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Travaux originaux M~decine et Maladies Infectieuses -- 1986 -- 8/9 - 511 ~ 515 Effets des Quinolones et immunit6. de I'Ofloxacine sur les r6ponses prolif6ratives cellules mononucl6es humaines. Comparaison avec la Ciprofloxacine et la Pefloxacine* par J.J. POCIDALO**, Y. ROCHE** et M.A. GOUGEROT-POCIDALO** RI~SUMI~ Les r~ponses effets doses de I'0floxacine (Off) sur la stimulation des leucocytes mononucl~aires humains par des mitog~nes des lymphocytes T et/ou B ont ~t~ ~tu- di~es comparativement ~ celles de la Pefloxacine (Pef) et de la Ciprofloxacine (Cip). Aux doses de 1 10/~g/ml tes trois quinolones ne modifient pas la proliferation lympho'~de ; aux doses plus ~lev~es de 25 ~ 100/~g/ml, il y a une inhibition de la r~ponse bien plus importante pour Pef et surtout Cip que pour Off. On d~montre qu'en partie, la diminution de proliferation est li~e ~ des processus oxydants. La moindre r~ponse immunosuppressive de I'0fl aux fortes concentrations va probablement de pair avec une moindre toxicitY, tout au moins sur les cellules comp~tentes responsables de la r~ponse prolif~- ratives. La signification et I'int~r~t clinique de ces r~sultats sont discut~s. Mots-cl~s : Quinolones- 0floxacine- Immunit~ - Immunotoxicit~. II a ~t6 r~cemment ~tabli que I'administration d'anti- biotiques est capable d'exprimer une activit~ extra anti- bact~rienne, en particulier au niveau de la r~ponse immune de I'h6te (1, 11). L'efficacit~ imm6diate des antibiotiques dans la plupart des cas n'a laiss~ que peu de place & cet aspect particulier de leurs propri~t6s. Consid~rer que I'in- fection ne concerne que la relation m~dicament-germes responsables de I'infection est devenue une attitude beau- coup trop simpliste, r~servant les prog6s th~rapeutiques la seule innovation pharmacologique. Aujourd'hui I'~ta- blissement des effets des nouvelles drogues anti-infectieuses sur le syst~,me immun est devenu une n~cessit~ I~gale dans un certain nombre de pays. L'~tablissement de tels tests est particuli~rement laborieux et difficile puisqu'en dernier ressort ceux-ci recouvrent I'ensemble des explorations de I'immunit~ non sp~cifique et sp~cifique (13). L'utilisation de tests discriminatifs concernant I'immunit~ cellulaire est particuli~rement importante ~ envisager car les cons6quen- ces ~ventuelles des antibiotiques ~ ce niveau peuvent in- fluencer non seulement le cours de I'infection de I'h6te mais ~galement expliciter les effets secondaires li~s aux r6actions d'hypersensibilit~. Les tests de transformations lymphoblastiques sont largement utilis~s et ont montr~ leur int~r~t au cours d'~tudes r~centes sur les c~phalosporines (4, 12) et sur ies macrolides (14). II s'agit de techniques in vitro au cours desquelles les cellules lympho'fdes sont stimul~es par des antig~nes ou des lectines ~ propri~t~s mitog~nes. La r6ac- tion proliferative d~clenche une cascade d'~v~nements mettant en jeu plusieurs types de cellules immunes (mono- cytes, lymphocytes) et de nombreux m~diateurs de I'immu- nit~ /monokines, lymphokines ...). rL'analyse de ces ~v~ne- ments pourrait permettre de d~terminer le point d'impact d'un m~dicament au niveau celiulaire. Les r~ponses obte- 1 nues vont ~tre la plupart du temps dose-d~pendante et permettront de reconnaitre des propri~t~s immunosuppres- sives ou immunostimulantes, voire encore i'absence d'effets significatifs. Les nouvelles quinolones de 2~me g~n~ration intro- duites r~cemment en th~rapeutique ont un int~r~t th~ra- * Recu le 12.5.1986. Acceptation d6finitive le 30.5.1986. ** INSERM U.13 - H6pital Claude Bernard, 10 av. de la Porte d'Aubervitliers, F-75944 ParisCedex 19. 511

Quinolones et immunité. Effets de l'Ofloxacine sur les réponses prolifératives des cellules mononuclées humaines. Comparaison avec la Ciprofloxacine et la Pefloxacine

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Page 1: Quinolones et immunité. Effets de l'Ofloxacine sur les réponses prolifératives des cellules mononuclées humaines. Comparaison avec la Ciprofloxacine et la Pefloxacine

Travaux originaux M~dec ine e t Malad ies Infect ieuses - - 1986 -- 8 / 9 - 511 ~ 515

Effets

des

Quinolones et immunit6.

de I'Ofloxacine sur les r6ponses prolif6ratives

cellules mononucl6es humaines. Comparaison

avec la Ciprofloxacine et la Pefloxacine*

par J.J. POCIDALO**, Y. ROCHE** et M.A. GOUGEROT-POCIDALO**

RI~SUMI~ Les r~ponses effets doses de I'0floxacine (Off) sur la stimulation des leucocytes mononucl~aires humains par des mitog~nes des lymphocytes T et/ou B ont ~t~ ~tu-

di~es comparativement ~ celles de la Pefloxacine (Pef) et de la Ciprofloxacine (Cip). Aux doses de 1 10/~g/ml tes trois quinolones ne modifient pas la proliferation lympho'~de ; aux doses plus ~lev~es de 25 ~ 100/~g/ml, il y a une inhibition de la r~ponse bien plus importante pour Pef et surtout Cip que pour Off. On d~montre qu'en partie, la diminution de proliferation est li~e ~ des processus oxydants. La moindre r~ponse immunosuppressive de I'0fl aux fortes concentrations va probablement de pair avec une moindre toxicitY, tout au moins sur les cellules comp~tentes responsables de la r~ponse prolif~- ratives. La signification et I'int~r~t clinique de ces r~sultats sont discut~s.

Mots-cl~s : Quinolones- 0floxacine- Immunit~ - Immunotoxicit~.

II a ~t6 r~cemment ~tabli que I'administration d'anti- biotiques est capable d'exprimer une activit~ extra anti- bact~rienne, en particulier au niveau de la r~ponse immune de I'h6te (1, 11). L'efficacit~ imm6diate des antibiotiques dans la plupart des cas n'a laiss~ que peu de place & cet aspect particulier de leurs propri~t6s. Consid~rer que I'in- fection ne concerne que la relation m~dicament-germes responsables de I'infection est devenue une attitude beau- coup trop simpliste, r~servant les prog6s th~rapeutiques

la seule innovation pharmacologique. Aujourd'hui I'~ta- blissement des effets des nouvelles drogues anti-infectieuses sur le syst~,me immun est devenu une n~cessit~ I~gale dans un certain nombre de pays. L'~tablissement de tels tests est particuli~rement laborieux et difficile puisqu'en dernier ressort ceux-ci recouvrent I'ensemble des explorations de I'immunit~ non sp~cifique et sp~cifique (13). L'utilisation de tests discriminatifs concernant I'immunit~ cellulaire est particuli~rement importante ~ envisager car les cons6quen- ces ~ventuelles des antibiotiques ~ ce niveau peuvent in- fluencer non seulement le cours de I'infection de I'h6te mais ~galement expliciter les effets secondaires li~s aux r6actions d'hypersensibilit~.

Les tests de transformations lymphoblastiques sont largement utilis~s et ont montr~ leur int~r~t au cours d'~tudes r~centes sur les c~phalosporines (4, 12) et sur ies macrolides (14). II s'agit de techniques i n v i t r o au cours desquelles les cellules lympho'fdes sont stimul~es par des antig~nes ou des lectines ~ propri~t~s mitog~nes. La r6ac- tion proliferative d~clenche une cascade d'~v~nements mettant en jeu plusieurs types de cellules immunes (mono- cytes, lymphocytes) et de nombreux m~diateurs de I'immu- nit~ /monokines, lymphokines ...). rL'analyse de ces ~v~ne- ments pourrait permettre de d~terminer le point d'impact d'un m~dicament au niveau celiulaire. Les r~ponses obte-

1 nues vont ~tre la plupart du temps dose-d~pendante et permettront de reconnaitre des propri~t~s immunosuppres- sives ou immunostimulantes, voire encore i'absence d'effets significatifs.

Les nouvelles quinolones de 2~me g~n~ration intro- duites r~cemment en th~rapeutique ont un int~r~t th~ra-

* Recu le 12.5.1986. Acceptation d6finitive le 30.5.1986. ** INSERM U.13 - H6pital Claude Bernard, 10 av. de la Porte d'Aubervitliers, F-75944 Paris Cedex 19.

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peutique consid@rable compte tenu de leur large spectre d'action et leur efficacit@ dans de nombreuses infections oQ le d@veloppement du germe est facultativement ou obligatoirement intracellulaire. La mise sur le march@ de plusieurs mol@cules dont les propri@t@s antibact@riennes sont proches les unes des autres pose le probl~me du choix du m@dicament sur des crit~res tels que ceux que nous venons d'envisager. Le pr@sent travail compare les effets de I'Ofloxacine* (DL820) ~ ceux de la Ciprofloxacine** et de la Pefloxacine*** sur les r@actions prolif@ratives des cellules mononucl@es humaines induites par les mitog~nes.

MATI=RIEL ET MI~THODES

R~actifs - - A n t i b i o t i q u e s : les diverses quinolones utilis@es ont

@t@ mises en solution extemporan@ment et dilu@es dans le milieu R PMI 1640. Une solution concentr@e de P@nicilline- Streptomycine (Gibco) a @t@ dilu@e pour obtenir des con- centrations ad@quates au moment de I'exp@rience.

- M i t o g @ n e s : la Phytohaemagglutinine (PHA P Dif- co) a @t@ utilis@e Q la dose de 10 #g/ml. Le Pokweed (PWM Difco) a @t@ utilis@ Q des dilutions de 1/1000.

- R d a c t i f s : l e 2-Mercapto-~thanol (SIGMA) a @t@ utilis@ ~ une concentration optimale compte tenu de la r@ponse mitog~nique, soit 5.10"6M.

* Laboratoires Diamant. *** Laboratoires Bayer-Pharma. *** Laboratoires Roger Bellon.

Pr@parations cellulaires Des leucocytes mononucl@aires humains (LMH) ont

@t@ isol@s t~ partir du sang h@parin~ de donneurs adultes sains par la m@thode de Boy0m t~ partir d'un gradient de Ficoll-lsopaque. Les LMH ainsi obtenus comprennent de 75-90 % de lymphocytes et de 10-20 % de monocytes (3).

Cultures cellulaires Les LMH ont @t~ cultiv@s dans un milieu RPMI 1640

(Gibco) suppl@ment@ avec 25 mM Hepes, 2 mM glutamine, 100 mM pyruvate 1 % d'acides amin@s non essentiels et 10 % de s@rum autologue inactiv@ par chauffage. Les cul- tures sont effectu@es sur micro-plaques (Falcon, Microtest II). 10 s cellules dans 0.2 ml sont incub@es Q 37°C dans 95 % air et 5 % CO2 pendant 72 h. (stimulation ~ la PHA) ou 96 h. (stimulation au Pokweed).

Incorporation de thymidine triti6e (3H-TdR) 6 heures avant la f in de la culture, 1 /JCi 3H-TdR sont

ajout@s aux cultures. Au terme de la culture, les cellules sont collect@es sur filtres de fibre de verre (Skatron multi- ple cell culture harvester) et I'incorporation d'3H-TdR mesur@e ~ I'aide d'un compteur ~ scintillation (Intertech- nique). L'incorporation de thymidine triti@e exprim~e en cpm @value la prolif@ration cellulaire en r@ponse ~ la stimu- lation mitog@nique (PHA ou PWM).

Viabi l i t6 cellulaire Sa d@termination a @t@ effectu@e par le test d'exclusion

au bleu trypan et le test de relargage de la d@shydrog@nase lactique ~ la fin de chaque culture.

FIGURE 1 - - En abcisse : doses de quinolones introduites dans les cultures de lymphocytes. -- En ordonn6e : pourcentage de la r6ponse prolif@rative induite par 10 /Jg/ml de PHA.

100- %_

u

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I o . ~ 0 0 o ~ 0 o ~ - 0 0 o-tt" 0 o . ~ 0 0 o ~ 0 0 o ~ - 0 0 o ~

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-X-

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O

25

_T.

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° I O o * O O O O O O

50

l i

100 P, g/ml

I--I OFL PEF CiP

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Calcul et expression des rdsultats Les diffdrences ont ~t~ ~tablies apr~s analyse de va-

riance. Toutes les valeurs sont exprimdes par la moyenne et sa d~viation standard.

RESULTATS

Relations dose-rdponses entre quinolones et pro l i ferat ion cellulaire lympho' ide indui te par la P H A .

La figure 1 reprdsente les r~sultats obtenus avec les 3 quinolones Ofloxacine (Ofl), Pefloxacine (Pef) et Cipro- f loxacine (Cip). On y a reprdsent~ les rdponses prolifdra- tives ~ la PHA exprim~es en pourcentage de la rdponse constatde en prdsence de doses croissantes de 1 ~ 100/~g/ ml de quinolone par rapport aux valeurs contr61es obtenues en l'absence d'ant ibiot ique.

Les rdsultats prdsentds ici ddmontrent que (i) les doses de 1 ~ 10/Jg/ml, quel que soit I 'ant ibiot ique, ne modi f ient pas signif icativement la rdponse prolifdrative ; (ii) ~ la dose de 25 /~g/ml, il y a une rdduction de la rdponse, moddrde et significative pour Pef et Cip,, (i i i) aux plus fortes doses (50 et 100 /Jg/ml) la d iminut ion de prol i fdrat ion est signi- f icative pour les trois quinolones. L'analyse de variance met clairement en dvidence que c.ette d~pression est beau- coup plus faible pour I 'Ofloxacine que pour les deux autres quinolones.

TABLEAU I a

Concentration de Pokweed Doses d'Ofloxacine 1/100 1/500 1/I000

Controle 0 0 0

0.1 0 0 0

1 0 0 0

10 0 < 5 % < 5%

100 < 5% < 5% < 10%

Relat ions dose-rdponses entre quinolones et prol i f6rat ion cellulaire lympho' ide indui te par le Pokweed (PWM) ,

Les effets de Off, ajout~e au d~but de la culture des LMH en r~ponse ~ une st imulat ion au PWM ont ~t~ repr~- sent~s sur les tableaux la et lb. A la d i lu t ion la plus forte correspond un effet inhib i teur modern, m~me aux plus fortes concentrations d'ant ib iot ique.

Par contraste avec Ofl, les deux autres quinolones ~tudi~es Pef et Cip ont un effet inhibi teur sur la prolife- ration beaucoup plus important, en particulier la Cip. L'effet suppresseur indui t par ces deux quinolones est observ~ aussi bien apr~s st imulat ion par la PHA que par le PWM. En consequence on peut faire I'hypoth~se que plusieurs sous-populations lymphocytaires part icipent la suppression de la r~ponse proliferative. Par contre I 'Ofl respecte beaucoup plus les deux stimulations mitog~niques, en particulier celle mettant en jeu les lymphocytes T auxi- liaires et les lymphocytes B.

Effets du 2 -Mercapto-6 thanol sur la r~ponse proli f6rative lympho'/de b la PHA en pr6sence de quinolones.

Le 2-Mercapto-~thanol (2-ME) est un d~riv~ soufr~ dont les propri~t~s ant ioxydantes permettent une majora- t ion de la r~ponse prol i ferative des cellules lympho'fdes en presence de mitog~ne. Ce fai t bien connu des immuno-

. Iogistes a ~t~ r~cemment expl ici t~ dans notre laboratoire en termes de m~tabolisme oxydo-r~duct i f des cellules immunes (8).

Nous avons ici mis en presence de fortes doses de qui- nolones (100 /~g/ml) qui d iminuent I ' incorporat ion de 3H-TdR, le 2 - M E & dose optimale (5.10"6 M) afin de recon- na~tre ~ventuellement une agression oxydante li~e & la forte concentrat ion d'ant ibiot ique. Les r~sultats sont repr~sent~s sur le tableau II. Chaque r~sultat repr~sente la moyenne -+ SD de 6 experiences effectu~es en tr iple et exprimdes en cpm x 103.

TABLEAU II

Incorporation de 3H-TdR par les cellulas mononucl6es humaines

en pr6senca de 100/~g/ml de quinolonas avac ou sans 2-Mercapto-

6thanol (5x10"6M).

TABLEAU ! b

Effets des 3 quinolones sur la r6ponse au pokweed la dose de 100 /Jg/ml.

1/100 1/500 1/1000

Ofloxacine < 5 % < 5 % < 10 % Pefloxacine < 5 % • 15 % 45 % Ciprofloxacine 22 % 35 % 90 %

Les r6sultats sont axprim(~s en pourcentage d'inhibition.

Quinolones 2-ME Ofl Pef. Cip

-- -- 138 + 9 135 + 8 138 + 10

-- + 121 + 8 130 + 9 121 + 8

+ -- 79 + 6 27 + 3 7 + I

+ + 104+7 * 42+5 * 15 + 3 * "

L'incorporation de 3H-TdR est exprim~e en cpm x 103.

* p < 0,01 entre les r~ponses en presence de quinolones avec et sans 2-ME. n = 6.

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La d~pression de la r~ponse mitog~nique enregistr~e avec une dose ~lev~e de quinolones est partiellement cor- rig~e en presence de 2-ME. Cette correction est significati- vement plus importante pour I'Ofloxacine que pour les deux autres quinolones ~tudi~es ici.

des r~sultats obtenus avec les mitogOnes. La facilit~ tech- nique des experiences menses avec les mitog~,nes justifie I'utilisation pr~f6rentielle de ces modOles, du moins au stade pr~liminaire des ~tudes pharmacologiques de premiere intention.

DISCUSSION

Ce travail s'inscrit dans le cadre d'une ~tude discrimina- tive des effets des antibiotiques sur I'hbte en utilisant un mod~,le d'~tude classique :la r~ponse des lymphocytes hu- mains ~ diverses lectines mitog~nes in vitro,

La pr~sente ~tude compare I'Ofloxacine (Ofl) ~ deux autres quinolones la Pefloxacine (Pef) et la Ciprofloxacine (Cip) dont I'efficacit~ antibact~rienne a ~t~ prouv~e r~cem- ment sur une gamme tr~s large de germes : celle-ci est en fait peu diff~rente au vu des tests bact~riologiques in vitro (16) de telle sorte que leurs indications respectives sont tr~,s peu discrimin~es d'autant plus que les ph6nom~nes de r~sistance sont crois~s (5). Des differences pharmaco- cin~tiques existent en particulier sur le plan de la cin~- tique d'~limination (15). Par contre il n'a pas ~t~ misen ~vidence de differences de p~n~tration au niveau des cel- lules leucocytaires, en particulier au niveau des cellules mononucl~es (r~sultats personnels non publi(~s). ,'r

Les r~sultats pr~sent~s dans ce travail font clairement apparaitre que I'Ofl se singularise par rapport aux deux autres quinolones ~tudi~es, Cip et Pef, par les effets immu- nosuppresseurs moindres qu'elle manifeste ~ forte dose. En effet les r~ponses prolif~ratives mitog~niques des cellules mononucl~es humaines en presence de doses ~lev~es d'anti- biotiques sont significativement diff~rentes. Les doses de 1

10/zg/ml de quinolones, doses d'antibiotiques proches des doses s~riques th~rapeutiques ne modifient pas significati- vement la r~ponse proliferative lympho'fde. Les doses plus ~lev~es 50 ~ 100 /]g/ml ne repr~sentent plus des concen- trations sanguines mais peuvent 6tre retrouv~es dans des territoires oO peut s'accumuler I'antibiotique, par exemple le tissu r~nal oO les concentrations peuvent atteindre des concentrations de plusieurs centaines de /~g/ml de liquide cellulaire, en particulier en cas d'acidose locale. En conse- quence les in~gatit~s de r~ponse entre les trois antibiotiques en fonction des doses utilis~es dans ce travail peuvent s'ins- crire au sein de preoccupations cliniques puisque ces doses s'~talent sur un large ~ventail allant des doses extracellulai- res aux doses intracellulaires.

Les r~sultats que nous avons obtenus montrant les pro- pri~t~s fortement immunosuppressives du Cip aux fortes doses confirment les r~sultats obtenus par H, Hahn et coll. Ces auteurs constatent des r~sultats identiques aux nt~tres quant ~ la r~ponse proliferative ~ la PHA chez la souris ; ils confirment par ailleurs leurs r~sultats sur les interactions et lymphocytes T-antigOne (Listeria) en utilisant un syst~me de cellules auxiliaires T sp~cifiques murines (10). Cette identit~ de r~ponse justifie les extrapolations faites ~ partir

La raise en 6vidence des propri~t~s immunosuppressives importantes mais in,gales entre les diff~rentes quinolones ~tudi~es ici soul~,ve deux types de questions. La premiere concerne le m~canisme de la r~ponse immuno d~pressive. Les r~sultats pr~sent~s ne permettent pas de r~pondre com- pt~tement ~ cette question, en particulier de savoir quel type cellulaire et quelle phase de la proliferation sont tou- ches par I'antibiotique. Ce que nous rapportons ici montre qu'il ne s'agit pas d'une toxicit~ cellulaire majeure puisque le test au bleu trypan et le relargage de d~shydrog~nase lactique n'expriment pas de modifications significatives. Les experiences utilisant le 2-Mercapto-~thanol s'inscrivent

la suite de nos propres travaux sur les effets antioxydants des compos~s soufr~s (9) au cours de I'immunod~pression oxydante d~velopp~e Iors de I'exposition ~ I'oxyg~ne nor- mobare (8). Les effets protecteurs partiels obtenus avec le 2-Mercapto-~thanol, effets protecteurs d'autant plus im- portants que la d~pression op~r~e par la quinolone est mod~r6e, s6nt en accord avec I'hypoth~se raisonnable selon laquelle I'inhibition de la r~ponse immune des LMH est li~e ~ des ph~nom~nes oxydatifs. Mais il faut remarquer que la forte inhibition obtenue avec la Cip & 100 #g/ml n'est que tr~s peu revers~e par le 2-ME de telle sorte qu'il n'est pas SL3r. que tout le processus, inhibiteur soit li~ ~ des ph~no- m~nes oxydants. I1' sera n~cessaire de rechercher de maniere plus precise d'autres m~canismes ou encore d'autres drogues capables de reverser I'immunosuppression.

La deuxi~me question concerne I'extrapolation de ces r~sultats ~ la conduite th~rapeutique. Le premier probl~me est celui de la correspondance entre les ph~nomenes in vitro et in vivo (7). Dans un certain nombre de cas on a pu prou- ver I'existence d'une correspondance incontestable, ce sont lecas de la rifampicine (2) ou encore de I'acide fusidique (6). On ne peut attribuer aujourd'hui de sens positif ou n~gatif sur le plan th~rapeutique ~ I'existence de propri~t~s immunosuppressives de drogues utilis~es en antibioth~rapie. Les r~ponses ne peuvent ~tre univoques et sont & consid~rer selon les situations.

A titre d'exemple on peut consid6rer que I'existence de propri~t~s anti-inflammatoires associ~es ~ I'immuno- suppression peut ~tre consid~r~e comme utile et b~n~fique

I'action antibiotique au cours d'infections respiratoires chez los atopiques. Dans d'autres circonstances, I'effet immunosuppresseur sera del~t~re car inhibant les ph~no- mOnes immunitaires humoraux et cellulaires n~cessaires I'~radication complete du processus infectieux. Un certain nombre de r~cidives infectieuses pourraient relever d'une telle ~tiologie.

Les differences observ~es dans ce travail entre les trois quinolones sont en faveur d'une moindre toxicit~ de I'Ofl vis-a-vis des syt~mes cellulaires envisages, c'est-~-dire I'en-

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semble des cellules mononucl~es responsables de la proli- feration lymphocytaire non sp~cifique.

Quoiqu'il en soit, il nous semble aujourd'hui absolu- ment n~cessaire de connaTtre les effets associ~s des anti- biotiques sur I'immunit~ de I'hbte. Pour ce, il faudra d~- velopper des tests plus precis et suffisamment performants pour que s'~tablisse une doctrine concernant I'utilisation de ces informations pour le traitement de malades immuno- d~prim~s.

CONCLUSION

La comparaison des rdponses prolifdratives des cellules sanguines lympho'i'des humaines induites par les mitog~nes en rdponse aux diverses quinolones cornmerciales montrent des diffdrences significatives.

L'intdrOt pratique de tels rdsultats se situe actuellement dans le seul domaine de I'immunotoxicitd des m~dicaments.

SUMMARY Quinolones and immune responses . Effects of Ofloxacin on human mono- nuclear proliferation. Comparison with Ciprofloxacin and Pefloxacin.

The dose response effect of Ofloxacin (Off) on the stimulation o f mononuclear cells by the T and/or B cell mitogens was evaluated and compared to that o f Pefloxacine

(Per) and Ciprofloxacin (O'p). The three quinolones at concentrations ranging from 1 to 10 gg/ml had no effect what so ever on the lymphocyte proliferation response. Whereas at higher concentrations of 25 to 1 O0 tag/ml, a significantly decreased proliferation response was observed with Pef and Op. Howe- ver, this decreas e in. the proliferation response was less important with Ofloxacine. ICe demonstrate that this decreased proliferation is partially linked to the oxidative processes. The lesser immunosuppressive effect o f Ofloxacine at such high concentrations is probably linked to lesser toxicity on the immuno- competent cells participating in the proliferative response. The significance and the clinical interest of these results are being discussed.."

Key-words : Quinolones - Ofloxacin - Immunity - Immunotoxicity. •

B I B L I O G R A P H I E

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