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Décembre 1999 numéro 16 Cégep du Vieux Montréal CANIF CANIF À QUI VEUT L’ENTENDRE

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Décembre 1999

n u m é r o 16

C é g e p d u V i e u x M o n t r é a l

C A N I F C A N I F

À QUI VEUT L’ENTENDRE

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Je me mis à faire les cent pas dans la cuisine m’arrêtant de temps entemps pour aller lire quelques-unes des feuilles qui jonchaient le parquetdans la chambre. Je n’essayais pas vraiment de réfléchir. Je sentais que lesmots «cœur double» éveillaient en moi une émotion un peu trouble, alors ilvalait mieux attendre. Parfois les mots font leur chemin tout seuls: il faut leslaisser faire, leur donner le temps. Quelques images tout à coup arrivèrentà la surface.

Jacques Poulin, Le Vieux Chagrin

Les textes de ce seizième numéro de CŒURDOUBLE ont été écrits par des étudiants ducours «Communication médiatique».

Professeure: Déane Carrier

Illustration de la couverture: François CailléIllustrations des chapitres: Dominique Nadeau

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À la recherche de la passion

Cette année, j’ai eu l’idée de faire plonger mes élèves tête premièredans le monde des communications. Je leur ai demandé de réaliser uneentrevue qui leur permettrait ensuite de tracer le portrait de quelqu’un quis’était illustré dans un domaine particulier.

Pour des élèves de première session, le défi était de taille. D’abord,il fallait choisir la bonne personne à interviewer, ensuite trouver les bonnesquestions, celles qui invitent à se révéler. Enfin, à partir de l’entrevue, ilfallait faire des choix, souvent douloureux, et décider de mettre de côtéune partie du matériel recueilli.

Les travaux des élèves m’ont permis de constater qu’ils se sontgrandement investis dans ce projet. Pour en témoigner, voici des extraitsd’entrevues ainsi que quelques portraits où vous verrez miroiter le refletde leur passion.

Déane Carrier

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PORTRAITS

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Valérie Caron

Patrick Lamothe: la passion d’abord!La danse ne ment pas.

Quand quelqu’un bouge, tu vois toutes ses couleurs.

Si vous n’avez jamais rencontré quelqu’un qui mord passionnémentdans la vie, c’est que vous ne connaissez pas encore Patrick Lamothe. À 28ans, il fait de la danse moderne depuis dix ans et il est maintenant danseurprofessionnel depuis cinq ans. Lorsqu’il danse, on dirait qu’il a des ailes...À voir son sourire lorsqu’il répond à mes questions, je sais très bien que ladanse est sa vie.

C’est un peu grâce à l’école que Patrick en est rendu là. En effet,c’est au cégep qu’il découvre la danse et décide de continuer dans ce domaine.Mais pourquoi la danse moderne en particulier? «J’ai aussi fait du balletclassique et du jazz au cégep, mais je n’aimais pas vraiment ça. C’est dansla danse moderne que je ne me suis senti le moins restreint.»

Selon lui, la danse moderne signifie la liberté, le naturel, l’imaginaire.En étant chorégraphe, il veut créer, mais aussi faire partager sa passion,notamment aux jeunes. Chaque été depuis huit ans, il anime des ateliers dedanse moderne au parc Lafontaine avec des jeunes de six à douze ans. «Jepense que les jeunes ont beaucoup de plaisir à danser. Ce qui est bien avec ladanse moderne, c’est que les jeunes semblent être plus spontanés, contrai-rement au ballet classique. Ils ont moins peur de se tromper.» Patrick estaussi chorégraphe pour la troupe Exit 505 du cégep du Vieux Montréal. Il ycrée des chorégraphies explosives: «La force que nous avons à l’intérieur n’apresque aucune limite. J’aime faire des choses rough qui défoulent.» Eneffet, la chorégraphie de cette année promet!

Ce n’est pas seulement le fait de danser et de faire des chorégraphiesqui plaît à Patrick, mais aussi l’aspect social de la danse. «J’aime faire desrencontres humaines, c’est magique ces moments-là.» Il me dit aussi que la

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danse le rend libre et heureux. Ce n’est vraiment pas son genre de faire du«neuf à cinq» enfermé dans un petit bureau cinq jours par semaine. Lesroutines inexistantes, c’est sa définition de la liberté. «La danse me permetde vivre ce que je veux vivre.» Je n’ai pas de difficulté à le croire.

Chaque année, le Conseil des arts du Canada (CAC) offre une boursepour un projet à saveur artistique. En 1998, Patrick a présenté un projet etc’est lui qui a obtenu la bourse. Je n’ai même pas besoin de lui demander cequ’il en pense: ses yeux illuminés parlent pour lui. Félicitations!

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Valérie Lafrance

Éloge à un esprit oxygéné

Dans la petitesse de son gîte, au cœur de la ville, le chant de sonoiseau se conjugue à la quiétude. Le mur ravagé par ses mains laisse place àl’espace, au vide, mais surtout, à la clarté du jour qui transcende l’appartementilluminant tout obstacle. Dans cet environnement, Mady prend plaisir àrépondre aux questions de l’inquisiteur.

D’abord, mentionnons que la prononciation de la consonne «r» n’estpas sans difficultés pour l’enfant: la jeune Marie se simplifie la tâche en sesurnommant Mady. Depuis, Mady est la signature de nombreux tableaux.

Née à Bonaventure, en Gaspésie, cette femme y dévoile pour lapremière fois, en 1985, son talent aux ravissements des curieux, exposantses œuvres. Malgré un parcours sinueux, elle ne cesse de dessiner. Après unan d’études littéraires, elle quitte et termine une technique en graphisme,mais déçue, la met aussitôt au rancart. L’âme créatrice ne peut se résoudreaux contraintes de l’ordinateur, ainsi qu’à un avenir destiné à la conceptionde boîtes de conserves, ces petits contenants froids dénués de vie.

Or, si l’artiste s’exprime généralement sur papier au moyen du pastelsec, près de deux ans s’écoulent dans l’insatisfaction. Dorénavant, cettetechnique paraît désuète, ne traduisant plus les idées de Mady. L’année 1995marque l’évolution vers un autre médium. La peinture à l’huile sur toileélargit les possibilités, apaisant une quête de liberté.

Ainsi, en travaillant la translucidité et la transparence, ce qui semblaitinvisible se convertit en mouvement, trouble et émoi. Esclave délivré, l’êtrehumain abandonne son enveloppe, échappe aux barreaux, pour entrer encontact avec ses sentiments.

«J’essaie le plus possible de traduire directement l’émotion sur latoile», affirme-t-elle. De fait, elle s’inspire de la mort. «La mort, l’amour et

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la vie sont les trois thèmes qui reviennent le plus souvent dans le tableau.»Car selon elle, la vie signifie la mort, partie intégrante de l’homo sapienserectus.

Entre deux livraisons de sandwichs, son second emploi, la peintureet la campagne, l’étincelle d’un rêve brille. Émerveillée par la luminosité duciel de Grèce, l’interprète des dessous humains chérit le rêve d’y habiter.S’imaginant face à la mer, tournant le dos aux montagnes, le soleil de Grècelui paraît propice à la création. Une fièvre romanesque s’empare de sa parole,brûle sa langue pour célébrer ce pays.

Cependant, pourrait-on parler d’une passion? «Oui, c’est monoxygène», dit la peintre. Plus qu’une passion, l’art agit tel un poumon. Quandelle ne peint pas, rien ne va, la respiration se complique. L’art se fait langage,mode de vie, moyen de vivre dans une société, d’être bien dans sa peau.Remède contre les maux de la ville, le pinceau lui confère ses bienfaits.

Bref, grâce à la peinture, l’appartement plongé au centre du zoourbain, où la foule s’affole, préserve plénitude et béatitude. Semblables auxrayons de soleil d’outremer, les éclats qui parviennent à toucher la magnifiquemurale, accrochée dans la pièce centrale, seront bientôt tristes de la voirpartir pour l’Allemagne avec les quatre autres œuvres qui y seront exposées.

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Gabriel Allard

Un grand groupe

Vendredi 15 octobre8h48, salle du Granada, Sherbrooke

Je monte un étroit escalier de béton, suivant pas à pas RoxanneStock, responsable des promotions d’Indica, la compagnie de disques deGrimskunk. Elle me fait un signe de la main pour me dire de l’attendre à mi-chemin entre les deux étages: j’attends. Un autre signe m’indique que la voieest libre, je peux finalement pénétrer dans la loge de Joe Evil, claviériste-chanteur et d’Alain V de BC, batteur de la formation. J’entre, nous sympa-thisons, on m’offre une bière, j’actionne mon enregistreuse, et c’est parti...

Mais laissez-moi d’abord vous les situer.

Grimskunk est un des groupes alternatifs les plus respectés auQuébec. Parcourez la province en passant par la Gaspésie, l’Abitibi ou leLac St-Jean, vous trouverez toujours des fans assidus du quintette montréalais.Formé en 1988, le groupe des «putois» est surtout connu pour son style demusique inqualifiable. Même les critiques les plus chevronnés n’ont suapposer un terme au son de Grimskunk, qui semble tantôt punk, tantôt ska,tantôt moyen-oriental. Si bien que seul Franz Shuller, le guitariste-chanteurdu band, a réussi à étiqueter sa propre musique: le World punk. La formationest aussi reconnue pour ses textes crus et dénonciateurs, ne se gênant paspour pointer du doigt les policiers, le racisme et évidemment le gouvernement.

Revenons à mon entrevue.

Pour commencer, pourquoi Grimskunk? Eh bien c’est évidemmenten lien avec cette bonne vieille amie Marijuana. En effet, la drogue faisaitpartie intégrante de la vie des cinq jeunes hommes qui ont fondé Grimskunkà l’époque. Au début, leurs albums étaient souvent composés en collaboration

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avec Mari. «Les drogues sont des genres de catalyseurs. Ça réveille les senspis ça peut être très utile à la création», me révèle Alain en se réchauffant leschevilles. Il n’y pas que les joints qui les inspirent. Les nombreuses tournéesqui les ont amenés à voyager à travers les Amériques et le vieux continentont été très utiles à leur la créativité, notamment pour la chanson La vachequi a été composée dans le sud de la France.

Au départ, ils étaient six...

Au départ, il y avait Franz, le guitariste-chanteur spirituel; Joe, leclaviériste-chanteur endiablé; Peter, le guitariste talentueux; Boris, le sombrebassiste, mais il y avait aussi Simon Galipeau, leur gérant. «Dans le fond,c’était comme le sixième Grimskunk» me confie Alain. Malheureusementen 1997, il perdit la vie lors d’une de ses descentes du mont Royal. Équipéde son longboard, il dévalait la rue Côte-des-Neiges à des vitesses folles.Un jour, il calcula mal son temps d’arrivée à une intersection, une voiture lerenversa et, du même coup, le tua. «Ostie que c’était niaiseux son affaire!»,me dit Alain en terminant sa bière. Ce fut non seulement une immense pertepour le groupe qui a eu beaucoup de difficulté à s’en remettre mais aussipour la musique underground québécoise. En pleine mi-vingtaine, SimonGalipeau était un des plus jeunes et un des meilleurs gérants de l’île deMontréal. Il était aussi un gars intensément impliqué dans l’industrie musicaleindépendante.

Underground un jour, underground toujours!

La vie dans l’underground, les putois la connaissent. C’est dans ce milieuqu’ils ont évolué et c’est la relève de ce milieu qu’ils tentent d’assurer avecIndiqua, leur compagnie de disques. Je leur demande ce qu’ils pensent des

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radios commerciales. Réaction vive d’Alain: «C’est d’la SCRAPE de A àZ, ç’a tout le temps été de la scrape pis ça va rester de la scrape... une gangde corrompus, sti!». Autre réaction vive, cette fois-ci de la part de Joe:«C’est de la scrape pis entendre du Grimskunk entre deux tounes de scrapeeuh... non pas pantoute!». Un rire éclate dans la salle quand Joe et Alainnous lancent ces deux répliques. J’oserais dire qu’il s’agit d’un rire desoulagement. Les poules ont le temps de se faire des prothèses dentairesavant qu’on entende Dead and Violence ou Silverhead à CKOI.

Retour à l’escalier de béton

9h30. Il est l’heure pour Alain et Joe d’aller rejoindre leurs compèreset de monter sur la scène du Granada. Dans la petite salle, près de sept centpersonnes les attendent. Les gars de Grimskunk sont confiants, ils saventqui ils sont et d’où ils viennent. Alain a les chevilles bien réchauffées, Joeest bien concentré, c’est un autre grand show qui s’annonce: le grand showd’un grand groupe.

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Amélie Perreault

Rencontre avec un futur globe-trotter…

Le 27 décembre 1998, Charles Perreault, étudiant au cégep du VieuxMontréal en sciences humaines, partait pour un mois en stage, vers un endroitqui allait le marquer le restant de ses jours. C’est dans le cadre du profilOptimonde, qui vise à sensibiliser les étudiants sur la situation des pays duTiers-Monde, que Charles, et d’autres étudiants, s’apprêtaient à vivre uneexpérience incroyable: celle de séjourner un mois à Oaxaca, au Mexique,plus précisément à San Lorenzo, un petit village isolé du reste du monde.

Jeune homme cultivé, toujours un livre à la main, Charles ne selasse pas d’en apprendre davantage sur la situation culturelle et le mode devie des gens d’autres pays. Lorsque Charles a dit, au tout début de l’entrevue,«J’aime bien essayer de comprendre la situation de chaque pays et connaîtreassez bien son histoire pour être capable d’expliquer cette situation, qu’ellesoit politique, économique ou sociale», j’ai pu remarquer que se trouve enlui une insatiable curiosité. C’est avec les yeux pétillants et une gestuelleexprimant son attachement et sa passion pour San Lorenzo qu’il répondait àmes questions, moi qui, comme n’importe qui l’aurait fait, était totalementsuspendue à ses lèvres, le récit de son voyage étant tellement impressionnantà entendre.

Vivre dans de pareilles conditions pour nous, Nord-Américains, estdifficile à concevoir et pourtant, paraît-il que certaines personnes sontcapables d’y survivre et d’en garder un bon souvenir. «Bien sûr, tout le mondepeut faire ça, mais ce n’est pas tout le monde qui réagirait de la mêmemanière», a précisé Charles lorsque je lui ai demandé si ce genre de voyageétait possible pour toutes les catégories de gens. Il n’est pas étonnant queCharles, grand solitaire, ait adoré son expérience, même si certains momentslui ont semblé plus difficiles.

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Coucher sur du maïs avec les puces qui vous accompagnent duranttoute la nuit, manger des fèves au lard trois repas par jour, se laver dans unepetite rivière infestée d’êtres vivants jusqu’alors inconnus et communiqueravec des gens qui parlent «zapotèque» et un peu l’espagnol, c’est tout unchangement culturel! Charles, cependant, s’adapte plus facilement que biend’autres ne le feraient. La monotonie lui fait peur et c’est une des raisonspour lesquelles un changement, qu’il soit petit ou gros, ne lui cause aucunproblème. À le regarder et à l’entendre parler, on constate qu’un rien lui suffitpour mener une existence heureuse. Rien ne semble le déranger, surtout pasles idioties sur lesquelles s’acharnent la plupart des gens. Il remarque sanscesse que les gens s’en font beaucoup trop avec des choses qui, selon lui,sont totalement insignifiantes. On entend souvent dire que nous sommesancrés dans le cercle vicieux de la surconsommation... Paraît-il qu’il y a uneexception à toutes les règles! Bref, disons que l’importance que prend lecôté matériel dans la vie de Charles est assez maigre merci.

Lorsque je lui ai demandé s’il était prêt à retourner à Oaxaca, demainmatin, il m’a répondu «Oui! Sans aucune hésitation!». Cependant, au momentoù j’écris ces lignes, ce futur globe-trotter est bien loin d’ici. Il compte resterun an loin du Québec, afin de faire le tour des pays d’Europe et d’Asie, qu’ilvoit en images et dont il entend parler depuis des années. À bien y penser,c’est en rencontrant quelqu’un comme Charles que l’on se rend compte del’importance que l’on accorde à des choses peu importantes. En l’écoutantnous parler de son voyage au Mexique, nous réalisons à quel point noussommes, pour la plupart, bien plus choyés que nous le pensons. Bref, parleravec Charles, c’est remettre en question ses valeurs, sa façon de voir le monde.C’est prendre du recul pour s’analyser. C’est réfléchir.

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Anaïs Descarie-Daigneault

Jean Roy, au rythme de l’information

Dans les chics bureaux de la Presse canadienne, l’atmosphère estfrénétique. L’histoire des camionneurs, qui ont pris les routes en otage, batson plein. On entend le bruit des claviers d’ordinateurs, les sonneries destéléphones et les nouvelles télévisées sur les écrans de la salle de rédaction.Les journalistes courent ici et là, entre deux gorgées de café. Jean Roy, ledirecteur de l’information de cette grande agence de presse, reste maître dela situation. Il multiplie les réunions avec ses collègues et son horaire paraîtdrôlement chargé, mais il semble plutôt amusé par la situation. Pourtant, il abeaucoup à faire, car sans lui, les journalistes ne sauraient plus où donner dela tête.

Directeur de l’information depuis exactement quinze mois, JeanRoy joue un rôle essentiel à la Presse canadienne. En effet, il doit coordonnerla salle de rédaction. C’est donc lui qui décide de ce qui doit être couvert,qui assigne les journalistes aux nouvelles et qui édite les textes écrits. Il estresponsable d’une cinquantaine de photographes et de journalistes, éparpillésentre les bureaux de Montréal, de Québec et d’Ottawa. Jean Roy aime sonmétier: lorsqu’il en parle, on comprend facilement l’histoire d’amour quiexiste entre lui et le journalisme. Ce n’est pas un travail, mais une passion.

Tout jeune, il savait que l’information l’intéressait. Quelques annéesplus tard, il s’inscrit au programme Art et technologie des médias au cégepde Jonquière. Après cette technique, il décide de ne pas entrer directementsur le marché du travail, mais plutôt d’aller se spécialiser à l’université dansun domaine qui convient parfaitement à son profil: les sciences politiques.Âgé de 25 ans, il débute ensuite dans le milieu journalistique au bas del’échelle. Il s’installe à Thedford Mines pour travailler dans un petit hebdo-madaire régional. C’est là qu’il apprend réellement le métier. Ils n’étaientque deux journalistes pour construire le journal de A à Z. Cinq ans plus tard,

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il obtient un poste à La Tribune de Sherbrooke où sa polyvalence lui permetd’être à la fois journaliste généraliste et directeur de l’information. Son nomcommence à être reconnu et la Presse canadienne l’engage à titre dejournaliste politique et directeur de l’information. Trois ans plus tard, il seretrouve au Journal de Montréal, cette fois comme adjoint au directeur del’information. Aujourd’hui, il est de retour à la Presse canadienne.

Jean Roy admet que la pression est forte dans le milieu, surtoutavec un poste comme le sien. Comme il l’explique, les textes de l’agence depresse montréalaise peuvent parfois se retrouver au niveau international,puisqu’il y a une entente avec les agences Associated Press (américaine) etReuters (européenne). Les journalistes ne peuvent se permettre de manquerun seul événement; ils doivent être à l’affût de toutes les nouvelles, 24 heuressur 24. C’est grâce à leur travail si les journaux quotidiens ne sont jamaispris au dépourvu. S’ils ne peuvent couvrir un événement, ils utilisent lesarticles de la Presse canadienne. Comme l’explique Jean Roy: «Nous sommesun peu comme le gardien de but, nous devons toujours être là pour arrêter larondelle.» La pression est d’autant plus grande, puisque c’est lui qui décidede ce que les journalistes doivent couvrir. Rares sont les moments où il peutse détacher complètement de son métier. Le sourire en coin, il se rappelleune histoire qui illustre bien son train de vie. C’était un certain soir du 31décembre, vers deux heures du matin, lorsque la fête avait été légèrementperturbée: «Nous revenions d’un party pour fêter la fin de l’année et j’aireçu un appel d’urgence. Une avalanche avait enseveli une école dans leGrand Nord et il fallait couvrir cette nouvelle. Il fallait trouver l’avion pourse rendre sur les lieux, retracer les journalistes et les photographes qui fêtaientquelque part... Après vingt minutes et une vingtaine d’appels, nous étionsprêts. Aucun journal n’avait pu se déplacer, alors c’était vraiment notremandat de couvrir cet événement.» De l’action, il n’en manque pas dans le

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monde de l’information et c’est l’aspect de son travail que Jean Roy préfèrepar-dessus tout. Les histoires d’envergure et les imprévus sont toujours lesbienvenus puisqu’il s’agit là de stimulants hors pair.

Pour être bon dans le métier, Jean Roy explique qu’il faut avoir l’espritouvert, un bon jugement, être polyvalent et aimer le domaine de l’information.Pour lui, ce n’est pas un problème. Même après vingt ans dans les médias, ilest toujours passionné et il garde le feu sacré: «Le matin quand je me lève,je suis heureux d’aller travailler, je me considère encore en stage payé.» Sesprojets d’avenir? Il n’en sait rien, il vit au jour le jour, au même rythme quel’information, et il ajoute: «Les journalistes n’aiment pas connaître leur vie,ils aiment l’imprévu.»

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Philippe Archambault

La disquette pleine mais la batterie vide!

Pénélope McQuade est une femme très active. Elle est partout enmême temps. Elle est chroniqueuse culturelle à l’émission Salut Bonjour,anime l’émission Cyberclub et écrit pour deux revues. Elle est une de cespersonnes qu’on ne peut qu’adorer ou détester, elle est entière. Mais lorsqu’onla rencontre, on ne peut qu’aimer cette columnist, comme elle s’appelle elle-même.

Le cheminement de Pénélope McQuade n’est pas ordinaire. Filled’un chroniqueur culturel, elle fut plongée dans ce milieu dès sa jeuneenfance. Pourtant, elle ne désirait pas du tout faire ce métier. Plus jeune, elledésirait être photo-reporter de guerre. Peu conventionnel pour une Québécoise!C’est en Lettres et communication qu’elle entra au cégep. Elle étudia par lasuite à l’UQÀM, en communication. Bachelière, elle se vit offrir un postede chroniqueuse à Radio-Québec quelques jours après sa sortie des bancsd’école pour l’émission Service compris. Elle fut ensuite engagée par leréseau TVA pour être chroniqueuse à l’émission Bla Bla Bla. Parallèlement,elle anima l’émission de consommation automobile AutoMag Plus. Puis,elle remplaça un chroniqueur culturel à l’émission Bon Dimanche. Elle eutimmédiatement la piqûre du métier, même si elle s’était presque juré de nepas suivre les traces de son père. Puis, elle fit du remplacement à l’émissionSalut Bonjour, toujours en tant que chroniqueuse culturelle. Elle y estmaintenant depuis quatre ans, à plein temps.

Elle ne sera toutefois plus de l’équipe matinale de Salut Bonjour àpartir de l’an prochain. La fatigue aura eu raison de cette jeune femmepourtant dynamique. «C’est l’horaire. […] C’est très difficile du point devue social. J’ai l’impression de travailler tout le temps. […] Je devais quitteren juin dernier, mais le cordon ombilical était beaucoup trop dur à couperavec l’équipe.» Elle doit en effet se lever tous les matins vers quatre heures

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et elle ne se couche que très rarement avant minuit. Pour réussir à survivre,elle dort l’après-midi. Elle reçoit en général près d’une centaine de fax et delettres par jour pour des événements culturels à couvrir. En soirée, elle assisteà quelques-uns de ces événements et écrit immédiatement le texte qu’ellelivrera le jour suivant devant les caméras. «Je ne connais pas d’autrespersonnes qui travaillent comme ça. […] Avant, je rentrais à trois heures etdemie et j’écrivais mon texte, mais je me suis rendu compte que j’étaisbeaucoup plus productive le soir que je ne l’étais le matin.»

Malgré son air de fonceuse, Pénélope McQuade est timide. C’estjustement son métier qui lui a donné beaucoup de confiance en elle. Il lui aégalement permis de corriger sa maladresse. «Ça sortait tout mal et j’avaisl’air bête. Ce n’était pas ça du tout, c’était de la timidité.» Elle est maintenantune chroniqueuse culturelle admirée à qui personne ne pourrait refuser uneentrevue, excepté Garou. «Il veut crissement (sic) rien savoir de moi.» Lorsde sa première chronique sur Notre-Dame-de-Paris, elle aurait trop parlé deBruno Pelletier et pas assez de lui. Toutefois, ce métier lui aura donné lachance de rencontrer des personnalités simples et calmes qu’elle admire,comme Pierre Lebeau, le méchant des Boys et de Matroni et moi, SandrineBonnaire, du film Est-Ouest et particulièrement Gabriel Arcand, un grandcomédien québécois. Toutefois, elle déplore le fait que les critiques ne sontpas assez sévères au Québec. «La télévision […] doit plaire à la majorité dela population. […] Tout doit être aseptisé. On doit être incolore, insipide etinodore.»

Cette femme distraite à cause de sa disquette trop pleine, ou plutôtsa tête remplie, est toutefois fière d’elle et de l’endroit où elle est rendue.Elle ne sait pas ce qu’elle fera l’an prochain, mais l’animation l’intéresse. Etpuis, comme elle le dit si bien, «Tout est possible maintenant!»

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Ophélie Sylvestre

Cinéma d’instinct

Si une chose passionne Paul Tana, c’est bien le cinéma, même si,lors de son enfance en Italie, ce n’était pour lui qu’un divertissement. Àl’âge de onze ans, il immigre au Québec avec sa famille. L’apprentissage dela langue et l’intégration à la société québécoise ne sont pas simples et aisés.Il ne se sent ni Québécois, ni Italien. Il lui faudra attendre 1978, lorsqu’ilretourne en Italie pour rechercher ses origines et se découvrir enfin «uneâme de Québécois». Mais ce traumatisme fut pour lui le commencement deses réflexions sur les thèmes du déracinement et la recherche de l’identité.

Ce qui l’intéresse avant tout en tant que scénariste – réalisateur, c’estd’écrire pour le cinéma, où plusieurs sens sont interpellés, comme la vue etl’ouïe. Tandis que le roman n’est qu’un divertissement à ses yeux, avec sesfilms il tient à rejoindre les réalités des immigrants et immigrantes. Il n’ajamais cessé de s’intéresser à l’inépuisable débat que suscite toujours sonsujet de prédilection: l’immigration, «ou plutôt la part d’irrévocables et deconstantes transformations qu’entraîne l’immigration», comme le démontrentbien ses films, de Caffe Italia à La Déroute. C’est un thème qui l’obsède,car, pour lui, c’est une transplantation, un empiétement de deux cultures etune cohabitation de deux univers complètement différents l’un de l’autre.

Un bon exemple de cet empiétement de deux cultures est le longmétrage La Sarrasine, qui traite de Montréal au tournant du siècle lorsquec’était un lieu de passage pour une grande majorité d’immigrants. Parignorance des coutumes des uns et des autres, des tensions, qui pouvaientparfois aller jusqu’au meurtre, étaient provoquées. Ramirez (coscénariste)et Tana sont tombés par hasard sur ce fait divers qui a fait la manchette desjournaux au début du siècle, ce qui leur a inspiré l’histoire de La Sarrasine.Bien qu’il s’agisse d’un film d’époque, La Sarrasine reste un sujet encoretrès actuel, «car si le film parle du Montréal de 1904, c’est pour mieux

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s’adresser au Québec d’aujourd’hui, en abordant des thèmes comme lemétissage, les migrations, le déracinement et la tolérance.» Le tournage dece film ne fut pas facile: il fallait transformer Montréal en ville d’époque etPaul Tana voulait recréer le pittoresque des rues commerçantes d’autrefois.En plus, il tenait beaucoup à l’authenticité des dialogues: il a donc fait venirquelques acteurs d’Italie et a tourné en anglais, en français et en italien,préférant ajouter des sous-titres, ce qui était tout un défi! «Ce qui m’intéressaitvraiment, dans La Sarrasine, c’était de raconter à la fois les aspects positifset négatifs de l’immigration, car il s’agit toujours d’une double expérience:celle de la mort d’une chose et celle de la naissance d’une autre.»

Dans son film La Déroute, il nous ouvre une fois de plus les portes del’univers des Italo-Québécois. C’est l’histoire d’un homme qui vit un conflitde générations avec sa fille, qui est à cheval entre deux cultures, qui a peurd’être oublié et veut laisser sa trace. Ce n’est pas un film politically correct,car les regards que posent les immigrants sur les Québécois peuvent paraîtrecyniques et stricts. On n’est pas censé parler de ces choses-là «mais à nejamais dire les choses, on ne les dépasse jamais non plus» dit Paul Tana.

Monsieur Tana, qui est aussi professeur à l’université, est conscient dela difficulté que traverse le cinéma québécois, mais contrairement à plusieursautres collègues cinéastes, il n’a jamais accepté les offres de tournage pourle petit écran: «Pour donner le meilleur de moi-même, il faut que le scénariome passionne. Je suis peut-être un idéaliste…»

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EXTRAITS D’ENTREVUES

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Josée Déry

La plus sympathique des humoristes!

Lise Dion est probablement l’humoriste la plus aimée du Québec.Fière de suivre la trace de ses prédécesseurs, elle renouvelle pourtant l’humouren y ajoutant une petite touche bien à elle. Je me suis entretenue avec cettesympathique dame, qui s’est révélée beaucoup plus posée et réfléchie quel’on pourrait croire.

Lise, tu as une formation en théâtre, pourquoi as-tu choisi de devenirhumoriste au lieu d’être comédienne?

Parce que ça ne marchait pas du tout au théâtre! (Rires) Tu vois, j’ai fait unan au Conservatoire Lasalle pour adultes parce que j’étais trop vieille pourfaire l’École nationale de théâtre. C’est une école renommée, mais il fautavoir moins de 25 ans je crois pour y accéder, alors je suis allée auConservatoire. Je choisissais des textes très dramatiques, en me disant quej’apprendrais mieux, mais le problème, c’est que tout le monde riait quandje jouais! (Rires) Les profs m’ont dit que ça marcherait mieux pour moi enhumour. J’ai oublié ça pendant un bout, à peu près un an, puis j’ai commencéà aller aux Lundis Juste pour rire au Club Soda. J’en parlais aux autreshumoristes et ils m’ont dit que je devrais tenter ma chance. C’est à ce moment-là que je suis montée sur scène pour la première fois: j’ai eu la piqûre!

Y a-t-il eu des moments où tu étais totalement découragée face à cemétier, face à ton avenir?

Chaque année, il y a eu des moments où j’étais totalement découragée, oùje voulais tout laisser tomber. Je cherchais un emploi ailleurs, ça a été mapériode «carrières et professions» du journal La Presse! (Rires) Mais il yavait toujours un contrat à la dernière minute qui me faisait changer d’idée.Mon but, c’était d’être capable de nourrir mes enfants et ce n’est pas en faisant

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ma drôle que je pouvais payer mon loyer. Tu sais, j’ai travaillé au Dunkinjusqu’en 1993 pour m’assurer de bien prendre soin de mes enfants. Jecherchais un autre emploi parce que je ne voulais pas finir ma vie là!

As-tu déjà douté de ton talent?

Souvent! Très souvent! Une chance que mon entourage était là pour meremonter le moral. Surtout Daniel, mon conjoint, que j’ai connu en 1994. Ilm’a soutenue, il a toujours été là pour me «booster». Mado aussi. C’est mameilleure amie depuis 27 ans et elle n’a jamais cessé de m’encourager. Ilsm’ont aidée à corriger mes défauts et à m’améliorer.

Y a-t-il des gens du métier auxquels tu voues une admiration particulière?

Ah! oui, ça c’est sûr. Toute la première grande vague d’humoristes, commeClémence Desrochers, Yvon Deschamps, Daniel Lemire, Claude Meunier;ils sont tous des mentors du métier. J’espère pouvoir un jour atteindre lamême crédibilité qu’eux.

Contrairement à beaucoup d’humoristes, tu as débuté ta carrière asseztard, à 31 ans. Est-ce que tu crois que ton succès aurait été différent si tuavais été découverte plus jeune, disons à 20 ans?

Ah oui, ça c’est certain. Je crois que mon succès n’aurait pas été si gros.C’est mieux de prendre son temps, d’y aller tranquillement, pour être sûr desoi. Ça donne de meilleurs résultats. Ma carrière d’humoriste était déjà com-mencée depuis longtemps quand j’ai fait mon premier show, j’étais déjàassez connue des gens pour que ça marche. À 20 ans, ce n’est pas tout lemonde qui te connaît, ce n’est pas facile de monter un spectacle quand tu estotalement inconnue. Il vaut mieux s’assurer que tout soit parfait en prenantson temps que de se dépêcher et de tout rater.

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Maintenant que tu es quelqu’un de connu, aimerais-tu, un jour, jouerau petit et au grand écran dans des rôles non humoristiques?

Oui, ça serait amusant mais ça fait longtemps que je n’y rêve plus. Je vaisbientôt jouer dans un film, un court métrage, mais je n’espère pas faire carrièreau cinéma. J’avais déjà essayé, mais ça n’avait pas marché dans le temps; jene vois pas comment j’aurais tout d’un coup plus de talent qu’avant! (Rires)Tant mieux si ça marche pour ce petit film-là, mais moi, ce que j’aime, c’estfaire rire le monde.

Tu as été collaboratrice à plusieurs émissions de télé et de radio.Aimerais-tu avoir ton propre show dans un de ces médias?

Pas tout de suite. J’ai eu des offres que j’ai refusées. J’ai 44 ans et je veuxmonter d’autres spectacles avant de passer à autres choses. Quand tu es à latélé, tu ne peux pas te retirer au bout d’un an pour aller en tournée et revenirplus tard. Il faut que tu t’y investisses pour des années, et moi je veux conti-nuer à faire des spectacles. Je vais finir de présenter mon premier show enfévrier 2000 et après une pause, je vais commencer à écrire un deuxièmespectacle.

À part l’écriture de ce prochain spectacle, as-tu d’autres projets quit’attendent?

Eh! bien, les organisateurs des Oliviers m’ont demandé d’animer le gala pourune seconde fois et j’ai bien sûr accepté. Ça me fait énormément plaisir del’animer parce que c’est directement lié au métier que j’exerce. Je suis aussiporte-parole de la campagne antiviolence du Québec, qui m’amène partoutdans la province, et... (hésitations), me reposer, beaucoup, et souvent! (Rires)

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Philippe Kazinevich

Entrevue avec Charles St-Germain

Charles St-Germain est un jeune de 17 ans qui va dans une écolepublique comme n’importe quel jeune de son âge. Cependant, il est différent,il est en chaise roulante, mais n’allez pas croire que cela l’arrête. Charles estun jeune avec des rêves, des ambitions et surtout des passions.

Charles, pourrais-tu me donner le nom de ta maladie et m’expliquer ceque c’est?

Ma maladie se nomme spina-bifida, c’est une malformation de la colonnevertébrale que j’ai depuis ma naissance.

Cette maladie provoque un handicap des jambes, mais malgré ça, es-tucapable de marcher?

Oui, je peux marcher un peu, mais difficilement et avec des béquilles. Disonsque je préfère être en chaise.

Je sais que tu as eu plusieurs opérations, peux-tu me dire combien etm’en donner quelques exemples?

J’en ai eu environ une quarantaine. Ma dernière opération en était une pourma scoliose, j’avais la colonne vertébrale qui bifurquait un petit peu et ilsl’ont redressée. L’opération était longue et délicate, elle a duré douze heures.

Je sais que tu as déjà failli mourir, est-ce que cela a changé ta façon devoir la vie?

Non pas vraiment, seulement, lorsque j’ai appris cela, j’ai eu des hallucinationsdurant les trois semaines suivantes.

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Des hallucinations? Peux-tu m’en donner un exemple?

Quand je montais les escaliers chez moi, j’avais peur de tomber, de déboulerles marches. Mais ces choses-là me sont arrivées parce que j’ai été dans lecoma pendant deux semaines justement à ma dernière opération.

J’imagine qu’avec ton handicap tu es obligé de faire certaines choses etil doit y en avoir qui te sont interdites?

Puisque je porte des couches, car j’ai des problèmes d’incontinence, je doisrecevoir des soins toutes les quatre heures. C’est sûr que je ne les reçois paschaque fois qu’il le faudrait: il m’arrive donc d’être mouillé. J’ai aussi desantibiotiques à prendre tous les matins, de l’oxybutynine et l’apo-sulfatrim-bs et tous les matins encore, mes parents doivent me faire un toucher rectalpour m’enlever mes selles. Je ne peux pas boire trop de bières, sinon je vaisêtre mouillé et je ne peux surtout pas fumer du pot parce que je pourrais«revirer légume».

As-tu un modèle, une idole qui t’aide à accepter le fait que tu ne puissesutiliser tes jambes?

Il y a André Viger, à cause de sa détermination, son attitude, surtout parcequ’il vit sa vie comme il la vit.

Je sais que tu fais également de la bicyclette. Aimerais-tu faire de lacompétition?

Oui, d’ailleurs je me suis fixé comme objectif d’aller au Défi sportif l’annéeprochaine pour faire la compétition avec ma bicyclette à pédales à main.

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As-tu des grands rêves, je sais que la Fondation Rêve d’enfants t’a abordépour réaliser un de tes rêves?

Je vais à New York en septembre prochain voir les MTV Music Awards.

Il y a certaines activités que tu ne peux faire mais tu dois avoir trouvéautre chose à faire?

Oui, j’aimais jouer au basket-ball, j’aime encore jouer mais un petit peumoins; j’ai perdu le goût depuis deux ans.

As-tu joué dans une équipe?

Oui, j’ai joué pour le Minikami de St-Hyacinthe et pour le Génie sport deMontréal.

Maintenant tu te passionnes pour le vélo?

Oui, il m’arrive d’en faire pendant huit heures consécutives les fins desemaine. Je pars le matin et je reviens le soir.

As-tu des activités autres que sportives?

Oui, je joue de la clarinette. Plus tard, j’aimerais devenir clarinettiste ouencore traducteur parce que j’ai du talent pour les langues. Je parle le français,l’anglais et un petit peu le langage des sourds, mais ma vraie passion est lamusique.

Charles, je te remercie et je te souhaite bonne chance dans ta vie etdans tes rêves.

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Évelyne Brouillard

Entrevue avec Sylvie Bernier

Je suis allée, le 13 octobre dernier, interviewer la championneolympique Sylvie Bernier alors qu’elle terminait sa chronique hebdomadaireà Salut Bonjour. Très nerveuse, après avoir été interpellée par le gardien desécurité, j’ai installé le magnétophone et on a commencé l’entrevue. On ad’abord parlé de sa victoire aux Jeux de Los Angeles, mais le point surlequel je voulais plus particulièrement m’attarder, c’est sa carrière à latélévision ou, devrais-je dire, ses carrières.

Sylvie, vous avez participé aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984et vous y avez remporté l’or à la tour de trois mètres en plongeon.Comment se sent-on lorsqu’on vient de recevoir une médaille qui nousconsacre la meilleure au monde dans une discipline olympique?

C’est comme si on m’avait enlevé 100 livres des épaules! Ça faisait 13 ansque je m’entraînais, mais durant les deux dernières années, je ne vivais quepour ça. Une fois que ça a été terminé, j’ai dit: «Bon, je peux enfin respirer!»Je dirais aussi que j’avais le sentiment du devoir accompli. J’étais fière dece que j’avais fait!

Dites-moi ce que ça vous a apporté dans les deux années qui ont suivivotre victoire?

Un tourbillon! Je dirais même un ouragan! Premièrement, j’étais inscrite àl’Université Laval en diététique. Je suis allée à deux cours en un mois! J’étaisdemandée dans toutes sortes de congrès et de conférences, pour des entrevuesà la télévision et à la radio. J’ai dû quitter l’université. J’ai fait beaucoupd’activités promotionnelles et de contrats commerciaux. J’avais, en quelquesorte, perdu le contrôle de ma vie. Tout se déroulait tellement rapidement. Àchaque jour, je me rendais dans un endroit différent pour faire des chosesdifférentes.

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Après votre victoire, vous avez été couronnée «Athlète canadienneféminine de l’année 1984». Qu’est-ce que ça représentait?

C’est une reconnaissance du milieu sportif. On l’apprécie toujours parce queça vient de ses pairs, des journalistes sportifs et des entraîneurs. C’est sûr quej’avais l’estime du public, mais être reconnue par son milieu, c’est toujourstrès valorisant. En plus, j’avais pris ma retraite tout de suite après les Jeux,donc je savais que c’était ma dernière chance d’être reconnue par ces gens-là.

Pour quelles raisons avez-vous pris votre retraite?

J’avais fait en quelque sorte «le grand chelem» du plongeon. J’avais 20 anset je venais de gagner les Olympiques. Je me disais «Est-ce que je suis prêteà poursuivre mon entraînement 35 heures par semaine et redescendre tran-quillement la montagne?» Je préférais rester en haut. J’étais prête à investirdans autre chose.

Vous prenez, à l’heure où on se parle, des cours à l’université. En quoiétudiez-vous?

Ça fait 15 ans que j’essaie de compléter mon baccalauréat, mais j’ai toujoursdit que la persévérance nous amenait à atteindre nos objectifs. J’étudie enadministration et en marketing. Je ne sais pas dans combien de temps je vaisle terminer, mais en fait j’étudie par plaisir et pour apprendre.

Vous êtes très impliquée avec l’Association pulmonaire du Québec,spécialement dans le domaine de l’asthme, car vous êtes son porte-parole.

Oui, parce que je suis asthmatique depuis l’âge de sept ans. Évidemmentqu’au fil des ans, j’ai eu à surmonter toutes sortes d’épreuves. Mon but,c’est de donner un message d’espoir aux enfants. Ce n’est pas parce qu’onest asthmatique qu’on doit se priver de faire des activités.

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Dans le même ordre d’idées, vous avez déjà animé une émission sur lasanté qui s’appelait Qui vive avec Réjean Léveillé. Avez-vous aimél’expérience et quel était le concept de l’émission?

J’ai adoré l’expérience parce que j’ai toujours aimé le domaine de la santé.Avec Réjean Léveillé, on touchait à tout. C’était vraiment très varié. On parlaitde la maladie, de la santé au Québec, du système hospitalier, des problèmesrespiratoires, des polytraumatisés, des urgences au Québec: tout ce quiconcerne tout le monde finalement! On était dans le feu de l’action, c’est-à-dire que les tournages se faisaient dans les hôpitaux, etc. C’était une très belleexpérience!

Vous animez Fort Boyard avec Guy Mongrain. Voyagez-vous beaucoupà cause des tournages?

Contrairement à ce que les gens peuvent penser, les tournages se font en sixjours. On enregistre deux émissions par jour et tout est complété. Je quittehabituellement à la fin juin et je reviens au début de juillet. On est là-bas aumaximum 10 jours en comptant les journées de transport. Sur le plateau, l’espritd’équipe est très présent. Guy et moi, on est comme deux vieux «partners».

Comment vous sentiez-vous lorsque vous avez remplacé Marie-Soleil?

C’est certain que la première année, j’avais à chausser de grosses chaussureset je dirais que j’étais beaucoup plus à l’aise la deuxième année. En mêmetemps, j’avais dit clairement à tout le monde que je n’étais pas là pourremplacer Marie-Soleil, je continuais simplement le travail qu’elle avaitcommencé. C’est sûr qu’il y avait beaucoup d’émotions la première année,pour tout le monde. En même temps, je pense qu’on fait les choses avecrespect et que Marie-Soleil sera toujours au fort. C’est la première personneà qui on pense quand on s’y rend.

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En terminant, vous avez trois petites filles. Comment réussissez-vous àgérer votre temps entre vos nombreuses activités et votre famille?

Le secret, c’est la discipline et l’organisation. J’ai été chanceuse d’apprendreça depuis que je suis toute petite avec l’entraînement et les études que je n’aijamais laissées. J’ai appris rapidement à gérer mon temps. Chaque minuteest bien comptée pour me permettre de passer du temps de qualité avec mesenfants. C’est sûr qu’il y a des journées où je ne suis pas là du tout mais jem’organise habituellement pour passer quatre jours par semaine avec mesfilles. Je m’organise pour être toujours là pour les devoirs et les dîners. J’aiun horaire chargé mais ma priorité, ce sera toujours mes enfants.

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CŒUR DOUBLE, numéro 16, décembre 1999Cégep du Vieux Montréal255, rue Ontario EstMontréal (Québec)H2X 1X6

CŒUR DOUBLE est une publication du CANIF, leCentre d’animation de français du cégep du Vieux Montréal.© Tous droits réservés.

Dépôt légal: mars 1991Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

Infographie et impression:Centre de production de l’écrit du CVM (4056)

Ce numéro de CŒUR DOUBLE est accessible sur Internet :www.cvm.qc.ca

Renseignements: le CANIF, (514) 982-3437, poste 2164

C V M

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Gabriel Allard

Philippe Archambault

Évelyne Brouillard

Valérie Caron

Josée Déry

Anaïs Descarie-Daigneault

Philippe Kazinevich

Valérie Lafrance

Véronique Martel

Amélie Perreault

Ophélie Sylvestre