8
Quelques spécificités du problème des incertitudes en géotechnique l'sl IE l= Itl l.Sl lÉ, JffiNIPIERRE ûlt NAN i Lab'io,rà1a,i&i.,eentfal ûes pâms et chausséeS ,r' 58, bd Lefebwe 7573,2 Pans Cedex 75 IVDIE : LêS,dis,cussiofis sur cet article sont acceptées , jusqu'au tu' aatrt 2001 L'auteur introduit par des exemples les sources usuelles d'incertitudes de la géotechnique: manque de chance dans l'implantation des sondages, emeurs humaines dans la manipulation ou l'interprétation des données, remaniement des éprouvettes de laboratoire... Dans ce contexte, la caractérisation des incertitudes, définies comme l'écart entre le modèle de l'ingénieur et la réalité, est une entreprise complexe, qui ne se réduit pas à l'application de simples analyses statistiques ou probabilistes. Il en est de même pour la théorie de la décision, qui nécessite des schémas d'analyse plus complexes que ceux gue l'on avait appliqués dans les années 1960-1970. Néanmoins, ces techniques d'analyse doivent être connues pour éclairer la réflexion des ingénieurs. Mots-clés : sources d'incertitude, analyse de risque, fondations, eneur. l+t IrJ t(o l\- I f-l I lrD l-o t< Some specific aspects of the question of uncertainties in engineering geotechnical The author describes, by means of examples, the usual sources of uncertainty in geotechnical engineering: bad luck when choosing the location of soundings, human errors during data handling or interpretation, remoulding of samples before laboratory testing... In such a context, characterising uncertainties, defined as the distance between the engineer's rnodel and reality, cannot be restricted to the use of elementary statistical or probabilistic techniques of analysis. The situation is the same for the decision theory, which needs more complex models or analysis than those used in the 1960-1970'ies. Nevertheless, these techniques must be known to engineers, in ^-À^- +^ l,-^l^ +1,-^* +L-.:'^1.;^ ^-^ ^ff;^-:^.^+1., \Jl L.lEl LU rrçIp Lllslll Lllrllr\llrv rrrul g glllurgrrLry. Key words: Source s of incertainly, risk analysis, foundations, errors. 3 REVUE FRANçAIsE or cÉorEctNteuE N" 93 4e trimestre 2000

Quelques spécificités du problème des incertitudes en ... · Quelques spécificités du problème des incertitudes en géotechnique l'sl IE l= Itl JffiNIPIERRE ûlt NAN l.SllÉ,

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Quelques spécificitésdu problème des incertitudesen géotechnique

l'slIEl=Itll.SllÉ,JffiNIPIERRE ûlt NAN

i Lab'io,rà1a,i&i.,eentfalûes pâms et chausséeS

,r' 58, bd Lefebwe7573,2 Pans Cedex 75

IVDIE : LêS,dis,cussiofis surcet article sont acceptées, jusqu'au tu' aatrt 2001

L'auteur introduit par des exemples les sources usuellesd'incertitudes de la géotechnique: manque de chancedans l'implantation des sondages, emeurs humaines dansla manipulation ou l'interprétation des données,remaniement des éprouvettes de laboratoire... Dans cecontexte, la caractérisation des incertitudes, définiescomme l'écart entre le modèle de l'ingénieur et la réalité,est une entreprise complexe, qui ne se réduit pas àl'application de simples analyses statistiques ouprobabilistes. Il en est de même pour la théorie de ladécision, qui nécessite des schémas d'analyse pluscomplexes que ceux gue l'on avait appliqués dans lesannées 1960-1970. Néanmoins, ces techniques d'analysedoivent être connues pour éclairer la réflexion desingénieurs.

Mots-clés : sources d'incertitude, analyse de risque,fondations, eneur.

l+tIrJt(ol\-I f-lI lrDl-ot<

Some specific aspectsof the question of uncertaintiesin engineeringgeotechnical

The author describes, by means of examples, the usual sourcesof uncertainty in geotechnical engineering: bad luck whenchoosing the location of soundings, human errors during datahandling or interpretation, remoulding of samples beforelaboratory testing... In such a context, characterisinguncertainties, defined as the distance between the engineer'srnodel and reality, cannot be restricted to the use of elementarystatistical or probabilistic techniques of analysis. The situation isthe same for the decision theory, which needs more complexmodels or analysis than those used in the 1960-1970'ies.Nevertheless, these techniques must be known to engineers, in^-À^- +^ l,-^l^ +1,-^* +L-.:'^1.;^ ^-^ ^ff;^-:^.^+1.,\Jl L.lEl LU rrçIp Lllslll Lllrllr\llrv rrrul g glllurgrrLry.

Key words: Source s of incertainly, risk analysis, foundations,errors.

3REVUE FRANçAIsE or cÉorEctNteuE

N" 934e trimestre 2000

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lntroductionParmi les sciences de l'ingénieur, la géotechnique a

une spécificité lourde de conséquence s : l'ingénieurchargé de I'aménagement d'un site ou de la conceptiond'un ouvrage peut spécifier une partie des matériauxqu'il utilise, comme le béton, l'acier, le bois, les matièresplastiques.. . Mais il doit s'accommoder des terrainsexistant sur le site et, pire encore, commencer par lesidentifier et les caractériser avant d'entreprendre laconception du projet.

L'identification des sols et des roches s'effectue aumoyen de sondages (linéaires), d'essais ponctuels et demesures géophysiques sur des surfaces ou desvolumes. Comme 1e volume et le budget des reconnais-sances sont toujours limités , Ia connaissance du sited'un projet reste partielle et les données des calculssont incertaines.

L'intérêt des spécialistes de la géotechnique pour ladescription statistique des sols et des roches et pour lescalculs de probabilités est né de cette incertitude, quine traduit pas un état aléatoire de la nature mais leniveau de connaissance ou de méconnaissance que l'onen a.

Le géotechnicien observe la nature à une échelleoù il n'y a pas de doute sur la présence et les pro-priétés des matériaux. Dans chaque volume élémen-taire, qui est infiniment grand par rapport auxatomes ou aux rayonnements, il y a un matériau (ouplusieurs matériaux) dont l'état et Ie comportementsont parfaitement définis et que l'on peut mesurer sion le désire. Mais on ne peut prélever et caractérisertout le sol d'un site. Entre des points, des lignes, dessurfaces ou des volumes où l'on fait des mesures, ilreste des espaces dont les propriétés doivent êtreestimées. Dans un volume de sol ou de roche, lanature et les propriétés des matériaux sont donc desfonctions aux valeurs estimées, âssimilables auxchamps aléatoires de la théorie des probabilitésparce qu'en chaque point de nombreuses valeurssont possibles, même si une seule (inconnue) existeréellement.

Dans ce texte, la probabilité ne décrira pas la naturealéatoire de la matière mais plutôt, comme l'a poséCornell au début des années 1960, le degré deconfiance de f ingénieur pour le modèle qu'il aconstruit des massifs de sols et de roches existant sur Iesite de son étude ou du comportement de l'ouvragequ'il étudie.

Cette définition implique la nature, qui existe, et unmodèle, qui la représente. Tous les ingénieurs font desmodèles et chaque modèle a un écart par rapport à laréalité. Les modèles de la géotechnique peuvent êtretrès représentatifs ou très incertains suivant la com-plexité du site, que l'on ne connaît généralement pas apriori et qu'il faut identifier en même temps que l'onfait les mesures.

Les différentes classes d'erreurs, d'incertitudes etd'aléas que I'on peut rencontrer en géotechniqueainsi que leur prise en compte possible sont détaillésdans l'article de ,J.-L,. Favre (2000). Norrs allons lesintroduire ici à travers quelques exemples. Puis nousexaminerons, dans le cas des fondations sur pieux, Ieniveau de complexité nécessaire des analyses d'incer-titudes en géotechnique, qui s'avèrent nettement pluscomplexes que les premiers travaux des années 1960-197 0.

Les surprises d'une plai ne côtièreLa reconnaissance géotechnique d'un terrain de

25ha (500 m x 500 m) avait été organisée de façonméthodique, avec des sondages au pénétromètre sta-tique et des sondages carottés avec essais de labora-toire (Fig .1.a). Rien en surface n'indiquait de variabi-lité particulière des terrains et l'ingénieur chargé del'étude établit un modèle simple du site, constitué decouches horizontales dont les propriétés étaient lamoyenne des résultats des essais de laboratoire. Leurvariabilité était faible et ce modèle servit au calcul destassements du sol sous un remblai général dequelques mètres de hauteur. Ce modè1e était bien calésur les essais ædométriques. Pourtant, il s'avéra com-plètement faux: le site était traversé, Selon I'axed'implantation des sondages carottés, par une valléefossile remplie de sols compressibles (Fig. 1.b). Lesessais ædométriques représentaient uniquement lavallée. Le reste du site ne comportait que des argilessurconsolidées anciennes, dans lesquelles la valléeavait été creusée.

Cet exemple illustre à la fois un problème d'échan-tillonnage et un problème d'interprétation des don-nées. L'échantillonnage (le choix de la position desessais) conditionne la représentativité des données.Dans l'exemple présenté, ces données ne reflétaient pasle site entier. Tout géotechnicien est à la merci d'un tel( manque de chance )). En revanche, l'interprétationdes données était incorrecte aussi, par inexpérience del'ingénieur responsable des calculs de tassements: lessondages de pénétration statique permettaient de déli-miter clairement la vallée fossile et de guider l'interpré-tation du site.

Les informations disponibles permettaient donc dedéfinir le site mais pas par une analyse simple des seulsparamètres de compressibilité ædométrique, quiétaient ceux nécessaires au calcul.

L'analyse simultanée d'informations d'origine et denature diverses est très souvent nécessaire dans lesétudes géotechniques et peut nécessiter des techniquesd'analyse complexes, telles les méthodes d'analyse fac-torielle comme l'analyse en composantes principalesqui est présentée dans l'article de Pouget et al. (2000).

EDe l'importance du transportdes carottes desol

Sur un autre projet, où l'on voulait construire unbarrage à travers la vallée d'un fleuve, les couchessuperficielles des sols, jusqu'à une profondeur d'unedtzaine de mètres, étaient constituées d'argilesmolles sensibles. Ces argiles étaient assez résistantespour porter les quelques mètres de remblai consti-tuant le barrage dans le lit majeur du fleuve. Néan-moins, le projet établi sur la base d'essais de labora-toire réalisés à quelques milliers de kilomètresconclut à Ia nécessité d'un barrage en palplanchesaccrochées à une ligne de pieuX : le laboratoire avaitdéclaré que les argiles qu'il avait reçues étaient àl'état liquide et ne pouvaient donc porter aucunecharge.

4REVUE FRANçAISE DE GÉOTECHNIQUEN'934e trimestre 9000

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S00 m

I Pénétromèlre statiqr,re

ç Sondage carotté

fr.+...+r*fiii:}Ï$ii+## fil#.#ilii Implantation de s s onda se s .

Location of soundings.

Vus de côt* de la vaûlé*e somBressible

iiiiiË*jftiil#lîçi'ifi.|ff 1{ffi$11$Æii P o sition de la vallée compre s sible.Location of the soft soil vallev.

'ffiii,ïi.liilii;iiiiiiiliif;iffiÆr*ii Plan schématique du site qui comportait une valléefossile.Schematic map of a site with a hidden vallev.

Cet exemple montre l'importance de la qualité desmesures : si le résultat d'une mesure est faux (ici parremaniement préalable de l'éprouvette, mais cela peutvenir de l'appareil de mesure ou d'une erreur de trans-mission des résultats), le modèle sera faux, même sitous les résultats des essais sont identiques.

Ell nefaut pas touiours éliminerles donnéesatypiques

Une des démarches fréquentes des analyses statis-tiques consiste à éliminer les données qui perturbentl'analyse parce qu'elles sont trop différentes des autres.Dans certains cas, cela fait partie du modèle d'anallzse :

une pluie catastrophique ou un séisme de magnitudeélevée peuvent être traités comme des événementsrares à longue période de retour et être éliminés del'analyse des risques pour une période de durée limi-tée. Mais, quand il s'agit de propriétés des sols sur unsite, il vaut mieux réfléchir soigneusement avant d'éli-miner des données, comme l'illustre l'exemple suivant.

ra----l^ r--^^i ^1l----^ ^--.!^-^^--+^ l^ -^^ .^^:^. 'Sut'ie trace ci une autoroute, ia reconnaissance geo-technique avait révélé l'existence de deux couches desols argileux compressibles, séparées par une couchede sable. La construction fut organisée en deux étapes,séparées de trois mois d'attente pour que la consolida-tion de l'argile ait Ie temps de s'effectuer. Lors de lamise en place du remblai de la deuxième phase, unerupture se produisit sur une centaine de mètres de lon-gueur, retardant de plus d'un an l'achèvement des tra-vaux. L'enquête réalisée après la rupture révéla que,

dans la zone du glissement, la couche intermédiaire desable était rempl acée par une couche d'argile sableusede perméabilité voisine de celle des couches d'argile.L'ingénieur responsable du projet avait bien noté quele sondage réalisé dans cette zone avait donné desrésultats un peu différents des autres. . . Mais au lieu dedemander des sondages de contrôle, il avait jugé quec'était une information aberrante et l'avait éliminée deson modèle du site.

Dans les reconnaissances géotechniques, il n'y a pasde raison que la nature soit systématiquementconforme à l'idée simplifiée que l'on se fait d'elle. Laressemblance d'une donnée aux autres n'est pas un cri-tère de tri... Il faut vérifier si ce n'est pas plutôt unindice de la mauvaise qualité du modèle du site, quedes données complémentaires pourront permettred'améliorer.

EÀ ptopos d'erreurs grossières

Lorsque l'on entreprend des analyses statistiques,on admet de façon plus ou moins consciente un certainnombre d'hypothèses, dont la première est qu'il existedes lois de probabilité des objets étudiés. L'image laplus fréquente de ces lois de probabilité est celle d'unefonction dont la valeur moyenne est connue en chaquepoint mais dont les valeurs réelles varient de façonaléatoire autour de cette valeur moyenne. La possibi-lité d'estimer les paramètres de la dérive (variation de lavaleur moyenne) du paramètre étudié dans l'espace ouen fonction de la profondeur n'est pas une garantie de

5REVUE FRANçAIsE oE eÉorEcHNreuE

N" 934e trimestre 9000

Page 4: Quelques spécificités du problème des incertitudes en ... · Quelques spécificités du problème des incertitudes en géotechnique l'sl IE l= Itl JffiNIPIERRE ûlt NAN l.SllÉ,

la validité du modèle. Ce n'est pas l'analyse statistiquequi peut protéger l'ingénieur contre les fautes gros-sières, par nature non probabilisables, que l'on observeparfois dans les projets.

Un événement survenu lors de la reconnaissancegéotechnique du tracé de la voie d'accès à une usinesidérurgique déjà construite a fait croire pendant plusd'un an que la construction de cette voie d'accèsdewait être abandonnée: l'origine de cette crise étaitune simple erreur de numérotation des caisses conte-nant les carottes des sols prélevés sur le site: deséchantillons d'argiles raides prélevés à plus de vingtmètres de profondeur furent échangés avec des échan-tillons d'argiles molles prélevés en surface. Les essaisde compressibilité réalisés sur les carottes donnèrentdes caractéristiques très faibles pour les sols prélevésen profondeur et des pressions de préconsolidationtrès inférieures à la contrainte effective initiale à cefteprofondeur. L'application mécanique des formules decalcul des tassements montrait que ces couches pro-fondes auraient du tasser de plusieurs mètres sous lepoids des couches supérieures et sous leur proprepoids. Il fallut plus d'un an pour que la vraisemblancedes données géotechniques fût remise en cause, ens'appuyant sur des règles de cohérence géologique etgéotechnique du site sans aucun rapport avec les don-nées analysées.

Ce type d'erreurs, heureusement rare, n'est pasdécelable par une simple manipulation des données.Les erreurs signalées dans les exemples pr écédents(mauvais choix des données à analyser, remaniementdu sol avant les essais) sont également très rares et fontpartie de cette catégorie des erreurs humaines ou gros-sières que I'on ne sait pas traiter de façon statistique ouprobabiliste. Les codès de bonne prâtique et recom-mandations professionnelles tentent de les écarter parune exhortation à un travail de qualité, exécuté par dupersonnel formé et compétent, voire par la vérificationdu travail par une autre personne.

Elincertitude sur les résultatsdes calculs dépenddefacteurs complexes

Les spécialistes de la géotechnique ne se contententpas de créer des modèles de sites, ils calculent aussi desouvrages de formes variées. On comprend facilementque si les données du calcul sont incertaines (aléa-toires), le résultat du calcul le sera aussi. La théorie desprobabilités dispose pour l'étudier de la notion de fonc-tion aléatoire, qui n'est nullement contraire à Ia défini-tion de la probabilité que nous avons adoptée : le résul-tat du calcul est aussi un modèle du comportement réelde l'ouwage. L'ouwage a un comportement unique (engénéral) et 1a probabilité est celle de l'éga.lité dr-r calcul(incertain) avec ce comportement réel du sol et del'ouwage.

L'évaluation de l'incertitude sur le résultat d'un cal-cul est compliquée en pratique par l'existence desources d'incertitudes autres que celles des données(Fig . 2): eD gén éral, les modèles de calcul ne sontqu'une approximation de la réalité du fonctionnementmécanique des massifs de sols ou de roches et le

L modèle géométrique du massif peut être lui-même très

v

approximatif. Les charges imposées à l'ouwage par sonenvironnement sont mal connues. Et l'ouwage finale-ment obtenu dépend aussi des conditions de sa réali-sation. On se trouve donc dans la situation d'estimerdes incertitudes sur des résultats numériques de cal-culs qui ne décrivent que de façon approximative laréalité du site et des travaux.

De telles analyses nécessitent des outils complexesdont la validation est difficile et dont le développe-ment rencontre pour cette raison de nombreux obs-tacles.

Un site Une rçcCInnaissancegé*technique partielle

De* rnêthode* et rrÈglesde calcul appnrchées

Des actian* impuséespar l"environnement

ivenl, séi*mes,.,.)

La réalité de l'exé*utiondes lravaux

iiiiiiiiïli:ii|iiiiïifiiiiill;|iiiïruæl.Ëiiiii1 Les incertitudes desUncertainlv sources in

calculs géotechniquesgeotechnical design.

E

REVUE FRANÇAISE DE GEOTECHNIQUEN" 934e trimestre 9000

U* ouvrage

De l'utilité, des corrélationsLa rareté des données géotechniques à l'échelle

d'un projet courant oblige l'ingénieur à utiliser toutel'information existante, même si elle ne se rapportequ'indirectement aux phénomènes qui conditionnentla conception et le fonctionnement de l'ouvrage. Lescorrélations entre paramètres contribuent à la valori-sation de cette information en permettant de contrôlerla vraisemblance des résultats des essais, de détecterdes anomalies, ou même de fabriquer les données decertains calculs.

L'utilisation de corrélations est facile... les tech-niques de recherche de corrélations par régressionlinéaire sont simples et les ouwages spécialisés en pro-posent beaucoup. Il faut pourtant être très vigilant danscette démarche et ne rechercher des corrélationsqu'entre des paramètres dont la mécanique des sols oudes roches peut expliquer le lien.

-

Évaluer les risquesL'évaluation des risques est l'objectif affiché de

'l^^^ ^l^ --^^t-^---1-^- -l-- -t-- -1 | Iucauuuup ue |eurlercrles recellles uans IOus les sec-

teurs de la société. Le cadre d'analyse est la théorie dela décision, avec des schémas de causes et consé-quences, des indices de fiabilité, etc. Les outils sontfournis par les théories statistiques et probabilistes,parmi lesquelles on a observé au cours des dernièresannées l'émergence de la notion d'ensembles flouspour traiter les phénomènes difficiles à probabiliser.Les schémas d'analyse sont attendus des différentesdisciplines concernées, c'est pourquoi il n'est pas éton-

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nant que les difficultés pratiques puissent différer d'undomaine à l'autre.

L'évolution des applications des probabilités et sta-tistiques aux études de mécanique des sols, avec l'idéede définir des niveaux de risques associés auxouvrages, s'avère assez dlfférente des prévisions quel'on a pu faire au cours des années 1970. Le formalismedes méthodes d'analyse de risque et de décision, quiétait facile à mettre en æuvre pour des calculs limités àquelques additions ou multiplications, n'a pas suivil'évolution des méthodes de calcul modernes, mais ons'est aussi rendu compte que l'on manque d'élémentsd'évaluation des niveaux de risques réels des ouwages.

EUouvrage deréférence

Pour les ingénieurs et chercheurs qui se sont inté-ressés aux applications des statistiques et probabilitésdans le domaine du génie civil et,, plus particulièrementde la géotechnique, au cours des années 70, un ouwagerécent servait de référence, le liwe de Benjamin et Cor-nell (1970) sur les probabilités, les statistiques et la déci-sion pour les ingénieurs civils (Fig. 3).

Dans leur préface, Ies auteurs écrivaient que : rc Celiwe est destiné aux étudiants, praticiens, enseignantset chercheurs en génie civil... (Il s'appuie sur) l'utilisa-tion d'exemples et de problèmes tirés du domaine dugénie civil. . . La raison principale de ce livre (est qu')une nouvelle théorie, encore controversée, se déve-loppe autour d'un objectif de prise de décision écono-mique... ))

De fait, ce liwe avait pour axe central les outils de la

pffffi ;:.,1i , ffi',#tii*'

théorie de la décision. Sa lecture était et reste encorerevigorante sur les objectifs qu'il est possible de pour-suivre. Mais il est utile aussi de regarder les trenteannées passées et de se demander ce qui a évolué etpourquoi cette idée n'a pas débouché sur des applica-tions pratiques. Nous l'examinerons sur le thème desfondations sur pieux.

À ta page 527 de ]'ouwage, on trouve un exemple deproblème servant de lien entre le liwe de Benjamin etCornell (1970) et le génie civil: uû ingénieur doit sélec-tionner la longueur de pieux à enfoncer par battagejusqu'à un substratum dont la profondeur est incer-taine. Les actions possibles sont de foncer des pieux de20m ou de 25m et les profondeurs possibles du sub-stratum sont de 20m ou 25m (Tableau I). Les consé-quences des couples ( décision-état > sont donnéesdans le tableau I. La solution explique commentprendre la meilleure décision. Une variante du pro-blème consiste à inclure dans l'analyse les résultatsd'un essai sonique de recherche du niveau du substra-tum, puis le battage préalable d'un pieu pour faire dis-paraître l'incertitude.

iiliiiiliiiiiii:iii,iliiiiiiliiii iiiiiii Conséquences des actions suivant les étatsde la nature.Consequences of actions dependingon the states of nature.

L'ouwage de Benjamin et Cornell définit clairementles fondements philosophiques de leur analyse. Poureux, l'incertitude naît de la différence entre la réalité etle modèle qui la représente. Le modèle est l'idée quel'ingénieur se fait de la réalité, qu'elle provienne del'analyse de mesures, de calculs ou d'idées < générale-ment admises ). On peut pour éciairer les idées citercomme exemples de modèles, le modèle géologique ougéotechnique d'un site, ou Ie résultat d'un calcul.

Le problème de cette approche est qu'elle ne s'inté-resse pas au cæur de l'activité du géotechnicien, qui estla conception et la justification des projets d'ouvrages.Ainsi, dans l'exemple rappelé ci-dessus, }e calcul dupieu se limite à a atteindre le substratum rocheux )).C'est un type d'analyse géotechnique pour le moinstrès élémentaire. C'est probablement aussi le seul typed'analyse que l'on sache waiment faire, trente ans plustard.

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Frobabilitês, statistiques et décision pour lesingêniears civils

J.R. Beniamin, C.A, Come[ll. Analyse statistique des données2. Eléments de la théorie rJes probabilitds3. Modèles probabilistes cCIurants

4" Modèles probabilistes et donnéesobservées

5. Théorie élémentaire bavésienne de ladécision

I a -_ ._t____ _ -t _ -l | _: _: --_ -l--- --CI, ftl]aty$g uç uççl$lul.l uç"_] plttççs$us

aldatoi res indépendants

ïf1iTiTfi#fiiiiiiït iiiiiffi Xiiiii L'ouvrage de référence des années 7O.The reference book of the 1970' sies. l

REVUE FRANÇAISE DE GÉoTEcHNIQUEN'93

4e trimestre 9000

Rocher à 20 m

Rocher à 25 m

5 m de pieuà couperet eniever, pertede 100 unités

Décisioncorrecte,

pas de perte

Décision correcte,pas de perte

Equipementde battageà modifier,perte de 400 unités

Les qucstions et com pétencesde l'an 2000

Les trente annéesIivre de Benjamin et

écoulées depuis laCornell (1970) ont

publication duété I'occasion

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d'une prise de conscience que l'évaluation des incerti-tudes sur la conception et la justification des ouwagesétait vraiment un problème complexe. On peut le voirsur le même exemple d'un pieu dont on doit justifier lacapacité portante en suivant les règles de calcul envigueur.

Selon les règlements ou normes en vigueur dans laplupart des pays, la justification d'yr pieu (Fig. a)

soumis à I'action de charges externes F et porté par la

l'expérience mais qui dépend tout de même d'essaisponctuels et de qualité inconnue pose des questionsdifficiles, d'autant que le calcul complet incorpored'autres phénomènes (charges horizontales, effets degroupe, effet répartiteur de la rigidité de la structureportées par les pieux) qu'i1 faudrait aussi caractériser.

résistance de pointe Ô, et

s'appuie sur deux conditionsde charge : une condition

le frottement latéral

pour chaque combinaisond'équilibre de la forme ;

fût

Q,iriaturedu xol

I

I

I?

Pressiçmôtre

Ménard

Vérif icstion verticale :

( Q,*o* * Qp*o*

plus

- vérificafionhorizsntale

- effet de groupe

- rigidit é, de lagtructure

Ë.ô,+ôr,et une condition sur les déplacements ou déforma-tions du pieu:

Déplacement < seuil prescrit.

charge$

iiiiii-iiiiiiifirïii-|iiiïiiliitffiffiiili1i Modèle d'interaction sol-pieu.Soil-pile interaction model.

L'utilisation d'autres modèles (méthodes de calculutilisées au Pays-Bas, calcul en éléments finis...) obligeà refaire complètement l'analyse d'incertitudes.

Cet exemple à peine ébauché illustre à notre avisl'évolution des attentes des ingénieurs géotechniciensvis-à-vis des méthodes d'analyse statistique et proba-biliste au cours des trente dernières années: les sché-mas de calcul des années 1970 étaient suffisammentsimples pour permettre Ie déroulement d'une procé-dure d'analyse d'incertitude, voire de prise de déci-sion... Mais ils sont trop simples par rapport aux déve-loppements modernes des connaissances sur lefonctionnement mécanique des pieux (et, de façongénérale, de tous les ouvrages géotechniques) . L'éta-lonnage global des méthodes de calcul, y compris lesméthodes de mesure des paramètres et les méthodesd'exécution des travaux, yr'à pratiquement été fait dansaucun pays, à part quelques exceptions comme I'éTa-lonnage du calcul des pieux au pressiomètre et aupénétromètre statique en France. Cet étalonnage estindispensabie pour évaluer le biais de la procédure decalcul (écart de la valeur moyenne calculée par rapportà la réalité). Sans cette vérification du bon cadrage de laprocédure de calcul, il n'est pas possible d'évaluer lesincertitudes et les risques associés aux ouvrages. Cetravail est long mais il devra être fait si l'on veut préci-ser les valeurs réelles des marges de sécurité en géo-technique et éventuellement les réduire un jour defaçon volontaire et contrôlée. En I'absence d'un tel tra-vail, l'application des procédures de dimensionnementvalidées par I'expérience reste le seul garant de la qua-lité du travail des ingénieurs.

ConclusionLes études de géotechnique souffrent d'incertitudes

dont les origines sont complexes. Norrs avons citél'interpolation ou l'extrapolation des données autourdes points de mesure, la fiabilité des résultats de cesmesures, la complexité des problèmes étudiés et levolume réduit des informations disponibles, la cara cté-risation des résultats des calculs mais aussi l'existence

Rdparriti*nspnfialu :

ruode deft:ncfiannsment

*i

.-.->Q*

-->+i*->

+I",+I

:1

+Qe pointeJi

'-.,.-^-..--t/t

iiiii1ïi$iiXï!Ïiiiiiiiilix11fx11r ffir#ii Charses et résistance du sol sur un pieu.Loads and soil resistance on a pile.

Les procédures de calcul traitent globalement leproblème et donnent les valeurs à comparer pour justi-fier l'ouvrage. Si l'on veut rechercher par contre lessources d'incertitudes, il faut identifier les modèles quireprésentent les différentes réalités qui conditionnentle fonctionnement de l'ouvrage. Ces modèles corres-pondent aux charges, au comportement du sol, àl'interaction sol-pieu, à l'interaction pieu-structure, à ladéformation du pieu, etc. On en vient alors à évaluerIes écarts entre }a réalité et chaque modèle, ce qui n'estpas facile à réaliser.

Les incertitudes sur les charges peuvent être rap-portées aux combinaisons (arbitraires) des charges élé-mentaires et à ces charges élémentaire s : masse desmatériaux (géométrie et masse volumique), chargesmobiles, reports de charges dus au fonctionnementmécanique de la structure, effets du vent, de la neige,des chocs, des séismes, du frottement négatif...

L'analyse des incertitudes sur les sols et sur lesmodèles de calcul est traitée différemment selon laméthode de calcul choisie. La méthode pressiomé-trique. d'usage très courant en France (Fig. 5), r-rtilisedes résultats de mesures mécaniques (l'essai pressio-métrique) mais aussi des abaques qui expriment l'effetde la nature des sols et des types de pieux, et qui ontété ca\és sur l'expérience ... La fiabilité d'une procédurede calcul dont certaines parties ont été calées surI

REVUE FRANçAIsE or cÉorecHNreuEN'934e trimestre 2000

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d'incertitudes ou d'erreurs tellement importantes etinexplicables qu'elles perturbent les schémas clas-siques de l'analyse statistique ou probabiliste.

L'avenir des procédures d'analyse de risques et deprise de décision, connues sous le nom de théoriebayésienne de la décisioh, dépend de la possibilitéd'inclure dans ces analyses les modèles modernes defonctionnement des ouwages. Nous possédons actuel-lement des règles historiques, partiellement justifiéeset codifiées, dont I'utilisation garantit un résultat satis-faisant. Pourra-t-on affiner ces règles pour diminuer en

moyenne la marge de sécurité ? La réponse est incer-taine : les outils d'analyse dépendent de données expé-rimentales complexes ou rares. . . La prévision est diffi-cile dans un contexte de concurrence économiquedifficile à contrôler.

L'application des techniques d'analyse statistique etprobabiliste présente donc un intérêt potentiel dans lesdifférents domaines de la géotechnique et la connais-sance de ces méthodes, mais aussi de leurs limites, estun élément important de la formation des ingénieursde génie civil et de géotechnique.

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9REVUE FRANçAISE DE GEOTECHNIQUE

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4e trimestre 2000

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