question, cruciale de l’autonomie alimentairedes RUP nous semble se poser aujourd’hui defaçon encore plus impérative, étant donné lecontexte actuel. D’une part, la raréfaction dupétrole et la flambée des prix, couplées auréchauffement climatique, remettent en ques-tion la multiplication des transports. Les cultu-res d’exportation, notamment la canne à sucreet la banane, qui sont le pilier de l’économie deplusieurs RUP, subissent la pression de la mon-dialisation économique. Enfin, les attentes etexigences des consommateurs et de la sociétévis-à-vis des produits alimentaires, mais aussivis-à-vis de l’agriculture, évoluent : ses dimen-sions environnementale, territoriale et socialesont davantage mises en avant (« multifonction-nalité »).

Ce colloque de deux jours, qui fait suite à neufmois de travail de préparation, propose donc deréfléchir aux politiques agricoles à mettre enplace pour que les RUP atteignent leur autono-mie alimentaire, par une politique de « recon-quête des cultures vivrières ». En effet, les « cul-tures vivrières », prises au sens large – c’est-à-dire l’ensemble des productions nécessaires àl’alimentation de base, à savoir toutes les cultu-res de légumes, de tubercules, de fruits, maisa u ssi les différents élevages destinés à laconsommation de viande et autres produits ani-maux (lait, œufs, etc.) – sont par définition lepilier de l’autonomie alimentaire d’un territoire.À l’UPG et à l’ADEARG, nous pensons que ce sp roductions vivrières participent également ple i-nement au déve loppement agrico le dura b le dute r r i to i re, en aidant au maintien d’emplois etd’activités en milieu rural, en consolidant lerevenu des pro d u c te u rs et en participant à lap ro tection de l’ e n v i ronnement et de la biodive r-sité si des pratiques agrico les re s p e c t u e u s e ssont mises en œuvre. Po u r tant, trop souvent enG u a d e loupe, on entend un pro d u c teur dire qu’il

va « faire un coup » sans qu’à aucun momentce t te initiative ne s’ i n s c r i ve vé r i ta b lement dansla pers p e c t i ve d’un vrai projet réfléchi, décidé,co h é re n t .

L’objet de ce colloque est tout d’abord de per-mettre un débat le plus large possible sur cethème de l’autonomie alimentaire et des politi-ques agricoles, avec l’ensemble des acteursconcernés : des agriculteurs aux consomma-teurs, en passant par les organismes agricoleset financiers, la recherche, les institutions… Lesproblèmes auxquels nous sommes confrontéssont mondiaux et les politiques doivent êtrepensées à cette échelle. Mais parler d’agricul-ture, c’est aussi parler de territoire. Et cettedimension te r r i to r i a le laisse penser que le ssolutions dev raient avant tout être tro u vé e slocalement. C’est pourquoi il est nécessaire demener un travail de réflexion et d’échanges nonseulement avec tous ces acteurs du territoireguadeloupéen, mais aussi avec les acteurs desautres RUP, avec lesquels je souhaite que cedébat soit riche en échanges d’expérience.Au terme de ce co l loque, nous devrions êtreca p a b les de dégager les grandes lignes ou dej e ter les bases d’une vraie politique agrico le gua-d e loupéenne, conçue par les Guadelo u p é e n s ,pour les Guadeloupéens. C’est mainte n a n tqu’une réaction s’impose pour pre n d re en mainn o t re déve lo p p e m e n t ; cela néce ss i te que les dif-f é rents pouvo i rs et co m p é te n ces soient co h é-rents et ra ssemblés pour un même objectif.Nous souhaitions que ce colloque ne soit pas unénième laboratoire d’idées extraordinaires etintelligentes qui restent sans suites en raisond ’ i n co m p réhensions ou de blo cages dive rs ,mais au contraire le début d’un grand chantierpour décider de la politique agrico le de laGuadeloupe et des autres RUP. Cessons d’êtrebons individuellement et soyons enfin meilleursensembles !

L’autonomiealimentaires’estdégradée, notammentdepuis ladépartemen-talisation

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QUELLES POLITIQUES DE L’UNION EUROPÉENNEPOUR RÉPONDRE À LA SPÉCIFICITÉ AGRICOLEDES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES ?

LYDIA BARFLEUR-LANCREROTDOCTEUR EN DROIT PUBLIC

ET CONSULTANTE EN DROIT DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

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Des adaptations réglementairesLa Commission européenne préconise, dans unrapport portant sur la mise en œuvre de l’article299-2 (mars 2000), la mise en place de diversesréformes ou adaptations du cadre réglementairevisant à introduire un statut permanent pour lesRUP organisé autour d’une stratégie de déve-loppement durable. L’approche de l’Union euro-péenne est empreinte d’une forte dualité. Alorsqu’au co u rs des Conseils européens deGöteborg (juin 2001) et de Séville (juin 2002) l’ac-cent est porté sur la nécessité de la convergenceéconomique et sociale des économies de RUPafin de leur permettre « d’atteindre les stan-dards communautaires dans le cadre de l’inté-gration européenne », l’Union se manifeste clai-rement en faveur d’une insertion progressivedes RUP dans leurs environnements régionauximmédiats. L’ a g r i c u l t u re co n stitue un enjeu important dansle déve loppement socio-économique des RUP. Ene f fet, ce secteur pourvoie à la création d’emplo i set contribue à pallier le fa i b le déve loppement dus e c teur industriel classique. La pro d u c t i o ni n d u st r i e l le des RUP est ess e n t i e l lement co n ce n-t rée sur les filières agrico les et repose surto u tsur l’ i n d u strie agro - a l i m e n ta i re ou l’ i n d u strie desi n t rants du secteur primaire. Cependant la pré-g n a n ce du secteur agrico le dans le déve lo p p e-ment des RUP n’a pas empêché une très fo r tetertiarisation de l’ é conomie de ce r taines RUP au

Ce colloque est une initiative majeure, tant laquestion des cultures vivrières ne semble pasêtre fondamentale dans la mise en œuvre de laPolitique agrico le commune (Pac) dans le srégions ultrapériphériques (RUP).Dans une déclaration annexée au traité deM a a stricht de 1992, les États membres del’Union reconnaissent la notion de régions ultra-périphériques. Cette reconnaissance sera for-malisée dans l’ a r t i c le 299-2 du tra i t éd’Amsterdam dont l’objet est de favoriser lamise en œuvre des politiques spécifiques, adap-tées aux handicaps liés à l’insularité et/ou l’éloi-gnement de ces régions, mais également à leursatouts et potentialités.La notion de régions ultrapériphériques estco n st r u i te autour de la re co n n a i ss a n ce à ces te r-r i to i res d’handicaps (très nombreux) et d’ato u t s( s i n g u l i è rement très fa i b les). L’ i n t é g ration dansun double espace géo-économique couplée à uni s o lement relatif co n stitue le premier des handi-caps re connus à ces te r r i to i res. À cela s’ a j o u te ladimension ré d u i te du marché lo cal, lié à la ta i l lede la population, des conditions géographiques etclimatiques limitant le déve loppement endogènedes secte u rs primaires et seco n d a i res ainsi quela dépendance économique d’un petit nombre dep roduits ou même d’un seul produit. Fa ce à ce l a ,les atouts identifiés résident dans la dimensionmaritime du te r r i to i re, un haut niveau d’éduca-tion ainsi que la pré s e n ce de très bonnes infra-st r u c t u re s .

C O N T E X T EL’UNION EUROPÉENNE

ET LES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES

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détriment d’un déve loppement harmonieux etd u ra b le des politiques agrico le s .Face au risque de délitement progressif et irré-m é d i a b le du secteur agrico le, l’Union euro-péenne a tenté de conférer aux RUP un traite-ment différencié au sein de la Pac. LesProgrammes d’options spécifiques à l’éloigne-ment et à l’insularité (POSEI) constituent lespiliers de ce traitement différencié. Cependantl’évolution et le bilan de ces programmes mino-rent les effets positifs escomptés.La Pac a pour objectif d’harmoniser les normes,procédés et mécanismes ayant traits à la pro-duction, à la commercialisation et aux échangesde produits agricoles, mais également au déve-loppement du secteur rural. Elle s’inscrit dansla volonté des États membres de l’Union de sta-biliser les marchés et d’unifier le marché agri-cole européen. À cette fin, les principes de lapréférence communautaire (priorité étant don-née aux productions de l’UE) et de la solidaritéfinancière ont été privilégiés. La mise en placede la Pac s’est traduite par l’activation d’outilsde rationalisation du marché agricole tel que lacréation des organisations communes de mar-ché (OCM) dans les différents secteurs de pro-duction, chargées de réguler la production et lacommercialisation de chaque secteur. La Pac aégalement procédé à la création du Fonds euro-péen d’orientation et de garantie agrico le(Feoga) et à l’établissement d’une politique dedéveloppement rural.

Les POSEI : un traitement spécial et différenciéBien que la Pac soit d’application pleine etentière aux RUP, elle ne répondait guère auxréalités de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire des régions. Quatre facteurs ren-daient cette application inefficiente. Le premiertient en la forte réduction de la surface agricoleutile des RUP. Le second réside dans la dualitéde la production agricole, car à une agricultureorientée vers l’exportation s’oppose une agricul-ture d’approvisionnement des marchés locaux.Cette dualité s’accroît sous l’effet de plusieursfacteurs tels que la différence de productivitéentre les facteurs de production « terre » et« travail » et la faible capitalisation des exploita-tions. La taille physique et économique moyennedes exploitations agricoles, ainsi que l’inorgani-sation de la production et de la commercialisa-tion accentue également cette dualité.Le troisième facteur rendant difficile l’applica-tion de la Pac concerne la production. En effet laproduction des RUP est présentée comme étantlargement déficiente et entachée de certainsvices tels que le faible degré de diversification

des cultures tant au niveau des valeurs de pro-duction qu’au niveau de la surface utile cultivée,la concurrence des productions des marchésavoisinants qui disposent de conditions d’entréefavorables et à des coûts moindres ainsi que laconcurrence des importations européennes.Enfin, le quatrième facteur réside dans la tailledes exploitations et des marchés. La petite tailledes exploitations est l’une des caractéristiquescommunes aux sept régions ultrapériphériques.Par aille u rs, la ta i l le ré d u i te des marc h é slocaux, leur fragmentation, les conditions cli-matiques parfois difficiles et les risques natu-rels entraînent une réduction de la compétitivitéde l’agriculture des RUP par rapport aux autresproductions concurrentielles.

Afin de circo n s c r i re ces fa c te u rs dirimants, l’UE ainscrit l’ a g r i c u l t u re des RUP au sein d’un tra i te-ment spécial et différencié organisé autour desPOSEI. Trois POSEI marquent l’ a vènement de cet ra i tement différe n c i é : celui des DOM, le POSEI-DOM adopté en 1989, celui des Canaries, leP O S E I CAN adopté en 1991, et enfin la déclinaisonde Maderes, le POSEIMA7, adoptée en 1991.

L’objectif des POSEI est de compenser les sur-coûts liés aux handicaps supportés par cesrégions tout en soutenant le développement desfilières agricoles des RUP. Ces programmesprévoient des mesures aussi bien complémen-ta i res que spécifiques ou déro g a to i res aurégime commun applicable dans toute l’Unioneuropéenne. Les axes d’intervention des POSEItiennent dans le régime spécifique d’approvi-sionnement (RSA), le soutien au développementdes filières de diversification que sont l’élevageet les cultures maraîchères et horticoles. Parailleurs, les POSEI ont prévu un régime d’aidesspécifiques, par exemple à la culture du riz deGuyane, ainsi que les aides spécifiques à lafilière canne-sucre-rhum. Enfin, ces program-mes contiennent des dispositions structurelleset de soutien aux programmes phytosanitairesmis en œuvre dans les DOM.

L’analyse textuelle des POSEI laissait présagerun outil adapté au service du développementagricole des RUP, cependant la mise en oeuvredes programmes et l’avenir de ceux-ci ques-tionnent sensiblement la portée effective de cesprogrammes.

Un bilan mitigé

Le bilan proposé dans le cadre de cette présen-tation n’est en aucun cas exhaustif, il resteétroitement circonscrit à la thématique géné-rale du colloque, à savoir la production vivrière.Trois secteurs ont retenu notre attention : les

La Pac ne répondaitguère auxréalités des secteursagricoles etagro-alimentairesdes RUP

La petitetaille desexploitationsest une carac-téristiquecommune auxrégions ultra-périphériques

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fruits et légumes, l’élevage et le secteur de la canne etdu rhum agricole.Au titre du secteur des fruits et légumes, les mesuresadoptées dans le cadre des POSEI se sont révéléesinsuffisantes pour insuffler le mouvement de moder-nisation nécessaire du secteur. Par ailleurs, les incita-tions au regroupement des producteurs, à l’encadre-ment technique, aux équipements de stockage et delogistique ont été largement déficientes. Enfin les ate-l i e rs de tra n s formation n’ont pas connu l’ e ss o rattendu.Concernant l’élevage, les programmes ont été essen-tiellement mis en œuvre dans les secteurs d’élevageoù la structuration était déjà forte. La fluctuation men-suelle du montant de l’aide de régime spécifique d’ap-provisionnement (RSA) a fait varier en permanencel’écart des coûts de production entre les RUP et lacommunauté donc la compétitivité relative des pro-ductions des RUP. Les mesures appliquées concer-naient essentiellement des éleveurs disposant d’uneassise financière relativement solide ce qui a limitél’impact des programmes sur l’ensemble du secteur.C’est dans le secteur de la canne et du rhum agricoleque l’on peut constater une très forte mise en œuvredes programmes POSEI (notamment le POSEIDOM).Les objectifs d’intensification du rythme de replanta-tion, d’amélioration des conditions d’exploitation et demaintien des distilleries de rhum agricole, ont étéatteints.

Un avenir sous le signe de la fusionL’avenir des POSEI est placé sous le signe de la fusion.En effet, le Conseil agricole a adopté en février 2006une profonde réforme de ce dispositif qui intègre plu-

sieurs principes. Il y aura désormais un cadre juridi-que unique avec un seul règlement pour les troisPOSEI, la segmentation budgétaire n’est maintenueque dans le cadre d’une seule et unique dispositionfinancière précisant l’enveloppe attribuée à chaqueg roupe de régions (Canaries, Madère s - A ço re s ,G u a d e lo u p e - M a r t i n i q u e - G u yane-Réunion). Par ail-leurs, un seul type de répartition est proposé, il s’agitd’une combinaison entre le RSA et les instruments desoutien à la diversification, ce qui signifie qu’aucunerépartition indicative par secteur n’est imposée.Il est envisagé de constituer un programme pluscohérent de développement de l’agriculture à partird’une évaluation des différentes filières afin d’attein-dre des objectifs quantifiés et vérifiables. Enfin, lebudget de chaque POSEI est déterminé soit par réfé-rence historique, soit par calcul des plafonds finan-c i e rs des pré cédents POSEI, l’Union euro p é e n n eintroduisant une nouveauté à savoir qu’il sera possi-ble de compléter les crédits communautaires par descrédits nationaux.

En dehors des POSEI quelques initiatives co m m u n a u-ta i res ex i stent, comme REGIS ou INTERREG qui peu-vent avoir des influences dire c tes sur l’activité agra i re .À ce titre, il ne faut pas négliger le rô le joué par ce r ta i n sp ro g rammes d’initiative co m m u n a u ta i re (PIC) tels queles pro g rammes LEADER et LEADER +. Il convient éga-lement d’apprécier la portée de l’ i n strument FEADERen tant que fonds de déve loppement agrico le et rura l .

OBJECTIFS ET MESURES DES POSEI

Objectifs spécifiques des POSEI

Objectifs des mesures du régime spécifiqued’approvisionnement.(RSA)

Objectifs des mesuresen faveur des productions agricoleslocales (MFPA)

• Insérer les RUP dans la UEen fixant un cadre appropriépour l’application des politiques communes dans cesrégions.

• Maintenir la compétitivitédes produits d’origine communautaire dans l’approvisionnement des RUP.

• Tenir compte des spécificitésdes RUP dans la PAC.

• Contribuer au rattrapageéconomique et social des RUP(développement des productions locales).

• Maintenir la compétitivitédes industries agro-alimentaires locales et du secteur de l’élevage face àla concurrence extérieure, en les approvisionnant au prixle plus bas.

•Permettre le développementdes activités agricoles etagro-alimentaires tradition-nelles disposant de débou-chés et favoriser les autresfilières à forte efficacité pourle développement économiqueet social des RUP.

• Pallier les effets de la situation géographique des RUP par rapport à l’UE.

• Pallier les effets de l’éloignement et de l’insularité(surcoût de l’acheminement,petite taille des marchés,etc…)

• Favoriser la commercialisa-tion des produits agricoles etagro-alimentaires des RUPdans le reste de la communauté ainsi que l’approvisionnement enintrants à un prix compétitif.

Page 12: quelles politiques agricoles

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La production agricole canarienne d’exportationregroupe essentiellement la banane, la tomate,les fleurs et plantes ornementales. Les exporta-tions se font ve rs les pays européens te l sl’Angleterre et la Hollande. Ces secteurs sonttrès organisés au niveau de la production et dumarché pour répondre aux normes réglemen-taires. À destination du marché local, on trouve diffé-rentes cultures de fruits, de légumes et d’éle-vage. Toutefois, ce secteur est moins bien orga-nisé et nécessiterait une restructuration. Laproduction pour la consommation locale a tou-jours été le « parent pauvre » de la productioncanarienne.

Le POSEICAN n’a pas atteint son but

Avant la mise en place de la Politique agricolecommune (Pac), le niveau économique desCanaries correspondait à 50 % du niveau euro-péen. Avec la mise en place de la Pac, ce niveauest aujourd’hui passé à 80 %. Cette améliorationest toutefois insuffisante pour éviter la chuteconstante du secteur agricole car les aides àl’ a g r i c u l t u re re stent insuffisantes, elles sontmal gérées par les administrations et le principede préférence communautaire prévu dans la Pacn’est pas appliqué. On assiste à un déclin du secteur agricole dès lamise en place de la Pac en 1993 aux Île sCanaries, notamment co n cernant l’ e m p loi etcertaines productions. On a pu maintenir la pro-duction de banane, mais la production de toma-

tes a chuté de 50 % en 2005. En raison de la nonapplication du principe de préférence commu-nautaire et de l’ouverture des frontières avecl’Afrique du Nord, la pomme de terre, à destina-tion locale, a chuté, de 124 milliers de tonnes en1985 à 65 milliers de tonne en 2005. Le but duPOSEICAN n’a donc pas été atteint.

Professionnalisation trop faible

P l u s i e u rs problèmes dans le secteur agrico len’ont pas été réglés. Aucune politique co o rd o n-née et définie à ce secteur n’a été mise en place ,l’ a d m i n i st ration lo ca le jouant simplement le rô lede dist r i b u teur des subventions européennes. Lapopulation agrico le continue de vieillir. L’ â g em oyen de l’ a g r i c u l teur est de 58 ans et les jeunesne prennent pas le relais. On ne re n co n t re plusque des « a g r i c u l te u rs de fin de semaine » quit ra va i l lent quelques heures sur le u rs ex p lo i ta-tions. Les revenus re stent insta b les. Le reve n um oyen de l’ a g r i c u l teur canarien co r respond à6 0 % du revenu national espagnol. L’ i n sta b i l i t édans les revenus entraîne un manque de pro f i t .On estime que le pro d u c teur ne re çoit que 25 %du prix de ve n te au co n s o m m a teur, en raison desm a rges co m m e rc i a les abusives des ce n t res ded i st r i b u t i o n .À cause notamment du manque de contrôle phy-tosanitaire aux frontières, plusieurs maladiesparasitaires sont entrées aux Canaries ces huitdernières années et de nombreuses exploita-tions ont été abandonnées à cause des domma-ges causés. Par ailleurs, le secteur souffre d’unmanque de structuration et de professionnalisa-

QUELS SONT LES EFFETSDES POLITIQUES EUROPÉENNESAUX ÎLES CANARIES, AUX AÇORESET À MADÈRE ?

MANOLO REDONDOCOORDINATION DES ORGANISATIONS D’AGRICULTEURS ET D’ÉLEVEURSDES CANARIES (SYNDICAT AGRICOLE COAG CANARIAS)

T É M O I G N A G E

Le revenumoyen del’agriculteurcanarien correspond à 60 % durevenu national espagnol

Page 13: quelles politiques agricoles

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tion : plusieurs expériences malheureuses d’or-ganisations de producteurs font que ces der-niers se méfient de la commercialisation encommun. Ceci a permis le développement d’in-termédiaires et de profiteurs qui font obstacles àl’établissement de circuits de vente plus rému-nérateurs pour les agriculteurs. Il existe unefo r te co n c u r re n ce de produits importés, quiviennent de zones où les coûts de main-d’œuvresont moins élevés et où les normes salariales,

environnementales et de sécurité alimentairesont moins strictes. Il faut également mention-ner le manque de programme de recherche etde laboratoires adéquats dans le domaine del’agro-alimentaire.Enfin, l’urbanisation et la spéculation immobi-lière exercent une pression forte, accrue par lemanque de perspectives agricoles. Les terresagricoles sont ainsi en risque permanent dedéclassement.

VANDA SANTOS SILVASYNDICAT CNA DU PORTUGAL

produisent des céréales, où les grands proprié-taires sont absents (« producteurs absentéis-tes »). Ils ont cessé de produire ou se sont spé-cialisé dans une seule production. Par ailleurs, le problème de vieillissement de lapopulation rurale touche Madère et les Açores.Trop peu de jeunes prennent la relève. La Pacn’est pas capable de résoudre ce problème. Enfin, co n cernant la distribution des aides de laPac, 5 % des pro d u c te u rs portugais re ço i vent 95 %des aides. Retourner aux cultures vivrières dev i e n ta lo rs une néce ssité. Dans une logique de culture sv i v r i è res pour alimenter la population lo ca le ava n ttout, l’ a g r i c u l t u re dans les RUP sera néce ss a i re-ment une agriculture multifo n c t i o n n e l le .

Une agriculturemultifonctionnelle

À Madère, le secteur clé est le to u r i s m e .L’agriculture n’a pas une place significative. AuxAçores, les productions principales sont le lait etla viande. Ici comme ailleurs, la Pac pousse àune spécialisation des cultures, qui pose desdifficultés aux agriculteurs. Deux principaux types d’agriculture caractéri-sent le Portugal. Au Nord et au Centre seconcentre la petite et moyenne agriculture avecune production multifonctionnelle. Au Sud, onrencontre davantage des grandes propriétés qui

Page 14: quelles politiques agricoles

Surface agricole non utilisée • 13 %

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Si l’on retrace l’historique des différents systè-mes de culture vivriers en Guadeloupe, le pre-mier système de culture dont on retrouve latrace est celui des indiens caraïbes, « l’ichali ».Le système de culture caraïbe est pan-tropicalet a une vocation d’auto-subsistance. Il est poly-cultural à base de racines vivrières. Un petit jar-din de case associé à l’habitat permet un petitélevage et la culture de vivres verts et de plan-tes médicinales. L’établissement des Européenssur l’île en 1635 marque les débuts de la mer-cantilisation des produits du jardin et de latransformation du système cultural. Le systèmede culture devient permanent (défrichage) et denouvelles plantes y sont introduites (diversesvariétés d’ignames,…).

Les habitations sucrières ou celles de « culturessecondaires » incluent des pôles de culturesvivrières : cultures intercalées, jardins d’habita-tion, jardins à nègres.Ainsi, le système traditionnel de subsistance telqu’il apparaît au XVIIIe siècle est étroitement lié àl’économie de plantation. Il trouve son fonde-ment dans les besoins, les connaissances, lesavoir-faire des Caraïbes, des esclaves noirs,des colons.

L’ a p rès-abolition permet aux petites pro p r i é t é sen polyc u l t u re de pre n d re de l’ i m p o r ta n ce. Àl’aube du X Xe s i è c le, les grandes lignes du pay-sage agra i re sont donc tra cées. Les jardins cré o-les ou ex p lo i tations tra d i t i o n n e l les sont co n st i-

ÉVOLUTION DES SYSTÈMES VIVRIERSDE CULTURE EN GUADELOUPE

CATHERINE COSAQUE-LORDINOTAGRONOME, DIRECTRICE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNESDU NORD GRANDE-TERRE

T A B L E R O N D E 1ÉVOLUTION DES CULTURES VIVRIÈRES ET RÔLE DANS L’ALIMENTATION HUMAINE

Aujourd’hui, la polyculturecoexiste avecdes systèmespolarisés surl’igname

RÉPARTITION DU TERRITOIRE DE LA GUADELOUPE

Surface non agricole • 19 %Surface toujours en herbe • 46 %

Canne • 33 %

Jardin familiaux • 1,3 %

Cultures légumières • 6 %

Condiments, cultures médicinales • 0,5 %

Cultures frutièressemi-permanente • 8,5 %(bananes export)

Cultures frutièrespermanente • 1,3 %(agrumes)

JachèresFleurs

Surface boisée • 41 %

Surface agricole utilisée • 27 %

Occupation des terres du département Part de chaque cultures dans la surface agricole utile (SAU)

Source : Agreste Guadeloupe n° 1, octobre 2005.

Page 15: quelles politiques agricoles

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PRODUCTIONS VIVRIÈRES ANIMALES EN 2004Effectifs et productions annuelles

N o m b re P ro d u c t i o n Taux

de tête s ( to n n e s ) co u ve r t u rebesoins (%)

C a p r i n s 24 150 2 3 9 16 %( caprin + ov i n )

Po rc i n s 17 750 1 175 20 %B ov i n s 12 100 2 740 38 %O v i n s 3 0 0 5 -Po u lets de chair 1 453 400 2 075 12 %L a p i n s 97 500 1 4 6 36 %Po u les pondeuses 181 700 45 millions 60 %

œ u f sR u c h e s 4 150 166 t de miel 40 %

TAILLE DES EXPLOITATIONS AGRICOLES80 % des agriculteurs ont moins de 5 ha,la moitié des agriculteurs a moins de 2 ha

ÂGE DES AGRICULTEURSPresque la moitié des agriculteursa plus de 50 ans

Sources : Agreste 2003.

Sources : Agreste Guadeloupe n°1 - octobre 2005 et IGUAVIE.

Page 16: quelles politiques agricoles

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systèmes polyculturaux à base de productions vivriè-res sont transformés. Dans les années 1990, on distin-gue alors deux systèmes : une polyculture qui semaintient en marge avec une vocation double de sub-sistance et/ou de vente, des systèmes plus intensifs (biou monocultural) polarisés sur l’igname, qui cher-chent avant tout à maximiser leurs profits.

Comprendre les déterminants économiques stratégi-ques des agriculteurs et prendre en compte la diver-sité des systèmes de culture est indispensable à lamise en place d’un plan de développement adapté.Ainsi, la coexistence de systèmes aux logiques biendifférentiées est un élément majeur à considérer.

tuées d’un mélange st r u c t u ré d’un grand nombre d’es-p è ces vé g é ta les différe n tes et sont destinés à des usa-ges variés allant de l’ a u to consommation à la ve n te .La fin du XIXe siècle marque le début du déclin des cul-tures d’exportation. Après 1946, comme dans l’écono-mie de plantation, le moteur de l’économie est à l’ex-térieur.Ainsi, la crise de l’exportation, le développement dusecteur tertiaire et le mimétisme de la consommationeuropéenne entraînent la régression du secteur pri-maire. C’est la crise du secteur vivrier avec une dimi-nution régulière des surfaces qui lui sont consacrées.Les transferts de la Métropole n’ont pas permis l’aug-mentation de la productivité de l’économie locale. Les

Condiments et plantes stimulantes • 210 haCafé : 125 haVanille : 38 haPiments : 27 haCacao : 15 haThym

Racines, tubercules,Bulbes • 760 haIgname : 400 haPatate douce : 150 haMadère MalangaManioc Dictame

Légumes frais • 1 560 haBanane plantain : 350 haTomate : 200 haConcombre : 180 haPastèque : 150 haMelon hors export / ± 150 haSalade : 80 haCives, Haricots, Aubergines, Poivrons, Courgettes,Choux, Christophine, Giraumon, etc.

Légumes secs • 67 haPois d’angolesHaricots secs,Autres pois

Cultures fruitières permanentes • 583 haAgrumes • 450 ha

Oranges (150 ha), Mandarines, pamplemousses, Limes, etc.

Autres fruits frais • 173 haMangues : 62 haGoyaves : 35 haAvocats : 23 haCoco frais : 21 haCorossols, Caramboles, etc.

Cultures fruitières semi-permanentes • 418 haAnanas : 295 haBanane hors export : 110 haMaracudja : 13 ha

PRODUCTIONS VIVRIÈRES VÉGÉTALES EN 2004SURFACES CULTIVÉES7,8 % DE LA SAU

Sources : Agreste Guadeloupe n°1, octobre 2005.

Répartition des surfaces (ha)

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M A Y O T T E

G U Y A N E

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Nous tenons à rappeler que Mayotte n’est pasune RUP, et à remercier l’UPG pour son invita-tion. Mayotte est une Collectivité départemen-ta le fra n çaise, Te r r i to i re d’Outre-mer depuis1966. Formant la partie orientale de l’archipeldes Comores, Mayotte comprend 2 îles principa-les, pour une superficie totale de 375 km2 etenviron 175 000 habitants, dont près de 40 %i ssus de l’ i m m i g ration des îles voisines. La

population Mahoraise est issue d’un métissagee n t re les populations d’origine bantoue puisswahilie.

Le secteur traditionnel recouvre l’agriculture etla pêche. La surface agricole utile représenteprès de 30 % de la surface émergée de l’archipelde Mayotte, soit 11 000 hectares. La surface parexploitation est très faible avec 55 % des ména-

La Guyane est le plus va ste département fra n ça i s ,a vec 22 communes, dont ce r taines très éte n d u e s .Le déve loppement de l’ a g r i c u l t u re et de l’ é leva g ee st pro g re ssif ces dernières années, dépendantdes te r res gagnées sur la fo rêt et mises en cul-t u re. En 20 ans, le nombre d’ex p lo i tations fa m i l i a-les a été multiplié par 6, de ta i l le très fa vo ra b le .L’ a g r i c u l t u re re p ré s e n te près de 9 % du PIB et0 , 3 % du te r r i to i re. Soit en tout 5 318 ex p lo i ta t i o n set 23 1 9 5 ha de surfa ce agrico le utilisée.Il existe plusieurs types d’agriculture en Guyaneparmi lesquelles une agriculture sur brûlis, uneagriculture intensive avec l’arrivée des aides àl’élevage et une agriculture de type européenne.On trouve une agriculture permanente sur toutela surface montagneuse (gombos, dachines…).C’est une agriculture familiale qui permet sur-tout l’approvisionnement de la famille.

La Guyane produit essentiellement des produitsmaraîchers, des agrumes, du manioc, du riz, dela canne à sucre et des fleurs. La production de

riz bénéficie d’aides financières à la production.Les principales cultures agricoles sont le rizavec 8 295 ha et la canne à sucre avec 240 ha. Laproduction ovine et de viandes diverses bénéfi-cie déjà d’une petite mécanisation.

L’abattis

L’abattis reste le système cultural le plus utilisépar les paysans. Les Haïtiens exploitent les sys-tèmes les plus complexes. L’ a g ro a l i m e n ta i re tient également une placei m p o r ta n te dans la vie économique guya n a i s e .C ’ e st le second poste d’ex p o r tation de la Guya n e .Ce secteur est adapté aux normes te c h n o lo g i-ques et sanita i res européennes. Les pro d u i t sfabriqués sont destinés aux marchés de laC a raïbe et de l’ E u rope co n t i n e n ta le. Les princi-paux opéra te u rs sont les entreprises de tra n s fo r-mation des produits de pêche, notamment la cre-ve t te, du riz, des laitages et du rhum.

ÉTAT DES LIEUX DES CULTURES VIVRIÈRESDANS LES AUTRES RUP

Les productions vivrières progressent en Guyane

SYLVIE HORTHPRÉSIDENTE DES AGRICULTEURS DE GUYANE (GRAGE)

Les cultures vivrières de manioc et de bananes occupent 75 % de la surface agricole

MADI LAGUERRACONFÉDÉRATION PAYSANNE DE MAYOTTE

L’élevage est quasi inexistant

Page 18: quelles politiques agricoles

M A R T I N I Q U E

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On privilégiela ventedirecte ou la vente engroupement

Le secteur agricole est l’un des principaux sec-teurs d’activités en Martinique avec la produc-tion de bananes et de canne à sucre. La surfaceagricole utilisée est de 33 390 ha. L’agricultureest tournée vers la production bananière surune superficie de 9 310 ha.

Les cultures vivrières sont pratiquées depuisdes siècles par les amérindiens dans le bassincaribéen. La colonisation a entraîné de grandschangements au niveau de l’organisation descultures. Dans les plaines se sont développéesles grandes cultures (canne à sucre, cacao,café) et dans les pentes et aux abords des habi-tations le jardin créole qui servait à compléter lanourriture des esclaves. Dans la période desdeux guerres, le jardin créole a connu un certainessor, puisqu’il a permis de nourrir la popula-tion au moment de la crise. Durant ce t tepériode, vivriers et mara î c h e rs co h a b i ta i e n tdans le jardin créole.A p rès les guerres survinrent la crise sucrière etl’apparition de la banane dans les grandes ex p lo i-tations, mais des changements s’ o p è rè rent auss iau niveau du jardin cré o le. On observe l’ exode dela main d’œuvre fa m i l i a le du jardin cré o le ve rs le sh a b i tations et métiers de la ville. Le jardin cré o lep e rd sa fonction d’origine qui était de nourrir le sfoye rs. Ceux qui re stent dans l’activité agrico le sep ro fe ssionnalisent et se modernisent avec l’ a p p a-rition de la mécanisation, l’utilisation d’intra n t s( e n g rais, produits phyto s a n i ta i res, semence sn o u ve l les), apport de main d’œuvre ex t é r i e u re etapparition de la monoculture. Des agriculte u rss’ o rganisent syndica lement et posent des reve n-

d i cations (co u ve r t u re sociale, foncier, finance-ment des ex p lo i ta t i o n s ) .

Enclavement des exploitations

A u j o u rd’hui, les surfa ces vivrières et mara î c h è-res sont en diminution à cause de la spéculationfo n c i è re et des problèmes d’héritage, de l’ e n c l a-vement des ex p lo i tations, de la perte du patri-moine agrico le (va r i a n te, savo i r - fa i re et te c h n o lo-gie), du vieillissement de la population, de la pol-lution des te r res par la chlo rd é cone et enfin del’ i m p o r tation mass i ve de produits agrico le s .Face à cette situation des mouvements de vigi-lance et le syndicat OPAM proposent des solu-tions telles que la création d’association pourredynamiser certaines cultures, la protection dufoncier (occupation des terres, manifestations),le développement d’une agriculture bio et orga-nique (ignames, manioc, toloman). En matièrede co m m e rcialisation, on privilégie la ve n tedirecte dans les marchés de proximité (de com-mune, itinérant, organisation de producteursORGAPEYI) ou la vente en groupement (coopé-rative, société).Pour va loriser les cultures vivrières et mara î c h è-res, des efforts doivent êtres poursuivis sur leconditionnement (en barq u e t tes : exe m p le pro d u i td é coupé prêt à l’ e m p loi tels que cives, soupe…), las u rgélation (dachine, giraumon, banane, pata te . . )et la tra n s formation (co n f i t u re, confiserie, pro-duits déshydratés). Par aille u rs, une info r m a t i o nsur la va leur nutritive des produits lo rs des mar-chés (fiches, démonst rations culinaires) estn é ce ss a i re .

VÉRONIQUE MONTJEANORGANISATION PATRIOTIQUE AGRICULTEURS MARTINIQUE (OPAM)

L’agriculture vivrière victime de la pression foncière, de la pollution et des importations

ges exploitant une surface cultivable inférieure à1 ha, et seulement 1 % exploitant 5 ha ou plus.Les cultures vivrières de manioc et de bananes(30 variétés environ) occupent environ 75 % de las u r fa ce agrico le de l’ î le. L’ é levage est quasiinexistant et l’agriculture reste à l’écart de l’éco-nomie marchande moderne.L’ î le ex p o r te en quantité, ce r tes limitées, lavanille et l’essence d’Ylang-ylang dont la qualitéest reconnue dans le monde entier, mais cesexportations sont en forte régression.

Page 19: quelles politiques agricoles

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On trouve quatre secteurs agricoles principauxdans l’archipel canarien – la banane, la vigne, lapomme de terre, la tomate – et d’autres cultu-res tropicales. Ces dernières années, seule labanane a augmenté en surfa ce. To u tes le sautres cultures ont décliné de manière impor-tante. Les Canaries comptaient 15 000 exploi-tants agricoles lorsqu’elles sont entrées dansl’Union européenne en 1992, co n t re à peine5 000 aujourd’hui et ce malgré les aides. Lerevenu agrico le re p ré s e n te 60 % du reve n umoyen par personne aux Canaries.Les problèmes des cultures maraîchères sontreprésentatifs. Dans le cas de la pomme dete r re, 7 000 tonnes étaient cultivées co n t re70 tonnes à présent. La pomme de terre estpourtant un symbole de l’identité canarienne.

85 % des produits sont importésEn 1992, 12 000 tonnes de viande bovine étaientproduites. En 2000, en raison des importationsimposées par la Politique agricole commune, la

production a chuté à 2 000 et 2 500 tonnes. Leproducteur local ne peut pas concurrencer lesimportations et cela est valable pour tous lesdomaines. 12 millions de tonnes de fromagesont importées.

Il existe également un problème au niveau de lagrande distribution. 15 % des produits agricolesconsommés aux Îles Canaries proviennent de laproduction locale, les 85 % restant viennent del’extérieur.Le déclin du secteur primaire entraîne uneperte de surface. Les Canaries sont un paradispour la spéculation et cela éloigne les agricul-teurs de leurs exploitations. De plus, les sou-tiens de l’Union européenne ne profitent pas àtoute la population. Les différents problèmes sont liés : sécurité ali-mentaire, aucune garantie des prix, moins deproducteurs, moins de production, hausse desprix à la consomation. Il faut tendre vers desstratégies communes pour résoudre ces pro-blèmes. Il y a nécessité à se regrouper pour évi-ter d’être expulsé du milieu rural.

C A N A R I E SRAFAEL HENANDEZ REYÈS

PRÉSIDENT DE LA COAG-CANARIAS(COORDINATION DES ORGANISATIONS D’AGRICULTEURS ET D’ÉLEVEURS)

Les surfaces vivrières en nette diminution

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LE RÔLE DES CULTURES VIVRIÈRESDANS L’ALIMENTATION HUMAINE

Il faut choisir et pré f é rer ces fruits et légumeslo caux, et ceci pour plusieurs raisons. To u td ’ a b o rd, ils sont riches en antioxydants (vita m i n e sA, C, E, polyphénols flavonoïdes (aliments pro te c-te u rs) et leur index glycémique est bas, co m m epar exe m p le pour la pata te douce, malanga, poisde bois, poyo… ce qui permet de limiter les pro-blèmes de poids et de diabète. D’autres alimentsl i b è rent vite leur énergie (glucose) dans l’ o rg a-nisme (index glycémique élevé). Or la capacité destockage du glucose dans les muscles et le fo i ee st limitée, donc si le sucre qui afflue dans le sange st trop important, il se tra n s forme en gra i ss e .Par aille u rs, plus l’afflux de glucose dans le sange st important, plus la sécrétion d’insuline par lep a n c réas est importa n te et plus ce pancréas estsollicité. Et si cet organe est trop fatigué il nep o u r ra plus fabriquer de l’insuline en quantités u f f i s a n te, on devient alo rs diabétique.

Manger mieux pour prévenir les maladiesLes fruits et légumes lo caux sont égale m e n triches en fibres solubles et insolubles. Les fibre si n s o l u b les agissent comme des petites épongesdans l’ i n te st i n ; en se gorgeant d’eau, elles aidentà éliminer les selles plus fa c i lement et co n t r i-buent à év i ter la co n stipation. Le poids et levolume des selles sont augmentés, le temps det ransit diminué, les co n t ractions inte st i n a les sontplus ré g u l i è res. Les fibres solubles, elles, agissent comme un fil-t re au niveau de l’ i n te stin. Elles ass u rent la visco-sité et le glissement du bol alimenta i re, fa vo r i-sent l’élimination du « m a u vais chole st é ro l » etcontribuent à lutter co n t re les maladies ca rd i o-va s c u l a i res. Elles ra le n t i ssent la digestion et l’ a b-sorption des glucides alimenta i res. Elles sontdonc bénéfiques pour les diabétiques : le pic deg lycémie après le repas est moins élevé et plusé tendu dans le temps. Elles auraient égale m e n tun effet bénéfique sur l’absorption de ce r ta i n sm i n é raux (ca lcium, magnésium).Enfin, ces produits permettent de prévenir descancers. On estime en effet que la proportion

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HENRI JOSEPHDOCTEUR EN PHARMACOGNOSIE

Au préalable, rappelons les liens entre identitéet alimentation : au fil des siècles, chaque nationa développé sa cuisine, ses spécialités culinai-res, qui expriment ses particularités culturelles. En Guadeloupe, au nom du progrès, nous neconsommons que très peu d’aliments locaux, etperdons ainsi notre identité, nos traditions, nossavoirs et surtout la créativité, source d’emploi.De plus, les chiffres concernant la santé de lapopulation guadeloupéenne sont alarmants :23 % de la population de plus de 18 ans souffred’hypertension. Les maladies cardiovasculairessont responsables de 33 % des décès dans notredépartement (dont 43 % par AVC1 contre 25 % enMétropole). Le diabète est une priorité de santépublique en Guadeloupe. Il touche 7 % de lapopulation adulte (3 fois plus qu’en métropole).21 % de nos enfants sont en surcharge pondé-rale.L’alimentation est la principale responsable deces problèmes : nous mangeons mal et trop deproduits d’importation. Ce type d’alimentationsans fruits et légumes est trop sucré, trop saléet trop grasse. Tout ceci génère maladies car-diovasculaires, diabète et obésité.Enfin, la prévention ne représente que 3 % desdépenses de santé dans notre département.

Face à cela, il est nécessaire d’encourager lescultures vivrières ou de proximité. Le mondeagricole a quelque chose d’essentiel à ensei-gner : il travaille avec la matière vivante pourfaire vivre les humains. Notre santé réside danscette biodiversité vivante que la nature nousoffre et non dans les produits standardisés despays industrialisés que je qualifierai de produits« morts ». Nous avons en Guadeloupe une floreparticulièrement riche : sur les 3 600 espècesque compte notre flore, nos ancêtres ont laisséun patrimoine de 625 e s p è ces médicinale s ,220 espèces comestibles composées d’environ130 fruits, 60 légumes, 20 tubercules et unedizaine de noix et graines.

L’alimentationimportée esttrop sucrée,trop salée ettrop grasse

1. Accident vasculaire cérébral.

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des cancers qui pourraient être évités par uneconsommation adéquate de fruits et légumesfrais (au moins 400 grammes par jour) s’élève àau moins 20 %.Au lieu de co n ce n t rer les efforts sur la re c h e rc h ede médicaments puissants pour guérir le ca n ce r ,m e t tons plutôt le maximum de nos efforts afind ’ év i ter la maladie. Faisons de la prévention notrec h eval de bata i l le et changeons nos modes de vieet surtout notre alimentation. Pour vivre lo n g-temps et en bonne santé, mangeons frais le pluss o u vent poss i b le (5 à 10 fruits et légumes soit 400g par jour), choisissons les aliments riches ena n t i oxydants, mangeons plus souvent du poiss o nque de la viande car le gras du poisson pro t è g enos artères et le cœ u r …

Soutenir une agriculture saine et diversifiéeFace au constat multiple d’une alimentation demauvaise qualité, d’une pression immobilièreforte, d’une pollution des terres (par le chlordé-cone) et de la flambée du prix du pétrole, il estnécessaire de produire et de consommer locale-ment en nous orientant vers une agriculturesaine et diversifiée.Plusieurs mesures peuvent permettre cela. Ilconviendrait de privilégier les cultures vivrièresou de proximité, de s’équiper de laboratoire deco n t rô le pour ass u rer la tra çabilité des ali-

ments. Concernant la pollution au chlordéconedes aliments, il est urgent d’apprendre auxhabitants de la Basse Terre, plus exposés, à cul-tiver en faisant du hors sol pour leur consom-mation personnelle de racines. La gestion fon-cière doit passer par une réquisition des terresagricoles non polluées (Grande Terre, MarieGalante) pour la culture des tubercules à indexglycémique bas et inonder le marché local pourfreiner l’importation, par une utilisation des ter-res de Basse-Terre pour les fruitiers (papaye,cristophine, agrumes, avocat, goyave, mangues,bananes etc.). Une augmentation de la culturede fruits et légumes, accompagnée d’une plani-fication, permettra de stabiliser les prix. Endéveloppant la transformation, nous serons àmême d’absorber les surplus de production.

SURFACES AGRICOLES UTILISÉES (SAU) :DÉPARTEMENTS FRANÇAIS D’AMÉRIQUE

En hectare SAU Hors SAUGuadeloupe 47 701 28,0 % 122 799 72,0 %Guyane 23 151 0,3 % 8 330 249 99,7 %Martinique 32 041 29,1 % 77 959 70,9 %

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Les Organisations communes de marché (OCM),co n stituent les instruments fo n d a m e n ta u xa u tour desquels l’Union européenne (UE) a arti-culé to u te sa politique de déve loppement agrico lea u t rement désignée sous le sigle Pac (Po l i t i q u ea g r i co le commune), dans le but de lutter co n t reles pénuries alimenta i res au sortir de la guerre .Il s’agit pour nous aujourd’hui de nous intére ss e rexc l u s i vement à l’ évolution de l’une de ces OCM às a voir l’ O C M - s u c re, et ses co n s é q u e n ces surl’ a g r i c u l t u re guadeloupéenne.

La filière sucre de l’UE fait l’objet d’une organi-sation commune de marché depuis 1968, dontles principes essentiels étaient : l’instaurationd’un système de quotas, assorti de prix garantis,une réglementation européenne fixant le niveaude quotas attribué à chaque pays, et une protec-tion du marché européen contre la volatilité desprix du sucre au niveau mondial. Le bilan de 38 ans d’OCM-sucre s’avère globale-ment positif. On observe sur la période une ten-d a n ce cro i ss a n te du rendement sucre enEurope. De même, l’UE est devenue exportatricenet dans toutes les productions agricoles géréespar la Pac. Toutefois, après être restée pendantlongtemps à l’écart des réformes de la Pac,l’OCM-sucre a dû se plier à la pression de plusen plus forte des tenants du libre-échangismeet accepter un certain assouplissement de sonrégime d’organisation interne.

Ouverture du marché du sucre

C’est ainsi que le Conseil européen en sa séancedu 24/11/2005, a adopté un compromis politiqueportant sur la réforme de l’OCM-sucre pour la

période 2006/2015. Les principaux élémentssont la baisse de 36 % du prix du sucre étaléesur 4 ans, assortie d’autres mesures d’ouver-ture du marché européen aux pays les moinsavancés (PMA).Il nous paraît par conséquent opportun d’éva-luer quel peut être l’impact de cette réforme surl’agriculture guadeloupéenne, lequel doit être ànotre sens apprécié à moyen et à long terme.Sur la période allant de 2006 à 2015, on peutconsidérer que le statu quo prévaudra, étantdonné que la compensation intégrale des effetsnéfastes de la réforme semble être acquise, ilen va en revanche tout autrement à long terme,où c’est l’incertitude la plus totale qui prévaut. En effet, au-delà de 2015, nul ne peut prévoirl’impact de l’ o u ve r t u re du marché du sucreeuropéen, compte tenu de l’initiative Lamy etdes accords ACP. La filière canne de Guadeloupepourra t-elle s’adapter à l’ouverture du marchédu sucre, en faisant la preuve de sa capacitéd’une part, à gagner en productivité tant auniveau agricole qu’au niveau industriel, et d’au-tre part, à valoriser au mieux tous les produits,sous et co-produits de la filière ?N’y a t-il pas là, matière à redéfinir une autrest ratégie de déve loppement agrico le pour laG u a d e lo u p e ? Il convient de co n st r u i re une st ra-tégie ayant pour socle les cultures tra d i t i o n n e l-les d’ex p o r tation, mais acco rdant une placei m p o r ta n te à la dive rs i f i cation des cultures etvisant la substitution des produits d’importa-t i o n .

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T A B L E R O N D E 2PLACE ET RÔLE DES CULTURES VIVRIÈRESDANS LE CONTEXTE AG R I COLE GUADELOUPEEN

LA RÉFORME DE L’OCM SUCRE

ALEX VITALISDIRECTEUR DE LA SICAGRA

Une baisse de 36 % duprix du sucre

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ACT U E L

LA RÉFORME DE L’OCM BANANE

EnGuadeloupe,la productionde banane a chuté de plus de40 % entre2003 et 2005

JEAN-MICHEL EMMANUELSICA « LES PRODUCTEURS DE GUADELOUPE »

Le démantèlement pro g re ssif mais co n stant del’ O rganisation commune de marché de la bananea entraîné une augmentation des quantités co m-m e rcialisées par les pays d’Amérique latine etd ’Afrique et une suppre ssion du système co n t i n-g e n ta i re au 1e r janvier 2006. Par aille u rs, le dispo-sitif a maintenu co n sta n te la re ce t te fo r fa i ta i re deré f é re n ce depuis 1998 et aucune co m p e n s a t i o ndes revenus à la hauteur de 0,64 Ä/ kg ne s’ e sto p é rée. Cela s’ e st traduit par une diminution de lap roduction bananière guadeloupéenne qui atte i n ta u j o u rd’hui des niveaux exce p t i o n n e l lement bas1.L’audit réalisé en 2005 par le cabinet COGEA à lademande de l’Union européenne dans le cadrede la révision du fonctionnement de l’ O C MBanane, tel que le prévoyait le règlement CEE404/93, a mis en évidence que la banane est« une activité stratégiquement importante enGuadeloupe […] [et qu’aux] Antilles les recetteseffectivement perçues par les producteurs nesont pas capables de couvrir les coûts de pro-duction et, par conséquent, le revenu des pro-ducteurs est négatif ». Dysfonctionnements quenous ne cessions de dénoncer !

Les objectifs de la ré forme pointent l’ i m p o r ta n cedu secteur de la banane pour le maintien de l’ a c-tivité agrico le et plus largement, pour l’ é q u i l i b reé conomique et social des régions de pro d u c t i o nco m m u n a u ta i res. En effet, il n’y a pas dans l’ a g r i-c u l t u re guadeloupéenne de dive rs i f i cation poss i-b le d’une ampleur suffisante pour re m p l a ce rs i g n i f i ca t i vement la banane. La canne à sucre està peu près à son maximum, l’ananas et le melo no ccupent quelques ce n taines d’hecta res. Les cul-t u res mara î c h è res et vivrières ont ce r tes de ré e l sdébouchés, mais à la fois saisonniers et eux auss it rès limités. L’ é levage offre de ré e l les pers p e c t i-ves, mais ne pourra mobiliser autant de salariésque la banane. Par ailleurs, la réforme se construit sous lanécessité de se conformer aux grandes orienta-tions politiques en vigueur (Pac ré fo r m é e ,contraintes liées aux engagements internatio-naux, contraintes financières de l’UE…).

Les pro d u c te u rs européens de banane ré u n i sdans le ca d re de l’A P E B2 ont proposé les basesd’une ré forme du vo let interne de l’OCM dans leca d re de l’ a cco rd dit « de Madère », signé le9 s e p te m b re 2004 par l’ e n s e m b le des org a n i s a-tions de pro d u c te u rs européens. Les quatre Éta t sm e m b res pro d u c te u rs de banane (Chypre ,l’Espagne, la Fra n ce et le Portugal) ont tra n s m i sà la Commission le 19 s e p te m b re 2005 un mémo-randum commun re p renant l’ e ssentiel de ce sp ro p o s i t i o n s .

Une enveloppe financièreà la hauteur du rôle économiqueet social de la banane

Ce memorandum pré conise l’ o c t roi d’une enve-loppe financière fixe de 302 MÄ par l’Union euro-péenne co r respondant au montant des aidesco m p e n s a to i res ve rsées à l’ e n s e m b le desrégions co m m u n a u ta i res pro d u c t r i ces de bana-nes en 2000, année où les co u rs avaient étéexce p t i o n n e l lement bas depuis la mise en placede l’OCM en 1993. Chaque pays pro d u c teur dispo-s e rait ainsi d’une enve loppe budgéta i re annuellef i xe qui serait utilisée de manière différe n c i é es e lon les spécificités de chaque région de pro-duction. Le montant de ce t te enve loppe co r re s-pond au montant le plus élevé des aides ve rs é e spar l’UE au co u rs de la période 2000-2004. Il a étére tenu de fa çon à tenir co m p te des effets atte n-dus que la suppre ssion des contingents ta r i fa i re sd ev rait logiquement avoir sur le niveau des prixet donc des re ce t tes co m m e rc i a le s .Les États pro d u c te u rs de banane proposent éga-lement un dispositif tra n s i to i re d’ajustement del’ e n ve loppe pendant trois ans, afin de pre n d re enco m p te les effets du nouveau régime d’importa-tion co n s é c u t i ve à la mise en place du tarif doua-nier de 176 Ä/t le 1e r janvier 2006, dont le nive a u

1. La production de banane a chuté de plus de 40 % passant de 93 600 T en 2003à 51 700 en 2005. Le nombre de producteurs actifs a diminué de plus de 30 %passant de 325 à 241 et plus de 1 500 salariés ont été licenciés.2. Association des producteurs européens de banane.

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L’ a g r i c u l t u re des RUP, et le u rs productions vivriè-res en particulier, évoluent dans un co n tex tee u ropéen marqué par les ré formes ré ce n tes de laPolitique agrico le commune (Pac) et du POSEI,outil spécifiquement destiné aux RUP.Dans l’objectif de renforcer la compétitivité del’agriculture européenne, de faciliter le proces-sus d’élargissement et d’améliorer le position-nement de l’UE dans le cadre des négociations àl’OMC, la Commission européenne a décidé uneréforme de la Pac en 2003 (également destinéeà la simplifier). Cette réforme s’appuie sur ledécouplage des aides à la production, la dégres-sivité et la modulation des aides, de façon pro-gressive dans le temps, et leur conditionnalité.Le versement est en effet subordonné au res-pect de normes environnementales, sécuritaireset sanitaires.

Les RUP exonérés du découplage des aides

Dans une démarche commune, la Fra n ce ,l’Espagne et le Portugal évoquent la nécessitéd’adapter ou de compléter les propositions enfonction de la situation particulière des RUP.Ceci conduit en mars 2003 à un mémorandumRUP. Celui-ci table sur l’exonération du décou-plage pour les RUP, qui permet de sauvegarderles perspectives d’accroissement des produc-tions. Les secteurs banane, riz, viandes bovine,ovine et caprine (pour les DOM) sont notammentconcernés. Il exonére les RUP de l’application dela modulation des aides, un transfert dans lePOSEIDOM des primes à l’ é levage co u p l é e s

sous forme d’un programme élaboré par l’État-membre, et la définition d’un taux de finance-ment plafonné à 85 % dans les RUP pour lesmesures de développement rural. Il pose égale-ment un traitement différencié pour les RUPpour la future OCM Sucre, et la délégation ducadrage de la conditionnalité des aides aux RUP.

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LES RÉFORMES DE LA PAC ET DES POSEI

ANNIE BERTHON-WARTNERMINISTÈRE DE L’OUTRE-MER,DIRECTION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SOCIALES ET CULTURELLESDÉPARTEMENT DE L’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE

LE VOLET DU RÉGIME SPÉCIFIQUED’APPROVISIONNEMENT (RSA )

Les mesures du RSA visent à faciliter l’approvisionne-ment des RUP en produits destinés à la transformationet en intrants agricoles afin de maintenir la compétiti-vité des industries agro-alimentaires locales et du sec-teur de l’élevage face à la concurrence extérieure, depallier les surcoûts d’éloignement et d’insularité et deprivilégier les pays en développement dans l’approvi-sionnement des DOM.La priorité est donnée à l’alimentation animale et auxi n d u stries agro - a l i m e n ta i res avant l’ a l i m e n ta t i o nhumaine. L’aide consiste à exonérer de droits de doua-nes les produits en provenance des pays tiers et à ver-ser une aide communautaire pour les produits originai-res du marché européen, en veillant à ré p e rc u te rl’avantage jusqu’à l’utilisateur final.La réforme du POSEI prévoit une gamme de produitsélargie, la revalorisation des aides unitaires, l’ouvertureau commerce régional et la fin de la préférence com-munautaire.

e st co n s i d é ré comme étant exce ss i vement élevépar les pays tiers. N’oublions pas que le tarif ini-tial qui avait été proposé était de 230 Ä/T, puis1 8 7 Ä/ T. To u te baisse de ce tarif se tra d u i ra iné-l u c ta b lement par une baisse des prix pro p o s é spar la co n c u r re n ce et donc par une diminutiondes re ce t tes des pro d u c te u rs co m m u n a u ta i re s .Enfin, il est demandé que soit accordée à chaqueÉtat membre la possibilité de venir en aide à cesproducteurs.

La proposition approuvée le 20 septembre 2006par la Commission européenne comporte uneenveloppe financière de 278.8 MÄ et une clausede révision dans le POSEI. L’APEB analyse posi-t i vement le montant proposé sous ré s e r vequ’une clause dans le règlement implique clai-rement que le montant de l’enveloppe puisseêtre révisé en cas de baisse des prix.

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LE VO L E T D E S M E S U R E S E N FAV E U R D E L A P R O D U CT I O N AG R I CO L E( M F PA)

Ce vo let co m p rend 7 mesures (voir ta b leau 1). Seules sont déve loppées icice l les en fa veur de l’ é levage, de la dive rs i f i cation de la production vé g é-ta le, et de la filière ca n n e - s u c re - r h u m .

Les aides à l’ é leva g eE l les sont au nombre de 3 :

• Les primes animale s : il ex i ste 3 primes : l’aide au déve loppement etau maintien du cheptel allaitant (ADMCA), la prime à l’ a b a t tage (PA B )et la prime aux petits ruminants (PPR). Ces primes visent à déve lo p p e rla production de viande afin d’augmenter le taux de co u ve r t u re desbesoins lo caux, à améliorer la st r u c t u ration des filières par incitation àl’ a b a t tage dans des abatto i rs agréés, à inciter à l’ a u g m e n tation du ta u xde prolificité du cheptel et à l’ a u g m e n tation du poids unita i re des ca r-ca ss e s .• L’aide à la st r u c t u ration de l’ é leva g e : En Guadeloupe, ce t te st r u c t u-ration est ass u rée par l’ i n te r p ro fe ssion IGUAVIE, dont le pro g ra m m eco m p o r te 3 vo le t s : aides aux éleve u rs, aides aux st r u c t u res et anima-tion des pro g rammes et des st r u c t u re s .• L’aide à l’ i m p o r tation d’animaux viva n t s, qui vise à l’ a m é l i o ra t i o ngénétique des animaux et à aider à la co n stitution de chepte l s .

Les aides à la dive rs i f i cation vé g é ta leD e stinées aux filières fruits et légumes, cultures vivrières, fle u rs, riz, ainsiqu’aux plantes aromatiques, à parfum et médicinales (non déve loppé ici),ces actions ont pour objectifs de satisfa i re les besoins du marché lo ca l(ménages et re sta u ration hors foyer), d’ass u rer un revenu équita b le à cha-que pro d u c teur et de co n fo r ter les marchés de niche à l’ ex p o r t .Ceci à tra ve rs 4 types d’aides :

• Aide à la co m m e rcialisation sur le marché lo ca l : ce t te aide a pourobjectif de st r u c t u rer la production par le re g roupement de l’ o f f re et defa voriser l’ o rganisation et la planification de la production par laco n t ractualisation. À co m p ter de 2009, seuls les pro d u c te u rs re g ro u-pés en Organisation de pro d u c te u rs (OP) re connue bénéficieront del’aide. • Aide à la tra n s fo r m a t i o n : e l le vise à fa voriser la tra n s formation desp roduits lo caux afin d’élargir les débouchés de la production sur lem a rché lo cal et de créer de l’activité et des emplois. • Aide à la co m m e rcialisation sur l’UE co n t i n e n ta le de produits frais out ra n s formés à partir de matières pre m i è res ré coltées dans les Dom. • Actions d’accompagnement des filière s : a vec un objectif à terme dec réation d’une inte r p ro fe ssion, ces actions soutiennent les OP re co n-nues par une aide à la co l le c te, une aide au transport de l’OP au dist r i-b u teur final, et un soutien à la consommation de fruits et légumeslo caux par les co l le c t i v i t é s .

Les aides à la filière ca n n e - s u c re - r h u mE l les ont pour objectif le maintien de la filière dans un co n tex te difficile ,tant pour les sucreries avec la ré forme de l’OCM sucre, que pour les dis-t i l leries :

• Aide fo r fa i ta i re d’adaptation à l’OCM sucre de l’ i n d u strie sucrièredans les DOM (aide aux sucreries moyennant ce r tains engagements enco n t repartie), • Aide au transport des ca n n e s ( P O S E I D O M )• Aide à la tra n s formation de la canne en rhum.

Le POSEIDOM ré formé à la suite de la Pa c

La décision du Conseil européen du22/12/1989 assigne au POSEIDOM( P ro g ramme d’options spécifiques lié àl’ é loignement et à l’insularité des DOM)p l u s i e u rs objectifs. Ce pro g ramme doitco m b ler le re ta rd st r u c t u rel et obte n i run niveau de vie équita b le pour les pro-d u c te u rs. Il doit par aille u rs fa c i l i ter l’ i n-sertion dans le marché intérieur de 1993et augmenter la co o p é ration ré g i o n a le .Les OCM ex i sta n tes doivent être appli-qués et adaptés au DOM. Enfin, il doitcontribuer à une meille u re co u ve r t u redes besoins par la production lo ca le .Le POSEIDOM est destiné à appliquerles politiques communes dans le sDOM mais prévoit des adapta t i o n sré g le m e n ta i res pour ré p o n d re à laspécificité des DOM. Après plusieursévolutions dans le temps, le POSEI estré formé en 2006 afin de s’ i n s c r i re dansla ré forme de la Pac de 2003. Le nou-veau rè g lement POSEI, applica b le àl’ e n s e m b le des RUP à partir d’octo b re2006, prévoit un tra n s fert de la gest i o nve rs les États membres (principe desubsidiarité), sous forme de pré s e n ta-tion par chaque État membre d’un pro-g ramme co m p o r tant 2 vo lets : (RSA)Régime spécifique d’approv i s i o n n e-ment et (MFPA) Mesures en fa veur desp roductions agrico les (voir enca d ré s ) .

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TABLEAU 2 : ATTRIBUTIONS FINANCIÈRES DES MESURES DU POSEI

Mesures Attributions 2007 (Ä) % du total

RSA RSA 20 700 000 16,35 %

MFPA Primes animales 14 700 000 11,61 %Importations d’animaux 1 400 000 1,11 %Structuration de l’élevage 18 400 000 14,53 %Diversification végétale 12 600 000 9,95 %Filière canne sucre rhum 57 600 000 45,50 %Réseaux de références 400 000 0,32 %Assistance technique 800 000 0,63 %

TOTAL 126 600 000 100 %

LES ACCORDS DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE(APE) : UN ACCORD COLONIAL

PAR ALAIN PLAISIRSYNDICAT CTU DES DOUANES

A m é l i o rer l’ a u to - a p p rov i s i o n n e m e n tLe nouveau pro g ramme POSEI Fra n ce a pourpriorité l’ a m é l i o ration de la compétitivité del’ a g r i c u l t u re et des industries agro alimenta i re s ,la consolidation d’une agriculture de proximité aus e r v i ce du marché lo cal, pour une meille u recohésion économique et sociale des populations.Ils doivent tra cer les nouve l les pers p e c t i ves ded i ve rs i f i cation, de va leur ajoutée et d’ex p o r ta t i o npour l’ e n s e m b le des filières, et pours u i v re unaménagement équilibré et dura b le du te r r i to i rer u ral, notamment en protégeant l’ e n v i ro n n e m e n tet en pré s e r vant les re ss o u rces nature l le s .Ces priorités se déclinent en objectifs opéra-tionnels. Les POSEI doivent permettre l’amélio-ration de l’auto approvisionnement de la popula-

tion locale et de l’économie productrice d’em-plois par l’augmentation de la production et led éve loppement de filières de dive rs i f i ca t i o norganisées et structurées. Ils visent par ailleursà consolider le déve loppement de la filièrecanne à sucre, et à créer de valeur ajoutée localeau moyen de la transformation fermière, artisa-nale ou industrielle de produits locaux.

La fiche financière du POSEI pour 2007 est pré-sentée dans le tableau 2.Dans le contexte financier contraint de l’Unioneuropéenne, le nouveau POSEI constitue une« caisse à outils », une occasion inespérée definancer le développement de l’agriculture desRUP. C’est maintenant aux producteurs, aidéspar la DDAF, d’exploiter pleinement cet outil.

Officiellement, les Accords de partenariat éco-nomique (APE) sont des accords commerciauxbasés sur la logique du partenariat économique.D ’ a p rès les Européens, ces instruments dedéveloppement s’attachent à renforcer les inté-g rations économiques ré g i o n a les des zonesAfrique, Caraïbes, Pacifique (ACP) concernées età favoriser leur insertion dans l’économie mon-diale.

En d’autres termes, les APE visent l’éliminationdes restrictions tarifaires et non tarifaires surl’essentiel des échanges commerciaux, la sim-plification administrative et la généralisation dulibre échange.En réalité, les acco rds de partenariat éco n o m i q u esont issus de l’ a cco rd de Cotonou qui est l’ i n st r u-ment par lequel l’Union européenne co n t ra i n t7 7 pays ACP à se soumettre aux acco rds de

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M a r ra kech, qui sont eux-mêmes issus des rè g le sde l’OMC. Les Acco rds de l’OMC co n co u rent to u saux mêmes objectifs : libéraliser le co m m e rcemondial en ouvrant les fro n t i è res et en abatta n tles barrière s ; appliquer à to u tes activités le sprincipes de la co n c u r re n ce et les lois du marc h é .Il en ex i ste une douzaine1. Deux acco rds nousi n t é re ssent plus particulière m e n t : l’A cco rd géné-ral sur les tarifs douaniers et le co m m e rce, ilco u v re le domaine des marchandises, et l’A cco rdg é n é ral sur l’ a g r i c u l t u re .

Éliminer les barrières tarifairesCes accords, quels que soient leurs objets sec-toriels, sont gouvernés par quelques grandsprincipes. Ainsi l’acte final de Marrakech donnel’obligation de tendre vers une libéralisationprogressive et accrue. Tous les pays doiventthéoriquement être ouverts à toutes les impor-tations dans tous les domaines ; ils doivent de cefait non seulement réduire à zéro les barrièrestarifaires, mais aussi éliminer les barrières nontarifaires. En réalité, l’agriculture est un desexemples les plus frappants de cette politique àdeux vitesses pratiquée par les pays riches. Letotal des subventions accordées aux agricul-teurs des pays de l’Organisation de coopérationet de développement économique (OCDE) ontaugmenté de 50 % depuis l’époque de l’Uruguayround, jusqu’à 370 milliards de dollars (M$)aujourd’hui, soit à plus de 1 M$ par jour. Cessubventions, qui vont majoritairement à l’agri-culture productiviste, génèrent des excédentsvendus à perte sur le marché mondial. C’estdans ce contexte qu’il faut comprendre l’APE.

Rien à vendreLe 16 avril 2004 a eu lieu l’ouverture des négo-ciations entre l’Union européenne (UE) et leCARICOM sur la conclusion d’un accord de par-tenariat économique. Cet accord nous concerneau plus haut point car il prévoit une libéralisa-tion des échanges entre l’Union européenne etles États voisins de la Caraïbe. C’est au titre de« région euro p é e n n e » que nous sommesconcernés par cet accord. L’accord prévoit unezone de libre échange dans la Caraïbe.Cet accord doit être finalisé en décembre 2007.Concrètement, il y aura dans moins de trois ansun libre marché entre la Guadeloupe et nos voi-sins de la Caraïbe. Pour atteindre cet objectif,

l’UE supprimera les droits de douane et lestaxes d’effets équivalents, et du côté du Caricomles listes négatives (droits de douane prohibi-tifs). Les obsta c les non ta r i fa i res te l les le smesures sanitaires et phytosanitaires… serontégalement supprimés.Selon les milieux dirigeants de la Guadeloupe,l’Accord de partenariat économique (APE) vaa ccé l é rer les échanges et permettre à laG u a d e loupe d’ex p o r ter dans la Caraïbe. Orl’analyse de nos exportations actuelles - nourri-ture et animaux vivants, plus quelques produitsmanufacturés provenant de l’Union européenne- et le faible taux de couverture de nos importa-tions par nos exportations (1,44%) montrent quedans l’ é tat actuel de notre économie, nousn’avons rien à vendre.

Le vrai gagnant, l’UEQuant à nos amis de la Caraïbe, en dehors desproduits de l’agriculture et de la pêche (concur-rents de notre propre production), ils n’ont rienà nous vendre. En réalité le vrai gagnant de cetaccord de libre échange est l’UE ou tout aumoins ses entreprises. L’Union a profité desaccords de Cotonou pour remplacer un systèmede préférence non réciproque en système delibre échange qui ne profite qu’aux pays les pluspuissants. Il est devenu clair que l’objectif pour-suivi par l’UE n’est pas la solidarité, mais lacréation de nouveaux espaces durables pour lesentreprises européennes où elles bénéficierontpleinement des possibilités offertes par l’exis-tence garantie dans la durée de larges marchés,accessibles aux conditions préférentielles.D’autre part est-on vraiment sûr de conserverl’octroi de mer, quand est prévue dans l’accordla suppression des droits de douane et de toutestaxes d’effets équivalents.

En réalité ni le peuple de la Guadeloupe, ni lespeuples de la Caraïbe, n’ont à gagner dans cettezone de libre échange.

L’Union européennecontraint 77 pays ACPà se soumettreaux accordsde Marrakech

1. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, il couvre le domainedes marchandises ; Accord général sur le commerce et les services AGCS,Accord général sur l’agriculture ; Accord sur le droit de propriété intellectuelle liéau commerce ; Accord concernant les mesures d’investissement et liées au com-merce ; Accord sur les obstacles techniques au commerce ; Accord sur les mesu-res sanitaires et phytosanitaires ; Accord sur les règles de procédures régissantles règlements des différends ou l’organe de règlement des différends (ORD). ■

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LA POLLUTION DES SOLSEN GUADELOUPE ET EN MARTINIQUE

La décontami-nation dessols prendraplusieurssiècles

YVES-MARIE CABIDOCHEINRA ANTILLES-GUYANE

19 % de la surfaceagricoleen Martiniqueest impropreà la cultureet 11 % enGuadeloupe, à cause de lachlordécone

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En Guadeloupe et en Martinique, les culturesvivrières font face à un grave problème : la pol-lution des sols par la chlordécone.La chlordécone est un insecticide organochloréde synthèse, utilisé entre 1972 à 1993, pour lut-ter contre le charançon du bananier. Cette molé-cule est résistante à la dégradation (pas de bio-dégradation aérobie connue), très peu soluble etfortement adsorbée (« collée ») sur la matièreorganique des sols.Un réseau de parcelles a été sélectionné pour lafiabilité des chroniques d’apports de chlordé-cone reconstituées. Des mesures de teneurs encarbone et en chlordécone ont été effectuéessur la couche superficielle de leurs sols (0-30cm de profondeur). Un modèle de lessivage lentpar les eaux de drainage a été construit, puisvalidé à partir de ces données parcellaires.

Principe de précautionIl en ressort que la décontamination des solsprendra plusieurs siècles pour les sols de bana-neraies régulièrement traités entre 1972 et 1993. Cette crise de pollution par la chlordécone estune caricature des excès de l’intégration defilière de cultures d’exportation, dans laquelleles intérêts des plus gros pro d u c te u rs sesituaient aussi en amont et en aval de la produc-tion.Peut-on faire des cultures vivrières sur les solspollués par la chlordécone aux Antilles ? Les« légumes racines » poussant sur sol contaminépar la chlordécone sont eux-mêmes contami-nés. Différentes mesures sont prises en consé-quences. En 2003, le principe de précaution est appliqué.Des arrêtés pré fe c to raux sont pris enGuadeloupe et Martinique, obligeant l’agricul-teur à montrer par analyse (à ses frais) que saré co l te obtenue sur un sol co n taminé estindemne ; sinon, il doit la détruire. Cette situa-tion donne un coup de frein brutal aux culturesvivrières. Peu de pistes sont disponibles pouralléger la contrainte, le décapage est envisa-geable seulement pour les sols jamais labourés(bananeraies pérennes). Des décapages en cré-

neaux localisés dans des systèmes de cultureont été testés, mails ne sont efficients que pourdes sols jamais labourés, ou peu profondément ;ils sont techniquement délicats à gérer, notam-ment par l’obligation d’y adjoindre des pratiquesanti-érosives.Sur les sols pro fondément co n taminés, unereconversion vers des plantes non vivrières, oudes plantes non alimentaires (énergétiques) està envisager.

Seuil de toxicitéDepuis 2005, le principe de prévention (aprèsrésultats de recherche, sur un sujet peu réfé-rencé) est applicable. L’AFSSA définit des limitesmaximales provisoires (LMP) de résidus dansles aliments (50 µg/kg pour ignames, madères,patates douces), traduites en arrêté ministériel.L’INRA et le CIRAD montrent que la teneur enchlordécone des « légumes racines » frais estinférieure à 1/5e de la teneur dans les sols ; il estalors possible de définir une teneur maximaleen chlordécone des sols (250 µg/kg) en deçà delaquelle la faible contamination des « racines »sera sans incidence sur la santé humaine.Il s’ensuit la possibilité d’admettre des contami-nations légères des sols et végétaux, à traduireen termes ré g le m e n ta i res. Cette attitude seheurte pourtant à deux objections. Inquiets, cer-tains consommateurs et distributeurs n’admet-tent pas que l’on passe de la tolérance zéro àdes contaminations quantifiées. Par ailleurs, lerèglement de l’Union européenne applique pourl’instant le principe de précaution (teneur enchlordécone des sols inférieure à la limite dequantification, 0.01 mg/kg).

Selon ce principe de prévention, et après carto-graphie des surfaces potentiellement contami-nées et traitement des données d’analyses desols obtenues dans l’ a p p l i cation des arrê t é spréfectoraux, les surfaces contaminées interdi-sant les cultures vivrières dans le cadre des LMPde l’A FSSA sont évaluées à 5 200 ha enGuadeloupe (11 % de la SAU), 6 200 ha enMartinique (19 % de la SAU).

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Reconversion vers des culturesnon alimentairesLes cultures vivrières y sont impossibles. Labanane, la canne à sucre peuvent continuer à yêtre pratiquées, avec un risque d’avoir un jourune détection de contamination dépassant lalimite de quantification. Il ne s’agit pas d’un ris-que sanitaire, mais commercial. Des solutionsde reconversion vers des cultures non alimen-taires sont donc à étudier.Sur les surfaces non ou peu contaminées, desols « volcaniques » fertiles, il est urgent demettre au point et d’installer des systèmes decultures à moindres intrants.Il faut désormais les cultiver de manière dura-ble, avec un souci de conservation des ressour-ces patrimoniales. Les cultures vivrières devrontêtre en rotation avec de la canne, de la banane,des herbages… pour minimiser l’installation defoyers parasitaires. Des associations avec desplantes de service, déployant des interactionsbiologiques pour minimiser l’usage des pestici-des, herbicides et engrais, font actuellementl’objet de recherches.Il faudra aussi valoriser l’image commerciale etcitoyenne de ces cultures propres, notammentpar la traçabilité des produits.

QU E L L E P L AC E P O U R L E S P R O D U CT I O N S V I V R I È R E SDA N S L’AG R I C U LT U R E G U A D E LO U P É E N N E ?

PHILIPPE ROTINUPG

La place qu’occupent les productions vivrièresdans l’ a g r i c u l t u re guadeloupéenne, et plusgénéralement dans l’agriculture des RUP, estétroitement liée aux cultures coloniales d’ex-portation : ici en Guadeloupe, la canne à sucre etla banane. En effet, il y a un lien historique fortentre cultures d’exportation et cultures vivriè-res. À l’époque co lo n i a le et pra t i q u e m e n tjusqu’à aujourd’hui, ces deux types de culturesont coexisté dans un équilibre largement enfaveur des cultures d’exportation. Les meilleu-res terres leur étaient réservées, reléguant lescultures vivrières dans les bas-fonds ou leszones accidentées (coteaux…). Les travaux derecherche, les financements… ne s’intéressaient

qu’aux seules cultures coloniales. La structura-tion et l’organisation de la production ne concer-naient que ces mêmes secteurs.Cependant, ce rapport entre cultures co lo n i a le set productions vivrières s’ e st modifié (et co n t i n u ede se modifier) principalement du fait des diffi-cultés que co n n a i ssent les cultures d’ex p o r ta t i o nsur le marché européen et mondial. En effet, ledéclin de ces cultures s’ a m o rce dès les années1960 pour la canne à sucre et dans les années1990 pour la banane. Il est pro g re ssif et s’ a cco m-pagne en ce r tains endroits de libération de surfa-ces, qui se tro u vent ainsi disponibles pour d’au-t res productions. En réaction à ce t te crise de lacanne puis de la banane, les pro d u c te u rs ont

Les travauxde recherche,les financementsne s’intéres-saient qu’auxcultures coloniales

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Les productionsvégétalesdestinées aumarché localreprésentent7,8 % de lasurfaceagricole

d éve loppé de nouve l les st ratégies pour équilibre rleur revenu, re g roupées sous le vo ca b le de d i ve r-s i f i ca t i o n. Les productions vivrières vé g é ta les eta n i m a les ont ainsi pris une dimension nouve l ledans les ex p lo i tations. Ce phénomène a été re n-fo rcé par la mise en œuvre de la ré forme fo n c i è reen 1983, qui a donné naiss a n ce à une nouve l lec l a sse paysanne, ayant la possibilité de co n s a c re r4 0 % de sa surfa ce à la dive rs i f i ca t i o n .

Parallèlement à cette réaction des producteurs,la politique de l’Union européenne concernantles régions ultramarines a également pris encompte les difficultés des secteurs canne etbanane, et de leurs régions productrices, à tra-vers les programmes d’options spécifiques àl’éloignement et à l’insularité de ces régions(POSEI). Pour les DOM français, le POSEIDOMadopté en 1989 mentionne entre autres objectifsla nécessité d’« aller vers une meilleure couver-ture des besoins par la production locale »,comme l’a évoqué Mme Berthon-Wa r t n e r.Cependant, il n’a été appliqué que plus tard dansles années 90.

Des organisations deproducteurs récentes et fragiles

A u j o u rd’hui, les décisions imposées par l’OMC etla PAC dans le co n tex te de la mondialisation éco-nomique accentuent le déclin des cultures d’ex-p o r tation dans les RUP. Concernant les pro d u c-tions vivrières, on note tout ré cemment enG u a d e loupe une amorce de st r u c t u ration de lap roduction. Les pro d u c te u rs te n tent de pass e rd’une situation « s u b i e », puisque la dive rs i f i ca-tion s’ e st imposée tout d’abord à eux par néce s-sité de pré s e r ver leur revenu, à une situation oùp ro d u i re pour le marché lo cal re l ève d’une st ra-tégie plus co n certée et plus org a n i s é e .Cependant, de nombreux handicaps au dévelop-pement des productions vivrières pers i ste n t .Avec la mise en place prochaine des APE dans laC a raïbe, les productions vivrières sero n tconcurrencées par celles de nos voisins, commel’a expliqué M. Plaisir. Cela menace de ruiner lesefforts actuels des producteurs. Les productionsvivrières ne bénéficient toujours pas de politi-ques de financement propres et les program-mes de recherche qui leur sont consacrés sontrelativement récents et leurs résultats insuffi-

samment valorisés auprès de la profession agri-cole. Les organisations de producteurs, quandelles existent, sont très récentes et fragiles, dis-posant de peu de moyens.Par ailleurs, les structures de productions sontinsuffisamment aménagées (voiries, électricité,irrigation…) et une partie non négligeable desterres agricoles est polluée par la chlordécone.À cela s’ajoute la réduction dramatique du fon-cier agricole, d’années en années, au profit del’urbanisation.Enfin, les habitudes de consommation ne don-nent pas la priorité aux produits vivriers guade-loupéens, comme l’a souligné hier le DocteurHenri Joseph et les circuits de commercialisa-tion sont mal connus et exploités par les pro-ducteurs. Il manque notamment des places devente directe…Les chiffres de la situation actuelle des produc-tions vivrières en Guadeloupe montrent qu’ilreste beaucoup d’efforts à faire pour améliorerla couverture des besoins de la population. En2004, les productions végétales destinées aumarché local (légumes frais et secs, racines ettubercules, cultures fruitières, condiments etcultures stimulantes) représentaient 7,8 % de laSAU, soit 3 400 ha, contre 33 % pour la canne et7 % de la banane d’exportation. Nous ne dispo-sons pas des chiffres de taux de couverture desbesoins pour ces productions végétales, maisles importations sont loin d’être négligeables,n o tamment pour ce r tains produits (ca ro t te s ,poireaux, ignames…). Concernant les produc-tions animales, le taux de couverture moyen desbesoins n’est que de 33 %. Un autre chiffrepréoccupant est la moyenne d’âge des agricul-teurs : presque la moitié d’entre eux ont plus de50 ans et les difficultés de transmission et d’ins-tallation remettent en question la possibilitépour les jeunes de relever le défi de l’autonomiealimentaire…Pour conclure, au vu de toutes les contraintesénoncées, le développement des productionsvivrières risque fort de rester un leurre s’il n’y apas une politique réelle d’accompagnement deces productions, dans un ca d re st ra t é g i q u edécidé. Une politique volontariste, sincère etferme, est nécessaire pour nous permettre enfinde passer d’un schéma d’agriculture subie à unschéma décidé, destiné à mieux satisfaire lesbesoins et attentes des citoyens.

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LES ATTENTES DE LA SOCIÉTÉ EN MATIÈREDE PRODUITS AGRICOLES ET DE SERVICES

MICHELINE HATCHICONSOMMATRICE

Je ne peux que saluer l’initiative de l’ADEARG etnote avec plaisir la collaboration étroite avecl’UPG et d’autres instances ; quand de grandsobjectifs sont visés, il est possible de mettre enbranle les meilleurs moyens.Ce co l loque n’est enco re une fois qu’une ré a c t i o nfa ce aux éternels soubresauts de notre éco n o m i ea g r i co le, aux crises ré c u r re n tes dans l’ o rg a n i s a-tion de l’ a g r i c u l t u re guadeloupéenne. Ces situa-tions sont la ré s u l ta n te d’une absence de politi-que agrico le ré e l le adaptée à notre société.Au-delà de ces multiples problèmes, cette der-nière s’accorde le temps de s’arrêter sur dessujets majeurs, par exemple celui de sa santé.Qui n’est pas déboussolé et inquiet par rapportà l’affaire du chlordécone ?Trop longtemps infantilisés, les Guadeloupéenss’émancipent et expriment avec vigueur qu’ilssavent ce qui est bon pour eux, peu importe lesilence ou l’avis des responsables politiques.Actuellement, parler santé, c’est mettre au pre-mier rang notre alimentation dont le socle sontles fruits et légumes. Nous sommes très sensi-bles, voire fiers, de la médiatisation faite autourde la bonne qualité de nos produits, fraîcheur etr i c h e sse au soleil. C’est donc en to u teconscience que les consommateurs font le choixd’en faire la base d’une nourriture relativementsaine et équilibrée.Il va sans dire qu’ils comptent sur le dynamismedes agriculteurs de la filière et sur la régularitéet la qualité de leurs produits. Le risque d’unefluctuation du marché local, liée aux aléas cli-matiques ou aux mouvements sociaux, doitnéanmoins être pris en compte.

Constances des contrôles ?

Malgré l’esprit de coopération, les consomma-teurs souhaitent que les producteurs et reven-deurs imposent une échelle des prix ne variantpas au gré des humeurs des uns et des autres.La population ne donne pas quitus sur les varia-tions intempestives des prix.Cette stratégie tendra, j’en suis convaincue, àmieux réactiver le marché.

Exigeants, les Guadeloupéens aiment bien man-ger, du beau et du bon, et cet aspect des chosesdoit être exploité par nos agriculteurs. Ils doi-vent porter un soin particulier à la présentationdes produits et procéder à un vrai tri afin demettre en avant la qualité.La connaissance des traditions est aussi unavantage permettant d’alimenter à temps et aumieux le marché local.La filière agricole devrait être plus ambitieuseet développer l’offre vers les restaurants et lesautres collectivités.Face au nouveau profil de l’activité agricole, ilest impératif de réfléchir aux meilleurs moyenspour briser le vent de la méfiance qui pénètre lemarché aux vivres local. Il y règne de la suspi-cion et une grande mystification autour de lavague de « nouveaux agriculteurs ». Ont-ils reçula formation utile, surtout en ce qui concernel’utilisation de produits phytosanitaires ? Il y a-t-il une constance dans le contrôle sanitaire deschamps et des marchés ?Une vraie réponse rassurerait les consomma-teurs.

« Génération containers »

La population guadeloupéenne, par une attituderéactive, joue le jeu et tend à s’opposer à la dési-gnation nouvelle de « génération containers »ou encore dans le parler courant l’on entend :«le jardin est sur le port ».Que les pro d u c te u rs et agriculte u rs se ra ss u re n t ,les fa m i l les guadeloupéennes, les ass o c i a t i o n s ,depuis peu les municipalités oeuvrent pour laré h a b i l i tation des cultures vivrières. L’on co n sta teun engouement très vif pour les marchés, les fo i-res ou week-end agrico les, marchés mobiles etc .Il serait bon que les acteurs des filières agrico-les travaillent en symbiose avec les gens de cui-sine, de l’art culinaire, afin que ces derniersproposent et exposent leurs créations variées,riches et évolutives.Je m’arrête ici, car il y a trop à dire ou à regret-ter. Enfin, faisons de l’optimisme notre oxygèneet travaillons pour l’avenir de notre agriculture.

Briser le vent de la méfiancequi pénètrele marchélocal aux vivres

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En introduction, il est néce ss a i re de ra p p e le rquelques notions de base. Le déve loppement estUN. Il se décline dans ses dimensions éco n o m i-que, sociale, culture l le, enviro n n e m e n ta le ets’appuie sur des réalités historiques, socio-éco-nomiques, socioculture l les. Ses objectifs sont dec réer de la richesse et la répartir, ass u rer lem i e u x - ê t re et le mieux-vivre des populations,p ré s e r ver le pays pour les générations futures. Iln é ce ss i te une organisation politique, éco n o m i-que, sociale, administ ra t i ve et juridique.

S ’ i n te r roger sur les st ratégies de déve lo p p e m e n ta g r i co le et rural pour la Guadeloupe revient àco n s i d é rer l’ e n s e m b le des outils et moyens àm e t t re en œuvre pour atte i n d re des objectifs clai-rement définis. Ces st ratégies doivent ré p o n d reaux enjeux du X X Ie s i è c le, autrement dit ass u re rl’ a u tonomie alimenta i re du pays pour une popula-tion en acc ro i ssement, ass u rer l’ e m p loi et unrevenu décent, tenir co m p te des nouveaux enjeuxe n v i ro n n e m e n ta u x .

La reconquête du marchéintérieur Nous sommes co n f rontés au défi du déve lo p p e-ment dura b le. Il s’agit de le re lever au prix deremises en question parfois difficiles. Elles sonts o u vent en opposition avec des modèles te c h n i-ques hérités de la phase dite de « m o d e r n i s a t i o na g r i co le ». Modèles techniques dont les dégâts etimpacts sur l’ e n v i ronnement et la santé fo n ta u j o u rd’hui l’objet de te n ta t i ves de ré p a rations aut ra ve rs du 2e pilier de la PAC. Ces ré p a ra t i o n ssont co n s é c u t i ves aux bilans tirés de l’ a n a ly s edes effets de l’ i n te n s i f i cation et de la spécialisa-tion des ex p lo i tations agrico le s .

Relever le défi intègre aussi des changementsd’attitudes et de méthodes. Bref, il s’agit pour

l’UPG de proposer une alternative au modèleactuel.Un des objectifs principaux de notre projet est lareconquête du marché intérieur. Nous propo-sons trois axes stratégiques pour atteindre cetobjectif tout en restant dans la logique du déve-loppement durable.

Combiner plusieurs activitésNous défendons d’abord une approche systémi-que de l’exploitation agricole.Abandonner l’approche filière et rechercher lerevenu global de l’exploitation. La pluriactivité,partiellement liée à la petite taille de nos exploi-tations, est l’une des principales caractéristi-ques de l’agriculture guadeloupéenne. Les nor-mes quantitatives (taille critique) pour la renta-bilité de filière ne sont donc pas applicables.D’ailleurs, la série d’entretiens que l’UPG amenée récemment auprès des acteurs des dif-férentes filières est formelle : quasiment aucunagriculteur ne « vit » d’une seule production. Ilconvient donc d’optimiser l’ensemble des fac-teurs de production de nos petites exploitationspour rechercher le revenu global, en combinantplusieurs activités dans un système de produc-tion.J’insiste sur le fait qu’il ne faut pas confondre lanotion de système de production avec ce qu’onappelle diversification. Diversifier les produc-tions sur une exploitation consiste à développerd’autres productions à côté d’une culture princi-pale, ici la canne ou la banane. Dans un systèmede production, les différentes productions nesont pas simplement juxtaposées, elles sontcombinées, s’alimentent l’une l’autre pour for-mer le revenu global dont je parlais à l’instant.Dans un système de production, un atelier prisséparément de l’ensemble, par exemple un petit

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QUELLES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENTAGRICOLE ET RURAL POUR LA GUADELOUPE ?

T A B L E R O N D E 3QUELLES POLITIQUES LO CALES, RÉGIONALES, POUR LA RECONQUÊTE DES CULTURES VIVRIÈRES DANS L’ESPACE ULTRAMARIN EUROPÉEN

ALAIN GAYADINEUPG

Relever le défi dudéveloppe-ment durableau prix de remises en question parfois difficiles

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NATIONALES ET EUROPÉENNES

élevage de quelques porcs, peut ne pas être ren-table au vu des normes habituelles de rentabi-lité pour un élevage porcin (36 truies mini-mums). Mais, pris comme un élément du sys-tème, il contribue en réalité à la rentabilité glo-bale de l’ensemble (en fournissant du fumierpour une culture par exemple, ou en permettantune entrée d’argent ponctuelle nécessaire pouracheter d’autres intrants…).

Privilégier les systèmes en polyculture-éle-vage. Associer les productions végétales à un ouplusieurs élevages au sein d’un système de pro-duction permet de tirer parti de nombreusesinteractions favorables : utilisation des culturesou recyclage de leurs sous-produits pour ali-menter les animaux, récupération des déjec-tions pour fertiliser les cultures et enrichir lessols… Les systèmes de production favorisentl’autonomie des exploitations et permettent dedévelopper des pratiques moins consommatri-ces d’intrants chimiques, donc plus respectueu-ses de l’environnement et de la santé, tant desagriculteurs que des consommateurs. À l’in-ve rse d’ex p lo i tations spécialisées, qui pouratteindre les normes de rentabilité sont obligéesd’intensifier les pratiques, parfois au mépris desrègles sanitaires élémentaires, les systèmes deproductions sont garants d’un développementagricole durable pour la Guadeloupe.Mettre en place des systèmes de productionpropres aux différentes régions. Les systèmesde production doivent tenir compte des spécifici-tés climatiques, culturelles… de chaque granderégion. Cependant, au sein d’une même région,il peut y avoir autant de systèmes de productionque de paysans.

L’agriculture paysanne commemode de production durable

Notre deuxième stratégie est de promouvoir lapratique de l’agriculture paysanne comme modede production durable. Il s’agit de ramener àl’agriculture les 27 principes du développementdurable issus de la déclaration de Rio. Ils sedéclinent alors en 4 dimensions indissociables :l’ e f f i c i e n ce économique (ass u rer un reve n udécent à l’agriculteur ), l’équité sociale (favori-ser des emplois nombreux, répartis sur tout leterritoire, privilégier les installations plutôt que

les agrandissements, rechercher l’équité dansla répartition des aides…), la protection de l’en-vironnement, la culture et l’éthique.

Recréer le lien socialEnfin, il faut déco r p o ratiser l’ a g r i c u l t u re etrecréer le lien social entre les agriculteurs et lasociété. La reconquête du marché local néces-site une implication forte du citoyen-consom-mateur. Des espaces de rencontre et de com-munication doivent être développés entre pro-ducteurs et consommateurs afin de permettreune compréhension mutuelle. La vente directepar exemple, est facteur de lien social.

Afin que tout cela ne reste pas que des bellesparoles, voyons maintenant quels outils (lire laboite à outils) et moyens sont nécessaires pourconcrétiser ce projet de reconquête du marchéintérieur et de développement agricole durablede la Guadeloupe.

Un atelier,non rentableau vu des normeshabituelles,peut contribuer en réalité à la rentabilitéglobale del’exploitation

BOÎTE À OUTILS

• Actionner la structure recherche-formation-déve-loppement pour l’élaboration de référentiels tech-nico-économiques correspondant à des systèmes deproduction pour chaque région.• Mettre en place des exploitations transmissibles auregard du niveau d’investissement, qui doit êtreaccessible à un repreneur, du mode de production(pratiques agricoles) et de la viabilisation de l’exploi-tation en tant que lieu de vie.• Se doter d’une structure de développement et d’or-ganisations économiques (production, commerciali-sation) répondant aux besoins des paysans (créés etdirigés par eux).• Avoir une politique de protection des terres et dessols en lien avec le projet de développement agricole.• Avoir une politique de formation mettant en avantl’approche systémique.• Déve lopper une politique financière privilégiantcette approche.• Avoir une Chambre d’agriculture, principal outil deproximité, qui soit une véritable Maison du Paysanaccompagnant ce projet.

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Apprentissage scolaireet savoir-faire culinaire

Un ré é q u i l i b rage des aides, to u tes originesconfondues, au profit des productions destinéesau marché intérieur, est nécessaire. Il doit s’ac-compagner de la révision des normes quantita-tives de certaines filières qui déterminent desseuils de rentabilité pour prétendre aux aides.Ces mesures doivent permettre l’accès du plusgrand nombre aux dispositifs d’aide.La mise en place d’un dispositif pour le préfi-nancement doit pallier les difficultés de l’agri-culteur qui doit avancer la totalité des fonds, leversement des aides n’intervenant qu’après. Lapolitique de crédit doit s’ouvrir aux productionsautres que la canne et la banane.Concernant les équipements, l’irrigation danstoutes les zones de production et une politiqued’agro-transformation artisanale et de petiteindustrie doivent être mises en place.Une politique de promotion publicitaire de nosproduits de terroir doit s’appuyer sur les médiaset autres supports (lire encadré). Une ambitionpédagogique doit également inscrire dans lesprogrammes scolaires l’étude et l’apprentis-sage des qualités exceptionnelles de ces pro-duits. Elle doit s’ a ccompagner de meille u reintégration de ces produits dans la restaurationscolaire et autres collectivités, en exploitantnotre savoir-faire culinaire. Au-delà, il s’agitd’établir un contrat entre l’agriculture et lasociété, car c’est dans l’échange que réside lasolution.

En conclusion, c’est un véritable projet alterna-tif que l’UPG propose pour le développementagricole et rural de la Guadeloupe, la recon-quête de notre marché intérieur étant le piliercentral de ce développement. Ce projet néces-site un changement d’orientation et de cap,mais aussi un changement de méthodes, d’atti-tudes et de mentalités. En bref, il nécessite unerévolution culturelle et sociétale.

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TROIS BANANES PAR GUADELOUPÉEN ET PAR SEMAINE

La promotion de la banane peut permettre d’envisagertrois nouveaux débouchés.La banane de montagne de Guadeloupe, qui représenteenviron 20 % de la production, est reconnue, notam-ment par la recherche, comme étant la meilleure aumonde pour ses qualités organoleptiques. Il y a lieu dese battre pour obtenir un label ou un signe de qualitéadéquat, garant d’un prix rémunérateur. Cette produc-tion de qualité doit viser aussi bien le marché intérieurque celui de l’export.Une consommation de trois bananes par guadeloupéenet par semaine permettrait d’absorber environ 20 % dela production bananière actuelle. Dans l’objectif d’inci-ter les Guadeloupéens à consommer ce fruit (à la foispour ses qualités et pour participer au développementéconomique de leur pays), des campagnes publicitairesdoivent promotionner notre banane aussi au plan local,à l’image de la campagne réalisée en France avec leconcours des sportifs guadeloupéens de haut niveau.Enfin, une partie de la production pourrait trouver sonsalut dans la transformation, notamment en farinedestinée à l’alimentation humaine (en particuliers pourles bébés) et en farine entrant dans la compositiond’aliments pour bétail.

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SULLY GABONDIRECTEUR DU SUAD (SERVICE D’UTILITÉ AGRICOLE ET DE DÉVELOPPEMENT)

À LA CHAMBRE D’AGRICULTURE DE LA GUADELOUPE

QUELS OUTILS TECHNIQUES,ÉCONOMIQUES, DE FORMATIONET D’ENCADREMENT METTRE EN ŒUVRE ?

En introduction, il y a lieu de rappeler la dimen-sion historique des cultures vivrières dans lecadre du jardin traditionnel créole. Dans l’his-toire de la Guadeloupe, plusieurs périodes serapportent aux cultures vivrières. Tout d’abord,la période pré co lombienne, et ensuite tro i sgrandes périodes, l’esclavage, la départementa-lisation et les années 1980.Un véritable encadrement technique des cultu-res vivrières est apparu avec les Groupementsde vulgarisation agrico le (GVA) durant le sannées 1970. Au début des années 1980, desgroupements de producteurs assurant essen-t i e l lement la co m m e rcialisation des pro d u i t smaraîchers et vivriers (SOCOGIAP, SICAF etc..)ont pris le relais. Ces structures professionnel-les ont connu un déclin pendant les années 1990.Enfin, la re l a n ce de la production vivrière(igname, pomme patate…) intervient à partir de2000 avec l’apparition de l’Union des produc-teurs de fruits et d’ignames de la Guadeloupe(UPROFIG) et des autres structures gravitantautour de cette filière.

Une évolution incessantedes techniquesEn réalité, les pre m i e rs outils te c h n i q u e smajeurs sont les itinéraires culturaux. Ces der-niers s’adaptent en permanence aux contraintesque subit l’exploitant. D i ve rs exe m p les illust rent l’ évolution ince ss a n tequi ento u re l’activité agrico le. Fa ce à la pre ss i o np a ra s i ta i re (exe m p les de l’ a n t h racnose surl’igname D. alata, de la virose sur D. Trifida), desc réations va r i é ta les ont été proposées par lare c h e rche. Fa ce aux co n t ra i n tes enviro n n e m e n ta-les (risques enviro n n e m e n taux liés à l’ u t i l i s a t i o nde ce r taines molécules), il a été re t i ré du marc h édes substa n ces actives (exe m p le du méthomyl).Fa ce aux co n t ra i n tes de marché (ca l i b rage pro-duits, normes hygiène), les pro fe ssionnels ont tra-

vaillé à l’ a m é l i o ration de la pré s e n tation du pro-duit final (packaging, pré - c u i ss o n ) .En outre, les publications techniques représen-tent des outils d’aide à la décision. À travers lesquelques exemples, il est possible de constaterque les informations de base existent pour gui-der le planteur dans sa démarche : Manuel duplanteur d’igname ( C h a m b res AgricultureG u a d e loupe Martinique, INRA), Guide de ladiversification végétale ( C h a m b re AgricultureGuadeloupe), Guide de la fertilisation organiqueà la Réunion (Chambre Agriculture Réunion,CIRAD), Guide des irrigants et autres utilisateursd’eau agricole ( C h a m b re AgricultureGuadeloupe, INRA, CIRAD) – 2006.

Augmenter le produit et/ou réduire les charges Les outils économiques ont généra lement unefinalité ess e n t i e l le : l’ a m é l i o ration du revenu del’ ex p lo i tant. Cet objectif peut être atteint soit ena u g m e n tant le produit, soit en réduisant les char-ges, ou enco re en combinant les deux effe t s .Afin d’arriver à cette fin, deux outils d’analysesont majoritairement utilisés pour appréhenderle revenu de l’exploitant : l’analyse de gestionte c h n i co - é conomique (Étude prév i s i o n n e l le ,Calcul de marge, coût de revient etc.) à l’aide delogiciels adaptés (E.P.I., gestion de parcelles) etl’analyse comptable (suivi analytique).Des leviers techniques peuvent être égalementmis en œuvre en agissant sur les facteurs deproduction tels que la réduction des coûts demain d’œuvre à travers par exemple la mécani-sation des opérations culturales (récolte, plan-tation) et l’augmentation des rendements grâceà l’irrigation, la fertilisation etc.Enfin, dans la panoplie des outils économiques,on ne saurait négliger les leviers financiers misà la disposition des professionnels : Aides à laplantation (DOCUP), Aide à la commercialisation

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(POSEIDOM), Aides à la transformation (POSEI-DOM), Aides à l’ i n ve st i ssement (DOCUP),Contrat d’agriculture durable (CAD).

La formation, un outil indispensable

Force est de constater que nous observons uneperte des savoirs empiriques dans nos us etcoutumes rurales. Cette situation est liée à unetransmission insuffisante des savoir-faire tradi-tionnels. De plus, en axant les efforts de pro-duction sur un nombre limité d’espèces, onaboutit aujourd’hui à une faible valorisation dela biodiversité végétale locale.Inévitablement, l’évolution des itinéraires cultu-raux pousse les producteurs à se former davan-tage afin de maîtriser les outils nécessairespour s’adapter à leur contexte de production.Par exemple, l’apparition de variétés nouvelles(pomme patate, cousse couche…) ou la résis-tance accrue des parasites ont entraîné chez lesproducteurs un besoin de connaître de nouvel-les pratiques culturales ou de rechercher denouvelles molécules répondant à leurs attentes.

Enfin, la rémanence des pesticides dans le sol(organochlorés) contraint les professionnels àréorganiser leurs systèmes de production, dansla mesure ou ils sont concernés par les culturessensibles à l’accumulation de ces substances.Dans ce cas, une formation peut s’avérer indis-pensable, si ces derniers souhaitent se réorien-ter vers une nouvelle culture qu’ils n’appréhen-dent pas.

L’encadrement individuel

Ainsi, la formation peut être envisagée à deuxniveaux, théorique et pratique. La formationthéorique aborde des thèmes de nature diversecomme : Agronomie générale (relation sol-cli-

m a t - p l a n te), Itinéra i res techniques (madère ,patate, igname, manioc etc…), Méthodes de luttep h y to s a n i ta i re (lutte raisonnée, biolo g i q u eetc…), Démarche agri-environnementale (ges-tion déchets agrico les, va lorisation matièreorganique produite sur exploitation etc.).La formation pratique se déroule bien évidem-ment sur le terrain, avec divers supports péda-gogiques pratiques : Centre d’application et ded é m o n st ration hortico le (CADH), l’ O p é ra t i o n« coup de main » chez des producteurs stagiai-res, des échanges et visites de terrain entre desproducteurs de zones différentes.L’encadrement individuel demeure la missionessentielle que mènent les agents de dévelop-pement, qu’ils appartiennent à la Chambred’Agriculture ou à des groupements de produc-teurs. Le champ d’activités reste très large enmatière d’encadrement, du diagnostic d’exploi-tation (agro-environnemental, technique, finan-cier) aux essais techniques culturaux in situ(ferti-irrigation, lutte intégrée etc…), en passantpar la collecte de données techniques et écono-miques, le conseil technique, l’élaboration deprojets et de dossiers de demande aide (DOCUP,CAD, OGAF etc…), les analyses sols et/ou végé-taux pour rechercher des résidus de pesticidesorganochlorés ou la mise au point de matérielde production ou de transformation.

En conclusion, force est de constater que lesoutils techniques, économiques, de formation etd’encadrement existent. Mais concernant leurmise en œuvre, on est en mesure de s’interro-ger. Il est indéniable que des freins persistent,tant au niveau de l’engagement des produc-teurs, qu’en matière d’accessibilité des outils,ainsi qu’en efficience.Une condition demeure ess e n t i e l le pour lare co n q u ê te des cultures vivrière s : uneconfiance retrouvée et une volonté affichée desco n s o m m a te u rs d’apporter leur néce ss a i recontribution.

L’évolutiondes itinérairesculturauxpousse lesproducteursà se formerdavantage

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PASCAL RICHERDIRECTEUR ADJOINT DE L’IEDOM

En préliminaire, rappelons que l’IEDOM, banquecentrale des Départements d’outre-mer, assurenotamment, à l’instar de la Banque de Franceen Métropole, des émissions de billets et pièces,des missions de cotation des entreprises. C’esté g a lement un observa to i re économique etfinancier. Il publie dans ce cadre un bilan annuelde l’économie et du système bancaire ainsi quedes bulletins trimestriels de conjoncture écono-mique et financière. L’IEDOM s’est également vuconfier le secrétariat de Commission départe-mentale de surendettement et bien évidemmentl’émission des signes monétaires.Au cours des dix dernières années, l’économieguadeloupéenne a continué de se tertiariser, lepoids du secteur primaire dans la production derichesse du département (PIB) étant passé de4,7 % en 1993 à environ 3 % en 2005. Les statis-tiques de l’emploi traduisent une évolution com-parable. C’est ainsi qu’en 2005, le secteur pri-maire concentrait 2,5 de l’emploi salarié.

Une concentration des financementsPour ce qui concerne les statistiques de finan-cement au secteur primaire, au 31 décembre2005, le total des crédits octroyés au secteurprimaire s’élevait à environ 30 millions d’euros.À la même date, l’encours total des finance-ments aux entreprises guadeloupéennes s’éle-vait à 5,8 milliards d’euros. À noter égalementune co n ce n t ration des financements, les 10principaux bénéficiaires des crédits concentrantprès de 50 % du total des concours bancairesoctroyés.

OUTILS FINANCIERS : ÉTAT DES LIEUXDU FINANCEMENT DU SECTEUR AGRICOLE

Nécessité d’un appui comptableet financier aux exploitants

En re g a rd des inte r rogations co n cernant lefinancement des entreprises du secteur primai-res, deux points doivent être mis en perspective.En premier lieu, la question des prises garan-ties qui recouvre une dimension particulièrepour l’agriculture en Guadeloupe au regard de laproblématique de l’indivision. En second lieu, ilconvient de rappeler que l’instruction et l’appré-hension d’un dossier de financement par un éta-blissement de crédit exige la production d’uneinformation financière : liasses fiscales, comp-tes d’exploitation prévisionnels, plans de finan-cement et éventuellement de trésorerie. Cetteinformation doit permettre au bailleur de fondsd’apprécier sur la base d’éléments objectifs, laviabilité du projet qui lui est soumis par l’exploi-tant agricole et d’en mesurer la rentabilité éco-nomique et financière. Pour cette raison, des cours de comptabilité,d’économie ont de longue date été intégrés dansles cursus de formation des lycées agricoles.Les Chambres d’Agriculture et les associationsp ro fe ss i o n n e l les se pré s e n tent par aille u rscomme des relais privilégiés pour sensibiliserles professionnels du secteur à cette probléma-tique et les accompagner dans cette démarche :organisation de séminaires de formations pro-fessionnelles dans les domaines comptables etfinanciers, rôle de conseil et d’appui techniqueen matière de gestion, d’ingénierie financière(formalisation des plans de financement, descomptes d’exploitation prévisionnels, etc.).

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De manière générale, le rôle d’un organisme derecherche publique doit être de poser les bon-nes questions et de mettre en œuvre les hypo-thèses, théories, modélisations et expérimenta-tions nécessaires à l’obtention des réponses.L’INRA intervient dans un domaine de plus enplus large incluant aujourd’hui l’ a g r i c u l t u re ,l’alimentation, l’environnement et les territoires.Ses missions sont de produire des connaissan-ces et les diffuser, de participer à la valorisationéconomique et/ou sociale des recherches, ainsique de contribuer à la formation à et par larecherche.

Ces missions impliquent de mobiliser le sconnaissances et savoir-faire existants ou enconstruire de nouveaux dans le cadre d’uneapproche plus intégrée. En situation d’urgence,il revient à la recherche de mettre en pratiqueune expertise pertinente. La concertation, à travers un partenariat équili-bré avec les partenaires professionnels et plusgénéralement avec la société, va de pair avec lemaintien d’une capacité propre de décision.Il s’agit également d’anticiper les besoins futursde recherche, à travers une vision prospectiveassociée à une exigence scientifique. Décliner, en termes d’objectifs de recherche,l’enjeu d’une agriculture dans une perspectivede développement durable signifie travailler surl’évolution des pratiques agricoles, la réductiondes intrants, l’étude des maladies émergentes,la garantie au co n s o m m a teur des pro d u i t ssains, accessibles et adaptés à une alimentationéquilibrée…

Intégrer le comportement de l’agriculteurCréé en 1949, le centre INRA Antilles-Guyanemène depuis près de 60 ans des travaux de

recherche agronomique sur la connaissance dumilieu (sol, climat, besoins en amendements eten eau...), sur plus d’une cinquantaine de pro-duits végétaux, sur de nombreux animaux et surleur alimentation. Les travaux portent égale-ment sur les méthodes de lutte contre les para-sites et les pathologies dans le domaine animalet dans le domaine végétal, et sur l’équipementde mécanisation, de gestion de l’irrigation, deprocédés d’agro-transformation.

Il faut noter que, depuis 60 ans, les méthodes etobjectifs de recherche ont beaucoup évolué àl’INRA Antilles-Guyane. De 1950 au début auxannées 1980, on a privilégié les appro c h e smono-disciplinaires et les ressources et métho-des venaient de l’extérieur pour être adaptées àl’environnement local.Dans les années 1990, les difficultés d’adapta-tion et les échecs relatifs de transfert, ainsi quedes problèmes de pathologie et de parasites ontconduit à entamer une approche pluridiscipli-naire et à prendre en compte les attentes et lescontraintes des producteurs.Aujourd’hui, les contraintes environnementaleset le besoin d’assurer au consommateur desproduits sains, de qualité et « modernes » amè-nent à élargir la pluridisciplinarité (agro-écolo-gie, génétique, épidémiologie, zootechnie, phy-siologie, biochimie, technologie…) et surtout àintégrer le comportement de l’agriculteur dansla démarche de co n ception de l’ i n n ova t i o n(socio-économie) de systèmes de productiondurables.

Un partenariat recherche-développementL’heure est également à la co-construction d’unpartenariat recherche-développement. En effet,la « production primaire » de la recherche n’est

Concertationavec les partenairesp ro fe ss i o n n e l set plus géné-ralement avec la société

DANIELLE CELESTINE-MYRTIL-MARLINPRÉSIDENTE DU CENTRE INRA ANTILLES-GUYANE

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QUEL RÔLE DE LA RECHERCHEET DE L’INRA EN PARTICULIERPOUR LA RECONQUÊTE DES CULTURES VIVRIÈRESDANS LES RUP ?

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pas directement utilisable par le développement(professionnels agricoles et leurs organismesd’accompagnement). Avant la diffusion et l’utili-sation sur le terrain des résultats de recherche,il faut parcourir différentes étapes qui deman-dent un travail spécifique et constituent généra-lement le maillon faible de la chaîne entre larecherche et le développement. Un projet decréation d’un dispositif agro-transfert interré-gional entre l’INRA et les partenaires agricolesdes 3 régions Antilles et Guyane est à l’étudeafin de remédier à ce problème.Pour les années à venir, l’enjeu des recherchesde l’INRA Antilles-Guyane est de travailler à laconception d’une agriculture durable et produc-t i ve en milieu tro p i cal humide. Cela signifieconcevoir et évaluer des systèmes de culture etd ’ é levage co m p lexes intégrés et innova n t s(pluri-végétaux, pluri-animaux, animaux-végé-taux), utilisant le moins d’intrants poss i b le s(engrais et pesticides) et adaptés au contexte enévolution tout en intégrant la qualité des pro-duits.

Concevoir des systèmes de production innovants et durablesCes systèmes doivent préserver et valoriser lab i o d i ve rsité et les re ss o u rces physiques dumilieu, valoriser les biomasses végétales et lessous-produits végétaux et animaux, optimiser leco n t rô le des populations de bio-agre ss e u rs ,construire des résistances multiples et dura-bles.C o n cevoir de tels systèmes néce ss i te égale m e n td ’ a p p ro fondir la co n n a i ss a n ce des espèces culti-vées et élevées, de leur fonctionnement et dele u rs combinaisons (associations et/ou ro ta t i o n s )y compris entre spéculations « i n d u st r i e l les d’ex-p o r tation» et « vivrières pour le marché lo ca l » .Ainsi, il s’agit de développer les thèmes derecherche suivants, en grande partie déjà àl’étude. Proposer des alternatives à l’intensifi-cation repose sur l’expérimentation d’innova-tions agro-écologiques telles que les systèmesmulti-espèces, les associations et rotations cul-turales, les plantes de services, la protectionphytosanitaire intégrée combinant la sélectionde génotypes résistants et la lutte biologique, …Valoriser les ressources locales dans des sys-tèmes de production innovants en utilisant desvariétés et ra ces lo ca les sélectionnées pourleurs qualités et performances, des systèmesd’alimentation animale intégrant par exempledes cultures locales (exemple : canne à sucre)ou leurs sous-produits…Identifier les déterminants de la qualité desfruits, tubercules et légumes.

Prendre en compte l’échelle de l’exploitationagricole permet de proposer des innovationsappropriables par les agriculteurs. L’innovationdoit tenir co m p te des objectifs, atouts etcontraintes propres à chaque type d’agriculteur.Les impacts de l’innovation sur le revenu, le tra-vail, les intrants, les combinaisons d’activitésdoivent être évalués.

Poser les bonnes questions

Pour finir sur le thème de la reconquête descultures vivrières dans les RUP vers l’autono-mie alimentaire, je poserai quelques questions.Quels sont les besoins en produits vivriers etquels sont les besoins en surface agricole utileet en population agricole pour les produire ?Quelles seraient les conséquences économi-ques, sociales et environnementales de la subs-titution des cultures d’exportation par les pro-ductions vivrières ? Les produits vivriers (végé-taux et animaux) commercialisés aujourd’huirépondent-ils aux attentes des consommateurs(qualité, sécurité, régularité, mode d’emploi…) ?Par ailleurs, existe-t-il une recherche et desrésultats valorisables sur les productions vivriè-res dans les RUP ? La recherche peut-ellea ccompagner la mutation des monoculture sintensives d’exportation ou de productions ali-mentaires vers des systèmes complexes inté-grés à moindres intrants et durables assurant laqualité des produits ?En conclusion, il me semble que l’INRA auxAntilles-Guyane remplit globalement bien sonrôle, même s’il reste énormément à faire.Par ailleurs, le rôle de la recherche s’arrête làoù commence celui des acteurs des décisions(agriculteurs, industriels, politiques et adminis-t rations des RUP, des états, de laC o m m i ssion…) et des acte u rs de la société( co n s o m m a te u rs, défe n s e u rs de l’ e n v i ro n n e-ment et des territoires…). Il faut reconnaîtrequ’il existe de nombreux freins aux recomman-dations de la recherche en Guadeloupe (parexemple, dans la filière canne).

Il existede nombreuxfreins auxrecommanda-tions de larecherche enGuadeloupe

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POLITIQUE FONCIÈREET RESTAURATION COLLECTIVE

mis en place. La PAC doit permettre de vivredécemment. Institutions et pouvoirs publics doi-vent également permettre aux agriculte u rsd’écouler leur production dans les cantines sco-laires, les hôpitaux, etc.Pour ce faire, des outils au niveau des pouvoirspublics existent déjà, en particulier à la Région.En parallèle, la préservation des sols doit êtreune préoccupation constante.

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LES OUTILS INSTITUTIONNELS

JEAN LAGUERREPRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DE GUADELOUPE

JOSÉ TORIBIOCONSEILLER GÉNÉRAL DU LAMENTIN

En Guadeloupe, mettre en place une autosuffi-sance basée sur les cultures vivrières nécessiteplusieurs mesures. Il faut notamment arrêter detoucher aux terres agricoles et identifier les ter-res que possèdent le Conseil général et leConseil régional. Un repérage des jeunes agri-culteurs qui souhaitent s’installer doit permet-tre de leur fournir ces terres, avec l’appui despouvoirs publics. Plus largement, une politiquecommune d’aides des pouvoirs publics doit être

LES OUTILS VIENNENT EN SECOND PLAN,DERRIÈRE LE PROJET POLITIQUEQue fait le Conseil généra l ? Il fait moinsqu’avant. C’est la Région qui intervient davan-tage, notamment en investissant dans l’irriga-tion. Les objectifs du Conseil général sont depréserver le foncier, protéger le revenu desa g r i c u l te u rs, lancer les jeunes agriculte u rs ,pérenniser les cultures traditionnelles, travail-ler sur la diversification animale, mettre enplace un cahier des charges…Le Conseil général a plusieurs outils à sa dispo-sition, en particulier les plans locaux d’urba-nisme (PLU). Il faut effectuer un réel contrôle deces plans par le schéma d’aménagement régio-nal. La Chambre d’agriculture doit jouer un rôleplus actif dans les commissions d’élaborationdes PLU communaux notamment.Les communautés des communes inte r v i e n n e n té g a lement. Leur pôle de co m p é te n ce est le déve-loppement économique, donc en particulierl’ a g r i c u l t u re. Elles permettent aussi le lien ave cles ca i sses des éco les et la re sta u ration sco l a i re .De nouveaux outils seraient intére ssant à cré e r.

Des co n t rats d’objectifs et de perfo r m a n ce parrapport au foncier permettrait une politique fo n-c i è re plus ambitieuse. Il fa u d rait augmenter l’ i n-demnité de re t ra i te vo lo n ta i re, pour aider le sex p lo i tants âgés au départ.

Créer des marchés cantonaux

Enfin, il fa u d rait créer une agence de déve lo p p e-ment économique ré e l lement guadelo u p é e n n e ,des marchés ca n tonaux et un observa to i re sta-t i stique de la consommation. Au-delà de l’ é c h e l len a t i o n a le, il fa u d rait assouplir les rè g les del’Union européenne et réfléchir à comment co r r i-ger les effets des Acco rds de partenariats éco n o-miques (APE).Finalement, on pourrait créer beaucoup d’outils,mais il est important de tenir co m p te descontraintes extérieures. Nous sommes soumis àla réglementation européenne et française. Cecinécessite de poser la question institutionnelleen Guadeloupe.

Nous sommessoumis à la réglemen-tation européenneet française

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Les outils viennent en second plan, derrièrel’enjeu politique et stratégique de développe-ment économique. Qui dit cultures vivrières, diten effet économie. Des problèmes sont traita-bles et des questions demeurent concernant lesdépenses alimentaires en particulier. Cela posela question des remparts face à l’hégémoniehistorique…

Ce colloque est le point de départ d’une réflexionqui doit continuer d’alimenter le débat public. Jesouhaite que les résultats de ces deux jours deréflexion soient présentés en assemblée plé-nière au Conseil général. Pour la suite, il estimportant de mettre en place des assises avecdes chercheurs, des techniciens, des politiques,comme cela a été initié en 2005.

PASSER À UNE AGRICULTUREORIENTÉE PRIORITAIREMENTVERS LA SATISFACTION DU MARCHÉ INTÉRIEUR

HILAIRE BRUDEYPRÉSIDENT DE LA COMMISSION AGRICULTURE ET PÊCHE AU CONSEIL RÉGIONAL

Accorder la priorité à la satisfactiondu marchélocal

Au nom du président Victorin Lurel retenu pard’autres obligations, je souhaite la bienvenue àl’ensemble des participants et j’adresse mesfélicitations à l’ADEARG et à l’UPG, initiateurs del’évènement.À la ve i l le de la finalisation des prochains pro-g rammes opérationnels et du co n t rat de pro j e tÉ tat Région pour la période 2007-2013, cet espaced’échange nous offre l’opportunité de poser le sj a lons d’un déve loppement dura b le de nos agricul-t u res re s p e c t i ves, le plus souvent co n f rontées auxmême co n t ra i n tes et aux même ex i g e n ces. Po u rlever ces co n t ra i n tes et ré p o n d re aux ex i g e n ces dumoment, il faut acco rder la priorité à la satisfa c-tion du marché lo cal, indépendamment des effo r t sà maintenir sur les marchés ex t é r i e u rs .

La priorité à une agriculturediversifiéeLa politique agrico le à mettre en œuvre dev ra parconséquent s’ a p p u yer sur le déve loppement dep roductions de qualité, de te r ro i rs labellisés.C e t te agriculture dev ra év i ter de tomber dans lepiège de l’ i n te n s i f i cation, mais être dura b le, éco-nome en intrants, respectueuse de l’ e n v i ro n n e-ment, de la santé humaine et de la biodive rs i t é .Aujourd’hui, il s’agit de passer à une agriculturede type monocultural tournée principalement etpresque exclusivement vers les marchés exté-rieurs à une agriculture orientée prioritaire-ment vers la satisfaction du marché intérieur.C’est là un combat politique, économique, cultu-rel et social co n s i d é ra b le auquel le Conseilrégional prendra toute sa part. Cinq grandsobjectifs sont fixés : donner la priorité à une

agriculture diversifiée, satisfaire les besoins dumarché local, faire de la qualité un atout majeurde notre agriculture, développer les productionsde terroir à haute valeur ajoutée et augmenteret sécuriser le revenu des planteurs.

Mettre en placeune nouvelle politique agricoleLe déve loppement des cultures vivrières co n st i t u eune vé r i ta b le opportunité pour mettre en place unen o u ve l le politique agrico le. Elle sera basée nota m-ment sur la réalisation d’une étude pro s p e c t i ve surl’ o f f re agrico le, l’ e m p loi, la gestion du te r r i to i re, lerevenu des pro d u c te u rs. Cette étude doit s’ a cco m-pagner d’une ca r to g raphie des te r res agrico les etdes productions de te r roir ainsi que des syst è m e sde production en fonction des ré g i o n s .La détermination de quotas de production doit set ra d u i re en surfa ce et en nombre de pro d u c te u rs .La mise en place d’une politique d’irrigation etde gestion de l’eau et d’une politique de protec-tion de la fertilité des sols doit accompagner ladéfinition de référentiels technico-économiquespour une agriculture durable respectueuse del’environnement et de la biodiversité.Le déve loppement d’une agro - i n d u strie doit enfinp e r m e t t re de va loriser la production agrico le .Dans l’ e n s e m b le des domaines co n s i d é ré s ,l’échange d’ex p é r i e n ces co n stitue un atout nonn é g l i g e a b le et requiert la mise en place d’un par-tenariat effica ce au service de nos régions re s-p e c t i ves. C’est tout l’enjeu de ce co l loque dont jetiens à souligner une nouve l le fois l’ i m p o r ta n cepour l’ a venir des productions de nos ré g i o n su l t ra p é r i p h é r i q u e s .

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TABLE RONDE 1 Évolution des cultures vivrières etrôle dans l’alimentation humaine

A p rès une introduction sur la notion de RUP dans la poli-tique de l’Union européenne, ce t te pre m i è re ta b le ro n d ere p l a ce les productions vivrières dans un co n tex te histo-rique (évolution dans le temps de ces productions et dele u rs fonctions), un co n tex te géographique (co m p a ra i-son entre les différe n tes RUP) et un co n tex te culture l .C o n cernant ce t te dernière entrée, la question co n ce r n ele rô le des produits vivriers dans l’ a l i m e n tation de lapopulation et les atte n tes des co n s o m m a te u rs vis-à-visde ces pro d u i t s .

En Guadeloupe, commence Mme Cosaque-Lordinot,l’ancêtre des systèmes vivriers est le jardin de cased’autosubsistance des Indiens Caraïbes. Durant lapériode de l’économie de plantation, le système tradi-tionnel de subsistance était étroitement lié à cetteéconomie et il s’est transformé au contact des diffé-rentes populations (nouvelles plantes cultivées, nou-veaux savoir-faire). Avec l’abolition de l’esclavage sesont développées de petites exploitations polycultura-les appelées jardins créoles, où la vente des surplusde production co m p l é tait l’ a u to consommation. Lacrise des cultures d’exportation et, après 1946 (annéede la départementalisation), le développement du sec-teur tertiaire et le mimétisme de la consommationeuropéenne ont entraîné la régression du secteurv i v r i e r. Ainsi, les systèmes polyc u l t u raux se sonttransformés progressivement, et aujourd’hui se dessi-nent deux systèmes répondant à des logiques très dif-férentes : un système polycultural, marginal, à voca-tion d’auto-consommation et de vente, et un systèmebi-cultural ou monocultural intensif, visant la maximi-sation des profits.

Le secteur vivrier, parent pauvre de l’agriculture des RUPLa comparaison de la situation des productions vivriè-res avec celle des autres RUP - Martinique, Guyane,Canaries, Açores-Madère, et de Mayotte - met en évi-dence plusieurs similitudes. Le secteur vivrier est peu organisé et les ex p lo i ta t i o n sa g r i co les de petite ta i l le sont co n f rontées à des coûts dep roduction élevés (main d’œuvre, intrants co û teux ca rimportés…). Les productions vivrières lo ca les sontco n c u r re n cées par des importations venant de pays vo i-

sins aux coûts de production inférieurs, avec peu ou pasde co n t rô les, notamment phyto s a n i ta i res. AuxCanaries, l’ i n t roduction de pathogènes ex t é r i e u rs aainsi entraîné la disparition d’ex p lo i tations. Les prix deve n te alignés sur les importations et/ou imposés par lag rande distribution ne permettent pas au pro d u c teur det i rer un revenu co r rect de sa production. Conséquence :des jeunes qui ne ve u lent pas pre n d re le relais et unv i e i l l i ssement marqué de la population agrico le .Malgré les aides européennes, toutes ces régionsenregistrent une diminution des surfaces consacréesaux cultures vivrières (sauf en Guyane), une diminu-tion de la production (volumes) et des pertes consécu-tives d’emplois dans le secteur agricole. Par exemple,le nombre d’exploitants agricoles aux Canaries a chuté

de 15 000 en 1992 à leur entrée dansl’Union européenne, à 5 000 actuelle-ment.Une diminution générale des surfacesagricoles (sauf en Guyane) est liée à lapression de l’urbanisation et à la spécu-lation foncière, d’autant plus dramati-que que les territoires sont exigus.

Relocaliser notre alimentationForce est de constater que le secteur agricole des RUPest en déclin et que les mesures mises en place par laPolitique agricole commune (Pac) européenne ne sontpas efficaces ou pas adéquates. De plus elles profitentmoins aux cultures vivrières qu’aux cultures d’expor-tation tant pour les investissements de production quepour les aides à la commercialisation.Ainsi, dans les différents RUP, on constate que le tauxde couverture des besoins en produits vivriers végé-taux et animaux est généralement faible, traduisantune substitution des produits « locaux » par les pro-duits importés. « Paradoxalement, ce sont ces pro-duits frais, de terroir, qui sont les meilleurs pour notresanté », pointe le Docteur Henri Joseph. En effet, les problèmes de santé dont souffre une larg epartie de la population guadeloupéenne (maladies ca r-d i o - va s c u l a i res, diabète, obésité, hypertension…) ontleur origine principale dans une mauvaise alimenta t i o n ,basée sur des produits importés trop gras, trop sucré sou salés, et pas assez sur les fruits et légumes frais. Orla flo re guadeloupéenne est composée de nombre u xt u b e rc u les, fruits, légumes, graines particulière m e n triches en vitamines, antioxydants, fibres, et de surc ro î ta yant un fa i b le index glycémique (assimilation le n te dug l u cose par le système digestif, ce qui prévient du dia-b è te et de l’ a ccumulation des gra i sses). Pour préve n i rces maladies grâce à une alimentation saine et dive rs i-fiée, il est impératif de consommer lo cal et frais, parune utilisation réfléchie de son pouvoir d’achat. Par ail-le u rs, la ra ré faction du pétro le, et plus glo b a lement lacrise énergétique, nous co n t ra i n d ra à terme à re lo ca l i-ser notre alimentation, d’où l’absolue néce ssité de pré-s e r ver nos te r res agrico les de la pre ssion immobilièreet des pratiques agrico les polluante s .

SYNTHÈSE DES

TABLES RONDES

Aux Canaries,le nombred’agriculteursa été divisépar 3 depuis1992

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Des produits vivriers de terroirMais les co n s o m m a te u rs sont-ils conscients de ce t ten é ce ssité de consommer des produits vivriers de prox i-m i t é ? Mme Hatchi, co n s o m m a t r i ce, ex p l i c i te les atte n-tes de la population vis-à-vis de ces pro d u i t s : en pre-mier lieu, le consommateur est soucieux de sa santé,il attend d’être rassuré vis-à-vis de la chlordéconemais aussi vis-à-vis de l’utilisation des produits phyto-sanitaires en général (en terme de contrôles et de for-mation des agriculte u rs). Le co n s o m m a teur ex i g eégalement des produits de qualité, sur les plans sani-taire, gustatif et visuel. Par ailleurs, il demande queles prix ne varient pas excessivement ni ne soient fixésde manière arbitraire. L’approvisionnement des pro-duits doit être régulier et les producteurs doivent tenircompte des traditions culinaires (produits spécifique-ment consommés à certaines périodes de l’année…).Fa ce à ces différe n tes ex i g e n ces, et pour enco u rager leregain d’intérêt de la population pour les productions dete r roir, il faut déve lopper la co m m u n i cation entre pro-d u c te u rs et co n s o m m a te u rs, mais aussi les initiative set partenariats avec d’autres acte u rs (re sta u ration co l-le c t i ve, métiers de l’art culinaire, to u r i s m e … ) .

Ainsi, de plus en plus de consommateurs se préoccu-pent de manger sainement et sont prêts à donner auxproduits vivriers de terroir une place prioritaire dansleur alimentation. Mais quelle est la place que lecontexte mondial, européen et caribéen laisse auxp roductions vivrières dans l’ a g r i c u l t u re des RUPactuellement ?

TABLE RONDE 2Place et rôle des cultures vivrièresdans le contexte agricoleguadeloupeen actuel

Dans un contexte mondial de libéralisation croissantedes échanges, les cultures d’exportation sont confron-tées à des changements importants qui ne seront passans conséquences sur les économies locales et surles productions vivrières. Cela contribuera-t-il à don-ner une nouvelle place à ces productions dans l’agri-culture des RUP ? À l’inverse, des réformes trop bru-tales ne risquent-elles pas de mettre en péril un équi-libre séculaire, basé sur les cultures d’exportation ?Sous la pre ssion de l’OMC, l’Union européenne a dûengager la ré forme des organisations communes dem a rché du sucre et de la banane. Ces ré formes impli-quent une baisse du prix du sucre et de la banane etdonc une baisse des prix payés au pro d u c teur, partiel-lement compensée par des aides. Dans le secteur de labanane, M. Emmanuel, de la SICA Les Producteurs deG u a d e l o u p e , d é p lo re : « une forte diminution de la pro-duction et du nombre de producteurs qu’a entraîné laréforme de 2003, sans qu’on sache quelle productionpourra employer autant de salariés agricoles que la cul-ture bananière ». De même, selon M. V i talis de la SICA-GRA, la ré forme de l’OCM sucre aura des ré p e rc u ss i o n s

sur les revenus et les capacités d’inve st i ssement d’unemajorité de pro d u c te u rs pour lesquels la canne re p ré-s e n te l’ e ssentiel de leur revenu. Le rô le primordial deces deux filières en tant que fa c teur d’équilibre éco n o-mique et social pour la Guadeloupe (et pour d’autre sRUP) se tro u ve donc remis en cause. Se pose égale-ment la question des co n s é q u e n ces sur les surfa ce sc u l t i vées en canne et en banane, ainsi que sur le s

a u t res cultures et élevages au sein desex p lo i tations agrico les prises dans le u rg lobalité. Au-delà des inte r ro g a t i o n slégitimes sur l’ a venir des deux filière sclé de la Guadeloupe, quelles sont le sp o ssibilités de va loriser les change-ments qui auront lieu (par exe m p le, lal i b é ration de surfa ces) au profit des pro-ductions vivrières, dans une pers p e c t i ved ’ a m é l i o ration de l’ a p p rov i s i o n n e m e n tdu marché lo ca l ?

Le POSEI, une chance pour les productions vivrières ?Ce n’est que bien ta rd i vement que l’Union euro p é e n n ea affiché une politique de soutien aux pro d u c t i o n sv i v r i è res dans les RUP. La ré forme de la PAC de 2003 etce l le, co n s é c u t i ve, des POSEI (pro g rammes spécifi-ques pour les RUP) sont, selon Mme Berthon-Wa r t n e r ,du Minist è re de l’ O u t re-Mer, « l’occasion pour l’UE derenforcer les outils en faveur des productions vivrièresdans les RUP ». Tout d’abord, les RUP sont exo n é rés dud é couplage des aides à la production insta u ré par laré forme de la PAC, afin de permettre une augmenta-tion des productions. Par aille u rs, le vo let des Mesure sen fa veur des productions agrico les (MFPA) du POSEIvise à améliorer l’ a u to - a p p rovisionnement de la popu-lation lo ca le par l’ a u g m e n tation de la production desé levages et des cultures de dive rs i f i cation vé g é ta le, parla st r u c t u ration des filières et par la création de va le u rajoutée grâce à la tra n s formation. Ainsi, ces MFPA pré-voient notamment – en plus d’un soutien important à laf i l i è re Canne-sucre-rhum qui re p ré s e n te 45 % du bud-get POSEI 2007 –, des primes animales et une aide à last r u c t u ration des filières d’élevage (Organisations dep ro d u c te u rs et inte r p ro fe ss i o n ) pour 16 % du budget.1 0 % sont co n s a c rées aux aides aux filières fruits etlégumes, cultures vivrières et flo ra les : aides à la co m-m e rcialisation sur les marchés lo caux, aides à lat ra n s formation, et accompagnement à la st r u c t u ra t i o ndes filière s .

Le paradoxe des Accords de partenariat économiqueOr, en même temps que l’Union européenne instauredes mesures spécifiques pour les RUP, elle négociedepuis 2004 avec les États voisins de la Caraïbe desaccords de libre échange qui risquent de mettre à basles outils créés en faveur des productions vivrières.M. Plaisir, du syndicat CTU des douanes, dénonce cesAccords de partenariat économique (APE), qui entraî-

Les difficultésde la bananeou de lacanne, une opportunitépour les productionsvivrières ?

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neront, dès leur mise en place début 2008, la perte detoutes les protections du marché intérieur des RUP dela Caraïbe (avec une incertitude pour l’octroi de mer).Concernant les produits agricoles, la forte concur-rence des pays voisins, dont les coûts de productionsont très bas, est prévisible et menace les produitsvivriers des RUP.

Parallèlement à ces évolutions déter-minées aux échelles européenne etmondiale, M. Rotin de l’UPG souligneque « de nombreux handicaps freinentle développement de ces productions,particulièrement en Guadeloupe » :l’absence de politique de financementpropre à ces productions, des organisations de pro-ducteurs inexistantes ou récentes et disposant de peude moyens, des structures de production insuffisam-ment aménagées, des marchés et circuits de com-mercialisation mal connus et mal exploités. Ainsi, enGuadeloupe, les productions de légumes, tubercules,racines, cultures fruitières, condiments et plante saromatiques ne représentent actuellement que 7,8 %de la SAU et les productions animales toutes filièresconfondues ne couvrent que 23 % des besoins enmoyenne. En Guadeloupe et en Martinique, un autre handicap,« physique » celui-là, est la pollution pour plusieurssiècles des sols de bananeraies par la chlordécone.Selon M. Cabidoche de l’INRA, la découverte de cettepollution a freiné brutalement le développement descultures vivrières et a sapé la confiance des consom-mateurs. De plus, la culture de racines, tubercules etlégumes souterrains est interdite sur respectivement11 % et 19 % de la SAU en Guadeloupe et en Martinique,p a rce que la teneur en chlo rd é cone de ces solsdépasse le seuil de contamination tolérable.

La divertification : un réflexe pour équilibrer son revenuMalgré ces divers handicaps, les producteurs multi-plient ces dernières années les efforts de « diversifica-tion », en développant notamment les productionsdestinées au marché local. « Les producteurs cher-chent à équilibrer leur revenu, en lien avec la baissedes prix de la canne et de la banane », interprèteM. Rotin. Cependant, sans une politique volontaristeen faveur des productions vivrières, les producteurs enresteront à ce « réflexe de survie », et continueront àsubir les conséquences du schéma imposé au niveaumondial, au lieu de choisir eux-mêmes leur stratégiede développement agricole.Ainsi, la place des productions vivrières dans l’agri-

culture des RUP (à travers le cas de la Guadeloupe) estbien incertaine. Pourtant, consolider la place de cesproductions est une nécessité pour améliorer l’auto-nomie alimenta i re des RUP, d’où la notion de« conquête » ou de « reconquête » des productionsvivrières.

TABLE RONDE 3Quelles politiques, quels outils etmoyens mettre en œuvre pour lareconquête des cultures vivrières ?

En premier lieu, M. Gayadine, de l’UPG, replace l’ob-jectif de reconquête des productions vivrières dans lastratégie de développement agricole et rural pour laGuadeloupe - stratégie qui doit répondre plus large-ment aux objectifs du développement durable. Pourreconquérir le marché intérieur avec les productionsvivrières et ainsi tendre vers l’autonomie alimentaire,l’UPG propose un projet alternatif basé sur l’approchesystémique des exploitations agricoles, sur l’agricul-ture paysanne comme mode de production durable etvisant à recréer l’indispensable lien social entre l’agri-culture et la société. Cette stratégie définie, les politi-ques et les outils, existants ou à créer, doivent êtreadaptés et déclinés en fonction de ce projet. Politiquesde protection des terres agricoles et d’installation,recherche et formation agricoles, politiques d’aides etde crédit, politiques d’agro-transformation, de restau-

ration collective, de promotion des pro-duits de te r roir… sont autant demoyens à orienter en vue de la recon-quête des productions vivrières. UneChambre d’agriculture active, véritableoutil de proximité, est primordiale pouraccompagner ce projet.

Manque d’accessibilité et d’efficacité des outils de développementM. Gabon, chef du SUAD de la Chambre d’agriculture,décline les outils techniques, économiques, de forma-tion et d’encadrement permettant d’accompagner unprojet de développement agricole. Proposer, en lienavec la recherche, de nouveaux itinéraires techniquestenant compte des contraintes des exploitants, utiliserl’ a n a lyse te c h n i co - é conomique et co m p ta b le d’uneproduction afin de mobiliser les leviers techniques etfinanciers pour améliorer le revenu des producteurs,former les jeunes qui n’ont généralement pas héritédu savoir empirique et sont confrontés à l’évolutiondes pratiques culturales, assurer un encadrementindividuel mais surtout collectif des agriculteurs… telssont les outils existants. Cependant, la mise en œuvrede ces outils est difficile, aux dires de la Chambred’agriculture, en raison de contraintes telles que l’en-gagement insuffisant des pro d u c te u rs, le manqued’accessibilité ou d’efficience de ces outils.

Rassurer les banquiersC e t te difficile mise en œuvre des outils de la Chambree st d’autant plus pré o cc u p a n te que cela limite l’ a ccè sdes pro d u c te u rs au financement, comme le souligneM . Richier, dire c teur adjoint de l’IEDOM. Pa r tant duco n stat que le secteur primaire est très peu financé parrapport aux autres secte u rs, il pointe : « deux facteurs

La pollutiondes solss’ajoute àd’autres handicaps

L’agriculturepaysannecomme modede productiondurable

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sont essentiels pour améliorer le financement desentreprises agricoles par les banques ». D’une part le sa g r i c u l te u rs doivent pouvoir ra ss u rer quant au pro-blème de l’indivision (garanties pour les prê t s ) ; d’autrepart ils doivent pouvoir fournir les documents co m p ta-b les néce ss a i res (plan de financement, tré s o rerie prév i-s i o n n e l le…). Ceci re n voie à la néce ssité d’acco m p a g n e rles pro d u c te u rs dans le domaine co m p ta b le et finan-cier, à tra ve rs une formation agrico le adaptée et un ser-v i ce de conseil et d’appui (gestion, ingénierie financière )a ss u ré par la Chambre d’agriculture et les ass o c i a t i o n sp ro fe ss i o n n e l le s .

Décliner en objectifs de recherche l’enjeu du développement durableConcernant le rôle de la recherche, Mme Celestine-Myrtil-Marlin, Présidente du Centre INRA Antilles-Guyane, précise qu’au-delà de la thématique de lareconquête des productions vivrières, « le rôle del’INRA est de décliner en objectifs de recherche l’en-jeu du développement durable ». Il s’agit de co n cevoir des systèmes de production inno-vants, dura b les et productifs en milieu tro p i cal humide,en creusant des thèmes de re c h e rche tels que laco n ception de systèmes de culture et d’élevage co m-p lexes et intégrés, la mise au point de techniques cultu-ra les alte r n a t i ves à l’ i n te n s i f i cation, la va lorisation desre ss o u rces lo ca les et de la biodive rsité, l’ i d e n t i f i ca t i o ndes déterminants de la qualité des fruits, légumes ett u b e rc u les (atte n te fo r te des co n s o m m a te u rs ) . . .Par ailleurs, l’INRA évoque la nécessité de développerun partenariat recherche-développement permettant

une meilleure diffusion des résultatsde recherche auprès des agriculteurs.Ainsi, une concertation régulière avecla profession agricole, mais aussi avecles acteurs de la société est néces-saire, à la fois pour prendre en compteleurs attentes dans la définition despriorités de recherche mais aussi pourleur restituer au mieux les connaissan-ces produites.

Volonté politique : des paroles aux actesCependant, sans l’appui des co l lectivités lo ca les quesont les communes, le Conseil général, et le Conseilrégional, la mise en œuvre des différents outils etm oyens cités par les pré cédents inte r venants re stelimitée. M. Laguerre, Président de l’ a ssociation desM a i res, M. Toribio, co n s e i l ler général, et M. Brudey ,co n s e i l ler régional, ont rappelé que les objectifs pour-suivis par le u rs institutions en matière agrico le sontceux du déve loppement dura b le et ont souscrit à l’ o b-jectif de satisfaction du marché intérieur par les pro-ductions vivrières. Ils ont cité dive rs outils pour acco m-pagner cet objectif, soit ex i stants mais à mieux utilisersoit à cré e r. En définitive, « on peut créer tous les outilsq u’on veut », a indiqué l’un d’eux, mais il faut te n i rco m p te des co n t ra i n tes ex t é r i e u res (ré g le m e n ta t i o nf ra n çaise, européenne…) et inst i t u t i o n n e l le s .Une conclusion qui rappelle étonnamment celle de laChambre d’agriculture : les outils existent, la volontéest affichée, mais c’est le statut quo en matière dedéveloppement…

Des systèmesinnovantsbasés sur la valorisationdes ressourceslocales

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La re co n q u ê te du marc h éi n t é r i e u r : une néce ss i t é

Les participants s’ a cco rdent largement à dire que lare co n q u ê te du marché intérieur est une néce ss i t éet espèrent que le co l loque débouchera sur uneré e l le évolution. La dépendance alimenta i re desRUP est une pré o ccupation pour beaucoup, co m m el’ i l l u st re le dicton populaire « N o t re jardin pouss esur le port ». Cette dépendance vis-à-vis de l’ ex t é-rieur est co n s i d é rée par ce r tains participantscomme un point fa i b le, notamment en cas de co n f l i tsocial (grève des tra n s p o r te u rs, docke rs etc.), vo i rede conflit international. Par aille u rs, l’ a p p rov i s i o n-nement des RUP risque d’être de plus en plus co û-teux du fait de l’ a u g m e n tation du prix du pétro le .L’enjeu de la production vivrièree st va l a b le également dans leca d re du tourisme, car les visi-te u rs s’ a t tendent à voir et co n s o m-mer des produits du te r ro i r.Un éclairc i ssement a été néce ss a i re sur le te r m ec u l t u res vivrières, utilisé dans le titre du co l lo q u e .Pour beaucoup, ce terme se réduit aux tuberc u le set racines ou alo rs aux seules productions vé g é ta-les alimenta i res. Or, pour désigner l’ e n s e m b le desp roduits néce ss a i res à notre alimentation de base(pour « v i v re »), il convient mieux de parler de pro-ductions vivrières, en englobant dans ce t te notionl’ e n s e m b le des produits animaux et vé g é taux dest i-nés à la consommation et issus d’un te r r i to i redonné. Pour plus de précision, la notion de pro d u c-tion vivrière doit être associée à ce l le de produit dute r ro i r. Ce terme est plus approprié que le te r m ep roduit lo cal, qui ne met pas l’ a ccent sur le fait quele produit est issu de la biodive rsité lo ca le .

Les freins à la consommation de produits vivriersCependant, déve lopper la production de vivres dansles RUP n’est qu’une étape, puisqu’il est indispen-s a b le ensuite que les produits en question soienta cce ss i b les et consommés. Or les co n s o m m a te u rsne privilégient pas suffisamment les pro d u i t sv i v r i e rs de te r roir, comme ce r tains le re co n n a i ss e n teux-mêmes. Plusieurs raisons ont été évo q u é e s :Des prix élevé s . « Les agriculteurs vendent tropc h e r », « les prix des produits vivriers sont élevés, cesont quasiment des produits de luxe ! », « l e smêmes produits arrivent des îles voisines beau-coup moins cher », arguent ce r tains participants.

En effet, la co n c u r re n ce des pays voisins, où le scoûts de production sont plus bas que dans les RUP,e st ré e l le pour ce r tains de ces produits vivriers .Un manque de co m p é t i t i v i t é . N o tons le re co u rs ,g é n é ralisé dans les RUP, à de la main d’œuvre agri-co le étra n g è re, qui traduit sans doute la néce ss i t épour le pro d u c teur d’abaisser ses coûts de pro d u c-tion, et d’être ainsi plus co m p é t i t i f. Qu’en sera - t - i lde ce t te co n c u r re n ce lo rsque les Acco rds de parte-nariat économique (APE) entre ront en applica t i o nen 2008 dans la Cara ï b e ? Fa ce à ces APE, unere m a rque a été émise par deux participants :« Puisque nous ne sommes pas concurrentiels pources productions, pourquoi ne pas laisser produirenos voisins et exporter notre “ matière grise ” etnotre technologie ? » Ce sont précisément les arg u-ments des partisans du libéralisme… Qui peutc ro i re qu’un te r r i to i re peut se passer de son agri-c u l t u re pour un déve loppement dura b le ?Un manque de co n f i a n ce dans la qualité des pro-d u i t s . Le problème de la pollution des sols par lac h lo rd é cone pré o ccupe ré e l lement les co n s o m m a-te u rs. Ceux-ci déplo rent le manque de garanties surla qualité sanita i re des produits, et les risques deco n tamination par la chlo rd é cone et plus glo b a le-ment par d’autres pest i c i d e s .Des co m p o r tements alimenta i res à éduquer. L ed éve loppement de la consommation des pro d u i t sv i v r i e rs passe aussi, et pour une grande part, parune re co n q u ê te et une ré é d u cation du goût. Leshabitudes alimenta i res, dès l’ e n fa n ce, sont to u r n é e sve rs les produits importés. « Nous fabriquons desenfants qui ont peur des aliments », analyse leD o c teur Henri Joseph. Cette peur co n cerne nota m-ment des produits du te r roir guadeloupéen avec le s-quels les enfants n’ont pas été mis en co n tact. Il y adonc un tra vail d’éducation alimenta i re des enfa n t sà mener, dans les ménages mais aussi dans les ca n-tines sco l a i res, qui dev raient privilégier les re p a sbasés sur ces produits. Il faut sensibiliser les muni-cipalités et les gest i o n n a i res de cantines en ce sens,m a l g ré le méco n te n tement de ce r tains pare n t s ,dont les enfants, peu « é d u q u é s » à ces pro d u i t s ,reviennent le soir sans avoir voulu en manger. Pa ra i l le u rs, il serait néce ss a i re de réaliser une étude duco m p o r tement alimenta i re des Guadeloupéens. Lep ro d u c teur de vivres doit savoir s’ a d a p ter à ces co m-p o r tements, car le goût du co n s o m m a teur évo l u eainsi que les « habitudes de la ménagère ». D éve lopper l’ a g ro - t ra n s fo r m a t i o n ( p roduits pré-cuits, prêts à l’ e m p loi…) dans ce t te optique est unen é ce ss i t é .

SYNTHÈSE DES DÉBATS

« NOTRE JARDINPOUSSESUR LE PORT »

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Prix au pro d u c teur et avenir de la pro fe ss i o nR evenons sur le prix desp roduits viviers et l’ é te r n e l leco n t radiction entre l’ ex i-g e n ce de prix bas par le sco n s o m m a te u rs et lan é ce ssité pour le pro d u c-teur d’un prix qui lui permette de « v i v re » des pro-ductions vivrières. Un pro d u c teur de miel guade-loupéen témoigne : « Il y 20 ans le litre de miel étaitpayé 25 Ä au producteur, aujourd’hui, il est à 16 Ä

le litre. Parallèlement, les supermarchés sont pas-sés de 15 tonnes à 200 tonnes d’importation ». Ilp o u rsuit avec ce t te inte r ro g a t i o n : « reconquérir lemarché intérieur n’ e s t-il pas une illusion si le pro-blème des prix, lié à celui des importations, n’ e s tpas posé ? » Le prix que perçoit le pro d u c teur doitlui permettre de tirer un revenu décent de son acti-vité. Sinon, « combien de nos enfants voudront êtrea g r i c u l t e u r s ? Comment intéresser à l’agriculture etvivre de l’agriculture ? », s’ i n te r roge un pro d u c te u rdes Canaries.

Quels circuits deco m m e rcialisation pour les produits vivriers ?L’engouement des co n s o m m a te u rs pour les gra n-des surfa ces s’ e st généralisé avec l’ évolution desmodes de vie. Plusieurs pro d u c te u rs dénoncent leconditionnement du co n s o m m a teur par la gra n d ed i stribution, la logique économique « qui fait croireau consommateur qu’il a besoin d’un produit toutel ’ a n n é e », le cloisonnement entre pro d u c te u rs etco n s o m m a te u rs né de ce mode de distribution. Or,les produits du te r roir ne sont absolument pas misen avant par les grandes surfa ces, comme entémoigne un participant : il a observé que dans lera yon fruits et légumes, environ 45 m2 sont ré s e r-vés aux produits importés co n t re seulement 2 m2

pour les produits guadeloupéens. Il précise quece t te situation est généra le, mais on peut tout demême noter qu’il y a plus de produits guadelo u-péens qu’aupara vant dans les ra yons. Un autre participant fait re m a rquer que chaquecommune dispose d’une ou plusieurs places dem a rché, la plupart désertées… En Martinique, unm a rché itinérant a été mis en place. Po u rquoi nepas re l a n cer ce réseau de proximité, re - d éve lo p p e rla ve n te dire c te ?

Les te r res agrico les menacé e sA u t re problème évoqué, co n cernant le déve lo p p e-ment des productions vivrière s : le foncier agrico le ,support de la production, est menacé par l’ a cc ro i ss e-ment specta c u l a i re de l’urbanisation. Celle-ci sed éve loppe à grands pas, et la spéculation immobilièree st très importa n te dans tous les RUP. Pro d u c te u rs etc i toyens s’ i n te r ro g e n t : sur quelles te r res cultive ra - t -on demain pour nourrir la population ? De plus, en Guadeloupe et en Martinique, les te r re sd i s p o n i b les pour ces productions sont aussi ré d u i te spar la pollution des sols liée à la chlo rd é co n e …exce l lent pré tex te, d’aille u rs, pour que ces te r re ssoient ré c u p é rées par le marché de l’ i m m o b i l i e r …Quelques participants évoquent la néce ssité à lo n g

terme de développer uneagriculture « propre »,n o tamment l’ a g r i c u l t u re bio-logique, et de tro u ver dessolutions pour les sols co n ta-minés (par exe m p le, la ca n n eà sucre pour pro d u i re du bio-ca r b u ra n t … ) .

Une question éminemmentp o l i t i q u eL o rsque est abordé le problème de l’ a u tonomie ali-m e n ta i re, la question du ca d re institutionnel et poli-tique se pose. Un participant demande : « ce cadren’ e s t-il pas un frein ? Les produits importés nes e r o n t-ils pas toujours privilégiés ? » L’ a u to n o m i ea l i m e n ta i re peut-elle vraiment être atte i n te sansa u tonomie politique ? Une agricultrice demandeq u e l les sont les re tombées pour l’ E u rope de sa poli-tique vis-à-vis des RUP. Est - ce que l’ E u rope nousdonne ou nous doit ? Certains ont te n d a n ce à perce-voir la politique européenne uniquement co m m eune politique de dons (de subventions)… Un autreparticipant évoque le rapport co lonial qui perd u ree n t re les métro p o les européennes et leur RUP :l’ancien système co lonial fondé sur des rapports dep roduction esclava g i stes a laissé la place à un sys-tème co lonial basé sur la consommation, visant àé co u ler les produits de la métro p o le dans les RUP.Dans tous les cas, la re co n q u ê te du marché inté-rieur pass e ra par une vo lonté politique lo ca le fo r te .Pour la Guadeloupe, le « n o n », lo rs du ré f é re n d u mde 2003, à l’ évolution sta t u ta i re lui offrant une auto-nomie décisionnelle est une limite ce r taine à ce t tere co n q u ê te .

SYNTHÈSE DES DÉBATS

LES HABITUDESALIMENTAIRES SONTTOURNÉES VERS LESPRODUITS IMPORTÉS

LA POLLUTION DESSOLS EST UN EXCEL-LENT PRÉTEXTE POURQUE LES TERRESSOIENT RÉCUPÉRÉESPAR LE MARCHÉ DEL’IMMOBILIER

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

niveau mondial est-il une opportunité à saisir pourdévelopper les productions vivrières ou au contraire unfacteur de déséquilibre qui menace le secteur agricoletout entier ? La pérennité de l’agriculture dans lesRUP passe par la recherche d’un nouvel équilibreentre cultures d’exportation et cultures vivrières, ausein de systèmes de production qui valorisent leurcomplémentarité.

Les pistes d’études

Préalable aux mesures en faveur des productionsvivrières, la connaissance des réalités de l’agricultureguadeloupéenne doit être affinée par quelques étudesciblées.Étude sur la disponibilité en SAU. Au-delà des chif-fres, quelles surfaces sont mobilisables pour un telprojet de reconquête des productions vivrières (fri-ches, terres bananières ou cannières, terres en indivi-sion etc.) ? Par ailleurs, sur quelle vitesse de dispari-tion des terres agricoles faut-il se baser pour faire desprojections sur la disponibilité en SAU à moyen et longterme ?Étude quantitative de la production vivrière (végétaleet animale) hors statistiques officielles. Une évalua-tion de la part de la production provenant des circuitsnon co n ventionnels s’ a vè re indispensable pourconnaître réellement le déficit à combler, productionpar production et partant de là, déterminer les besoinsen foncier pour chacune d’elle. Ceci permettra de défi-nir une politique foncière adaptée à l’objectif de satis-faction du marché intérieur.Étude des mesures européennes existantes afin demieux les utiliser au profit des productions vivrières. Ilserait intéressant également d’étudier l’effet des aidesdu POSEI spécifiquement destinées aux productionsvégétales et animales de diversification sur les volu-mes produits et les surfaces correspondantes.Étude des contraintes politiques du fait de notre dou-b le apparte n a n ce à l’Union européenne et à laCaraïbe : le projet de reconquête de notre autonomiealimentaire est-il compatible avec les cadres politiqueet économique caribéens et européens ?E n q u ê te sur les co m p o r tements et habitudes deconsommation, afin de déterminer si les consomma-teurs sont prêts à suivre… Pour reconquérir le marché

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Avant tout, nous retenons de ces deux jours de collo-que qu’il y a un consensus général sur la nécessitéd’élaborer un projet devant régler le problème de l’au-tonomie alimentaire. Nous notons également que cetavis est partagé par les politiques présents.Les conclusions du colloque alimentent ce projet dere co n q u ê te de l’ a u tonomie alimenta i re sur tro i svolets : le constat de la situation, point de départ duprojet, des pistes d’études visant à affiner ce constatet à identifier des propositions concrètes, les orienta-tions et éléments à prendre en compte pour la défini-tion d’une politique de développement agricole.

Les constats

Un déclin des productions vivrières dans toutes lesRUP (sauf la Guyane) et une dépendance alimentaireaccrue. Ce déclin, en surface et en production, s’opèrealors qu’il existe tout un dispositif conséquent d’aidesnationales et européennes (à travers les POSEI) et queles politiques de tous bords affichent l’objectif d’œu-vrer pour le développement agricole. Par ailleurs, lesinstitutions de formation, de recherche, de finance-ment et d’accompagnement (Chambre d’agriculture)existent.L’avenir des terres agricoles en question. Au-delàdes terres bananières et de l’environnement aquati-que pollués par la chlordécone, certaines pratiquesagricoles, notamment l’utilisation excessive de pro-duits phytosanitaires ou d’engrais, sont une menacepour les sols, supports de la production agricole, maisaussi pour les eaux (rivières, nappes souterraines).Par ailleurs, l’urbanisation incontrôlée gagne d’annéeen année sur les terres agricoles qui ont toutes leschances de disparaître si un dispositif de sauvegarden’est pas mis en place rapidement.Des comportements alimentaires qui privilégient lesproduits importés au détriment des produits de ter-roir. Cependant, de plus en plus de consommateursreconnaissent les qualités des produits de terroir et lan é ce ssité d’en co n s o m m e r. Ils ont d’aille u rs desattentes fortes vis-à-vis de ces produits, en terme dequalité, de prix et de régularité.Un équilibre cultures d’ex p o r ta t i o n / p ro d u c t i o n svivrières remis en cause. Le recul prévisible des cul-tures d’exportation suite aux réformes imposées au

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intérieur, il faudra nécessairement tenir compte deleurs attentes.Bilan des résultats de recherche valorisables concer-nant les productions vivrières, afin de les mettre àdisposition de la profession agricole.Travail d’inventaire, d’expérimentation et d’évalua-tion de systèmes de production et de pratiques dura-bles, à mener en partenariat avec la recherche, en vuede créer des ré f é rentiels te c h n i co - é co n o m i q u e saccessibles pour les agriculteurs. En effet, la recon-quête du marché intérieur doit se faire dans le cadred’une agriculture durable.

Les conditions d’une politique dereconquête du marché intérieur

Au-delà du consensus sur la nécessité d’une politiqueen faveur de la satisfaction des besoins du marchélocal, la définition de cette politique, et surtout sa miseen œuvre, nécessite un accord et un travail conjoint detous les partenaires (voir encadré).L’UPG a initié la démarche en essayant de rassemblerun maximum d’acteurs à travers ce colloque, mais elleinvite maintenant tous les partenaires à se rencontrerà nouveau afin d’élaborer ensemble les outils concrets

et opérationnels de cette politique. Chaque partenairedoit prendre sa part de travail, par exemple au moyend’une « charte d’engagement » définissant un calen-drier et les moyens à déployer pour atteindre lesobjectifs.

Ce colloque a également été l’occasion de réaffirmerquelques orientations auxquelles l’UPG est attachée,dans le cadre de ce projet :• le nécessaire maintien d’un équilibre entre les cul-t u res d’ex p o r tation et productions vivrières (il nes’agit pas de substituer les premières par les secon-des) ;• le développement de systèmes de production, avecdes modes de production durables relevant de l’agri-culture paysanne et adaptés à chaque région ;• recréer le lien social entre les agriculteurs et lasociété, indispensable à une compréhension mutuelleet à un développement conjoint.

Enfin, la mise en œuvre d’une telle politique nécessiteévidemment la mobilisation des agriculteurs eux-mêmes, qui doivent s’approprier ce projet afin deposer les bases du changement. Des séminaires thé-matiques régionaux et un dispositif d’animation ruralesont à envisager dans ce but.

LE S PA R T E N A I R E S D E L A P O L I T I Q U E AG R I CO L E

• les agriculteurs, à travers leurs organisations syndicales et économiques (groupements de producteurs, coopératives…),

• les partenaires de l’aménagement de l’espace et du territoire : SAFER, communes (à traversles PLU), DDE,

• les structures de formation agricole,• les organismes de recherche (INRA, CIRAD),• les structures d’encadrement et de développement (notamment la Chambre d’agriculture),• les partenaires financiers,• les collectivités locales,• les services de l’État (DAF, DSV, SPV, DIREN…),• les consommateurs, citoyens et leurs associations,• les acteurs de l’agro-transformation,• les acteurs du tourisme,• l’éducation nationale.

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Remerciements

Nous tenons à remercier vivement :

en premier lieu, les financeurs de ce colloque : la Direction générale de l’Agriculture de la Commission européenne,le Conseil régional et le Conseil général de Guadeloupe, sans qui cette manifestation n’aurait pas été possible ;

la Confédération paysanne et la FADEAR, qui sont à l’initiative, au niveau national, de la série de colloques danslequel s’inscrit ce l u i - c i ; nous re m e rcions particulièrement le u rs re p ré s e n tants qui se sont déplacés enGuadeloupe : MM. Régis Hochart, Yves Mouillet, Jean-Jacques Bailly, Guy Bessin, Jean Sabench et Mme ChantalJacovetti ;

les délégations des différentes RUP (principalement des agriculteurs), pour avoir fait le déplacement et participé aucolloque : les membres de la COAG-Canarias, du CNA du Portugal, de la Confédération paysanne de Mayotte, del’OPAM (Martinique), et du GRAGE (Guyane) ;

les intervenants, qui ont accepté de participer à cette réflexion tant par leurs exposés oraux que par leurs contribu-tions écrites ;

les animateurs des tables rondes, MM. Ary Broussillon, Adrien Mounien, Julien Mérion, et l’animateur général desdeux journées, M. Éric Lefèvre ;

les traducteurs interprètes, qui ont assuré sans relâche la traduction entre le français et l’espagnol ou le portugaisau cours des deux jours ;

les organisateurs de cette manifestation et membres du comité de pilotage : M. Alain Gayadine (UPG), véritable ini-tiateur local et « concepteur » de ce colloque, M. Alex Bandou, président de l’ADEARG, M. Philippe Rotin (UPG),M. Sully Gabon, de la Chambre d’Agriculture, pour le soutien notamment logistique, Mlles Marion Morize (UPG) etCécile Defèche (ADEARG), M. Rodrigue Aristide (INRA), et plus généralement tous les agriculteurs membres del’UPG et de l’ADEARG qui ont permis le bon déroulement du colloque.

les personnes ayant participé à la rédaction et relecture de ces actes, principalement M. Philippe Rotin (UPG),Mlle Marion Morize (animatrice de l’UPG), M. Rodrigue Aristide (INRA), Mlle Cécile Defèche (ADEARG).

Toutmoun, mèsi onpil !

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Actes réalisés par l'UPG, l’ADEARG et l’Adir

Maquette et impression : Imprimerie 34 - Toulouse - 05 61 43 80 10Photos couverture : UPG et ADEARG

ACP : Afrique - Caraïbe - PacifiqueADEARG : Association pour leDéveloppement de l’Emploi Agricole et Ruralen GuadeloupeAFSSA : Agence Française de SécuritéAlimentaire des AlimentsAGCS : Accord Général sur le Commerce etles ServicesAPE : Accord de Partenariat EconomiqueCARICOM : Marché Commun de la CaraïbeCIRAD : Centre de CoopérationInternationale de Recherche Agronomiquepour le Développement. (France)CNA : Coordination Nationale del’Agriculture - syndicat agricole portugaisCOAG Canarias : Coordinadora deAsociaciones de Agricultores y Ganaderos deCanarias - antenne canarienne du syndicatagricole espagnolFADEAR : Fédération Associative pour leDéveloppement de l’Emploi Agricole et RuralDAF : Direction de l’Agriculture et de laForêtDOCUP : Document Unique deProgrammationFEOGA : Fonds Européen d’Orientation etde Garantie Agricole

GLOSSAIRE

GRAGE : Groupement Régional desAgriculteurs et Eleveurs Guyanais IEDOM : Institut d’Emission des DOMINRA : Institut National de la RechercheAgronomique (France)INSEE : Institut National de la Statistique etdes Etudes Economiques (France)ODEADOM : Office de Développement del’Economie Agricole des DOMOCM : Organisation Commune de MarchéOMC : Organisation Mondiale du CommerceOP : Organisation de ProducteursOPAM : Organisation Patriotique desAgriculteurs de la Martinique.PAC : Politique Agricole Commune (del’Union Européenne)PLU : Plan Local d’UrbanismePMA : Pays Moins AvancésPOSEI : Programme d’Options Spécifiquesliées à l’Eloignement et à l’Insularité (RUP)RUP : Régions Ultra-PériphériquesSAU : Surface Agricole UtileSICA : Société d’Intérêt Collectif AgricoleUE : Union EuropéenneUPG : Union des Producteurs Agricoles dela Guadeloupe

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Contacts : Union des Producteurs agricoles de Guadeloupe - UPG

Ancienne Chambre d'agriculture - Destrellan BP 103 - 97122 Baie-Mahault - GuadeloupeTel : 05 90 92 61 64 / Fax : 05 90 92 96 77

E-mail : [email protected]

Association pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural en GuadeloupeADEARG

Mêmes coordonnéesE-mail : [email protected]

Avec le soutien de

CONSEIL RÉGIONAL DEGUADELOUPE Union Européenne

DG AgricultureCONSEIL GÉNÉRAL DE GUADELOUPE