2
QUOI DE NEUF À BIBRACTE ? Une mosaïque inédite sur le chantier école Déjà identifiée au XIX e siècle, la grande domus « PC1 » est au cœur de l’attention des archéologues depuis 1988. Depuis 15 ans, elle est confiée aux soins des adolescents du chantier école de Bibracte qui initie chaque année jusqu’à 50 jeunes âgés de 13 à 17 ans dans les conditions d’une fouille réelle. En 2014, les apprentis archéologues ont mis au jour un lambeau de mosaïque tout à fait inédit, mais pas inattendu dans cette domus typique des constructions à la romaine des derniers temps de Bibracte. Dans l’angle sud-est de la domus, la pièce B (66 m 2 ) est effleurée en 1866 : sa situation privilégiée, entre le jardin et la cour à péristyle, suggère d’y voir l’une des salles de réception (triclinium) de la demeure. La présence d’une mosaïque, observée la même année, est confirmée par les sondages de 2002 qui dévoilent un décor de damier noir et blanc qui ne semble orner qu’une partie du sol de la pièce. En 2014, la pièce B est à nouveau fouillée : les couches de démolition et les remblais des fouilles anciennes sont entièrement évacués et l’ensemble du sol est dégagé. Le dessin d’un second tapis apparait, séparé du premier par une frise de carrés à tesselle centrale et svastikas. Beaucoup plus complexe avec ses dodécaèdres qui s’entrecoupent et qui jouent les oppositions de couleur, il souffre de l’acidité et de l’humidité du sol : les tesselles en calcaire blanc ont quasiment disparu et les cubes de schiste noir ont fondu. Ce décor et sa jonction avec le premier tapis ne sont conservés que sur une bande de 1,7 x 4 m. Ailleurs, aucune tesselle ne subsiste, sans doute du fait d’un démontage au moment de l’abandon de la maison, qui laisse à nu la couche de préparation en mortier de tuileau rouge. Associée aux indices ténus de peintures murales colorées, la mosaïque de la pièce B constitue une nouvelle affirmation écla- tante de l’adoption par le riche propriétaire de la domus des décors les plus en vogue à Rome au début du I er siècle ! STRUCTURE VISIBLE STRUCTURE NON VISIBLE ESPACE DE RÉCEPTION ESPACE PRIVÉ ESPACE DE SERVICE BALNÉAIRE Peristylium Cuisine Praefurnium (chaufferie) Caldarium (salle chaude) Bassin public Apodyterium (vestiaire) Loge ENTRÉE Vestibulum Appartement B : une antichambre desservant deux chambres Viridarium Triclinium (pièce B) Triclinium ? Oecus Oecus Triclinium ? Escalier ? Loge Atrium Tablinium Impluvium HôTEL DES GAULES Appartement A : une antichambre desservant deux chambres Portique JARDIN BASSIN SOL DE MOSAïQUE CANALISATION VISIBLE CANALISATION NON VISIBLE Source Cave en pierre Plan général de la grande domus PC1, en rouge le triclinium où fût découvert la mosaïque. Photos de la pièce B de PC1, prises en 2002 et en 2014. Les sondages de 2002 concernent les angles de la pièce. Au centre, repose le fragment de mosaïque mis au jour en 2014. Les adolescents du chantier école dégagent soigneusement les vestiges ténus de la mosaïque, août 2014. Dégagement de la mosaïque au moyen d’un scalpel. Mise au jour de traces de pigment « bleu égyptien », dans la couche de démolition qui remplissait la pièce B, indices de la présence de peintures murales. Bibracte – Mont Beuvray, le Parc aux chevaux Nature : Grande domus PC1, 5 e état de construction du secteur Superficie : 3500 m 2 , environ 40 pièces Date de construction : entre 1/15 et 30 de notre ère Entrée, atrium, cuisine et pièces de service, logis chauffés, cour à péristyle, salles à manger fermées (triclinium) ou ouvertes sur la cour (oecus) et l’atrium (tablinum), bains chauffés, grand jardin à portique, cave, bassin, source Construction en pierres liées au mortier de chaux, toiture en terre cuite (tegulae et imbrices), canalisations en pierre, sols en mortier de tuileau, mosaïques, enduits peints et colonnades Les fouilles 1864-1865 : repérages de X. Garenne et du vicomte d’Aboville 1871-1875 : chantier de J.-G. Bulliot 1988-1998 : chantier de l’université de Lausanne 1999-2015 : chantier école de Bibracte

quoi de neuf à bibracte€¦ · ... sans doute du fait d’un démontage au moment de l’abandon de la maison, ... la domus du Parc aux Chevaux au musée de ... mosaïques de Saint-Romain-en-Gal

Embed Size (px)

Citation preview

quoi de neuf à bibracte ?

Une mosaïque inédite sur le chantier écoleDéjà identifiée au XIXe siècle, la grande domus « PC1 » est au cœur de l’attention des archéologues depuis 1988. Depuis 15 ans, elle est confiée aux soins des adolescents du chantier école de Bibracte qui initie chaque année jusqu’à 50 jeunes âgés de 13 à 17 ans dans les conditions d’une fouille réelle. En 2014, les apprentis archéologues ont mis au jour un lambeau de mosaïque tout à fait inédit, mais pas inattendu dans cette domus typique des constructions à la romaine des derniers temps de Bibracte.

Dans l’angle sud-est de la domus, la pièce B (66 m2) est effleurée en 1866 : sa situation privilégiée, entre le jardin et la cour à péristyle, suggère d’y voir l’une des salles de réception (triclinium) de la demeure. La présence d’une mosaïque, observée la même année, est confirmée par les sondages de 2002 qui dévoilent un décor de damier noir et blanc qui ne semble orner qu’une partie du sol de la pièce.

En 2014, la pièce B est à nouveau fouillée : les couches de démolition et les remblais des fouilles anciennes sont entièrement évacués et l’ensemble du sol est dégagé. Le dessin d’un second tapis apparait, séparé du premier par une frise de carrés à tesselle centrale et svastikas. Beaucoup plus complexe avec ses dodécaèdres qui s’entrecoupent et qui jouent les oppositions de couleur, il souffre de l’acidité et de l’humidité du sol : les tesselles en calcaire blanc ont quasiment disparu et les cubes de schiste noir ont fondu. Ce décor et sa jonction avec le premier tapis ne sont conservés que sur une bande de 1,7 x 4 m. Ailleurs, aucune tesselle ne subsiste, sans doute du fait d’un démontage au moment de l’abandon de la maison, qui laisse à nu la couche de préparation en mortier de tuileau rouge.

Associée aux indices ténus de peintures murales colorées, la mosaïque de la pièce B constitue une nouvelle affirmation écla-tante de l’adoption par le riche propriétaire de la domus des décors les plus en vogue à Rome au début du Ier siècle !

STRUCTURE VISIBLE

STRUCTURE NON VISIBLE

ESpaCE dE RÉCEpTION

ESpaCE pRIVÉ

ESpaCE dE SERVICE

BaLNÉaIRE

Peristylium Cuisine

Praefurnium (chaufferie)

Caldarium (salle chaude)

Bassin public

Apodyterium (vestiaire)

Loge

ENTRÉE

Vestibulum

appartement B : une antichambre desservant deux chambres

Viridarium

Triclinium(pièce B)

Triclinium ?

Oecus

Oecus Triclinium ? Escalier ?

Loge

AtriumTablinium

Impluvium

hôTEL dES gaULES

appartement a : une antichambre desservant deux chambres

portique

jaRdIN

BaSSIN

SOL dE mOSaïqUE

CaNaLISaTION VISIBLE

CaNaLISaTION NON VISIBLE

FOyER, pOêLE

Source

Cave en pierre

Plan général de la grande domus PC1, en rouge le triclinium où fût découvert la mosaïque. Photos de la pièce B de PC1, prises en 2002 et en 2014. Les sondages de 2002 concernent les angles de la pièce. Au centre, repose le fragment de mosaïque mis au jour en 2014.

Les adolescents du chantier école dégagent soigneusement les vestiges ténus de la mosaïque, août 2014.

Dégagement de la mosaïque au moyen d’un scalpel. Mise au jour de traces de pigment « bleu égyptien », dans la couche de démolition qui remplissait la pièce B, indices de la présence de peintures murales.

Bibracte – Mont Beuvray, le Parc aux chevauxNature : Grande domus PC1, 5e état de construction du secteurSuperficie : 3500 m2, environ 40 piècesDate de construction : entre 1/15 et 30 de notre èreEntrée, atrium, cuisine et pièces de service, logis chauffés, cour à péristyle, salles à manger fermées (triclinium) ou ouvertes sur la cour (oecus) et l’atrium (tablinum), bains chauffés, grand jardin à portique, cave, bassin, sourceConstruction en pierres liées au mortier de chaux, toiture en terre cuite (tegulae et imbrices), canalisations en pierre, sols en mortier de tuileau, mosaïques, enduits peints et colonnades

Les fouilles

1864-1865 : repérages de X. Garenne et du vicomte d’Aboville1871-1875 : chantier de J.-G. Bulliot1988-1998 : chantier de l’université de Lausanne1999-2015 : chantier école de Bibracte

quoi de neuf à bibracte ?

De la domus du Parc aux Chevaux au musée de Bibracte

Documentée par photographies et relevés, la mosaïque ne pouvait pas être conservée in situ, même sous une couche de remblais. Il fut donc décidé de prélever la partie du décor la plus lisible avant l’arrivée de l’hiver. Les sondages préparatoires à la dépose ont permis d’observer la stratigraphie du pavement et donc les techniques de sa construction, dans un respect approximatif des normes décrites par Vitruve.

Au terme de ce parcours, la mosaïque est de retour à Bibracte, dans les espaces du musée, où elle peut désormais être observée par tous et conservée pour les générations futures.

Arrivé à l’atelier de Saint-Romain-en-Gal, le pavement est restauré, en plusieurs étapes :

L’envers du tapis est d’abord libéré de son coffrage et désépaissi pour ne conserver que la fine couche de mortier de tuileau.

Le mortier est consolidé par application de différentes résines, dont une chargée de fibres, pour assurer la rigidité de la fine épaisseur de mortier antique.

La mosaïque est ensuite retournée pour enlever les plaques de bois et la mousse polyuréthane qui la protègent.

Après retournement du panneau, collage sur l’envers d’un nouveau support : une plaque d’alliage d’aluminium en nid d’abeille, rigide et légère, fixée par une résine réversible.

Enfin, après un dernier retournement, la toile de protection du tapis de tesselles est retirée pour procéder à un nettoyage poussé.

La mosaïque à la fin de la restauration, avant d’être conditionnée pour son transport retour.

Détail des tesselles en schiste noir : leurs contours sont difficiles à lire car la pierre a peu à peu fondu du fait de l’acidité naturelle du socle géologique granitique.

Stratigraphie de la mosaïque mettant en évidence les couches de préparation à la pose du revêtement

de tesselles.

Ils ont participé à la découverte, à l’étude ou à la sauvegarde de la mosaïque de PC1

Fouille 2014 : chantier-école dirigé par Chiara Martini, archéologue chargée d’actions éducatives (Bibracte) et par Pascal Paris, archéologue adjoint à la direction de la recherche (Bibracte), assistés d’Emmanuel Hammon, archéologue (université de Lausanne, Suisse), Andy Combey, Eulalie Gabily et Thomas Gaudaire-Thore, étudiants (université Paris IV), et des 47 appren-tis-archéologues, de 13 à 17 ans.Étude de la mosaïque : Nicolas Delferrière, doctorant en archéologie romaine (université de Bourgogne, UMR ARTeHIS 6298, Dijon).Topographie et DAO : Arnaud Meunier, archéologue-géomaticien (Bibracte), assisté de Thomas Gaudaire-Thore.

Photographie : Antoine Maillier, photographe (Bibracte) et Paul Veysseyre, photographe (musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, Conseil départemental du Rhône). Consolidation et dépose : Dominique Lacoste, responsable de la conservation préventive et l’équipe technique de Bibracte, l’atelier de restauration des mosaïques de Saint-Romain-en-Gal (conseil départemental du Rhône), avec l’aide du chantier d’in-sertion de l’association « Tremplin — Hommes et patrimoine ».Restauration : Evelyne Chantriaux et l’équipe de restaurateurs de l’atelier de restauration des mosaïques de Saint-Romain-en-Gal (conseil départemental du Rhône).Exposition : Laïla Ayache, conservatrice du musée, Dominique Lacoste, responsable de la conservation préventive (Bibracte), le chantiet d’insertion « Tremplin — Hommes et patrimoine » et l’entreprise Lucenet (système d’accrochage).Conception graphique : Sébastien Durost et Chloé Moreau, cellule éditoriale (Bibracte).

Après un nettoyage fin, un long traitement est mis en place avec des restaurateurs spécialisés pour permettre le prélèvement de la mosaïque et son transport jusqu’à l’atelier de Saint-Romain-en-Gal.

Consolidation du pavement par pulvérisation de silicate d’éthyle, sorte de colle qui pénètre les matériaux friables et les solidarise.

Pose de gaze chirurgicale par collage réversible sur le tapis pour le protéger.

Pose de toile de jute pour renforcer l’entoilage de gaze.

Pose d’une couche de mousse polyuréthane expansée puis d’une plaque de bois doublée d’un nid d’abeille en carton pour rigidifier le tout et le protéger pendant le transport.

La mosaïque, qui a été séparée des couches de préparation en glissant des lames sous le mortier de support, est coffrée pour un maintien optimal puis prélevée.

Arrivée à l’atelier de restauration de Saint-Romain-en-Gal.