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L’inspection générale à l’heure des changements NUMÉRO 5– DÉCEMBRE 2008 la revue de l‘inspection générale > CHRISTIAN MERLIN > BERNARD DIZAMBOURG > FRANÇOISE MALLET > ROGER-FRANÇOIS GAUTHIER > PASCAL AIMÉ > ALAIN DULOT > JEAN-PAUL DELAHAYE > GENEVIÈVE GAILLARD > ANNE ARMAND > VIVIANNE BOUYSSE > MARC FORT > BERNARD TOULEMONDE > FRANÇOIS PERRET

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L’inspection générale à l’heure des changementsNUMÉRO 5 – DÉCEMBRE 2008

la revuede l‘inspection générale

> CHRISTIAN MERLIN

> BERNARD DIZAMBOURG

> FRANÇOISE MALLET

> ROGER-FRANÇOIS GAUTHIER

> PASCAL AIMÉ

> ALAIN DULOT

> JEAN-PAUL DELAHAYE

> GENEVIÈVE GAILLARD

> ANNE ARMAND

> VIVIANNE BOUYSSE

> MARC FORT

> BERNARD TOULEMONDE

> FRANÇOIS PERRET

La revue de l’inspection générale

Inspection générale

Thierry Bossard - chef du service de l’IGAENRFrançois Perret - doyen de l’IGEN

Philippe Dulac - Michèle Jue-Denis

www.education.gouv.fr/inspections-generales/points-de-vue

Décembre 2008

Délégation à la communication

Phovoir - Caroline Lucas / MEN-MESR

Ovation / 1 500 exemplaires

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éditeur

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secrétaires généraux de la rédaction

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FRANÇOIS PERRET

Doyen de l’inspection généralede l’Éducation nationale

THIERRY BOSSARD

Chef du service de l’inspection généralede l’administration de l‘Éducation nationaleet de la Recherche

Les inspections générales de l’Éducation nationale, comme les autres corps d’inspection générale,sont confrontées à des évolutions profondes de l’environnement dans lequel elles interviennent.Les modalités d’action de l’État se modifient inéluctablement, sous l’effet conjugué de difficultésfinancières durables, d’une exigence croissante des usagers et d’un partage de compétences avecles collectivités locales qui n’a probablement pas encore atteint son point d’équilibre. De ce fait,les inspections générales sont conduites à changer, mais ont aussi un rôle à jouer pour accompagnerces changements.

Le service public de l’éducation, sur la qualité duquel elles ont mission de veiller, connaît égalementde rapides et irréversibles mutations, qui affectent autant les modalités de gestion du systèmeéducatif que le cœur de l’enseignement lui-même.

Une première évolution est le souci croissant des usagers et des gouvernements pour la perfor-mancedes services publics, auquel les systèmesde formation et de recherchene sauraient se sous-traire. Cette préoccupation est en permanence alimentée par les nouvelles procédures budgétairesnationales, les analyses comparatives européennes ou encore les classements internationaux. Elleconcerne à la fois l’efficacité de l’enseignement et l’efficience de la gouvernance du système, c'est-à-dire les résultats ainsi que les coûts de l’École. En quoi les inspections générales ont-elles faitévoluer leurs pratiques pour contribuer à faciliter ou à orienter ces évolutions en cours?

Une deuxièmeévolution est la tendance continue en faveur d’une plus grande autonomie des unitésde base du système, qui conduit à développer des pratiques de gestion et des outils de pilotagenouveaux. Comment les inspections générales tiennent-elles compte de ces exigences? Quel rôlejouent-elles auprès desétablissements scolaires, des rectorats, des universités oubienduministère?

Étant donné l’actualité et l’importance de ces problématiques, nous avons voulu leur consacrer cenuméro de la Revue de l’inspection générale. Notre propos est, d’abord, d’inscrire la question dansle contexte général de la réforme de l’État et des nouvelles formes des politiques publiques. Il estensuite demieux faire connaître cequi «bouge»à l’inspectiongénérale, pour répondreauxévolutionsen cours et parfois anticiper sur les évolutions à venir : l’autonomie croissante des universités, lerôle nouveau des agences, les outils du dialogue de gestion avec les académies, l’impératif derepenser l’évaluation des performances du système d’enseignement à partir de celle des acquisdes élèves, l’efficacité de dispositifs nouveaux tels, par exemple, que les réseaux ambition réussite.Enfin, il est, en profitant notamment de l’éclairage apporté par d’autres inspections à l’étranger, deréfléchir à l’avenir des inspections générales et aux changements à apporter à leur rôle et à leursfonctions. Nous espérons que les articles réunis ici contribueront à en frayer le chemin.

L’inspection générale à l’heure des changements

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sommaire

4 > Réforme de l’État et mutation de l’inspection générale de l’Éducation nationaleCHRISTIAN MERLIN

15 > Politiques publiques et évaluationBERNARD DIZAMBOURG

20 > La France et l’Europe - Retour d’Edimbourg ...FRANÇOISE MALLET

26 > Inspecteurs généraux et savoirs sur l’École : l’urgence d’un nouveau positionnementROGER-FRANÇOIS GAUTHIER

34 > Les audits d’université dans le cadre de la loi LRU: un tournant pour l’IGAENRdans l’enseignement supérieurPASCAL AIMÉ

40 > De la fonction au métier : une professionnalisation croissanteALAIN DULOT

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46 > L’inspection générale de l’Éducation nationale et les violences scolaires en 1979 :les leçons à tirer du passéJEAN-PAUL DELAHAYE

52 > L’IGEN et les évolutions récentes de l’enseignement des langues vivantes en FranceGENEVIÈVE GAILLARD

60 > Entre distance et proximité : quel positionnement pour le groupe RAR de l’IGEN?ANNE ARMAND / VIVIANE BOUYSSE

67 > Les inspecteurs généraux de l’Éducation nationale, correspondants académiquesMARC FORT

73 > Une inspection générale en phase avec son tempsBERNARD TOULEMONDE

75 > Achever la révolution de 89?FRANÇOIS PERRET

Ce numéro a été coordonné par Anne-Marie Bardi,inspectrice générale de l’Éducation nationaleet Françoise Mallet,inspectrice générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche.

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Réforme de l ‘Étatet mutat ion de l ‘ inspect ion généralede l ’Éducat ion nat ionaleCHRISTIAN MERLIN, inspecteur général de l’Éducation nationaleAncien recteur des académies de La Réunion et de Toulouse

Depuisune trentained’années, la «réformede l’État» a pu, non sans raison, appa-raître commeun thème répétitif et assez

formel, figure emblématique du discours poli-tique, sans que son impact ait fait évoluer l’ac-tion administrative demanière très perceptible1.Immobilisme? Il est plus juste d’évoquer unmélange d’immobilisme, de changement et deréforme, qui caractérise autant l’Éducationnationale que d’autres secteurs de l’actionde l’État.

Cependant, le rythmeet l’intensitéde la réforme,encomparaisonavecd’autrespaysoccidentaux,sont restéssensiblementplusmodérés, aupointde faireapparaître la Francecommeuneexcep-tion, dans ce domaine encore. Sous l’influencenotamment de l’école anglo-saxonne du «NewPublicManagement»,unepartiedésormaismajo-ritaire des pays européens a adopté un nou-veau paradigme de l’action publique appliquéà l’éducation, par, notamment, une redéfinitiondes frontières, de la conception et desméthodes

de l’État central. Ceci touche plusieurs paysanglo-saxons,mais aussi l’Europe scandinave,la plupart des pays de l’Europede l’Est en trans-ition et plusieurs pays d’Europe méditerra-néenne (Espagne, Italie).

Restée en retrait, la France connaît pourtant,depuis 2003 et plus encore depuis 2007, uneaccélération sensible de ce mouvement deréforme, qui permet de considérer que noussommes (partiellement) sur la voie de l’adop-tion de ce paradigme nouveau, adapté à notrespécificité, et que le système éducatif en sor-tira profondément modifié, quel que soit lerythme effectif de cette évolution.

Dans ce contexte, une réflexion sur le rôle, lesmissions et lesméthodes de l’inspection géné-rale de l’Éducation nationale2 ne peut être inop-portune, tout en ne prétendant pas ici à laprésentation d’une pensée aboutie. C’est toutau plus une première approche qui prend lerisque de l’anticipation.

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L’impact encore limité de la réformede l’État dans l’éducationLa réforme de l’État emprunte en France desvoies qui témoignent clairement non du désird’aboutir à son affaiblissement, mais d’un pas-sage à une conception nouvelle de son rôle, quis’apparenteauprocessusengagédansd’autrespays de l’OCDE, avec une configuration propre.

La réforme de l’État et son applicationau système éducatifAu-delà d’un certain allègement des fonctionsde l’État (fin de l’État-producteur, reconfigura-tion de l’État-providence), l’État est, plus quejamais, garant de la cohésion sociale et de lasécurité, dans une logique de solidarité qui faitde plus en plus de place à l’équité plutôt qu’àl’égalité, ainsi qu’en témoignent les dispositifsde discrimination positive. Dans ce contexte,l’éducation reste un domaine d’action majeurpour l’État central afin d’assurer « l’égalité deschances», garantissant l’avenir des citoyensdans une société dominée par le risque et lesmoyens de le prévenir.

Mais le postulat selon lequel l’efficacité de lagestion publique, placée au service de l’intérêtgénéral, ne pouvait être appréciée a fait placeà une conception selon laquelle l’administra-tion est désormais tenue d’améliorer ses per-formances et d’abaisser ses coûts. Elle estsommée, y compris dans le domaine de l’édu-cation, de remplir ses missions en veillant à laqualité desesprestationset enutilisant aumieuxles moyens à sa disposition.

Les mutations de l’appareil étatique :pourquoi? comment?Les politiques de réformede l’administration sesont développées depuis les années 1980 sousla pression conjuguée de plusieurs facteurs : lacrise de l’État-providence dans tous les Étatslibéraux ; lamutation des attentes des citoyens,devenus des usagers des services publics,attentes d’ailleurs contradictoires appelantmoins d’État (là où celui-ci apparaît peu per-formant) et plus d’État (là où apparaissent desbesoins nouveaux associés au risque et à la

sécurité) ; les contraintes nées de la globalisa-tionet dupoidscroissant de l’Unioneuropéenne;la stricte limitationdesmoyenshumainset finan-ciers dont dispose l’État.

On assiste, dès lors, à un changement de légi-timité pour l’administration, qui passed’une légi-timité extrinsèque, reposant sur le dogme de« l’intérêt général», à une légitimité intrinsèquereposant sur l’efficacité et sur l’efficience3. Cettelégitimité n’est plus acquise d’avance : elledépend de la démonstration sans cesse réité-rée du bien-fondé de la qualité des objectifs,des actions et des méthodes.

Les politiques de modernisation de l’État sont,dans la plupart des pays occidentaux, sous-ten-dues par une volonté de transformation de l’or-ganisation de l’État, structurée par quelquesprincipes : réduire le coût de fonctionnementdes services administratifs ; privilégier la «per-formance publique» par la définition d’indica-teurs de résultats et la mise en place dedispositifs d’évaluation ; améliorer la qualité duservice rendu aux usagers ; pratiquer une largedélégation des responsabilités, notamment parl’autonomisation des acteurs, qui va de pairavec la définition d’un projet fixant les objec-tifs et servant d’instrument de mobilisation.

Ceci se traduit notamment par une fragmenta-tion de l’État, d’autant plus sensible en Franceque l’État unitaire y a semblé –et semble encorepour certains – le principal garant de la cohé-sionnationale; pour cette raisonaussi, les résis-tances à cette fragmentation y sont plus fortesqu’ailleurs. Onassiste, à desdegrésdivers selonles pays, à un mouvement d’éclatement qui setraduit par la diversification de structures deplus en plus autonomes, à l’affaiblissement desliens qui assuraient l’intégration et la cohésionde l’ensemble. La prolifération des agences,dans tous les domaines de l’action publique(gestion, intervention, régulation) enest un signemajeur : elle est beaucoup plus marquée enEurope duNord et de l’Est, sous l’influence bri-tannique4, mais a progressé en France. Ceciimplique la distinction des responsabilités

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conceptuelles, conservées parfois par l’État, etopérationnelles, les agences, responsables deleurs performances, ayant une large autonomiede décision et d’action.

Ceci se traduit encore par une territorialisationplus marquée de l’État. La recherche de l’effi-cacité passe par la mise en œuvre du principede proximité, présumé porteur d’une meilleureprise en compte de la diversité des contexteslocaux. Décentralisation et déconcentration seconjuguent ici, l’affermissement de l’autonomielocale s’opérant surtout au profit des collecti-vités décentralisées, mouvement que tented’équilibrer la plus grande autonomie et l’orga-nisation plus cohérente des services décon-centrés.

Lemodèle français de l’État unitaire, centralisé,hiérarchisé est l’objet de remises en question,plusmodérées pourtant que dans de nombreuxpays européens. Ceci peut être relevé dans lechamp de l’éducation.

Quel impact pour l’éducation dans les paysde l’OCDE?Pour de nombreux observateurs, « la fin du XXe

siècle aurait été marquée par le début d’unezone de turbulence redéfinissant les frontières,la conception et lesméthodes d’intervention del’État-enseignant»5. Portées par des gouverne-ments de gauche comme de droite, en étroiterelation avec la nouvelle gestion publique, cesnouvelles politiques éducatives, parties deGrande-Bretagne, se sont répanduesdans toutel’Europe orientale et ont inspiré de nouvellesorientationsen Italie et enEspagne. L’importancepolitique de la publication régulière d’indica-teurs de résultats dans le cadre de l’OCDE a étéparfois déterminante dans ce mouvement.

Selon lespays, il existeévidemmentdesvariantesàcespolitiques. Il est pourtant frappant decons-tater qu’elles présentent de fortes convergen-ces autour de trois directions majeures : ladécentralisation et l’autonomie des établisse-ments scolaires, la différenciation des ensei-gnementsauseinde l’écoleunique, le librechoix

de l’école publique et privée. Ces politiquesintègrent un mode de régulation du systèmescolaire essentiellement fondé sur l’évaluationdes résultats des établissements et la respon-sabilisation des acteurs, publics ou privés,sommés de rendre des comptes aux collecti-vités publiques (État, collectivités locales)distribuant les moyens6.

Mais la recherche de l’efficacité et de l’effi-cience se conjugue avec la contribution del’école à l’égalité. C’est le plus souvent au nomde l’égalité des chances que ces politiques ontsurgi. Le lancinant problème de la démocrati-sation induite par l’école7 conduit à rechercherles voies d’une éducation plus souple, mieuxcorrélée aux préoccupations des élèves, plusà même de proposer des réponses immédiatesà leurs difficultés, autorisant unedifférenciationpédagogique. Cette logique fait passer aupremier plan l’égalité des résultats, remettanten cause l’égalité de traitement. Ceci n’exclutpas pour autant l’existence de programmesnationaux d’enseignement et la naissance desystèmes également nationaux d’évaluation.

En effet, il serait erroné de considérer que cespolitiques mènent inexorablement à l’affaiblis-sement du rôle de l’État dans l’éducation. Dansles pays les plus engagés dans ce sens, ceschangementsmajeurs ont uncaractère consen-suel et graduel, au-delà des incontestablesrésistances qu’elles peuvent rencontrer : ilsimpliquent surtout un renouvellement du rôle etdesmodalités d’action de l’État, davantage axésur l’animation et la régulation du systèmeéducatif.

La modération françaiseDanscecontexte, les politiqueséducatives fran-çaises, dans l’enseignement obligatoire notam-ment, apparaissent, ces dernières années, avoiremprunté des voies spécifiques, certaines rejoi-gnant les chemins déjà tracés par la majoritédespaysde l’OCDE, d’autres se situant enmargede celles-ci. Au total, on peut parler de modé-ration, non d’immobilisme, même si certainesdes réformes en cours, ont pour corollaire la

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nécessité d’en poursuivre avec ténacité l’ap-plication. Le rythmede leurmise enœuvre n’estpas assez assuré pour garantir leur enracine-ment au centre du fonctionnement du systèmeéducatif.

On ne s’attardera pas ici sur certaines réfor-mes à caractère pédagogique, aussi essen-tielles soient-elles, sinon pour souligner quel’introduction du socle commun de connais-sances et de compétences que tous les élèvesdoivent maîtriser à l’issue de la scolarité obli-gatoire s’inscrit dans les objectifs de Lisbonne,définis en 2001, eux-mêmes fortement influen-cés par les évaluations de l’OCDE8, que les pre-mières indications (officielles) sur la réforme àvenir des lycées témoignent d’une volonté desouplesse et d’individualisation pédagogiqueallant dans le sens de la différenciation péda-gogiquequi semble inspirer lamajorité des paysde l’OCDE ou encore que l’accompagnementéducatif à l’école et aucollège, en voie degéné-ralisation, s’inscrit dans la même logique.

Ce qui doit nous retenir plus particulièrement,c’est l’évolution du pilotage du système, auquelparticipe l’inspection générale. Certainesréformes ont été introduites, qui rapprochentla France de l’évolution précédemment décrite.

La nouvelle phase de la décentralisation à par-tir de 2004 a accentué les évolutions qui se sontproduites au début des années 1980, en trans-férant les personnels TOS aux collectivités ter-ritoriales et en donnant aux conseils régionauxdes responsabilités en matière de formationprofessionnelle initiale et continue qui en fontdes codécideurs à part entière. L’implicationdes collectivités territoriales dans l’éducationn’a cessé de croître, pas simplement dans ledomaine de l’immobilier.

La LOLF (Loi organique relative aux lois definances), adoptée en 2001 et mise en œuvrepour la première fois à l’occasion du budget2006, est l’une de ces réformes majeures, quidéfinit un nouveau cadre budgétaire visant àrenforcer l’autonomie de gestion et la néces-

sité pour les agents de l’État de rendre compteau Parlement de l’efficacité de leur action surla base d’indicateurs quantitatifs : c’est l’actede naissance d’un nouveau pilotage par lesrésultats des politiques éducatives nationaleset locales.

Stratégie ministérielle de réforme (SMR) et, àla suite, Révision générale des politiquespubliques (RGPP) : autant de processus deréforme de l’administration, davantage orien-tés versun fonctionnement reconsidéréen fonc-tion des diminutions de moyens. L’exemple, làencore, de pays étrangers le montre : gestionde la performance et réduction des déficitspublics sont des processus distincts, mais for-tement articulés. L’impact de la RGPP, en coursdepuis 2007, est important et cohérent avecl’évolutiondespolitiquespubliques: il est aujour-d’hui au tout premier plan, réduction des défi-cits publics oblige (c’est la priorité absolue). LaRGPP introduit dans le processus de décisionune nouveauté importante : le caractère opé-rationnel de l’évaluation, les audits de moder-nisation, qui ont accompagné la SMR ou l’ontsuivie, jouant un rôle important dans le péri-mètre et lesmodalités d’application de la RGPP.Mais cette dernière, étroitement reliée aux sup-pressions depostes depersonnels enseignantset non-enseignants, n’a pas, pour le pilotage dusystème éducatif, la même portée de principeque l’introduction de la LOLF.

L’architecture de la LOLF est aujourd’hui bienconnue9. Techniquement, le basculement verscette nouvelle présentationdescomptespublicss’est opéré sans anicroche. Il ne s’en est pasencore suivi le changement culturel qui en estl’aspect essentiel. Le volet «performance» dela LOLF s’est réduit à une batterie d’indicateurs– trop nombreux et pas toujours pertinents –dans lecadredesProjetsannuelsdeperformance(PAP) et du Rapport annuel de performance(RAP) à caractère national dont le caractèreformel est frappant, tant que le Parlementn’en tirera pas plus concrètement les consé-quences. Dans ce cadre, le dialogue annuel(dit « de performance» ou de «gestion ») entre

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l’administration centrale et les académies nese réfère pas à ces indicateurs, mais, commepar le passé, à la mise en œuvre des politiquesnationales10. A deux extrémités du système depilotage, l’établissement ou l’école d’une part,l’ensemble des corps d’inspection de l’autre, ycompris l’inspection générale, les objectifs etles indicateurs de la LOLF sont restés en posi-tion d’extériorité : ils n’affectent aucunementleurs missions.

Les stratégies académiques, inscrites dans desprojets pluriannuels, peuvent tenir compte dela logique de performance, accompagner leursobjectifs d’indicateurs quantitatifs : ceci dépendexclusivement de la décision du recteur, sansaucune incitation (ou obligation) nationale. Demême, les projets d’établissement (de circons-cription pour le premier degré, dans certainesacadémies) peuvent-ils être reformulés enmodeLOLF : ceci repose sur la seule volonté acadé-mique. Les contrats d’objectifs, passés entreétablissements et inspections académiques ourectorats, peuvent être formulés enmode LOLF,avec des objectifs chiffrés et des indicateursquantitatifs de résultats : cette formulation (àl’image de ce système contractuel) ne sembleguère intéresser l’administration centrale. Dèslors, il dépend du seul recteur de tenter demettreen place un système d’évaluation et d’auto-évaluation, en utilisant les compétences loca-les et en faisant parfois appel à une expertiseuniversitaire. C’est pourtant là la clef de voûtede l’ensemble11 et du basculement vers un fonc-tionnement dominé par cette logique nouvellede la performance, au nom de la recherched’efficacité et d’efficience.

On doit enfin regretter, compte tenu de saconnaissance du terrain, le choix d’une faibleassociation de l’inspection générale à l’élabo-ration des indicateurs deperformance. La ques-tion cruciale est bien de savoir ce que l’oncherche à évaluer. Quelle que soit la difficultéde la tâche, la notion de résultat ou de perfor-mance en éducation implique une complémen-tarité des regards, si l’on souhaite que cesindicateurs soient pertinents, non seulement

pour les responsables nationaux de la gestiondu système éducatif, mais aussi pour l’ensem-ble des acteurs déconcentrés. C’est un enjeumajeur. «À l’évidence aujourd’hui, nous som-mes encore au seuil de l’établissement scolaire(…). Or, si nous ne franchissons pas ce seuil,nousauronsmanquénotreobjectif car, en vérité,le service public d’éducation se déroule dansles établissements scolaires et non dans lessuperstructures administratives », rappelaitopportunément un responsable du ministère12.Or, les indicateurs associés à la LOLF sont, pourunemajorité d’entre eux, intrinsèquement éloi-gnés du pilotage de proximité, voire de préoc-cupations d’ordre pédagogique.

Les petits pas de l’inspection générale

Le maintien des missions traditionnellesLes missions assurées par l’inspection géné-rale de l’Éducation nationale (IGEN) restentdominéespar la vision traditionnelle d’uneadmi-nistration hiérarchisée et centralisée : il s’agit,pour l’essentiel, d’être, à travers une diversitéde tâches (inspection de certains personnels,présidence des jurys de concours de recrute-ment de ces mêmes personnels, participationaux groupes techniques et commissions éla-borant ou modifiant les programmes d’ensei-gnement, animation pédagogique réalisée avecles IA-IPR, évaluation de la mise en œuvre desréformes nationales, le plus souvent sous laforme d’un premier suivi de celles-ci) le garantde la qualité et de la régularité des «discipli-nes» qui structurent l’action des inspecteursgénéraux13. Cesmissions sont plus souvent desmissions d’expertise que des missions d’éva-luation. Leur bien-fondé est certain : doivent-elles toujours être prépondérantes?

L’inspection générale, dans sa version IGAENR,est davantage tournée vers le pilotage etl’administration du système éducatif, vers desévaluations systémiques des établissementsscolaires sur un territoire donné – sans analyseapprofondie des pédagogiesmises en jeu (sauflorsque l’IGEN est présente), voire l’analyse del’état du système éducatif. Avec l’IGEN, elle

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accompagne les politiques ministérielles :plutôt que d’évaluer, il s’agit de participer à laconstruction de dispositifs en temps réel, enapportant les éléments d’information néces-saires à l’autorité responsable. Mais l’ensei-gnement primaire ne lui est pas familier, alorsque son champ d’analyse et d’investigationinclut, de manière importante, l’enseignementsupérieur et la recherche, où les probléma-tiques sont sensiblement différentes. L’impactdes problématiques issues de la LOLF n’estguère plus perceptible dans les rapports del’IGAENR.

Une évolution très limitéeLe caractère transversal des missions d’évalua-tion systémique reste peu pris en compte parl’inspection générale,moins encore par l’IGEN,concentrée sur des questions disciplinaires.Cette question a été fréquemment posée, sansrecevoir de véritable réponse14, en dehors desmissionsconjointesportant sur lamiseenœuvredepolitiqueset dedispositifs nouveauxàcarac-tère national ou celles concernant des EPLE.

En ce qui concerne l’IGEN, c’est sous l’aspectpédagogique qu’elle aurait pu être considérée.Elle l’a été au plan académique, à travers lamise en place des correspondants acadé-miques, institution dont le rôle n’est défini parles textes qu’en termes imprécis15. De ce fait,l’équilibre issu du trinôme recteur / correspon-dant académique de l’IGEN / collège des IA-IPR apparaît éminemment variable au gré despersonneset desconfigurations,mais necontri-bue pas à la mise sur pied d’un dispositif aca-démique d’évaluation, tout au plus à unecoordination assez formelle des inspecteursterritoriaux, cette coordination recevant elle-même des acceptions diverses. L’élaborationdu Programme de Travail Académique (PTA)annuel des corps d’inspection, souvent nonévalué quant à ses résultats, est parfois lemoment fort de l’année d’un correspondantacadémique…

Le rapprochement des inspections généralespouvait conduire à un infléchissement impor-

tant. Il a provoqué d’importants débats inter-nes, notamment dans uneperspective de fusionpossible – finalement écartée. Cette réformeaurait pu constituer le point d’achèvement d’unprocessus en cours et le point de départ d’uneconception nouvelle du rôle des inspectionsgénérales dans le système éducatif au nom del’évaluation.

Le rapprochement a eu lieu : il se manifeste enparticulier par la multiplication des missionsconjointes d’évaluation soit des réformes nou-vellement introduites, sans visée systémique,soit du fonctionnement des EPLE sur un terri-toire strictement délimité, ainsi que par l’éta-blissement d’un rapport annuel conjoint depuis2004. Ce rapport n’est pas la simple juxtaposi-tion desdifférents rapports réalisés par les deuxinspectionsgénérales,mais une synthèsecohé-rente de leurs travaux, témoignant de l’unité devue et de perspectives qui les inspire.

De façon novatrice, il avait pris la formedemis-sions conjointes, co-pilotées par des inspec-teurs généraux des deux corps, relatives àl’évaluation de l’enseignement dans les aca-démies16. Ces missions, qui ont commencé en1998-1999, ont permis de faire naître un débutde culture commune d’évaluation à l’échelled’un échelon territorial du système éducatif, leplus vaste, grâce notamment à l’élaborationd’outils et de protocoles d’évaluation. Une foisles académies métropolitaines évaluées, il aété décidé de mettre fin à ces missions, dontl’apport avait été significatif pour les acadé-mies, mais dont le rythme et la durée rendaientproblématique une actualisation permanentequi aurait justifié leur maintien. Elles n’ontd’ailleurs pas porté sur « l’enseignement», objetmal ciblé car trop large, mais sur le pilotageacadémique. À l’issue de cette expérience,aucune réflexionnouvelle sur le rôle des inspec-tions générales enmatière d’évaluation ne s’enest suivie…

La naissance d’une dynamique irrésistible?Les difficultés du système éducatif français às’inscrire dans une logique nouvelle de pilotage

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par les résultats sont considérables. L’hésitationreste importante à ce sujet, au point que l’écartentre la pratique et le discours s’accroît, quel’objectif – lié à la stratégie de Lisbonne – de lasouplesse, de l’autonomie et de l’obligationde résultat ne semble pas déterminant faceau maintien de la conception traditionnelle del’État, qui continue à inspirer les politiquesd’éducation et leur mise en œuvre.

Cependant, on peut raisonnablement admettreque ces politiques nouvelles bénéficieront dela continuité, que la logique de performanceissue de la LOLF peut et doit s’inscrire dans ladurée : certains indices vont dans ce sens. Ondoit, dès lors, s’interroger sur la place quel’inspection générale est susceptible d’occu-per au sein d’un véritable système d’évaluationqui en est le corollaire.

Une nouvelle logique fondée sur les résultats

Les nouvelles exigences de l’action publique…L’effort de réforme de la décision publique estporté auplus haut niveaude l’État : trois Conseilsde modernisation des politiques publiques,depuis juin 2007, tous présidés par le chef del’État, ont abouti à des décisions majeuresconcernant la redéfinition du périmètre de l’ac-tion publique, affichant la volonté d’en dresserle bilan d’ici la fin octobre 2008.

Cette modernisation s’opère sur la base d’unexamen stratégique de l’ensemble des dépen-ses de l’État et de ses opérateurs (analyse pardes équipes d’audit associant membres descorps de contrôle et cabinets privés). Elle estdestinée, d’une part, à augmenter la producti-vité et l’efficacité dans le fonctionnement desadministrations d’État et, d’autre part, à optimi-ser l’allocation de l’effort financier de l’État surles programmes d’action et d’intervention prio-ritaires qui présentent lemeilleur effet de levierentre leur coût et leur efficacité.

Le ministère de l’Éducation nationale a étéjusqu’ici peu concerné par ces décisions ; d’au-tres phases de cette modernisation la concer-

neront inévitablement, les spécificités de l’État-enseignant ne pouvant empêcher l’applicationdecette orientationmajeure auministère le plusdépensier de l’État.

C’est cette contrainte, progressivement miseen place, qui est le facteur déterminant del’évolution. En effet, les contraintes externesn’ont pas le même caractère impératif. Peut-ily avoir uniformisation des systèmes éducatifsau niveau européen ou au niveau de l’OCDE?Cette perspective est aujourd’hui exclue, dansla mesure où l’éducation n’est pas un domaineoù le cadre européen est fortement contrai-gnant : la Méthode Ouverte de Coopération(MOC), qui est ici la règle, n’oblige pas les États-membres à une convergence des dispositifspolitiques, tout au plus à des réflexions com-munes, voire à des objectifs communs, en vuedesquels chacun garde sa liberté d’action.Cependant on doit souscrire au constat selonlequel «s’agissant des objectifs de l’école et deson évaluation, alors, oui, nous allons très rapi-dement vers une harmonisation (…). Entre lesobjectifs fixés à Lisbonneenmars 2000, l’énoncédescompétences-clésdenovembre2005et l’ac-ceptationpar tousdePISAcommemodèledomi-nant d’évaluation des systèmes d’éducation etde formation – y compris bientôt pour la for-mation professionnelle initiale – on voit bien semettre en place desmodèles scolaires qui, touten demeurant différents, ont pour objectif par-tagé de fournir les compétences et les qualifi-cations dont tout un chacun a besoin dans unesociété fondée sur la connaissance.17» Or cecisignifie lamise en exergue de la notion de com-pétence (conformément au socle commun), lanécessité d’éradiquer l’échec scolaire, au totall’obligation de résultats et l’évaluation harmo-nisée et concertée de ceux-ci.

Les exigences nées de la LOLF, dès lors, s’ins-crivent dans une dynamique de moyen et delong terme qui implique leur réévaluation etl’approfondissement de leur appropriation partous les acteurs du système éducatif. Certes,beaucoup de chemin reste à parcourir concer-nant l’évaluation en matière d’éducation.

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Qu’entend-on par résultat dans ce domaine?18

Comment faireadmettreque l’évaluation, aujour-d’hui destinée aux seuls décideurs nationauxou académiques, doit concerner les acteursjusqu’au niveau de la classe? Comment pro-duire une véritable culture de l’évaluation, àpartir d’une appréciation des acquis des élè-ves qui permette davantage de cerner l’effet del’enseignement sur les apprentissages et lestrajectoires des élèves? Quelles que puissentêtre les limites actuelles de notre systèmed’évaluation, l’objectif de sonamélioration n’estpas séparable des progrès de son efficacité etde son efficience.

…visent à assurer une meilleure qualitédu service publicL’utilité de l’évaluation a parfois été mise endoute, dès lors que son rôle a parfois été affirmécomme l’élément essentiel du pilotage enmatière degestionpublique: n’allait-onpas fairejouer à cette fonction un rôle démesuré par rap-port à ce qui n’est que l’un des éléments d’uneprise de décision?

Au-delàmêmedu fait qu’aujourd’hui, en France,compte tenu de la timidité des évaluations, cedébat semble quelque peu surréaliste, lesméri-tes reconnus à l’évaluation par les pays qui sontles plus avancés dans cette démarchenouvellepeuvent être soulignés : amélioration de la ges-tion, de l’efficacité, de l’efficience des poli-tiques publiques ; un meilleur contrôle del’utilisation des fonds publics ; un encourage-ment à la transparence de l’action publique ;une responsabilisationmieux assuréedes fonc-tionnaires et des élus. Les rapports d’évalua-tion, dès lors qu’ils sont publics, permettent uneréorientation partielle des politiques et ont uneinfluence importante sur les projets à venir.

Les limites de l’évaluation des politiquespubliques n’en sont pas moins réelles : la diffi-culté à évaluer dans le moyen ou le long termel’impact de ces politiques – ceci étant particu-lièrement vrai en matière d’éducation ; la diffi-cile qualification des résultats ; la définitionmalaisée et contestable des indicateurs de per-

formance ; le déficit d’informations dans cer-tains domaines ; la qualité souvent insuffisantedu suivi des données (tableau de bord) sur lesactivités des différents programmes. Ces diffi-cultés notables n’ont pas, pour autant, decarac-tère insurmontable.

Toutes ces limites s’appliquent aux politiquespubliques d’éducation et justifient pleinementles efforts aujourd’hui consentis, en France etdans la plupart des pays de l’OCDE pour mieuxgarantir l’efficacité de leur évaluation et l’an-crage de celle-ci dans toute l’action publique.

L’évaluation au cœur de l’actionEnnovembre 2007, le Président de laRépubliquea demandéauPremier Président de la Cour descomptes,M. PhilippeSeguin, de lui faire un rap-port sur la créationd’un «grandorganismed’au-dit public», chargéde l’évaluationde l’ensembledes politiques publiques, témoignant du carac-tère central de cette évaluation.

Cette perspective peut ouvrir sur plusieursmodèles d’organisation. En toute hypothèse, ilappartient à chaqueministère – donc auminis-tère de l’Education nationale – d’envisager demettre sur pied son propre dispositif d’évalua-tion, touchant non seulement ses opérateursnationaux, mais aussi l’ensemble de ses opé-rateurs académiques et locaux. Ceci n’exclutpas un caractère interministériel de l’évalua-tion,mais garantit davantage la prise encomptedes spécificités et des contraintes réelles dusystème éducatif.

Une nécessaire mutation de l’inspectiongénérale…L’inspection générale, afin de retrouver un sensplusmarquéà sonaction, devrait participer trèsvisiblement à plusieurs phases d’un processusd’évaluation qui concerne, progressivement,toutes les politiques publiques, nationales etlocales. Conception etmise enœuvre d’un sys-tème d’évaluation axé sur les résultats du sys-tème éducatif, à partir des acquis des élèves,impliquent une mutation de l’inspection géné-rale en un corps d’évaluateurs, susceptible de

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réaliser des missions d’audit à caractère sys-témique, tant au niveau de l’établissement qu’àcelui du système dans sa globalité, ou à desniveaux intermédiaires, mais aussi d’aider àconcevoir des indicateurs, des tableauxdebord,applicables tant à l’échelon local (établisse-ment, école, département, académie) qu’àl’échelle nationale (indicateurs dans le cadrede la LOLF et des politiques nationales). Il s’a-git également deconcevoir un systèmequi fasseune part importante à l’autoévaluation.

Cette expertise fait actuellement défaut au plannational. Si l’on veut parvenir à un processusde pilotage du système éducatif mieux régulé,il y a, à l’évidence, place pour des évaluationspériodiques des politiques publiques nationa-les d’éducation, examinant les conséquencesdes arbitrages effectués sur la réalisation d’ob-jectifs déterminés. Une régulation par l’évalua-tion impliquerait que l’évaluation précède ladécision, elle-même suivie d’une nouvelleévaluation et de décisions correctrices de lapremière19.

Ceci n’est pas moins vrai au plan local. Lesacadémies, qui devront se doter de systèmesd’évaluation en interaction avec les écoleset les établissements n’ont pas, dans cedomaine, l’expertise qui leur permet de par-venir à des systèmes assez robustes et per-tinents. Ledomaineest évidemment très vasteet inclut lamiseenœuvredespolitiquesnatio-nales d’éducation, mais aussi les stratégiesacadémiques d’adaptation de ces politiqueset, tout particulièrement, les choix opérés parles établissements scolaires et les unitésd’enseignement de toute nature, qui consti-tuent aujourd’hui le maillon absent de l’éva-luation, ce qui interdit de comprendre lesdynamiques locales dont l’effet est souventdéterminant sur le succès ou l’échec des élè-ves. La loi d’orientation de 2005 a encouragél’innovation dans les pratiques des écoles etdes établissements ; certaines académies ontintroduit des éléments de régulation de cesdispositifs innovants : leur évaluation reste àconstruire.

L’évaluation des impacts territoriaux des poli-tiques publiques conduites par l’État est cer-tainement première. On ne saurait pourtantoublier l’évaluationdespolitiquespubliquescor-respondant aux politiques décentralisées,peu ou pas évaluées si ce n’est par le biaisde l’évaluation obligatoire desContrats dePlan(ou de Projets) État / Région, qui est menée demanière assez formelle. Il existe pourtant déjàdes politiques éducatives locales dont l’ambi-tion se déploie jusqu’aux limites de la pédago-gie, au point de voir les frontières commencerà se lézarder, sans omettre les Plans Régionauxde Développement des Formations (PRDF), quidéfinissent les stratégies applicables à laformation professionnelle, y compris dans sonversant enseignement professionnel sous sta-tut scolaire. Il existe également des politiqueséducatives locales, menées et financéesconjointement par l’État et les collectivités. Lesévaluations de l’exercice des compétencesdécentraliséesenmatièred’éducation, indispen-sables à terme, seront assurées, pour partie,sous la responsabilité des collectivités locales :elles impliquent pourtant un soutien méthodo-logique et logistique de la part de l’État, logi-quement apporté par ceux qui sont chargés, ausein de celui-ci, de la fonction d’évaluation.

Cette capacité d’évaluation en matière d’édu-cation doit avant tout être développée au seinde l’inspection générale, dont c’est unedesmis-sions statutaires. L’inspection générale disposeen effet de la «masse critique» essentielle enmatière d’évaluation. Elle a la connaissance,même partielle, des mises en œuvre de terrainet des initiatives locales. Elle dispose d’uneexpertise qui peut être désormais canalisée endirection de l’évaluation. Elle a l’indépendancequi est un préalable indispensable pour asseoirsa crédibilité, les rapports qu’elle réalise aujour-d’hui en font foi.

…qui doit avoir un impact sur les élémentsmajeurs de son identitéLa redéfinition de son rôle doit passer par uneaffirmation plus précise de ses missions enmatière d’évaluation, dans un cadre renouvelé.

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La légitimité de cette dimension doit être plei-nement reconnue, au même titre que les mis-sions disciplinaires. L’inspection générale, surla base d’une formation initiale ou continue deses membres, doit pouvoir conduire des mis-sions d’audit systémique au plan des politiquesnationales d’éducation, des stratégies acadé-miques, des établissements et unités d’ensei-gnement et apporter une contribution décisiveà toutes les phases et les dimensions du pro-cessus d’évaluation.

L’évaluation n’est pas unemission aisée à réali-ser : elle implique lamaîtrise de techniques spé-cifiques, en articulation avec la DEPP, de façonàcequecelle-ci puisse produire les indicateursles plus pertinents pour l’ensemble des acteurset évaluer les actions en cours ou réalisées.Mais l’évaluation des politiques publiques n’estpas une pratique parfaitement codifiée. C’estune activité difficile, qui met en jeu la clarifica-tion d’objectifs, unedémarchedeconnaissanceet de rigueur, des protocoles nécessairementévolutifs mais respectés, la prise en compted’attentes souvent contradictoires entre lesélusnationaux et locaux, les décideursministériels,les personnels d’enseignement et d’éducation,voire les parents d’élèves et les élèves.

Il y a, dans ce domaine, des acquis. Qu’ils éma-nent des universités, françaises ou étrangères,de certains corps d’inspection et de contrôled’autres ministères ou d’organismes d’audits,voire d’organisations internationales, l’inspec-tion générale doit s’approprier les approcheset lesméthodes retenuesdansd’autres cadres,enpercevoir lesmérites, les limiteset lesdéfautspour élaborer son propre corpus d’instrumentsd’évaluation.

C’est donc une activité exigeante en expertisequi a un caractère «professionnel» spécifique.Dès lors, l’organisation de l’inspection géné-rale devrait évoluer, des inspecteurs généraux(IGEN et IGAENR) devant réaliser cesmissionssur une base pluriannuelle, en se consacrant àplein temps à cette fonction. Compte tenu descontraintes de technicité, ceci implique qu’une

fractionducorps s’y consacrependant quelquesannées, ne pouvant plus, dès lors, réaliser demissions strictement disciplinaires ou de mis-sions de contrôle.

Ceci implique également que les inspecteursgénéraux reçoivent tousune formationaux tech-niques d’évaluation (initiale pour les nouveauxrecrutés, continue pour les autres). Les recru-tements à venir devraient s’opérer sur la basede profils dont la définition ne se limite pas auxmissions disciplinaires ou aux besoins exclu-sifs des groupes, pour l’IGEN, aux fonctions decontrôle normatif (administratif et financier)pour l’IGAENR.

C’est à ce prix que, d’une part, le ministère del’Éducation nationale sera en situation deconserver la maîtrise de la définition et de lamise enœuvre de ses propres politiques et que,d’autre part, il pourra demanière effectivemet-tre son pilotage enharmonie avec les nouveauxmodes de régulation d’un État appelé à deve-nir plus stratège etmoins commandant en chefd’une organisation dont il ne maîtrise qu’unepetite partie du fonctionnement réel.

Et comment ne pas mentionner la légitimitéaccrue dont bénéficierait l’inspection géné-rale, voire la prise en charge d’une missionqui enrichirait sensiblement le sens de sonaction?

Ces considérations laissent entières des ques-tions majeures : à qui les évaluations peuvent-elles être destinées? Comment prendre encompte les acquis des élèves? Comment éta-blir une ligne de partage claire entre les activi-tés d’évaluation de la DEPP et les missionsd’évaluation qui pourraient être confiées àl’inspection générale? Comment faire en sorteque les résultats des évaluations soient inté-grés à l’action des personnels de l’Éducationnationale, enseignants et non-enseignants, per-sonnels d’encadrement, de direction, d’éduca-tion? Comment faire en sorte pour que de tellesévaluations profitent aux élèves et non uni-quement aux pilotes de l’institution?

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Les réponses à ces questions, qui ne peuvent,pour l’essentiel, résulter que d’arbitrages doi-vent suivre la décision politiquedont l’urgenceapparaît clairement. Le Président de laRépublique l’affirmait il y a quelques semai-nesà l’occasiondubicentenaire des recteurs :«Relever cedouble défi -démocratisation, élé-vation du niveau général - exige que l’Éduca-tionnationale entre résolument dans la culturede l’évaluation et du résultat. C’est absolu-ment capital. »20 Cette exigence s’inscrit dansunmouvement que l’on peut qualifier d’histo-rique, tant il rompt avec le modèle étatiquefrançais, hiérarchique et centralisé. Il a étéapprouvé par la quasi-totalité des élus de laNation lorsde l’adoptionde la LOLF, issued’une

proposition de loi que le gouvernement a plei-nement approuvée21.

L’agenda politique appelle, à terme assez bref,la création d’un dispositif national d’évaluationdes politiques publiques. Les évaluations, danscertains domaines et sur certains sujets, peu-vent être conjointes avec d’autres corpsd’inspection, français ou, pourquoi pas, euro-péens. L’évaluation doit toujours être conçuedemanièreouverte et plurielle.Mais il est impor-tant que l’Éducation nationale, compte tenu dela spécificité de ses missions, de ses objectifs,de ses personnels, en conserve la maîtrise afinde pouvoir faire prévaloir efficacité et équité ausein des politiques qu’elle mène. �

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(1) Jean-Gustave Padioleau, Une piété française : « la réforme de l’État», in : Le Débat n° 119, mars-avril 2002, pp. 20-34.

(2) Les deux inspections générales sont ici considérées dans leur unité, aussi restreinte soit-elle ; dans certains développements,elles sont considérées spécifiquement.

(3) Jacques Chevallier, L’État post-moderne, LGDJ, 2003, p.66.

(4) Depuis la fin des années 1990, environ 80 % des fonctionnaires britanniques du Civil Service travaillent dans quelques170 agences.

(5) Nathalie Mons, Les nouvelles politiques éducatives, PUF, 2007, p.1.

(6) Ces nouvelles politiques trouvent leur source dans le constat des défaillances de l’État-enseignant jugé rigide, impersonnel,inefficient et insuffisamment efficace pour résoudre les problèmes nés de la faiblesse des acquis académiques des élèveset de la persistance de l’échec scolaire.

(7) Dont la sociologie de l’éducation a montré les limites.

(8) Christian Forestier, Égalité ou compétition? L’impact des comparaisons internationales, in : Pouvoirs n° 122, 2007, p. 117.

(9) Outre les travaux de l’Inspection Générale dus au regretté Pierre Renaudineau et à Bernard Simler, on peut renvoyerà la synthèse – très problématisée – due à Jean-Richard Cytermann : Les grands choix ministériels autour de la LOLF :architecture, objectifs, indicateurs et modes de pilotage, in : Administration et Éducation, 2007, n° 1, pp. 19-32.

(10) Rappelons que les recteurs sont responsables des Budgets Opérationnels de Programme (BOP), à l’exception de celui quiconcerne l’enseignement privé.

(11) En cinq années d’exercice des fonctions de recteur, je n’ai jamais été questionné par quiconque au ministère sur la stratégieacadémique ou sur l’intégration dans cette stratégie de la logique de performance.

(12) Dominique Antoine, dans un entretien qui figure dans : Administration et Éducation, 2007, n° 1, pp. 33-34

(13) Le terme « discipline » s’applique tant à des champs conceptuels de l’enseignement qu’à certains domaines de l’éducation,tels la vie scolaire, dont l’importance n’est plus à démontrer.

(14) Qui ne peut être donnée que par les décideurs politiques.

(15) Nous n’évoquerons pas ici les tentatives de création d’inspecteurs généraux directeurs de la pédagogie en académie,expérience insuffisamment concluante pour qu’on en décide la généralisation.

(16) Terme trompeur, s’agissant en fait de l’évaluation du pilotage territorial de l’Éducation nationale.

(17) Christian Forestier, op. cit. p.119

(18) Les difficultés de conception de cette notion en éducation sont réelles : Roger-François Gauthier, Quelle évaluation du systèmeéducatif ?, in : Cahiers français n° 344, mai-juin 2008, pp. 27-28

(19) Lignes écrites sans illusions, le temps politique n’étant guère en phase avec le temps de l’éducation et de l’évaluation.On peut cependant avancer en ce sens…

(20) Discours du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, le 2 juin 2008

(21) Le gouvernement dirigé par Lionel Jospin avait adhéré fortement à cette démarche, renforçant les prérogatives de contrôleparlementaire sur l’élaboration et l’exécution des lois de finances.

(22) On peut rappeler que l’Espagne s’est dotée d’une agence nationale d’évaluation des politiques publiques, l’AEVAL.

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Les derniers mois ont été marqués par uneintense activité dans le domaine de l’éva-luationdespolitiquespubliques. Succédant

aux audits de modernisation, la révision géné-rale des politiques publiques (RGPP) a certai-nement amplifié les effets de ces derniers surl’action des administrations de l’État,mais aussidans le champ particulier d’activité que repré-sente l’évaluation des politiques publiques. Parla simultanéité des thématiques abordées (l’en-semble des ministères et des politiquespubliques), par l’importance des équipesmobi-lisées et la composition de celles-ci (en parti-culier une présence très forte des cabinets deconsultants), cet exercice a vraisemblablementtransformé le paysage de l’évaluation des poli-tiques. Il a aussi induit des interrogations dansles organisations qui considèrent que l’évalua-tion est leur métier premier et éventuellementleurmétier d’avenir par rapport à celui du strictcontrôle, à savoir les corps d’inspection.

Cette interrogation nous paraît légitime et pasuniquement pourunemauvaise raison: la craintedeperdreune formedeprééminence, voire d’ex-clusivité dans l’évaluation des interventions del’État et le fonctionnement de ses organisations.

Légitime, car uncorpsd’inspection, commen’im-porte quelle organisation, doit se préoccuperde toute évolution de son environnement pro-fessionnel. Légitime, car la RGPPn’est pas sim-plement un moment particulier induit par unesituation budgétaire datée ou l’arrivée de nou-veaux acteurs au niveau le plus élevé de l’État.Elle est aussi très probablement la prise encompte, dans le champde l’évaluation des poli-tiques publiques, des transformations progres-sives des modes d’action publique et dumanagement public.

Les nouvelles formes des politiquespubliques et du management publicLa révision générale des politiques publiques,démarche qui n’est pas propre à la France etqui se pratique depuis environ dix ans dans detrès nombreux pays, constitue unedouble inter-rogation sur l’action de l’État :

> Que fait et que doit faire l’État? C'est-à-direquelles sont les missions dont l’État doit êtreresponsable? Quelles sont celles qui doiventêtre amplifiées, restreintes ou abandonnées?Quelles sont les nouvellesmissions dont il doitse saisir?

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Pol i t iques publ iques et évaluat ionBERNARD DIZAMBOURG, inspecteur général de l’administrationde l’Éducation nationale et de la Recherche

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> Comment mettre en œuvre ces missions?Directement par les administrations d’État oupar des opérateurs publics ou encore par desopérateurs privés?

Le premier niveau d’interrogation est d’ordrestratégique et vise à définir lesmétiers de l’État.Le second est d’ordre plus opératoire et intro-duit des interrogations en termes de qualité deprestations, de coûts et d’efficacité. Cette grilled’interrogation est déjà présente dans la LOLF,mais là où celle-ci prétend agir par une actionprogressive sur les acteurs publics et par uneexigence de résultats, les révisions de politiquepublique introduisent fréquemment des recom-positions d’ordre plus structurel, avec unevolonté de traduction plus rapide des choixdans l’action.

Si les problématiques de rationalisation demoyens ne sont pas absentes de ces proces-sus, d’autres éléments de contexte, tout aussipérennes, expliquent la généralisation de cesapproches dans les pays développés. Les exi-gences des usagers à l’égard de la qualité desprestations publiques et leurs insatisfactionsen sont unedes justifications. La relation consu-mériste de l’usager et son attente fréquented’une approche plus personnalisée s’observentdans de nombreux domaines de l’actionpublique. La complexité de l’action publique (enéducation, en santé, sur la grande pauvreté,etc.), qui nécessite d’agir sur des situationsrésultant de facteurs multidimensionnels, sup-pose des interventions transversales des com-posantes de l’État,mais aussi des coordinationsavec une grande variété d’acteurs. Enfin, l’ac-tion est fréquemment territorialisée. Ce «reca-drage spatial» permet une action plus efficace,mais il apparaît aussi comme une volonté departager les coûts et les risques d’interventioncomplexe et probablement comme une façonde relégitimer l’action publique, le proche étantimplicitement assimilé à une plus grande adap-tation à l’usager.

Globalement, dans tous les États, la frontièreentre l’action publique et celle d’acteurs privés

devient plus poreuse. CommeAndré Legrand lenote dans son introduction au numéro de larevuePolitiquesetManagement public1 consa-cré aux nouvelles figures et frontières dupublic,la frontière entre les deux mondes a toujoursété difficile à définir.Mais la diversité croissantedes acteurs privés, pas uniquement des entre-prises, mais aussi l’importance prise par lesacteurs associatifs ou encore l’existence deformes multiples d’opérateurs d’État à l’auto-nomie plus ou moins forte brouillent encoredavantage les repères. L’attente d’une plusgrande efficacité dans la mise en œuvre d’unepolitique publique incite à une diversificationdes acteurs de cette mise en œuvre : ici uneassociation dans le domaine de la grande pré-carité, ailleurs une entreprise pour insérer leschômeurs. Enfin, la confrontation avec d’autresmodèles nationaux d’organisation, en particu-lier européens, amène à voir autrement leconcept même de politique publique.

Dans ce contexte, l’action de l’État prendmoinsla formed’une intervention «hiérarchique», des-cendante et homogène où l’adaptation relèvede l’implicite. C’est au contraire sa capacité àmettre en relation les différents types d’acteurs,à les coordonner et les associer, y compris trèsen amont, dans la définition des politiquespubliques qui devient une exigence du mana-gement public moderne. Si le concept de gou-vernance à un sens, en opposition à celui plusanciendegouvernement, c’est bienàcet ensem-ble de compétences et de modes d’action d’unÉtatmoderne qu’il renvoie. Vision probablementidéalisée,mais qui donne l’orientation des trans-formations progressives qui structurent l’inter-vention publique.

Les nouvelles formes de l’évaluationIl nous semble que la transformation des poli-tiques publiques induit une évolution des appro-ches d’évaluation, dont la révision générale despolitiques publiques a été un révélateur et quiest probablement progressive, mais durable etprofonde. Cette inflexion concerne à la fois lesquestions envisagées, les méthodes, les orga-nisations prenant en charge les évaluations et

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la nature de la relation qui s’établit entre éva-luation et processus de changement.

Des questions nouvellesLe premier élément de rupture, notamment parrapport à des approches plus habituelles tellesque celles mises en œuvre par les corpsd’inspection, est l’importance centrale des usa-gers dans l’analyse. La façon dont l’actionpublique répond de façon efficace à l’attentedes usagers, par ailleurs non homogènes, estle premier critère de jugement revendiquéd’unepolitique publique.

La justification de celle-ci est, en effet, de créerde la valeur au sens où l’action publique doitconvertir des ressources en effets positifs pourles usagers et ce de la façon la plus optimisée :lemaximumde valeur créée pour l’usager pourle minimum de ressources mobilisées. Cetteanalyse amène à distinguer dans les organisa-tions qui produisent l’action publique les com-posantes directement créatrices de valeur (leséquipes de recherche et les unités de forma-tion pour uneuniversité) et celles qui sont consi-déréescommedes fonctions supports (servicesfinanciers, logistique, ressources humaines parexemple) et qui ont une contribution indirecte.Faire entrer ces composantes-supports dansune logique d’efficacité suppose d’apprécier lanature des usagers (clients des prestations)internesouexternes, dedéfinir la naturede leursattentes, de chercher à clarifier l’impact sur lesfonctions « principales»deproductiondevaleur,autant de points à relier aux coûts associés.

Cette approche, dite de l’analyse de la valeur,courante dans le domaine du management,amène à distinguer les activités dites de cœurde métier que l’État doit maîtriser pour des rai-sons stratégiques et celles qui s’apprécientprincipalement en termes de coûts et d’effica-cité. Elle amène aussi à situer l’État dans unechaîne de création de valeur partagée avecd’autres intervenants dans l’action publique età réfléchir aux effets de levier que l’État peutrechercher avec ces derniers pour optimiserson efficacité à l’égard des usagers.

Prenons un exemple : la loi donne désormaisune responsabilité aux universités dans l’in-sertion professionnelle. Si cette fonction estdéjà assurée par les universités pour les filiè-res professionnaliséesàpetit flux, elle est beau-coupplus difficile à atteindre pour desétudiantsde formations généralistes à forts effectifs.L’université peut donc avoir intérêt à s’associeravec des opérateurs publics spécialisés surl’insertion professionnelle,mais aussi à recher-cher des partenariats avec des opérateurs pri-vés, par exemple des entreprises de travailtemporaire, afin de bénéficier d’effets de trans-ferts de compétences. A ce propos, il faut noterque l’approche d’évaluation est celle du dia-gnostic stratégique des organisations, qui agis-sent dans des environnementsmulti-acteurs. Ily a là une différence avec les démarches habi-tuelles d’évaluation des interventions de l’État,qui présupposent une position plus dominantede celui-ci vis-à-vis des autres acteurs.

Des inflexions de méthodesLe caractère plus diffus de la frontière entrepublic et privé et le fait que les problématiquesdemodernisationdes servicespublics seposentdansdes formes trèsprochesdansdenombreuxenvironnements nationaux incitent à procéderà des comparaisons systématiques dans le pro-cessus d’évaluation et à faire de celles-ci unedes bases du diagnostic. Le «benchmarking»avec des organisations non publiques ou avecdes pays étrangers devient une pratique régu-lière là où la connaissance d’un milieu et sacompréhension étaient revendiquées commeune qualité première pour évaluer. Ainsi, pourredéfinir le rôle de l’État désormais confrontéavec des universités plus autonomes, l’analysede la gestion hospitalière ou l’étude de modè-les étrangers en matière de conduite de poli-tiqueuniversitaire permettent d’élargir le champdes réflexions.

Le deuxième critère distinctif de cette nouvellepratique est d’associer de façon plus systéma-tique le diagnostic à des scénarios d’évolutionde la politique publique analysée. Là où l’équiped’évaluation présentait des conclusions et des

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recommandations, le processus propose destransformationsdansdes vuesplus systémiqueset globales.

La troisième exigence est d’associer à chaquephase, diagnostic et scénarios d’évolution, desévaluations en termes de coûts, si possible encoûts complets. Lorsque l’on connaît la péné-tration encore insuffisante de la comptabilitéanalytique dans les organisations publiques,tout particulièrement dans le secteur de l’édu-cation, cela suppose une maîtrise importantedu retraitement de l’information.

De nouvelles organisations d’évaluationLa volonté d’évaluer de façon systémique, enprenant en compte l’ensemble des acteurs etde façon rapide, pour éviter de diluer l’évalua-tion dans le temps, suppose de focaliser desressources importantes sur une période don-née. De plus, la capacité à s’appuyer sur desressources pluridisciplinaires, pouvant capita-liser la connaissance d’environnements diver-sifiés pour favoriser des transferts deméthodesdevient un atout aussi important que la connais-sance plus interne du milieu concerné parl’évaluation.

La mobilisation de savoirs externes à l’équiped’évaluation est aussi un moyen d’accroîtrecelle-ci et de rendre plus rapide la productionde l’évaluation. La compétence à repérer cetteinformation, à la synthétiser, voire la possibilitéde sous-traiter une partie de la production d’in-formation (ce qui suppose des budgets pour lefinancer) sont aussi des atouts. Enfin, baserl’évaluation sur une information diversifiéesuppose d’utiliser des cadres de restitution decelle-ci qui favorisent une réappropriation parle décideur et qui soient, si possible, articuléssur les cadres conceptuels qui sous-tendentl’analyse.

Si l’on considère que ces différents points sontpertinents, la forte importance prise par descabinets de consultants dans des dispositifsd’audits et d’évaluation de politiques publiquesn’est pas très surprenante : leur possibilité de

mobiliser deséquipes larges, leur connaissanced’environnements diversifiés, environnementsétrangers compris, permise par la force duréseau que représente un grand cabinet, leurcapacité à rendre une information utilisable parune présentation synthétique, mais aussi l’uti-lisation qu’ils font des concepts provenant dela recherche en management pour structurerles analyses, forment au fond un mélanged’efficacité, de théorisationminimaleet decapa-cité de synthèse assez séduisant pour des déci-deurs.

Notons que les dispositifs d’évaluation laissentpour l’instant peu de place à la présence desparties prenantes autres que l’État : pas sim-plement enanalysant leurs contributionset leursinteractions avec l’État dans les politiquespubliques;mais aussi enassurant leur présencedans ledispositif d’évaluation lui-même. La trans-formationdespolitiquespubliques sembleappe-ler cette présence. On peut constater que cetteexigence est une des normes de compositiondes organes d’évaluation des politiques uni-versitaires en Europe ; la participation de repré-sentants du monde économique et social etmême des étudiants va de soi.

Évaluation et mise en œuvre du changementL’undesaspects communsauxaudits demoder-nisation et à la révision des politiques publiquesest la définition d’un plan dit de transformation.Au-delà du vocable, l’idée prévaut de plus enplus que l’évaluation doit être appropriée parles acteurs (question qui pose celle de leur pré-sencedés l’évaluation elle-même) et qu’elle doitse prolonger par un accompagnement du chan-gement. La tendance est parfois de considérerqu’il s’agit là d’une responsabilité des ministè-res eux-mêmes et que les équipes d’évalua-teurs ne doivent avoir aucune responsabilité etaucune contribution dans cette phase.

Toutefois, si l’action de l’État est mise enœuvrepar un grand nombre d’acteurs déconcentréset d’opérateurs, ce besoin d’accompagnementsuppose une démultiplication forte et il peutalors être difficilement assuré par les seules

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équipes des ministères. La sollicitation éven-tuelle des équipesmobilisées pour l’évaluationse repose. De plus la présence des évaluateursdans cette seconde phase peut se justifier parl’opportunité d’accroître la pertinence des éva-luations par une confrontation aux aspectsconcrets d’un processus de changement. Lafrontière entre l’évaluation et la participationactive à la transformation d’une politiquepublique est moins rigide.

Si ces constats sont partagés, il me semble queles corps d’inspection doivent les traduire sousla forme de quelques orientations minimalespour l’organisation de leur travail collectif :> favoriser le plus possible le travail commun àplusieurs inspections, pour favoriser les trans-ferts de problématiques et deméthodes entredes contextes professionnels différents ;

> appuyer le travail d’évaluation sur des cadresd’évaluation formalisés (référentiels, guidesd’évaluation), spécifiques aumilieu concernéou provenant d’un effort de réadaptation decadres plus généraux ;

> réaliser un effort de formation important desmembres des corps d’inspection pour garan-tir la cohérence des interventions et l’actua-lisation des méthodologies d’intervention ;

> conceptualiser les enseignements générauxqui peuvent être tirés des évaluations parti-culières, pour contribuer à la diffusion denou-veaux modèles organisationnels dans leurchamp d’intervention ;

> promouvoir une appréciation positive descorps d’inspection qui ne soit pas la simplesommation des reconnaissances individuel-les, mais le produit d’une intelligencecollective. �

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(1) « Public : nouvelles figures, nouvelles frontières » - Politiques et Management Public – volume 25, n° 3, septembre 2007.

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La France et l ’Europe - Retourd’Edimbourg . . .FRANÇOISE MALLET, inspectrice générale de l’administrationde l’Éducation nationale et de la Recherche

Le déroulement d’un séminaire européenconstitue un bon révélateur des spécifici-tés françaises. La Standing International

Conferenceof Inspectorates (SICI) est uneasso-ciation regroupant les inspections scolairesd’une vingtaine de pays européens. Elle a pourobjectif de favoriser des échangesde réflexionset de bonnes pratiques entre les inspecteursdes pays membres. Elle organisait en juin der-nier une conférence à Edimbourg sur le thèmesuivant : «Nouvelles approches de l’évaluationdes établissements scolaires et formation pro-fessionnelle des inspecteurs».

Il y avait une certaine diversité dans les dix-huitinspections présentes à Edimbourg. Ainsi lesAnglais étaient représentés au niveau nationalpar l’Office for Standards in Education (Ofsted),les Écossais par l’inspection d’Écosse HerMajesty’s Inspectorate of Education (HMIE), lesAllemands par l’inspection d’un Land, en l’oc-currence le Land de Hesse, les Portugais à lafois par l’inspection générale et l’inspection dedeux régions autonomes, les Belges par deux

inspecteurs, l’un flamand, l’autre francophone.Plus original, les Lituaniens avaient envoyé ladirectrice de l’Agence nationale de l’évaluationdes établissements scolaires, une structure dis-tinctede l’inspection lituanienne, et lesRoumainsle président de l’Agence roumaine pour l’assu-rance qualité dans l’enseignement scolaire, làencore une structure distincte de l’inspectionroumaine.

Malgré leur diversité de statut, toutes ces per-sonnes avaient un point commun : elles pas-saient l’essentiel de leur temps à inspecter ouà piloter des inspections d’établissements sco-laires. Par « inspection d’établissements sco-laires» ( school inspection ), il faut entendre uneprocédure globale d’évaluation des établisse-ments : la qualité de l’enseignement dans tousles champs disciplinaires, la qualité de la ges-tion et de la direction de l’établissement, l’évo-lution des résultats des élèves.

La plupart des pays procèdent à ce type d’éva-luation depuis plusieurs annéeset l’objet du col-

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loque était de permettre des échanges sur lesmanières de rendre ces inspections plus effi-caces. D’où les problématiques traitées dansles ateliers : « comment constituer les équipesd’évaluateurs?» ; « comment former les inspec-teurs pour rendre les évaluations d’établisse-ment plus efficaces?» ; «comment former desévaluateurs externes?» ; «comment définir uneassurance-qualité pour l’enseignement sco-laire?» ; «comment améliorer la méthodologieutiliséepour l’inspectiondesétablissements?».

Le «décalage» de la FranceL’inspecteur général venant de France ressentrapidement le caractère très décalé de sa pré-senceaumilieu d’une telle assemblée. Il écouteavec attention les collègues, sans pouvoir par-ticiper à leurs débats, dans un relatif isolementculturel franco-français.

En effet, quelles «bonnes pratiques» d’évalua-tiond’établissementsprésenter auxautrespays,quand en France l’inspection générale n’en faitpas et les inspections territoriales non plus, dumoins pas avec un tel degré d’exigence et d’ex-haustivité? Quelle contribution apporter à laréflexion sur l’assurance-qualité dans les éco-les, alors qu’il n’a jamais utilisé ce concept?Comment participer à un débat sur le rôlerespectif de l’évaluation externe, de l’évalua-tion interne et du contrôle qualité, alors que sesactivités d’inspecteur en France dans le champde l’enseignementscolairene luiontpermisnidepratiquer ni d’observer ce type de procédures?

Que dire à ceux qui, ayant fini un cycle d’éva-luation des écoles de leur pays, réfléchissentà la manière de faire évoluer leurs inspectionspour tenir compte des conclusions de leur pré-cédente évaluation?

Comment expliquer l’importance des tâches degestion ou d’aide à la gestion assumées par lesinspecteurs généraux (carrières, mouvement,concours, examens…) à des interlocuteurss’avouant sincèrement surpris que la France«en soit encore là»?Du reste, comment ne pasvoir que notre organisation globale paraît assez

opaque vue de l’étranger et que la coexistencede deux inspections générales (IGEN, IGAENR)interroge sur la nature même de nos travaux?

Peut-être plus encore que l’isolement desinspections générales françaises, c’est l’isole-ment de la politique éducative française quiapparaît dans ces débats européens, les deuxphénomènes étant évidemment liés.

En effet, si les inspecteurs présents au sémi-naire ont pour mission principale d’évaluerla qualité de l’enseignement effectivementdispensé dans les établissements scolaires, etdonc d’évaluer ceux-ci un à un, c’est parce queles lois de leur pays leur ont explicitementdemandé de le faire.

Et ceci parce qu’un peu partout en Europe s’estimposée l’idée que la qualité de l’enseignementest d’abord l’affaire des établissements eux-mêmes. Les établissements disposant d’unedose d’autonomie pédagogique et budgétairedoivent s’employer à tirer le meilleur parti deleurs ressources et de leurs élèves, quelle quesoit la situation de départ de ces derniers.

Des inspecteurs sont chargés de vérifier la qua-lité du service rendu aux usagers. Ils doivents’assurer que les établissements font de leurmieux pour faire progresser leurs élèves et aubesoin ils reviennent vérifier, au bout d’un cer-tain temps, que la situation s’est améliorée à lasuite de l’inspection. Dans de nombreux pays,les inspecteurs rendent publique l’évaluationdesétablissements afin d’en rendre compte auxfamilles qui y scolarisent leurs enfants.

La France n’a pas la même position sur laresponsabilité des établissements scolaires,sur la mission des inspecteurs, sur l’informa-tion des familles. Il y a dix ans, ce «modèleanglais» s’est imposéenEspagneet auPortugal,qui ont voté des lois «sur la qualité de l’ensei-gnement», après s’être interrogés sur différentsmodèles éducatifs. Ce modèle s’est aussi plusou moins étendu aux nouvelles républiquesd’Europe de l’Est. Aujourd’hui, même avec des

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nuances, la communautéde langagedes inspec-teurs des autres pays européens est assezimpressionnante : à l’heure où la France parlebeaucoup d’Europe, il faut mesurer qu’uneconvergence de vues existe plus qu’on ne croiten matière éducative, mais qu’elle ne s’établitpas autour de notre spécificité française,laquelle ne fait d’ailleurs pas rêver grandmonde.

Un résumé succinct de quelques uns des expo-sés entendus à Edimbourg permet d’illustrer lepropos.

Le rôle de l’inspection écossaiseLecredode laHMIE, l’inspectiongénérale écos-saise, est depuis longtemps le même: le sys-tème éducatif doit tendre vers l’ «excellence».Les établissements ne sont pas classés encaté-gories comme en Angleterre, mais il est impor-tant que chacun d’eux fasse de sonmieux avecles ressources et les élèves qui sont les siens.Les inspecteurs sont chargés de garantir et depromouvoir une qualité toujours plus grande del’enseignement, école par école, EPLEpar EPLE,et ils ensont responsablesmoinsdevant leminis-tre que devant les familles.

Une précision sémantique s’impose : « l’excel-lence» ne veut pas dire « la perfection» ; l’ex-cellence est un concept relatif, signifiant quechaqueécoledoit faire de sonmieuxpour attein-dre les meilleurs résultats possibles comptetenu de sa situation : les écoles en grave diffi-culté doivent devenir «acceptables», lesmédio-cres doivent devenir «bonnes» et les bonnes«excellentes».

L’inspection signale autant les points forts queles points faibles desétablissements, car ils ser-vent d’appui pour progresser. Il faut apporterdes réponses « locales et flexibles». Les éco-les ont de l’autonomie, car ce sont elles qui sontresponsables de la qualité de l’enseignement.

La qualité de l’enseignement fait l’objet d’unrapport que les établissements ont l’obligationde produire chaque année et sur lequel lesparents d’élèves sont consultés. L’inspection

générale n’est pas tant dans une position decontrôle que dans une position d’aide aux éta-blissements pour qu’ils améliorent leur ensei-gnement. D’où la nature des questions qui seposent à la HMIE : que faut-il évaluer dans lesécoles et les EPLE? Comment aider les établis-sements à s’auto-évaluer et à construire leurexpertise pédagogique? Comment leur per-mettre de progresser?

Cependant,mêmesi l’autoévaluation est impor-tante, l’évaluation externe et le jugement desfamilles restent fondamentaux. Les écoles onten effet souvent tendance à se surestimer(«self evaluation is also illusion»). D’oùune sériede questions : quelles écoles cibler? Comment«proportionner» l’inspection à la situation desécoles? Comment associer les familles à cetteévaluation et comment écrire pour être com-pris par elles (tous les rapports d’inspection sontpublics)…

Cela fait vingt ans que la HMIE conduit un tra-vail sur la qualité de l’enseignement, l’autoé-valuation et le rôle de l’inspection générale. Lesindicateurs de qualité et les guidesméthodolo-giques des inspecteurs sont connus de tous ; ledocument d’auto-évaluation «How good is ourschool?» est en la possessionde toutes les éco-les ; on en est à la troisièmeédition. Récemmentun site «Journeys to excellence» a été ouvertpour donner des idées aux écoles ; on y trouveentre autres quatre cents séquences de clas-ses filmées, mises en ligne et indexées.Une mine d’enseignements pour tous lespédagogues…

Le développement professionneldes inspecteurs écossaisL’objet de la présentation portait sur un pointparticulier de la formation professionnelle desinspecteurs : la conduite des entretiens dansles établissements, car «c’est facile de faire unguide d’évaluation, mais c’est difficile de ren-dre la pratique d’évaluation efficace».

Le responsable de la formation des inspecteursécossais présentait à Edimbourg la démarche

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initiée l’an dernier. Pour améliorer l’efficacitéde leurs entretiens d’évaluation, les inspecteurssont d’abord invités à s’auto-évaluer. Puis ilsrencontrent un formateur/coach. Lesprincipauxdéfauts sont le manque d’écoute constructiveet uneconduite d’entretien trop stressante pourleschefsd’établissement. L’intervenant aensuitedétaillé lesmesuresmises en place pour remé-dier aux défauts des uns et des autres, dont lerecours à un cabinet de psychologie (séancesfilmées à l’appui).

Ce dispositif spécifique s’ajoute aux autresmoyensconsacrésà la professionnalisation desinspecteurs (environ 100HMIE, 500 inspecteursassociés, 30 inspecteurs honoraires). Lesinspecteurs sont pour l’essentiel d’anciens pro-fesseurs, qui interviennent en équipes pluri-disciplinaires pour couvrir les différents champsde l’audit. Au moment du recrutement, ils ontune période de formation et d’essai de six moisà un an ; l’objectif est de former ces (très bons)professeurs pour qu’ils connaissent les préoc-cupations qui ne sont pas celles de leur disci-pline et qu’ils apprennent à maîtriser lesméthodes d’audit. Il y a ensuite des séminairesdeux fois par an et des conférences sur desthèmesprécis. Il existe enfin une formation par-ticulière pour les « inspecteurs associés», quisont des professeurs intégrés à mi-temps auxéquipes d’inspection, afin de compléter l’ex-pertise de celles-ci sur certains points.

La formation des évaluateurs externesen LituanieLa directrice de la Division de la formation etde l’accréditation des auditeurs externes aexposé la politique que conduit la Lituanie pourpasser d’une inspectionorganisée sur lemodèlesoviétique à une inspection organisée sur lemodèle écossais. («Merci aux Écossais et auxAnglais qui sont venus aider la Lituanie aprèsson indépendance en 1990»). La directrice ainsisté sur le changement culturel que celareprésentait : il s’agit de «passer du contrôle,de la méfiance, de l’opinion personnelle et del’obéissance, à une culture de l’amélioration dela qualité de l’enseignement, de l’autonomie

et de la décision fondée sur la preuve et lesrésultats».

Pour l’instant, les deux cultures et les deux sys-tèmes coexistent encore et cette situation estcompliquée à gérer. Il y a encore des inspec-teurs à l’ancienne, qui ont du mal à évoluer etrefusent de passer la nouvelle accréditation.Mais les Lituaniens recrutent désormais desévaluateurs externes, formés et accrédités paruneAgencenationale pour l’évaluation deséta-blissements scolaires, créée en 2005.

La formation des évaluateurs dure de six à neufmois (sur lemodèle écossais) et l’accréditationtrois ans ; 120 auditeurs ont été recrutés, il enfaudrait 270. Ce ne sont pas des fonctionnaires,ils sont proches des enseignants. Il y a trois gra-des d’auditeurs : évaluateur, tuteur, chef d’é-quipe ; on peut faire une carrière d’évaluateur.Les audits se font en équipe pluridisciplinaire,sur la base d’une autoévaluation. La méthodo-logie d’autoévaluation a été publiée en 2007.

Formation et développement professionneldes évaluateurs externes en RoumanieLe directeur de l’Agence roumaine pourl’Assurance Qualité dans l’Enseignementscolaire (ARACIP) a d’abord souligné la faiblequalité de l’enseignement en Roumanie. Lapopulation a été habituée à obéir passivementet la culture doit donc évoluer pour que lesfamilles comprennent l’enjeu de la qualité del’enseignement. Les inspecteurs, au nombre de800, ont une «mentalité très démodée, man-quent d’humilité, critiquent toujours ce qu’ilsvoient dans les écoles, se prennent pour lespatrons des écoles». Tout ceci est difficile àchanger.

Une loi sur la qualité de l’enseignement a étévotée ; des instances ont été créées, dontl’ARACIP, qui est responsable de l’accrédita-tion et de la formation des évaluateurs exter-nes. D’autres instances d’évaluation existent,dont l’inspection traditionnelle, qui est chargéedu contrôle, et une Commission pour l’assu-rance qualité et l’évaluation (CQAE), qui est

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chargée de l’évaluation interne. Il semble quela CQAE produise des outils pour améliorer laqualité de l’enseignement, alors que l’ARACIPest un organismedecontrôle externe de la qua-lité. Ce contrôle se fait au regard de normes deréférence, avec des outilsméthodologiques quis’améliorent sans cesse. Des calculs de plus-value à la française sont utilisés. Les rapportssont publics, mais les écoles ne sont pasclassées.

L’intervenant a insisté sur le fait qu’enRoumanie,les évaluateurs externes produisent une éva-luation de l’établissement en référence à desnormesdequalité,mais ne font jamais de recom-mandations. En effet, selon les normes ISO, ilne faut pas mélanger l’évaluation et la recom-mandation. Les évaluateurs externes, qui ne tra-vaillent pasauquotidiendans lesétablissementsscolaires, sont jugés inaptes pour faire desrecommandations sur ce qu’il faut changer àl’intérieur de ceux-ci. C’est aux établisse-ments eux-mêmesdebâtir un plan d’action, auxprofesseurs d’y réfléchir, sans attendre d’ins-tructions comme ils en ont l’habitude. Les éta-blissements sont à nouveau évalués au bout decinq ans.

Les évaluateurs externes sont d’anciens pro-fesseurs qui sont sélectionnés, formés pendantun an sur le plan théorique et pratique, rééva-lués au bout d’un an, puis soumis à une éva-luation annuelle. Il y a 175 évaluateurs externes,il en faudrait 600.

Nouvelles approches de la progressiondes établissements en ÉcosseUne inspectrice de la HMIE a centré son pro-pos sur le renouvellement de la procédured’inspection des établissements. Celle-ci resteentièrement guidée par le souci d’apporter lemeilleur service possible aux élèves. Commetous les établissements ont déjà été évalués,l’approche consiste désormais à «proportion-ner» l’inspection à la situation de chacun d’eux.

L’intervenante a présenté les nouveautés de laméthode, qui s’apparente à une «riposte gra-

duée». Des critères définissant l’ampleur del’inspection à conduire ont été définis ainsi quele type de conséquences à tirer de l’inspection.Par exemple lorsque l’évaluation n’est pas satis-faisante, l’inspection peut revenir troismois plustard pour examiner la situation etmêmeencoreultérieurement si cela s’avère nécessaire ; aubout de deux ans, une nouvelle inspection esteffectuée. En revanche, dans d’autres établis-sements, il n’y a pas besoin d’une visite appro-fondie et l’équipe d’inspecteurs ne revient pasavant plusieurs années.

Un autre des rôles desHMIE est d’inspecter lesautorités locales. La loi confie à ces dernièresla mission de vérifier la qualité des établisse-ments de leur ressort et de leur fournir l’aidenécessaire. L’inspection écossaise évalue lacapacité desautorités éducatives locales àbienfaire leur travail ; un quart d’entre elles sontjugées sous-performantes.

Nouveau développementde l’inspection en AngleterreUne première intervenante a présenté la réor-ganisation de l’Ofsted. En 2007, le gouvernementbritannique a décidé la fusion de quatre inspec-tions générales au sein de l’Ofsted, dont lechamp s’étend désormais à tous les servicesde l’enfance: écoles, crèches, services sociaux,centres de placement…. L’objectif est de faci-liter la vie des organismes contrôlés et d’amé-liorer l’efficacité globale des corps de contrôle,car de nombreux organismes étaient soumis aucontrôle d’inspections différentes qui n’utili-saient pas les mêmes référentiels d’inspectionet n’aboutissaient pas toujours aux mêmesconclusions. Ce travail s’accompagne de laréduction d’un tiers des effectifs et doit êtreconduit en l’espace d’un an. C’est un chantier«herculéen», car il faut définir des principesd’évaluation communs puis harmoniser…trente référentiels d’inspection différents.

Une deuxième intervenante a présenté les évo-lutions plus spécifiques de l’inspection des éta-blissements scolaires. En Angleterre, c’est laloi qui définit la mission des inspecteurs, et qui

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leur demandedeprocéder à l’évaluationde l’en-seignement dans tous les établissements sco-laires. Or il est prévu que cette loi soit modifiéeen 2009. L’Ofsted conduit donc un travail pré-paratoire à cette révision législative et a ouvertà ce sujet une consultation grand public sur leweb.

De son côté, l’Ofsted réfléchit aux inflexionsqu’il lui paraîtrait souhaitable d’envisager ; parexemple : qu’il n’y ait plus aucune inspectionpar discipline (en réalité cette pratique est déjàabandonnée), que l’auto-évaluation des éta-blissements soit renforcée, que l’ampleur del’inspection soit «proportionnée» à la situationdes établissements, qu’un document de resti-tution aux parents soit explicitement prévu, queles critères de performance soient mieux défi-nis et expliqués, que l’objectif de la démarchesoit désormais de parvenir à une augmentationdu nombre des établissements jugés «bons»et « remarquables» (les établissements sontrangés selon quatre niveaux de performance :

insatisfaisant, satisfaisant, bon, remarquable ;la proportion actuelle est de 6% d’insatisfai-sants, 34% de satisfaisants, 46% de bons, 14%de remarquables ; elle est appelée à évoluer).L’Ofsted envisage de tester ces principes nou-veaux lors d’inspections-pilotes qu’elle mène-rait de l’été 2008 au printemps 2009. Elle seraainsi en mesure de faire des propositions augouvernement au moment du vote de la loi surl’Éducation.

D’un séminaire à l’autreDe retour d’Edimbourg, l’inspecteur généralfrançais médite. Par sa taille, son histoire, sestraditions, la France ne se compare pas avecbeaucoup des pays cités ci-dessus. Mais laconfrontation des pratiques professionnellesest toujours intéressante, parfois déstabilisante.Réjouissons-nous qu’un nouveau séminaire surle même sujet réunisse les inspecteurs de laSICI cet automne, mais en France cette fois,avec une participation plus large des collèguesfrançais… �

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Inspecteurs générauxet savoirs sur l ‘École : l ’urgenced’un nouveau posit ionnementROGER-FRANÇOIS GAUTHIER, inspecteur général de l’administrationde l’Éducation nationale et de la Recherche

Longtemps, les connaissances sur l’Écolen’eurent guèrequ’un seul «client», qui étaitl’État, et un seul fournisseur, qui était encore

l’État. Désormais, il y a et il y aura des clientsplus nombreux : usagers, organisations inter-nationales, collectivités locales, pilotes desdifférents niveaux et même acteurs des éta-blissements scolaires, lorsque ceux-ci entre-ront dans des perspectives d’autoévaluation. Ily a et il y aura aussi des fournisseurs plus divers,variant selon le produit commandé: savoirs desdifférentes disciplines (notamment les scien-ceshumaines) ou synthèsesempruntant àdiverschamps ; savoirs plutôt spéculatifs ou plutôtorientés vers la recherchede l’efficacité; savoirsissus de connaissances de terrain ou informésdes expériences étrangères ; savoirs dont l’ac-cès est public ou limité à ceux qui en finance-ront la production etc.

L’objet de cet article est de se demander quelleest la place des inspections générales dans

cette nouvelle configuration. Quel est le rapportentre l’exercicedes fonctions d’inspecteur géné-ral et cessavoirs relatifs à l’Écoleoususceptiblesde contribuer à son amélioration? Comment cerapport peut-il évoluer et comment l’apprécier?

Nous employons ici le termede « savoirs» avecdeux idéesen tête. La première est qu’uneques-tion relative à des savoirs peut ne pas laissertotalement insensibles les acteurs de l’Éduca-tion nationale ; la secondequecette notion s’op-pose, alors que chaque usager de l’École a sabesace pleine de certitudes, à d’autres ensem-bles comme l’opinion, les idéologies des cor-porations, des partis, des syndicats, des églisesou des lobbies ou encore le discours desmédias, qui privilégie souvent le sensationnelet l’éphémère et se trouve souvent rejoint encela par celui des politiques.

Tous les inspecteurs s’accorderont peut-êtreau moins sur ce fait qu’il existe de meilleurs

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instruments pour appréhender l’École quel’opinion, le discours des syndicats oudesasso-ciations, les attendusdesdécideurs ou les argu-mentaires des médias et qu’ils sont interpellésen permanence, au coeur de leur métier, parcet écart entre les certitudes qui courent et lesréalités qui résistent.

Fonction ou onction? Une certainereprésentation des savoirs sur l’ÉcolePour autant, demander quels sont les savoirsacquis par un inspecteur général pour assumersa fonction, puis mobilisés et produits dansl’exercice de sonmétier peut paraître uneques-tion saugrenue. En quoi celui-ci se définirait-ilpar un champ spécifique de savoirs? Par unrapport spécifiqueaveccertains savoirs?Poserce type de question ne signifie-t-il pas d’abordque celui qui la risque n’a rien compris à unefonction qui s’exerce davantage à proximité duroi1, c’est-à-dire aujourd’hui duministre, que duphilosophe?

On s’accordera pourtant facilement à considé-rer qu’un inspecteur général - à l’Éducationnationale qui plus est - ne peut pas ne pas avoirquelque réponse à la question de son rapportau savoir et aux savoirs qu’il mobilise.Même sila fonction officielle de contrôle, qui a été domi-nante depuis l’origine pour l’inspection, n’in-terrogeait pas vraiment sur cette question (oncontrôle en effet à partir d’une norme, pas d’unsavoir), il était toutefois plus ou moins sous-entendu que l’inspecteur recruté avait eu anté-rieurement un parcours académique, puis avaitprogressivement gagné la confiance desresponsables de l’institution, dans des condi-tions telles qu’on pouvait lui faire le crédit d’uneexpérience et d’une vue distanciée.

Quasi-religieux, s’exerçant parfois dans desrituels qui tenaient plus du toucher des écrouel-les que demodalités plus scientifiques, le pou-voir de l’inspecteur général tenait au fond dediverses « onctions» qui, quoique en partieissues de savoirs académiques, n’en consti-tuaient pas pour autant une référence à tel outel savoir spécifique qui aurait désigné le corps.

De plus, le rôle de personnaged’influencedont,à tort ou à raison, on l’a souvent crédité aussine l’a pas non plus prédisposé à une explici-tation de ses savoirs de référence.

Au fond, qu’il s’agisse du spécialiste d’un ensei-gnement disciplinaire ou d’un expert enmatièremanagériale, budgétaire ou comptable, on nedemandait traditionnellement et formellementpas à un inspecteur général d’avoir d’autresconnaissances que celles d’un excellent pro-fessionnel du ou des métiers qu’il était censécontrôler : d’où la proximité « paternelle» desinspecteurs, pour éviter une épithète plus cri-tique, vis-à-vis des corps professionnels enquestion, proximité dont on ne s’est jamais vrai-ment demandé si elle servait l’innovation et l’ef-ficacité du système.

Au-delà de la problématique de la seule inspec-tion générale, nous sommes peut-être là enprésence d’un des traits spécifiques de l’orga-nisation des services d’Éducation nationalequ’on retrouve peu ou prou dans bien des pays.Parce qu’elle est chargée de la diffusion desavoirs, dont on oublie parfois de rappeler qu’ils’agit de la catégorie spécifique des savoirs«scolaires», l’Éducation nationale s’estime sou-vent quitte d’une réflexion sur les différentesmodalités de rapport aux savoirs construitespar les différents acteurs. L’ancienne etregrettée directrice duBureau international del’éducation de Genève, l’argentine CeciliaBraslavski, critiquait la recherche par les insti-tutions éducatives de ce qu’elle appelaitl’ «homothétie» entre l’organisation des savoirsenseignés aux élèves et celle des savoirs desenseignants.

Ne peut-on se demander si l’inspection géné-rale a suffisamment ouexplicitement veillé dansl’histoire à être autre chose qu’un étage de plusdans ces reflets homothétiques, qu’elle contri-buait dès lors à construire en abyme? N’a-t-elle pas fondé son activité et son pouvoir surcette ambiguïté entre, d’une part, la parfaitemaîtrise, tenuepour acquise, de savoirs banals,en tous cas partagés avec les corporations

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qu’elle contrôlait, guidait, conseillait, formait ourecrutait2 et, d’autre part, une habileté rusée àla médiation entre pouvoir politique et acteursde terrain?

Ce schémaad’ailleurs fonctionné longtemps etil ne s’agit pas ici de le condamner sans appel :il a permis et permet encore parfois de mobili-ser des réseaux de connivences profession-nelles d’un bout à l’autre de la pyramide dedécision, ce dont il ne faut sans doute pas fairebon marché. Toutefois, aucune professionn’étant définie pour l’éternité, il est sans doutelégitimede sedemander comment soncontexted’exercice évolue dans le temps.

Au cours des dernières décennies, les ques-tions d’éducation n’ont pas échappéàplusieursévolutions des sociétés développées. Y voientle jour et se consomment quantités de savoirsempruntés à des sources de plus en plus nom-breuses et diversifiées3. C’est ainsi, d’une part,qu’un ensemble disparate de savoirs sur l’Écoleest aujourd’hui disponible, en provenanced’unevariété inédite d’acteurs, mais, d’autre part,qu’ont émergé un ensemble de questions surl’École qui n’étaient pas posées naguère. Cecimodifie inévitablement la position de chacun etconduit à se demander si l’inspection ne doitpas prendre plus explicitement la mesure deces changements et en tirer un certain nombrede conséquences.

Les connaissances relatives à l’École :un bouillonnement de questions toutes jeunesL’idée qu’il existerait un déficit de savoirs rela-tifs à l’École n’est pas nouvelle. Dès les années1970, l’émergence des problématiques d’éva-luation résultait de ce constat et avait déjà posédes questions dérangeantes aux inspecteursgénéraux. Elle impliquait, en effet, qu’ils sortis-sent de leur traditionnelle «division du travail »,en particulier disciplinaire, afin de répondre àdes questions posées à la globalité du fonc-tionnement d’un système éducatif. De la mêmefaçon, quand le gouvernement socialiste arrivéau pouvoir en 1981 voulut dresser un état deslieux de l’École, il commanda des rapports à dif-

férents chercheurs (Louis Legrand pour le col-lège, Antoine Prost pour le lycée, etc.), témoi-gnant en cela d’un besoin de connaissancessur l’École qui en d’autres temps se fût satisfaitde la prose d’inspecteurs généraux.

Ces questions d’évaluation du fonctionnementdu système sont récentes à l’échelle de l’his-toire de l’École. Le sont plus encore celles por-tant sur ses «résultats», notion à la mode qui,en matière d’éducation, eût mérité des analy-ses préalables qui n’eurent pas lieu4. Dans lesdeux cas, on a toutefois l’impression que, faceà ce bouillonnement de demandes en termesde connaissances sur l’École, les inspectionsgénérales se sont positionnées plutôt au couppar coup, sans vision peut-être suffisammentlarge et prospective d’un vaste mouvement entrain de prendre forme.

En termesde réponseàcette demande, unedesplus remarquables a consisté dans la produc-tion de données et d’interprétations de ces don-nées par le pouvoir administrativo-politique.Ainsi, dans le contexte d’inquiétude sur l’effi-cacité des politiques qui se fait jour dans lesdeux dernières décennies du siècle, est crééeen 1987 une direction du ministère qui, dans latraditioncolbertiste, vaproduireunsavoir essen-tiellement statistique sur l’École : la DEP5, deve-nue la DEPP, dont les publications (L’état del’école, La géographie de l’école), élevées aurang de «classiques», ont connu une granderenommée en France et à l’étranger.

Or si des inspecteurs généraux ont fréquem-ment été associés aux groupes de travailpréalables à différents travaux de la DEPP, s’ilsont appris à se servir de certains indicateursmis au point par cette direction et en ont étésouvent les porteurs, plus rares en revancheont été pour eux les occasions d’intervenir enamont sur les travaux que la DEP décidait deconduire, plus rares encore celles où ils étaientécoutés. L’inspection semble avoir joué unecarte decoexistencepacifique avec les travauxde la DEPP au cours des dernières décennies6,sans que la question de la combinaison, voire

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de lacomplémentaritédesregardsdesdeux insti-tutions et des savoirs produits par elles soit véri-tablementclarifiée.Ànoterque laDEPPestsurtoutrestée dans le cadre de travaux qu’elle affichaitelle-même comme descriptifs, fournissant desmatériaux auxévaluateurs et chercheurs. Elle a,de fait, judicieusement construit un espace d’in-teraction avec la recherche en éducation et,parfois, assuré aussi une intermédiation entreles chercheurs et les inspecteurs généraux, enles conduisant au moins à faire connaissance,sinon à découvrir leur existence réciproque.

Les savoirs produits par des organismes àinscription «politique» ne se sont pas limitésaux publications de la DEP. Dans les mêmesannées, certaines organisations internationa-les, au premier rang desquelles l’OCDE, se sontmises à produire des savoirs sur l’École, parexemple au travers des enquêtes de typePISA.Là encore, certains inspecteurs généraux sontimpliquésdanscegenrede travauxet les autresinformésdes résultats ;mais on nepeut pas direqu’on soit au clair sur le rapport qui se cons-truit entre les savoirs PISA et les savoirs pro-fessionnels des inspecteurs généraux. On neserait pas surpris outre mesure que ce soit defaçon essentiellement personnelle et du coupfort disparate que les inspecteurs, quand ils enparlent avec les acteurs de terrain, s’exprimentsur le contenu et les conséquences à tirer deces enquêtes internationales. Malgré les tra-vaux de quelques collègues, il n’est pas exces-sif de dire que ce savoir international n’a pasjusqu’ici fait l’objet d’un positionnement ni d’unemédiation quelque peu systématique de la partde l’inspection.

Il convient d’ajouter que le contexte de décon-centration (on évoquera plus loin celui de ladécentralisation) dans lequel s’est installé lesystèmeéducatif français a également fait naî-tre un besoin de savoirs nouveaux : les servi-ces statistiques des académies ont été ainsiproducteurs de données dont, jusqu’à une daterécente, la DEPP faisait peu la synthèse et dontles inspections générales étaient informées defaçon assez aléatoire. Il faut malgré tout noter

que, dans le cadre de l’opération d’évaluationdes académies, les inspections générales ontelles-mêmes produit des savoirs d’un certaintype relatifs au terrain et qu’en ce cas, il y a euappel à l’ensemble des données qui pouvaientêtre disponibles.

L’appétit de savoirs sur l’École a pris encored’autres formes, toujours au sein de l’institu-tion ou à sa marge. Faut-il rappeler le rôle émi-nent qu’a joué, pendant des années, sous lesprésidences successives de Claude Thélot etde Christian Forestier, le Haut conseil de l’éva-luation? Il s’agissait vraiment d’une instancene travaillant pas sur l’École,mais sur les savoirsrelatifs à celle-ci et ce dans une recherche deconsensus, y compris avec les partenaires syn-dicaux et, bien sûr, nombre de chercheurs.Quelques une de ses séances, où chacun sor-tait de ses certitudes pour approcher un ques-tionnement sur la réalité, ont été exemplaires.On peut toutefois se souvenir que ni l’inspec-tion générale, ni la DEP - qui vécut d’ailleursassezmal la concurrenceduHaut conseil - n’ontsemblé vraiment parties prenantes decedispo-sitif, dont l’existence brillante posait pourtanten creux la question de façon forte : que deve-naient dans tout cela les savoirs et l’expertisede l’inspectiongénérale, auxquels nombred’ac-teurs, surtout sur le terrain, gardaient pourtantl’habitude de se référer?

Il conviendrait aussi d’analyser le positionne-ment en termes d’expertise du Haut conseil del’éducation7 à qui, depuis 2006, il est demandéde produire des avis préalables à des textes dehaut niveau juridique et symbolique (tel celuisur le socle commun de connaissances et decompétences),mais aussi des rapports sur l’étatde l’École. Est-ce forcer la réalité que de direque l’inspection générale n’est pas là non plusdans un positionnement facile quant au statutde ses productions et de son expertise8.

Enfin, le savoir faisant naître la curiosité, le pro-cessus va d’autant plus se poursuivre que l’onse trouve dans une phase de décentralisationet de diversification des acteurs. Croire que la

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décentralisation enmatière d’éducation,mêmesi elle avance lentement, puisse ne rien chan-ger en termes de demande de savoirs est illu-soire. Les parents d’élèves, notamment, neresteront pas toujours aussi sages qu’ils le sonten n’exigeant aucune évaluation des établis-sementsoùsont inscrits leurs enfants.D’ailleurs,ne peut-on penser que chacun aurait intérêt,surtout dans un contexte de gommage de lacarte scolaire, à ce que la connaissance surl’établissement scolaire offerte aux usagerscesse d’être principalement alimentée par larumeur du café du commerce?

«Savoirs d’État» et «sciencesde l’éducation» : beaucoup d’évitements,trop peu de synergiesOna surtout parlé jusqu’ici de «savoirs d’État»,produits par une institution qui, déjà, malgré satraditioncentraliséeoupour s’enprotéger, donneune idée confuse des modalités de productiondes savoirs sur l’École.

Toutefois, en dehors de cette production insti-tutionnelle de savoirs, c’est d’abord et surtoutaudéveloppement des scienceshumainesqu’ondoit, partout dans le monde, l’enrichissementconsidérable des savoirs disponibles surl’École. La sociologie de l’éducation, son éco-nomie, sa philosophie, les savoirs issus de sonhistoire, ceux provenant de l’éducation com-parée, les neurosciences, la psychologie, ladidactique générale ou disciplinaire : nombreuxsont les angles de production de savoir, sou-vent regroupés sous l’intitulé de sciences del’éducation, qui sont désormais disponibles eten développement rapide, de plus en plus à uneéchelle internationale.

Il y a là profusion, et comme il y a profusion, ily a vertige devant le choix et besoin d’une aideau repérage.

Unepremière caractéristique française decetteproduction de savoirs par les chercheurs surl’École est qu’il n’existe guère dans notre paysde lien, en termes d’origine et de carrière, entreles chercheurs et les cadres de l’éducation, qu’il

s’agisse de l’administration ou de l’inspectiongénérale.Dansd’autrespays, lesallerset retoursne sont pas rares entre des fonctions de cher-cheurs et des fonctions dans l’administrationde l’École ou, quand ce type de structure existe,dans l’inspection générale. Force est de cons-tater qu’en France l’institution se tient relative-ment à l’écart de ces savoirs, qui sont rarementtenus comme indispensables pour le recrute-ment dans l’un des métiers de l’éducation etappartiennent tout aussi rarement à la culturede l’encadrement : combien de recteurs sont-ils issus des sciences de l’éducation ou de l’unedes sciences produisant des savoirs sur l’Écoleou les apprentissages?

L’ESEN9 a bien réussi depuis plusieurs annéesà s’ouvrir aux chercheurs et aux savoirs uni-versitaires. L’INRP10, de son côté, entretient uneveille scientifique et technologique, dont l’ob-jectif est bien de tendre des passerelles entrele monde de la recherche et celui de l’éduca-tion, mais ceci reste encore d’un impact limité.Pourtant, les inspecteurs généraux devraientbien s’interroger sur la différence existant entreles modes de travail de la rue de Grenelleet ceux adoptés à l’Inspection générale desfinances et à la Cour des Comptes, où l’appelaux chercheurs, y compris dans le secteur del’éducation, est fréquent et en train de s’orga-niser de façon structurée.

S’agissant des rapports entre les inspectionsgénérales et les chercheurs, le tableaudes rela-tions ne peut qu’être contrasté, puisqu’il s’estconstruit de façon aléatoire.

Faut-il voir la situation de façon optimiste, enmettant en avant le fait que beaucoup d’inspec-teurs généraux sont d’assidus lecteurs des tra-vaux de chercheurs et ne sauraient imaginerleur travail sans recours à ces travaux, quecertains sont associés depuis longtemps à deséquipes de recherche et qu’ils sont aussi régu-lièrement porteurs de travaux de chercheurssur le terrain, où ils les retrouvent souvent? Oubien faut-il rappeler le point de vue parfois par-tagé parmi les inspecteurs généraux, à savoir

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que certains travaux de chercheurs font dansle pointillisme, qu’ils montent en épingle desobservations souvent très parcellaires ouencore qu’ils se complaisent parfois trop exclu-sivement dans le quantitatif ? Et pourquoi tairele fait que l’ignorance de beaucoup de ces tra-vaux rejoint le mépris dans lequel sont souventencore tenues en France, y compris au sein del’institution, les sciences de l’éducation dansleur ensemble?

Quant aux chercheurs, s’ils ont fait parfois del’inspection un de leurs objets de recherche,(qu’on songe aux travaux de ChristianMaroy11,Xavier Pons12 ou d’Anton De Grauwe13), leurpoint de vue hésite aussi entre la distance iro-nique (les travaux de l’inspection étant paressence non scientifiques, voire préscienti-fiques et même douteux par essence en raisondu positionnement institutionnel des inspec-tions) et l’interrogation sur le statut des pro-ductions des inspections générales, auxquellesils reconnaissent des qualités, en ne sachanttoutefois pas comment les traiter dans lesbibliographies14!

Pour un nouveau positionnementde l’inspection en matière de savoirs sur l’École:creusement des avantages comparatifset appel méthodique à la rechercheuniversitaireIl est certain que l’appétit des connaissancesrelativesà l’École continueradecroître aucoursdes prochaines années, dans des directionsdiversifiées, et qu’il sera fait appel à des appro-ches et à des talents multiples. Dans un telcontexte, il semble important que les inspec-tions générales soient plus auclair sur la natureet le sens de leur participation à cette efflo-rescence. Pour y parvenir, il faut d’abord qu’el-les aient conscience de leurs acquis, de leursatouts et de leurs limites en ce domaine.

Les acquis et les atouts sont évidents, depuisdes opérations déjà anciennes, comme, parexemple, les cent collèges, jusqu’à nombre detravaux récents qui montrent l’amélioration deses méthodes de travail. L’inspection générale

a évolué dans son rapport aux savoirs surl’École, ceux qu’elle utilise commeceux qu’elleproduit. On peut en prendre pour preuvesl’élaboration d’uncertain nombrededocumentsméthodologiques, notamment ceuxde l’IGAENR,l’explicitation de ses problématiques de travail,sa préoccupationpour le choix deséchantillons,son ouverture aux travaux des chercheurs ouencore la préoccupation de la formation conti-nue de ses membres aux connaissances nou-velles. De lamême façon, la capacité de l’IGENàmobiliser et à faire remonter des observationsfines du terrain via l’appel aux compétencesdes IPR et des IEN est sans doute assezirremplaçable et sans équivalent, encoreque susceptible d’être améliorée au planméthodologique.

Toutefois, les limites actuelles sont tout aussiévidentes. En conclusion de ses rapportsd’évaluation des académies, l’inspection géné-rale a ainsi pu constater la qualité encore insuf-fisante de son approche des territoires. Maison peut également mettre en avant chez ellel’inexistence de procédures régulières d’éva-luation des établissements scolaires permet-tant la production de savoirs comparables entrecesétablissements ; la faiblessede la prise d’in-formations internationales sur beaucoup desujets où il faudrait sans doute pouvoir dispo-ser demoyens spécifiques ; les limites quant aurepérage et à la validation des innovations, tantpédagogiques qu’administratives ; ou encoreune participation insuffisante à la définition dece qu’on convient d’appeler les résultats desélèves15.

Les atouts sont donc aussi prometteurs que leslacunes sont graves et il y a matière à s’inter-roger sur la valorisation accrue des premierset sur le caractère indépassable des secondes.Mais le paysage n’est pas vide, on l’a vu, et lesera de moins en moins. Là encore, quelquesréflexions simples peuvent peut-être servird’amorce :> On peut sans doute imaginer le système édu-catif français sans inspection générale, voiresans corps d’inspection du tout : là où c’est le

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cas, d’autres régulations interviennent, quiont d’autres avantages et d’autres inconvé-nients, et la production des savoirs sur l’Écoles’y fait aussi différemment. Mais n’est-il paspréférable que la nature, la qualité et les limi-tesdessavoirs sur l’Écoleproduits par l’inspec-tion générale soient mieux définies, à partirdu repérage de ses avantages comparatifs etpar rapport auxautresproducteursdesavoirs?Il semble nécessaire de réfléchir à ces avan-tages comparatifs, qui sont nombreux : uneconnaissance de la complexité d’un systèmeque les autres étudient souvent en se limitantà certains de ses traits ; un positionnement«en synthèse» devant des acteurs qui ledemandent ; une conscience des contraintesde la décision administrativo-politique enmême temps qu’une préoccupation perma-nente de l’amélioration des choses ; enfin unebonne connaissance du territoire national etun accès permanent aux innombrables ter-rains de l’école.

> Sans doute faut-il voir plus loin. S’agissant dela diversité desécoles, des expériencespéda-gogiques ou administratives qui peuvent êtredesgisementsd’idées, le regarddesmembresd’un corps centralisé n’a pas et n’aura pas lacontinuité sur tel ou tel site qui leur permet-trait d’évaluer la pertinence d’une pratique àpartir de ses résultats. Les inspecteurs terri-toriaux étant eux-mêmes souvent impliquésdans les expérimentations, donc peudestinésà les évaluer, il serait souhaitable que lesinspections puissent mobiliser des équipesdechercheurs susceptiblesdemettreenplacedes évaluations longues, comme celle que lelaboratoire Théodile de Lille 3 a pu mettre enoeuvre16. Il y aurait là, de toute évidence, unbesoin de production de savoirs sur les expé-riences quimarchent, auquel il faudrait cons-

truire les réponses appropriées, par exemplevia l’INRP, autour des inspections générales.

> Enfin, l’inspection générale est dans uneposi-tion irremplaçable non seulement pour éta-blir une interface entre les acteurs qu’ellefréquente au quotidien et les résultats de larecherche,mais aussi pour faire part auxcher-cheurs des besoins de l’éducation en termesdeconnaissancessur l’École.Onpourrait doncimaginer que, directement ou par l’intermé-diaire de l’INRP17, elle tisse des liens avec lesdifférents laboratoires opérant enmatière desavoirs sur l’École, à la fois pour susciter desconférences de consensus, pour concourir àla diffusion de ces savoirs auprès des acteursde terrain et pour orienter certains appelsd’offres.

La question des connaissances disponibles surl’École est aujourd’hui devenue une questionstratégique. Aussi l’inspection générale devrait-elle prendre l’initiative de se la poser afin des’adapter aux changements et, autant que pos-sible, de permettre à l’institution de bien lesgérer. Certes la fonction qui est la sienne n’estpas celle de la recherche. Son objectif n’estpas, comme celle-ci, la seule production deconnaissances, mais également l’aide à l’amé-lioration de l’École et la recherche de qualité.Il n’en reste pas moins que, pour toutes les rai-sons qui viennent d’être exprimées, son posi-tionnement institutionnel et symbolique à venirsera fortement lié à la façon dont elle se situesur la carte de circulation des connaissancessur l’École. Et gageons pour finir que si, dansces évolutions, la distance entre l’inspectiongénérale et le pouvoir politique était appelée àêtre reconsidérée, on peut raisonnablementpenser qu’en termes d’efficacité l’École n’aurarien à regretter… �

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(1) En en étant parfois selon certaines formules un des organes des sens démultiplié, «œil», «oreille» ou « voix » du ministre!On a dans le même sens parlé parfois des inspecteurs généraux comme de missi dominici, ce qui les rapproche peut-êtredu rénovateur carolingien de l’école, mais ne leur attribue pour autant pas de statut intellectuel !

(2) De même qu’on a parfois pu décrire les professeurs comme d’anciens bons élèves, ne pourrait-on décrire les inspecteursgénéraux comme d’anciens excellents élèves? Ce qui n’est pas qu’une critique!

(3) Autre sens de la «société de la connaissance».

(4) Avec Anne-Marie Bardi et quelques autres collègues, c’est bien cette analyse que nous avons à peine initiéedans Les acquis des élèves, pierre de touche de la valeur de l’école?, rapport rendu en 2005.

(5) «Direction de l’évaluation et de la prospective», éléments auxquels s’est jointe plus récemment la «performance»,qui donnera au sigle son P supplémentaire.

(6) Les travaux de la DEPP ont au fil des années occupé un terrain majeur dans la production des savoirs sur l’École,ce qui a pu être critiqué, notamment par Franck Poupeau, qui attirait l’attention de la communauté scientifique sur les risquesde la «sociologie d’Etat».

(7) L’auteur de ces lignes a eu récemment à expliquer à un de ses interlocuteurs dans une langue étrangère qui n’a pas d’étatsd’âme sur la place des adjectifs qualificatifs que le Haut conseil de l’éducation n’avait rien à voir avec le Conseil supérieurde l’éducation…

(8) Exemple : en quoi les inspecteurs généraux sont-ils porteurs des idées du Haut conseil quand ils sont dans un établissementscolaire et qu’on les interroge à leur sujet? Et même les connaissent-ils?

(9) Ecole supérieure de l’éducation nationale, sise à Poitiers

(10) Institut national de recherche pédagogique, localisé à Lyon.

(11) Christian Maroy, École, régulation et marché, 2006, PUF.

(12) Xavier Pons, Evaluation and State Sciences: Old Professions versus a New Regulation Tool? The Case of Evaluation of theFrench Education system, CEVIPOF-CNRS, Sciences-Po Paris, France.

(13) Anton De Grauwe, thèse de doctorat, sous la dir. d’Agnès Van Zanten, 2006, disponible en ligne.

(14) Un rapport de l’inspection générale a-t-il , par exemple, un auteur identifiable ou bien émane-t-il du collectif indifférencié IGENou IGAENR? Les deux positions peuvent se défendre (encore faudrait-il en débattre!), mais en sachant que chaque solutionapportée a ses contraintes.

(15) Voir note 4

(16) Voir, ici sous le seul angle méthodologique : Yves REUTER (dir.) : Une école Freinet, Fonctionnements et effets d’une pédagogiealternative en milieu populaire, Paris, 2007, L’Harmattan, 255 p.

(17) Qu’on pourrait aussi rattacher aux inspections générales, ce qui clarifierait le paysage.

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Les audits d’universi té dans le cadrede la Loi LRU : un tournant pour l‘ IGAENRdans l ‘enseignement supérieurPASCAL AIMÉ, inspecteur général de l’administrationde l’Éducation nationale et de la Recherche

La loi LRU: une étape décisive pourrapprocher les universités françaises desstandards internationauxLa loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative auxlibertés et responsabilités des universités (LRU)introduit deschangementsmajeursdans le fonc-tionnement des établissements publics à carac-tère scientifique, culturel et professionnel(EPSCP), qu’il s’agisse de leur mode de gou-vernance, avec le resserrement de la compo-sition de leur conseil d’administration ; dunouveaumode d’élection des présidents d’uni-versité et du renforcement de leur pouvoir ; del’adoption d’un nouveau régime budgétaire etfinancier ; de lamodificationprofondedesmodesde recrutement des enseignants-chercheurset, au-delà, d'une plus grande autonomie enmatière de gestion des ressources humaines(modulationdesservicesd’enseignement, recru-tement d’enseignants-chercheurs contractuels,primes et dispositifs d’intéressement) ou enfinde l’allègement des procédures en matière de

prise de participation ou de création de filialeset de fondations universitaires.La loi prévoit que, dans un délai de cinq ans àcompter de sa publication, toutes les universi-tés, sans qu’un calendrier spécifique soit fixéen lamatière, bénéficieront denouvelles respon-sabilités en matière budgétaire et de gestiondes ressources humaines et que l’État pourratransférer aux universités qui en feront lademande la propriété des biens qui leur sontaffectés ou mis à leur disposition.La loi LRU constitue une évolution importantepar rapport aux textes législatifs antérieurs (1968et 1984). Elle consacre la montée en puissancedes universités comme opérateurs autonomesdu budget consacré par l’État à l’enseignementsupérieur et à la recherche. Elle reconnait à cesdernières une capacité à décider librement eninterne de leur organisation et des moyens àmettre en œuvre pour développer leur straté-gie en matière de formation et de recherche.Cette stratégie aura fait l’objet d’une évaluation

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menée par l’agence d’évaluation de la recher-che et de l’enseignement supérieur (AERES), àlaquelle le statut d’autorité administrative etindépendante confère une légitimité indénia-ble, et d’une négociation avec l’État dans lecadre d’un contrat quadriennal rénové. Elle est,de plus, articulée avec les dispositions de la loide programmepour la recherche votée en 2006.Dans un contexte de concurrence internatio-nale renforcée,mise en évidence par différentsclassements internationaux, Janez Potocnik1 aindiqué récemment que l’Union européenneréfléchissait à son propre classement, par lalibre circulation des étudiants et des person-nels,mais également par la communication quientoure dorénavant les indicateurs de publi-cations scientifiques. La loi LRU vise à rappro-cher les modes d’organisation des universitésfrançaises des standards européens etmondiaux.Le récent colloque organisé par la CPU àBruxelles du 2 au 4 avril 2008, sur le thème Lesuniversités européennes : nouvelles frontières,nouvelles perspectives, a permis de comparerle dispositif français à celui qui est en vigueuren Suisse, au Royaume-Uni, en Belgique et auDanemark. Au-delà des différences qui affec-tent chacun de ces systèmes, de nombreuxpoints de convergenceont étémis en évidence,parmi lesquels on notera la montée en puis-sance de l'autonomie des établissements d'en-seignement supérieur et de recherche, de leurimplication dans l'activité économique locale,mais également l'augmentation de la part desfinancements sur projets et des ressourcespropres.La loi LRU constitue un jalon supplémentairedéterminant dans l'évolution sans précédentqu’a connue l’université depuis trente ans.Rappelons que durant cette période, l’ensei-gnement supérieur français, au sein duquel lesuniversités tiennent uneplacemajeure, a relevéundéfi démographique inconnu jusqu’alorspuis-qu’il accueille aujourd’hui 2,2 millions d'étu-diants, soit le double qu’en 1980.Dès lors, comment se fait-il que la loi LRUappa-raisse comme un texte de rupture alors quel’université n’a cessé de se transformer?

Sans doute faut-il considérer que, pour la pre-mière fois depuis leur création en 1968, sousleur forme actuelle, et même si la loi de 1984 adéjà modifié les contours des EPSCP, la loi LRUconduit à une évolution très significative deséquilibres internes dans les établissements,qu’il s’agisse de l’équilibre entre niveau centralet composantes, du rapport entre enseignantset enseignants-chercheurs et représentants dela société civile ou des nouvelles responsabi-lités des présidents et de l’autonomie de ges-tion accrue dont ils sont désormais lesdépositaires.La nouvelle loi constitue une étape décisivedans l’émergence d‘établissements publicspivots de l'action publique en matière d'en-seignement supérieur et de recherche.L'importance que prend désormais l'effort deformation, de recherche et d’innovation dansl’avenir économique d’un pays explique engrande partie cette évolution.Le processus est aujourd’hui engagé. Les éta-blissements ont adopté leurs nouveaux statutset vingt d’entre eux bénéficieront, dès le 1er

janvier 2009, de libertés et de responsabilitésélargies.Le succès de la loi LRU est maintenant subor-donné à la capacité des équipes de directionnouvellement élues, le plus souvent confirmées,à conduire le changement, à entraîner l’en-semble de la communauté universitaire dont onsait qu’elle peut encore être réservée à cer-tains endroits, à faire émerger de véritables pro-jets stratégiques en termes de formation et derecherche, à impulser une politique de res-sourceshumaines favorisant l’excellencescien-tifique et l’attractivité, à diversifier les sourcesde financement ainsi qu’à exercer les nouvel-les responsabilités techniques conférées parla loi.La question des moyens qui seront consacréspar l'État à la réussite decettemutation est éga-lement, dans un contexte de tensions sur lesfinancespubliques, importante. Le tauxde finan-cement public par étudiant est en effet sensi-blement plus faible en France que dans lesautres pays européens. De plus, certains éta-blissements sont nettement moins bien dotés

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que d’autres et l’encadrement administratif ettechnique des universités est le plus souventinsuffisant quantitativement, voire qualitative-ment. Il ne faut donc pas éluder la question dela remise àniveaudesdotations financières desuniversités, surtout si l'on considère en paral-lèle la question de l'état général de leur patri-moine immobilier. Cet effort, d'ailleurs annoncépar l'État, devra s'accompagner d'une diversi-fication des sources de financement des éta-blissements, ce que la possibilité de créer desfondations devrait faciliter.

Les audits «préalables» de l’IGAENR:des plans d’action à la dispositiondes universités et du ministère pour faciliterla conduite du changementSoucieuse d’accompagner la mise en œuvredes dispositions prévues par la loi LRU, ValériePécresse,ministre de l’enseignement supérieuret de la recherche, a chargé l’inspection géné-rale de l’administration de l’Éducation nationaleet de la Recherche de réaliser un audit danschaque université, afin d’évaluer le degré depréparation des établissements à la prise encharge de ces nouvelles responsabilités et deleur proposer un plan d’action pour les aider àconduire les changements qui s’avéreraientnécessaires.Unguided’audit portant sur quatre thématiques2

essentielles dans le contexte de l'acquisitiondes compétences élargies a été réalisé parl'IGAENR et l'inspection générale des finances(IGF) dès l’automne 2007. Plus de quarante uni-versités devraient bénéficier d’un tel audit en 2008.Les premières constatations réalisées dans cecadre donnent des pistes de travail concrètessur les besoins des établissements.Schématiquement, ces constatations, qui por-tent sur une vingtaine d’établissements, fontnotamment apparaître que les logiques du bud-get global et du transfert de la masse salarialene sont pas encore totalement intégrées par leséquipes de direction (les marges de manœuvrebudgétairesde lagestiondes ressourceshumai-nes, leur impact sur lacapacitéd’investissementde l’établissement ne sont pasencoremaîtrisées).La réussite de l’action des universités est liée

à leur capacité à établir de nouveaux équilibresentre niveau central et composantes, à définirune stratégie et des objectifs politiques clairs,à mettre en œuvre un pilotage par la perfor-mance ainsi qu’une vision pluriannuelle de leuraction (ce qui implique d’abandonner progres-sivement les modes de répartition des moyensfondés uniquement sur la base de critères oula reconductiondesmodèlesde répartitiond’an-née en année), à dégager des marges demanœuvrepour accélérer la réalisation de leursprojets.Elle repose également sur la sécurisation et laformalisation des processus de gestion, laconsolidation des systèmes d’information, ledéveloppement de la capacité des équipes dedirection à gérer le changement et à mettre enœuvre un management par projet. Ces évolu-tions prendront du temps. Il faut l’accepter, toutcomme il faut probablement accepter l’idéequ’ici où là les choses puissent être difficiles.C’est cette idée d’apprentissage progressif quidoit guider le processus d’accompagnementdes universités, sans doute autour de troisséquences distinctes :> à court terme, la maîtrise de la masse sala-riale et des opérations de paye ;

> àmoyen terme, lacapacitéàutiliser lesmargesde manœuvre budgétaires liées notammentà la gestion des ressources humaines;

> la préparation de la dévolution du patrimoineimmobilier que la très grande majorité desétablissements ne semble pas en mesured’assumer à l’heure actuelle.

Mais - et l’IGAENR le mesure bien à l’occasiondesaudits qu’ellemène - le succèsde la réformepasse également par une évolution profonde durôle de la tutelle qui devra transformer sesformes d’intervention pour tenir compte del’émergence d’établissements d’enseignementsupérieur plus autonomeset plus responsables.Les directions générales du ministère de l’en-seignement supérieur et de la recherche, aupremier rang desquelles laDGRI et la DGES, ontdevant elles des chantiers qui sont au moinsaussi complexes que ceux que doivent menerles universités.

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La création de l’AERESad’ores et déjà très sen-siblement modifié le paysage, puisque cettedernière est désormais responsable notammentde l’évaluation de la qualité des activités de for-mation et de recherche des universités. Elleévalue également l’efficacité du fonctionne-ment et de la gestion de ces établissements, ceque ses homologues européens ne font passystématiquement.Parallèlement, le décret relatif au budget et aurégime financier des EPSCP bénéficiant desresponsabilités et des compétences élargiesprévoit de confier aux recteurs chanceliersdes universités la responsabilité du contrôlede légalité et, avec l’appui des trésoriers-payeurs généraux, du contrôle budgétaire deces établissements.Ce double contexte devrait donc amener laDGES à recentrer son activité autour de troismissions fondamentales : la conception despolitiques publiques et l’activité normative quien découle, le pilotage et l’accompagnementdes universités.

L’accompagnement et la préventiondes risques : un rôle profondément renouvelépour l’IGAENR dans l’enseignement supérieurLa question de l’accompagnement des univer-sités, à l’occasion du passage aux compéten-ces élargies et en régime de croisière estégalement primordiale. Un tournant majeur aété pris ence sens lorsque laministre enchargede l’enseignement supérieur et de la recher-che a demandé à l’inspection générale de l’ad-ministration de l’Éducation nationale et de laRecherche d'auditer les universités qui sou-haitent acquérir ces nouvelles compétences.Cette demande, qui privilégie la prévention desrisques, est novatrice, aussi bien pour les éta-blissements que pour l’inspection elle-même.Les universités bénéficient, au travers desaudits, d’un regard extérieur sur leurs modesde fonctionnement et développent, à partir desdocuments d’analyse conçus par l’IGAENR etl’IGF, leur capacité d’auto-évaluation.Elles disposent en fin d’audit d’un constat objec-tif sur leurs points d’appui ainsi que sur lesdomaines qui doivent faire l’objet d’évolutions.

Les présidents d’université eux-mêmes souli-gnent que lesplansd’actionétablis par l’IGAENRpar thématique constituent une feuille de routeparticulièrement utile, tout comme ils précisentque les audits favorisent, au sein de la com-munauté universitaire, la prise de consciencedes enjeux, pour préparer la prise des nouvel-les responsabilités et compétences élargies.Ces audits constituent également un tournantpour l’IGAENR. Si, depuis 1999, l’inscription offi-cielle de la recherche au titre des missions del’inspection générale a impulsé une évolutionqui n’a fait que se confirmer depuis, les auditsmarquent également une inflexion dans l’acti-vité de l’IGAENR. Cette dernière restait jusqu'àprésent marquée surtout par sa mission decontrôle3, même si des missions de conseilavaient déjà étémenées, par exemple pour éva-luer les dispositifs de simplifications adminis-tratives mis en place par le Commissariat àl’énergie atomique ou l'Institut national de larecherche agronomique.Le renforcement du rôle de conseil de l'IGAENRest également marqué par l’ampleur du pro-cessus d'audit engagé puisque, à terme, c’estl’ensemble des établissements d’enseignementsupérieur et de recherche qui aura été exper-tisé. L’IGAENR disposera, à travers cet exer-cice exhaustif inédit, d’une expérience et dedonnéesextrêmement précieuses, et sansdouteinégalées, sur les modes de fonctionnementdes EPSCP, qu’il conviendrait de faire vivre etde valoriser.Ce qui est également nouveau, outre le fait queles audits répondent à une demande ministé-rielle forte et font l'objet d'un accueil très favo-rable de la CPU, c’est le degré d’engagementde l’inspection générale dans cette opérationet, au-delà, dans l’enseignement supérieur. Surla première vague d’audits qui concernait unequarantaine d’établissements, ce sont 1 200jours-inspecteurs que l’IGAENR a consacrés àcettemission. Sur la seule année 2007-2008, lesdeux tiers des inspecteurs généraux aurontparticipé à au moins un audit.Cette expérience interpelle sur le rôle que doittenir, à terme, l’inspection générale enmatièred’enseignement supérieur. Doit-elle s’investir

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davantage dans l’accompagnement des uni-versités, lesquelles sont incontestablementdemandeuses, et c’est le signe de la réussite etde l’intérêt des audits, au détriment de sa fonc-tion de contrôle et au risque même de devoirévaluer demain des processus dont elle auraitelle-même recommandé la mise en place?Cette question fait aujourd’hui débat au sein ducorps. D’abord parce que l’activité déployéedans le domaine de l’enseignement supérieurnécessite de s’interroger sur l’équilibre qui doitêtre trouvé avec les thématiques propres à l’en-seignement scolaire4. Ensuite, parce que l’idéemême de développer la démarche d’accompa-gnement parallèlement auxmissions plus clas-siquesde l’inspectionouà leur détriment commele pensent certains, ne fait pas l’unanimité.Doit-on infléchir durablement lesmissionsdévo-lues à l’IGAENR sur la seule base d’un besoincertes très significatif, mais néanmoinsconjoncturel ? Quel pourra être le rôle d’ac-compagnement de l’inspection généralelorsque tous les audits préalables auront étéréalisés et que tous les établissements béné-ficieront des compétences élargies? Ne doit-on pas prendre en considération le fait que lesuccès actuel des audits est dû, certes, à laqualité du travail fourni par les inspecteursgénéraux, mais principalement à la légitimitépolitique que la ministre de l’enseignementsupérieur et de la rechercheaapportée àcetteopération?Toutes ces interrogations sont légitimes.Cependant, il convient également de prendreen compte l’évolution globale du contexte. Latendance, en France et à l’étranger, est à l’ex-ternalisation de l’évaluation. La création et lamontée enpuissance de l’AERESoudes dispo-sitifs européens vont incontestablement dansce sens. Dans un autre cadre, la revue géné-rale des politiques publiques a largement faitappel à des experts extérieurs issus du sec-teur privé. La certification des comptes des

universités par des experts comptables en est,dans un autre registre, une illustration.Dés lors que lemode d’évaluation externe auraacquis sa vitesse de croisière et sera devenu,enmatièrede formationet de recherche, le stan-dard européen, quel pourra être le champ d’in-vestigation et, peut-être, la légitimité, del’inspection générale dans ce domaine?Quellepourra être la visibilité des analyses réaliséespar l’IGAENRà la demande desministres à côtédes conclusions des experts nationaux etinternationaux ?Ces éléments plaident pour une évolution desmissions de l’inspection générale et pour ledéveloppement, au côté des missions tradi-tionnelles, d’une activité tournée vers l’accom-pagnement, la prévention des risques etl’évaluation des résultats obtenus. Différentespistes de réflexions doivent être suivies. Parexemple, peut-on imaginer que l’IGAENRpuisseêtre associée par l’AERES à l’évaluation desmodes de fonctionnement des EPSCP tandisque cette dernière, comme la plupart des agen-ces d’évaluation, se focaliserait sur l’évaluationdes politiques stratégiques et les résultats desétablissementset de leursunitésde recherche?L’émergence d’universités autonomes, respon-sables à part entière de leurs moyens, négo-ciant dans le cadre d’un contrat quadriennal etd’un dialogue de gestion rénovés avec leurtutelle et soumises au contrôle budgétaire del’État, aura nécessairement des incidences surles missions de l’IGAENR dans le supérieur.Le besoin de contrôle administratif existera tou-jours, mais l’affirmation d’opérateurs publicsautonomes renforcera le besoin d’accompa-gnement des établissements, d’évaluation del’efficacité des politiques publiquesmenées, deproposition d’évolutions dont le dispositif aurainévitablement à connaître. L’IGAENR a, à monsens, tout à gagner à être cet interlocuteur duministère, de l'AERES et des établissementsd’enseignement supérieur. �

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(1) Commissaire européen en charge de la science et de la recherche.

(2) Gestion budgétaire et financière, des ressources humaines, du patrimoine immobilier et des systèmes d’information.

(3) Deux articles du Code de l’Éducation définissent les missions de l’IGAENR: l’article 719-9 précise que « les EPSCP sont soumis aucontrôle administratif de l’IGAENR» et l’article 241-1 précise la mission d’évaluation des corps d’inspection. Le statut de l’IGAENRdatant de 1999 évoque, pour sa part, sa mission permanente de contrôle, d’étude, d’information, de conseil et d’évaluation.

(4) La création récente du groupe «enseignement scolaire» au sein de l’IGAENR est une première réponse à cette question.

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De la fonct ion au métier :une professionnal isat ion croissanteALAIN DULOT, inspecteur général de l’administration de l’Éducationnationale et de la Recherche

Longtemps, l’inspection générale a pu paraître extérieure, voire réfractaire àla notion d’évolution. Sa mission même de contrôle, consistant à vérifier labonne application de la norme, tendait à faire d’elle davantage un frein auchangement qu’un accélérateur. Tout est devenu différent dès lors qu’elle adébordé cette seule mission de contrôle pour entrer dans l’ère de l’évalua-tion. Mais sur ce terrain-là, l’inspection générale n’est pas seule et se trouveconfrontée à de nouveaux défis.

Riom-ès-Montagnes (Cantal), 1970. Dansle collège de la bourgade, qui accueilleencore des internes, «au petit déjeuner

on offre aux enfants café au lait avec beurreou confiture. Au goûter, on trouve chocolat oupâtes de fruits ou fromageavecboissonchaudeen hiver, fraîche en été». L’inspecteur général(igaen1) en mission dans ces hautes terres estpeut-être un fin gourmet. Il prend plaisir en toutcas à décrire par le menu – si l’on ose dire – laqualité des mets servis à la cantine : «asper-ges saucemousseline, riz pilaf, quiches lorrai-nes, choux-fleurs, pommes de terre en saucebéchamel, glaces»…Étrangement, l’émotion n’est jamais complè-tement absente de sa prose. Elle est là, à fleurde mots, sous les nuances de la connotation

ou dans la vigueur de l’indignation, par exem-ple lorsqu’il dénonce « l’existence, au milieude la cour de récréation, d’une sorte de por-cherie comme on en voit dans les vieilles fer-mesauvergnateset qui abrite, ouplutôt exposeaux regards, desWCdu plus hideux stylemili-taire». Il s’insurge : «Cet édicule déshonorel’établissement».Notre inspecteur ne se préoccupe pas seule-ment de gastronomie ou d’architecture sani-taire, il est aussi un économe avisé. Dans lesbureaux de l’intendance, dont on apprend qu’ils«sont ouverts de 8 h à midi et de 14 h à 18 h,sauf le samedi après-midi », il se fait ouvrir lecoffre qu’il dépouille méticuleusement pour yrecenser : 2 billets de 100 frs, 6 billets de 50 frs,12 billets de 10 frs, 5 billets de 5 frs et des pièces

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diverses pour un montant total de 740,55 frs,parfaitement conforme – on devine qu’il s’enréjouit intérieurement – au solde débiteur ducompte 570.Les denréesalimentairesmobilisent unegrandepart de sonattention. Pour souligner lemanque-à-gagner que constitue l’enclavement, il necraint pas de comparer les prix locaux, dont lecollègeest tributaire, à ceux, sensiblement infé-rieurs, du chef-lieu d’arrondissement, la petiteville de Mauriac : 9,31 frs le kg de café à Riomcontre 8,65 à Mauriac ; 1,39 le kg de sucresemoulecontre 1,33 ; 10,10 le kgdebeurrecontre8,40… Soucieux de vérifier la bonne tenue dela comptabilité «matières », il se fait ensuiteouvrir les armoires du magasin qui recèlentnotamment : 15 kg du fameux café, 42 kg desucre en poudre, 26 kg de beurre et, détail quenotre inspecteur ne manque pas de consigner,146 kg… de chocolat à croquer. Là encore, ilse félicite de la bonne tenue des stocks.Mais la remarque qui est lamieuxmise en exer-gue dans son rapport (plusieurs lignes souli-gnées) concerne le chef d’établissement :« Interrogé, à titre de test, sur le montant descrédits disponibles au compte 634 (fournitureset prestations diverses), M. le principal n’a pashésité à avancer la sommede46 311,76 frs : véri-fication faite, il s’agissait bien dumontant dispo-nible au 30 avril. » Admirable, non? C’est sansdoute ce qui fait écrire à l’enquêteur, à proposdudit principal : «Nonobstant l’absencede titresuniversitaires, il a l’étoffe d’un chef d’éta-blissement hors pair et même des qualités quijustifieraient une promotion à des responsabi-lités plus importantes». On conçoit aisémentqu’un homme qui connaît si bien son compte634 ne puisse qu’être promis au plus brillantavenir. On comprendra aussi le jugement finalqui clôt le compte rendu de visite : «Excellentétablissement, où les enfants ont l’air heureuxet le sont à peu près certainement».Autre temps, autre regard et autre style… Lesvisites d’établissement et les notes qui les retra-cent, aujourd’hui, ne ressemblent plus guère àce qu’elles étaient jadis. On a sensiblementchangé d’époque. Au-delà même de la forme,tout un monde sépare les deux approches.

L’exemple évoqué ici illustre ce qu’a été l’évo-lution de l’acte d’inspection, traduisant l’évolu-tion même du terrain d’observation.

Le temps immobile de «l’inspectioninspectante» et du contrôleL’inspecteur traditionnel, dont celui de Riom-ès-Montagnes représente sans doute l’une desdernières figures, est un personnage,mais pourl’essentiel un personnage à vocation unique.Qu’il appartienne à l’Igen ou à l’Igaen, il ne s’a-venture jamais au-delà de son strict secteur decompétence – le champdisciplinaire pour l’uneinspection, l’intendance pour l’autre –, celui oùil est àmême d’exercer un contrôle. Ce contrô-leur impartial n’a qu’un regard partiel.

Un personnageC’est l’époque des missi dominici.En ce temps-là, l’inspecteur général est, sur leterrain, le représentant de l’autorité ministé-rielle. Sa propre autorité participe – au sensquasi totémique – de cette autorité supérieure.C’est à la position singulière qu’il occupe dansle schéma traditionnel du pouvoir descendantet à ce statut de représentant du ministre (sta-tut quelque peumythique) qu’il doit sa légitimité.Par sa posture, par ses pratiques, il s’inscritpleinement dans les frontières de ce schéma.Personnage lointain, aux visites aussi rares queredoutées, se déplaçant volontiers enmajesté,il joue dumythe. L’homme voyage. Il observe. Ilécoute. Il consigne. Il rapporte. S’il reste unjuge, il se départ rarement d’une certaine bien-veillance (la bienveillance étant la forme posi-tive de la condescendance), ainsi qu’il sied aureprésentant d’une haute autorité. Sur un tonun rienpaternaliste, il aimeàaccorder des satis-fecit et à prodiguer conseils, mises en garde etplus encore encouragements.

Un contrôleur impartial…Il s’agit de veiller, dans les classes comme dansles bureaux de l’administration, à la bonne exé-cution de la norme telle qu’elle est fixée et figéedans les textes: respect des programmes sco-laires, de la qualité de l’enseignement pour cequi est de l’IGEN, fonctionnementdesstructures

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ou application des règles financières, budgétai-res et comptables pour ce qui relève de l’IGAENd’alors. Dans les deux cas il suffit de comparerune pratique et un texte, un règlement, unecirculaire et de juger de l’adéquation.

… mais au regard partielL’inspecteur inspectemais il est bien peu «géné-ral » : spécialiste de l’administration, jamais l’au-teur du compte rendu cité ne quitte le domainedesmoyens pour envisager l’ordre des fins et lafaçondont l’établissement s’acquitte desa tâchefondamentale, à savoir la pédagogie. À aucunmoment il ne se risque dans ce qui fait sa rai-son d’être. Il l’envisage comme un hôtel (l’inter-nat), comme un restaurant (la cantine), commeune clinique (l’infirmerie), comme une percep-tion (l’agence comptable), jamais commeun lieuoù, entre les murs de la classe, se dispensentdes enseignements et s’acquièrent des connais-sances qui décideront de l’avenirmêmedeceuxqui les reçoivent et qui, avant d’être des pen-sionnaires, des rationnaires, des patients, descontributeurs, sont avant tout des élèves.

Une ère nouvelle :l’inspecteur des années 2000Parce que le champ observé a subi de profon-des mutations, le mode d’intervention de l’ob-servateur a lui aussi évolué et l’inspecteurd’aujourd’hui ne ressemble plus guère à sonlointain prédécesseur.

Un champ d’observation profondémentremaniéC’est l’ensemble du fonctionnement institution-nel qui a muté. Voici vingt-cinq ans maintenantque les lois de décentralisation ont redistribué lescartes dans les relations entre le centre et les ter-ritoires. Entre les acteurs territoriaux eux-mêmes,d’intenses relations departenariat se sont nouéeset développées.En outre, et sans doute pour longtemps encore,une attention particulière est désormais portéeauxcoûts et à l’efficience.À la culture desmoyenssuccède peu à peu celle du résultat. La mise enplace de la LOLF a fait des notions d’objectifs, deperformances, d’indicateurs, lesmaitres-mots de

l’action publique et la notion de «gain de pro-ductivité » est demoins enmoins une expressiontaboue. De cette nouvelle réalité, rien sans doutene témoigneplus que l’actuelle démarchede révi-sion générale des politiques publiques (RGPP).Au sein de cet environnement, la sphère éduca-tive a connu sa propre évolution. Le système s’estcomplexifié avec l’entrée en jeu denouveaux par-tenaires. Une part d’autonomie a été reconnueaux entités de base devenues, à l’exception desécolesprimaires, desétablissementspublicsdotésd’unconseil d’administration. Denouveauxmodes– peut-être aussi de nouvelles modes – de gou-vernance sont apparus dans les relations entreministère et universités, ministère et académies,académies et établissements : démarche de pro-jet, contrats d’objectifs, dialogue de gestion…Au total, une nouvelle logique s’est imposée : latraditionnelle séquence «norme-application-véri-fication» a laissé place à la séquence «objectifs-moyens-résultats».Il faudrait ajouter deux autres éléments d’ordreplus sociologique que politique.Le premier n’est pas propre au domaine édu-catif. L’essor sans précédent des technologiesde l’information favorise de façon incompara-ble le recueil et l’exploitation desdonnéesdispo-nibles, qui se sont elles-mêmesaccruesde façonexponentielle. Ces données permettent uneconnaissance beaucoup plus complète et plusfine de l’objet observé. Les outils livrent uneréalité qui n’est passeulement sentie,maisquan-tifiable et quantifiée.Le second est plus spécifique à l’École. Il résidedans l’extrême sensibilité du corps social auxquestions éducatives et se traduit par la pres-sion conjuguée des familles, des responsablespolitiques, des médias, des faiseurs de palma-rès en tout genre et des instances internatio-nales chargées d’établir des comparaisons(OCDE, université de Shanghai…).La culture de la transparence induit le culte dela compétition.

Un mode d’intervention adaptéà ce nouveau contexteOn est passé progressivement, au cours desdeux dernières décennies, d’une inspection

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« inspectante» à une inspection «évaluante».Le contrôle proprement dit, s’il garde sa place,n’est qu’une composante parmi d’autres d’uneactivité polymorphe.L’exercice de la visite d’établissement est à cetégard exemplaire et la lecture des notes produi-tes dans ce cadre révèle, par rapport au spéci-men évoqué plus haut, une évolution saisissante:> à une posture analytique, à travers la som-mation d’examens ponctuels, s’est substituéun regard synthétique, soucieux d’appréhen-der l’EPLE comme un tout ;

> à une démarche descriptive s’en tenant auxéléments de constats, qui faisait du compterendu de visite une manière de procès-ver-bal, a succédé une approche plus réflexive,s’attachant à dégager une problématique età formuler des préconisations ;

> enfin, là où le compte rendu demeurait confi-dentiel, réservé au seul usage duministre et deses services, si ce n’est du tiroir destiné à l’ac-cueillir, s’est imposée la pratique de la transpa-rence, du dialogue – au besoin de la procédurecontradictoire – qui amène de plus en plus l’ob-servé à valider le discours de l’observateur2.

Ce type de visite, et plus généralement les inter-ventions liées au suivi permanent (suivi de la qua-lité de l’enseignement, suivi des établissementset des services), ne constituent plus qu’un aspectde l’activité des corps d’inspection. Les étudesthématiques, en particulier, ont pris, depuis unevingtaine d’années, une place croissante. Maisle constat n’y est pas différent : c’est dans l’en-semble despratiquesde l’inspection qu’unmêmemouvement est perceptible. On peut le caracté-riser, là encore, par une triple évolution :

De l’instinct à la méthode : le rôledes méthodologiesS’il reste jaloux de son autonomie, l’inspecteurd’aujourd’hui fonctionne moins à l’intuition per-sonnelle et davantage à la méthode collective.La méthodologie est le chemin de l’investigation.Elle est aussi un langage commun à l’ensemblede ceux qui la conduisent. Elle assure en cela,sinon à coup sûr la qualité des informationsrecueillies, dumoins leuraptitudeàêtreexploitées.

Cette méthodologie n’est pas unique ni figée.Elle doit garder une certaine souplesse,s’adapter à un objet, aux caractéristiques d’unchantier donné. Pour ne retenir que deux exem-ples, on peut citer l’évaluation de l’enseigne-ment en académie, menée entre 1998 et 2005par les deux inspections générales, ou encoreles audits d’université actuellement conduitspar l’IGAENR.Deuxdémarchesdifférentes,maisqui n’en présentent pas moins un profil com-parable. L’une et l’autre de ces opérations repo-sent en effet sur une lettre demission, un cahierdes charges et des guides d’enquête savam-ment élaborés, qui combinent tableaux et ques-tionnaires, le tout garantissant une approchecommune en vue de produire des synthèsescollectives.

Du contrôle ponctuel à l’approche globale :l’essor de la démarche d’auditLa notion de projet – c’est-à-dire de stratégiecommune adoptée en concertation –, commeles procédures de contractualisation qui régis-sent de plus en plus les établissements, les uni-versités et les centres de recherche, exigent unregard plus global. Parcequ’il s’agit précisémentde comprendre (prendre ensemble), il n’est pluspossible de prétendre « inspecter» un établis-sement sans rencontrer l’ensemble des parte-naires, les enseignants, les personnels ATOS,les parents, les collectivités locales et, bien évi-demment, les élèves. Nul ne s’aventurerait plusaujourd’hui à affirmer que lescollégiensdeRiom-ès-Montagnes «ont l’air heureux, et le sont àpeu près certainement», mais, pour avoir réuniet écouté leurs délégués, on saurait dire quelssont à leurs yeux les atouts de leurétablissement,quelles sont ses faiblesses et ce qui mériterait,selon eux, d’être amélioré.Les corps d’inspection pédagogique tendent àdépasser la seule inspection individuelle de telou tel enseignantpourprendreencompte l’équipeet le projet. De son côté, l’IGAENRne se tient plusdepuis longtemps dans l’espace clos de l’inten-dance ou même de la stricte administration.Présence sur le terrain, écoute des diversacteurs, dialogue: on est bien là dans la démar-che de l’audit.

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De l’intervention solitaire à la collégialité :la vertu des regards croisésL’image de l’inspecteur en mission, parcourantsolitairement les provinces, à l’instar d’unMérimée en tournée allant au pas de son che-val, appartient largement au folklore.Sur la base de l’idée (peut-être d’ailleurs fra-gile, voire discutable) qu’on est plus intelligentà plusieurs que seul, le principe de collégialités’est peu à peu imposé. D’où l’apparition, aucours des années 1980, d’investigations com-munesentre les deuxcorps d’inspection (la pre-mière, en 1984-1985, eut pour objectif de suivrela mise en place de la rénovation des collègesimpulsée par le ministre Alain Savary). Ces tra-vaux conjoints se sont, depuis lors, multipliésainsi que les habitudesdedéplacement encom-mun et de rapports sous double timbre, jusqu’àaboutir depuis quelques années à une lettre demission annuelle unique. Ils se sont aussi diver-sifiés en prenant fréquemment une dimensioninterministérielle : missions communes avecl’inspection générale des finances, l’inspectiongénérale des affaires sociales, le conseil géné-ral des ponts et chaussées… Ce sont autantd’occasions, pour les uns comme pour les aut-res, de confronter des cultures, des «habitus»,des sensibilités et des pratiques.

Extension du domaine de l’inspection, ouverturedu regard, affinement des méthodes : l’évolutionainsi mise en lumière est d’abord une évolutiondes finalités. Il s’agit moins de contrôler que d’ac-compagner et d’aider. Le gendarme et le juge ontlaissé place au témoin et au conseiller.Mais l’évaluation est aujourd’hui un terrain trèsfréquenté et l’inspection générale doit semontreractive si elle entend y tenir et ymaintenir sa place.

Face aux nouveaux défis, les atoutset les exigencesL’inspection générale, dans ce contexte, setrouve confrontée à de nouveaux défis. Si elledispose, pour y répondre, de solides atouts, elledoit aussi se soumettre à certaines exigences.

De nouveaux défisLe premier de ces défis, on l’a vu, est celui de

la complexité du champ d’observation : com-plexité humaine, sociologique et technique, quirequiert des compétences accrues et desméthodes plus élaborées.Le secondet principal défi est la perte dumono-pole sur un marché de l’évaluation ouvert. Surce marché en effet, on rencontre désormaisd’autres opérateurs. Cela est déjà vrai pour l’en-seignement supérieur et la recherche: l’agenced’évaluation de la recherche et de l’enseigne-ment supérieur (AERES) après le comité natio-nal d’évaluation (CNE), la Cour desComptes, lesvisiting committees et, ponctuellement, tel outel cabinet. Ce le sera peut-être demain s’agis-sant des EPLE, pour peu que les collectivitésterritoriales prennent des initiatives en ce sens(elles disposent de plusieurs «entrées» légiti-mes, en particulier celles de la gestion budgé-taire et de la fonction patrimoniale).

Des atoutsDans cette possible compétition, l’inspectiongénérale souffre de handicaps : l’ampleur deson champ d’intervention, l’ambiguïté de sesmissions, peuvent se traduire par une moindrespécialisation et un déficit de technicité. Elledétient néanmoins trois atouts principaux.

Le premier est relatif à l’espace : le lien avec leterrain lui est consubstantiel. Cette présencesur le terrain, au plus près des services, desétablissements, de la classe et des élèves, faitsa spécificité au regard des directions minis-térielles (DEPP comprise). Elle constitue pourelle unavantageen lui ouvrant l’accèsà la réalitédu vécu. Elle lui permet aussi d’exercer un rôlede «passeur » entre des entités distinctes :l’inspecteur pédagogique va ainsi de profes-seur en professeur, d’équipe enseignanteen équipe enseignante, l’inspecteur générald’académie en académie, d’université en uni-versité, d’EPLE en EPLE…

Le second atout a trait au temps : c’est le pro-pre d’une inspection générale de jouir d’uneforme de pérennité. Au-delà de la notoriété, duprestige que confère l’ancienneté, son statut luiassure, dans l’action commedans la vision, une

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continuité qui la rend plus apte à saisir les évo-lutions. Si elle travaille de plus enplus à la façondes cabinets d’audit, ces derniers ne pratiquentque des interventions ponctuelles et disconti-nues3. L’inspection générale, elle, apparaîtcomme un cabinet d’audit stable, au servicedesministres successifs. Elle est ainsi à mêmed’avoir une vue diachronique et d’assurer uneveille permanente.

Le troisième consiste en la maîtrise du qualita-tif. Si elle fonde ses analyses sur des donnéesquantitatives, l’inspection générale sait lesdépasser par le recueil, sur le terrain précisé-ment, de donnéesqualitatives. Là réside sa véri-table valeur ajoutée, par exemple lorsqu’elleexamine les conditions depréparationde la ren-trée. Les informations recueillies à l’occasionde ce rituel déplacement printanier sont large-ment disponibles dans les servicesministériels.Le «climat», en revanche, si essentielmais invi-sible dans les chiffres, n’est perceptible que surle terrain et il est indispensable de le saisir.

Des exigences pour l’avenirLa légitimité n’est pas donnée ni acquise unefois pour toutes. Elle est à reconquérir sanscesse et cela d’autant plus que lemonopole dejadis a laissé place àunepluralité d’opérateurs.Même si l’inspection générale, au regard de salongue histoire, est une institution pérenne, lapérennité ne se confond pas avec l’éternité etseul peut résister au temps ce qui garde uneutilité sociale.D’où un devoir d’excellence. L’amateurismen’est pas permis. Seule une véritable profes-sionnalité peut être le fondement de la légiti-mité. Acquérir une expertise, la préserver et laconforter par la pratique et par une formationcontinue appropriée sont des exigences abso-lues pour la survie même de l’institution.

Il faut, pour finir, revenir un instant sur la notionde changement. Par rapport à l’idée même dechangement, l’inspection générale tradition-nelle apparaissait davantage comme un freinque comme un moteur. Chargée de vérifier laconformité d’une situation à des normes édic-tées par définition antérieurement, elle était plu-tôt une force conservatrice et l’on sait combienson rôle a pu être, jadis, durement contesté.Lecontexte actuel est tout différent. L’inspectiongénérale se situe désormais de plain-pied aveccette notion à laquelle elle a pu rester long-temps étrangère. Elle l’encadre. Elle se posi-tionne en amont du changement (elle l’inspire,le précède, détecte les besoins, repère lesmanques, préconise le souhaitable), à ses côtés(elle le soutient, l’accompagne), enfin en aval(elle suit la mise en place et enœuvre des poli-tiques publiques). Il est probable que notreinspecteur-notable deRiom-ès-Montagnes, s’ilretrouvait aujourd’hui son corps d’origine, yserait plusdépayséquedans leshauteursauver-gnates. Il constaterait que ses successeurs nesont pas seulement des inspecteurs qui obser-vent (inspectare, regarder), mais aussi desconsultants qui écoutent (l’audit).Ultime remarque : si le contenu de la fonction asubi, d’une époque à l’autre, une importantemutation, le titre du fonctionnaire qui l’exerce,lui, est demeuré inchangé. Or, si dans l’expres-sion « inspection générale», l’épithète gardeplus que jamais son sens, le substantif, on levoit, est largement frappé d’obsolescence. Il necorrespond plus guère ni à l’esprit du temps nià la réalité des pratiques. Le moment n’est-ilpas venu, alors, de songer à une autre déno-minationqui serait plusconformeàcette réalité?Mais c’est là un exercice bien délicat, tant lesmots sont tenaces et tant ils ont du mal, icicomme ailleurs, à rattraper les choses. �

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(1) L’IGAEN ne deviendra IGAENR qu’en 1999.

(2) Ce souci général de transparence se manifeste aujourd’hui par la mise en ligne assez systématique des travaux des inspectionsou encore par la publication annuelle, à la Documentation Française, de leur rapport général.

(3) On pourrait ajouter : coûteuses, fort coûteuses, mais c’est là un autre aspect de la question.

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L‘ inspect ion générale de l ‘Éducat ionnat ionale et les violences scolairesen 1979 : les leçons à t irer du passéJEAN-PAUL DELAHAYE, inspecteur général de l’Éducation nationale

Cet article peut sembler éloigné du thèmeque l’inspection générale a choisi de trai-ter dans la présente livraison de sa revue.

Pourquoi en effet revenir sur un travail effectuéil y a trente ans alors qu’il n’est pas demandé iciaux inspections générales de sepencher sur leurpassémais deseprojeter dans l’avenir, «dechan-ger pour accompagner le changement»?Si l’on veut bien accepter l’idée qu’il est sansdoute utile d’entretenir la mémoire des travauxde réflexion conduits dans un passé relative-ment proche pour éclairer les ministres etaccompagner efficacement les politiques sco-laires d’aujourd’hui, nous pensons au contraireêtre au cœur du sujet.Pour tenter de justifier cette approche, le thèmede la violence scolaire1, que nous ne traitons iciqu’à titre d’illustration et nonau fond, paraît par-ticulièrement opportun, tant il illustre la réellecapacité d’expertise de l’inspection générale.

L’inspection générale s’est très tôt saisiede la question de la violence à l’ÉcoleQuand, en mai 1992, le doyen du groupe éta-

blissements et vie scolaire de l’inspection géné-rale de l’Éducation nationale prend l’initiativede publier une brochure intitulée La violence àl’école, constats, réflexions, propositions, il écritdans son propos introductif : «La réapparitionpériodique d’un intérêt, voire d’une préoccu-pation vive, vis-à-vis des phénomènes de vio-lence à l’école, et ce fut le cas au cours de laprésenteannéescolaire, provoqueunedemandede documentation auprès de l’inspection géné-rale. […] Afin de contribuer à la «mémoire ducorps» et aussi d’améliorer l’efficacité de notretravail en apportant, pour de nouvelles étudeséventuelles, l’état de la question du point de vuede l’inspection générale, j’ai pris l’initiative derassembler et de faire reproduire les travauxqui ont été fournis par elle chaque fois que les«décideurs» ont eu besoin de nos avis».On croit percevoir à la lecture de ces quelqueslignes un signe d’agacement. Depuis octobre1990 en effet, la violence à l’école a fait irrup-tion sur la scène médiatique. Le ministère del’Éducation nationale conçoit peu après les élé-ments d’un premier plan d’envergure de lutte

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contre la violence à l’école pour la rentrée 1992(sept autres ont suivi depuis), et il se tournenaturellement vers l’inspection générale pourdemander une étude et des propositions. Maiscelle-ci rappelle alors, avec respect mais fer-meté, qu’elle a donné depuis longtemps prati-quement tous les éléments qui auraient permisauministère de ne pas réagir dans l’urgence eten étant sous la pression médiatique.Le document de 1992 indique ainsi que, depuis1978-1979, l’inspection générale s’est saisie dela question de la violence à l’école et a, d’unecertaine façon, annoncé ce qui risquait de sepasser si on ne prenait pas convenablement lamesure d’un phénomène qui ne mobilisait pasencore les chercheurs et qu’elle était la pre-mière à analyser. En 1992, elle éprouve donc lebesoin de répéter ce qui n’a pas été entendu.

Un phénomène étudié par l’inspectiongénérale depuis 1978-1979Des actes particulièrement dramatiques surve-nus en établissement scolaire ont été régulière-ment rapportés par la presse, notamment dansles années 1970-1980, mais sans réaction notablede la société dans son ensemble, ni du ministèrede l’Éducation nationale.Nedevenant phénomènede société qu’à partir de 1990, les violences sco-laires ont une longue histoire qui ne recoupe pasexactement celle de leur médiatisation.Il n’est pas inutile de rappeler que l’automne 1990est également marqué par des manifestationslycéennesd’envergure. Onn’a sansdoute pas suf-fisamment remarquéalors quecesmanifestationssont parties des établissements de banlieue etqu’elles avaient parmi d’autres motifs le refus dela violence à l’école.L’inspectiongénérale avait analyséet décrit depuisplus de dix ans le phénomène des violences sco-laires et elle avait formulé des préconisationspour en contrôler l’extension, dès 1978-1979, parl’intermédiaire de deux rapports du groupe de la«vie scolaire», nom alors donné au groupe éta-blissements et vie scolaire2.Ces rapports de l’inspection générale «vie sco-laire» ontmanifestement été lus et sont à l’époqueconnus au ministère, puisque le 1er juillet 1982 leministre Alain Savary adresse cette commande

audoyende l’inspection générale, commandequenous pensons utile de reproduire intégralement,tant elle illustre bien la manière dont l’inspectiongénérale peut participer à l’accompagnement despolitiques scolaires.

« Monsieur le Doyen,Le problème de la violence dans les établis-sements scolaires me préoccupe vivement,bien qu’il s’agisse aujourd’hui d’un phéno-mène qui demeure marginal dans l’Éduca-tion nationale. Depuis mon arrivée, j’ai prisdes mesures pour améliorer l’encadrementdes élèves et j’ai fait connaître à plusieursreprises ma volonté de transformer pro-gressivement la vie des établissements pourpermettre une participation active des dif-férents partenaires du système éducatif. Ilme semble utile d’accompagner ce type demesures, qui sont très nécessairesmais dontles effets ne sont pas toujours immédiats,d’une réflexion au sein du ministère sur leproblème général de la violence dans l’en-semble des établissements scolaires.L’inspection générale de la vie scolaire mesemble bien placée pour conduire uneréflexion de cette nature, mais je souhaite-rais qu’elle ne soit pas seule à se penchersur ce problème et que ce soit là une occa-sion de commencer à mettre en œuvre ledécloisonnement de l’Inspection Généraleque vous souhaitez commemoi-même.Dansun premier temps, je souhaite connaître lesinformations dont vous disposez et les avisque vous pouvez fournir sur les pointssuivants :Quelles données statistiques peuvent êtreréunies dans ce domaine?Quelle typologie peut être établie (types de pro-blèmes, catégories d’établissements, zonesgéo-graphiques)?Quelles recommandationsgénérales l’InspectionGénérale peut-elle formuler sur ce problème?J’attacherais du prix à ce qu’une réponse meparvienne sur ces différents points, au début dela prochaine année scolaire. Je demande parailleurs auxdirections pédagogiquesdeme faireconnaître leur avis sur ce dossier».

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Nous ne savons pas quelle a été la contributiondes autres groupes de l’inspection générale enréponse à cette commande. Ce que montrentles archives conservées au service de docu-mentation des inspections générales, c’est quele groupe «éducation et vie scolaire» (nouveaunom donné au groupe) s’est chargé d’une syn-thèse, reprenant les grandes lignes des rap-ports de 1979 et 19803. Le doyen du groupe noteavec une pointe de malice dans son courrierd’envoi que cette note «a été soumise le 23 sep-tembre dernier au collège des doyens qui, si ilsne l’ont pas explicitement approuvée, ne l’ontpas non plus formellement désapprouvée et,surtout, en dehors de déclarations générales,n’ont apporté aucun élément nouveau pouvantconduire à une modification en profondeur denotre texte». Il convient donc de remarquerqu’un thème aussi sensible que la violence àl’école n’a pas également et immédiatementsensibilisé toute l’inspection générale et n’a pasdavantage contribué alors au «décloisonne-ment de l’inspection générale» souhaité par leministre.Cela dit, la relecture des rapports de 1979 et1980 et de la note de 1982montre qu’il y a trenteans l’essentiel de ce que le logiciel SIGNAallaitconfirmer au début des années 2000 était connugrâce à l’inspection générale. On nous par-donnera de citer plusieurs extraits de ces rap-ports, mais les termes utilisés pour décrire unphénomène que l’inspection générale sembleêtre la seule à percevoir ainsi que les mesurespréconisées pour le contrôler sont étonnam-ment actuelles.Si les inspections générales étaient sollicitéesaujourd’hui sur ce sujet écriraient-elles fonda-mentalement autre chose?

Un phénomène bien réel, inquiétant,mais qui ne doit pas être dramatiséLe rapport de 1979 sur La violence dans les éta-blissements scolaires du premier cycle dusecond degré est issu d’une enquête réaliséeà partir d’un échantillon d’une quarantaine decollèges urbains «en situation a priori difficile»,situésdansdesquartiers dont l’inspectiongéné-rale n’hésite pas à écrire, dès 1979, qu’ils sont

devenus des «ghettos de certaines grandesvilles».Il y a objectivement, indique l’IGEN, «des éta-blissements en situationaprioridifficile», situa-tion qui se caractérise notamment par «unesur-représentation des catégories socio-pro-fessionnelles défavorisées, une proportiond’élèves potentiellement difficiles de l’ordre de15%, une proportion d’élèves en retard supé-rieure à 50%».Dans lemême temps, les inspecteurs générauxconstatent que «cette situation difficile ne setraduit pas nécessairement par une générali-sation et une acuité particulière des phénomè-nes de violence». Cela veut dire que les«phénomènes de violence, tout en étant inquié-tants, sont néanmoins, en général,moins répan-dus et moins graves dans les établissementsscolaires de premier cycle que ce que l’on croitd’ordinaire». Les inspecteurs ajoutent, en sou-lignant dans le texte, que « l’essentiel de la vio-lence dans les établissements est uneconséquencedirecte de la violenceextérieure»et que, « le facteur déterminant pour le plus oumoins grand degré de violence dans les éta-blissements c’est la naturede l’environnement».La «nature de l’environnement joue certaine-ment un rôle essentiel dans l’intensité des phé-nomènes de violence, tous les établissements‘’violents’’ étant dans un environnement trèsdéfavorisé».En septembre 1980, sous la plumedumême rap-porteur4, l’inspection générale mesure à partird’un échantillon représentatif d’une cinquan-taine de lycées d’enseignement professionnel,« l’importance des phénomènes de violencequ’on y constate». Les inspecteurs générauxtentent de «déterminer ce qui fait que certainsétablissements sont calmes et ont un bon cli-mat et que d’autres sont agités et ont un mau-vais climat». Pour caractériser les violencesconstatées, l’inspection générale utilise alorsune typologie relativement proche de celle quiest utilisée aujourd’hui et détaille avec préci-sion chacun des items. Ainsi, pour les bagarres«à la porte de l’établissement» qui sont sou-vent les plus graves, les motifs identifiés sont :«bandes de l’extérieur (parfois même venant

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d’un établissement scolaire voisin) qui viennent‘’chercher la bagarre’’, rivalités debandes, ‘’me-neurs’’ contre ‘’fayots’’, racket des ‘’caïds’’ surdes élèves plus jeunes, suite de provocationsracistes […]».Les inspecteurs généraux constatent aussi quela violence grave est peu répandue. Elle existecertes, mais «prend très rarement des aspectset des proportions très dramatiques […], la véri-table violence, contre les personnes et contreles biens, ne représenteque 27%descas signa-lés». Ce qui pose davantage problème, ce sont« les agressions verbales, les manifestationsd’insolence […]», en un mot ce qu’on appelleaujourd’hui les incivilités.

Un phénomène qui peut être contrôléou prévenuComment expliquer quecertains établissementsréussissentmieux que d’autres à juguler la vio-lence? Plusieurs pistes sont identifiées pourexpliquer la maîtrise du phénomène par cer-tainsétablissementset sanon-maîtrisepar d’au-tres. Il y a trente ans, l’inspection générale saitque les établissements qui réussissent :> ontmis en place unediscipline «ferme»,maisjuste et donc acceptée ;

> voient une plus grande implication qu’ailleursdes enseignants dans les activités socio-édu-catives ;

> favorisent l’existence «d’une communautééducative» (a contrario, dans «34 % des éta-blissements, onnepeut parler decommunautééducative») ;> instaurent un bon climat en leur sein (maisdans 24%desétablissements étudiés, le «cli-mat» de l’établissement est jugé «mauvais») ;

> disposent d’un corps professoral avec «net-tement plus dePEGCdans les établissements‘’non violents’’ que dans les ‘’violents’’ ; il sem-ble bien y avoir ici une corrélation asseznette». Les inspecteurs généraux du débutdes années 1980 osent alors s’interroger : nefaut-il pas «enconclure que lesPEGCseraientplus près de leurs élèves et mieux préparésà combattre ou prévenir leursmanifestationsde violence»?

> sont dirigés par un chef d’établissement de

qualité (or, dans 24 % des établissements, le«chef d’établissement est jugé médiocre»).Est-ce un hasard, écrit le rapporteur si, «enclassant les établissements de l’échantillonen trois catégories, selon la fréquence desphénomènes de violence, on trouve les chif-fres suivants : forte, 24,4%;moyenne, 41,5%;faible, 34,1%»? Au total, ce qui semble être« le facteur de loin le plus important est la qua-lité du chef d’établissement5, car c’est cettequalité qui détermine la qualité du climat del’établissement, le degré d’existence de lacommunauté éducative».

Les principales conclusionsde l’inspection généraleLe ministère doit porter une grande attentionà la qualité du chef d’établissementL’inspection générale y insiste à plusieurs repri-ses : « l’un des seuls éléments véritablementdéterminants dans un établissement pour laqualité du climat éducatif comme pour lecontrôle de la violence est d’abord la qualité duchef d’établissement, de laquelle dépend la qua-lité des rapports interpersonnels». Et commecette qualité apparaît nettement dans les LEPde l’échantillon de 1980 (ce sont souvent desproviseurs ayantmoins de dix ans d’anciennetéde chef d’établissement et qui ont majoritaire-ment bénéficié de la formation des futurs chefsd’établissementmise en place à partir de 1971),le rapporteur en tire la conclusion que c’estsans doute là «un des facteurs qui explique quela violence soit nettementmoins répanduedansles LEP que dans les collèges».

L’existence d’une politique éducatived’établissementL’autre raison qui fait que la violence est «engénéral contrôlée et maîtrisée à l’intérieur desétablissements» est « le degré de réalité de lacommunauté éducative, notion qui traduit laqualité des rapports des adultes entre eux, et,surtout, la qualité des rapports des adultes avecles élèves, exprimés notamment par le respectplus ou moins grand accordé à l’institution desdélégués-élèves, la contre-épreuve étant four-nie par le fait que dans tous les établissements

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où le ‘’climat’’ est jugéparticulièrementmédiocreou mauvais, la communauté éducative estestimée médiocre». L’inspection généraleremarqueégalement que le taux d’encadrementéducatif est plus favorable dans les LEP quedans les collèges «en situationaprioridifficile»étudiés en 1979.

Des réponses diversifiées et cibléesSur ce point, relisons encore les textes de noscollègues, soulignés par eux, quimettent en évi-dence la nécessité, dès la fin des années 1980et avant les ZEP, d’un effort ciblé sur les collè-ges les plus difficiles : «Si l’on veut bien admet-tre que l’harmonisation des chances se joue aumoins autant au niveaudesétablissements sco-laires qu’auniveaudes individus, il faudrait aussiadmettre que l’égalisation des chances passepar une inégalité des moyens entre les établis-sements, certains établissements devant dispo-ser demoyens supplémentaires par rapport auxnormes pour compenser autant que possibleles handicaps graves dont ils pâtissent.Autrement dit, la notion d’établissements ensituation difficile, identifiés grâce aux critèreset indicateurs que nous avons utilisés, com-plétés par l’appréciation locale de l’environne-ment, devrait entrer en ligne de compte dans leclassement des collèges». Pour l’inspectiongénérale, les collèges difficiles devraient béné-ficier de priorités pour l’attribution de moyenssupplémentaires: conseillersd’éducation, secré-tariat, services d’infirmières et d’assistantessociales, équipement des CDI et nomination de«documentalistes-bibliothécaires», surveillants.

Quels enseignements pour l’avenir?Nous le répétons, l’objet de cet article n’étaitpas de traiter du thème de la violence scolaire,mais de rappeler à travers cet exemple l’exis-tenced’étudesanciennesproduitespar l’inspec-tion générale et de constater leur - apparent -faible degré de prise en compte. Mais on setromperait sur le sens de cette rapide étude sion en tirait comme conclusion que l’inspectiongénérale est dans la déploration, considère defaçon simpliste qu’elle a toujours raison et

demande aux autres acteurs du système édu-catif de faire effort pourmieux l’écouter !Garderlamémoire de notre histoire a au contraire pourutilité de pouvoir tirer, avec modestie et humi-lité, les leçonsdupasséet deproposer quelquespistespermettantde rendre les inspectionsgéné-rales plus efficaces et donc plus utiles encore.Sans prétendre à l’exhaustivité ni à l’originalité,nous nous risquons donc à formuler quelquespropositions.Tout d’abord, organiser et rendre opérationnellenotre propre mémoire permettrait non seule-ment de ne pas perdre – parfois trop rapide-ment - le souvenir de travaux importants, maisnous mettrait également en capacité de mesu-rer les suites donnéesdans le tempsànos inves-tigations et rapports. Par exemple, qui se soucieaujourd’hui des suites données ou non auxpréconisations des inspections générales for-mulées à l’occasion de l’évaluation de l’ensei-gnement dans toutes les académies depuis1998-1999? En juin 2003, un rapport conjointIGEN-IGAENR, qui faisait un premier bilan aprèsles dix premières évaluations, avait pourtant fortbien mesuré l’enjeu : «Qu’a-t-on appris surl’état et le fonctionnement des académies, desétablissements et des classes?»6. Cette opé-ration, qui a mobilisé un nombre considérabled’inspecteurs généraux des deux inspectionsgénérales, n’a pas été poursuivie. L’absence debilan d’ensemble, s’il signifie que l’arrêt de l’o-pération ne manque à personne, devrait nousinterroger collectivement.Il semble ensuite nécessaire de renforcer lecaractère collégial de nos travaux et rapports.C’est sans doute cette absence de collégialitéqui a affaibli l’impact des travaux sur la violencescolaire. Cette question, qui n’a pas que descauses externes à l’école et qui met aussi enjeu la relation des adultes aux élèves dans lesclasses, devrait à l’évidence concerner, pourne parler que de l’IGEN, tous les groupes despécialités et de disciplines.Certes, aujourd’hui, les travaux d’études desinspections générales sont généralement prisen charge par plusieurs inspecteurs, de plus enplus souvent d’ailleurs, et à notre satisfaction

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générale, organisés en groupes de travail ras-semblant des représentants de l’IGEN et del’IGAENR.Mais les rapports qui sont produits àla suite de ces études gagneraient sans aucundoute en force s’ils pouvaient être travaillés etvalidés avant publication en associant, parexemple, d’autres inspecteurs générauxn’ayantpaspris part auxétudes. Cette pratiquedudébatcollectif autour des projets de rapports a déjàété utilisée dans le passé, puis abandonnée.C’est uneméthode sans doute lourde qui ralenti-rait à l’évidence les travaux, mais, utilisée pourcertainssujetssensibles,elleaurait l’avantagedefaire de nos rapports des textes, certes rédigéspar des auteurs identifiés, mais davantage assu-més par l’ensemble des inspections générales.Pourquoi, enfin, ne pas nous associer à d’aut-res services ou experts pour certains travaux?Certes, les inspections générales possèdentune connaissance incontestée et sans équiva-lent du fonctionnement du systèmeéducatif, de

l’organisation des unités d’enseignement et desdifférentes catégories de personnels. C’est cequi fonde leur expertise reconnue. Mais pou-vons-nous encore envisager très longtempspouvoir conduire certaines grandes études, sil’on veut qu’elles soient incontestables etutilisées, en comptant sur nos seules forces?Pourquoi ne pas davantage travailler avec lesdirections de l’administration centrale, avec lesacadémies dont certaines conduisent des éva-luations particulièrement intéressantes, avecd’autres servicesministériels ouobservatoires?Pour reprendre l’exemplede laviolenceà l’école,comment travailler aujourd’hui sur ce sujet, nonseulement sans prendre en compte les résul-tats des recherches nationales et internatio-nales, mais aussi sans s’associer, selon desformes à imaginer et sans confusion des rôles,à la DEPP et à des chercheurs dont les métho-des de recherche et les résultats publiés fontautorité? �

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(1) On aurait pu aussi bien choisir le collège unique, tant ce niveau d’enseignement a fait l’objet de travaux des deux inspectionsgénérales depuis trente ans.

(2) Il est utile et juste de rappeler ici les rapports établis sur le sujet par Georges Talon, d’abord en juillet 1979 sur La violence dansles établissements scolaires du premier cycle du second degré, ensuite en 1980 sur Les lycées d’enseignement professionnel.

(3) Synthèse coordonnée par Marc Rancurel et adressée en octobre 1982 à tous les inspecteurs généraux par le doyen du groupe«éducation et vie scolaire» Georges Talon.

(4) Inspection générale éducation et vie scolaire, Rapport sur les lycées d’enseignement professionnel, rapporteur G. Talon,septembre 1980.

(5) Souligné dans le texte.

(6) Les académies sous le regard des inspections générales ; bilan des dix premières évaluations de l’enseignement en académie,rapport conjoint IGEN-IGAENR, juin 2003, p. 7.

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L‘ IGEN et les évolut ions récentesde l ‘enseignement des languesvivantes en FranceGENEVIÈVE GAILLARD, inspectrice générale de l’Éducation nationale

Aujourd’hui, la nécessité deconnaître plu-sieurs langues, dans un contexte deconstruction européenne et d’ouverture

internationale, conduit de nombreux pays à sedoter d’une politique linguistique renouveléeet ambitieuse. C’est le cas de la France, avecla mise en place, en 2005, du Plan de rénova-tion de l’enseignement des langues vivantesétrangères.

L’inspection générale de l’Éducation nationaleest au cœur de ces évolutions, par sa capacitéd’expertise dans des groupes de réflexion auniveau national et international, par sa fonctionde représentation au sein des instances euro-péenneset par son rôle d’accompagnement desréformes au niveau national et académique viales corps d’inspection territoriaux.

La langue vivante : une «discipline» qui est,par essence, porteuse d’ouvertureApprocher une langue vivante étrangère ourégionale, si l’on exclut les cas de bilinguismeet de biculturalisme en milieu naturel, c’estaller à la découverte d’un code linguistiquenouveau qui entre nécessairement en ten-sion avec celui de la langue maternelle. Parailleurs, parce qu’elle est enracinée dans uneculture dont elle est le reflet, la langue vivanteamène naturellement et inévitablement celuiqui l’apprend à décentrer sa vision dumonde.De fait, l’enseignement-apprentissage deslangues agit comme une force attractive quioriente le regard vers l’extérieur et aiguise lacuriosité tout en obligeant à opérer un retoursur sa propre culture dans un mouvement« interculturel».

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«Voies de communication et vecteurs d’identité, les langues sont en même temps un lieu et unenjeu des changements rapides qu’apporte la mondialisation.»Michael Kelly1

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Cette disposition à aller de l’un vers l’autre estrenforcée par le fait que notre système éduca-tif rend obligatoire l’apprentissage d’au moinsdeux langues vivantes au cours de la scolaritéobligatoire et au-delà pour la majorité des élè-ves. C’est donc entre trois systèmes linguis-tiques au moins que les élèves vont évoluer aucours de leur scolarité, voire plus si l’on rajoutepour certains les langues parlées à la maisonou bien la troisième langue vivante pour lesquelque 8%d’élèvesqui la choisissent au lycée.Par ailleurs, les professeurs de langue, cons-cients de l’intérêt qu’il y a à opérer des trans-ferts d’une langue à l’autre en matièred’apprentissage et curieux de comparer lesréalités culturelles, développent deplus enplus,par le biais des séminaires nationaux ou desactions académiques de formation notamment,des habitudes de travail et une réflexion com-munes dans une démarche dite « interlangue».

Lorsque l’on sait que seize langues sont repré-sentées à l’inspection générale de l’Éducationnationale entre les inspecteurs généraux et leschargés de mission, que huit langues étrangè-res à l’école, dix et bientôt plus au collège etneuf au lycée, plus les langues régionales, fontl’objet de programmes uniques dans l’esprit etla conception2, on conviendra que la nécessitéde développer une réflexion commune par delàles particularismeset la défensedechaque lan-gue est un moteur puissant d’évolution.

En matière de diversité linguistique, la Franceest un des rares pays à offrir une telle palettedans son systèmeéducatif, puisquece sont plusde soixante langues vivantes ougroupesde lan-gues étrangères ou régionales qui peuvent êtreenseignéesousubiescommematièred’épreuveaux examens3. En réalité, les langues ou grou-pes de langues les plus enseignés sont en nom-bre beaucoup plus réduit. Mais quel que soitleur degré de diffusion, le fait de développerdes outils communs et de fixer des objectifspartagés renforce l’idée d’un groupe Languevivante cohérent, qui ne peut que soutenir laposition des langues moins enseignées. Ainsi,par exemple, tout lemondebénéficie de la dyna-

mique des orientations du Conseil de l’Europeen dépit des différences culturelles qui trou-vent néanmoins à s’exprimer, au sein dechaquelangue, dans la façon de décliner les notionsou thèmescommuns.Unautre exempleest celuides épreuves du baccalauréat, dont la défini-tion est commune à toutes les langues depuis2001. La nécessité de développer une réflexionpartagée facilite l’émergence d’une culturecommune. Cette adaptabilité, liée au sens del’histoire, est d’autant plus nécessaire que,contrairement à d’autres disciplines, aucunelangue en tant que telle n’est obligatoire. Leurchoix dépend entièrement de l’offre et de lademande.

Un contexte d’ouverture internationaleet de mobilitéAujourd’hui, la question de l’apprentissage deslanguesnepeut êtredissociéeducontexteeuro-péen, voire international. L’internationalisationdes échanges, facilitée par l’internet, entraîneuneexplosion de lamobilité sous toutes ses for-mes, y compris virtuelles, qui ne va pas sansposer avec une acuité accrue le problème dela communication et des langues. Ceci devientune évidence qui fait porter une lourde respon-sabilité à notre système éducatif, de l’école àl’université. La maîtrise, même partielle, d’uneou plusieurs langues étrangères, n’est pas unesimple affaire personnelle. Elle touche aussi lemondedu travail, à tel point que le Centre natio-nal britannique des langues (CILT) a réalisé en2006 uneétudepour la Commission européennedont le titre est : « Incidences du manque decompétences linguistiques des entreprises surl’économie européenne»4. Il est prouvé que lacompétitivité des entreprises est intimementliée aux compétences linguistiques et intercul-turelles dont elles se dotent. Par voie de consé-quence, il devient de plus en plus évident quela pratique d’autres langues augmente la capa-cité d’insertion professionnelle.

On comprend pourquoi la pression sociale enfaveur des langues, et de l’anglais en particu-lier, se fait de plus en plus forte. Une enquêteEurobaromètre montre d’ailleurs que les

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Européens sont de plus en plus nombreux àconsidérer que la connaissance des languesest utile. S’agissant de l’anglais, il est aujourd’-hui de plus en plus admis que cette langue estnécessaire, soit,mais pas suffisantepour autant.

Cette visée pragmatique s’impose aujourd’hui,au point de faire évoluer le regard que notreinstitution porte sur l’enseignement des lan-gues. En effet, sans renoncer à l’objectif cultu-rel, notre enseignement commence à intégrerl’aspect fonctionnel de la langue, en lien avecles situations de communication, telles qu’onpeut les rencontrer dans la vie réelle. La languen’est plus seulement un objet d’étude. Il fautviser l’acquisition de «compétences actives»plutôt que de «connaissances passives», selonl’expression de Léonard Orban, commissaireeuropéenchargé dumultilinguisme5. Commeonle verra plus loin, les travaux du Conseil del’Europe ont largement contribué à cette évo-lution. L’inspection générale, quant à elle, portecette évolution sans toutefois renoncer à l’ob-jectif culturel ; on en a pour preuve les conte-nus des programmes et le colloque sur lescontenus culturels organisé par la DGESCO en2003.

La question politique du multilinguismeDans une intervention au forum«La paix par leslangues» le 18 mars 2008, M. Jean-MauriceRipert, représentant permanent de la Franceauprès de l’ONU, a rappelé la nécessité de pré-server la diversité linguistique, «patrimoinecommun de l’humanité» et « facteur de déve-loppement et de solidarité et donc de paix». Ila également rappelé le rôle de la France dansla promotion du multilinguisme aux Nations-Unies et au sein de l’Europe. Cette année toutparticulièrement, à l’occasion de sa présidencede l’Union européenne, la France a organisé àParis le 26 septembre, Journéeeuropéennedeslangues, les États généraux du multilinguisme.Léonard Orban définit ce concept comme « lacapacité d’unepersonneàutiliser plusieurs lan-gues et la coexistence de plusieurs commu-nautés linguistiques dans une zonegéographique donnée». Aujourd’hui, la diver-

sité linguistique prend une résonance nouvelle,avec lamobilité accrue des citoyens européenset les fluxmigratoires qui traversent le territoireeuropéen. En favorisant l’accès à l’intercom-préhension et à d’autres cultures, le multilin-guisme devient un facteur d’acceptation etd’intégration. Ses enjeux ne sont pas simple-ment linguistiques ; ils sont tout autant culturelset politiques. Il est undes vecteurs de la citoyen-neté démocratiqueet participe au renforcementde la cohésion sociale.

La promotion du multilinguisme est donc à lafois une stratégie de défense de la diversitélinguistique en Europe face à la prééminenceactuelle de l’anglais, devenu langue de com-munication internationale, et un instrumentd’intégration des communautés migrantes.

En matière de politique éducative, les chefsd’État et de gouvernement réunis à Barceloneenmars 2002, un an après l’Année européennedes langues, ont pris l’engagement de releverle niveau des compétences en langues en pré-voyant notamment l‘apprentissage de deux lan-gues étrangères pour tous dès le plus jeune âgeen plus de la languematernelle. La France n’ac-cuse pas de retard dans ce domaine, puisquel’apprentissage d’une première langue estdésormais obligatoire à partir du CE1 et quecelui d’une deuxième l’est au collège, parfoisdès la classedesixième.D’unpoint de vuepéda-gogique, la réécriture récente des programmesde langues de l’école primaire et de ceux ducollège a permis de créer une articulation sansprécédent notamment grâce à l’intégration dusocle commun et du Cadre européen communde référence pour les langues, qui consti-tuent à eux deux un véritable fil conducteur del’École à la classede troisième. Cette recherchede la continuité des apprentissages a été aucœur de plusieurs séminaires nationaux orga-niséspar laDGESCOen relationavec les inspec-teurs généraux du groupe des langues et dupremier degré. Y ont participé des inspecteursterritoriaux et des formateurs du premier et dusecond degré et des inspecteurs généraux desdeux groupes concernés.

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Par ailleurs, la diversité de l’offre linguistiquesur le territoire académique est régie dans lecadre de la carte des langues depuis plusieursannées. Plus récemment, le décret de mise enœuvre de la loi d’orientation et de programmepour l’avenir de l’école du 22 août 2005 a crééla commission académique sur l’enseignementdes langues étrangères, dont la mission est deveiller à la diversité de l’offre de langues ainsiqu’à la cohérenceet la continuité des parcours.Les équilibres régionaux doivent aussi prendreen compte les spécificités locales, notammentdans les régions frontalières commeenAlsace,par exemple.

La politique linguistique européenneParmi les faits marquants en matière d’ensei-gnement des langues étrangères, il faut citerles travaux de la division des politiques lin-guistiques du Conseil de l’Europe et tout parti-culièrement la publication en 2001, pendantl’Année européenne des langues, du Cadreeuropéen commun de référence pour les lan-gues (CECRL). Cet outil de référence commun,comme son nom l’indique, est le fruit de dixannées de recherche et de consultation au seindes États membres du Conseil de l’Europe. Ilfournit aujourd’hui une base commune pour laconception de programmes, d’examens et dediplômes qui permet d’harmoniser les attenteset de faciliter ainsi la mobilité, comme c’est lecas maintenant avec l’Europass dans le cadredes qualifications professionnelles. Le CECRLconstitue une véritable innovation dans l’en-seignement des langues, car il consacre le pas-sage d’un enseignement basé sur des savoirsà uneapprochepar compétences.Déjà en 1992,les évaluations nationales en langues de débutde seconde, conçues par la direction de l’éva-luation et de la prospective (DEP), introduisaientpour la première fois la notion decompétences.

Enmatière d’apprentissage, les spécialistes del’enseignement des langues étaient égalementfamiliarisés avec l’approche dite «communi-cative» des langues, encore appelée «notion-nelle-fonctionnelle », directement issue destravaux du Conseil de l’Europe des années

soixante-dix. Durant cette décennie, desexpertsont élaboré un modèle opérationnel de languecorrespondant à un «seuil » de communicationsuffisant pour échanger de manière indépen-dante au quotidien dans un pays où la langueen question sert de véhicule de communica-tion. Conçu au départ pour des adultes, sonobjectif était de favoriser « la libre circulationdes personnes et des idées». Elaboré d’abordpour l’anglais («Threshold level»), il l’a étéensuite pour le français («niveau seuil »), puisa été étendu à une trentaine d’autres langues.Les savoirs linguistiques entraient dans descatégories qui correspondaient à des besoinslangagiers tels qu’échanger des informations,donner sonopinion, porter un jugement ouargu-menter, par exemple.

Le CECRL reprend la notion de besoins fonc-tionnels,mais va plus loin en introduisant l’idéede « tâche» à accomplir dans des contextesvariés, reprenant ceux auxquels tout individuest confronté dans la vie réelle. La dimensionsociale et pragmatique de la langue est miseen avant. L’apprenant est considéré comme un«acteur social», qui doitmobiliser diversescom-pétences (linguistiques, culturelles, comporte-mentales, cognitives, stratégiques) pourparvenirau but qu’il s’est fixé ou pour répondre à dessituations imprévues. Cette nouvelle approchede l’enseignement des langues, d’inspirationanglo-saxonnemalgré tout, n‘est pas allée sanssusciter quelques craintes ou réticences parrapportàuneapprocheplus traditionnelle, baséesur l’étude du système linguistique et sur celledes textes issus dupatrimoineculturel. Les nou-veaux programmes de langue ont montré quela démarche dite « actionnelle » du CECRLn’était pas incompatible avec la dimensioncultu-relle. Bien au contraire, cette dernière sert decontexte permanent à l’apprentissagedescom-pétences de communication. Quant aux situa-tions de communications répertoriées dans ledescripteur du CECRL, elles donnent du sens àl’apprentissage de la langue elle-même. Ainsi,dans leprogrammedecollège (palier 2), le thèmedes « langages» peut donner lieu à un travailsur le théâtre, et donc l’expression dialoguée,

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ou bien à un travail sur la description et l’ana-lyse dans le cas d’uneœuvre d’art. Le thème du«voyage» donnera plutôt lieu à un travail sur lanarration et l’écriture par le biais du carnet devoyage.

Un autre apport du CECRL est l’échelle deniveaux de compétence qui illustre six niveaux(de A1 à C2). Ces derniers permettent de bali-ser le parcours de l’élève ou de l’apprenant etde mesurer ses progrès tout au long de la sco-larité ou à tout moment de la vie. Cette échellea l’avantage de favoriser la transparence desqualifications et de plus en plus de certifica-tions sont aujourd’hui calibrées par rapport àelle. Afin d’aider les États membres et lesconcepteurs d’examens et de certificats auniveau national ou international à établir desliens avec le CECRL, la division des politiqueslinguistiques a également produit un manuel àvisée expérimentale. Globalement, le CECRL, etl’échelle de niveaux en particulier, tend à deve-nir l’élément structurant de l’enseignement deslangues dans de très nombreux pays, en Europeet au-delà. Il répond à un besoin de clarté dansles objectifs, permet d’afficher des paliers deprogression, ne fait plusdubilinguismeunobjec-tif implicite et accorde une égale importanceaux différentes activités langagières, à l’oralcomme à l’écrit.

La publication duCECRL s’est accompagnée decelle du Portfolio européen des langues. Il s’a-git d’un outil d’auto-évaluation destiné à l’élève,qui n’a certes pas la prétention de se substituerà l’évaluation du professeur, mais qui permet àcelui qui apprend une ou plusieurs langues deprendre conscience des compétences linguis-tiques et interculturelles à mettre en œuvre etde mesurer ses progrès. Outil unique pour tou-tes les langues apprises en contexte scolaireet hors contexte scolaire, il a aussi pour objec-tif de valoriser les compétences plurilingues dechaque utilisateur.

La Commission européenne, elle aussi, s’estintéressée à la question des langues. En 2004,elle publie son plan d’action 2004-2006 :

Promouvoir l’apprentissage des langues et ladiversité linguistique. Ceplana fait l’objet depuisd’un rapport sur samise enœuvre. Il en ressortune grande capacité des institutions à innoveret évoluer dans le domaine de l’enseignementdes langues, notamment en faveur des plusjeunes, mais aussi la nécessité de «relancerl’éducationmultilinguepour l’Europe» (nomd’unrapport indépendant produit en mars 2007 parJean-ClaudeBeacco, professeur à l’Universitéde la Sorbonne nouvelle, Paris III).

DuConseil européendeBarcelonedemars 2002est née l’idée de la mise au point d’un indica-teur européen des compétences linguistiques,afin de mesurer les compétences en languesdanschaqueÉtatmembreet de fournir auxdéci-deurs des informations pouvant leur permettred’ajuster leur politique linguistique.

En matière de formation des enseignants, laCommission européenneademandéunpremierrapport sur la formation initiale et continue desenseignants de langues étrangères en 2002. Ila porté sur l’enseignement primaire et secon-daire dans trente-deux pays européens et a étésuivi d’un second rapport publié en 2004 inti-tulé:Profil européenpour la formationdesensei-gnants de langues étrangères – un cadre deréférence. Ces travaux ont donné lieu à l’éta-blissement d’une liste de concepts et d’élé-ments-clés pour la formation des enseignantseuropéens de langues. L’objectif estmaintenantde faciliter et de développer la mobilité de cesmêmes enseignants dans l’espace européen.

Mêmesi les États restent souverains enmatièrede politique éducative, on ne peut nier quetoutes ces décisions finissent par influencerles politiques nationales. Dans le domaine deslangues vivantes, en tout cas, se dessine unmouvement qui ressemble de plus en plus àune politique européenne de l’enseignementdes langues. La France n’échappepas à cephé-nomène sans pour autant le subir et tout enétant acteur. C’est ainsi que l’un des inspec-teurs généraux de langue est expert auprès duConseil de l’Europe en tant que représentant

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du groupe des langues et qu’un autre fait partiedu réseau d’inspecteurs européens de languesà Bruxelles.

Les avancées européennes sont accueillies àla fois avec intérêt et prudence, car il s’agit àchaque occasion de trouver des adaptations etdes équilibres nouveaux qui allient conceptsanciens et nouveaux comme dans le cas del’association savoirs culturels et compétences.Le séminaire national cité plus haut a été sym-bolique à cet égard et les programmes de lan-gues en sont la concrétisation. Il en va demêmeenmatière d’évaluation, où les outils duConseilde l’Europe sont mis à la disposition des Étatspour l’usage qu’ils souhaitent en faire. Le prin-cipe de subsidiarité est affirmé et le Conseil lui-mêmen’est pas habilité à délivrer quelque labelque ce soit. Dans un récent rapport consacréà l’évaluation des acquis des élèves en lan-gues6, le groupe des langues de l’inspectiongénérale a fait un état de la situation au plannational, expliqué les enjeux liés à cet appren-tissage et mis les professeurs en garde contreun usage abusif ou détourné des descripteursde compétences trop facilement convertis engrilles d’évaluation. Par contre, ces descrip-teurs ont été adaptés pour l’enseignement enmilieu scolaire et ont constitué une sourced’inspiration aussi pour la conception du soclecommun et des programmes de langues.

Le plan de rénovation de l’enseignement deslangues vivantes étrangères du ministère del’éducation en FranceDans le cadre de la mise en œuvre de la loid’orientation et de programme pour l’avenir del’École de 2005, le ministère de l’éducation alancé un plan de rénovation de l’enseignementdes langues vivantes étrangères dans le butd’améliorer le niveau de compétence des élè-ves en langues, notamment à l’oral. Comme leprécise la lettre flash du ministère du 20 octo-bre 2005, « la mesure phare de ce plan estl’adoption duCadre européen communde réfé-rence pour les langues (CECRL), publié en 2001par le Conseil de l’Europe : la France est le pre-mier pays à inscrire dans les textes réglemen-

taires cette référence européenne qui définitsix niveaux decompétences en langues…». Delà découle une série de mesures, dont la miseenapplication s’est déroulée entre 2005 et 2008.Trois mesures essentielles ont été actées pardécret en date du 22 août 20057:> des niveaux de compétence en langues sontfixés pour la fin de l’école primaire (A1), de lascolarité obligatoire (A2) et des études dusecond degré (B2 pour la première languevivante et B1 pour la deuxième langue vivanteétudiée) ;

> des enseignements de langues vivantespeuvent être dispensés en groupes de com-pétences, indépendamment des classes oudivisions ;

> descertifications spécifiques sont organiséespar le ministère, dans un cadre défini, le caséchéant, conjointement avecdes organismesdélivrant des certifications étrangères inter-nationalement reconnues et avec lesquelsl’État a passé une convention.

De telles mesures constituent une innovationsans précédent dans le système éducatif fran-çais. Pour la première fois, des niveaux atten-dus sont fixés à différents paliers du cursus etvont structurer à la fois les programmes de lan-gues et le socle commun de connaissances etde compétences. Ils vont avoir une incidencedirecte sur les apprentissages et les évalua-tions. L’organisationdesenseignementsengrou-pes de compétences regroupant des élèvesissus de classes différentes, parfois même deniveaux différents, est une révolution structu-relle, qui amène les enseignants à développerun travail d’équipe et une réflexion commune,y compris entre langues différentes.

Cette réflexion est guidée par le Cadre euro-péen commun de référence pour les langueset l’approcheparcompétencesqu’il induit. Quantaux certifications conçues en collaborationavec des partenaires extérieurs au systèmeéducatif, dans le cadre d’un accord d’État à Étatpour l’allemand ou d’un appel d’offre pour l’an-glais et l’espagnol, il s’agit là d’unemesure sansprécédent qui n’entre pascependant enconcur-

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renceavec lesexamensnationaux. La référencecommune est le CECRL et la réflexion partagéeauplan interculturel est stimulante et riched’en-seignements. Ces certifications sont réservéesaux seuls élèves volontaires de troisième et deseconde pour l’allemand et de seconde euro-péenne pour les deux autres langues. Les élè-ves depremière annéedeBEPeuropéenne sontaussi concernés. Elles constituent une formede reconnaissance à dimension internationale.

L’inspection générale s’est beaucoup mobiliséeautour de ce plan, car elle y voit l’occasion defaire évoluer les enseignements et l’évaluationdes acquis des élèves. Elle est régulièrementassociéeàsamiseenœuvrepar laDGESCO, soitau titre de l’expertise, soit du suivi. C’est dans cecontexteaussiqu’un inspecteurgénéraldugroupedes langues s’est vu confier une mission de co-pilotage avec la DGESCO pour accompagner lamise en œuvre des principales mesures prisesen 2005. Par ailleurs, tous les inspecteurs géné-rauxdugroupedes languesontétéassociésauxséminaires nationaux de lancement du plan.

Parallèlement, les travaux sur le socle communde connaissances et de compétences, en inté-grant le niveau A2 de l’échelle de référence duCECRL, ont permis de formaliser en termes deconnaissances, de capacités et d’attitudes lanouvelle philosophie de l’enseignement-appren-tissage des langues. La validation du niveauA2au diplôme national du brevet dès la session2008, prenant appui sur les fiches d’aide à l’é-valuationmises en ligne sur le site duministère,a eu pour effet d’accélérer la prise en comptedes compétences à côté de celle des connais-sances. C’est une avancée majeure dans lespratiques de classe et la conception des éva-luations, même si du temps est encore néces-saire pour parfaire ces pratiques. L’inspectiongénérale a été associée à l’élaboration desfiches d’aide à l’évaluation du pilier 2 du soclemises en ligne sur Eduscol.

Parmi les indicateurs de la LOLF relatifs auxlangues, il faut citer :> l’effort en faveur du développement de l’ensei-

gnement de l’allemand, qui doit être poursuividemanièreàatteindre lesobjectifs fixés,à l’ho-rizon 2010. Sur cette question, le dispositif dessixièmes «bilangues», permettant d’offrir unedeuxième langue dès la sixième pour encou-rager l’apprentissage d’une autre langue quel’anglais à l’école, a porté ses fruits et permisd’enrayer la chute des effectifs en allemand;

> l’augmentation, à l’horizon 2010, dunombredesectionseuropéennesetde languesorientales.Le développement de ces sections n’est pasuniquement quantitatif. L’enseignement d’unematière par l’intégration d’une langue étran-gère (EMILE) fait de plus en plus d’adeptesdans les pays européens, car il s’avère effi-cace et motivant grâce au temps d’expositionà la langue qu’il permet de majorer et à l’ou-verture culturelle européenne ou internatio-nale qui le caractérise.L’inspection généralea toujours accompagné ce dispositif, que cesoit au titre de l’évaluation (voir le rapport : Lessections européennes et de langues orienta-les, août 2000) oude l’accompagnement (créa-tion d’un site de ressources dans le domainedes langues et de la culture, la Clé des lan-gues, à l’initiative de la DGESCO et avec leconcours de l’ENS LSH pour les enseignantsdu second degré ; expertise sollicitée pour lacréation et le suivi du site Emilangues duCIEP,dédié aux sections européennes).

Accords bilatéraux :un exemple de formation croiséedes professeurs du premier et second degréLes évolutions actuelles ne se limitent pas auxdispositifs ou aux contenus d’enseignement ;elles touchent aussi la formation profession-nelle des enseignants. On citera pour exemplele programmed’échanges et de formation d’en-seignants stagiaires du premier degré initié en2001 entre la France et l’Angleterre et formalisédans l’accord du Touquet du 4 février 2003, puisdans l’accord de Paris du 9 juin 2006, signé àl’occasion du 28e Sommet franco-britannique.Ce partenariat privilégie trois domaines : laformation des enseignants et des personnelsd’encadrement, les partenariats scolaires et leséchanges sur des thèmes d’intérêt commun.

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Le programme a été récemment étendu auxprofesseurs stagiaires de disciplines non lin-guistiques du second degré susceptibles d’en-seigner tout oupartie de leur disciplineen langueétrangère en section européenne.

Legroupedepilotagebilatéral8, dont l’inspectiongénérale fait partie, a mis au point au cours desdernières années un Cadre commun d’objectifs(CommonReferenceFramework)enversionbilin-gueà l’attention,dansunpremier temps,desmaî-tres d’école stagiaires. Il s’agit d’un outild’accompagnement du stage de quatre semai-nes effectué en établissement du premier degrédans le pays partenaire. Il porte sur les compé-tencesàacquérirdans leschampspédagogique,linguistique et culturel. Il est basé sur des critè-res partagés par les acteurs de la formation desdeux pays et peut aussi faire office de référen-tiel d’évaluation. Il a le mérite d’intégrer et decroiser les références officielles des deux paysen matière de formation (English NationalStandards forQualifiedTeacherStatuset lecahierdeschargesde la formationdesmaîtresen IUFM)ainsi que des références européennes (TheCommon European Principles for TeacherCompetencesandQualificationsdelaCommissioneuropéenne et le Cadre européen commun deréférencepour les languesduConseilde l’Europe).

Cet exemple apporte la preuve que l’on arriveaujourd’hui, par le biais des nombreux parte-nariats, bilatéraux ou multilatéraux, qui sous-tendent l’apprentissage des langues et par lesdécisions prises au niveau européen, à jeter lesbases d’une politique éducative commune,source d’enrichissement mutuel.

La politique linguistique européenne, notam-ment depuis les années 90, a un effet extrême-ment mobilisateur sur l’enseignement deslangues en France. Le souci d’une plus grandeefficacité, la nécessité de relever le défi descomparaisons internationales, l’attrait qu’exer-cent les modèles linguistiques et culturelsauthentiques des autres pays sur les ensei-gnements de langues, le développement de l’ou-verture internationale et de la mobilité, facilitépar les technologies de l’information et de lacommunication qui induisent aussi des pratiquesnouvelles tout en facilitant l’accès aux langues,sont autant d’éléments porteurs susceptiblesde faciliter et d’accélérer le changement.L’inspection générale de l’Éducation nationale,par l’expertise qu’elle apporte et sa capacité àappréhender le systèmedans saglobalité, contri-bue à la dynamique des changements, tout ense portant garante de lamise en cohérence desdiverses évolutions. �

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Le bilan d’une année de travail au sein dugroupe permanent «RAR» permet demet-tre enévidencecequ’il peut y avoir de nou-

veau dans sonmodede fonctionnement et danssesmissions et d’examiner, sous cette lumière,une voie possible pour un nouveau positionne-ment de l’inspection générale.

Experts parmi d’autres, acteursparmi d’autresÀ la suite du rapport publié en octobre 2006, Lacontribution de l’éducation prioritaire à l’éga-lité des chances des élèves, une mission desuivi de la mise en place des réseaux ambitionréussite (RAR) a été confiée aux deux inspec-tions générales (2006-2007). L’analyse menéealors a fait apparaître que, si sur le plan de l’or-ganisation et des moyens, le fonctionnementdes RAR était globalement sur la bonne voie, laréflexion sur l’enseignement, quant à elle, neprogressait paségalement dans les 253 réseaux.Le doyen de l’IGEN a donc souhaité en sep-tembre 2007 la création d’un groupe intitulé

«Groupe IG-RAR», dont la lettre demission s’ou-vre par ces termes : «Les questions à résoudredésormais relèvent de la réflexion didactiqueet pédagogique. Les corps d’inspection territo-riaux, dupremier et du seconddegré, sont enga-gés dans cette réflexion nouvelle et difficile.L’inspectiongénéraleaccompagne leur réflexionen apportant son soutien intellectuel».

Les termes de cette lettre de mission instituentl’inspection générale dans un positionnementparticulier : elle n’est ni en position de trouver,à elle seule, les réponses attendues, ce qui l’é-carte d’une transmission descendante de dis-cours injonctifs, ni enpositiondesimplechambred’échos des travauxmenés par d’autres, ce quil’écarte d’un rôle de pure médiation.

Lesquestionsposéespar l’enseignement auprèsdes publics en grande difficulté, en particulierquand ils composent de manière quasi exclu-sive les classes, sont très complexes. Aucunexpert, aucune institution ne possède aujour-

Entre distance et proximité :quel posit ionnement pour le groupeRAR de l ‘ IGEN ?ANNE ARMAND / VIVIANE BOUYSSE, inspectrices générales de l’Éducation nationale

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d’hui l’ensemble des réponses attendues.L’inspection générale ne dispose pas néces-sairement de plus deconnaissances théoriquessur le sujet que tout acteur du système éduca-tif qui se tient régulièrement informé des étu-des et des recherches. Son rôle ne peutconsister seulement à se faire l’écho des publi-cations diverses, largement convergentes lors-qu’elles traitent d’un même sujet, mais aussitrès parcellaires, chacune n’envisageant,comme tout travail de recherche, qu’une facetted’une réalité très complexe.

C’est parce qu’elle peut s’appuyer aussi sur sontravail de terrain (identification des problèmestels que les acteurs de terrain se les posent oules éludent, connaissance d’une grande variétéde situations qui permet deconsidérer les effetsde dispositifs et d’actions variées) et sur desréflexions menées en commun à partir de cessourcesque l’inspectiongénérale peut êtreutile.Ayant accèsauxdonnéescaractérisant la situa-tion locale partout où elle va, elle peut offrir,avec le souci de répondre aux besoins hic etnunc, des synthèses ou des croisements de tra-vaux théoriques qui constituent d’utiles «rac-courcis » et apporter des exemples et descontre-exemples de pratiques permettant auxacteurs de terrain d’éviter les tâtonnements per-manents, qui finissentparêtrecontre-productifs.

C’étaient là des hypothèses de départ aux tra-vaux du groupe IG-RAR, qui restent d’actualité.

Réflexion transversale sur l’enseignementet identité du groupeUn groupe de dix-neuf IGEN a donc été consti-tué, piloté par un inspecteur du second degréet un inspecteur du premier degré. Il réunit descollègues, volontaires et non désignés, qui ontun intérêt particulier pour les questions d’en-seignement posées par les publics en difficulté.Certains groupes disciplinaires ne sont pasreprésentés, d’autres ont plusieurs représen-tants. Au-delà du groupe de l’enseignement pri-maire et des groupes disciplinaires concernésau premier chef par la réflexion sur l’enseigne-ment de leur disciplineaucollège, d’autresgrou-

pes comme ceux de philosophie, d’économie-gestion, d’établissements et vie scolaire sontégalement représentés. Cetteconstitution révèled’emblée sa particularité : elle est transversaleà l’organisation de l’IGEN, alors que la finalitédu travail commun concerne des questionsd’enseignement du début à la fin de la scolaritéobligatoire.

Parmi les membres du groupe, on compte 50 %de correspondants académiques (COAC). Ilserait excessif d’attribuer cette proportion àleur seul engagement personnel pour l’éduca-tion prioritaire.Mais on peut lire dans cette pro-portion l’expression, chez des IGEN confrontésà des missions dépassant le cadre de leurgroupede référence, dubesoin de réfléchir avecd’autres sur la dimension pédagogique de leurfonction de COAC ou le signe que cette fonc-tion les conduit à s’intéresser à des sujets queleur affiliation à un groupe spécialisé ne leurpermettrait pas d’aborder aussi spontanément.Le sujet de l’éducation prioritaire dans les zonesles plus difficiles ne peut être évité dans aucuneacadémie, même s’il est plus problématiquedans certaines.

Bilan d’une année de fonctionnement

Le travail interne au groupeGrâce à cette organisation particulière dugroupe, nous avons eu la chance d’appliquerdes compétences différentes à un mêmedomaine, envisagé selon de multiples facetteset, ainsi, d’approfondir notre réflexion. Qu’ils’agisse des échanges sur trois rapports desinspections générales, portant respectivementsur les acquis des élèves, l’égalité des chan-ces et l’évaluation par compétences, ou desdis-cussions sur lesmesuresdécidéesdans lecadrede la réforme de l’école primaire et des réac-tionsqu’elles suscitaient alors, le groupe IG-RARa pu tirer parti de ces échanges « rares », sion s’autorise le jeu de mots : la taille du groupeet sa constitution spécifique permettent unequalité de réflexion et une liberté d’échangesparticulières. Chacunpeut comprendrenonseu-lement les analyses, mais aussi les questions

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que l’autre (se) pose, ce qui contribue grande-ment à décentrer les points de vue et prépareà entendre, sur le terrain, la variété des inter-pellations à laquelle on s’expose quand on estappelé à intervenir. Ces sujets pourraient lais-ser dubitatifs dans la mesure où ils ne concer-nent pas seulement les RAR.Mais ces derniersrelèvent des politiques de droit commun et lesproblèmes qu’il faut y résoudre rendent plusnécessaire qu’ailleurs, et plus délicate, la miseen œuvre des nouvelles mesures et plus impé-rieuse encore l’obligation de réussir.

Le groupe s’est doté d’une «bibliothèquevirtuelle», alimentée par des notes de lectureou des réflexions proposées par l’un ou l’autrede ses membres. Ce qui pourrait paraître undétail n’en est pas vraiment un. Chaque IGENestmarqué par sa formation et par lesmissionsqui lui sont confiées ; les lectures de l’un ne sontdonc pas les lectures de l’autre, tant sur le planscientifique que dans le cadre d’une réflexiongénérale (sociologie, psychologie, systèmesscolaires étrangers, didactique générale, etc).La constitution transdisciplinaire et inter-degrésdugroupe IG-RAR favorise l’extension et la qua-lité de l’information partagée.

Une présence sur divers terrainsDes directionsministérielles, des recteurs, desinstitutions (l’INRP, un IUFM), descorpsd’inspec-tion ont sollicité la présence de l’inspectiongénérale dans des séminaires et des manifes-tations variées. Lorsquedesmembresdugrouperépondent à de telles sollicitations, c’est aunomde l’IGEN et de la réflexion commune sur desquestions d’enseignement, menée par un«groupe ressource», qu’ils interviennent, et nondans le cadre coutumier d’une expertise disci-plinaire.

Deux changements sont à noter par rapport aupositionnement habituel de l’IGEN. D’une part,l’initiative ne vient pas du groupe. Ses memb-res répondent à des demandes, ce qui n’est pastotalement neuf pour les inspecteurs générauxdu groupe de l’enseignement primaire qui sontaussi sollicités decettemanière dans leur fonc-

tionnement habituel, mais constitue une nou-veauté pour les inspecteurs généraux de dis-ciplines, qui interviennent justement en dehorsdu cadre de celles-ci. D’autre part, ces inspec-teurs généraux sont rarement seuls dans leurintervention et quand ils le sont, ils peuventconvoquer des exemples pris dans d’autres dis-ciplines que la leur et faire appel aux program-mes de plusieurs champs disciplinaires. Lapertinencedisciplinairedechacunet la réflexioncommune du groupe permettent d’engager undialogueprécis et concret avec tous les publics.

Lapremièreannéede fonctionnementdugroupeIG-RAR a par ailleurs été marquée par quatreréunions interacadémiques organisées par laDGESCO. Entre quatre et dix IGEN ont été pré-sents durant chacune de ces réunions ; ils ontpris part aux discours d’ouverture, aux travauxen ateliers, à la table ronde finale. Des remon-tées diverses soulignent systématiquementcombien la présence de l’inspection généralea été appréciée ; le rôle d’accompagnementqu’elle joue est ressenti par les enseignants,les équipes dedirection et les inspecteurs inter-venant dans les RAR de façon très positive.

Dans cettemission d’accompagnement, un dia-logue nouveau s’est noué avec les chercheurs.Ce fut le cas à l’occasion des réunions inter-académiques. Par ailleurs, des liens se sontcréésouconsolidésentre le centreAlainSavaryde l’INRP et le groupe IG-RAR. Ainsi la journéed’étude qui ouvre l’année scolaire 2008-2009pour ce groupe sera animée par un chercheurde l’INRP. Il y a là, à nouveau, un positionne-ment particulier de l’IGEN, qui mêle sa voix àcelles d’autres experts, dans un vrai partena-riat intellectuel.

Peu de liens avec les deux inspectionsgénéralesLe travail en collaboration est peut-être moinsaisé à mener au sein même des deux inspec-tions générales. L’une des missions du groupeest de transmettre à l’ensemble des inspecteursgénéraux les informations, les éléments d’éva-luation, les réflexions recueillis dans le groupe.

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Or, cette année, ce travail de restitution n’a paseu lieu, pour différentes raisons liées aux pro-grammes de travail des inspections générales.On peut conclure de cela qu’au milieu de tou-tes les tâches auxquels les IGEN doivent faireface et de toutes les questions d’actualité quiémergent dans l’année, les inspecteurs géné-raux ne peuvent se mobiliser sur les questionsd’enseignement auprès des publics endifficultésans une commande précise de l’institution etsans instances d’information et d’échangescadrées.

Un bilan mitigéLes membres du groupe témoignent volontiersde l’intérêt, voire du plaisir, qu’ils éprouvent àtravailler ensemble. C’est sans doute le signed’un besoin de rencontrer des collègues d’au-tres groupes que le sien, de discuter et de réflé-chir dans la confrontation ouverte et laconvivialité. Pour autant, l’année écoulée n’estpas tout à fait satisfaisante, pour deux raisons.D’une part, parce qu’on ne voit pas arriver, oupas arriver aussi vite qu’on le voudrait, les chan-gements de pratiques attendus, ni les effets desmesures prises. Dit avec humour, on peutconclure que si quelque chose commence àchanger dans notre façon de travailler cetteannéeentre nous, cen’est pas encore denatureà agir sur le terrain ; or nous sommes réunis parune volonté commune de voir les résultats desélèves s’améliorer dans les RARet donc de voirchanger l’enseignement.

D’autre part, nous avons cherché nos modali-tés de fonctionnement au long de l’année, au filde l’inventiondugroupe. Endressant en fin d’an-née le bilan de notre travail, nous avons sou-haité pour l’an prochain des réunions plusfréquentes (alors que nous avions décidé pourcette annéedequatre réunions seulement, pourne pas surcharger le calendrier de chacun), etorganisées différemment, avec à chaque foisun intervenant, interneouexterneà l’IGEN.Nousavons aussi souhaité une définition plus netted’actions à conduire. Cela revient à modifier leprojet de fonctionnement initialement prévu : ungroupequi se rencontrerait peu, de façonbrève,

mais échangerait beaucoup par internet ; ungroupeoùchacun, au termedeséchanges, déci-derait de ce qu’il ferait dans son domaine (celuide sa discipline ou de sa spécialité, celui desacadémies dont il a la charge). Façon peut-êtreidéale et sans doute prématurée de faire fonc-tionner le groupe.

Perspectives et interrogationsCe qui fait la spécificité première de la missionassignée au groupe IG-RAR - l’accompagne-ment intellectuel de la réflexion didactique etpédagogique des corps d’inspection et pluslargement de l’encadrement - se réfère plus auchamp de la formation qu’à celui du contrôle etde l’évaluation, dans une dimension à la foisdisciplinaire et transdisciplinaire. D’autres spé-cificités coexistent, qui rencontrent, interrogent,voire redessinent des missions traditionnellesdes inspections générales.

Accompagner, contrôler, évaluerL’éducation prioritaire relève à la fois d’une poli-tique ministérielle, sur laquelle des moyensimportants sont engagés, de laquelle on attendles plus grandes marges de progression possi-ble sur la question du taux d’élèves formés etdiplômés dont la Nation a besoin. Elle relèveégalement de politiques académiques. À côtéd’unemissiond’accompagnementde la réflexiondidactique et pédagogique, on n’évitera paslongtemps la question d’une évaluation deseffets de la politique menée. Un traitementexceptionnel et une logique de dérogation sontinscrits, de fait, dans la définition des RAR, dontle fonctionnement est très marqué par les réali-tés locales. Il en résulte pour les inspectionsgénérales la nécessité d’évaluer et de contrôlercet objet nouveau.

Le même inspecteur peut-il être à la fois, sur lemême territoire, celui qui accompagne (indiquele chemin et soutient durant le parcours) et celuiqui examine le travail effectué et ses résultats?Il semble qu’il y ait là de potentielles ambiguï-tés et sourcesd’effets pervers. Cequi neconduitpas à dire que la doublemission n’est pas tena-ble ; lamêmepersonnepeut être impliquéedans

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les deux missions, mais il serait plus sain quece ne soit pas sur le même territoire.

FormerSi passionnante que soit la réflexion intellec-tuelle, les membres du groupe IG-RAR ont encommun une envie d’agir ensemble, de ne pass’en tenir à des spéculations. Que recouvre leterme «action»? Pour notre groupe, commepour tous les IGEN, les modalités de l’actionsont les mêmes. Rédiger un rapport pour infor-mer une décision ou évaluer une politique estune action. Participer à la formation est uneaction, puisqu’il y amoinsunsavoir, ouunsavoir-faire à transmettre que des solutions nouvellesà inventer, avec d’autres experts et à l’écoutedes acteurs de terrain. Le champ de la forma-tion, lui, est réellement nouveau : il n’est plusdéfini par un public spécifique pour chaqueinspecteur général en fonction de son appar-tenance à un groupe disciplinaire ou de spé-cialité et s’inscrit, le plus souvent, dans uneairegéographique: l’académie, le département, voirela ville, le quartier, la circonscription, l’établis-sement. Il s’agit donc le plus souvent, pour lesIGEN du groupe RAR, de former à plusieurs,pour répondre à des besoins exprimés dans unlieu donné, au lieu de former dans le seul cadrede leur discipline et au niveau national.

Les inspecteurs généraux ont plutôt l’habitudede s’adresser aux corps d’inspection territo-riaux, c’est-à-dire à des médiateurs en charged’agir sur les enseignants qui, in fine, sont lesacteurs déterminants pour la réussite des élè-ves. Lorsque les destinataires de la formationsont les enseignants eux-mêmes, le propos nepeut être lemêmeque celui qu’on destine à desinspecteurs, sans doute davantage convaincusdesbesoins de s’adapter, à l’aise aussi - ou sup-posés tels -avec les panoplies de moyens auservice des objectifs visés, dès que l’on est surle terrain didactique et pédagogique. En effet,il faut - si les résultats de leurs élèves l’exigent- les convaincre de la nécessité de changer etexpliquer les enjeux des modifications atten-dues, les aider à conquérir les moyens de ceschangements (il faut qu’ils accèdent à des pra-

tiques alternatives aux leurs, véritable clé de laliberté pédagogique). La réalisation des objec-tifs nécessite des connaissances et des savoir-faire que la formation doit apporter, sanssupposer que le travail personnel de chacunsuffise à les acquérir. S’adresser à un publicd’enseignants supposedoncuneexpertise spé-cifique : alors que les finalités, les grands pro-blèmes, les grandes orientations peuvent êtretraités par tous les inspecteurs générauxdevanttous les publics, il en va autrement quand il s’a-git de préciser les mises en œuvre,. Dès lors,le travail du groupe permanent RAR doit êtrerelié à celui des groupes de disciplines ou despécialités.

Il est probable que, dans les années à venir, lepositionnement des inspecteurs générauxcomme celui des inspecteurs territoriauxconnaisse des changements. Du schéma tra-ditionnel d’une transmission descendante (lesinspecteurs généraux forment des formateurs,les inspecteurs, qui eux-mêmes forment lesenseignants), on en viendra sans doute à laconfrontation deplusieurs regards sur unmêmeobjet, au partage de différents niveaux d’ex-pertise, dans une réflexion collaborative. Celan’ira pas sans certaines difficultés. Ainsi, l’an-nonced’un soutien intellectuel apportépar notregroupe d’inspecteurs généraux à la réflexiondidactique et pédagogique des inspecteurs ter-ritoriaux a pu être interprétée, quelquefois,comme une marque de mépris, d’un jugementimplicite selon lequel les inspecteurs territo-riaux ne seraient pas capables de mener seulsle travail attendu. Si le malentendu a été rapi-dement levé, il demeure que le travail en com-mun des deux corps est à inventer, à côté desmissions traditionnelles des inspecteurs de ter-rain qui « font remonter vers la centrale» de l’in-formation et des missions traditionnelles desinspecteurs généraux qui portent une paroled’autoritéetévaluent les inspecteurs territoriaux.

Contribuer à l’évolution des missionsdes inspecteursLes RAR, on l’a dit, relèvent des politiques dedroit commun: à cet égard, les sujets généraux

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doivent être pris en compte enmême tempsquela spécificité RAR. Il en va ainsi, par exemple,pour la mise en œuvre des nouveaux program-mes.Mais il en va ainsi également pour d’autresévolutions attendues, par exemple celle despratiques d’inspection. Les RAR constituent uncadre intéressant pour examiner cette nouvelleperspective ; d’une part, plus qu’ailleurs encore,la nécessité de se centrer sur les progrès et lesrésultats des élèves y est manifeste et, d’autrepart, ils font émerger des questions nouvellesrelatives à cette mission.

Dans un RAR, qui inspecte, et dans quel cadre,un professeur référent intervenant en dehorsde son champ disciplinaire, en dehors d’ungroupe-classe?Qui inspecte un professeur desécoles qui intervient aucollègeou inversement?Comment évalue-t-on le travail de ces profes-seurs? Les chefs d’établissement doivent-ils lefaire seuls? Et que signifie, dans un RAR plusencore que dans n’importe quel autre secteur,l’inspection individuelle? Peut-on vouloir éva-luer la façondont des élèves travaillent, évaluerleurs acquis, évaluer descompétencesencoursd’acquisition, dans le cadre d’une l’inspectionindividuelle? La nouveauté de la situation ouvrela réflexion jusqu’à la question de l’inspectiond’un RAR, écoles et collège réunis, car la sen-sibilité aux rupturesdans lesparcoursdesélèvesest plus forte encore là qu’ailleurs.

Comment passer d’un acte d’inspection tout àfait codifié à un acte d’inspection renouvelé?Cette question, dont les IEN et les IPR vont trèsvite hériter, appelle au sein de l’IGEN uneréflexion nouvelle et sans doute un positionne-ment nouveau pour les inspecteurs générauxeux-mêmes, s’ils veulent rester partie prenantede la réflexion sur les nouvelles missionsd’évaluation que devront assurer les inspec-teurs de terrain.

Se positionnerpar rapport aux décideurs locauxEnfin, se pose la question des interactions entrel’inspection générale et les décideurs locaux,recteurset inspecteursd’académie.Deuxexem-

ples de nature très différente peuvent illustrerles interrogations que des regards posés surles réalités locales font surgir.

Pour les corps territoriaux, qu’est-ce qu’êtreIPR référent d’un RAR? Les premières obser-vationsmenées témoignent d’engagements trèsdifférents, certains consacrant un temps trèsimportant à l’accompagnement de proximitédemandépar la circulaire sur l’égalité deschan-ces, quand d’autres ne sont présents que dansle collège et pas dans les écoles, et pour deuxà trois fois dans l’année seulement. Les rec-teurs doivent-ils seuls décider de la charge detravail des IPR référents? Comment les inspec-tions générales de disciplines réagissent-elleslorsque certains de leurs inspecteurs consac-rent beaucoupde tempsàautrechosequ’à leursmissions disciplinaires?

Autre exemple d’une nature tout à fait diffé-rente : l’école maternelle se voit reprocher unmanque d’efficacité dans la prévention del’échec scolaire, en particulier par son incapa-cité à doter les élèves d’un niveau de langagesatisfaisant. Peut-on continuer à partager cediscours et à priver l’école maternelle deressources disponibles au sein des RAR, qui luiseraient nécessaires pour mettre en place lesconditions de travail favorables aux échangesqui permettent l’apprentissage (professeursréférents, assistants pédagogiques, voiremem-bres des réseaux d’aides spécialisés aux élèvesen difficulté requis parfois exclusivement àl’école élémentaire)?

Se positionner à l’intérieur de l’IGENPour conclure, une dernière interrogation surle positionnement des IGEN. Chacun de noustient sa légitimité de lamaîtrise de sa disciplineou de sa spécialité et nos grandes missions sedéfinissent par rapport à la discipline ou à laspécialité. Il n’est facile pour aucund’entre nousde consacrer du temps à des champs deréflexion et d’action autres, moins valorisantspeut-être parce que moins consacrés par latradition. Il y a pourtant une grande nécessitéà consacrer du temps à l’éducation prioritaire.

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Lesanalyseséconomiquesetpolitiquesrécentesrendent inutile de le démontrer.

Pour ce sujet comme pour d’autres, c’est lacompatibilité desmissions spécifiques et trans-versales qu’il faudrait examiner pour permet-tre un investissement maximal dans chacunedes actions entreprises. Faut-il envisager desallées et venues sur plusieurs années entregroupes d’appartenance (spécifiques et trans-versaux), commeune formed’exercicedemobi-lité fonctionnelleenquelquesorte, ousimplementformaliser davantage la part du temps consa-cré aux travaux du groupe transversal, de tellefaçon que la répartition des tâches liées à ladiscipline ou à la spécialité prenne mieux encompte l’investissementqu’exige l’appartenanceà un groupe transversal?

La double appartenance – qui existe déjà pourcertains inspecteurs généraux entre deuxgrou-pes de base de l’IGEN - permettrait sans douted’améliorer encorecequi fait l’intérêt de la posi-tion de l’inspection générale, cemixte de «dis-tance critique» et de «proximité critique» parrapport au terrain. Distance critique du fait dunon-engagement dans l’action directe auprèsdes élèves, de la variété des situations exami-nées, du croisement de regard et de compé-tencesavecdescollèguesdifférentsqui favorisele dépassement de points de vue partiels ;proximité critique du fait de la présence sur leterrain, de la connaissance de l’intérieur despratiques et des cultures professionnelles desacteurs auprès desquels on intervient et dusentiment d’une responsabilité partagée dansla possibilité de faire progresser l’École. �

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Les inspecteurs généraux de l‘Éducationnationale, correspondants académiquesMARC FORT, inspecteur général de l’Éducation nationale

L’inspecteur général de l’Éducation natio-nale, correspondant académique (COAC)est mentionné dans les statuts de 1989.

Depuis, cette fonction a connu de nombreusesévolutions et reste toujours d’un contour assezsouple. Une des questions est de savoir com-ment l’IGEN correspondant académique peut àla fois participer au pilotage pédagogique del’académie et évaluer les politiques éducativesau niveau académique. Avec la décentralisa-tion et la déconcentration, cette dernière fonc-tion est devenue indispensable. Si elle estconçue de manière constructive, c’est-à-direcomme un facteur de progrès pour l’académie,elle est tout à fait conciliable avec une partici-pation au pilotage pédagogique. Enfin, l’actiondu correspondant académique contribue à lacohérence nationale de la politique éducative.

Correspondant académique,une fonction évolutive aux contours souples

Le statut et la fonctionLes fonctions du correspondant académiquesont définies dans l’article 5 du décret relatif austatut particulier des inspecteurs généraux de

l’Éducation nationale : «Afin demettre enœuvredans les académies les missions permanenteset le programme de travail annuel du corps etde définir avec les recteurs d'académie le pro-grammede travail descorpsd'inspectionàcom-pétence pédagogique et la contribution qu'ilsapportent à l'inspection générale pour l'exer-cice de ses missions, le ministre désigne pararrêté, parmi les inspecteurs généraux del'Éducation nationale, sur proposition du doyende l'inspection générale, un correspondant pourchaqueacadémie, non résidant, pour uneduréede trois ans renouvelable une fois. Un inspec-teur général est spécialement chargé, en liai-son avec les vice-recteurs, de la coordinationpour les territoires d'outre-mer.»

Cette définition, assez sibylline, porte essen-tiellement sur la contribution que les inspec-teurs pédagogiques territoriaux apportent à laréalisation des missions de l’inspection géné-rale et la participation de l’inspecteur général,correspondant académique à la définition duprogramme de travail des corps d’inspectionterritoriaux. Il est fait aussi référence au cor-respondant académique dans d’autres textes

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comme ceux portant sur les examens de qua-lification professionnelle, les inspecteurshygiène et sécurité.

Le COAC joue un rôle particulier dans un cer-tain nombre de dispositifs même si cela n’estpas explicitement écrit dans les textes, commepar exemple l’évaluation des inspecteurs terri-toriaux, l’évaluationdespolitiquesacadémiques.Ainsi, comme tous les inspecteurs générauxde l’Éducation nationale, il doit concilier, auniveau académique, une fonction de partici-pation au pilotage pédagogique et une fonc-tion d’évaluation.

Demanière très schématique, on peut résumerles actions de l’inspecteur général, correspon-dant académique de la manière suivante :> il est un interlocuteur privilégié du recteur enmatière de relation avec l’IGEN;

> il participe à l’animation des corps d’inspec-tion territoriaux (en particulier par le pro-gramme de travail académique) et à leurévaluation ;

> il propose au recteur la désignation des pré-sidents de jurys d’examen de qualificationprofessionnelle, il en préside certains ;

> en lien avec le correspondant académiquede l’IGAENR, il joue un rôle particulier dansl’évaluation du système éducatif au niveauacadémique (dialogue de gestion, évaluationdes politiques académiques, …).

Cette fonctiondépend,encoreplusqued’autres,de la personnalité du recteur, de l’inspecteurgénéral, de l’histoire et du contexte de l’aca-démie. Existe-t-il un directeur de la pédagogie?Quel est son champ d’intervention? S’agit-il detous les collèges d’inspecteurs, des collègesdu second degré, des chefs d’établissement ouencore des rapports avec les IA-DSDEN?Comment le recteur organise-t-il le pilotage del’académie (l’équipe de direction, son ampleur,les sujets qui y sont traités, son mode de rela-tion avec les corps d’inspection)? La fonctiondépend aussi de la manière dont le correspon-dant académique conçoit son rôle et les équi-libres entre l’animation des corps d’inspection,

le conseil auprès du recteur, l’évaluation despolitiques académiques, la manière dont il faitvivre le collège académique ainsi que le pro-gramme de travail académique et dont il tra-vaille avec le correspondant académique del’IGAENR.

Le collège académique des IGENLe collège académique des IGEN est constituéde ceux qui ont en charge l’académie. À unmoment, il était d’usage de commencer l’annéescolaire par une réunion de chacun de cescollèges académiques à Paris. Le principe deces réunionsaétéabandonnépourdeux raisons: en dépit de la programmation de ces réunions,il était difficile d’obtenir la présence de tous, deplus les ordres du jour de ces réunions étaientparfois succincts et il s’avérait difficile d’impli-quer les IGEN dans des tâches académiquesalors que leur travail dans leur groupe(de discipline ou de spécialité) avait été définiauparavant.

Certains correspondants académiques organi-sent des réunions du collège dans les acadé-mies, en les adossant à des réunions descollèges d’inspecteurs territoriaux. Mais c’esttoujours un pari risqué pour le correspondantacadémique, n’ayant aucune assurance de laparticipation des IGEN à ces réunions.

Les correspondants académiquesassocient lesIGEN du collège académique dans les travauxmenés dans l’académie. Ce n’est pas toujourssimple, car dans certaines disciplines ou spécia-lités, l’IGEN a en charge plusieurs académieset son implication dans chacune d’entre ellesen peut être que modeste. À ceci s’ajoute quece travail vient toujourschronologiquementaprèsl’organisation du travail au sein des groupes.

Le correspondant académique de l’IGAEN etcelui de l’IGEN: une association asymétriqueEn 2003-2004, les ministres ont eu la volonté derapprocher l’IGEN et l’IGAENR, en particulierau niveau des correspondants académiquespar la mise en place de travaux communs,notamment pour établir le bilan de rentrée, celui

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de la préparation de rentrée ou pour évaluer lespolitiques académiques.

Contrairement à l’IGEN, la fonction de cor-respondant académique de l’IGAENRn’est pasinscrite dans les statuts de celle-ci. Dans lesfaits, cette absence de légitimité institution-nelle n’est pas ressentie auniveauacadémique,les deux correspondants académiques ont lamême légitimité dans l’académie où ils exer-cent leurs fonctions. Les collaborations sontvariables suivant les académies, il est impor-tant de lespoursuivre, tout enprenantencompteles différences entre les deux correspondantsacadémiques :

> le correspondant académique de l’IGENs’ap-puie sur le collègeacadémiquedes IGENexer-çant dans l’académie, ce qui n’est pas le casdu correspondant académique de l’IGAENR;

> il n’existe pas au niveau de l’IGAENR l’ambi-valence du fonctionnement des IGENà la foisdans l’accompagnement et l’évaluation ;

> contrairement à l’IGEN, il n’existepasd’inspec-teurs territoriaux de l’administration. Un pro-jet de cette nature, la création de personnelsd’inspection de l’administration et des finan-ces (PIAF) avait vu le jour en 2003, mais a étérapidement abandonné.

L’expérience avortée des inspecteursgénéraux en académieAu cours du premier semestre 1998 et à la suitedu rapport du recteur Claude Pair, Rénovationdu service public de l’Éducation nationale :responsabilité et démocratie, une réflexioninterne était engagée au sein du ministère surla réorganisation des services déconcentrés del’Éducation nationale. Puis, au cours de l’annéescolaire 1998-1999, desexpérimentationsportantsur les relations entre l’académie et les dépar-tements, l’échelon « infra-départemental» et lepilotage pédagogique de l’académie étaientmises en œuvre.

L’expérimentation des inspecteurs généraux enacadémie se situe dans ce dernier cadre. Dansce schéma, l’organisation académique se com-

pose de deux lignes de force : la ligne hiérar-chique et la ligne pédagogique animée par un« inspecteur général en académie». Les diffé-rentes académiesexpérimentales n’ont pas tou-tes expérimenté cet aspect et, dans tous lesautres cas sauf un, les inspecteurs générauxen académie avaient gardé une activité dansleur groupe. Seule dans la première expéri-mentation de l’académie deVersailles, l’inspec-teur général enacadémieexerçait à plein temps.

Cette expérimentation n’a pas eu de suite ausein de l’IGEN pour au moins deux raisons. Lesrecteurs étaient hostiles à l’idée de créer ausein de leurs services une direction de la péda-gogie confiée à un inspecteur général del’Éducation nationale, ne percevant pas claire-ment la nature de la relation qu’ils pouvaiententretenir avec lui. À ce propos, il est intéres-sant de remarquer que, à chaque fois que cesexpérimentations sesont inscritesdans ladurée,il existait des relations étroites et de confiancetotale entre les deux personnes. L’autre raisontient au fait que, dans la majorité des cas, lesinspecteurs généraux ont souhaité garder uneactivité dans leur groupe de rattachement etn’avaient peut être pas la disponibilité suffisanteleur permettant d’accomplir avecefficacité cettefonction.

Que reste-t-il de cette expérimentation?Plusieurs recteurs ont créé des directions dela pédagogie, fonction souvent confiée à unIA-IPR, voire audoyenducollège. Faut-il repren-dre cette idée? Faut-il pousser la logique plusloin et imaginer le «détachement» d’inspec-teurs généraux de l’Éducation nationale dansles académies?

Les mutations du système éducatif et leurseffets sur la fonctionDepuis 1989, l’organisation du système éducatifs’est fortement décentralisée et déconcentréeau bénéfice des académies et des établisse-ments. De nouvelles modalités de gestion sontégalement apparuesdepar l’applicationde la loiorganique relative aux lois de finances. Cetteévolution devrait inciter à développer les

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évaluations des politiques publiques au niveauacadémique, que celles-ci soient effectuéespar les inspecteurs généraux correspondantsacadémiques ou par d’autres.

De plus, l’éducation elle-même subit de pro-fondes mutations, qu’il s’agisse de l’introduc-tion du socle commun de connaissances et decompétences, qui accrédite encore plus l’idéed’enseignement obligatoire, de l’accentmis surles acquis des élèves et leurs compétences, sesituant dansuncontexte international, ouencorede l’apparition de nouvelles modalités d’ensei-gnement, en particulier par l’accompagnementéducatif et le développement des TICE.

Toutes ces évolutions ont des effets surl’encadrement pédagogique, en particulier surl’action du correspondant académique. Ellesmobilisent simultanément différents niveaux dusystème éducatif, de manière transversale. Ils’agit donc, pour l’encadrement, de développerles travaux transversaux, entre les différentscollèges d’inspecteurs. L’animation des corpsd’inspection par le correspondant académiqueest un moyen privilégié pour favoriser cesactions.

L’animation des collèges d’inspecteursterritoriaux

Des questions encore en suspensLes inspecteurs pédagogiques territoriaux sontsous la responsabilité du recteur d’académie.La relation qui existe entre l’inspection géné-rale de l’Éducation nationale et les inspecteurspédagogiques territoriaux est une relationfonctionnelle.

Ceci est explicité par la note de service portantsur lesmissions des inspecteurs pédagogiquesterritoriaux et des inspecteurs de l’Éducationnationale : «ce lien fonctionnel s’établit dans lecadre de l’enseignement et de l’évolution de ladiscipline (ou de la spécialité) ; l’inspecteur seréfère à la compétence globale de l’inspectiongénérale enmatière de contenu des enseigne-ments ou de pédagogie».

On peut considérer que la question de la rela-tion, hiérarchique, avec le recteur, et de celle,fonctionnelle, avec l’inspection générale estmaintenant réglée. Il faut cependant noter unelimite à ce mode de fonctionnement. Les collè-ges d’inspecteurs servent de viviers aux rec-teurs pour recruter leurs collaborateurs directs(DAFPIC, directeur de la pédagogie, directeurde cabinet). On ne peut que s’en féliciter, carceci prouve la qualité de ces personnels d’en-cadrement. Mais en même temps, cette situa-tion peutmettre encausedeséquilibres fragilesau sein des académies : nommer commedirec-teur de cabinet un des deux IPR d’une disci-plinen’est pas sanseffet sur l’accompagnementpédagogique dans cette discipline.

Deux domaines restent encore matière à évo-lution dans l’animation des collèges d’inspec-teurs pédagogiques régionaux.Il s’agit tout d’abord de la place des disciplines(ou des spécialités) dans le fonctionnement dusystème éducatif. La question n’est plus cellede la pluridisciplinarité. Le développement dusoutien scolaire au sein de l’École (accompa-gnement éducatif pour les collèges de l’édu-cation prioritaire qui devrait être étendu à latotalité des collèges et à 4000 écoles élémen-taires de l’éducation prioritaire, les stages deremise à niveau pendant les vacances, l’aidepersonnalisée dans le cadre de la réforme del’école primaire, les stages de soutien dans200 lycées), le développement des TICE (déve-loppement des ressources en ligne pour lesélèves, mais aussi pour les enseignants, intro-duction des tableaux blancs interactifs, etc.)ont des effets évidents sur les modalités d’en-seignement et doncsur l’encadrement. LeCOACdoit être une force d’impulsion et mobiliserl’ensemble des inspecteurs pédagogiquesterritoriaux sur ces sujets, enparticulier en favo-risant les travaux communs entre les différentscollèges.La deuxième piste d’évolution porte sur lamanière dont se situe l’animation des collègesd’inspecteurs dans le cadre plus large du pilo-tageacadémique. Le programmede travail aca-démique (PTA) est explicitement lié au projet

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académique ainsi qu’aux projets annuels deperformance, objectifs et indicateurs de l’aca-démie définis dans le cadre de la LOLF.

Le programme de travail académiqueLe programme de travail académique est uneformalisation de l’animation des collègesd’inspecteurs. Il identifie les activités transver-sales ou sectorielles majeures liées à la décli-naison académique des priorités nationales etcelles fixées dans le Projet Académique plu-riannuel, en fonction des réalités et des spéci-ficités de l’académie,Le PTA explicite également la contribution desdisciplines et des spécialités à lamise enœuvrede la politiquenationale déclinéeauniveauaca-démique. Dans cette dimension, il doit permet-tre de s'interroger sur :> la contribution de chaque discipline ou spé-cialité au projet de l'académie, par la défini-tion des activités prioritaires. Ces activités,plus directement liées aux disciplines d’en-seignement, aux spécialités et domaines deresponsabilité, sont établies en fonction deschoix stratégiques déterminés par l’autoritéacadémique ;

> l’état de l’enseignement des disciplines : lesinspections individuelles, l’analyse des résul-tats des élèves, tant par les évaluations natio-nales que par les examens et l’étude de leursacquis, doit alimenter un état des disciplineset de leur enseignement.

Enfin, ce document, élaboré par les corpsd’inspection, annuellement ou pluriannuelle-ment, contribue à la définition de la politiquepédagogique académique et sert de référenceà son évaluation. Le PTA en définit les modali-tés et le cadre, en dépassant, si possible, la sim-ple énumération, discipline par discipline.

L’évaluation des inspecteurs territoriauxCette évaluation est définie dans l’arrêté du 11août 2005 et la note de service du 20 octobre2005. Cette évaluation est conduite par le supé-rieur hiérarchique direct. L’inspection généralede l’Éducation nationale intervient à troismoments dans la procédure : lors de la dési-

gnation des personnels à évaluer dans l’année(dans cette phase, ce sont les correspondantsacadémiques qui, en liaison avec les doyensdes groupes, sont les interlocuteurs des rec-teurs) ; lors de la rédaction de la lettre de mis-sion ; pour la rédaction d’un rapport d’expertise.La périodicité de cette évaluation est compriseentre trois et cinq ans. Cette évaluation se tra-duit, entre autres, par une lettre demission plu-riannuelle établie par le supérieur hiérarchique.Enacadémie, celle-ci se fondesur le programmede travail des inspecteurs défini par le recteuret le correspondant académique.

En dehors des problèmes de gestion des res-sources humaines, il est encore tôt pour appré-cier si cette démarche de lettres de missionspermet d’améliorer l’implication individuelle desinspecteurs dans l’action collective et de faireévoluer la précision et l’efficacité des pro-grammes de travail académique.

La participation des correspondantsacadémiques à l’évaluation du systèmeéducatif au niveau académiqueIl est écrit dans les statuts que le correspon-dant académique met en œuvre dans lesacadémies lesmissions permanentes et le pro-gramme de travail annuel du corps. C’est dansce cadre que les correspondants académiquescontribuent à l’évaluation du système éducatifauniveauacadémique. Cette évaluationaconnude nombreuses formes, les dernières d’entreelles étant les évaluations des enseignementsen académie, les bilans de rentrée et de pré-paration de rentréeet l’évaluation despolitiquesacadémiques.

Alors que la nécessité d’une telle évaluation estde plus en plus importante du fait de la décon-centration du système éducatif, il est toujoursaussi difficile de définir une stratégie à peu prèsstable et reconnue dans ce domaine. Le cor-respondant académique peut contribuer àl’évaluation des politiques publiques au niveaud’uneacadémie.Ceciestcompatibleavecsafonc-tion d’animation pédagogique si on aborde l’éva-luationsous leseulanglequi luipermettedevivre:

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en faire une démarche constructive qui contri-bue au progrès de l’académie. De plus, cesévaluations concourent à donner du sens audialogueentre l’administrationcentraleet lesaca-démies, qui ne peut se résumer à des confronta-tions d’indicateurs en matière de performancespédagogiques ou de consommation de moyens.

En conclusion, le correspondant académiquede l’IGEN est un acteur majeur dans la cons-truction de la cohérence nationale de l’actionéducatrice, tant par sa contribution à l’anima-tion des collèges d’inspecteurs que par saparticipation à l’évaluation des politiquespubliques au niveau académique. �

RéférencesPoint de situation de la réforme du lycée, site du ministère de l’éducation nationale, 17 juillet 2008.

Statut particulier des inspecteurs généraux de l’éducation nationale, Décret n°89-833 du 9 novembre 1989,Journal Officiel du 14 novembre 1989.

Missions des inspecteurs d’académie - inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteurs de l’éducation nationale,note de service 2005-089 du 17 juin 2005 ; B.O. n°25 du 30 juin 2005.

Préparation de la rentrée 2008, circulaire 2008-042 du 4 avril 2008, B.O. n° 15 du 10 avril 2008.

Conditions générales d’évaluation des inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteursde l’éducation nationale, arrêté du 11 août 2005, Bulletin officiel 39 du 27 octobre 2005.

Mise en œuvre de l’évaluation des inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteurs de l’éducationnationale, note de service 2005-165 du 20 octobre 2005, Bulletin officiel n° 39 du 27 octobre 2005.

Rénovation du service public de l’éducation nationale : responsabilité et démocratie, rapport au ministre de l’éducation nationale,de la recherche et de la technologie, à la ministre déléguée à l’enseignement scolaire, Claude Pair, février 1998.

Inspecteur général en académie, un hybride fécond, François Perret, Administration et éducation n°82, deuxième trimestre 1999.

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L’inspection générale de l’Éducation natio-nale a bien desmérites. Elle compte nom-bre de personnalités très compétentes,

elle joue un rôle non négligeable dans le sys-tème éducatif français. Et pourtant, si « elletourne», elle ne tourne pas bien, au ressenti etaux dires tant des inspecteurs généraux eux-mêmes que des acteurs ou des observateurs.C’est que le décalage va croissant entre uneinstitution qui continue largement à vivre surson âge d’or passé et un système éducatif enprofonde évolution, dans une France et unmondequi bougent. Les travaux dubicentenairelemontraient déjà1. Ce décalage est flagrant surtrois points : les missions, le recrutement,l’organisation.

Les missionsL’IGEN a joué un rôle essentiel dans l’affirma-tion du caractère scientifique des disciplines etla gestion des enseignants. Cesmissions furentbénéfiques au systèmependant des décennies,en particulier pendant la premièremoitié duXXe

siècle. Elles ne devraient plus être la préoccu-pation majeure de l’IGEN aujourd’hui. En effet,ce qui prime tant pour le pouvoir politique que

pour les usagers, ce sont les performances desélèves, des personnels, des établissements, desacadémies, du système! Le pilotage par lesrésultats a pris le pas sur le pilotage par laconformité aux normes. La LOLF en est l’illus-tration et partout autour de nous, les pays sesont engagés dans la voie de l’évaluation et ontadapté leurs organes d’inspection à cet objectif.

Or, en France, nous restonsàmi-chemin !Certes,desprogrèsont étéaccomplis depuisunedizained’années,mais sans que lamission de l’inspec-tion soit clairement située. Celle-ci est d’abordconcurrencée par une direction du ministère,qui a clairement lamission d’évaluation, commesi le système pouvait distinguer une évaluation«quantitative» d’une évaluation «qualitative»relevant de l’IG. Elle reste imprégnée de confor-mité et continue, souvent avec appétit, à rem-plir des missions de gestion des enseignantsdont l’intérêt est discutable (quelle plus-valueapporte la notation finale des agrégés par lesIG?) ou très absorbant (les professeurs desCPGE) ou d’interventions de gestion que d’aut-res, et notamment les inspecteurs territoriaux,pourraient remplir fort bien (examens…). En

Une inspect ion générale en phaseavec son tempsBERNARD TOULEMONDE, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale

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réalité, lorsque l’on examine les activités desIG, commecela aété fait dans le cadredesgrou-pes de réflexion mis en place par le ministre àl’automne 2002, c’est un inventaire à la Prévertde tâches dispersées et d’intérêt variable, cer-tes utiles. Mais est-ce à des IG de les remplir?Une bonne fois pour toutes, décidons que l’IGa pour mission exclusive d’évaluer les perfor-mances et articulons la avec la DEPP: les cho-ses seront enfin claires.

Le recrutementLe recrutement des inspecteurs généraux estmarqué par deux traits : la consanguinité et le«clonage». La consanguinité résulte des tex-tes qui exigent d’avoir été enseignant, sousréserve du tour extérieur (1 poste sur 5) qui,d’ailleurs, poseproblèmepar sonutilisation sou-vent outrancière ; le clonage résulte de la pra-tique : nul ne sait quel est le «profil » recherchéd’un IG… Aussi la commission de sélection sebase-t-elle sur le passé du candidat (un «bonprofesseur », souvent issu des CPGE) et surl’idée que chacun de ses membres, d’ailleursassez divers, se fait de l’inspection. Ouvrons lerecrutement : pourquoi un ancien directeur dela DEP, qui pourrait apporter à l’IG autant qu’ila apporté au ministère, ne pourrait-il pas êtreaccueilli à l’IG sous prétexte qu’il est issu d’uncorpsdehauts fonctionnaires nonenseignants?Ciblons précisément les profils recherchés,notamment des spécialistes des missionsconfiées à l’IG, et organisons, comme cela adébuté, uncycle approfondi de formationà l’em-ploi pour les nouveaux recrutés. C’est par lemélange des cultures et par l’appel aux com-

pétences, précisément définies pour chaqueposte, que l’IG pourra à nouveau jouer un rôledéterminant dans le système éducatif.

L’organisationL’organisation actuelle, par discipline ou parspécialité, n’est pas adaptéeau fonctionnementde l’Éducation nationale. Elle présente de tropnombreuxeffets pervers: cloisonnement et fonc-tionnement en « tuyaux d’orgue» avec chacunses rites, sa culture, sesméthodes, sa tendanceinévitable à la «défensede la discipline» («com-bien de divisions»?) et à la constitution de hié-rarchies parallèles. Comme les enseignantsqu’ils furent, la plupart des IG se définissent parrapport à leur discipline et non pas par rapportà l’inspection générale, ni même parfois parrapport augroupeauquel ils appartiennent,maisà l’une de ses spécialités… Cette organisationconduit à une grande pauvreté du travail col-lectif et interdisciplinaire ; elle pèse sur l’en-semble du systèmeet va totalement à l’encontrede la transversalité que connaissent désormaisle niveau académique et le niveau des établis-sements scolaires.

Au moment où le système se polarise sur lesacadémies et où celles-ci bâtissent leur projetet leur rapport académiques de performances,l’IG ne pourrait-elle pas s’organiser en « taskforces» pour aider les académies à élaborerleur projet, à bâtir leurs indicateurs, à évaluerleurs performances et rendre compte desrésultats au ministre, au Parlement, aux auto-rités académiques et régionales ainsi qu’auxfamilles? �

(1) Jean-Pierre Rioux (sous la dir.) : Deux cents ans d’inspection générale, 1802-2002, Fayard 2002

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L’histoire de l’inspection générale del’Éducation nationale s’inscrit dans letemps long et c’est sur la longue durée

qu’il faut juger de ses évolutions. Dans sacontribution à l’ouvrage collectif Deux centsans d’Inspection générale 1802-2002, PierreGarrigue s’interrogeait ainsi : «Sommes-nousen présence, avec le statut de 1989, d’uneréforme qui viendrait s’ajouter à toutes cellesqu’a connues l’institution au cours de deux siè-cles d’existence ou d’une révolution de natureà remettre en cause les principes fondateurs?».«Révolution tranquille», répondait-il lui-même,dans une institution dont il soulignait la capa-cité d’adaptation et qui, après avoir été géné-raliste à sa création, puis spécialisée avec ledéveloppement, à la fin du XIXe siècle, de laculture scolaire, redevenait, selon lui, géné-raliste à l’heure de la décentralisation et del’autonomie. Presque vingt ans après le statutde 1989, quel regard porter sur cette « révolu-tion silencieuse » qu’a connue l’inspectiongénérale, selon lemot deBernard Toulemonde?Quelles nouvelles voies, quels nouveaux équi-libres doit-elle trouver demain pour s’adapteraux changements de l’École, tout en restantfidèle à ses valeurs?

Vingt ans après,des questions toujours d’actualitéLes questions qui se posaient il y a vingt ans etplus1 continuent de se poser avec la mêmeacuité : comment concilier encadrement péda-gogique et évaluation globale du système,inspection spécialisée et inspection générale?Quel équilibre établir entre les travaux denaturedisciplinaire, thématique et territoriale? Quelledoit être la place d’une inspection nationaledans un système de plus en plus décentraliséet déconcentré? Naturellement, les réponsesapportées en pratique à ces questions varientsuivant les périodes et les besoins des diffé-rents ministres.

Aujourd’hui, par exemple, dans une période deréformes nombreuses et profondes, le ministreattend d’abord de l’inspection générale qu’elleaccompagne et contrôle sur le terrain la miseen place des réformes qui ont été engagées(enseignement primaire, voie professionnelle),mais aussi qu’elle participe pleinement à l’éla-boration de celles à venir (définition des nou-veaux programmes du futur lycée, conceptiondes nouveaux concours de recrutement desprofesseurs). Ce sont surtout les fonctions d’en-

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Achever la révolut ion de 89 ?FRANÇOIS PERRET, doyen de l’inspection générale de l’Éducation nationale

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cadrement et d’expertise de l’inspection géné-rale qui sont ici sollicitées, au détriment sansdoute de samission d’évaluation. Elle demeureainsi plus que jamais « l’œil du Ministre», lesinspecteurs généraux se répandant sur le ter-ritoire comme autant de missi dominici de lapolitique ministérielle. Il faut dire que le statutde 1989 laisse le jeu très ouvert : sans douteréaffirme-t-il, après la loi, la primauté de lamis-sion d’évaluation,mais il conserve lesmissionstraditionnelles de contrôle des établissementset des personnels, d’encadrement pédagogiqueet de conseil du ministre, ce qui autorise uneutilisation très souple de l’inspection générale.

De grandes évolutionsToutefois, au-delà de ces fluctuations circons-tancielles, quelquesgrandesévolutionsontmar-qué les dernières années.

Enmatièred’évaluationdespersonnels, l’inspec-tion des professeurs est devenue, à l’inspec-tiongénérale, uneactivité résiduelle, à la notableexception de l’inspection des professeurs deCPGE qui constitue pour certains groupes(mathématiques, par exemple) uneassez lourdecharge. Plus largement, la gestion du systèmedes CPGE reste entièrement assurée parl’inspection générale, aumotif que c’est le der-nier segment de l’enseignement qui demeurede compétence nationale. Jusqu’à quand? Àl’égard des professeurs agrégés, l’inspectiongénérale conserve des attributions (titularisa-tion dans le corps, notation) dont on sedemandepourquoi elles ne sont pas depuis longtempsdéconcentrées. Son poids dans le recrutementdes personnels enseignants comme des per-sonnels d’encadrement demeure déterminant.On peut penser que cette présence dans lesjurys des concours est d’autant plus justifiéeque la réforme de la formation et du recrute-ment desmaîtres va dorénavant distinguer net-tement la responsabilité des universités, qui estde former et de qualifier, de celle de l’Étatemployeur, qui est de recruter des professeurs.Dans cette nouvelle architecture, l’inspectiongénérale représente l’employeurdont elle garan-tit les intérêts. En 1972, la commissionJoxedécri-

vait une inspection générale très intégrée à ladirection du personnel pour l’essentiel de sontravail. Manifestement - et heureusement ! -ce n’est plus le cas, même si subsistent cer-tains vestiges de ses anciennes activités.Naturellement, ceci ne doit pas nous conduireà être absents des établissements et desclasses ; mais il faut que tous, les autoritésacadémiques, les chefs d’établissement, lesprofesseurs, s’habituent au fait qu’un inspec-teur général peut être présent dans un collègeou un lycée pour autre chose qu’une « inspec-tion» de professeurs.

Depuis quelques années, d’autre part, l’inspec-tion générale contribue à l’évaluation régulièredes IEN et des IA-IPR, ce qui réintroduit entreelle et eux une sorte de lien hiérarchique qui vaau-delà de sa mission statutaire de coordina-tion de l’action des inspecteurs pédagogiques.Il n’est pas certain, toutefois, que cette pratiquesoit durable, les travaux en cours sur les corpsd’inspection territoriaux paraissant revenir àune évaluation purement rectorale : je suis deceux qui ne déploreraient pas un tel retour dansl’intérêtmêmedu lien fonctionnel et intellectuelqui nous unit aux inspecteurs territoriaux. Celien, certains inspecteurs généraux estimentqu’il se distendet quec’est là le signed’un affai-blissement de la régulation nationale des poli-tiques éducatives, dans un système largementdéconcentré. Cela est peut-être vrai s’agissantdes liens verticaux, des relations de travail cen-trées sur la discipline ou la spécialité. En revan-che, la présence de l’inspection générale dansles académies permet souvent de nouer desliens différents, plus transversaux, autour duprojet académiqueet de l’améliorationdes «per-formances» des élèves. C’est tout l’art du cor-respondant académique - l’une des fonctionsles plus délicates à exercer- quedemarier ainsiles logiques verticales et horizontales : la qua-lité de certains programmes de travail acadé-miques (PTA) en témoigne, loin des exercicesformels qu’ils furent souvent.

Dans un autre domaine, l’un des traits carac-téristiques de l’activité de l’inspection générale

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ces dernières annéesest le développement destravaux conjoints avec d’autres inspections :avec l’IGAENR bien sûr, mais aussi avec d’au-tres corps de contrôle ministériels ou intermi-nistériels (qu’on songe, par exemple, aux auditsde modernisation menés ensemble par l’IGEN,l’IGAENR et l’IGF ou aux travaux conduits dansle cadre de la Révision générale des politiquespubliques). Avec l’IGAENR, le compagnonnageest permanent,maisà laperspectived’uneéven-tuelle fusion des deux inspections a succédéune attitude plus pragmatique qui permet denouer des alliances chaque fois que cela s’a-vère utile ou nécessaire. La lettre de missionannuelle des ministres est adressée aux deuxchefs de corps, qui définissent ensemble lesmissions qui relèvent de l’un, de l’autre ou desdeux ensemble. Et de fait, lamajeure partie desmissions des derniers programmes annuels detravail ont été conduites de concert, croisantles approches pédagogiques, administratives,financières, au plus grand bénéfice non seule-ment de lamission elle-même,mais des inspec-teurs généraux qui s’enrichissent de ce travailconjoint. Aujourd’hui, de telles habitudes de tra-vail ont été prises entre les deux inspectionsque non seulement tout retour en arrière paraîtexclu, mais que l’avenir ne peut se concevoirqu’ensemble, notamment pour l’évaluation despolitiques publiques.

Une situation paradoxaleOr, enmatièred’évaluationprécisément, la situa-tion actuelle me paraît assez paradoxale. Eneffet, les deux inspections se sont forgé descompétences dans l’évaluation des politiqueséducatives et dans celle des territoires : lesmis-sions d’évaluation de l’enseignement dans lesacadémies ont joué à cet égard un rôle déter-minant et très positif, même si l’on a souvent ditqu’elles ontmoins porté sur l’enseignement lui-mêmeque sur le pilotage académique ; les der-nières missions ont eu lieu durant l’année2005-2006. En outre, au cours des cinq dernièresannées, la réflexion conjointe s’est approfon-die dans deux directions : l’évaluation des éta-blissements d’abord, à propos de laquelle unrapport de 2004 préconisait une démarche

d’auto-évaluation encadrée, l’inspection géné-rale pouvant exercer une sorte de «contrôlequalité » de second niveau ; l’évaluation desacquis des élèves ensuite, en ouvrant des per-spectives concrètes donnant corps à la notionun peu abstraite et technocratique de «perfor-mances» des élèves. L’engagement de l’IGENdans les travaux relatifs au socle commun,l’étude qu’elle a menée en 2007 sur les livretsde compétences ont également fait progresserla réflexion commune. Mais tout se passecomme si ces compétences acquises ne trou-vaient pas d’objets sur lesquels s’exercer.

À titre d’illustration, prenonsunexemple récent.Au termede l’année scolaire 2005-2006, une foisachevées les évaluations de l’enseignementdans les académies métropolitaines, il a étédécidé que les travaux d’évaluation des inspec-tions porteraient sur les politiquesacadémiqueset seraient conduites par les inspecteurs géné-rauxcorrespondants académiques (COAC).Nonpas les politiques académiques dans leurensemble, mais tel ou tel axe de ces politiques,choisi en concertation entre les recteurs, lesCOAC et l’administration centrale (principale-ment la DGESCO). Or, force est de reconnaîtreque cette initiative n’a pas rencontré le succèsescompté,malgré la qualité de bien des travauxmenés dans ce cadre. L’idée était d’analysernon pas l’application locale uniforme d’unemesure nationale, mais les choix, les prioritésque les académies se donnent et qui structu-rent dans leur diversité les projets académiques.Les inspections pensaient que ces notes d’é-valuation seraient de nature à éclairer, à nour-rir le dialoguecontractuel entre l’administrationcentrale et les académies. Réticences de cer-tains recteurs, urgences de l’application desréformes nationales pour la DGESCO, difficultépour certains COAC à être à la fois celui quiaccompagne et celui qui évalue… Au bout dedeux ans, il faut bien convenir que cette mis-sion n’a pas vraiment atteint les buts qu’elle s’é-tait fixés. Ainsi, alors que la loi confère commepremièremission à l’IGEN l’évaluation des poli-tiques publiques d’éducation et des territoires,l’exercice de cette mission n’est que la portion

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congrue dans ses activités. Et cela, aumomentoù d’autres instances ou corps de contrôle, telsque l’inspection générale des finances ou laCour des comptes, n’hésitent pas à publier desrapports d’évaluation sur le système éducatiffrançais, sans compter les résultats des com-paraisons internationales. Disons-le : enmatièred’évaluation, la voix de l’IGEN ne se fait pasassez entendre.

Une mutation inachevéeÀcela, il y a sans doute des raisons liées à l’ac-tualité et aux besoins du suivi des réformes etdes contrôles de conformité : nous les avonsévoquées plus haut. Mais plus profondément,la mutation de l’IGEN est restée inachevée :celle-ci n’est pas redevenue«générale» commele pensait Pierre Garrigue, mais elle apparaîtplutôt comme un corps d’experts spécialisés,sollicités pour demultiplesmissions. Car, commele note l’un des contributeurs de ce numéro,quand on analyse dans le détail l’activité desinspecteurs généraux, onnepeut qu’être frappépar la dispersion, l’éclatement de leurs tâches,toutes utiles aubon fonctionnement du système,certes,mais ne relevant pas toutesd’une inspec-tion générale. Le risque d’une certaine perted’identitéprofessionnelleest réel, je l’ai constatébien souvent lors de conversations avec descollègues. La plus grande part de ces tâches«ordinaires» d’un inspecteur général ont traità l’encadrement pédagogique et au suivi de ladiscipline ou de la spécialité, le reste - quand ily en a - pouvant être consacré à des missionsspécifiques de caractère territorial ou trans-versal. C’est cette logique qu’il faut inverser sil’on veut que l’inspection devienne vraimentgénérale. L’ordinaire de la plupart des inspec-teurs généraux devrait être composé d’abordde cesmissions non strictement disciplinaires.

Faut-il pour cela repenser l’organisationducorpsen groupes disciplinaires et de spécialités?

Je ne nie certainement pas, dans un systèmed’enseignement qui reste structuré par les dis-ciplines, la nécessité de constituer et d’entre-tenir des foyers d’expertise spécialisée,

disponible en permanence.Mais, d’une part, onpourrait imaginer d’abattre quelques cloisonset de rapprocher des groupes qui ont vocationà travailler ensemble pour constituer des pôlesplus conformes à l’esprit de certains nouveauxprogrammes et à celui du socle commun.L’évolution déjà engagée des contenus d’en-seignement nous y conduira, lentement peut-être, mais sûrement. D’autre part, il s’agit dedégager des compétences qui ne sont pas sim-plementdisciplinairesoupluridisciplinaires,maisqui traversent et surplombent les disciplines.

Aujourd’hui, par exemple, l’expertise de l’IGENest de plus en plusmise à contribution dans destravaux conduits sous l’égide de la Commissioneuropéenne ou du Conseil de l’Europe ou biendans des missions de coopération éducative.La plupart du temps, les sujets abordés sont denature transversale : compétences-clés pourl’éducation et la formation, cadre européen descertifications, indicateurs de compétence lin-guistique, réflexions sur la langue d’enseigne-ment, éducationetmigrations, appui à lacréationd’une inspection dans des pays en développe-ment, etc. C’est bien ce type de compétencesquenousdevonségalement développer ennotresein, en refusant une division du travail qui enconfierait l’exclusivité aux deux groupes trans-versaux dits «de spécialités», Établissementset vie scolaire et Enseignement primaire. Or, j’aiacquis la conviction qu’un inspecteur généralne peut pas tout faire en même temps : le suiviet l’animation nationale et académique de sadiscipline, lesmissions de contrôle, les travauxd’évaluation des territoires, des politiques, dusystèmeéducatif. C’est pourquoi je crois, commed’autres2, qu’il convient que des inspecteursgénéraux (IGENet IGAENR) puissent se consa-crer à temps plein, pendant une période don-née de leur activité, à desmissions d’évaluationdes politiques nationales d’éducation, des stra-tégies académiques, des unités d’enseigne-ment, dans uneperspective qui donne la prioritéà l’évaluation des résultats.

Dans ce but, l’IGEN et l’IGAENR ont décidé decréer cette année un groupe conjoint expéri-

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mental consacré à l’évaluation des politiquespubliques, dont l’un des premiers objectifs serade se professionnaliser et de diffuser progres-sivement les techniques spécifiques, les savoir-faire nécessaires à ce type de démarche. Sicette expérimentation s’avère concluante, laperspective pourrait être celle de la créationd’un groupe transversal permanent regroupantdes inspecteurs générauxqui, ducôtéde l’IGEN,quitteraient, pour un temps à définir, leursgroupes d’appartenance originelle. Dans cettehypothèse, bien sûr, des profils particuliers cor-respondant à ces besoins devraient être offertsau recrutement, ce qui suppose sans doute quelesconditions statutaires denominationà l’IGENévoluent.

Le besoin d’un nouvel élanUn demes interlocuteursme disait récemmentque l’IGENest à la fois partout et nulle part dansle système éducatif français. Vingt ans aprèsle statut de 1989, il est probable qu’elle a besoind’un nouvel élan, d’un projet qui la mette plusen phase avec l’évolution de l’École et de sonpilotage, avec l’effort de modernisation del’État, avec l’obligation de rendre compte auxcitoyens et à leurs représentants. Cela passe,notamment, par la réaffirmation claire de lapriorité donnée à sa mission d’évaluation.L’Éducation nationale a besoin en effet d’uneinspection générale capable de porter sur sesobjectifs, son fonctionnement, ses résultats unregard distancié, critique et constructif à la fois.A cet égard, il faut saluer l’initiative prise par le

ministre qui a lancé cette année un travailconjoint entre les inspections généralestchèque, écossaise et françaises, dans le but,à terme, d’élargir le cercle et demettre enplacedes évaluations croisées des politiques édu-catives des pays européens volontaires. Le faitque l’inspection générale française, à la diffé-rence d’ autres, soit interne à l’Éducation natio-nale et placée sous l’autorité du ministreconstitue un atout, non pas un handicap : parcequ’elle connaît parfaitement et comprend lamatière dont elle traite, parce que la dissocia-tion de la puissance publique en de multiplesagences et autorités administratives indépen-dantes n’est pas de nature, à mon sens, à ren-forcer son action, parce que, surtout, c’est del’intérieur de l’institution que doit naître lemou-vement perpétuel d’ajustement, d’adaptation,voire de remise en cause. On dit que l’équiva-lent canadien de notre Révision générale despolitiques publiques a été couronné de succèsparce que ce sont les ministères eux-mêmesqui ont pris la responsabilité de passer au cri-ble leurs missions et de porter la réforme. Jene sais si c’est vrai, mais cela devrait l’être, carc’est toujours de l’intérieur que l’État doit seréformer.

L’inspection générale doit demeurer cet espaceprivilégié de libre examenet dedélibération col-lective qu’elle a toujours été, parfaitement com-patibles avec la loyauté due aux ministres. Savoix continuera ainsi de se faire entendre, à l’in-térieur comme à l’extérieur de l’institution. �

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(1) Le rapport de la commission Joxe sur la formation des enseignants proposait déjà en 1972 de «rendre l’Inspection généraleà sa mission qui est d’inspection générale». Cf. aussi Christian Beullac en octobre 1978 : «S’il y a des inspecteurs généraux,peut-on parler d’une Inspection générale?»

(2) Voir l’article de Christian Merlin dans ce numéro : «Réforme de l’État et mutation de l’IGEN»

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L’inspection générale à l’heure des changementsNUMÉRO 5 – DÉCEMBRE 2008

la revuede l‘inspection générale

> CHRISTIAN MERLIN

> BERNARD DIZAMBOURG

> FRANÇOISE MALLET

> ROGER-FRANÇOIS GAUTHIER

> PASCAL AIMÉ

> ALAIN DULOT

> JEAN-PAUL DELAHAYE

> GENEVIÈVE GAILLARD

> ANNE ARMAND

> VIVIANNE BOUYSSE

> MARC FORT

> BERNARD TOULEMONDE

> FRANÇOIS PERRET

La revue de l’inspection générale

Inspection générale

Thierry Bossard - chef du service de l’IGAENRFrançois Perret - doyen de l’IGEN

Philippe Dulac - Michèle Jue-Denis

www.education.gouv.fr/inspections-generales/points-de-vue

Décembre 2008

Délégation à la communication

Phovoir - Caroline Lucas / MEN-MESR

Ovation / 1 500 exemplaires

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