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Thirion Noé – PSL Janvier 2013 Qu’est-ce qu’une révolution scientifique ? La conception commune tend à présenter le progrès scientifique dans sa dimension linéaire et cumulative, c’est-à-dire que les différentes avancées technologiques, les perfectionnements successifs, la toujours plus grande spécialisation des chercheurs induite par la division du travail, contribuent à forger une connaissance du monde toujours plus approfondie et plus vraie. Par exemple, notre conception actuelle de la nature de la matière est présentée comme bien plus vraie que la perception antique de la question. Les liens de causalité unissant les différents évènements sont progressivement précisés et érigés en lois universelles dans le but de mettre à jour un ordre parfait, dont pourrait potentiellement surgir un déterminisme absolu, visible par un hypothétique Dieu omniscient. Ainsi, la valeur d’une théorie ou d’une science est avant tout conçue selon sa valeur de vérité, c’est-à-dire son adéquation avec le milieu observé, postulé comme commun à tous les êtres vivants. De ce fait, on pourrait concevoir une sorte de « progrès », une amélioration des connaissances humaines par un procédé cumulatif, c’est-à-dire que les découvertes antérieures contribueraient directement aux développements ultérieurs. C’est d’ailleurs à cette interprétation que nous invite l’étymologie du mot « science », scientia, signifiant « connaissance » en latin, dans un lien direct à la compréhension du réel. Loin des problèmes ethnocentriques que soulève l’interprétation du sens par son étymologie, je vous invite à admettre momentanément cette conception de la science, et par extension, celle du mot « scientifique ». Dès à présent, il convient, comme nous y invite le sujet, d’associer à l’adjectif « scientifique » le terme « révolution ». L’acception historique du terme reste très influencée par le souvenir de la révolution française au XVIIIe siècle, affirmant « la révolution » comme une période de rupture et d’intenses bouleversements, marquée par des changements induisant la remise en cause de l’ordre établi. Elle implique souvent une dimension définitive malgré la rapidité des modifications qu’elle implique, et sous-entend une certaine étendue, son impact se répercutant sur l’ensemble de la société. Cette conception s’accorde convenablement avec la vision énoncée plus haut de « la science » : la science progresserait vers son idéal de vérité, dont les multiples crises ne seraient qu’un

Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

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Page 1: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Thirion Noé – PSL Janvier 2013

Qu’est-ce qu’une révolution scientif ique ?

La conception commune tend à présenter le progrès scientifique dans sa

dimension linéaire et cumulative, c’est-à-dire que les différentes avancées technologiques,

les perfectionnements successifs, la toujours plus grande spécialisation des chercheurs

induite par la division du travail, contribuent à forger une connaissance du monde

toujours plus approfondie et plus vraie. Par exemple, notre conception actuelle de la

nature de la matière est présentée comme bien plus vraie que la perception antique de la

question. Les liens de causalité unissant les différents évènements sont progressivement

précisés et érigés en lois universelles dans le but de mettre à jour un ordre parfait, dont

pourrait potentiellement surgir un déterminisme absolu, visible par un hypothétique Dieu

omniscient. Ainsi, la valeur d’une théorie ou d’une science est avant tout conçue selon sa

valeur de vérité, c’est-à-dire son adéquation avec le milieu observé, postulé comme

commun à tous les êtres vivants. De ce fait, on pourrait concevoir une sorte de

« progrès », une amélioration des connaissances humaines par un procédé cumulatif,

c’est-à-dire que les découvertes antérieures contribueraient directement aux

développements ultérieurs. C’est d’ailleurs à cette interprétation que nous invite

l’étymologie du mot « science », scientia, signifiant « connaissance » en latin, dans un lien

direct à la compréhension du réel. Loin des problèmes ethnocentriques que soulève

l’interprétation du sens par son étymologie, je vous invite à admettre momentanément

cette conception de la science, et par extension, celle du mot « scientifique ».

Dès à présent, il convient, comme nous y invite le sujet, d’associer à l’adjectif

« scientifique » le terme « révolution ». L’acception historique du terme reste très

influencée par le souvenir de la révolution française au XVIIIe siècle, affirmant « la

révolution » comme une période de rupture et d’intenses bouleversements, marquée par

des changements induisant la remise en cause de l’ordre établi. Elle implique souvent une

dimension définitive malgré la rapidité des modifications qu’elle implique, et sous-entend

une certaine étendue, son impact se répercutant sur l’ensemble de la société. Cette

conception s’accorde convenablement avec la vision énoncée plus haut de « la science » :

la science progresserait vers son idéal de vérité, dont les multiples crises ne seraient qu’un

Page 2: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

réajustement des théories, le rétablissement d’une progression naturelle et une meilleur

approximation de la réalité par les lois ainsi établies.

Cependant, cette interprétation du terme « révolution » est plus ou moins

erronée, son acception première est tout autre ; Etymologiquement, le terme

« révolution » est issu de la racine latine revolutionem, formé à partir du préfixe « re »

indiquant l’idée d’un recommencement cyclique, accolé à la racine formée à partir du

verbe latin volvere signifiant « rouler ». Littéralement, le terme révolution signifie ainsi

« rouler en arrière » : c’est l’idée de l’achèvement d’un cycle. D’emblée, une première

contradiction fait jour, avec une contradiction entre le sens littérale du mot, et celui que

lui a conféré l’usage commun et historique. En effet, une « révolution » comme

achèvement d’un cycle est un terme couramment utilisé selon cette conception en

science physique par exemple, avec l’idée du cycle périodique d’un astre, ou la rotation

d’un mobile autour d’un axe ; le terme « révolution » étant défini par Grégoire Le Grand

dans Dialogues comme « Le retour périodique d’un astre à un point de son orbite ». La

révolution, c’est l’idée d’un cycle qui se répète, du cycle des saisons, des astres,

parfaitement modélisés par l’image du cercle. La conception cyclique du temps par les

grecs de l’Antiquité dégage éventuellement une compréhension historique du terme avec

la volonté d’un retour à un âge d’or passé. Cette contradiction entre l’étymologie et

l’usage habituel est directement du à une contradiction dans la sémantique même des

mots. Cette deuxième conception du mot « révolution » me semble plus intéressante à

étudier que l’usage commun, forgé par le passé historique français.

Ainsi, il convient de s’interroger sur la manière de concilier dans les révolutions

scientifiques, la dimension cyclique de la révolution avec la conception cumulative du

progrès scientifique.

Page 3: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

1. La Question de la Vérité scientifique

LES LIMITES DU PROGRÈS CUMULATIF

N’est-il pas évident que l’Homme s’approche après chaque découverte un peu

plus de la vérité ? Qui oserait aujourd’hui prétendre qu’Einstein n’a pas dépassé

Newton ? La croissante division du travail permet de génération en génération une

spécialisation plus poussée dans la plupart des domaines scientifiques, ce qui permet de

multiplier les découvertes jusqu’à acquérir des connaissances de plus en plus pointues.

Chaque individu nait dans cette vision du monde et celle-ci l’imprègne entièrement.

Il convient néanmoins de constater un paramètre que la science a longtemps

négligé dans ses recherches : la présence de l’observateur. Bien que partiellement ignorée

par la science, la philosophie considère pleinement la pensée du sujet et nous invite à un

regard critique et acéré sur le concept de vérité, et par extension de «vérité scientifique ».

Finalement, je ne connais le Monde que par moi et à travers moi, ces objets que je

perçois, que je sens, puis-je vraiment me baser sur eux pour fonder une réalité universelle

dans laquelle évolueraient tous les humains côte-à-côte ? Sans rentrer profondément dans

la philosophie cartésienne, René Descartes nous invite à nous plonger dans des eaux

troubles, desquels on ne ressort jamais indemne. Cependant, malgré le questionnement

incessant sur l’existence des choses extérieures à soi, malgré l’effondrement des repères et

des valeurs, nous nous débattons rageusement dans l’absolu pour tenter de garder la tête

hors de l’eau. Nos récepteurs sensoriels, par lesquels nous captons et interprétons

l’ensemble des stimuli extérieurs (et ce point est discutable) sont particuliers à chaque

individu, ne réceptionnent qu’une part spécifique et réduite des stimuli extérieurs et

contribuent à lui créer une réalité qui lui est propre. Ce relativisme, ou scepticisme a

longtemps été critiqué pour l’inaction qu’il était sensé engendrer, l’accusation du fameux

« tout ce vaut » est vite venu à bout de la motivation des sceptiques du dimanche après-

midi. Cependant, cet état où toutes les valeurs se sont évaporées n’est pas un état définitif

et stérile, c’est au contraire le départ d’un processus de construction authentique de

repères personnels, propres à chaque individu, dont les fondations s’enfonceront bien

plus profondément dans l’Absolu que celles basées sur des prénotions inculquées par la

société à la naissance.

Page 4: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Le problème posé par l’observateur et par les moyens d’observation a

notamment été mis en avant par Niels Bohr, scientifique très largement impliqué dans

l’élaboration de la théorie quantique. En effet, l’observateur n’est pas neutre dans le

milieu qu’il observe : il en fait partie et l’influence très largement. Ce phénomène, déjà

explicité dans les sciences sociales, conduit par exemple à la modification du

comportement de la population observée lors de la présence du sociologue dans la tribu.

De ce fait, l’ensemble des mesures sont faussées si on ne prend pas en compte l’impact

de l’observateur, et on attribue une valeur toute relative à des résultats qui ne sont créés

que par la présence du scientifique. Ainsi, à l’échelle quantique, la présence ou l’absence

d’observateur au moment de la réalisation du phénomène modifie complètement le

résultat final obtenu. Bohr n’interprète pas cela dans le domaine quantique comme une

influence de l’observateur sur l’expérience en cours, mais plutôt sur le fait que

l’instrument de mesure manié par l’homme ne retient qu’un seul résultat, tandis les

potentialités et possibilités d’interprétation sont multiples par la superposition simultanée

d’états différents.

Ainsi, bien que l’idée d’une vérité scientifique cumulative soit attirante de prime

abord, lorsque l’on introduit le sujet pensant dans ces réflexions, il est bien difficile de

pouvoir affirmer connaître quelque vérité, si ce n’est sur soi-même, et encore moins des

vérités scientifiques, sensées apporter des constantes universelles et stables.

UNE NOUVELLE DÉFINITION DU PROGRÈS SCIENTIFIQUE

Sur quels critères convient-il de ce fait de fonder la vérité scientifique ? Si chaque

individu dispose d’une réalité particulière, comment arriver à une unité et à un progrès

commun ? Il me semble que ce qui permet aux singularités de cohabiter et d’interagir,

c’est la norme et la convention à l’origine d’une réalité commune. Ainsi, d’une certaine

manière, même si le fond est mouvant, nous parvenons à créer une structure solide et

cohérente par le fait qu’elle établit artificiellement des ponts entre les singularités. Le mot,

par exemple, n’a aucun sens réel en lui-même, aucune « vérité propre » si je puis-dire ;

c’est l’association d’un motif perçu visuellement et d’un son. Cependant, nous avons

attaché un sens commun ou « définition » à ce terme, permettant une utilisation

consensuelle par la communauté ; bien que chaque individu soit à même potentiellement

Page 5: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

de se forger sa propre interprétation et compréhension de chaque terme, il convient d’en

connaître l’usage commun, car il permet une interaction efficace avec les autres

singularités. De même manière, le rôle primordial de l’éducation n’est pas en soi

d’apporter des connaissances, mais bien de créer des repères communs et des

connaissances partagées. Ainsi, la convention paraît être au fondement même du tissu

social.

D’une certaine manière, y-a-t-il quelque chose de plus détestable que la

convention ? La convention est une paralysie de la créativité, un emprisonnement dans la

facilité des prénotions. Bien qu’il convient avant tout de s’émanciper de ces conventions,

une base solide est cependant indispensable pour permettre la vie en société, et il s’agirait

plus, pour l’artiste il me semble, de remanier les conventions, de les explorer d’une

manière non-conventionnelle justement, plutôt que de tout détruire et se projeter dans le

chaos.

Ainsi, la qualité d’une théorie scientifique ne se définit pas par sa correspondance

avec le réel, car nous n’avons aucune certitude vis-à-vis de celui-ci, mais uniquement par

rapport à son efficacité et à la progression qu’il permet. En soi, le point de vu religieux

sur le monde n’est pas foncièrement faux ni inutile, il permet en outre de donner une

première explication aux phénomènes observables, mais la science comme modèle

explicatif a permis à l’Homme de biens plus grands progrès dans sa réflexion. Les

mathématiques ont en ce sens permis un grand progrès par l’établissement d’un langage

« objectif » et univoque, dont on aurait éliminé toutes les fluctuations sémantiques

possibles. D’une certaine manière, cela peut être évidemment conçu comme limitatif,

mais permet pour l’instant un gain considérable d’efficacité.

Ainsi les théories scientifiques sont des moyens et des outils permettant une

amélioration, un progrès ou un gain en efficacité. De ce fait, il est particulièrement

intéressant d’étudier le concept de révolution scientifique, car c’est justement ce

changement de système explicatif qui permet une modification des conventions, un autre

aperçu du réel et une progression accrue, jusqu’à l’essoufflement du modèle. Ce qui

permet la persistance de ces théories, c’est avant tout une certaine cristallisation par

l’habitude. Dans un monde vidé de son sens, l’enjeu est de poser des nouveaux repères,

des points fixes à partir desquels progresser. Descartes nous a sans doute conféré le plus

solide, la certitude du « Moi » (mais peut être que le Moi se dissout quand nous

dormons ?). Le rôle des vérités scientifiques : établir des points de repère dans l’Absolu.

Page 6: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

2. La révolution scientifique à l’origine d’un changement de paradigme

LE CONCEPT DE PARADIGME ET DE RÉVOLUTION SCIENTIFIQUE

La définition au sens strict du paradigme est le « modèle » ou le « schéma », c’est-

à-dire tout ce qui laisse transparaitre une structure interne. Plus généralement, un

paradigme possède un champ d’application, un certain nombre de problèmes auxquels il

doit tenter d’apporter une réponse grâce à des solutions types formalisées. Le paradigme

s’affaiblit souvent au fur et à mesure qu’on le généralise aux différentes échelles du réel,

mettant à jour un nombre croissant de faiblesses ; lorsque le champ d’application est

particulièrement étendu, le paradigme devient impropre à donner un sens global cohérent

à des phénomènes à chaque fois particuliers. Le but d’un paradigme est de donner des

Ainsi, loin d’une conception

cumulative, le progrès scientifique serait bien

plus une succession de point de vue

permettant un progrès de l’individu dans un

contexte particulier. Cette idée de vérité

scientifique comme point de vue temporaire

a notamment été développé et formalisé par

Thomas Kuhn, épistémologue et historien

des sciences américain, dans un ouvrage

intitulé Les Structures des Révolutions

Scientifiques, paru en 1962, qui a marqué

l’histoire des sciences. Dans celui-ci, il

inaugure la notion de « paradigme », dont le

terme même fait désormais du vocabulaire

commun du scientifique. Tentons dès à

présent d’expliciter efficacement le terme de

paradigme, car il semble résoudre le

problème de la vérité perçue comme absolue.  

 

KUHN,  Thomas  S.,  La  Structure  des  révolutions  scientifiques,  1962.  

Page 7: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

interprétations viables et cohérentes du maximum de phénomènes possible à toutes les

échelles afin de donner de solides points d’appui à la communauté scientifique. Tentons

de donner une définition définitive : un paradigme s’affirme comme « un ensemble de

règles ou de normes admises et utilisées par la communauté scientifique afin d’étudier les

faits délimités et problématisés par ce paradigme ».

Le paradigme est un ciment et une boussole pour le groupe. Ciment, car il

constitue un ensemble de contenus théoriques et de valeurs, de savoirs partagés.

Boussole, car il indique les problèmes importants ainsi que les solutions déjà prouvées.

Les paradigmes posent des repères dans l’absolue, desquels il faut se saisir si l’on ne veut

pas sombrer dans la folie.

Tant qu’il est viable et qu’il permet une progression, le paradigme est étoffé, et

parfois modifié, ajusté ou précisé selon de nouvelles conditions, souvent plus précises et

plus strictes. C’est par exemple le cas en mathématique ; les axiomes posés par Euclide

sur l’unité et la nature de l’objet mathématique et géométrique ont donné naissance à une

arborescence de concepts dont les branches ne cessent de se ramifier.

Comme l’affirme Kuhn, chacun de nous développe sa propre perception de la

façon dont le monde extérieur fonctionne et l’intègre en tant que réalité objective dans

son périmètre de conscience. Le paradigme de la réalité permet une stabilisation et une

normalisation du réel tout en conférant à l’individu des repères clairs pour progresser.

Changement  de  paradigme  Universum,  C.  Flammarion,  gravure  sur  

bois,  Paris  1888    

Page 8: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Finalement, il y a autant de paradigmes que d’individus, ou

peut-être seulement le mien, ou le votre ; peut-être suis-je un

fragment de votre conscience, qui n’a pour but que de stimuler

votre réflexion sur la question paradigmatique ? Les

bouleversements dans les habitudes du sujet entrainent une

perte de repères qui le conduisent nécessairement à changer sa

vision du monde.

Revenons à présent sur le concept de révolution

scientifique. Elle se définit donc comme l’effondrement

d’un paradigme scientifique et la naissance d’un nouveau et

porte en elle historiquement, l’idée d’une interruption brutale et douloureuse. La

révolution scientifique est donc inextricablement liée au concept de paradigme.

LA STRUCTURE CYCLIQUE DES RÉVOLUTIONS SCIENTIFIQUES

Thomas Kuhn, dans La Structure des révolutions scientifiques met en avant le caractère

cyclique du processus en formalisant des étapes claires qui se répètent à chaque

révolution scientifique, à l’origine de l’effondrement et de l’élaboration d’un nouveau

paradigme. Ainsi, l’épineux problème de la concordance entre le concept cyclique du

terme « révolution » et de la question de la « vérité scientifique » est résolu. Bien loin

d’être cumulative, la succession de paradigmes ne correspond qu’à une modification de

point de vue sur la question. Le processus de révolution scientifique est cyclique et réitère

des étapes similaires, la pensée évoluant par révolution !

Il y a ici d’intéressantes remarques à faire à propos de la contradiction ; celle-ci

demandant également à être dépassée. Comme énoncé ci-dessus, on observe en science

une succession de paradigme qui marque juste un changement de point de vue causé par

la modification même de l’esprit scientifique, lié aux conditions de l’époque. Un

changement d’échelle, de point de vue, de perception, de référentiels est effectué,

invalidant provisoirement le référentiel précédent. Cependant, le paradigme ainsi rejeté

n’est pas faux en lui-même, mais il ne correspond plus aux conditions nécessaires à la

progression. De ce fait, deux états historiques de la science ne sont pas contradictoire,

mais forment une dualité complémentaire. C’est notamment ce que relève Louis Broglie

Illusion  d’optique  :  deux  points  de  vue  sur  un  

même  objet  

Page 9: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

lors de l’étude de la diffraction des électrons par des cristaux, mettant à mal le principe de

non-contradiction cher à la philosophie : les électrons se présentent simultanément sous

deux aspects, un aspect ondulatoire et un aspect corpusculaire ; on parle de dualité onde-

corpuscule. Il affirme la nécessité d’adopter le principe de « complémentarité

contradictoire » plus que celui de la « non-contradiction ». D’une certaine manière,

l’enchainement des paradigmes correspond à cette complémentarité contradictoire.

• Le paradigme normal

Le paradigme normal s’affirme évidemment comme le paradigme en place à un

instant t. C’est celui dans lequel évoluent la plupart des chercheurs et scientifiques, et

surtout ceux qui ont contribués à son élaboration et/ou ont grandi à l’intérieur,

intériorisant la définition particulière des concepts qu’il propose. Le chercheur va tenter

,grâce aux problèmes et solutions types proposés par le paradigme, détendre son champ

d’application en laissant éventuellement de côté, souvent inconsciemment, les éléments

pouvant affaiblir le paradigme, tant qu’ils restent minoritaires.

• Accumulation de contradiction

Cependant, l’élargissement du paradigme à différentes échelles et le travail

constant des chercheurs à son élaboration et à son agrandissement conduit à la mise au

jour de plus en plus de contradiction, souvent aux échelles extrêmes du réel. La plupart

des théories trouvent ainsi un point de faiblesse à l’échelle de l’infiniment petit, l’échelle

de Planck, où toutes les lois de la causalité et de la physique se dissolvent, ou bien à

l’inverse à l’échelle cosmique. Le processus clef est celui de la perte de confiance dans la

valeur du paradigme, en sa capacité à expliquer le réel.

• Révolution scientifique

L’accumulation des contradictions peut aboutir jusqu’à un déséquilibre tel, que

l’on ne peut plus maintenir le paradigme en place. C’est la période de crise, durant

laquelle se déclenche la révolution scientifique ; de nouveaux paradigmes sont testés,

englobant, dépassant ou renouvelant totalement le précédent, jusqu’à en trouver un qui

soit capable d’expliquer de manière plus cohérente les problèmes précédemment

Page 10: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

soulevés. De ce fait, la période « révolutionnaire » est marquée par le développement de

multiples alternatives, une réflexion sur les démarches et sur les objets d’études à

envisager prioritairement.

Il est évident que l’ensemble des scientifiques qui ont construit leur vie à

l’intérieur du paradigme s’oppose très vivement à ce bouleversement. Soutenir la

destruction d’un paradigme dans lequel on a toujours évolué, c’est plus ou moins comme

voir une partie de sa vie s’effondrer en poussière. L’homme tend naturellement à un

certain conservatisme qui le pousse à rester dans une situation qu’il connaît et maitrise

pour maintenir une certaine stabilité. Les scientifiques de nouvelle génération, qui

pénètrent seulement progressivement dans le paradigme et peuvent l’observer

« objectivement » de l’extérieur sont plus à même d’en découvrir les failles, et c’est

souvent par le renouvellement des générations que l’on procède à la modification, voire

au changement des paradigmes. Il est bien connu que chaque génération se construit en

opposition de celle qu’elle précède. De nombreux scientifiques novateurs ont ainsi subi

de graves persécutions, menace de mort, de prison, censure, ou simplement déni de la

communauté scientifique. Bien souvent, passer d’un paradigme au suivant n’est pas un

événement indépendant ; chaque paradigme s’inscrit dans un tissu de cohérence global

qui forme l’état de la science à l’instant t. Toucher à l’un des constituants de la structure,

c’est l’amener à un effondrement inévitable, qui peut être souhaitable, mais bien souvent

douloureux. La résistance au changement de paradigme est notamment du à une certaine

professionnalisation du paradigme par la formation d’un vocabulaire et de techniques

particulières et d’un affinement des concepts. Plus le paradigme est étendu, plus il est

possible qu’il révèle des anomalies affaiblissantes, mais plus il est ancré dans l’inconscient

collectif.

Certaines révolutions se font parfois dans une certaine discrétion. Dans ce cas, le

terme révolution n’est pas réellement applicable, vu que la découverte ne concerne

qu’une infime portion des scientifiques. C’est notamment le cas de l’introduction de la

constante de Planck « h » dans les équations mathématiques, marquant le départ de la

révolution quantique. Aucune violence n’a été faite bien que cette nouvelle donnée soit

extrêmement violente scientifiquement parlant. Bohr affirmait à ce propos « Quiconque

n’est pas choqué par la théorie quantique ne la comprend pas ». Le début de la

quantification de l’énergie est un instant fondamental pour la physique, mais l’impact de

Page 11: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

la découverte ne permet que de parler d’un changement très spécifique de paradigme, qui

n’impacte que peu sur la vie du citoyen lambda.

Une révolution scientifique est de ce fait marquée par un changement des

concepts, une nouvelle définition de l’objet étudié et un changement de point de vue sur

la question. Les lois fondamentales sont modifiées, de nouvelles analogies et métaphores

sont associées au système, jusqu’à former un nouvel ensemble de valeurs et de normes de

scientificité. La révolution scientifique est donc responsable de la naissance d’une science

révolutionnaire, c’est « la condition préalable et nécessaire à l’apparition de toute nouvelle

théorie » selon Kuhn.

• Affermissement du paradigme, érigé comme « normal »

Cette dernière étape marque la fin du processus cyclique structuré autour de la

révolution scientifique grâce à un consensus trouvé par la communauté scientifique quant

au nouveau paradigme. Il s’agit dès à présent de renforcer le paradigme naissant et de le

hisser au statut de paradigme normal. Pour cela, on distingue 3 étapes. Dans un premier

temps, il y a une détermination des faits significatifs du paradigme, puis on établit un lien

entre les différents faits pour établir une concordance, jusqu’à l’élaboration finale de la

théorie.

Le paradigme se présente à la fois sous une forme visible et invisible. On peut

détecter sa présence par la nature des manuels scolaires, des équations dans l’air du

temps, mais la plupart de ses formes sont invisibles, constituées de pratiques et de

méthodes particulière, ancrées dans l’individu même composant la société et alimentant

le paradigme. Les jeunes scientifiques sont ainsi amenés à intérioriser le nouveau

paradigme, enterrant définitivement le précédent.

Je vais essayer de vous proposer une image qui m’est personnelle. Imaginons la

pensée comme unique substance. Les chemins que notre esprit est amené à emprunter se

canalise au fur et à mesure jusqu’à se cristalliser et former une structure quasiment

physique. Nos pensées sont facilement aspirées par ses chemins et ne cherchent pas à

s’en échapper. Il suffit cependant que, par l’expérience, des failles apparaissent, pour que

la pensée s’y engouffre et forme un nouveau lit, qui se cristallise progressivement.

Page 12: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il convient de rappeler que la vision de la

révolution scientifique comme une période charnière entre deux paradigmes est déjà en

soi une vision relevant d’un paradigme, celui établit par Thomas Kuhn dont le livre serait

une révolution scientifique certaine. Il est évidemment nécessaire que chaque science ou

théorie puisse se prendre soi-même comme objet d’étude.

LE MOTEUR DES RÉVOLUTIONS SCIENTIFIQUES

Bien souvent, c’est l’accumulation de contradictions dans le paradigme normal en

place qui conduit à sa destruction et à l’élaboration d’un nouveau paradigme. Cependant,

d’autres facteurs peuvent influencer sur le déclenchement des révolutions scientifiques.

On constate ainsi une opposition entre deux points de vue sur la question, le point de

vue alternaliste et le point de vue externaliste. Le point de vue alternaliste correspond à

ce que nous avons développé plus haut concernant l’affaiblissement d’un paradigme.

Celui-ci découlerait de l’accumulation de faits empiriques contradictoires à l’intérieur de

la théorie ou entre les théories. Ce serait ainsi des facteurs internes qui seraient à l’origine

de la rupture de paradigme.

Certains épistémologues proposent face à cela un point de vue externaliste, qui

place les évènements socio-culturels, historiques et religieux comme facteurs premiers

des révolutions scientifiques. On pourrait prendre l’exemple du travail sur le projet

Manhattan pour la bombe nucléaire lors de la deuxième guerre mondiale qui permit un

progrès considérable en physique. Les crédits alloués à un laboratoire favorisent

également l’émergence des théories qu’il propose. De même, le charisme des chercheurs

contribue à la réception positive ou négative de la nouvelle théorie dans l’opinion

publique. Il est ici évident que les révolutions scientifiques ne sont pas dues uniquement

à l’une de ces deux nécessités, mais comme bien souvent, c’est une résultante d’une

interaction dynamique. Ce qui change en réalité, c’est le critère de scientificité explicitant

ce qui est intérieur ou extérieur à la science. De même manière, il me semble que nous

avons trop souvent oublié le processus opposé à la causalité venant l’équilibrer ; certains

évènements attirent leurs causes et ont un impact sur nous avant même qu’ils ne se

soient réalisés. J’essayerai de présenter ici quelques facteurs pouvant influencer le

processus de révolution scientifique.

Page 13: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

• Le Hasard

Dans certains cas, le hasard a permis aux scientifiques de mettre à jour un nouvel

élément dans le champ scientifique invalidant définitivement le paradigme en place. Le

hasard a toujours joué un rôle important dans les découvertes scientifiques, que ce soit

avec la pénicilline ou la tectonique des plaques, le scientifique tente de trouver une

explication cohérente au phénomène qu’il a observé ou déclenché par inadvertance.

Dans le cas de la tectonique des plaques, modèle proposé par Wegner, celui-ci avait

simplement observé par hasard que les continents s’emboitaient parfaitement les uns

dans les autres. A partir de là, il a élaboré un nouveau paradigme concernant les

mouvements des continents.

• Les facteurs socio-culturels

Dans certains cas, des raisons non-scientifiques ont motivé le changement de

paradigme. La modification des conventions scientifiques en place découle parfois de

révolutions idéologiques ou de modification dans les facteurs socio-culturels, voire

économico-politiques de l’époque. C’est notamment le cas de la révolution darwinienne.

Charles Darwin, présenté comme le père de l’évolution n’a en réalité qu’effectué qu’un

bien mince apport à la théorie de l’évolution, connue depuis très longtemps et formalisée

par Lamarck. Le mot « évolution » apparaît en effet une unique fois dans l’ouvrage de

Darwin De l’origine des espèces. Ce qui a permis à Darwin d’émerger et d’imposer la théorie

de l’évolution, c’est un concours de circonstances entre les conditions de l’époque et la

nature de la théorie. En effet, Darwin met en avant ses travaux en pleine révolution

industrielle durant l’époque victorienne, alors que la colonisation s’étend dans le Monde,

mû par l’impérialisme européen. D’une certaine manière, la théorie Darwinienne a subi sa

propre sélection naturelle et a su proliférer, car ses caractéristiques correspondaient

parfaitement aux conditions environnementales (ici sociales). La croissante sélection et

concurrence entre les hommes trouvent son écho dans la théorie proposée par Darwin,

proposant un paradigme justifiant les comportements humains grâce à la sélection

naturelle des espèces. On constate bien dans ce cas que le changement de paradigme est

impliqué par des modifications sociales et économiques de la société industrielle.

Page 14: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

• L’influence Ecclésiastique

Tout au long de l’histoire scientifique, l’Eglise semble avoir été un frein

considérable au progrès scientifique et à la modification des paradigmes. En soi, cela est

tout à fait compréhensible : La religion est un système d’explication du monde très

profondément ancré dans les mentalités et la littérature biblique. Cependant, des

réponses plus précises sur les questions soulevées par la religion furent apportées par la

science, entrainant un changement de paradigme. D’une certaine manière, le paradigme

scientifique englobe et enveloppe le système d’explication religieux en le rationnalisant et

le complexifiant. Cependant, la foi religieuse touche à un tout autre domaine que la

raison scientifique et c’est pour cela que perdure encore la religion, la science ne pouvant

la remplacer intégralement. De plus, la religion propose une réponse au problème de la

Mort, ce à quoi la science n’est pas encore parvenue. Touchant au domaine du sentiment

intime et proposant encore des réponses acceptables aux problèmes existentiels, le

paradigme religieux se poursuit à côté de la science et reste profondément ancré dans les

mentalités. De ce fait, il est concevable qu’on ait pu constater une résistance religieuse

permanente aux bouleversements scientifiques.

LES CONSÉQUENCES DES RÉVOLUTIONS SCIENTIFIQUES

• Anomie

Les différents changements de paradigmes et successions de révolutions

scientifiques ont-ils un impact sur l’homme et plus spécifiquement sur la communauté

scientifique ? La rupture de paradigme entraine une perte de repères conduisant à la

désorientation de l’individu. C’est notamment ce que théorise Emile Durkheim dans son

ouvrage intitulé Le Suicide, concernant les contextes de changements sociaux rapides ; on

peut cependant faire un rapprochement avec la succession des paradigmes scientifiques.

Durkheim met en évidence la perte de sens subie par l’individu, ainsi qu’une absence de

signification et de but. La satisfaction d’un individu est en effet liée à la présence de

repères stables. Il s’ensuit de ce fait une insatisfaction croissante, une démoralisation de

l’individu, jusqu’à une augmentation du nombre de suicides. Cela paraît surtout valable

pour les changements sociaux profonds, mais on peut concevoir de pareilles

conséquences sur un scientifique.

Page 15: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

• Anarchisme épistémologique

Evoquons rapidement la question de l’anarchisme épistémologique, concept

développé par Paul Feyerabend dans Contre la Méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la

connaissance. Feyerabend tente d’expliquer le progrès en science en postulant que les

progrès s’effectuent essentiellement durant les périodes de désordre, au moment de la

construction de nouveaux repères, d’un nouveau paradigme. Cette période clef selon

l’épistémologue serait ainsi les révolutions scientifiques elles-mêmes ! Cependant, il me

semble que la présence de période de stabilité correspondant à la mise en place de

paradigmes permet d’éviter l’essoufflement de la communauté scientifique dans cette

dynamique extrêmement créative et constructive, mais tellement instable, qu’est la

révolution scientifique. Ce que cherche à mettre en avant Feyerabend, ce n’est pas la

destruction de toute science, mais bien au contraire, la recherche d’une science plus libre

et plus ouverte, dont la perspective créatrice se rapprocherait plus d’une forme d’Art. Il

réhabilite surtout les théories scientifiques dans les enjeux croissants entre les

scientifiques. Je remarquerai que le terme « anarchie », ici utilisé en synonyme de

« chaos » ne me plait guère ; l’étymologie du mot invite plutôt à concevoir l’anarchie

comme une absence de pouvoir coercitif avec le « a » privatif suivit de l’« arkhé » pour le

pouvoir. Il y bien deux sens qui cohabitent ici, mais je tends à préférer la définition

proposée par Marcel Dieu : « l’anarchie, on ne le répètera jamais assez, c’est l’ordre sans

le gouvernement ». Une conception plus politisée donc, mais dont l’idéal paraît tellement

opposé au chaos que son usage ne peut que me faire grincer des dents.

Page 16: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

3. Les révolutions scientifiques dans l’histoire

Il convient d’étudier quelques exemples de révolution scientifiques, afin de

vérifier qu’elles respectent bien les différents aspects d’une révolution énoncés ci-dessus,

de manière certes assez théorique et abstraite. Nous respecterons ici un ordre

chronologique bien que, comme précisé précédemment, la modification des paradigmes

n’engendre pas un progrès cumulatif linéaire, mais bien un changement de point de vue,

de référentiel. Quelles sont donc les révolutions scientifiques qui ont eu le plus d’impact

sur la communauté scientifique, et sur la société dans son ensemble ?

LA DESTITUTION DE L’HOMME

• La révolution copernicienne

Une première révolution, sans doute très connue, mais qu’il convient cependant

de rappeler, est le passage du géocentrisme à l’héliocentrisme concernant la manière dont

l’Homme se représente l’univers. La conception du Monde par l’Homme jusqu’au XVIe

siècle correspond à une vision géocentrée héritée de l’Antiquité et notamment des

travaux d’astronomie d’Aristote et de Ptolémée au IIe siècle. On constate ainsi que le

paradigme « normal » en place à l’époque est solidement ancré dans les mentalités et les

mœurs des contemporains, ceci expliquant en partie les réticences apparaissant au

moment de rupture du paradigme.

Reproduction  du  système  géocentrique  

de  Ptolémée  Harmonia  Macrocosmica,  Cellarius  

Selon Ptolémée, la Terre serait un

astre fixe et immobile au centre de

l’univers ; tous les mouvements observés

comme les changements de saison ou

l’alternance jour-nuit viennent de

modifications extérieures à la Terre, dont

celle-ci ne serait que la passive

observatrice. De plus, la figure du cercle

parfait domine la conception antique du

cosmos, décrivant la régularité des

chemins empruntés par les différentes

planètes, autre que la Terre.  

Page 17: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Cette conception de l’univers est largement reprise par l’Eglise chrétienne,

alimentant l’idée d’une création fixe et immuable, dont l’Homme serait l’élément central.

Philosophiquement, l’héliocentrisme est lié au dualisme, présentant un univers séparé en

deux zones distinctes avec deux types différents d’être ; un monde inaltérable au delà de

la lune se confronte à au monde matériel terrestre.

Cependant, les mesures contredisant cette théorie s’accumulent, jusqu’à ériger un

système concurrent suffisamment viable pour pouvoir espérer mettre à mal le

géocentrisme si solidement enraciné dans la tradition philosophique et judéo-chrétienne ;

il s’agit de l’héliocentrisme. Il est difficile d’attribuer ce nouveau paradigme à un seul

savant, car il s’agit bien ici d’une multitude de recherches réalisées dans un cadre

temporel réduit.

La mise au point par Galilée de la première lunette astronomique en 1610 permet

une augmentation exponentiellement des contradictions dans le modèle géocentrique,

confortant simultanément la théorie héliocentrique. Galilée accompagne ses travaux

d’une diffusion considérable, marquant la naissance d’une opposition systématique et

grandissante. Les ouvrages de Copernic et Galilée sont interdits, car l’adoption de

l’héliocentrisme implique nécessairement l’effondrement d’une partie du paradigme

religieux. Galilée est condamné par l’inquisition à la prison pour développement d’idées

contraires aux Saintes Ecritures, mais l’abjuration lui permet d’éviter la prison en échange

d’un assignement à résidence. Cependant, l’héliocentrisme permettait une explication

Représentation  du  cosmos  selon  le  système  héliocentrique  

Harmonia  Macrocosmica,  Cellarius  

On pourra cependant retenir le rôle

central de Copernic, dont le passage du

géocentrisme à l’héliocentrisme prendra le

nom, avec la révolution copernicienne.

Copernic expose la première fois sa théorie

dans De Revolutionibus paru en 1543.

Cependant, les travaux de Copernic ne

sont diffusés qu’à un nombre restreint de

savant, limitant l’impact de la découverte,

ainsi que l’opposition des théologiens et

astronomes classiques.  

Page 18: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

beaucoup plus satisfaisante de nombreux phénomènes, telles que les marées, les saisons.

L’héliocentrisme finit par triompher, marquant l’effondrement de deux paradigmes : Un

premier paradigme cosmologique concernant la représentation de l’univers et la

modification de la conception de l’Homme.

Ainsi, la révolution copernicienne comprend tous les éléments propres aux

révolutions scientifiques et permet une première illustration efficace du concept de

révolution. En effet, on constate clairement ici le passage d’un premier paradigme, le

géocentrisme, à un second, l’héliocentrisme. Ce changement de paradigme s’accompagne

d’une phase de tension et de résistance avant de céder sous l’accumulation des preuves

favorables à l’héliocentrisme. La révolution copernicienne entraine des conséquences

considérables sur l’ensemble du monde, autant par son étendue que par l’importance des

bouleversements qu’elle entraine. En effet, la révolution copernicienne est à l’origine

même du fondement de la physique moderne, introduisant l’observation et les

mathématiques à la base de la preuve. Il s’agit bien ici d’un changement de point de vue,

de point de vue sur le monde, mais surtout sur l’homme. Le monde auparavant clos,

apparaît désormais comme infini et l’homme a perdu, selon Alexandre Koyré « le monde

même qui formait le cadre de son existence et de son savoir ». L’impact de cette

révolution s’étend jusque dans la modification des systèmes de pensée, influençant la

perception du monde des individus naissant dans le paradigme.

Nous pourrions ici adopter un point de vue sceptique tout à fait légitime. Rien

dans mon expérience du quotidien ne confirme l’idée d’une terre ronde aplatie aux

pôles ; j’ai bel et bien l’impression de marcher sur une surface plane. En ce sens, il serait

légitime de rejeter la théorie héliocentrique comme croyance personnelle, jusqu’au

moment où je pourrais la vérifier de mes propres yeux, ce qui est loin d’être évident.

Cependant, il apparaît clairement que l’idée d’une terre ronde permet un progrès certains

dans toutes les sciences, a permis des avancées technologiques considérables et une

explication beaucoup plus évidentes de certains phénomènes. En ce sens, il convient

d’adopter la théorie héliocentrique, car, même si elle n’est pas confortée par l’évidence

sensible, elle permet au sujet des progrès considérables dans ses réflexions. Il se peut très

bien que dans des décennies à venir, nous découvrions que la Terre correspond à une

forme en 4 dimensions enroulées sur elles-mêmes. Cependant, cela ne fera pas de

l’héliocentrisme une théorie fausse, mais il conviendra de la dépasser si le nouveau

Page 19: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

paradigme permet, comme l’a fait le passage à l’héliocentrisme, des avancées

considérables.

Ainsi, ce qui nous paraît plane ne l’est pas toujours forcément ; c’est bien souvent

au contraire une grande surface d’un cercle, dont l’échelle réduite à laquelle nous

l’observons ne permet pas de saisir la courbure générale. Poursuivons la réflexion en

mathématique ; lorsque nous construisons une droite, nous la concevons généralement

comme une trajectoire rectiligne infinie. Peut être pourrions imaginer la droite comme le

fragment d’un cercle que nous ne pourrions percevoir qu’à l’échelle supérieure. Ce genre

de considérations, bien que peu étoffées, pourrait avoir de multiples conséquences dans

l’idée de la représentation de fonctions, de la ligne, …

• La révolution Darwinienne

Après ce premier choc subi par l’homme, il en survient cependant un deuxième à

peine trois siècles plus tard, concernant la place de l’homme dans le Monde du vivant.

Jusqu’au XVIIIe siècle, la théorie créationniste est très largement admise par les

contemporains comme origine de la vie sur Terre. Elle s’inspire de la Genèse, 1er livre de

la Torah revendiqué par chacun des trois grands monothéismes. Dieu aurait créeé

l’univers en 6 jours, donné vie aux animaux et placé l’homme en surplomb du règne

animal, façonné à son image. Un extrait de la Genèse pour preuve :

- Genèse 1.20 Dieu dit : Que les eaux produisent en abondance des animaux

vivants, et que des oiseaux volent sur la terre vers l’étendue du ciel.

- Genèse 1.25 Dieu fit les animaux et la terre selon leur espèce, le bétail selon son

espèce, et tous les reptiles de la terre selon son espèce. Dieu vit que cela était

bon.

- Genèse 1.26 Puis Dieu dit : faisons l’homme à notre image, selon notre

ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel,

sur le bétail, sur toute la terre.

Page 20: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Il est évident que cette conception du règne animal façonné par Dieu postule une

certaine fixité des espèces ; elles furent conçues d’une manière particulière à un instant t ;

il n’y a pas de raison pour que celles-ci évoluent, sachant que les espèces sont en parfaite

harmonie dès le départ. En récapitulant, le créationnisme implique ainsi deux

affirmations : l’Homme se trouve au sommet du monde animal dont la nature des

espèces est fixe.

De ce fait, il est évident que lorsque les travaux de Jean-Baptiste de Lamarck et

de Darwin, proposant une nouvelle théorie basée sur l’évolution des espèces provoquent

de vives réactions dans le milieu scientifique et religieux. Tandis que Lamarck érige une

théorie transformiste, n’excluant pas une part de créationnisme à l’origine des espèces

avec le concept de génération spontanée, le naturaliste anglais Charles Darwin parvient

grâce à un intense travail d’observation sur le terrain et à travers la publication de

nombreux ouvrages dont De l’origine des espèces, à formuler une version de la théorie de

l’évolution basée sur la sélection naturelle. Chaque espèce est façonnée et subdivisée au

cours du temps selon son potentiel d’adaptation à son milieu, lui permettant de proliférer

dans le milieu. L’homme n’apparaît plus comme créé tel quel, à l’image de Dieu, mais

comme un descendant des lémuriens primitifs, ce qui choque les contemporains.

Fresque  par  Raphaël  au  Palais  pontifical  au  Vatican,  représentant  la  création  du  jour  et  de  la  nuit  selon  la  Genèse  

Page 21: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Nous n’avons guère besoin ici de rentrer plus amont dans les détails ; il est

évident qu’un changement de paradigme s’est effectué aux alentours de 1859, c’est-à-dire

à la date de parution de L’origine des espèces. Comme le passage à l’héliocentrisme, le

darwinisme détrône l’Homme du sommet du règne animal, constitue une remise en cause

directe de la Genèse par Dieu, et plus largement de tout le système explicatif religieux.

Encore une fois, la résistance des partisans du paradigme en place est vive avec la

multiplication des caricatures de Darwin en singe, de schémas simplistes et grotesques ;

résistance qui se poursuit jusqu’à nos jours avec la recrudescence du mouvement

créationniste aux Etats-Unis. Cela nous permet ainsi de constater qu’un paradigme n’a

pas besoin d’une unanime approbation pour s’affirmer comme normal et que parfois,

quelque soit la force des arguments, un fragment tenu de la population persiste hors du

paradigme.

La révolution darwinienne est la deuxième blessure de l’égo de l’homme.

• La révolution Freudienne

Afin de conclure ce triptyque de la destitution de l’homme, je vous propose la

révolution psychanalytique entreprise par l’autrichien Sigmund Freud à l’aube du XXe

siècle. La théorie freudienne constitue un apport majeur dans le domaine de la

«  Un  orang-­‐outang  vénérable  »,  caricature  de  Charles  Darwin  publié  dans  The  Hornet  

Charles  Darwin  en  singe  sur  la  couverture  de  La  Petite  Lune  

Page 22: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

compréhension de la conscience. L’idée d’un inconscient, c’est-à-dire d’une pensée se

déroulant hors de la sphère de conscience de l’esprit, ne date pas à proprement parler des

travaux de Freud, mais bien plus du concept de « petites perceptions » chez Leibniz ou

d’Eduard von Hartmann avec son ouvrage Philosophie de l’inconscient. Cependant, c’est bien

avec les travaux du médecin neurologue autrichien que s’affirme l’inconscient comme

concept central de la théorie psychanalytique, entrainant l’effondrement du paradigme de

la conscience. En s’appuyant sur des cas d’hystérie, maladie mentale surtout féminine,

qu’il tente d’abord de guérir par l’hypnose », Freud met en place une réflexion systémique

sur la sexualité, le rôle de l’enfance conduisant à l’élaboration d’un refoulé, s’exprimant

par l’intermédiaire des rêves, lapsus et actes manqués.

Encore une fois, notre propos ici n’est pas de déceler tous les tenants et les

aboutissants de la révolution psychanalytique, mais bien plus de dégager les différents

aspects qui la rapproche d’une révolution scientifique. Jusqu’alors, l’Homme est postulé

comme parfaitement maître et responsable de ses actes, en pleine possession de tous ses

moyens psychiques. La psychanalyse a cela de révolutionnaire qu’elle invoque la

possibilité d’un déterminisme inconscient « Le Moi n’est pas le maître dans sa propre

maison ». Freud lui même compare son apport scientifique à la révolution copernicienne

et darwinienne : « Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf de

l’Humanité deux graves démentis ».

Au fur et à mesure de la succession des exemples, nous semblons parvenir à une

certaine prédominance d’un concept de la révolution paradigmatique sur les autres : l’idée

d’une résistance au changement de paradigme. Finalement, c’est effet est sans doute le

marqueur le plus visible d’une révolution scientifique. Freud n’échappe quant-à-lui

évidemment pas à la critique, et si sa légitimité est aujourd’hui reconnue, l’affirmation de

la psychanalyse en tant que science a relevé d’un processus particulièrement complexe et

violent. En plus de la critique des milieux médicaux, des schismes s’opèrent au sein

même du mouvement psychanalytique sous l’effet des dissensions entre Freud et Jung,

avec Alfred Adler. Le fait d’attribuer une activité sexuelle à l’enfant, alors qu’il était

considéré comme pur contribue à l’effet de rejet de la psychanalyse. On constate ainsi

que le phénomène répulsif est d’autant plus puissant que les conceptions sont ancrées

dans les esprits des gens, ce qui est évident.

Page 23: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

La théorie psychanalytique est très largement parvenu à s’imposer dans la

réflexion sur la conscience et la pensée. La psychanalyse a permis de nombreux progrès,

mais cette dimension extrêmement abstraite de l’inconscient rend le travail très difficile et

conduit à une certaine lassitude de la notion. Ainsi, un certain scepticisme peut s’observer

au niveau des hautes sphères philosophiques marquant un épuisement du concept :

Pour Sartre, tous les phénomènes avancés par Freud peuvent être expliquer par la

mauvaise foi de l’individu, c’est-à-dire que « je sais sans vouloir me l’avouer ». De plus,

Freud est à l’origine du « mythologie chosiste », présentant l’inconscient comme une

partie d’un mécanisme matérialisé par une substance : le refoulé. Sartre critique ainsi le

paradigme en tant que volonté de décrire l’esprit comme « une chose » de l’espace, alors

que les travaux de Freud s’approchent bien plus d’une philosophie de l’esprit.

Pour l’épistémologue Karl Popper dans Conjecture et réfutation réfute l’idée que

l’inconscient serait une théorie scientifique en plaçant la psychanalyse et la religion sur un

plan similaire. Le propre d’une théorie scientifique est d’être réfutable et de pouvoir

rentrer en conflit avec l’expérience, tandis que la pensée de l’inconscient est vue comme

théorie totalisante. En effet, la construction de ce paradigme correspond à un système

cohérent érigé par une singularité particulière, la singularité « Sigmund Freud » en

l’occurence. Le concept de complexe d’Œdipe sont directement tirés de l’enfance de

Freud, de même que les soucis de sexualité remonte à une époque où Vienne était

particulièrement libertine. Une théorie par définition, ne peut être totalisante. La

conception humaine de la science tente de créer des points communs, des ponts entre les

mondes subjectifs des singularités, cependant des divergences personnelles subsistent

irrémédiablement. La réflexion sur l’inconscient mené par Freud n’est en soi qu’une

interprétation particulière e l’absolue, qui doit donc pouvoir être réfutée pour pouvoir

être érigée en science, et ne pas rester du domaine de la croyance.

Alain, dans Éléments de Philosophie affirme que la théorie de l’inconscient est

pertinente, mais l’inconscient réveille en nous un animal redoutable : l’Homme serait

obscure à lui-même, l’inconscient est un autre moi diabolique et incontrôlable qui

conduit à la déresponsabilisation de l’individu, et potentiellement au chaos, car détruisant

tout concept de justice.

Page 24: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Ainsi, un paradigme solidement affirmé comme normal n’est pas à l’abri de la

critique, ni d’une éventuelle remise en cause ; c’est ici le nouveau point de départ du

mouvement cyclique d’alternance des paradigmes, et on constate bien que des nouvelles

théories, aussi élaborées et efficaces soient-elles, sont forcément dépassées un moment

ou à un autre, lorsque leur potentiel explicatif a été exploité au maximum.

LES RÉVOLUTIONS PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES

• La théorie des cordes

Afin de mettre en avant le rôle des contradictions dans la modification dans les

révolutions scientifiques, il convient de s’attarder quelques brefs instants sur la théorie

des cordes. Jusqu’au XXe siècle s’opposent deux théories en physique : La relativité

générale théorisée par Albert Einstein proposant une explication aux mouvements des

astres et s’appliquant ainsi à une échelle très grande, et le modèle standard, valable pour

les objets de petite dimension telle que les atomes ou les molécules subatomiques. Ces

deux théories s’appliquent parfaitement à leurs échelles et s’avèrent très exactes dans leur

domaine de validité, cependant il est impossible de les concilier.

De nombreux scientifiques ont cependant travaillé sur cette théorie, dont John

Hagelin, professeur de physique quantique au CERN et Nassim Haramein, chercheur

indépendant. Selon eux, l’élément fondamental de la matière, à l’origine de toute chose,

est la corde en vibration. Le modèle de la corde permet en effet une infinité de

représentation possible de par la multitude de fréquence de vibration envisageable. Je n’ai

certes par les qualifications pour rentrer en détail dans un domaine aussi pointer et

présenter les démonstrations, mais il semblerait que les démonstrations concordent. La

vibration de ces cordes serait à l’origine du champ unifié de la conscience dont chaque

individu serait une vibration différente, cristallisant la réalité à différentes échelles.

Cependant, cette théorie fait face à un inconvénient majeur ; toute expérimentation est

exclue à l’échelle de Planck. Ainsi, on peut s’interroger sur l’éventuel possibilité d’un

changement de paradigme basé non pas sur l’expérience, mais sur la résolution

d’équation, ce qui paraît somme toute assez peu probable.

Page 25: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

• La révolution fractale

Les mathématiques semblent de prime abord être une science échappant aux

révolutions mathématiques. En effet, depuis l’établissement par Euclide des axiomes

concernant l’unité et la nature des objets mathématiques, les mathématiques n’ont pas

subi de changements fondamentaux ; le paradigme s’étoffant progressivement.

Cependant, on ne peut que constater l’impossibilité pour les mathématiques à figurer

avec précision le réel ; nulle part dans la nature je ne peux observer des cercles ou des

carrés parfaits, ou tout autre forme géométrique. Un nouveau paradigme a cependant été

mis au point par Benoit Mandelbrot proposant le concept de « fractales », théorisé dans

Les Objets fractals : forme, hasard et dimension publié en 1973. Les fractales sont des figures

géométriques caractérisées par leur autosimilarité à toutes les échelles, c’est-à-dire qu’à

chaque fois que l’on effectue un agrandissement sur une partie de la fractale, on retrouve

à nouveau le motif de départ. Les fractales, définies par une relation de récurrence

incluant un nombre complexe, permettent d’ajouter cette irrégularité et de rugosité qu’il

manquait à la géométrie plane pour figurer la Nature et le réel avec efficacité. En effet, il

est désormais évident que les fougères, le chou romanesco, les sinuosités de l’intestin

grêle sont de parfaites fractales auto-similaires. Cependant, même les arbres ne sont que

la répétition d’un motif de division identique au fur et à mesure des ramifications. Il me

semble que la « révolution fractale » est très imminente dans le domaine mathématique.

Encore marginal, le concept s’affirme cependant de plus en plus et tend probablement à

la complexification, voire au remplacement des axiomes géométriques. De plus,

comment croire encore au concept d’unité, régissant les mathématiques euclidiennes,

lorsque l’on introduit des notions de dimensions imbriquées, de fractales ? Le modèle

fractal permet en soi également un gain en efficacité, permettant de prévoir en partie les

fluctuations chaotiques de la bourse. Enfin, si cela reste un progrès pour les marchés

financiers, il faudrait que cela en soit un pour l’humanité, la notion de progression est

également toute relative.

La théorie fractale par le gain d’efficacité qu’elle permet semble devoir

inévitablement révolutionner le monde mathématique, voire la science dans son entièreté.

Cependant, l’évidente complexité du concept ainsi que l’enracinement centenaire de la

géométrie euclidienne n’a pas encore permis aux théories de Benoit Mandelbrot de

Page 26: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

révolutionner directement la pratique mathématique, ou du moins, pas à un niveau

praticable et atteignable par les non-spécialistes.

L’ensemble  de  Mandelbrot  Zn+1  =  Zn2  +  C  

Dimension  fractale  du  chou    romanesco  

 

Page 27: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

CONCLUSION

Comment concilier dans les révolutions scientifiques, la dimension cyclique de la

révolution avec la conception cumulative du progrès scientifique ?

La réponse apparaît désormais comme évidente. Ce qui posait problème, dans ma

conception des choses en tout cas, et donc toute subjective, est la dimension linéaire du

progrès. En tant que singularité proliférant sur l’Absolu, je n’ai guère de certitudes

concernant une éventuelle vérité objective, fondant les règles d’un réel stable et structuré

par des règles universelles. Bien plus qu’une approximation toujours plus précise de la

vérité, les sciences semblent progresser grâce aux révolutions scientifiques, progressant

par révolution cyclique, répétant inlassablement le même schéma d’effondrement et

d’affirmation d’un nouveau paradigme. Bien qu’il soit difficile d’expliciter avec précision

les causes des révolutions scientifiques, celles-ci semblent être le principal facteur de

progression pour l’Homme, non dans la compréhension d’un monde extérieur, mais dans

une perspective ontologique de connaissance de Soi et de l’Homme. L’étude de

différents exemples permet de déceler des constantes à chaque révolution, mais

également une part toujours non-déterminée, que ce soit dans l’étendue de la propagation

de la découverte, dans l’impossible acceptation du nouveau paradigme par une part de la

société ou par une complexité trop élevée du sujet, les révolutions scientifiques, bien que

cycliques, n’ont rien de monotone ou de redondant et constituent pour cela un objet

d’étude majeur pour tout épistémologue, même complètement débutant.

  Mentionnons rapidement au passage l’affaiblissement du paradigme socio-

économique actuel, dont l’accumulation des faiblesses tend à montrer l’imminence d’une

révolution à venir (pas nécessairement au sens belliqueux du terme).

Enfin, on peut remarquer deux échelles différentes concernant le concept de

paradigme : le paradigme au sens collectif s’affirme comme l’ensemble de normes posées

afin de permettre une progression commune des scientifiques. Cependant, notre vie à

chacun est également construit sur des paradigmes : le paradigme du langage, celui du

temps, de l’espace et de la causalité.

Page 28: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

§)

Au tréfonds sans fonds

Là où les âmes se défonds

Fonds-toi sans façons

) - °

Affres du néant

S’y prélasser sans décrets

Et tout dé/construire

 

Je cherche de la pensée

pour me panser la panse de pansements paradigmatiques.

Page 29: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Sitographie

- http://lettres.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/coin_eleve/etymon/hist/revol2.htm

- http://www.toupie.org/Dictionnaire/Revolution.htm

- http://www.universalis.fr/encyclopedie/revolution/

- http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Structure_des_r%C3%A9volutions_scientifique

s

- http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_copernicienne

- http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ocentrisme

- http://bible.evangiles.free.fr/genese%201.html

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Gen%C3%A8se

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9ationnisme#Livre_de_la_Gen.C3.A8se

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Sigmund_Freud#Dissensions

- http://utopiktulkas.free.fr/wikitl/cours/F24.pdf

Page 30: Qu'est-ce qu'une révolution scientifique

Bibliographie  et  documents  PDF

- DURAND Antonin, “Histoire : rythme, cycles, périodes”, La structure des

révolutions scientifiques un demi-siècle après : regards sur la révolution kuhnienne. Journée

transversale de l’Ecole pratiques des Hautes études 27 mai 2011

- KREMER-MARIETTI Angèle, Le paradigme scientifique : cadres théoriques, perception,

mutation. Université de Picardie, Amiens. Groupe d’Etudes et de Recherches

Épistémologiques, Paris.

- KUHN Thomas S., La structure des révolutions scientifiques, Champs Flammarion

1962.

Reportages  

 

- Reportage ARTE, « Science et philosophie », Les révolutions scientifiques, réalisation

Philippe Thomine. Laboratoire de philosophie et d’histoire des sciences.