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Questions de criminologie...introduction w 5 questions de criminologie Les Presses de l’Université de Montréal Sous la direction de Jean Poupart, Denis Lafortune et Samuel Tanner

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Les mesures de contrôle des armes à feu sont-elles utiles ? Le trai-

tement des délinquants sexuels est-il efficace ? Qu’est-ce qui fait

voir dans l’immigration une menace pour la sécurité nationale ?

Les victimes d’actes criminels ont-elles toutes les mêmes droits ? Les

opérations de « police sans frontières » sont-elles viables ? Peut-on

prédire la récidive ? Et que faut-il penser de la violence au hockey ?

Voilà quelques-unes des questions qu’abordent les professeurs de

l’École de criminologie de l’Université de Montréal, qui célèbre son

50e anniversaire. On le voit à cet échantillon sommaire : la crimi-

nologie est une discipline variée dans ses pratiques comme dans ses

objets. Traversée par des interrogations qui touchent à des choix de

société fondamentaux, sa réalité québécoise est particulièrement

dynamique. Étudiants, chercheurs et praticiens trouveront dans cet

ouvrage le portrait en mouvement d’une profession d’avenir.

Avec les contributions de :

Questions de criminologie

paramètres

34,95 $ • 32 eCouverture : © Yves Médam, Parc-Extension (détail)

www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal

Sous la direction de

Jean Poupart, Denis Lafortune et Samuel Tanner

Questions de criminologie

isbn 978-2-7606-2227-2

Que

stio

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e cr

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olog

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PUM

André Archambault Laura AubertFrançois BérardGuy BerlinguetteÉtienne Blais Serge Brochu Jean-Paul BrodeurDianne CasoniFranca Cortoni

Louis-Georges CournoyerMarie-Marthe CousineauJean-Pierre GuayStéphane GuayMylène JaccoudEstibaliz JimenezDenis LafortuneMario Leclerc Stéphane Leman-Langlois

Jennifer LetarteNicholas Longpré Massimiliano MuloneMarc Ouimet Geneviève ParentJean PoupartSamuel TannerThierry WebankJo-Anne Wemmers

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questions de criminologie

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questions de criminologie

Les Presses de l’Université de Montréal

Sous la direction de

Jean Poupart, Denis Lafortune et Samuel Tanner

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Dépôt légal : 3e trimestre 2010Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Les Presses de l’Université de Montréal, 2010

Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

imprimé au canada en septembre 2010

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre : Questions de criminologie Comprend des réf. bibliogr. ISBN 978-2-7606-2227-2 1. Criminologie. 2. Violence. 3. Criminologie - Pratique. 4. Criminalité. 5. Criminologie - Québec (Province). I. Lafortune, Denis, 1959- . II. Poupart, Jean, 1944- . III. Tanner, Samuel, 1975- .HV6026.F7Q47 2010 364 C2010-941626-0

ISBN (version imprimée) 978-2-7606-2227-2ISBN (version numérique pdf) 978-2-7606-2681-2

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À notre collègue Jean-Paul Brodeur.

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Présentation

Au moment où elle s’installe à l’Université de Montréal, en 1960, la cri-minologie est relativement peu développée dans le monde universitaire. Elle existe surtout comme spécialité au sein d’autres disciplines comme le droit, la sociologie et la psychologie. C’est d’ailleurs toujours le cas dans de nombreux pays. Grâce à l’initiative de son premier directeur, Denis Szabo, et au travail des premières générations de professeurs, mais égale-ment en raison de conditions favorables telles que l’expansion de la demande universitaire, la croissance des sciences sociales, le développe-ment des appareils de l’État et la professionnalisation du champ socio-pénal, la criminologie présente au Québec, dès les années 1970, tous les signes d’une discipline universitaire établie.

Entre autres jalons, on peut mentionner l’instauration d’un programme de maîtrise en 1960 (au sein du Département de sociologie), la mise sur pied d’un département autonome en 1962, la création d’un programme de doctorat en 1965 puis d’un baccalauréat en 1967, la fondation d’une revue scientifique en 1968 (Acta Criminologica qui deviendrait Crimino-logie), l’ouverture du Centre international de criminologie comparée en 1969 et d’une association professionnelle (Association professionnelle des criminologues du Québec), la même année. S’ajoutent à cela la croissance rapide du nombre d’étudiants et de professeurs, l’expansion de la recherche, l’ouverture de nombreux débouchés pour les diplômés, et l’acquisition d’une visibilité sociale du corps professoral dans les médias, les commissions d’enquête et les milieux universitaires internationaux.

En 1972, le Département de criminologie se transforme en école pro-fessionnelle, consacrant ainsi sa mission de former des intervenants et donnant lieu à l’émergence d’une nouvelle catégorie de professionnels :

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les criminologues. Au moment où paraît cet ouvrage, ceux-ci sont d’ailleurs sur le point d’être reconnus en tant que membres d’un ordre professionnel. Avec l’ajout récent d’un baccalauréat en sécurité et études policières, le nombre de diplômés issus de l’École de criminologie avoisine aujourd’hui les cinq mille. Si plusieurs diplômés travaillent dans la recherche et l’enseignement, la majorité d’entre eux sont des professionnels de l’intervention. Pour traduire au mieux cette réalité, nous avons décidé d’inclure dans ces pages des entretiens réalisés auprès de chargés de cours qui sont également des praticiens.

Depuis sa création, l’École de criminologie a dû relever de nombreux défis. Comment concilier recherche, enseignement et formation profes-sionnelle ? Dans la mesure où la criminologie se définit comme interdis-ciplinaire, comment intégrer les apports des différentes disciplines que sont la sociologie, la psychologie, le droit, la philosophie et l’histoire, pour n’en nommer que quelques-unes ? Comment conjuguer les différents courants théoriques et idéologiques, les criminologues n’ayant pas tous, par exemple, la même conception du crime, de l’intervention ou du sys-tème pénal ? Comment penser et actualiser une pratique professionnelle qui à la fois se démarque et complète celle des autres spécialistes de l’in-tervention ? Sans prétendre résoudre ces grandes questions, ce livre les aborde toutes. Il est structuré autour de trois grandes thématiques qui ont été et sont toujours au cœur de la criminologie :

1. Comment comprendre et expliquer les expériences et les trajectoires des personnes impliquées dans ce qui est socialement considéré comme de la déviance, de la marginalité, de la délinquance ou de la criminalité ?

2. De quelle façon les criminologues interviennent-ils dans les différents milieux où ils sont appelés à agir, et quels sont les enjeux entourant leur pratique professionnelle ? Quelques exemples de contextes d’intervention : milieu communautaire ou psychiatrique, centres jeunesse, tribunaux, probation, institutions carcérales, maisons de transition, organismes d’aide aux victimes.

3. Comment opèrent les différents modes de régulation sociale ? Sont abordés l’établissement des normes sociales, la criminalisation ou non de certains comportements sociaux, le fonctionnement les institutions de contrôle social (comme la sécurité privée, la police, les tribunaux et les institutions carcérales), les formes alternatives d’intervention (comme la justice réparatrice).

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pr ésen tation w 11

En terminant, nous désirons remercier nos collègues pour l’enthou-siasme dont ils ont fait preuve dans la réalisation de ce projet, l’École de criminologie et la Faculté des arts et des sciences pour leur soutien finan-cier ainsi que les Presses de l’Université de Montréal pour leur intense collaboration. Nous exprimons également notre reconnaissance à nos collègues du Département de science politique, qui ont inspiré l’idée de cet ouvrage anniversaire.

Jean Poupart, Denis Lafortune et Samuel Tanner

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P R E M I È R E P A R T I E

un regard différent sur la « déviance »

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1Drogues et crimes : l’œuf ou la poule ?

Serge Brochu

Ce chapitre examine les différentes relations possibles entre drogues illicites et crimes. Les liens causaux traditionnels selon lesquels les drogues mènent aux crimes sont abordés. Toute fois, une place est aussi accordée à une discussion sur l’absence possible de liens directs. Dans cette perspective, la consom-mation de drogues pourrait être considérée comme un capital déviant inscrit dans un style de vie que le contrevenant acquiert graduellement selon la trajectoire qu’il emprunte.

Moins de 15 % de la population canadienne avait consommé une drogue dans les 12 mois précédant la dernière enquête nationale menée sur le sujet, le plus souvent du cannabis (Adlaf, Begin et Sawska, 2005). La situation des personnes judiciarisées est tout à fait différente. En effet, c’est plus de la moitié (certaines études indiquent 80 %) d’entre elles qui rapportent une expérience de consommation de drogue illicite (Brochu, Beauregard et Ally, 2009). De plus, les contrevenants ne se limitent généralement pas à l’usage de cannabis, mais vont fréquemment intégrer la cocaïne au menu de leur consommation. Comme l’usage de drogues de nombreux détenus se fait sur une base régulière, nul ne sera surpris d’apprendre que plus du tiers de ces derniers affirment avoir consommé une substance psychoactive illicite dans la journée où ils ont commis le crime pour lequel ils ont été

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incarcérés. Le tiers d’entre eux affirment encore que cette consommation les aurait rendus plus agressifs (Pernanen et al., 2002). Enfin, notons qu’entre le tiers et la moitié des détenus auraient développé une dépendance à une substance psychoactive illicite au cours de leur vie (Brochu, 2006).

L’usage de drogues illicites est un comportement qui prévaut davantage chez les jeunes. Ainsi, parmi les élèves fréquentant le système scolaire, un adolescent sur trois affirme avoir consommé une drogue illicite sur une période de 12 mois (Dubé et Fournier, 2007). Il s’agit généralement du cannabis, et ce, de manière plutôt expérimentale. Encore ici, la situation des jeunes contrevenants est tout à fait différente alors que près de 90 % d’entre eux révèlent un usage de cannabis, près des deux tiers un usage d’hallucinogènes et plus du tiers un usage d’amphétamines (Brochu et al., 2007). Fait important, pour les trois quarts de ces jeunes utilisateurs, l’usage de cannabis est quotidien. Nous retrouvons une situation similaire pour un peu plus du quart des usagers d’hallucinogènes et pour un consommateur d’amphétamines sur cinq.

L’analyse comparative des âges d’initiation à la délinquance et à l’usage de substances psychoactives illicites indique que les jeunes contrevenants s’initient le plus souvent à la petite criminalité avant même d’expérimenter leur première consommation de drogues et certainement bien avant d’avoir développé un problème d’addiction (Brochu, 2006). En effet, alors que leurs premières activités délinquantes se manifesteraient vers l’âge de 10 ans, ce n’est généralement que deux années plus tard que se fait l’initiation à une drogue illicite. Toutefois, il faut être bien conscient que l’âge moyen d’initiation varie selon les époques, les cultures et l’accessi-bilité des drogues. Ce type d’analyse ne peut en aucun cas nous fournir des éléments de conclusion sur les possibles liens causaux entre ces deux comportements. D’ailleurs, un portrait plus nuancé se dessine à certains égards lorsqu’on examine de plus près la criminalité des jeunes usagers de drogues ou des personnes ayant développé un problème d’addiction à une drogue illicite.

D’entrée de jeu, mentionnons que la grande majorité des jeunes usagers de cannabis ne s’impliqueront jamais dans la criminalité, si ce n’est en commettant l’acte illégal que constitue la possession d’un joint. Toutefois, plusieurs études établissent un rapport entre la précocité de l’usage de drogues illicites ou l’importance de la consommation de substances psy-choactives illicites et la manifestation de conduites délinquantes. En effet,

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ces deux facteurs augmenteraient la probabilité qu’un adolescent mani-feste des comportements délinquants (Brochu, 2006).

Dans ce chapitre, nous nous questionnons à savoir si certaines drogues ont des propriétés criminogènes. Nous abordons la question des liens entre les drogues et les crimes. Enfin, nous proposons une vision selon laquelle ces liens s’établissent au fil d’une trajectoire de vie dans laquelle se construit un capital délinquant de mieux en mieux constitué qui donne naissance à un style de vie déviant dans lequel drogues et crimes font bon ménage.

des drogues aux « propriétés criminogènes » ?

Aucune drogue n’a en soi de propriétés criminogènes. Toutefois, certaines propriétés d’une drogue peuvent parfois faciliter le passage à l’acte. Il en est ainsi des stimulants (cocaïne, amphétamines, etc.), qui peuvent permettre de trouver le courage nécessaire à la commission d’un délit, ou du cannabis, qui peut calmer une nervosité un peu trop importante à l’approche de la scène du crime envisagé. Parfois, les propriétés du produit consommé agissent à l’insu de l’usager en provoquant de l’irritation face aux stimuli de son environnement, en favorisant la déshinhibition, en mobilisant des pensées paranoïdes, voire en provoquant une décompensation psychotique. Toutefois, ces effets non désirés n’apparaissent que très rarement.

En fait, un passage à l’acte lié à l’intoxication à une substance psychoac-tive doit être compris comme une interaction dynamique entre une per-sonne, un contexte et une drogue. En effet, certaines personnes ne manifesteront jamais de comportements délinquants sous l’effet d’une drogue alors que d’autres pourront devenir agressives. La personnalité du consommateur et ses problèmes de santé mentale jouent un rôle détermi-nant dans le passage à l’acte. Par ailleurs, certains contextes s’y prêtent mieux que d’autres. Le contexte peut comprendre l’endroit où se déroule la consommation, mais est également constitué des personnes de l’entou-rage. Il a fréquemment été observé que les pairs, les copains ou les collègues jouent un rôle très important dans les comportements de consommation, tant au niveau de la quantité consommée que pour les actes qui y sont associés. Ainsi, certains groupes vont favoriser certains types de passage à l’acte. C’est à l’adolescence que le groupe de pairs exerce sa plus grande influence par les défis qu’ils lancent et l’apprentissage vicariant dont ils

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sont la source. Toutefois, on remarque également l’importance du contexte chez les adultes, et ce, particulièrement chez les jeunes hommes.

Plusieurs substances psychoactives partagent une propriété associée parfois à la délinquance : le potentiel d’addiction. Pour une personne qui se limite à une consommation ludique occasionnelle, les investissements financiers sont modestes. Toutefois, certaines personnes n’arrivent plus à contrôler leur usage de drogues et s’endettent. La criminalité ne constitue habituellement pas le premier moyen envisagé par une personne pour satisfaire ses besoins en drogues. Un emploi régulier ou du travail au noir sont des sources de revenus bien plus fréquentes chez ceux qui ne sont pas en rupture sociale. Pour les autres, la réduction des dépenses, le sou-tien public et l’implication dans des activités périphériques à la vente de drogues constitueront autant de sentiers exploités que cela s’avère néces-saire pour soutenir sa dépendance. Lorsque ces sources ne suffisent plus, les personnes qui se trouvent dans le milieu de la drogue pourront pro-poser des moyens « efficaces » pour rembourser les dettes accumulées. La criminalité peut apparaître chez ceux qui n’abandonnent pas leur circuit addictif. Il s’agit généralement d’une criminalité lucrative qui ne place pas l’infracteur en présence d’une victime non consentante (Brochu, 2006). La revente de drogues ou les petits vols initient souvent la trajectoire délinquante des personnes dépendantes. Ces activités sont à la portée du consommateur et lui permettent, en quelque sorte, de respecter son mode de vie. D’autres usagers progresseront à l’intérieur des réseaux criminels, mais ce ne sera qu’une minorité puisque la personne dépendante n’est pas reconnue pour sa fiabilité dans les milieux interlopes et peut être facile-ment repérée par les forces policières. Ainsi, il est inhabituel de retrouver des personnes dépendantes parmi les trafiquants de haut calibre.

Un certain nombre de facteurs peuvent entraver ou retarder le passage vers la délinquance : les revenus disponibles, le prix du ou des produits consommés, le niveau de dépendance, l’aide de l’entourage ou de la com-munauté, les mesures d’aide sociale et les valeurs de l’usager.

un lien contrefait ?

Si les drogues n’ont pas en soi de propriétés criminogènes et si la dépen-dance ne comporte qu’un lien indirect avec la criminalité, ne sommes-nous pas en présence d’un lien contrefait ? En fait, certaines études laissent

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croire que les liens qui unissent drogues et crimes tiennent davantage de la corrélation que de liens causaux. Parmi les tenants des modèles corré-lationnels, certains croient que ces deux comportements auraient des origines totalement indépendantes (modèle de compréhension ne faisant pas appel à des causes communes) alors que les autres tentent d’identifier un ensemble de facteurs responsables à la fois de l’abus de drogues et des passages à l’acte délinquants (modèle de compréhension faisant appel à des causes communes).

Pour les tenants du modèle corrélationnel sans cause commune, l’abus de substances psychoactives et le passage à l’acte délinquants ne seraient liés entre eux que par la coïncidence de leur apparition pendant la période tumultueuse de l’adolescence. En effet, ce stade de vie est caractérisé par l’expérimentation d’une diversité d’activités nouvelles et parfois contesta-taires. Toutefois, peu de jeunes expérimentateurs de drogues ou essayeurs de petits comportements criminels à l’adolescence poursuivront un par-cours déviant. L’argument le plus souvent invoqué pour soutenir la thèse d’un lien corrélationnel sans cause commune consiste à mentionner que les deux comportements ne suivent pas un itinéraire de développement identique. Ainsi, le processus de mûrissement semble plus long chez les usagers de drogues que chez les jeunes contrevenants puisqu’il n’est atteint que vers la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte plutôt qu’au milieu de l’adolescence. Les jeunes délaisseraient donc les activités délinquantes bien avant de mettre fin à leur consommation de drogues illicites.

D’autres vont plutôt tenter d’identifier des facteurs qui pourraient constituer des causes extérieures à ces deux comportements. Ainsi, dro-gues et crimes ne seraient pas directement liés l’un à l’autre, mais seraient causés par un troisième ensemble de facteurs. On le nomme facteurs de risque. La grande majorité de ceux-ci ne sont pas propres à l’abus de drogues ou à la criminalité, mais constitueraient plutôt des éléments de fertilisation du développement de comportements déviants. Ces facteurs peuvent être regroupés en quatre catégories : les facteurs biologiques (comme l’hérédité ou l’exposition du fœtus à des éléments tératogènes), les facteurs psychologiques (recherche de sensations fortes, faible estime de soi, impulsivité mal contrôlée, rébellion, antisocialité), les facteurs contextuels (famille dysfonctionnelle, école mal adaptée aux besoins de l’élève, groupes de pairs déviants) et les facteurs sociaux (mauvaise inté-gration scolaire, chômage, pauvreté). Ces facteurs de risque expliqueraient

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pourquoi certaines personnes, lorsque intoxiquées, ont plus tendance à présenter un passage à l’acte délinquant. Ils expliqueraient également les raisons pour lesquelles certaines personnes dépendantes d’une drogue trouvent dans la criminalité une façon de soutenir leur dépendance. En somme, ils expliqueraient l’adoption d’un style de vie déviant.

trajectoire de vie et capital déviant

On ne naît pas toxicomane ou contrevenant. Il s’agit plutôt de l’aboutis-sement d’un cheminement à travers les épreuves de l’existence, d’une trajectoire de vie. Chacun est le maître d’œuvre de sa trajectoire. Ainsi, chaque personne effectue constamment des choix plus ou moins conscients et éclairés qui affectent son devenir. Ces choix s’imbriquent alors dans un ensemble alambiqué fait de dispositions et d’aptitudes, de valeurs et d’in-terprétations, d’antécédents et de décisions antérieures, de volonté et d’objectifs ainsi que d’habitudes et de quotidien. La trajectoire empruntée par plusieurs usagers réguliers de substances psychoactives est donc le résultat de l’interaction entre les contingences individuelles, contextuelles et temporelles ; des facteurs de risque pourrait-on dire. Elle s’ouvre sur un système de vie alternatif, une position de défi devant l’interdit, une valorisation de la marginalité, un milieu d’identification déviant, tout en permettant l’accession à des formes de satisfaction et de sensation sou-haitées. Au fil de cette trajectoire se tisse un ensemble de liens complexes qui s’influencent mutuellement. Des conduites ouvrent la voie à des pos-sibilités ou des occasions autrement murées. Des portes s’ouvrent, d’autres se referment et continuent ainsi d’influencer la trajectoire.

Un capital déviant se développe alors graduellement par de nouveaux apprentissages et surtout par la formation d’un réseau marginal. Ce capital constitue un ensemble de ressources sur lequel l’usager de drogues peut compter. Un contact procurera de la marchandise volée à bas prix. L’« ami d’un ami » fournira la possibilité de faire de l’argent rapidement en par-ticipant à un vol. Une « bonne réputation » dans le milieu fera en sorte que les drogues se transigeront à des prix inférieurs, souvent pour un produit de meilleure qualité. Le capital déviant se mesure donc par l’étendue des contacts marginaux et constitue, pour le consommateur, un avantage certain puisqu’il crée plusieurs opportunités. En somme, le capital déviant permet de saisir les bonnes occasions qui se présentent.

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20 Unecriminologieau-delàdenosfrontières? 219 MarioLeclerc,JenniferLetarte

21 Lesopérationsinternationalesdepaix: 229 versune«policesansfrontières»? SamuelTanner

22 Violenceauhockey:unerègledujeu? 241 JeanPoupart

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tement des délinquants sexuels est-il efficace ? Qu’est-ce qui fait

voir dans l’immigration une menace pour la sécurité nationale ?

Les victimes d’actes criminels ont-elles toutes les mêmes droits ? Les

opérations de « police sans frontières » sont-elles viables ? Peut-on

prédire la récidive ? Et que faut-il penser de la violence au hockey ?

Voilà quelques-unes des questions qu’abordent les professeurs de

l’École de criminologie de l’Université de Montréal, qui célèbre son

50e anniversaire. On le voit à cet échantillon sommaire : la crimi-

nologie est une discipline variée dans ses pratiques comme dans ses

objets. Traversée par des interrogations qui touchent à des choix de

société fondamentaux, sa réalité québécoise est particulièrement

dynamique. Étudiants, chercheurs et praticiens trouveront dans cet

ouvrage le portrait en mouvement d’une profession d’avenir.

Avec les contributions de :

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Sous la direction de

Jean Poupart, Denis Lafortune et Samuel Tanner

Questions de criminologie

isbn 978-2-7606-2227-2

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André Archambault Laura AubertFrançois BérardGuy BerlinguetteÉtienne Blais Serge Brochu Jean-Paul BrodeurDianne CasoniFranca Cortoni

Louis-Georges CournoyerMarie-Marthe CousineauJean-Pierre GuayStéphane GuayMylène JaccoudEstibaliz JimenezDenis LafortuneMario Leclerc Stéphane Leman-Langlois

Jennifer LetarteNicholas Longpré Massimiliano MuloneMarc Ouimet Geneviève ParentJean PoupartSamuel TannerThierry WebankJo-Anne Wemmers

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