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IUFM DE BOURGOGNE Concours de recrutement professeur des écoles ANNEE SCOLAIRE 2003-2004 QUELS DISPOSITIFS METTRE EN PLACE POUR DEVELOPPER LES INTERACTIONS LANGAGIERES EN CLASSE ? SANTOS Katia Directeur de mémoire : Mme AUBRY N° de dossier : 04-03STA00085

QUELS DISPOSITIFS METTRE EN PLACE POUR ......3 Dans Apprendre à communiquer, Simonpoli reprend tout à fait cet objectif de l’école maternelle en disant : « Il s’agit donc d’offrir

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IUFM DE BOURGOGNE

Concours de recrutement professeur des écoles

ANNEE SCOLAIRE 2003-2004

QUELS DISPOSITIFS METTRE EN PLACE

POUR DEVELOPPER LES INTERACTIONS LANGAGIERES EN CLASSE ?

SANTOS Katia

Directeur de mémoire : Mme AUBRY

N° de dossier : 04-03STA00085

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SOMMAIRE Problématique : Quels dispositifs mettre en place pour développer les interactions langagières en classe ? INTRODUCTION.............................................................................................. page 1 I – LES ENJEUX DE L’ORAL ..................................................................... page 2

1-1 Enjeux institutionnels ................................................................................. page 2

a- Instructions Officielles .................................................................................... page 2 b- Pratiques dans les classes ............................................................................... page 3

A l’école maternelle .............................................................................. page 3 A l’école élémentaire ............................................................................ page 4

1-2 Enjeux pédagogiques .................................................................................. page 4

a- La complexité de l’oral ............................................................................ page 4 b- L’oral en classe : l’oral comme objet ?

L’oral comme outil d’apprentissage ? .................................................... page 5

Un oral pour apprendre (= outil) ........................................................... page 6 Un oral à apprendre (= objet) ................................................................ page 6

II – L’ORAL POUR APPRENDRE : COMMENT DONNER L’ENVIE DE PRENDRE LA PAROLE ? ..................................................................... page 7

2-1 Analyse de pratiques................................................................................... page 7

a- La gestion des prises de parole ....................................................................... page 7

Echanges d’idées : paroles libres .......................................................... page 8 Apprentissage du respect de tour de parole........................................... page 10 L’usage de l’oral dans une discipline.................................................... page 12

b- Le conseil coopératif....................................................................................... page 13

Pour avancer ensemble......................................................................... page 13

c- Les limites ....................................................................................................... page 15

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III – UN ORAL A APPRENDRE : COMMENT ORGANISER DES INTERACTIONS ORALES FAVORISANT DES APPRENTISSAGES

LANGAGIERS POUR TOUS .............................................................. page 16

3-1 Analyse de pratiques : travail sur les genres oraux ................................. page 16

a- Le débat ........................................................................................................... page 16

Description de l’activité ........................................................................ page 17 Constat .................................................................................................. page 17 Analyse après la pratique ...................................................................... page 18

b- L’exposé .......................................................................................................... page 19

Description de l’activité ........................................................................ page 19 Constats et remarques ........................................................................... page 20

c- Le rappel de récit : le récit oral ...................................................................... page 21 d- Dictée à l’adulte.............................................................................................. page 21

3-2 Le rôle du maître......................................................................................... page 23

CONCLUSION ................................................................................................... page 25 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................. page 26 ANNEXES............................................................................................................. page 27

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INTRODUCTION Si aujourd’hui, à l’école, l’oral occupe une place importante dans les apprentissages, c’est

que l’on pense que l’enfant doit d’abord bien parler pour ensuite entrer plus facilement dans les apprentissages « sérieux ». D’ailleurs, l’étude du développement du langage a beaucoup évolué depuis le début du siècle.

«L’élève à qui on demande de s’exprimer doit se mettre en scène devant ses camarades. Il

doit résoudre une question dans l’instant et essayer de faire quelque chose qu’il ne savait pas auparavant en direct et devant un public. Cet enfant n’est pas seulement jugé sur ce qu’il sait, mais aussi sur sa façon de le dire. C’est toute sa personnalité, son corps, son apparence qu’il met en jeu. A travers sa façon de s’exprimer transparaissent ses origines sociales, géographiques qui sont sources de critique et donc d’inhibition (article de M. Dupuis « Donner la parole aux élèves sans donner de la voix » Le Monde de l’Education avril 2001). En lisant cette citation, nous pouvons en effet, réaliser combien il est important que l’adulte mène l’enfant vers la communication orale, instrument primordial de la socialisation. L’objectif prioritaire de l’école est donc de développer à travers la verbalisation et les échanges, des démarches d’apprentissages, l’acquisition de connaissance, d’attitudes intellectuelles et l’accès à une culture commune.

Lors des différents stages effectués dans les classes, j’ai pu constater que les élèves rencontraient certaines difficultés, dans le domaine de l’oral. J’ai pu noter que les enfants avaient du mal à prendre la parole, à s’exprimer de façon claire et cohérente pour raconter, décrire, expliquer, argumenter. De plus cela me paraissait un vrai problème pour eux. Il m’a donc semblé intéressant de réfléchir à ce problème de la prise de parole à l’école et plus précisément de voir quels dispositifs mette en place pour développer les interactions langagières à l’école primaire. J’ai essayé pendant mes stages d’aménager des séances de langage, d’adopter des moyens particuliers afin d’entraîner un maximum d’enfants à s’exprimer. J’ai aussi réfléchi aux paramètres positifs et négatifs qui pouvaient agir sur la prise de parole des enfants.

Ainsi, mon propos sera, dans un premier temps, d’analyser les différents enjeux de l’oral

aussi bien institutionnels que pédagogiques en tentant de dresser un rapide tableau de ses caractéristiques complexes. Ensuite, en prenant en compte les deux aspects de l’oral, en temps qu’outil d’apprentissage mais aussi en temps qu’objet d’apprentissage, je m’attacherai à analyser ce qu’il convient de mettre en place pour donner aux enfants l’envie de parler et de développer des compétences langagières. En utilisant mes pratiques et les différentes situations que j’ai mis en place dans les classes, je tenterai de dégager les avantages et inconvénients de celles-ci.

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I – LES ENJEUX DE L’ORAL

Travailler l’oral ? Personne ne doute aujourd’hui de cette nécessité et toutes les études, les Instructions Officielles et les revues pédagogiques en parlent. Les enjeux de la prise de parole, de la communication, de l’oral et, sous tout ceci, du langage sont de taille pour ne pas négliger ce domaine à l’école. Les Nouveaux programmes insistent beaucoup sur ce point en évoquant, dans tous les domaines d’apprentissages à l’école primaire, la maîtrise du langage oral. Savoir communiquer est devenu un objectif scolaire incontournable et évaluable dès les premières années de scolarisation.

1-1 Enjeux institutionnels La volonté de faire parler les élèves dans des situations variées, le désir de donner à tous

les enfants la possibilité de maîtriser un langage qui leurs permettent de vivre en société mais aussi, de s’affirmer professionnellement devient un objectif primordial à l‘école de nos jours. Aussi bien dans les programmes de l’école maternelle où l’on utilise l’expression « le langage au cœur des apprentissages » que dans ceux de l’école primaire où l’on parle de « maîtrise du langage », la parole de l’élève constitue un vecteur d’expression d’apprentissage cognitif et relationnel qu’il ne faut pas négliger.

a- Instructions Officielles

« Communiquer et structurer son langage » sont les mots-clés des Instructions Officielles. Ceux-ci accordent à l’enseignement de l'oral des finalités plurielles :

Prendre place dans « le réseau de communication quotidienne » c'est-à-dire permettre à tous de participer à des échanges verbaux tout en améliorant l’organisation, la cohérence et la clarté de ces propos.

Dépasser l’apprentissage d’un oral qui concernerait la seule sphère cognitive ou qui consisterait en un empilement d’activités de communication vides de sens : il s’agit ici d’adapter le langage de l’enfant aux différentes situations qui se présentent à eux, de respecter les paramètres nécessaires à un échange, de faire des choix.

« Participer à des échanges collectifs » c’est-à-dire une visée qui accompagne le domaine du « vivre ensemble » : en effet, si l’éducation civique apparaît être le domaine où l’enfant découvre les règles de vie, le respect de l’autre…, cette discipline permet le débat au cours duquel l’enfant prend conscience de la valeur de la parole, des règles qui la régissent.

Travailler le langage à travers différentes activités qui concernent le langage d’évocation : raconter, comprendre, reformuler, inventer, dire ou chanter. Ceci vise essentiellement le développement et la structuration du langage de chacun c’est-à-dire permettre à l’enfant d’employer un langage articulé, structuré avec des logiques sémantiques, syntaxiques, différentes bien sûr selon les cycles.

A ces finalités, répondent les objectifs suivants :

A l’école maternelle, l’objectif principal est axé sur le langage oral. Il s’agit de favoriser et d’améliorer la communication orale. En effet, les enfants qui franchissent la porte de l’école maternelle disposent de la parole mais leur relation aux mots est extrêmement inégale : la conscience de ce qu’est un mot, du sens qu’il porte vers l’autre, la possibilité de participer à un échange, est pour certains particulièrement difficile.

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Dans Apprendre à communiquer, Simonpoli reprend tout à fait cet objectif de l’école

maternelle en disant : « Il s’agit donc d’offrir à l’enfant un grand champ de possibilités d’expressions parce que communiquer n’est pas un acte artificiel. Il s’agit pour l’enseignant de créer des situations très variées tout en privilégiant le vrai caractère de la parole c’est-à-dire parler pour véhiculer une information par besoin ou par envie ».

A l’école primaire, l’objectif qui repose sur le langage oral reste déterminant c'est-à-dire tout le travail sur le langage oral se poursuit. Ici, il s’agit d’un objectif dans un premier temps communicationnel (échanges oraux). S’ajoute également un objectif concernant la maîtrise du langage et la structuration de l’enseignement sur la base d’une typologie de conduites discursives (raconter, justifier, argumenter, etc.).

Ainsi, comme le montre les Nouveaux Programmes, l’oral devient un centre d’intérêt

majeur à l’école car ces enjeux en matière de communication, de socialisation sont très importants. Il convient donc que sa place, sa pratique dans les classes deviennent une préoccupation et un souci majeur pour les enseignants.

b- Pratiques dans les classes

La pédagogie de l’apprentissage de l’oral, mise en place en classe, n’est pas la même à

l’école maternelle et à l’école élémentaire car les objectifs ne sont pas les mêmes. En effet, à l’école maternelle, l’élève doit apprendre à parler et communiquer. A l’école

élémentaire, ce qui est visé est de l’ordre de la connaissance des types d’oraux et de leur pédagogie ainsi que la connaissance des différents registres de langue afin d’adapter la parole aux paramètres de la situation de communication.

A l’école maternelle

L’enseignant, de nos jours, vise un apprentissage de la communication qui commence

avant tout par savoir écouter. L’écoute doit être active. Celle-ci réclame une véritable attention, une présence à ce que l’on entend. L’enseignant doit donc attirer l’attention des enfants en les captivant. C’est en jouant autant sur les mimiques (marionnette, geste, jeux de doigts) que sur l’intérêt des textes lus et des propos tenus que l’enseignant obtient l’attention des élèves. (album, comptine, types d’écrits divers, lecture à haute voix).

L’enseignant met aussi en place des situations ludiques pour susciter les échanges langagiers. On trouve, en effet, dans les classes maternelles, les coins jeux qui permettent aux enfants de développer les interactions spontanées. Ce que l’on cherche actuellement, c’est de favoriser le plus possible les moments d’échanges entre les enfants. Il faut laisser de la place à la discussion aussi bien pendant les apprentissages que pendant les moments libres.

A l’école maternelle, une place relativement importante est également donnée aux rituels car ils sécurisent l’enfant et ils participent à l’élaboration de repères. Les échanges de civilités, l’appel, les faits divers sont autant de moments qui engendrent des prises de paroles volontaires des enfants. Les enfants y adhèrent pour la plupart spontanément. Progressivement, la parole se banalise pour ceux qui ont peur.

D’autre part, la pratique de comptines, poésies, chants est très appréciée par les enfants et leur fournissent un bagage lexical et syntaxique sous forme ludique.

Enfin, se mettent aussi en place dans les classes de maternelle des échanges oraux qui contribuent à la construction de savoirs disciplinaires comme, par exemple, la description d’images, le rappel de récit, la dictée à l’adulte pour expliquer une sortie, par exemple. Ces verbalisations et conduites discursives permettent, à la fois, la construction des savoirs, mais aussi une liberté de s’exprimer ensemble, chose qui favorise la prise de parole.

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A l’école élémentaire

Marie Christine Presse dit, dans un article de la revue Animation et Education : « la parole

est le médiateur privilégié dans la construction du rapport social ». En effet, à l’école élémentaire, les pratiques de classe ont une visée sociale, c'est-à-dire qu’il est nécessaire de permettre à l’enfant de s’adapter à toutes situations qui seraient susceptibles de se présenter à lui dans notre société actuelle. Il s’agit de pratiquer une parole qui lui permette de s’opposer à l’autre de façon non violente, une parole qui lui permette de s’exprimer en respectant les règles et conventions de vie, en classe et en société. Le conseil de classe, le « Quoi de neuf », l’heure de vie de classe, le journal scolaire sont autant d’outils, de lieux et de dispositifs d’échanges qui amènent les élèves à participer à la vie du groupe, à développer les compétences nécessaires au débat.

D’autre part, l’enseignant de l’école élémentaire met également en place des activités pour que les enfants aient accès à la diversité des oraux. L’enseignant construit donc des situations d’apprentissages autour d’un genre donné, afin de permettre aux élèves de repérer ces caractéristiques, de réaliser des productions et enfin de réutiliser ce genre oral dans des situations propices. On va en effet entraîner les enfants à la conduite discursive du « raconter« , du « décrire« , en Arts Visuels par exemple, de « l’expliquer« , du « prescrire » ou encore de « l’argumenter » lors d’un débat.

A l’école élémentaire, l’enseignant s’efforce aussi de pratiquer l’oral à travers la poésie.

Elle permet aux élèves de travailler la respiration, les attitudes, la diction. Aussi, elle garde un caractère plaisant et permet aux plus timides de faire de l’oral de façon sécurisante car une poésie est toujours apprise à l’avance.

Enfin, l’enseignant met souvent en place à l’école élémentaire des situations de petits groupes comme en science lors d’un travail de recherche, d’expérience, situations qui favorisent la parole de certains enfants. Chaque élève peut poser des questions sur ce qu’il ne sait pas ou ce qu’il n’a pas compris et les autres peuvent lui expliquer. Ainsi, les élèves sont invités à construire ensemble leurs savoirs et ont plus envie de s’investir, de prendre la parole.

1-2 Enjeux pédagogiques « Il faut laisser parler l’enfant, cela le place dans des conditions favorables pour

communiquer. Cependant, cette forme de parler est une condition nécessaire mais non suffisante à l’apprentissage du langage ». Cette citation de L. Lentin (Apprendre à parler à l’enfant de moins de 6 ans) traduit tout à fait la complexité qu’engendre l’apprentissage de l’oral dans les classes car il suppose tout un dispositif pour être mis en place qui s’appuie sur plusieurs paramètres. « Savoir prendre la parole » est le résultat d’un processus qui se déroule dans les différentes instances de socialisation, famille, école, pairs, d’où une difficulté dans sa gestion.

a- La complexité de l’oral

En effet, enseigner l’oral n’a rien d’évident tout d’abord car l’oral constitue un produit tardif de la culture scolaire. C’est une notion floue notamment pour les théoriciens pour qui l’oral est un objet difficile à cerner et par conséquent ardu à scolariser. Joaquim Dolz et Bernard Schnewly (Pour un enseignement de l’oral) partagent tout à fait ce point de vue. Insaisissable de par sa nature et son statut social, l‘oral sous ses formes variées est difficilement « scolarisable » de par sa matérialité. L’exercice de l’oral présuppose toujours un ou des auditeurs et aboutit, à la différence de l’écrit, à une production sonore. Cette réalité exclut donc une activité individuelle et empêche l’installation du travail sur l’oral comme

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activité centrale de l ‘enseignement. De plus comme la parole ne laisse pas de traces durables, l’évaluation des compétences des élèves devient aléatoire. Toutefois les facilités actuelles d’enregistrement permettent de dépasser partiellement ces difficultés et constituent un facteur expliquant le nouvel intérêt de l’école pour la parole, notamment dans l’enseignement des langues étrangères.

Aussi, l’oral ne se réduit pas à l’émission sonore. L’oral « c’est en effet l’écoute tout autant que l’expression (…), c’est aussi la gestion des échanges et de la prise de parole. Il y a une « multicanalité » de l’oral, qui loin de le réduire au vocal, inclut les mimiques, les gestes, les postures » (La place de l’oral dans l’enseignement de l’école primaire au lycée). L’oral qui s’associe à l’action de parler est une formation permanente de soi, une volonté de s’affirmer en tant qu’individu social et sociable, dans une société où le langage est primordial. On distingue différentes composantes de la prise de parole :

Pragmatique : comprendre l’enjeu de la situation, la tâche langagière requise par la situation.

Discursive : maîtriser la ou les conduites discursives requises par la situation (raconter, prescrire, …).

Linguistique : maîtriser les formes linguistiques adaptées à la situation : syntaxe, lexique, intonation.

Métalinguistique : contrôler son discours et agir sur sa production pour s’adapter à son interlocuteur.

Psychologique : oser prendre des risques requis par la prise de parole. Physiologique : maîtriser le volume de savoir, son débit, son geste.

Ainsi, devant le groupe classe, mais aussi en atelier ou en relation duelle, l’élève doit assumer une tâche complexe. Or, tous les élèves ne sont pas à égalité devant cette tâche. Toutes les études montrent que c’est dès la Petite Section de maternelle que les écarts se creusent entre les individus plus ou moins à l’aise en communication orale. Plusieurs explications sont avancées ; toutes renvoient à l’apprentissage précoce de la vie sociale.

Enfin, le terme d’oral renvoie à des activités et des situations d’énonciation très différentes. On est ainsi amené à faire des distinctions entre l’écrit oralisé et l’oral improvisé. D’un côté on a un oral préparé, qui prend appui sur un écrit antérieur : lecture à haute voix, récitation, exposé présenté à partir de note ; ce modèle très lié à l’écrit a longtemps été dominant dans les pratiques scolaires et il l’est encore souvent. Dans Pour un enseignement de l’oral, Dolz dit : « tendre vers la forme idéale que représente précisément l’écrit » ; ceci justifie les difficultés à enseigner l’oral. De l’autre côté, il est vu comme fondamentalement différent dans sa forme et sa formation puisqu’il devient un oral spontané ; de ce point de vue, tout enseignement de l’oral implique une intervention directe de l’élève (…). Ceci justifie qu’on ne puisse appliquer à l’oral les critères d’évaluation de l’écrit : alors qu’on ne prend en compte qu’un écrit achevé, l’oral improvisé se cherche. Face à toute cette complexité, il convient de dire qu’un travail de longue haleine doit être engagé par l’enseignant. L’exercice est difficile et les interrogations des maîtres sont fondées et légitimes : quelles situations, comment faire progresser les élèves, quelles pratiques ?

b- L’oral en classe : l’oral comme objet ? l’oral comme outil d’apprentissage ?

« L’oral pour apprendre » et « l’oral à apprendre » sont difficilement dissociables à l’école : il s’agira plutôt de dominantes ou d’un regard différent sur les mêmes activités.

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Un oral pour apprendre (= outil)

Ainsi range-t-on dans le domaine « oral vecteur d’apprentissage » des activités de lectures à haute voix ou de lectures dialoguées, des moments de récitation qui relèvent évidemment de la pratique du langage oral mais que leur proximité de l’écrit fait considérer comme des moyens pour consolider l’apprentissage de la lecture.

Selon un rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale (juillet 2000) l’oral est dans ce cas pratiqué dans des moments de découverte d’une situation, d’un support, d’un document. L’essentiel pour le maître est de susciter à partir de supports variés (situation vécue, image, expérience) une activité de parole précise, rigoureuse et adaptée à son propos.

Toutefois, on a de la peine à distinguer deux dimensions de l’usage de la parole, conduisant l’une à construire des savoirs ou savoir-faire, l’autre à créer par le dialogue un consensus partiel qui permette de « vivre ensemble ». En réalité, ce qui se passe pendant ces moments où il s’agit de construire des savoirs disciplinaires à travers les échanges oraux, c’est un partage d’opinion, d’hypothèses. Ceci a été appelé par les socio-cognitivistes le conflit socio-cognitif.

Finalement, bien souvent, rien n’est prévu pour s’assurer que tous les élèves participent réellement à l’élaboration de cette verbalisation d’une notion. Ceci est dû certainement à de nombreux facteurs (effectif, formation, …). Pourtant, permettre à l’enfant, qui propose une verbalisation inadéquate ou qui refuse la communication, de trouver pourquoi elle ne peut pas être retenue ou de lui donner les moyens de prendre la parole est sûrement « d’un intérêt pédagogique reconnu ».

L’oral à apprendre (= objet)

Les Nouveaux Programmes du Ministère de l’Éducation Nationale datant de 2002 insiste bien sur la nécessité de faire de l’oral un objet d’apprentissage. D’ailleurs J. Lang dans sa préface utilise bien « enseigner d’abord l’expression orale à l’école Maternelle », ce qui tend à donner à l’oral une place dans les domaines enseignés à l’École.

L’oral est objet d’apprentissage à partir de l’instant où les objectifs de la séance ou séquence sont clairement définis en fonction des compétences communicatives et langagières. Faire de l’oral un objet d’apprentissage c’est lui accorder une place réelle dans l’enseignement et c’est prendre conscience de son enjeu, de son importance, pour l’enfant.

Dans les classes, de nombreuses activités sont mises en place pour travailler l’oral. On a

d’abord ce qui concerne l’expression orale de textes écrits qui peut amener à un travail sur les phonèmes, la prononciation, la syntaxe.

récitation lecture expressive lecture dialoguée pour attirer l’attention sur des problèmes d’expression jeu théâtral

On a aussi ce qui concerne « les exercices oraux » qui, au cycle 3, touchent l’étude des

différents types d’oraux comme le débat, l’interview, l’exposé. Il s’agira ici de conduire l’enfant à dégager l’enjeu et les principes de fonctionnement de ces types d’oraux mais aussi à conduire l’enfant à ouvrir un espace communicationnel et à adopter l’attitude qui convient à la situation. Ces exercices constituent donc des pratiques discursives qui visent la production de textes oraux et à ce titre ils sont particulièrement intéressants car ils situent le travail du côté de la maîtrise du discours. Ils permettent également une prise de parole pour tous. Une pratique très

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fréquente dans les classes actuellement et qui va dans le sens des Instructions Officielles (moment précis de débat dans l’emploi du temps) est la réunion coopérative qui engendre la prise de parole des enfants « peu parleurs », de par son organisation.

Puis, on a aussi tout ce qui concerne les situations d’apprentissages adaptées. Ce sont des situations où l’on utilise le langage oral pour construire de nouvelles structures, pour s’efforcer à s’exprimer dans un langage construit, pour utiliser un vocabulaire jugé utile…. Elles sont nécessaires pour faire prendre conscience des différentes fonctions du langage, pour acquérir un langage structuré, pour oser communiquer. Ce sont des pratiques discursives très présentes au Cycle 1 :

dictée à l’adulte les rituels (support évolutif en fonction de l’année, notions travaillées comme la question,…)

rappel d’une expérience vécue (cahier de vie, sortie… ) reformulation d’un texte entendu.

Pour favoriser les prises de paroles, on peut donc exploiter l’oral en tant qu’objet

d’apprentissage c'est-à-dire lui accorder une place première et créer ainsi des moments où il permet de créer des échanges « constructifs » dans le domaine de l’expression orale.

Toutefois les deux dimensions de l’oral doivent être prises en compte dans les classes aussi bien en tant qu’objet qu’en tant qu’outil d’apprentissage. Ainsi, il fournit des moyens différents pour favoriser les prises de paroles. Philippe Perrenoud conçoit bien l’existence de ces deux dimensions. Il dit dans Bouche cousue ou langue bien pendue : « il y a des moments forts et d’autres moins, des moments où l’on fait explicitement de l’oral, au vu et au su des élèves, comme on ferait de la conjugaison ou de l’histoire, et d’autres moments où l’on pratique l’oral sans le savoir, en croyant faire tout autre chose […] ». II – L’ORAL POUR APPRENDRE : COMMENT DONNER L’ENVIE DE PRENDRE LA PAROLE ?

Comme on a déjà pu le faire remarquer, les situations d’oral en classe sont multiples. Concrètement, dans la pratique de l’oral à l’école, deux cas sont distingués : celui où l’oral est avant tout vecteur des apprentissages (l’oral pour apprendre, pour enseigner) et que nous allons voir maintenant et celui où il est objet d’apprentissage (français, langues vivantes, activités de communication, genres).

Il ne suffit pas que l’enfant entende parler autour de lui pour qu’il apprenne à se servir de son langage mais il est nécessaire que ses paroles s’inscrivent dans une expérience partagée qui lui donne du sens. Comme j’ai pu le constater lors de mes différents stages, les enfants n’arrivent pas à l’école avec les mêmes bagages, certains en sont encore au stade des mots-phrases, alors que d’autres sont capables de produire des petites phrases. Ainsi, l’école doit être le lieu pour tous de nouvelles expériences dans lesquelles chacun s’engagera à travers la parole. Il est important d’utiliser l’oral comme un outil qui entre dans les apprentissages et les pratiques de classe.

2-1 Analyse de pratiques

a- La gestion des prises de parole

Pour se construire une compétence communicationnelle, on doit développer chez l’enfant

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« un savoir-être » qui implique de se construire une image de soi comme interlocuteur de plein droit qui a quelque chose à dire, qui a le droit de le dire et qui assume les risques de l’intervention. Mais j’ai pu noter que l’oral est difficile à gérer et implique de nombreux problèmes d’ordre affectif. En effet, l’élève à qui l’on demande de s’exprimer, doit se mettre en scène devant ses camarades. Il sera donc non seulement jugé sur ce qu’il dit mais sur sa façon de le dire. Ainsi pour améliorer le désir de communiquer je pense qu’il faut :

réduire la dimension du groupe conversationnel diversifier les thèmes de travail en tâchant de noter ceux qui plaisent le plus aux enfants pour s’exprimer

augmenter le temps de parole de chacun en établissant une ambiance sereine travailler en groupes réduits mélanger les petits, les moyens et les grands parleurs ou dans certaines situations faire des groupes homogènes.

Echanges d’idées : paroles libres

Lors d’un remplacement effectué en Petite Section et Moyenne Section à l’Ecole

Maternelle d’Etrigny, j’ai pu me rendre compte de la difficulté d’organiser des séances de langage avec les petits. Le plus dur a été les séances en grand groupe car, ne voulant pas perturber les enfants, j’ai choisi de reprendre le fonctionnement de l’enseignante que je remplaçais. Celle-ci pratiquait tous les matins le « quoi de neuf », inspiré de la pédagogie Freinet : un temps était réservé aux enfants qui ont envie de prendre la parole pour raconter quelque chose en groupe classe. Au départ, cette pratique me paraissait intéressante car, correspondant aux Instructions Officielles. Malheureusement, je me suis vite rendu compte de ses limites, dues en partie à l’âge des enfants. D’une part, c’était toujours les mêmes enfants qui monopolisaient la parole et je ne voyais pas comment les en empêcher puisqu’il me semblait illogique de leur demander de s’exprimer et en même temps de leur couper la parole. D’autre part, on aboutissait souvent à des conversations stériles car certains enfants prenaient la parole mais n’avaient rien à dire. Les élèves prenaient la parole, s’exprimaient mais sur des choses sans intérêt pour eux et donc l’échange devenait ennuyant pour certains, d’autres commençaient à s’énerver. En lisant plus tard Simonpoli (Apprendre à communiquer), je n’ai eu aucune difficulté à comprendre ce qu’il entend par la « nécessité de sujets de conversation vrais » c'est-à-dire intéressants pour les enfants et guidés par la maîtresse. J’ai donc rapidement limité cette pratique et ceci n’a pas perturbé les enfants.

Aussi cette expérience m’a conduite à tenter de trouver d’autres moyens de faire parler les enfants de façon libre mais intéressante et engendrant des échanges utiles à tous.

Lors de mon stage en responsabilité, toujours en Petite Section et Moyenne Section, j’ai tenté de mettre en place des situations pour faire parler les enfants. De nombreux moments sont ritualisés à l’école maternelle c'est-à-dire reviennent fréquemment aussi bien dans la journée qu’au fil de la semaine. C’est par exemple le cas des rituels, des moments collectifs. J’ai pu constater que beaucoup d’enfants à ces moments précis ne prenaient pas la parole. Souvent chaque jour, il s’agissait des mêmes enfants qui s’exprimaient et qui, par leurs flots de parole, empêchaient les autres d’échanger. Réalisant toute l’importance de ces moments d’accueil, j’ai tenté un aménagement de ces moments de paroles libres pour favoriser la parole de tous. J’ai essayé de trouver des moyens qui engendraient une prise de confiance pour certains enfants afin qu’ils arrivent à échanger des

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paroles avec la maîtresse ou avec leurs camarades (Annexe 1). J’ai commencé par instaurer au moment de l’accueil du matin « une panière à trésors » où chacun peut déposer un objet, un dessin dont il veut nous parler. Au moment des rituels, je présente les objets de la panière et chaque enfant vient en parler devant les autres. La panière à trésors est restée vide pendant quelques jours mais ceci ne m’a pas empêchée chaque jour de rappeler le rôle de cette panière afin d’éclaircir, pour ceux qui n’auraient pas compris, le rôle de celle–ci, mais aussi afin d’encourager, de solliciter les enfants à participer à ce jeu langagier. J’ai pu voir qu’après une prise de confiance de certains, « cette panière à trésors » a engendré des prises de parole et même des échanges. Bouziane est un enfant qui ne parle pas bien le français et un jour Tracy a amené un billet du cirque dans la panière. Tracy a commencé à expliquer qu’elle était allée au cirque et ceci a entraîné tout un échange sur ce sujet pour beaucoup d’enfants. Bouziane a même levé le doigt pour répéter ce qu’avait dit Thomas sur la visite du zoo et les éléphants. J’ai pu noter qu’il est important dans ces moments de tenir compte du moindre désir de chacun de s’exprimer. Il faut être attentif au groupe afin de sauter sur l’occasion qui permettrait à un petit parleur de vouloir prendre la parole. Aussi, il faut profiter et savoir utiliser les objets ou choses qui permettent un échange, collectif et riche, pour engendrer la moindre parole. Par exemple, Thomas un matin en arrivant m’a montré un marron ; je lui ai dit de le poser dans la panière. Il a ainsi accepté de venir en parler même s’il ne savait pas de quoi il s’agissait mais ceci lui a permis de parler devant tous et d’écouter les propos des autres.

Dans la même optique et toujours pour favoriser les échanges communicationnels, j’ai profité de la présence de cahier de vie dans la classe pour introduire un nouveau fonctionnement.

J’ai proposé aux enfants d’amener chaque fin de semaine le cahier de vie (Annexe 2) à la maison. Je leur ai expliqué qu’ils pourraient faire des choses dessus, écrire avec leurs parents, coller des photos, puis à leur retour le lundi matin, ceux qui auraient mis quelque chose à l’intérieur viendraient en parler à leurs camarades, à la maîtresse. Mon but, en utilisant ce cahier de vie, était d’essayer de provoquer de nouvelles situations de langage mais aussi d’atténuer une appréhension de l’oral qui est l’improvisation. En effet, les enfants selon moi, ayant fait le collage ou dessin à la maison avec les parents, auraient eu plus d’assurance et de plaisir à venir parler devant les autres. Un lundi, voyant qu’Eva avait ramené son cahier de vie avec un événement à raconter, j’ai décidé l’après-midi, pendant le moment de langage collectif où seulement les moyens sont présents, d’engendrer une véritable conversation. Cette séance a été une réussite car chacun des enfants a pris la parole de son plein gré, sans que je les ai invités à le faire. Je remarque toutefois qu’au cours de cette séance, j’ai beaucoup parlé mais j’ai tâché de répartir la parole de façon équilibrée : Eva a pris la parole mais aussi Hadidja, Tracy. Même si l’objectif de faire comprendre à un adulte un événement auquel il n’a pas participé n’est pas encore atteint car Eva a besoin de mes questions pour continuer et répond très brièvement, j’ai été contente de cette séance pour plusieurs raisons : tout d’abord elle a été longue mais n’a pas lassé les enfants. J’ai donc pu prendre conscience que le fait même de parler les intéresse car normalement la capacité d’attention à cet âge est restreinte. De plus elle a mis en scène des enfants comme Bouziane ou Kelly dont les capacités langagières ne sont pas très développées et qui d’habitude parlent seulement pour se référer à leur cas. Ici, Kelly a surtout posé des questions à Eva. Il y a donc eu des interactions entre les enfants, ce qui me semble intéressant d’un point de vue pragmatique. Toutefois, j’ai aussi constaté après réflexion aux limites de ce cahier de vie : tous les parents n’ont pas forcément l’envie ou le temps de consacrer quelques minutes à écrire pour leurs enfants. D’autre part, l’école ayant un public d’enfants de milieu social très varié, tous les enfants n’ont pas la possibilité ou le matériel pour faire à la maison quelque chose. J’ai donc

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vu que ce dispositif pour engendrer la prise de parole n’était pas très performant mais au contraire qu’il creusait les écarts et les différences entre les enfants.

Apprentissage du respect de tour de parole

Un objectif de l’école maternelle est d’apprendre aux élèves à écouter les autres, à prendre en considération leurs paroles. En effet, une communication orale est une situation d’écoute : le co-énonciateur est actif, non seulement dans ses réponses, mais aussi et surtout dans son écoute. La vraie communication requiert que le partenaire prenne en compte dans sa réponse ce qui vient d’être dit. Ecouter, c’est savoir centrer son attention et ceci reste encore une tâche difficile pour les enfants de maternelle. La lecture d’albums à l’ensemble de la classe permet dans un premier temps d’exercer l’élève à l’écoute, à porter son attention sur un message oral autre que le sien. Mais pour inciter les enfants à garder une écoute attentive, j’ai pu noter que les enfants doivent toujours savoir où l’on veut les conduire. J’ai ainsi plusieurs fois pratiqué la lecture d’album pendant les moments de regroupement en précisant aux enfants qu’ils pourraient par la suite me raconter l’histoire ou répondre simplement à des questions. La lecture d ‘album est déjà une activité qui plait beaucoup aux enfants. Souvent ceci permet la parole de certains quand un élément de l’histoire leurs rappelle un événement de leur vécu ou une situation récente rencontrée. Ils rebondissent très vite de par leur attention à la lecture.

Lors d’un de mes stages réalisé en Cycle 3 (CM1 – CM2), j’ai pu pratiquer la narration d’une histoire par des grands aux moyens (Annexe 3). Deux enfants du CM2 choisissent un album et préparent l’histoire à deux en la lisant attentivement, en la présentant à haute voix avec le ton, en montrant les images. Ensuite ces deux enfants vont narrer cette histoire aux petits.

Un vendredi en début d’après-midi, cette activité a été réalisée à partir de l’album Roule Galette de Natha Capvio et Pierre Belves. Suite à cette séance de récit aux moyens, j’ai pu constater que cette activité constituait un autre moyen très riche pour les enfants de communiquer, d’apprendre à attendre son tour, à écouter les autres. En effet, travailler le récit à d’autres peut permettre l’allongement de la prise de parole, la perte d’une certaine appréhension aussi bien du côté du conteur que du côté du non-conteur. Le conteur est plus à l’aise à la fois dans sa lecture mais aussi dans son échange avec les enfants. Ceci s’explique tout d’abord par la préparation préalable de la lecture qui garantit une confiance et une assurance au conteur. Mais aussi ce conteur se sent plus à l’aise car il s’adresse à des enfants plus petits que lui et ceci peut lui assurer une certaine aisance dans son langage. Aussi l’enfant conteur ne se sent pas observé, évalué par la maîtresse. En ce qui concerne les non-conteurs, les prises de parole sont plus récurrentes même par les plus timides tout d’abord parce qu’ils ne s’adressent pas à la maîtresse auxquelles ils ont déjà l’image de quelqu’un qui évalue, qui juge. Aussi le fait de s’adresser à un enfant les rassure. Enfin, le support album constitue un outil très intéressant et riche pour engendrer la prise de parole car il propose des thèmes de conversation plaisant aux enfants. Dans cette séance, les élèves acteurs sont à la fois les conteurs et les non-conteurs. La majorité des enfants est amenée à échanger des propos et même si certains restent silencieux, j’ai constaté une grande attention et une grande écoute. Pour engendrer une parole d’un plus grand nombre d’enfants, je pense que la constitution de deux groupes pour les non-conteurs permettrait une moins grande timidité face aux deux élèves de CM2.

Les jeux incitent également l’élève à se tourner vers les autres, à prendre en compte leurs paroles, à écouter. En effet, ils sont essentiels dans l’apprentissage de la communication car ils reconstituent à leur manière la situation d’échange. Chacun est actif et doit respecter des « règles » afin de mener à bien le jeu. J’ai d’ailleurs pu remarquer que c’est souvent lors de

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situations ludiques que l’on peut entendre les enfants les plus timides. J’ai pratiqué lors de mon stage en Moyenne Section le Jeu du Tacto et ceci a été très

enrichissant au niveau de la structuration de l’échange (Annexe 4). J’ai donc dans un premier temps présenté une série d’objets familiers aux enfants (biberon, poupée, ballon, balle, peigne, fourchette, voiture). J’ai demandé de les décrire. Pour cette phase de description, seuls les enfants qui ont l’habitude de parler se sont exprimés en levant le doigt. Toutefois, j’ai noté l’attention particulière avec laquelle les autres ont écouté, ceci certainement par la présentation de l’activité comme un jeu. Ensuite, j’ai placé les objets dans un sac noir et j’ai expliqué aux enfants les règles du jeu . C’est au moment où j’ai demandé de reformuler le principe du jeu que Quentin, enfant inhibé et qui se désintéresse vite, a accepté de se prêter à cette reformulation. Il a donc répété les différentes règles et ensuite nous avons pu commencer. Au départ, tous les enfants ont levé le doigt pour venir piocher un objet, sans aucune exception et ceci a particulièrement retenu mon attention. J’ai cependant choisi un enfant pas trop timide pour débuter de façon à ce que tous s’approprient bien le jeu. Mélina est donc venue piocher le nounours ; sans le sortir et elle a commencé à le décrire (doux, mou). Immédiatement, tous les enfants ont levé le doigt pour donner la réponse et Mélina a donc interrogé un camarade qui a donné la réponse. J’ai pratiqué de nombreuses fois ce jeu de la même manière en ajoutant simplement de nouveaux objets car j’ai vu qu’il était très intéressant du point de vue de l’écoute, de l’attention des enfants mais aussi du point de vue des échanges. En effet chacun s’est prêté au jeu et tous les enfants ont pu y participer, bien qu’on aurait pensé que chaque enfant ayant une préférence pour un camarade, n’aurait pas permis aux autres de répondre. Le contraire s’est avéré car, les enfants étant les meneurs, décidant de qui ils interrogeraient, n’ont pas opté tout le temps pour leur copain. Ils ont pris en compte la participation de tous, sachant que tous les enfants du groupe piochent dans le sac mais aussi répondent et posent des questions.

Enfin, en réfléchissant sur les moyens divers qui peuvent permettre la communication, les prises de parole structurant les échanges à travers l’écoute, le respect de l’autre, j’ai réalisé qu’on pouvait profiter de l’interdisciplinarité de l’oral pour permettre aux enfants de prendre la parole dans des disciplines où ils se sentent à l’aise. Ainsi, l’enfant perçoit son usage du langage comme un moyen de s’exprimer, pour parler d’autres choses. Il est conscient que ce qui sera le plus important sera le sens de ces phrases.

L’agencement des séquences en séances tel qu’on peut l’observer dans la majorité des classes repose sur différentes étapes où l’enfant est actif par sa communication, ses échanges avec les autres. Au cours de mes stages, j’ai travaillé de nombreuses disciplines en alternant le travail en groupe, le travail individuel, le travail oral collectif. Ainsi, j’ai pu constater que l’étape de travail en oral collectif constitue un moment permanent et utile pour amener l’enfant à construire son savoir (conflit socio-cognitif). L’enfant est guidé par les questions de la maîtresse, est mis en situation de recherche et intervient pour faire part de ses idées. Dans ces situations, c’est l’enseignant qui gère les prises de parole et qui peut ainsi engendrer l’intervention de ceux qui parlent peu et qui doivent aussi avoir une part active pour que l’apprentissage soit réussi. J’ai pu observer en classe de Moyenne Section une séance de technologie reposant entièrement sur le discours oral. L’objectif de cette séance que je n’ai pas menée mais que j’ai observée était de construire une voiture « qui roule ». Les enfants avaient déjà fait une première séance où ils ont construit des voitures et élaboré un panneau à partir de photos. A présent, il s’agit de faire trouver aux enfants ce qu’il faut pour que la voiture roule. Les enfants sont par groupe de 8. J’ai donc pu observer que cette façon de procéder est très enrichissante car elle fait appel à l’écoute des autres mais également à l’observation, la réflexion et la formulation pour que les camarades comprennent. Souvent dans ces séances en petits groupes, la maîtresse qui gère la parole demande les idées de chacun, ce qui permet à tous de s’exprimer même si c’est seulement pour répéter les idées de la voisine. Jeanne, qui habituellement ne parle jamais, se trouvait dans un groupe où peu d’enfants se rappelaient ce

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qu’il fallait pour construire une voiture. Sollicitée par la maîtresse, elle a donc mis sur la voie les autres enfants qui l’ont écoutée. Ces paroles ont ensuite déclenché l’intervention de Corentin qui a continué la conversation.

L’usage de l’oral dans une discipline

Les situations de prise de parole en classe ne se résument pas à des situations de communication à dimension informative ou sociale (J. F. Simonpoli Apprendre à communiquer). L’acte de langage n’est pas sans rapport avec la construction de la pensée et du savoir. Le langage constitue aussi un moyen d’acquisition de savoir divers (1998 Revue Repères n° 17 « L’oral pour apprendre »). Ils se construisent par les échanges oraux, d’où l’importance de la pratique de prise de parole, d’échanges en classe, lors de séances de sciences, histoire… où un travail d’émissions d’hypothèses, d’explication, d’argumentation se fait en dehors des séances de langue proprement dites. Dans ces situations, collectives ou en petits groupes, la discussion permet de multiplier les occasions de communication et de conduites discursives variées.

Les situations de confrontation de solutions lors de la mise en commun peuvent être l’occasion de susciter la prise de parole chez certains enfants. J’ai constaté que tout moment d’apprentissage permet donc à l’enseignant d’interroger un élève sur un élément précis, de le valoriser et de l’encourager pour qu’il réitère cette démarche. Lors de mon stage réalisé au cycle 3 à St Marcel dans une classe de CM1/CM2, nous avons travaillé en recherche individuelle sur la division mais aussi sur la résolution de problèmes. Les enfants doivent trouver une solution pour résoudre ce problème : «Un marchand de vin a 2304 bouteilles. Il les range par 12 dans les caisses. Combien de caisses va-t-il remplir ? » Après quelques minutes de recherche, je suis passée à une mise en commun qui permet une confrontation des différentes méthodes utilisées par les enfants. Plusieurs enfants ont proposé leurs solutions mais une de celles que j’attendais particulièrement qui est la procédure experte n’est pas encore apparue. J’ai donc décidé de guider un peu plus les élèves et j’ai interrogé un enfant très discret à l’oral mais qui réussit bien à l’écrit. Celui-ci m’a donc proposé sa réponse et étant alors satisfaite, je l’ai félicité. Son intervention s’est prolongée car certains élèves n’avaient pas compris entièrement la démarche. J’ai donc invité cet élève à venir expliquer au tableau sa solution. En plaçant l’enfant dans un contexte valorisant, j’ai repoussé sa peur d’être face aux autres et ceci lui a conféré de l’assurance et lui a donné plus de confiance. Il été rassuré par sa démarche juste et par sa parole qui a permis d’arriver à la procédure experte. J’ai donc pu constater combien une situation orale pouvait favoriser à la fois les échanges, les interactions, les prises de parole de certains enfants mais aussi la construction collective par les enfants eux-mêmes d’un savoir disciplinaire. Ce dispositif de « mise en commun » favorise la prise de parole car les enfants avancent ensemble, à tâtons, en se justifiant, en confrontant leurs réponses, en modifiant leurs idées. Ici, j’ai vu qu’une certaine confiance se crée car tout le monde est mis sur le même plan (c'est-à-dire découverte, recherche d’une chose nouvelle).

Aussi, toujours dans l’optique de construire de savoirs disciplinaires à travers les échanges oraux, j’ai réalisé combien la verbalisation, les échanges langagiers étaient bénéfiques à la fois pour engendrer la prise de parole, mais aussi pour faciliter la compréhension. Ceci est constructif car ces situations reposent sur une série de paramètres positifs pour inviter l’enfant à parler.

En effet, souvent lors de ces moments oraux où un savoir entre en jeu, le climat proposé aux enfants les met en situation d’assurance et non d’échec bien qu’ils ne disposent pas de la solution. Ceci est vrai aussi pour les moments de mise en commun après des travaux en groupes qui conduisent à une institutionnalisation des savoirs. Lors de mon stage en cycle 1, j’ai mené avec des moyens un projet sur les sens, afin de faire découvrir aux enfants les cinq sens. Tout au long de cette séquence, j’ai pu voir combien la

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parole, les échanges étaient constructifs pour les enfants à la fois pour comprendre les sens mais aussi pour amener tous les enfants à participer. Après avoir mis les enfants dans les deux premières séances en situation « recherche » avec un bilan à chaque fin de séance, nous sommes arrivés à la dernière séance à une mise en commun collective pour aboutir à l’élaboration d’une trace écrite sous forme d’affiche (Annexe 5) avec des photos placées par les enfants, les organes des sens, les objets qui permettent l’usage des différents sens. Ici les enfants, en mimant les gestes, en montrant les organes des sens en même temps qu’ils citaient leur nom sont arrivés à comprendre le sens de cette affiche et à l’expliquer lors d’un moment de regroupement avec les petits à ces derniers. Les verbalisations et conduites discursives orales pendant ce projet sur les sens ont eu pour fonction de permettre la construction des savoirs, de développer la capacité à construire ensemble avec la parole. Il s’agit donc de former les élèves à ce type d’échanges que requiert la réalisation d’une tâche commune ici l’affiche, mémoire des verbalisations. L’oral devient ici un outil performant pour arriver à l’appropriation des sens par les enfants.

Maîtriser l’oral est donc, à travers la capacité à construire des concepts et des savoir-faire, un outil de maîtrise des savoirs. Dans la mise en mots et l’interaction avec les autres, la réflexion est mise à distance, sort de l’ordre d’objet personnel et accède au plan de la connaissance. Cette relation entre prise de parole et apprentissages dit combien il est important que chaque élève puisse accéder à la parole et construire des compétences langagières.

b- Le conseil coopératif

Conformément aux Instructions Officielle, la pratique orale de la langue est un élément important et présent, et qui doit être exploitée dans des pratiques de classes pour inciter les enfants à prendre la parole. Or ceci ne peut avoir lieu qu’en mettant en place des situations où l’enfant peut entrer en interaction et a envie de s’exprimer. Ainsi, j’ai pu réaliser aux cours de mes différents stages que la mise en place de pratiques pour faire coopérer les enfants était favorable à la prise de parole et aux échanges langagiers.

Pour avancer ensemble

La réunion coopérative dans une classe doit permettre aux élèves de s’exercer à la prise de décision en commun, à en assurer le suivi et à en faire le bilan. A titre d’exemple, quelques décisions qui peuvent être du ressort du conseil sont :

instaurer des responsabilités dans la classe (les définir, les attribuer, contrôler leur réalisation),

choisir des thèmes de travail dans le domaine de la connaissance du monde (décider des modalités : visite),

gérer des relations entre les individus de la classe, en laissant la place à une résolution non-violente des conflits,

proposer ou décider un ou plusieurs grands projets. En bref, le conseil est selon moi, l’institution phare de l’apprentissage de la vie démocratique de la citoyenneté : lieu de parole où la parole sert la communauté, lieu de décision où l’enfant est un décideur. Dans une classe de CM1, CM2, le conseil a tenu sa première réunion le premier vendredi d’octobre, soit un mois après la rentrée. L’enseignante justifie ce choix par l’absence du vécu fédérateur pendant les premières semaines de classe. Selon moi, comme selon l’enseignante que j’ai remplacée, il n’est pas souhaitable en effet de réunir un conseil coopératif trop tôt ; il faut laisser les enfants apprendre à se connaître.

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A la différence du « Quoi de neuf », qui présente des inconvénients, j’ai observé un réel intérêt des enseignants pour cette institution lors de mes différents stages, aussi bien en Cycle 1 qu’en Cycle 3, alors que les enseignants hésitent à le mettre en place en maternelle, en raison de l’immaturité langagière des élèves. J’ai donc pratiqué ceci en Cycle 3 : une durée de 30 minutes réglementaire donne le cadre temporel. Une fois toutes les deux semaines, on accorde 5 minutes à la distribution des responsabilités c’est à dire des rôles tenus pendant le conseil par les enfants. A l’issue du premier conseil que j’ai mis en place pendant lequel j’ai assumé le rôle de donneur de parole, j’ai soumis aux élèves d’ajouter ce rôle à la liste des métiers de classe (président, secrétaire). Comme toute proposition, on a procédé au vote. Finalement, c’est un élève plutôt réservé, Nicolas, qui a choisi ce métier. Suite à cette décision j’ai été curieuse et pressée de participer au conseil entièrement géré par les enfants, comme à l’habitude, où l’adulte, comme tout participant, n’a plus le droit de veto sur la parole des autres. Cependant, pour ce premier conseil, j’ai tenu à assister le secrétaire, chargé de consigner dans le cahier prévu à cet effet les décisions prises. Lors de ce premier conseil en ma compagnie, en tant que donneur de parole, Nicolas a assumé pleinement son rôle, ne se laissant pas déborder, rappelant à l’ordre les élèves qui s’exprimaient sans lever la main. J’ai dû intervenir à plusieurs reprises toutefois car le conseil, c’est bien connu, et c’est là son principal écueil, tend à devenir le tribunal accusateur de tel ou tel élève bouc émissaire. Or, l’élève incriminé doit avoir le droit de réponse, et Nicolas avait tendance à l’oublier. Mes interventions avaient donc pour objectif de proposer aux élèves de trouver des solutions pacifiques aux conflits. Un bilan en classe a permis de vérifier que les élèves avaient trouvé satisfaisant le déroulement de ce conseil et Nicolas a été reconduit dans sa fonction pour le conseil suivant. Comme j’ai pu le constater, la plupart du temps, ce conseil coopératif sert à réguler la vie de la classe, notamment les conflits existants, surtout ceux qui portent le plus préjudice au climat de classe. Ainsi, je pense qu’il ne faut pas forcer la parole des élèves en conseil mais plutôt instaurer un climat qui permet aux moins parleurs de s’investir seul dans ce conseil, dans les échanges. Mais il existe aussi des moments informels pendant lequel le maître peut, s'il a gagné la confiance de ces élèves, jouer le rôle de médiateur et engendrer les échanges. Pendant ces conseils, les élèves oublient que la maîtresse les observe ; son rôle est différent et ils cherchent plus facilement à s’intégrer aux propos qui les concernent. A mon sens, ces conseils coopératifs constituent un excellent moyen pour permettre les interactions entre les enfants, les prises de paroles des plus réservés car ces conseils sont mis en place dans un contexte précis pour l’enfant avec une prise de parole réglée et des thèmes de discussion proposés par eux-mêmes. Toutefois, avant que ces conseils prennent des formes satisfaisantes, une des prérogatives de l’enseignant consiste à impulser une dynamique de travail. Par conséquent, il me paraît donc indispensable de soumettre aux élèves non pas une structure figée du conseil mais une réflexion sur sa mise en place afin de garantir son bon fonctionnement pour qu’il soit utile à la classe. D’ailleurs, j’ai proposé de mettre en place à la disposition des élèves une boîte à doléance, qui serait dépouillé par le secrétaire du conseil un jour avant, afin de choisir les thèmes intéressants, à traiter pendant le conseil. La gestion du temps aussi a été un point sur lequel j’ai beaucoup insisté : par exemple les enfants ont proposé pour éviter que la régulation des conflits n’empiète sur les autres sujets qu’on pourrait instituer un découpage temporel. Ici, j’ai trouvé intéressant de travailler ce conseil coopératif dans un objectif d’engendrer des échanges entre les enfants c’est à dire utiliser l’oral pour permettre des interactions langagières car comme je l’ai déjà précisé, ces conseils se font dans une atmosphère sereine où même les enfants les plus timides se sentent à l’aise car ils sont dans une structure différente de celle de la classe habituelle. Toutefois, le conseil coopératif peut aussi être travailler pour développer des objectifs plus relatifs aux genres oraux ( savoir prendre une décision, donner son avis…) mais ce n’est pas dans cette optique que je m’y réfère dans ce paragraphe.

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c- Les limites

Le silence est demeuré pendant des siècles un des attributs de l’enseignement magistral.

L’élève ne devait en principe parler que s’il était interrogé et, parler à ses voisins pendant le travail individuel était interdit. Ces principes ont aujourd’hui beaucoup évolués et beaucoup changés. Notamment la conception de l’apprentissage a changé. Ce tournant communicatif a débuté dans les 60/70 et se poursuit encore de nos jours, proposant une redéfinition fondamentale de la finalité centrale de la langue à l’école.

En effet, les enjeux de l’oral, l’importance de la parole à l’école sont des préoccupations majeures pour le système scolaire et celle-ci sont prises en compte dans les programmes avec une place de plus en plus importante. Il ne s’agit plus d’exiger le silence mais d’organiser dans les classes le droit à la parole pour que chacun puisse s’exprimer, communiquer, et ainsi utiliser le langage et l’oral pour apprendre. D’ailleurs de nombreuses pratiques « à la mode », des procédés utilisés occupent les classes actuellement. Ainsi, ne peut-on pas dire que par toute cette préoccupation perpétuelle de pratiquer l’oral en classe, celui-ci est justement devenu une évidence que l’on croit pratiquer mais qui en réalité n’est qu’apparence dans les classes ?

Aujourd’hui, le langage oral est devenu un pivot des apprentissages aussi bien à l’école maternelle qu’à l’école élémentaire. En effet, les Nouveaux programmes utilisent l’expression « le langage au cœur des apprentissages » ce qui montre bien ce désir toujours plus croissant d’accorder à la langue et aux langages oraux une place déterminante dans les objectifs et les pratiques scolaires. Toutefois, la question de l’oral ne date pas d’aujourd’hui. Déjà en 1989 avec la loi de Lionel Jospin l’oral occupait une place première et conditionnait les autres activités de lecture, productions d’écrits. Toute activité orale devait être subordonnée à une situation de communication. Ceci, se poursuit dans les Programmes de 1995 où le langage apparaissait en seconde position après « vivre ensemble ». Donc on peut dire que cette exigence d’une pratique de l’oral a pleinement sa place à l’école et est une préoccupation qui ne date pas d’aujourd’hui. De ce fait, la pratique de l’oral est tellement considérée comme une évidence, que cet oral pratiqué devient une pratique routinière. L’école maternelle est l’école avant tout de la parole, de l’usage de l’oral, de la communication. Ainsi l’oral est tellement présent puisque l’écrit n’a pas encore sa place qu’il est travaillé sans réellement avoir une structure précise. On peut presque dire que par son omniprésence dans les apprentissages à l’école maternelle, l’enseignant perd la réelle visée de l’oral pour développer des compétences langagières et linguistiques. Au cycle 1, de nombreuses activités passent par l’utilisation de l’oral comme la lecture d’album, les dictées à l’adulte, le récit à d’autres, les rituels, etc ; c’est ici que sont accueillies les premières formes de communication. C’est pourquoi, en faisant de la maternelle l’école de la parole, on en oublie un peu son apprentissage réel au bénéfice d’autres domaines notamment l’écrit. C’est ce que j’ai pu constater en arrivant dans la classe de Petite Section, Moyenne Section. Toute la journée finalement on emploie l’oral, on utilise la parole, seule médiateur qui existe avec les enfants pour débuter et ceci fait qu’on accorde moins de place à de réelles situations d’apprentissage du langage pour permettre des prises de paroles construites et utiles à l’enfant. C’est ainsi que j’ai essayé de bloquer dans l’emploi du temps une plage réservée à une séance de langage proprement dite, avec un oral comme objet d’apprentissage pour conduire l’enfant à s’intéresser aux fonctions du langage et à les pratiquer. J’ai travaillé sur le questionnement, la description (Jeu du Tacto), la présentation, ceci pour travailler la syntaxe, le vocabulaire, la structuration du langage.

Je ne doute pas que l’exercice de l’apprentissage d’un oral à apprendre est difficile et que les interrogations des maîtres sont fondées et légitimes notamment les pratiques en classe

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mais toutefois, il faut s’attacher à ne pas faire devenir l’oral une évidence dans les classes qui conduirait à véritablement oublier que c’est un objet à apprendre et qu’il nécessite la mise en place de vraies séances structurées comme pour les autres domaines. Il faut toujours se demander quelles situations, comment faire avec une classe pour travailler l’oral. III – UN ORAL A APPRENDRE : COMMENT ORGANISER DES INTERACTIONS ORALES FAVORISANT DES APPRENTISSAGES LANGAGIERS POUR TOUS

A l’heure actuelle, travailler le langage oral en situation de communication est devenu une

chose essentielle. En effet, celui que ne sait pas adapter son langage à la situation de communication dans laquelle il se trouve ou qui refuse la communication à un moment précis s’expose à de grosses difficultés, d’abord dans le milieu scolaire et ensuite dans sa vie sociale.

Si l’on veut considérer l’oral dans son aspect de communication, il faut se situer dans le cas de l’oral, objet d’apprentissage. L’oral est objet d’apprentissage d’abord, à partir de l’instant où les objectifs de la séance ou séquence sont clairement définis en fonction de compétence de communication.

3-1 Analyse de pratiques : travail sur les genres oraux

Comme nous établissons une typologie de texte (descriptif, prescriptif… ), nous pouvons

amener les élèves à véritablement comprendre les caractéristiques des types d’oraux qui constitue selon moi, un excellent moyen et dispositif pour engendrer la parole. Il est en effet important que les enfants aient accès à la diversité des oraux pour en saisir l’enjeu et donc réutiliser les particularités de chacun d’entre eux. Chaque genre oral permet de mettre en place des apprentissages langagiers spécifiques, des conduites langagières précises et utiles comme par exemple pour l’interview, l’enfant va travailler sur les questions… Frédéric François dit que « l’important n’est pas de parler beaucoup, mais parler opportunément ». En effet, pour lui, il est important de donner aux enfants le rôle de locuteur légitime, c’est à dire celui qui apporte une information que lui seul peut donner. En réponse à cela, les situations de débat ne pourraient-elles pas justement donner à chaque enfant ce rôle de locuteur légitime et ainsi lui donner envie de s’exprimer ?

a- Le débat

« Le débat développe non seulement l’esprit civique mais également l’esprit critique. Lorsque les enfants interviennent dans un débat, ils se préparent à participer à la vie sociale » ( Joakim Dolz et Bernard Schnewly dans Pour un enseignement de l’oral). Le débat est selon moi une excellente pratique pour engendrer les prises de parole et est un moyen de travailler l’oral comme objet d’apprentissage. Il permet de travailler des aspects langagiers très ciblés comme l’argumentation (connecteurs logiques), la réfutation, donner son point de vue (verbes d’opinion, adverbes modalisateurs, expressions de l’avis personnel) en passant par des échanges oraux. Il oblige également à l’enfant d’adopter une attitude convenable à la situation de communication comme rester calme, éviter la violence, l’agressivité. Dolz et Schnewly parlent de débat régulé ( Pour un enseignement de l’oral ) : « Il est constitué de l’ensemble des interventions que chacune apporte leur éclairage à la discussion de la question. Le débat apparaît ainsi comme la construction conjointe d’une réponse complexe à la question, comme un outil de réflexion qui permet à chaque débatteur de préciser, de modifier sa pensée initiale. Autrement dit, les positions des débatteurs au début et à la fin du débat ne sont jamais tout à fait les mêmes. Ces positions ont été dans l’interaction, enrichies des apports des autres ».

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Description de l’activité

Au cours de mon stage réalisé au cycle 3 dans une classe de CM1/CM2, j’ai mis en place

une séquence qui devait aboutir à un débat régulé. J’ai choisi de travailler sur le thème de la mort en commençant par lire à haute voix deux albums traitant de ce thème Bonjour Mme la Mort et Au revoir Blaireau. Ces deux albums sont pour moi d’excellents supports pour aborder ce thème car ils présentent deux approches complètement différentes de la mort : un la présente de façon ironique, comique et l’autre est beaucoup plus triste, réaliste. L’objectif ici est d’être capable d’argumenter c’est à dire émettre des hypothèses et être capable de les justifier en utilisant des structures qui expriment la causalité. Les enfants ont été très attentifs à la lecture. Suite à cette lecture j’ai demandé à chacun de donner son avis sur ses deux albums. Ici il s’agissait pour les enfants de verbaliser, d’avoir une première opinion sur ce thème.

Constat

J’ai vu, à ce point, que la mise en place du débat était trop précoce pour la séance

suivante. En effet, j’ai réalisé que pour engendrer des prises de paroles conduisant à des aspects langagiers précis, il fallait que l’enfant saisisse l’enjeu de la question, comprenne où ceci allait le mener. Il est important de mettre en place toute une logique structurée afin que le débat soit constructif. Il faut aussi établir un climat propice à l’expression, à la communication, par des situations motivantes où l’affectivité de l’enfant est présente et ainsi lui permet d’argumenter, de donner son point de vue avec assurance, confiance et envie. Par la suite, j’ai demandé aux enfants de rédiger un petit résumé sur les deux albums et également une petite phrase donnant leur avis sur chacun, de façon individuelle, activité permettant de travailler son avis personnel ainsi que l’argumentation. J’ai vu que cette phase a été très utile pour les enfants, notamment pour les enfants peu confiants ; cette activité en effet avait été faite à la maison seule, donc avec une certaine structure et réfléchie par les enfants. Ceci a permis d’entraîner une séance orale où chacun a commencé à donner son avis sur les albums, ce qu’il avait aimé… Une phase de bilan, suite à ce moment oral a permis aux enfants de rédiger une question sur le thème de la mort et d’en choisir une, traitée ensuite sous forme de débat régulé, comme ils avaient l’habitude de le faire mais sur la vie de classe. Le débat a été réussi pour moi car il a permis tout d’abord des prises de paroles beaucoup plus riches que celle qui a lieu pendant les débats sans thème précis. Aussi, il a permis aux enfants de se rendre compte qu’il existe des réponses ou des avis différents entre eux. Les enfants ont commencé à se décentrer grâce au conflit social qui opposent les points de vue. Ils ont aussi réussi à élaborer des nouvelles réponses à la question de départ qui constitue bien sûr un nouveau point de vue. En effet, durant le débat, la mise en commun des réponses a permis de confronter le point de vue des différents partenaires en argumentant pour défendre son opinion. Suite à cette séance de débat, pour vraiment amener les enfants à trouver l’enjeu de cette situation, j’ai organisé un moment de bilan pour réfléchir ensemble à ce qu’il s’était passé pendant ce moment. Mes remarques personnelles pendant ce moment où j’étais observatrice ont été les suivantes :

Il y a eu des interventions fréquentes de grands parleurs comme Amine mais aussi, des petits parleurs comme Théo ou Perrine se sont risqués dans des interactions langagières certainement parce qu’ils se sentaient à l’aise avec le thème, préparés à des échanges et fournis en matière de propos. D’ailleurs leurs interventions ont été riches.

Toutefois, au départ, Clément a monopolisé la parole, il pense tout haut, il dit ces

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idées au fur et à mesure qu’elles lui viennent. Finalement, Clément a perturbé un peu les autres car il n’hésite pas à hausser le ton pour garder son côté « leader ». J’ai analysé ce comportement qui m’a amené à dire finalement que Clément avait une facilité à lier geste et parole même s'il ne prend pas de recul sur ce qu’il dit et s’il ne prend pas en compte les propos des autres. Il a aussi un rôle moteur pour faire évoluer le débat car ces interventions entraînent des prises de paroles des autres. Toutefois, j’ai réalisé qu’il fallait que Clément saisisse véritablement le fonctionnement d’un débat pour justement ne pas monopoliser la parole et accepter les points de vue des autres.

J’ai pu noter que Benjamin, qui a aussi un peu la position de « leader » comme Clément, est mieux arrivé à lier les capacités d’écoute et de prise de parole. Il réfléchit et donc ces phrases sont beaucoup mieux construites ; il utilise des connecteurs, des verbes variés ; ceci permet aux autres d’avoir une référence, un modèle dans leurs prises de parole. Il a également beaucoup plus de facilité à justifier sa position.

Beaucoup d’enfants se refusent encore à formuler des réponses face au groupe peut-être parce qu’ils ont besoin d’une reconnaissance et d’un soutien du maître, peut-être aussi parce qu’ils n’arrivent pas à s’infiltrer dans la discussion qu’est un débat qui a un fil conducteur qu’il convient de suivre pour pouvoir adhérer aux propos.

Le bilan collectif qui a suivi a été aussi très constructif notamment pour cerner le fonctionnement du débat mais aussi tous les apports langagiers qui concernent l’argumentation, le point de vue, la structuration d’une réponse. Les enfants se sont rendu compte de certains paramètres présents dans une situation de communication :

si on parle avec les doigts dans la bouche, personne ne peut comprendre, ils ont vu qu’au début beaucoup s’adressaient au maître et non aux camarades. Suite à cette remarque, eux-même ont expliqué que dans un débat, tout le monde a le même statut et qu’il convient donc de prendre de l’assurance pour s’adresser à ces camarades, à prendre en compte leurs propos pour ensuite intervenir et avancer.

Un rappel donc des « règles » de fonctionnement du débat a été fait par aux-même, ce qui montre qu’ils ont commencé à en saisir le principe, aussi bien au niveau communicationnel qu’au niveau des compétences langagières.

Analyse après la pratique

Ici comme j’ai pu le faire remarquer ce débat a été une pratique enrichissante et qui selon moi est un excellent dispositif pour engendrer la parole. Toutefois, pour améliorer les interactions, car rien n’est jamais parfait, je pense que l’on pourrait tout d’abord réduire la dimension du groupe conversationnel pour rompre cette prédominance maître-élève qui limite les échanges. Ici, il y a une volonté de favoriser les interactions entre pair tout en n’omettant pas le travail sur le langage. Au regard de mes pratiques, je constate que pour certains enfants, l’aisance dans l’expression et la fréquence des prises de parole est favorisée par le groupe restreint. De plus, en groupe restreint, je pense que l’écoute et la prise en compte de l’autre sont plus présentes. Enfin, je pense que les groupes homogènes langagiers sont avantageux aussi pour les interactions langagières car ils permettent l’accroissement du temps parole. Aussi, en étant homogènes, ces groupes réduisent la pression concurrentielle et permettent de laisser la parole aux enfants timides. Toutefois, ces groupes ne doivent pas être considérés comme des groupes de niveau. Ils ont seulement pour but de créer des conditions conversationnelles favorables aux prises de parole de chacun. A mon sens, mélanger les petits et les moyens parleurs, les moyens et les grands parleurs peut apporter beaucoup en ce qui concerne les apprentissages, les enfants les plus « actifs » jouant

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le rôle de moteur pour les enfants dits « petits parleurs » en les obligeant à se faire comprendre et à rentrer dans la structure du débat.

De plus, ce qu’il convient donc d’améliorer pour encore accroître les paroles quantitativement mais aussi qualitativement serait :

De laisser à certains enfants le temps de se créer « une pensée intérieure » (INRP «L’oral dans la classe : discours, méta discours, interactions verbales et construction des savoirs à l’école primaire Education enfantine n° 5 jan 2001) autrement dit, laisser les enfants réfléchir à ce qu’ils vont dire.

De formuler des relances légères vers l’objectif fixé en rappelant toujours ce que l’on est entrain de faire et en insistant sur la justification, l’argumentation… (Es-tu sûr ? A bon ? Explique pourquoi ?).

Débattre, c’est donc interpréter le propos d’autrui, anticiper et être cohérent au travers de

ces réponses et c’est donc un excellent dispositif quant à la variété des points qu’il permet de développer dans le domaine des interactions orales langagières des enfants.

b- L’exposé

Mes propos sur le débat ont été très détaillés car j’ai jugé que ce type d’oral à apprendre occupait une place prépondérante à la foi en temps que dispositif très riche mais aussi car très sollicité par les Nouveaux Programmes. Pour les autres genres, mon analyse sera plus brève.

L’exposé constitue un exercice oral qui amène à travailler sur la conduite explicative. Dans l’exposé, la prise de parole vise à communiquer des informations, à apporter des éléments de connaissance sur un sujet donné. Cette prise de parole se fait sur la base d’une recherche et dans une perspective informative et descriptive. Dans cette activité, se construisent pour ce qui est de l’oral, la cohérence du discours et l’aisance de la parole, la capacité de maintenir l’attention des autres, l’acceptation de leur jugement sur ce qui est dit. Expliquer, c’est aussi répondre aux questions « pourquoi et comment ». Ici c’est une prise de parole qui n’implique pas de prise de position ni d’émission d’idées personnelles. Un exposé reste impersonnel dans ce qu’il transmet, même s’il ne l’est jamais dans son mode de transmission puisque se manifestent dans les attitudes corporelles, comme dans toute prise de parole, la personnalité du locuteur, ses talents ou ses difficultés vis-à-vis de l’oral.

Choisir de pratiquer cette activité était pour moi la première occasion d’entrer dans la réflexion sur la prise de parole en classe et de pouvoir le faire régulièrement. L’observation et l’analyse de cette activité particulière m’ont permis de dégager des éléments constitutifs de la situation d’exposé. De plus, la mise en place de l’exposé m’a permis de travailler sur le langage car il nécessite une clarté dans l’exposition des informations, la structuration de questions, d’arguments lors du bilan. Aussi, l’exposé est un exercice qui nécessite une organisation claire (faire un plan), utile pour être compris par les auditeurs. C’est donc un exercice très riche car il permet d’aborder de nombreux points à l ’oral. L’exposé peut être pratiqué dès la maternelle, préalable excellent à la conduite explicative. A partir du Cycle 2 et jusqu’au Cycle 3, il devient un exercice plus complexe car il met en jeu de nombreuses compétences.

Description de l’activité

A Saint Marcel, l’enseignante pratiquait l’exposé mais seulement quand un thème qui allait être abordé en classe se présentait. Elle tâchait de privilégier au moins un passage dans l’année pour chaque élève. Au premier trimestre, seul cinq élèves avaient réalisé un exposé.

Dès mon arrivée, j’ai expliqué aux élèves que chaque mardi, aux cours des ateliers

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lectures, un groupe serait chargé de préparer un exposé à partir d’un article de journal du « Petit quotidien ». Cet exposé devra être présenter ensuite à la classe. Pendant la préparation, les participants se sont organisés en répartissant les tâches pour structurer l’exposé. Ils ont choisi ensemble un article qui les intéressait et ont tenté de rédiger l’exposé à présenter. L’exposé ne devait pas dépasser 10 minutes. En effet, il fallait consacrer une plage de temps aux questions et à l’évaluation. J’ai donc prévu sur mon emploi du temps une séance de 25 minutes car j’ai tout de suite pensé que le resserrement temporel en rehaussait selon moins l’efficacité car l’enfant n’a pas le temps de se perdre dans le discours et le groupe classe ne s’ennuie pas. Lors du premier exposé, j’ai rappelé la règle de silence et les règles qui devaient conduire à un exposé dans le calme. Le groupe était constitué de quatre enfants. Deux élèves à l’aise en expression orale ont développé point par point leur exposé, sans aucune crainte face au groupe et avec une grande confiance dans leurs propos. Bien que le respect du temps me paraisse difficile en CM, la règle des 10 minutes a été respectée ainsi que les tours de parole. Toutefois, Julie n’a pas pu s’empêcher d’interrompre Perrine pour rectifier ses propos, ce qui a eu pour effet de la déstabiliser. En effet, Perrine fait partie des élèves qui ont une prise de parole hésitante, car peu sûrs d’eux et tout élément qui perturbe le fil de l’exposé devient déstabilisant pour ces enfants. Ceux-ci doivent en effet être placé aussi bien par leur groupe que par les auditeurs dans une atmosphère de confiance.

Constats et remarques

Ayant décidé de présenter Noël en Amérique, chacun des élèves a bien mené sa partie, ce qui signifie déjà qu’un enjeu de l’exposé a complètement été intégré. Peut-être aurait-il été plus judicieux de prévoir une complémentarité entre les quatre enfants : pendant que Perrine exposait, Julie aurait pu gérer les illustrations et vice versa. Cette idée a toutefois été proposée lors du bilan par les auditeurs. Ceci montre que le public a un regard positif et constructeur dans cette pratique, regard qui permet d’améliorer l’activité de l’exposé et donc d’intégrer ce qui lui est nécessaire pour fonctionner.

L’évaluation de cet exposé constitue aussi selon moi un moment très important pour tous. Il s’agissait donc d’une phase orale où j’ai laissé la classe exprimer ces observations. Beaucoup d’enfants ont noté l’effet parasite lorsque Julie a interrompu Perrine. Beaucoup ont posé des questions pour qu’un éclaircissement de certaines informations soit réalisé. Les prises de paroles ont été très riches et nombreuses et je pense que ceci tien beaucoup déjà au thème de l’article développé. Les enfants ont su critiquer ce qui allait, ce qu’il convenait d’améliorer pour un meilleur exposé et je pense donc que le bilan demeure un moment très utile où chacun verbalise ce qu’il a ressenti, ce qui l’a gêné et tout ceci de façon réfléchie.

Enfin, à mon sens, cet exposé a été réussi tout d’abord parce que les auditeurs, même les plus timides ont été actifs, soit par la parole, soit par leur écoute. Aussi, les participants à l’exposé s’entraident, voient leurs « défauts » à améliorer et se risquent avec une appréhension qui selon moi est vaincue par l’atmosphère sereine que l’activité installe. Toutefois, selon moi, une véritable didactique de l’exposé ne peut se contenter d’un unique passage au cours de l’année. Je préconiserais d’instituer cette pratique en l’incluant sur l’emploi du temps hebdomadaire. Au cours d’un trimestre, il faudrait que tous les élèves aient réalisé un exposé. Cela me paraît être une pratique minimum pour acquérir une certaine réflexion méthodologique permettant de cerner ce genre oral. L’enfant doit découvrir qu’il peut donner des conseils aux autres pour leur permettre d’agir et que l’explication est nécessaire pour que l’action suive. Il y a tout un travail sur la mise en mots d’un support écrit qui doit être cerné par l’enfant et donc beaucoup travaillé.

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c- Le rappel de récit : le récit oral

Le rappel de récit consiste à demander à un sujet de lire ou d’écouter une histoire et de la redire ensuite avec ces propres mots. Il ne s’agit pas bien sûr de rappeler fidèlement l’information du texte source, mais de dire quelque chose en s’appuyant sur des éléments du texte entendu. Même lorsque le rappel reprend beaucoup le texte entendu, il y a toujours reformulation, réorganisation et restructuration de ces éléments, dont la sélection révèle la manière de comprendre l’histoire.

Le rappel de récit constitue à mon sens une bonne pratique en Maternelle. Il n’a pas que la seule visée de compréhension mais c’est aussi une activité langagière orale. En maternelle, la prise de parole constitue une étape difficile à franchir pour certains et avec le rappel de récit, parler de quelque chose qu’on connaisse bien peut encourager certains enfants. J’ai donc pratiqué le rappel de récit pendant mon stage en Petite Section Moyenne Section où j’ai utilisé en rappel, un récit qui a été lu, relu et commenté plusieurs fois. L’album s’intitule Bon Appétit Mr Lapin. Tout d’abord il fallait que les enfants s’imprègnent de l’histoire, de la structure du récit pour pouvoir ensuite la restituer oralement. J’ai donc pratiqué une lecture orale collective de l’album qui a permis une première appropriation. Puis en ateliers, j’ai mis en place un petit jeu où les enfants devaient se déplacer sur un parcours et raconter le moment de l’histoire représenté par l’illustration sur laquelle ils tombaient. Cette activité obligeait l’enfant à faire appel à sa mémoire mais aussi à mettre en mot le récit de l’événement de façon à être compris par les autres joueurs. Ceux-ci aussi étaient actifs par leur écoute mais aussi par leur complémentarité dans le rappel du moment de l’histoire. A mon sens, cette activité est très bien pour engendrer des interactions langagières, surtout sous forme de jeu car chacun doit prendre la parole, à sont tour au moins une fois. Ainsi, les enfants les plus timides ont une part active à la fois dans le rappel de récit mais aussi pour eux car ils parviennent toujours à dire quelques mots. Dans l’ensemble, les élèves ont bien compris le schéma narratif de ce conte. Il est ressorti de la restitution orale que les enfants ont été saisies par certaines tournures plaisantes. Par exemple « le cochon il mange n’importe quoi » et ceci a été répété par beaucoup d’enfants. Je pense que la parole a été favorisée ici par le travail en petit groupe qui met plus en confiance les enfants les plus timides. De plus, ils réfléchissent d’avantage à leur propos qui sont donc plus construit. Ici, il est important que l’enfant restitue l’épisode de l’histoire en travaillant sur l’organisation du récit, sur l’usage des bonnes personnes et aussi sur l’utilisation de liens logiques pour entrer dans le schéma narratif de l’histoire. Je pense aussi que le fait de pratiquer le rappel de récit à partir d’une situation de jeu est plus prenant. Il faut éviter de « scolariser » la situation en enchaînant directement la lecture de l’histoire par la demande de rappel. J’ai pu noter aussi qu’il faut éviter les questions intempestives par la maîtresse afin d’essayer de leur faire dire ce qu’elle attend car ceci risque de brouiller le schéma que l’enfant tente de restituer oralement et donc d’en bloquer certain. Le véritable obstacle que l’on peut toutefois rencontrer en maternelle est le refus. Cela donc nous conduit à prendre des dispositions notamment utiliser la dynamique du petit groupe, comme je l’ai fait immédiatement, bien choisir l’histoire et rendre ces moments intéressants.

d- Dictée à l’adulte

Nous parlerons ici d’une modalité particulière de pratiquer un oral à apprendre connu sous le nom de « dictée à l’adulte », durant laquelle les enfants énoncent le texte que le maître inscrit pour eux sur un papier. En voyant le maître écrire sur un papier ce qu’ils lui ont dicté, les enfants comprennent d’abord que le langage peut s’écrire. Ensuite, quand le maître relit ce qu’il a écrit, ils retrouvent exactement ce qu’ils ont dit et retrouvent leur première activité langagière.

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Cela paraît être un dispositif simple car comme les enfants ne sont pas encore capables d’écrire, le maître leur prête sa main et sa compétence de scripteur. Toutefois cette tâche me semble quand même présenter certaines difficultés pour l’enfant : il doit en effet prendre en compte, ici, le point de vue de quelqu’un qu’il ne connaît pas (le futur lecteur) et ceci est un énorme changement de perspective. De plus, il doit passer d’un langage oral à un énoncé qui s’écrit et donc construire un énoncé prenant en compte plusieurs éléments comme les personnes, l’énonciateur. Aussi, il doit produire un langage syntaxiquement structuré. Ainsi, on peut voir que la dictée à l’adulte constitue un excellent dispositif non seulement pour faire parler les enfants mais aussi pour faire travailler sur des points précis du langage, bien que cette pratique nécessite une organisation peu simple à gérer.

J’ai voulu travailler sur la dictée à l’adulte avec des Petites Sections Moyennes Sections pour me rendre compte de ce qu’ils étaient capables. J’avais travaillé sur l’album Bon appétit Mr Lapin (cf. paragraphe sur le rappel de récit) ; les enfants avaient remis en ordre six images appartenant à l’histoire et maintenant je voulais qu’ils « écrivent » leur histoire afin d’aboutir à leur livre. J’ai choisi de retravailler en petit groupe pour éviter trop de propositions dont la réorganisation auraient été difficile pour les enfants. De plus, il me semblait important que chaque enfant ait la possibilité de parler et d’intervenir dans l’histoire, ce qui est plus facile en petit groupe.

Pour débuter, nous avons commencé par rappeler l’étape précédente où les enfants avaient remis en ordre les images de l’histoire. A partir de ceci je leur ai expliqué que maintenant ils allaient devoir écrire l’histoire pour avoir un livre que l’on pourrait lire à l’autre classe de Petite Section. Je pense qu’il est important que l’enfant s’approprie sa tâche à accomplir et se représente parfaitement ce qu’il doit faire. Ils doivent avant de commencer la dictée, comprendre qu’ils vont raconter un épisode d’une histoire en décrivant mais aussi en changeant de point de vue. Dans les différents groupes, la mise en route a été difficile et je pense que ceci tient à la difficulté qu’ont les enfants de passer du stade du langage parlé à un langage écrit. En effet, j’ai plusieurs fois rééxpliqué la consigne et recadré l’activité en relisant ce que les enfants disaient. Cette activité a nécessité beaucoup de régulation de ma part et d’intervention, peut-être trop ; mais étant donnée que c’était la première fois qu’ils pratiquaient cela, il était important à mon sens que j’aide les enfants à passer du stade de « il mange n’importe quoi » au stade « le cochon mange n’importe quoi ». Les enfants ont été hésitants au début même les plus parleurs mais nous sommes quand même arrivés à produire un écrit qui les a satisfaits. Le texte obtenu était court mais il explique bien l’histoire du lapin. L’enrichissement, les détails, le travail sur le vocabulaire n’est pas encore un élément important pour les enfants ; ceci constitue à mon avis une des étapes qui n’est pas primaire dans la pratique d’une dictée à l’adulte. L’important d’abord est que l’enfant parvienne à parler, à échanger avec ses camarades, à s’accorder sur ce que l’on écrit tout en produisant « un oral » compréhensible et « lisible » pour un autre.

Dans cette dictée à l’adulte, l’histoire n’était pas au présent c’est à dire les enfants n’ont pas employé tout le temps le même temps. Je n’ai pas imposé la correction car ce qui compte avant tout est que l’histoire soit compréhensible. Le texte ne contenait pas de connecteurs marquant l’enchaînement des épisodes. Les connaissances textuelles des enfants n’étaient pas assez développées mais le récit présentait une logique pertinente pour eux et je pense que ceci est le plus important. Des points positifs sont à remarquer au niveau syntaxique. Plusieurs phrases possèdent une coordination avec « et » et les enfants sont arrivés à repréciser qui était le « il » dans leur phrase (Mr Lapin) et donc a apporté des changements utiles.

Cette analyse montre que le langage des enfants de 3-4 ans commence à se construire sur le plan morphologique et syntaxique malgré des lacunes sur les connaissances textuelles. On peut dire qu’ils commencent à présenter les bases d’une grammaire de phrase mais pas d’une grammaire de texte. Toutefois, je pense que c’est en pratiquant fréquemment la dictée à l’adulte, en enrichissant toujours avec eux leur production qu’ils parviennent à des progrès.

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Cette séance m’a donc permis de constater que des enfants de 3-4 ans pouvaient produire

un texte, inventer une histoire basée sur des images. L’histoire n’est pas longue mais elle montre que les enfants sont entrain d’entrer dans l’écrit par le biais de l’oral. Le langage constitue ici un outil mais dans le cadre de la dictée à l’adulte, il permet des prises de paroles qui sont riches pour tous car elles se modèlent au fil de l’écriture avec les changements apportés par les enfants eux-mêmes. De ce fait cette activité permet donc aussi de travailler des compétences langagières précises et utiles à l’enfant.

Enfin, je pense que de bonnes conditions matérielles doivent être mises en place pour aboutir à une réussite d’une dictée à l’adulte. Tout d’abord, comme je l’ai déjà expliqué au début l’organisation de la classe est très importante. La dictée en petits groupes est selon moi préférable qu’une dictée individuelle, coûteuse en temps et qu’une dictée avec toute la classe dont on sait qu’elle sera monopolisée par certains enfants. Pour que les enfants puissent dicter, il faut qu’ils puissent se concentrer. Il est donc bien de prévoir un lieu calme, où l’on pourra afficher les supports utiles à la dictée. Les enfants doivent être installés tous face à la feuille qui va être écrite. Je pense qu’au moment de la dictée, il ne faut pas avoir peur de se répéter et les questions du maître ne peuvent être qu’un moyen de faire progresser les enfants : « qu’est-ce que j’écris ? », « qu’est-ce que tu veux dire à la classe de Petite Section ? » ainsi, les enfants voient progressivement qu’il y a un changement de discours. Le maître doit aussi relire lentement les énoncés produits par les enfants pour qu’ils les modifient. La sollicitation du maître pour conduire à la modification doit toutefois faire balance entre les modifications indispensables, inutiles, à éviter.

Enfin, il est essentiel, pour moi, de permettre aux enfants de se compléter l’un l’autre pour

élaborer une phrase. Le maître doit veiller à ce que chacun s’exprime, doit donner la parole aux moins hardis pour que tous participent activement à cet exercice très riche pour susciter la parole et pour consolider son langage il constitue également un premier pas vers la découverte de l’écrit.

3-2 Le rôle du maître

Pour permettre la construction d’une compétence communicationnelle, le rôle du maître

commence par l’organisation et la conception d’une situation didactique adaptée aux objectifs et aux acquis des élèves. En effet, j’ai réalisé en mettant en place par exemple une séance en grands groupes, combien l’organisation de la classe influait sur les prises de paroles, les types d’échanges. L’élément primordial est dans certains cas de mettre en place des situations de communication au sein de groupes restreints car les séances en grands groupes ne sont pas toujours propices à favoriser une prise de parole spontanée. Au contraire, elles freinent les enfants timides par la présence des « leaders » qui monopolisent la parole. En revanche, lorsqu’un enfant est dans un groupe restreint, il lui est plus facile d’oser parler parce qu’il est moins gêné par la présence d’un grand nombre d’enfants. On peut dire donc que pour améliorer les interactions il faut réduire la dimension du groupe conversationnel pour rompre la polarité maître élève et pour favoriser les interactions entre pair dans un climat de confiance. Bruner d’ailleurs dit (Comment les enfants apprennent à parler) « c’est en causant avec ses égaux que l’enfant est obligé de faire le plus grand effort de clarté et de cohérence, sinon de style car les pairs font moins d’efforts que l’adulte pour comprendre sa pensée ».

Aussi, si l’enseignement désire libérer la parole, il doit instaurer un climat de confiance où la parole est encouragée et souhaitée, où l’écoute et le respect de ce qui est dit sont présents, où l’erreur est exploitée et perçue comme une étape normale de toute progression. En effet, j’ai pu voir au cour de mes différents stages que les enfants « peu parleurs » se risquent à parler solo ils savent qu’ils ne sont pas montrés du doigt et sanctionner s’ils commettent une erreur. L’écoute et le droit à l’erreur sont donc deux piliers importants dans la pédagogie de la

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parole. Dès l’école maternelle, il convient de mettre en place dans la classe des espaces et des lieux où tous les enfants auront la possibilité de s’exprimer. Aussi, j’ai pris conscience lors de mes stages en Cycle 3 que l’ambiance qui règne au sein de la classe est un élément influant sur les échanges entre les enfants. Une atmosphère de confiance, accueillante et affective doit s’instaurer afin d’éviter de bloquer certains enfants dans leur prise de parole. Au cour de mon stage en maternelle, j’avais un enfant Bouziane qui ne parlait pas très bien le français. A mon arrivée, Bouziane restait souvent dans son coin, sans jamais lever le doigt, sans tenter aucune parole. Cependant, ceci a beaucoup évolué en trois semaines, certainement parce qu Bouziane a senti qu’une ambiance réconfortante se créait autour de lui aussi bien avec moi qu’avec les autres. J’ai en effet pendant les trois semaines tâchées de donner de l’assurance et de la confiance à Bouziane en le sollicitant, en lui expliquant individuellement les choses. D’ailleurs la dernière semaine, Bouziane levait le doigt même pour dire un mot, venait vers moi pour me demander quelque chose en essayant de se faire comprendre. Il est donc important de stimuler, d’encourager les enfants lors de leurs interventions. La présence physique aussi par l’intermédiaire de la voix est essentielle. Il faut que le maître adapte sa voix, son positionnement dans la classe afin de captiver au mieux et d’éviter la monotonie.

Le maître est donc le modèle de langage. Il a un rôle d’écoute et de regard, c'est-à-dire qu’il repère les enfants en difficultés et ceux qui n’interviennent jamais, afin d’éviter leur enfermement. Toutefois, il ne doit pas ignorer ceux qui demandent la parole. Le rôle de l’enseignant est également de ne pas oublier l’importance de la motivation des élèves dans la réalisation de la tâche. Un projet « pensé » par l’enseignant peut se révéler plus fécond ou plus adéquat dans la parole et l’initiative des élèves, même si celle-ci n’est pas au départ franchement constructive ou relève du défi. Enfin ce qui ressort des différents moments de communication que j’ai pu observer c’est que le maître parle beaucoup plus que les élèves. Le maître a tendance à monopoliser la parole parfois même allant jusqu’à couper celle des enfants, peut-être par peur que le silence ne s’éternise ou par peu de ne pas arriver au but fixé. En conséquence, il ne laisse pas assez de temps aux enfants pour penser, réfléchir. Ceci a été observable en classe grâce à l’enregistrement de certains moments qui amènent à une réflexion sur sa propre pratique.

Le rôle du maître est donc d’organiser la conversation, distribuer la parole, exiger que chacun l’écoute quand il parle. Il interroge et possède la liberté de choisir ou pas de répondre à un enfant. Pour P. Perrenoud (« Bouche cousue ou langue bien pendue ? » Parole étouffée, parole libérée), « l’apprentissage de la langue orale, se fait pour une large part en classe comme en famille par imitation, par imprégnation, par une succession de renforcements positifs ou négatifs en situation ». Le maître, tout au long de la journée présente un modèle de maîtrise de la parole : il lit, explique, raconte, ordonne, évalue, argumente et illustre donc la variété des actes de parole.

Cette partie du rôle de l’enseignant précède l’entrée dans les activités d’apprentissage, elle fait partie d’une phase préparatoire, de ce qui entoure un projet avant qu’il ne soit mis en œuvre. C’est donc l’aspect de provisoire de toute planification et la nature vivante de l’évolution des projets, des idées et des activités qui incombe à l’enseignant. Il doit veiller à enrichir les interactions par le modèle de son propre langage en « reformulant » une structure incorrecte (Feed back correctif) mais sans rompre l’échange chose qui pourrait bloquer l’enfant.

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CONCLUSION Mettre en place des situations de prise de parole à l’école, c’est dépasser le domaine de la

langue, c’est entrer dans le champ de l’humain. Comme tout travail sur soi, vaincre les appréhensions, modérer un excès de parole, demander la parole par un excès d’agitation, etc ne se fait pas en quelques séances d’activités scolaires, par un enseignant qui n’est qu’enseignant. C’est un travail de longue haleine pour lequel l’école peut poser quelques fondations : celles de la mise en confiance, de la découverte du sens, du plaisir des mots et de la communication autant que celles des apports « techniques » de connaissance de la langue. Les enjeux sont très importants pour les apprentissages mais aussi dans la mise en place d’un comportement de locuteur averti, qui n’est pas sans dimension sociale. Au travers de cette étude, notre propos était de voir quels étaient les dispositifs à mettre en place pour développer des interactions langagières en classe et par-là même, les apprentissages langagiers. J’ai pu constater tout au long de mes stages qu’il est indispensable de proposer aux élèves des activités langagières variées afin de leur permettre d’accéder volontiers à la prise de parole. Les pratiques de classes peuvent être orientées dans deux directions : d’une part, on peut engendrer des prises de paroles en utilisant l’oral comme un outil ; ici la priorité est de s’exprimer, d’autre part, il est important aussi d’avoir des pratiques plus ciblées vers un apprentissage « d’un oral » pour permettre à l’enfant de s’affirmer à l’école mais aussi en société. Ma réflexion m’a permis de réaliser que tous les dispositifs que j’ai tentés d’appliquer doivent être aménagés en fonction des élèves, de la classe, et sont dépendants de beaucoup d’autres paramètres. L’essentiel du travail de l’enseignant consiste à aménager des conditions favorables pour amener tous les enfants de la classe à oser prendre la parole. Les codes de la parole et de la prise de parole s’apprennent. L’école, d’après les textes, entend donner aux enfants des temps d’apprentissage. Mais les codes sont divers : l’oral et l’écrit. De ce fait, il est important de souligner qu’il existe une interaction entre l’oral et l’écrit. Mais qu’en est-il de cette interaction ? Peut-on dire que l’oral est un outil d’apprentissage de l’écrit ?

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BIBLIOGRAPHIE Textes officiels :

Ministère de l'Education Nationale - Les Nouveaux Programmes

Qu'apprend-on à l'école maternelle ? Qu'apprend-on à l'école élémentaire ? (CNDP XO Edition 2002)

Ministère de l’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie IGEN Rapporteur : A. BOISSINOT

La place de l'oral dans les enseignements : de l'école maternelle au lycée

Ouvrages spécialisés : Programme INRP coordonné par M. BRIGAUDIOT

Apprentissages progressifs de l'écrit à l'Ecole maternelle (Hachette Education)

WIRTHNER, MARTIN, PERRENOUD

Parole étouffée, parole libérée (Editions Delachaux et Niestlé, 1991)

SIMONPOLI J.F.

Apprendre à communiquer (Editions Hachette Education, 1991)

DOLZ Joaquim et SCHEWWLY Bernard

Pour un enseignement de l'oral (Editions ESF, collection didactique du fr. Initiation aux genres formels de l'école)

L. LENTIN

Apprendre à parler à l'enfant de moins de 6 ans (Editions ESF, 1994)

Revues :

Animation et Education Juillet/Octobre 2002 n° 169/170

Dossier "Paroles d'enfants"

Revue Repères n° 17 – 1998

"L'oral pour apprendre

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ANNEXES

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Présentation de la panière à objets :

Niveau : PS MS Domaines d’activité : Apprendre à parler et à construire son langage. Vivre ensemble.

Titre : Présenter des objets ou dessins apportés par les enfants Référence aux I.O. : « mise en place d’occasions d’échanges verbaux, de situations permettant à l’enfant de prendre l’initiative d’échanges verbaux avec l’adulte, avec ses camarades, de situations de dialogues collectifs .» « permettre à l’enfant de s’affirmer comme une personne dotée d’une identité » « activités permettant la connaissance de soi et des autres » Objectifs : « prendre la parole et décrire pertinemment sa production » « prendre la parole et s’exprimer de manière compréhensible » « affirmer son autonomie par rapport à ses pairs » « reconnaître l’autre et le respecter » Rôle du maître : demander aux enfants de venir présenter leur construction ou leur dessin, réguler les échanges, demander des précisions ou des explication, aider l’enfant en cas de difficultés. Activités des enfants : ils viennent présenter devant le groupe-classe un dessin ou une construction ou objet qu’ils ont effectué, le décrire, expliquer à quoi ça sert ou comment et avec quoi ils l’ont fait. Matériel : panière, objet, dessins, constructions. Lieu et dispositif mis en œuvre : Coin-regroupement, en grand groupe. Déroulement : Lors du regroupement, le matin après les rituels de prénoms, date… ou l’après-midi chacun peut, s’il le désire, venir présenter sa production à l’ensemble de la classe. Les autres élèves peuvent alors lui poser des questions. Critères d’évaluation : * pour l’enfant qui parle : oser s’exprimer devant le grand groupe sur une production personnelle et le faire de manière intelligible * pour les autres enfants : écouter et respecter la parole de l’autre.

ANNEXE 1

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Séance de langage à propos du cahier de vie :

Niveau : PS MS Séance 1

Domaines d’activité : Apprendre à parler et à construire son langage. Vivre ensemble.

Titre : séance de langage sur le cahier de vie. Référence aux I.O. : « mise en place d’occasions d’échanges verbaux, de situations permettant à l’enfant de prendre l’initiative d’échanges verbaux avec l’adulte, avec ses camarades, de situations de dialogues collectifs. » « permettre à l’enfant de s’affirmer comme une personne dotée d’une identité » « activités permettant la connaissance de soi et des autres ». Objectifs : « faire connaître à un adulte le récit d’un événement ou d’une action auxquels cet adulte n’a pas participé » « prendre la parole et s’exprimer de manière compréhensible » « formuler correctement des demandes et y répondre » Rôle du maître : poser des questions à l’enfant de manière à ce que celui-ci s’exprime, éventuellement corrige les productions erronées des enfants, aide l’enfant parle biais des écrits du cahier de vie. Activités des enfants : L’enfant raconte ce qui s’est passé, fait des commentaires, tandis que d’autres posent des questions. Matériel : cahier de vie. Lieu et dispositif mis en œuvre : enfants et l’enseignante. Déroulement : Chaque enfant possède un cahier de vie qui circule entre la famille et l’école : les parents et l’enseignante y consignent des faits concernant la vie de l’enfant (photos, tickets de cinéma, théâtre, récits d’une activité…). Il s’agit ici de regarder ce cahier avec l’enfant concerné qui doit raconter à l’enseignante ce qu’il y voit. D’autres enfants peuvent se joindre à l’exercice et alors chacun pourra comparer ses expériences avec celles évoquées. Critères d’évaluation : * pour l’enfant qui parle : oser s’exprimer et le faire de manière intelligible, se rappeler des évènements et les raconter à l’adulte et à d’autres enfants, accepter de parler de lui. * pour les autres enfants : écouter et respecter la parole de l’autre, poser des questions, prendre part au dialogue enfant/adulte.

ANNEXE 2

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Séance de langage sur un album :

Niveau : CM2 MS Séance 1

Domaines d’activité : Vivre ensemble. Durée : 20 minutes

Titre : séance de langage sur un album. Référence aux I.O. : « mise en place d’occasions d’échanges verbaux avec des petits, de situations de dialogues collectifs. » « permettre à l’enfant de C3 de s’exprimer face à un groupe de façon compréhensive » « permettre à l’enfant de C3 de mettre en voix des passages pour être compris » « permettre à l’enfant de C1 de lui donner confiance, lui apprendre à communiquer de manière de plus en plus riche » « activités permettant la connaissance de soi et des autres ». Objectifs : C3 « lire en le comprenant un texte à haute voix et y mettre sa voix et son corps » « s’exprimer devant un groupe » C1 « répondre aux sollicitations d’une autre personne en se faisant comprendre » « participer à un échange collectif en acceptant d’écouter autrui, en attendant son tour de parole, en restant dans le propos ». Activités des enfants : C3 Lisent l’album aux moyens en faisant attention à la compréhension C1 Ecoutent l’histoire et sont capables de rappeler certains éléments, répondre à des questions, s’expriment dessus. Matériel : album. Lieu et dispositif mis en œuvre : enfants de CM et maternelle – Lieu : coin de regroupement. Déroulement : Les deux élèves de CM2 viennent lire aux moyens l’album qu’ils ont choisi et préparé. Ceci se passe dans le coin regroupement des moyens (bancs). Les deux lecteurs lisent et montrent les images aux enfants. A la fin de la lecture, dans un premier temps, les CM laissent les petits s’exprimer sur l’album. Ensuite, ils posent des questions pour affiner la compréhension mais surtout faire parler de façon organisée les enfants (lever le doigt, attendre son tour, se faire comprendre).

ANNEXE 3

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Jeu du Tacto

Niveau : PS MS

Domaines d’activité : Apprendre à parler et à construire son langage

Titre : Séance de langage à partir du jeu du Tacto Référence aux I.O. : « mise en place d’occasions d’échanges verbaux, de situation permettant à l’enfant de prendre l’initiative d’échanges verbaux avec l’adulte, avec ses camarades. » « permettre à l’enfant de décrire, de s’exprimer ». Objectifs : « décrire à ses camarades les caractéristiques d’un objet par le toucher en utilisant un vocabulaire précis, afin de leur faire deviner l’objet ». « être capable de s’exprimer, de participer à un échange collectif, à partir d’un objet ». « prendre la parole et s’exprimer de manière compréhensible ». Rôle du maître : solliciter l’enfant qui décrit l’objet en lui posant des questions pour que celui-ci s’exprime au mieux sur l’objet. Activités des enfants : Un enfant décrit l’objet pioché dans le sac. Les autres enfants écoutent pour trouver l’objet décrit puis s’expriment en fonction de l’objet tiré et en fonction de ce qui est dit par l’enfant seul. Matériel : Des objets familiers aux enfants (poupée, ballon, peigne, peluche,…). Un sac non transparent. Lieu et dispositif mis en œuvre : enfants et l’enseignante dans le coin regroupement. Déroulement : Après une présentation collective de différents objets, ceux-ci sont placés dans un sac et un enfant vient en piocher un. Il le décrit sans le regarder mais seulement par le toucher. Après l’avoir fait deviné aux autres, il s’exprime sur cet objet (à quoi il sert, expérience personnelle) et répond aux questions éventuelles des camarades. Tous les enfants participent à l’échange engendré par cet objet.

ANNEXE 4

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ANNEXE 5

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QUELS DISPOSITIFS METTRE EN PLACE POUR DEVELOPPER LES INTERACTIONS LANGAGIERES EN

CLASSE ?

RÉSUME :

A travers la communication avec ses pairs, avec l’adulte, l’enfant petit à petit apprend à mettre en mot sa pensée, apprend la parole. C’est à l’école entre autre que cet enfant va commencer à construire les bases de son expression orale et s’initier aux comportements de la vie en société. Il s’agit donc ici d’une réflexion sur la prise de parole des enfants à l’école primaire car malgré des évidences sur l’apprentissage de la parole, tous les enfants n’ont pas tous la même facilité à prendre part aux échanges. Je tenterai ainsi de réfléchir sur les dispositifs divers et variés que l’on peut proposer pour développer à travers la verbalisation et les échanges non seulement des compétences disciplinaires mais également des conduites langagières et communicationnelles.

MOTS-CLÉS : Communication – interaction – dispositifs – prise de parole – étayage.