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Le marché commun du Sud: MERCOSUR Étude de cas sur une expérience d’intégration économique BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL GENÈVE 109

du Sud: MERCOSUR · Le Mercosur et la formation professionnelle, par Pedro Daniel We i n b e r g 5 4 Le Mercosur et l’inspection du travail, par José Luis Daza Pére z 6 4 La sécurité

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Le marché com m u ndu Sud: MERCOSURÉtude de cassur une ex p é rience d’intégration économique

BUREAUINTERNATIONALDU TRAVAILGENÈVE

109

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Le Marché commun du Sud:M e rc o s u r

Etude de cas sur une expérienced’intégration économique

Education ouvrière 1997/4N u m é ro 109

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E d i t o r i a l V

Travail et emploi dans le Mercosur,par Víctor E. Tokman et Daniel Martínez y Fernandez 1

Institutions et relations du travail dans le Mercosur,par Oscar Ermida Uriarte 1 6

Les syndicats dans le Mercosur, par Julio Godio 2 8

Le Mercosur et les défis de la participation et de l’intégrationdes femmes dans le monde du travail, par Petra Ulshoefer 4 2

Le Mercosur et la formation professionnelle, par Pedro Daniel We i n b e rg 5 4

Le Mercosur et l’inspection du travail, par José Luis Daza Pére z 6 4

La sécurité sociale et les processus d’intégration:le Mercosur, par A l f redo H. Conte-Grand 7 0

Le Mercosur: performances économiques et perspectives,par Beethoven Herrera Va l e n c i a 7 8

I I I

S o m m a i re

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Les mutations fondamentales qui se produisent dans tous lesdomaines de l’activité humaine sont l’une des caractéristiques les plusm a rquantes de notre époque. Aux bouleversements politiques récentsviennent s’ajouter les avancées vertigineuses des sciences et des tech-niques, l’internationalisation et l’ouverture pro g ressive des investisse-ments, le développement des réseaux mondiaux de production et d’in-formation et les sensibles modifications des stru c t u res sociales.

Dans ce contexte, la mondialisation des économies et l’ouverturedes marchés procèdent par des voies diverses et sous diff é rentes modali-tés, parmi lesquelles les accords multilatéraux et les expériences d’inté-gration régionale ou sous-régionale occupent une place prépondérante.

Dans le cas de l’Amérique latine, le processus engagé en mars 1991avec la constitution du Marché commun du Sud (Mercosur) a donné lieuà une dynamique d’intégration ouvrant la voie à la consolidation dess t ru c t u res politiques et économiques de cette organisation, qui a pour butde faciliter les échanges et de contribuer au développement économiqueet social de la région. Il faut signaler que le mouvement syndical, à tra-vers la coordination des centrales syndicales du Cône Sud, a joué un rôleessentiel dans cette évolution vers le re n f o rcement des stru c t u res à carac-t è re politique et social.

Dans cette perspective, les défis sont multiples et vont au-delà desaspects relatifs à l’efficience des politiques économiques et aux perfor-mances macroéconomiques. Ils supposent également l’émergence dessystèmes de relations professionnelles démocratiques et équitables quipermettent la participation des travailleurs aux activités de production etqui respectent aussi bien les droits de ces derniers que les principes fig u-rant dans les normes internationales du travail, contribuant de la sorte àf a i re avancer la justice sociale.

Les articles du présent numéro d’Education ouvrière apportent unecontribution importante aux réflexions concernant les implications decette expérience d’intégration régionale en matière de travail. Ces diffé-rentes études analysent, dans une optique pluridisciplinaire, les ques-tions liées au marché du travail, à l’emploi, aux salaires, au commerceinternational, aux relations professionnelles, à l’inspection du travail, àla sécurité sociale, à la formation professionnelle, à l’organisation destravailleurs et, bien entendu, à la place des femmes dans le monde dutravail.

Ces articles ont pour auteurs plusieurs de nos collègues du BITainsi que divers collaborateurs extérieurs. Tous disposent d’une vasteexpérience de travail en Amérique latine, en particulier dans le CôneSud, et connaissent de très près la dynamique engendrée par ce pro c e s-sus d’intégration. Nous les re m e rcions sincèrement pour leur précieusec o l l a b o r a t i o n .

V

E d i t o r i a l

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Ce numéro est le premier à présenter un cas d’intégration régio-nale. Nous pouvons ainsi envisager de consacrer de prochaines éditionsde notre publication trimestrielle à d’autres expériences d’intégration quise déroulent en Afrique, en Asie et en Euro p e .

Giuseppe Quere n g h iD i re c t e u r

B u reau des activités pour les travailleurs

V I

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La relance de l’intégration régionaleet la mondialisation de l’activitééconomique en Amérique latine

L’Amérique latine a accompli, depuis ledébut des années quatre-vingt-dix, d’impor-tants progrès dans la voie de l’intégration éco-nomique, avec la négociation et la mise enœ u v re de nouveaux accords multilatéraux devaste portée: le traité instituant le Marché com-mun du Sud (Mercosur), l’Accord de libre -échange nord-américain (Alena), la constitu-tion du Groupe des trois (Colombie, Mexique,Venezuela); avec la réactivation d’accord santérieurs: institution du tarif extérieur com-mun des pays du Groupe andin, formationd’un sous-groupe au sein du Marché commund’Amérique centrale; avec la conclusion demultiples accords bilatéraux dans le cadre del’Association latino-américaine d’intégration(Aladi). Cet ensemble d’accords a engendré,dans les échanges régionaux, un mouvementde libéralisation qui, par son rythme et sona m p l e u r, est sans précédent dans les eff o r t sd’intégration économique.

L’Etat intervient moins

Les progrès de l’intégration se rattachentau processus beaucoup plus large de réformess t ru c t u relles engagé par les pays d’Amériquelatine, lequel s’inscrit lui-même dans le mou-vement généralisé de privatisation, de libérali-sation et de mondialisation de l’activité écono-mique. En allégeant la réglementation, enprivatisant des activités confiées auparavantau secteur public, ces pays ont réduit dans uneplus ou moins large mesure, et avec des résul-tats variables, l’intervention de l’Etat dans lavie économique, en même temps qu’ils cher-chaient, sur le plan extérieur, à pre n d re rapide-ment leur place dans l’économie mondiale.

Les trois voies de l’ouvert u re

L’ o u v e r t u re des marchés s’effectue par tro i smoyens: la réduction unilatérale des droits dedouane et des autres restrictions mises auxéchanges, les accords internationaux, l’intégra-tion régionale.

Le premier moyen a été sans doute le plusimportant, celui qui a eu le plus d’effet quant àla rapidité et à l’ampleur de la libéralisation deséchanges. En 1985, les droits de douane, dansun groupe représentatif de pays du continent,se situaient en moyenne autour de 35 pour centet pouvaient s’élever jusqu’à 100 pour cent,selon un tarif généralement très complexe.Quelques années plus tard, en 1992, le tauxmoyen était de 14 pour cent et le taux maximalde 22 pour cent, avec un étagement très réduit.

Cette évolution s’observe notamment enA rgentine et au Brésil, les deux principaleséconomies du Merc o s u r. Au moment où ontété prises les pre m i è res mesures de libéralisa-tion (1989 et 1988), les taux maximaux étaientde 65 pour cent dans le premier de ces pays etde 105 pour cent dans le second, les tauxmoyens de 39 et de 51 pour cent. En 1993, lestaux maximaux avaient été ramenés à 30 et à35 pour cent, les taux moyens à 15 et à 14 pourcent, respectivement. Le tarif ne compre n a i tplus que trois paliers en A rgentine et sept auBrésil (vingt-neuf cinq ans plus tôt).

Sur le plan international, les pays d’Amé-rique latine ont tous adhéré aux accords aux-quels ont conduit les négociations des partiescontractantes à l’accord général sur les tarifsdouaniers (GATT) et ils se re t rouvent aujour-d’hui membres de la nouvelle Org a n i s a t i o nmondiale du commerce (OMC), ce qui com-porte, avec l’engagement d’éliminer les bar-r i è res commerciales et de promouvoir la libertédes échanges, une plus grande facilité d’accèsaux marchés mondiaux.

1

Travail et emploi dans le Merc o s u r

Víctor E. To k m a nS o u s - d i recteur général du BIT,

D i recteur du Bureau régional de l’OIT pour les Amériques

Daniel Martínez y Fern á n d e zSpécialiste principal en matière d’intégration sociale et économique,

B u reau régional de l’OIT pour les Amériques

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Un élément de la stratégie à suivre

Quant à l’intégration régionale, elle sepoursuit de façon accélérée grâce à l’ensembledes accords multilatéraux et bilatéraux quenous avons cités plus haut, accords dontdivers facteurs ont facilité la conclusion. Lespays du continent se sont rapprochés sur leplan politique – ils ont presque tous un régimedémocratique – et sur le plan économique, oùils suivent des orientations semblables. Ils ontp ro g ressé vers un certain équilibre macro é c o-nomique qui leur permet de porter leur atten-tion, au-delà des mesures d’ajustement, sur lac roissance à moyen et à long terme. L’ i n t é g r a-tion apparaît comme un élément de la stratégieà suivre pour soutenir et accélérer le dévelop-pement grâce à des productions efficaces etcompétitives, en poussant les exportationsnouvelles sur les marchés élargis qui s’off re n t .Partout dans le monde, l’heure est aujourd ’ h u ià la formation de grands ensembles, tendanceencouragée et re n f o rcée dans la région, sur leplan politique, par l’Initiative des A m é r i q u e s .

Le rythme et la manièrequi conviennent

Les formes d’intégration retenues se carac-térisent par leur souplesse tout en étant mar-quées par un souci de convergence. Chaque

zone, chaque pays devrait avancer au rythmeet de la manière qui lui conviennent le mieuxpour arriver à un degré poussé d’ouverture etde complémentarité, en dépassant le systèmemultilatéral GAT T- O M C .

Le marché régional le plus dynamiquepour les biens manufacturés

L’ o u v e r t u re des marchés, les progrès del’intégration et la mondialisation de l’activitééconomique ont concouru à faire du dévelop-pement des exportations un important facteurde la croissance en Amérique latine. Dansl’ensemble de la région, les exportations ontaugmenté plus vite que les productions desti-nées aux marchés intérieurs. Et ce sont lesexportations intrarégionales qui, de toutes,ont pro g ressé le plus entre 1990 et 1994. Vr a i epour tous les ensembles économiques, cetteconstatation est particulièrement nette pourles pays du Merc o s u r, avec la mutuelle ouver-t u re des marchés (tableau 1). Fait à notere n c o re: l’essor des exportations de biensmanufacturés, qui représentent une fractionen nette augmentation de l’ensemble desexportations (tableau 2). Il apparaît que, pourplusieurs pays, c’est le marché régional qui aété le plus dynamique pour cette catégorie debiens, facteur qui a poussé encore à accélére rl ’ i n t é g r a t i o n .

2

Tableau 1. M e rc o s u r: Exportations internes et vers le reste du monde, 1990-1 9 9 5

1 9 9 0 1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3 1994 1 9 9 5

– E x p o rtations au seindu Mercosur (milliards de dollars E.-U.) (a) 4 , 1 5 , 1 7 , 2 1 0 , 0 1 2 , 0 1 4 , 4

– Vers le reste du monde( m i l l i a rds de dollarsE.-U.) (b) 4 6 , 4 4 5 , 9 5 0 , 5 5 4 , 2 6 2 , 1 7 0 , 3

– R a p p o rt a/b( p o u rc e n t a g e ) 8 , 9 11 , 1 1 4 , 3 1 8 , 5 1 9 , 3 2 0 , 5

S o u rc e: Commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), d’après les données off i c i e l l e s .

Tableau 2. Pays du Merc o s u r: Part des exportations de biens manufacturés dans l’ensembledes exportations, 1980-1995 (en pourcentage, valeur FOB)

P a y s 1 9 8 0 1 9 8 5 1 9 9 0 1 9 9 2 1 9 9 4 1 9 9 5

A rg e n t i n e 2 3 , 1 2 0 , 8 2 9 , 1 2 6 , 3 3 2 , 8 3 3 , 9B r é s i l 3 7 , 0 4 3 , 7 5 1 , 9 5 6 , 9 5 4 , 1 5 3 , 1P a r a g u a y 9 , 1 5 , 5 6 , 9 2 , 8 9 , 8 5 , 8U ru g u a y 3 8 , 2 3 5 , 0 3 8 , 9 4 0 , 8 4 3 , 0 3 8 , 5

S o u rc e: CEPALC: Anuario Estadístico de América Latina y el Caribe. Edición 1996.

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R é p e rcussions dans le domainedu travail et de l’emploiR é p e rcussions sur la stru c t u rede l’emploi

L’ o u v e r t u re des économies à la concurre n c einternationale a des répercussions importantesdans le domaine du travail et de l’emploi. Onpeut en attendre une modification de la stru c-t u re de l’emploi, avec un accroissement re l a t i fdes effectifs dans les productions destinées àl’exportation et les productions concurre n t e sdes importations. On enre g i s t re un recul del’emploi dans certaines activités qui ne par-viennent pas à soutenir la concurrence interna-tionale ou qui, pour pouvoir le faire, adoptentdes techniques modernes plus économes detravail, et une pro g ression dans d’autres quifont l’objet de nouveaux investissements ouqui lancent de nouvelles productions. L’ e ff e tnet dépend à moyen terme de la création deconditions favorables aux investissements etde la mise en œuvre de politiques actives deformation et de reclassement des travailleurs.

Emplois de qualité inférieure

Malgré l’essor des exportations, qui ontconnu, comme nous l’avons signalé, une cro i s-sance supérieure à celle des productions desti-nées aux marchés intérieurs, l’ouverture deséconomies n’a pas eu, en Amérique latine,d ’ e ffet dynamique sur l’emploi. On a enre g i s-tré ces dernières années un ralentissement dela pro g ression de l’emploi, une augmentationde la fraction de la population active occupéedans des emplois de qualité inférieure, uneextension du sous-emploi et une baisse dess a l a i res réels. Les nouveaux emplois qui sesont créés entre 1990 et 1996 se situent, dans lap roportion de quatre sur cinq, dans le secteurinformel, dans des activités généralementn o n intégrées dans le système internationald’échanges, sans liens avec l’exportation1.

Des engagements très récents

Pour juger de la situation, il importe cepen-dant de tenir compte de diverses circ o n s-tances. Ce n’est que très récemment que la plu-part des pays d’Amérique latine ont entre p r i sde libéraliser les échanges, d’abaisser les dro i t sde douane et d’éliminer les obstacles non tari-f a i res, très récemment qu’ils se sont engagésdans la voie de l’intégration. Les mesure sd ’ o u v e r t u re qui ont été adoptées l’ont généra-lement été en même temps que des mesure s

d’ajustement macroéconomique qui ont eu une ffet de freinage sur l’activité et l’emploi. L’ i m-pact positif qu’elles auraient pu avoir a étéréduit enfin par la prédominance d’une situa-tion de récession dans les pays avancés audébut de la décennie.

Il faut espérer que, avec l’intensification deséchanges amenée par les progrès de l’intégra-tion régionale et l’insertion des pays d’Amé-rique latine dans l’économie mondiale, lebilan, du point de vue de l’emploi, s’amélio-rera. Il ne faut pas se dissimuler toutefois quel’évolution quantitative et stru c t u relle de l’em-ploi engendrée par la stratégie d’exportationrisque d’être lente et difficile. Il importe dep re n d re des mesures appropriées pour faciliterla nouvelle affectation des facteurs de pro d u c-tion, celle des travailleurs en particulier, et enr é d u i re, pendant la période de transition, lecoût social.

Les plus vulnérablesdans un marché incert a i n

L’ o u v e r t u re des économies a aussi desr é p e rcussions sur le marché du travail et surles relations professionnelles. Par rapport à cequ’elles étaient dans des économies pro t é g é e sde la concurrence internationale, les conditionsse sont profondément transformées. Les possi-bilités d’intervention et de régulation du mar-ché du travail sont moins nombreuses, etm o i n d res par conséquent les possibilités d’ac-tion en faveur des catégories sociales vulné-rables. C’est la concurrence internationale quifixe les limites de la négociation et des conven-tions collectives, tributaires de l’accro i s s e m e n tde la productivité. On est dans un régime plusd u r, l’emploi et les rémunérations dépendantde l’efficacité face à la concurre n c e .

Les relations professionnelles s’inscriventdans une conjoncture qui a déterminé, aucours de la période récente, deux grandes ten-d a n c e s .

On observe d’une part une distension cro i s-sante de la relation d’emploi, le développe-ment des contrats précaires et des nouvellesformes de sous-traitance, régime qui est celuid’une proportion grandissante de travailleurs.Cette «flexibilité de fait» peut permettre auxe n t reprises de mieux s’adapter à la concur-rence sur un marché incertain et mouvant,mais elle porte atteinte au droit des tra-vailleurs à un emploi stable, sûr et convenable-ment rémunéré.

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Une évolution positive: concert a t i o nsociale et négociation collective

L’ a u t re tendance, c’est la re c h e rche de nou-velles formes de relations professionnelles quirépondent aux données actuelles de l’activitééconomique et du marché du travail mais quis a u v e g a rdent aussi les droits des travailleurs,qui les encouragent à participer pleinement àla production et concourent à créer les condi-tions de stabilité sociale dont dépendent lesinvestissements et le développement. Les pro-grès accomplis dans plusieurs pays sur le plandu dialogue et de la concertation sociale, de lanégociation collective, qui s’élargit à de nou-velles questions, et de la préparation desacteurs sociaux à l’exercice de nouvelles fonc-tions sont les principales manifestations decette évolution positive.

Les problèmes d’emploi et de travaildans le Merc o s u r

La plupart des observations que nous venonsde faire sur les répercussions de l’ouverture deséconomies dans le domaine du travail et de l’em-p l o i sont valables pour les pays du Merc o s u r.Quelle politique ces pays devraient-ils appli-q u e r, dans le cadre commun, sur le plan social?C’est ce que nous voudrions ici tenter de voir.

Une politique de justice sociale

Axé essentiellement sur la création dugrand marché, le Traité d’Asunción de 1991n’établit pas de normes pour les travailleurs.Pourtant, dès le début des négociations oup resque, les quatre Etats savaient que, poura t t e i n d re leur objectif, «accélérer le développe-ment économique dans des conditions de jus-tice sociale», il fallait traiter les pro b l è m e ssociaux. Cela conduisit à la constitution d’ung roupe de travail (le groupe 11), lequel formalui-même huit commissions pour étudier lasituation et les possibilités d’harmonisationdans une série de domaines: emploi, migra-tions, formation, relations pro f e s s i o n n e l l e s ,santé et sécurité au travail, sécurité sociale etcoût du travail, normes internationales.

Le protocole additionnel signé ultérieure-ment, en 1994, à Ouro Preto (Brésil) a instituéle Conseil économique et social, organe consul-tatif. Ce conseil, où une participation égale estassurée aux représentants des quatre Etatsm e m b res, est appelé à émettre des re c o m m a n-dations à l’adresse du Groupe Marché com-mun, organe exécutif du Merc o s u r.

En 1995, le Groupe Marché commun adécidé de créer, parmi d’autres, un groupe detravail (le groupe 10) chargé des questions detravail, d’emploi et de sécurité sociale. Celui-cia établi lui-même en 1996 trois commissions,qui s’occupent, la pre m i è re, des relations pro-fessionnelles; la deuxième, de l’emploi, desmigrations et de la formation; la troisième, dela santé et de la sécurité au travail, de l’inspec-tion du travail et de la sécurité sociale.

Nous nous proposons d’examiner, dans lessections qui suivent, une série de questionsqui, parmi celles énumérées ci-dessus, intére s-sent particulièrement la politique sociale duM e rc o s u r.

Stabilité économique et sociale

Le Mercosur ouvre des possibilités de déve-lopper les échanges, la production et l’emploidans les Etats membres. Ces possibilités, qui nesont pas nécessairement les mêmes, re l e v o n s - l e ,pour les quatre Etats et pour tous les secteurséconomiques, ne vont pas se concrétiser auto-matiquement par l’effet du seul élarg i s s e m e n tdu marché. Il est de l’intérêt de l’ensemble duM e rcosur de créer les autres conditions pro p re sà stimuler les investissements, ce qui détermineplusieurs champs de collaboration.

Une longue histoirede grands déséquilibre s

On peut mentionner d’abord le pro b l è m ede la stabilité macroéconomique. Ce qui s’estpassé au Mexique en 1994-95, en A rgentine en1995, au Brésil par la suite montre les réperc u s-sions que, dans une zone d’intégration, lesd é s é q u i l i b res qui se produisent dans un payspeuvent avoir sur les courants commerc i a u x ,les investissements, la production et l’emploi.

Pour ce qui les concerne, les pays du Mar-ché commun du Sud, l’Argentine, le Brésil, leParaguay et l’Uru g u a y, ont souffert longtempsde grands déséquilibres macro é c o n o m i q u e s .Le tableau 3 montre l’évolution des indices desprix à la consommation et celle des taux dechange réels, qui font apparaître, surtout dansles deux pays les plus importants, des mouve-ments de grande ampleur et souvent de signec o n t r a i re, ce qui ne peut que se répercuter surles conditions de prix et de compétitivité, lesinvestissements et les flux commerciaux dansla zone.

Pour prévenir les distorsions et les incerti-tudes qu’entraînent pareils déséquilibres, lespays du Mercosur doivent s’attacher, grâce à

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des mécanismes de consultation, d’harmonisa-tion, voire d’intervention, à maintenir les flu c-tuations dans des limites tolérables et à créerdes conditions de stabilité pro p res à encoura-ger les investissements. C’est là un des grandschamps ouverts à l’action commune.

A c c o rds de garantie: stabilitédes conditions d’investissement

Les activités transnationales en constituentun autre. On a pu observer en effet, ces der-n i è res années, un mouvement transnationald’expansion chez des entreprises latino-améri-caines à capitaux mixtes (régionaux et d’ori-gine extérieure à la région) ou exclusivementrégionaux. C’est un phénomène re l a t i v e m e n tnouveau qui pourra contribuer, par son exten-sion, à stimuler l’intégration et à encouragerles investissements. Il importe, par une actioncommune, de promouvoir la conclusion d’ac-c o rds de garantie qui assurent dans les quatrepays la stabilité des conditions d’investisse-ment en complément des mesures de libérali-sation des échanges et d’harmonisation desp o l i t i q u e s .

Mouvements de capitaux, de cadre set de techniciens

A u t re champ d’action: les problèmes d’em-ploi posés par les activités transnationalesdans le Merc o s u r. Les investissements eff e c-tués entraînent non seulement des mouve-ments de capitaux, mais aussi des mouve-ments de cadres et, dans une moindre mesure ,

de techniciens et de spécialistes qui deviennentd’importants acteurs de l’intégration. C’estune question qui appelle un examen commun,dans l’optique de l’internationalisation dum a rché du travail, et qui comporte diff é re n t saspects, notamment les rémunérations et lesconditions de travail.

Point de vue des travailleurs

Troisième front sur lequel il y a place pourune action commune: celui de la stabilitésociale, qui dépend dans une large mesure del’équité du processus de développement, dupoint de vue des travailleurs. Pour que le Mer-cosur soit un espace de justice sociale, il faut ygarantir des salaires suffisants, des conditionsde travail convenables, des négociations collec-tives équilibrées. Il s’agit, en établissant desfonds et des mécanismes de coopération, dere n f o rc e r, par l’action commune, les politiquesnationales afin de venir en aide aux tra-vailleurs touchés dans leur emploi, d’assure rleur reclassement et de créer de nouvelles pos-sibilités de travail.

Emploi, chômage, salaire s

O ff re de travail

E n t re 1990 et 1996 (avant déjà), la popula-tion des pays du Merc o s u r, exception faite duP a r a g u a y, s’est accrue à un rythme assezmodéré: 0,6 pour cent par an en Uru g u a y, 1,2pour cent en A rgentine, 1,7 pour cent au Brésil.Au Paraguay, l’accroissement a été de 2,7 pour

5

Tableau 3. M e rc o s u r: Evolution des indices des prix à la consommation et des tauxd e change effectifs réels à l’exportation, 1987-1 9 9 6

P a y s 1 9 8 7 1 9 8 8 1 9 8 9 1 9 9 0 1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3 1 9 9 4 1 9 9 5 1 9 9 6

A rg e n t i n eIndice des prix 1 7 4 , 8 3 8 7 , 7 4 9 2 3 , 3 13 4 3 , 9 8 4 , 0 1 7 , 5 7 , 4 3 , 9 1 , 6. 0 , 4.Taux de change réel 2 2 , 2 6 , 0 1 0 , 3 – 3 0 , 1 – 1 6 , 7 – 7 , 0 –4 , 0 2 , 6 n . d . n . d .

B r é s i lIndice des prix 3 9 4 , 6 2 9 9 3 , 3 1 8 6 3 , 6 15 8 4 , 6 4 7 5 , 8 11 4 9 , 1 2 4 8 9 , 1 9 2 9 , 3 2 2 , 0. 1 0 , 6.Taux de change réel n . d . –8 , 7 – 2 4 , 3 – 7 , 7 1 8 , 5 6 , 8 – 1 2 , 0 – 1 3 , 6 n . d . n . d .

P a r a g u a yIndice des prix 3 2 , 0 1 6 , 9 2 8 , 5 4 4 , 1 11 , 8 1 7 , 8 2 0 , 4 1 8 , 3 1 0 , 5. 8 , 8.Taux de change réel 8 , 0 3 , 7 5 , 6 – 1 , 9 – 1 3 , 1 4 , 8 2 , 7 1 , 0 n . d . n . d .

U ru g u a yIndice des prix 5 7 , 3 6 9 , 0 8 9 , 2 1 2 9 , 0 8 1 , 3 5 9 , 0 5 2 , 9 4 4 , 1 3 5 , 4. 2 5 , 5.Taux de change réel 3 , 2 7 , 6 –0 , 5 n . d . – 11 , 9 –4 , 8 – 11 , 1 – 2 , 1 n . d . n . d .

n.d. = chiff re non disponible.S o u rc e: CEPA L .

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cent par an. Pour l’ensemble de la zone, onarrive à 1,6 pour cent (1,8 pour cent pour l’en-semble de l’Amérique latine).

Malgré cela, on enre g i s t re au cours de lamême période une augmentation assez rapidede la population active non agricole, à un tauxqui va de 1,9 pour cent par an en Uruguay à 5,6pour cent au Paraguay (2,7 pour cent au Brésil,3,2 pour cent en A rgentine). L’ a c c ro i s s e m e n tannuel est de 2,8 pour cent pour l’ensemble duM e rc o s u r, près d’un demi-point de moinsqu’au niveau du continent (3,2 pour cent).

L’augmentation assez importante de lapopulation active, par rapport à celle de lapopulation totale, s’explique en partie par laforte croissance démographique que connais-saient les pays de la zone il y a une vingtained’années, en partie aussi par une notablehausse du taux d’activité dans les villes, dès1993 surtout. En A rgentine, ce taux, qui étaitde 63,9 pour cent en 1990, passe à 66,5 pourcent en 1993, à 68,5 pour cent en 1995 et à 67,4pour cent en 1996. Au Paraguay, la pro g re s s i o nest plus nette encore: un peu moins de 61 pourcent en 1990, près de 63 pour cent en 1993, 70,5pour cent en 1995. En Uru g u a y, le taux estd ’ e n v i ron 60 pour cent en 1990, de près de 61pour cent en 1994, de 62 pour cent en 1996.C’est une baisse qu’on constate au contraire auBrésil: 63,8 pour cent en 1990, 58,7 pour cent en1993, environ 60 pour cent en 1996.

Demande de travail

E n t re 1990 et 1996, la demande de travail(l’emploi) dans les secteurs non agricoles aaugmenté moins vite que l’off re en A rg e n t i n e ,au Brésil et en Uru g u a y, soit de 1,3 pour centpar an (3,2 pour cent pour la populationactive), de 2,5 pour cent (2,7) et de 1,2 pour cent(1,9). C’est l’inverse au Paraguay: augmenta-

tion de 5,8 pour cent par an de la demande (de5,6 pour cent pour la population active).Compte tenu du poids démographique de l’Ar-gentine et du Brésil, l’évolution de l’off re et dela demande de travail dans ces deux pays pèsesur celle qu’on mesure au niveau du Merc o s u r,où l’emploi a pro g ressé moins vite, de 2,4 pourcent par an, que la population active (2,8 pourcent). L’évolution est semblable pour l’en-semble de l’Amérique latine.

I n s u ffisante pour répondre à l’accro i s s e-ment de l’off re de travail, la pro g ression del’emploi a été moindre d’autre part que celledu produit intérieur brut, excepté au Paraguay.La productivité moyenne du travail, en d’au-t res termes, a augmenté sensiblement en A r-gentine et en Uru g u a y, de 3,5 et de 2,6 pourcent par an respectivement, très légèrement auBrésil (0,1 pour cent). Au Paraguay, on enre-g i s t re une baisse importante, de 3,0 pour centpar an. Pour l’ensemble du Merc o s u r, la pro-g ression annuelle de la productivité a été de1,1 pour cent (tableau 4).

De nouveaux emplois surt o u tdans le secteur inform e l

Le problème de l’emploi n’est pas seule-ment celui du déficit d’emplois, déjà grave,c’est encore celui de la qualité des emplois quise sont créés. La plus grande partie de ceux-ci( e n v i ron 97 pour cent) se situe en effet dans lesecteur informel, dans des activités à faiblep roductivité. Ce secteur, qui représentait, pourles quatre pays du Merc o s u r, 51 pour cent del’emploi total en 1990, en représente un peuplus de 56 pour cent aujourd’hui. Faible enU ru g u a y, cette tendance est nette en A rg e n-tine, au Brésil et au Paraguay. Les nouveauxemplois offerts par les économies du Merc o s u ront été non seulement insuffisants en nombre ,

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Tableau 4. M e rc o s u r: Evolution de la population, de la production, de l’emploiet de la productivité, 1990-1996 (accroissement annuel en pourc e n t a g e )

P a y s P o p u l a t i o n P I B PIB par P o p u l a t i o n E m p l o i * P ro d u c t i v i t é *h a b i t a n t a c t i v e *

A rg e n t i n e 1 , 2 4 , 8 3 , 3 3 , 2 1 , 3 3 , 5B r é s i l 1 , 7 2 , 6 1 , 2 2 , 7 2 , 5 0 , 1P a r a g u a y 2 , 7 2 , 8 0 , 2 5 , 6 5 , 8 –3 , 0U ru g u a y 0 , 6 3 , 8 3 , 2 1 , 9 1 , 2 2 , 6M e rc o s u r 1 , 6 3 , 5 3 , 0 2 , 8 2 , 4 1 , 1Amérique latine 1 , 8 3 , 1 1 , 4 3 , 2 2 , 8 0 , 3

*A l’exclusion de l’agriculture .S o u rc e: Chiff res calculés par le BIT d’après les données off i c i e l l e s .

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mais encore, le plus souvent, de mauvaise qua-lité. Environ 8,2 millions d’emplois se sontcréés de 1990 à 1996, un peu plus de 7,9 mil-lions dans le secteur informel et pas plus de2 25 000 dans le secteur moderne.

Faible dynamisme du secteur privé

Comment la médiocre performance du sec-teur moderne s’explique-t-elle? D’abord, par lerecul de l’emploi dans le secteur public, oùquelque 408 000 postes ont été supprimés aucours de la période considérée. Ensuite, par lefaible dynamisme qu’a montré le secteur privésur le plan de l’emploi, ne créant pas plus,c h i ff re net, de 633 000 postes.

Les raisons du recul de l’emploi dans lesecteur public sont connues. Beaucoup d’en-t reprises publiques ont été privatisées. Le per-sonnel de l’administration et des institutionsautonomes a aussi été réduit en application dela politique d’assainissement budgétaire et parl ’ e ffet des mesures de modernisation.

Des situations distinctesselon les secteurs

Si, globalement, le secteur privé a créé peud’emplois, on observe des situations distinctesselon les activités. Dans le commerce et les ser-vices, dans les nouvelles branches exporta-trices, la demande de main-d’œuvre a aug-menté. Dans les activités exposées à l’échangeinternational, par contre, les entreprises se sontattachées à améliorer leur productivité et leurcompétitivité en réduisant l’emploi, pour pou-voir aff ronter les conditions nouvelles crééespar l’ouverture des économies.

Les chiff res qu’on possède pour les indus-tries manufacturières montrent que, pendantla période considérée, l’emploi a diminué enA rgentine et au Brésil, de 3,2 et de 4,6 pourcent par an respectivement, plus que n’a dimi-nué le nombre d’heures accomplies (les chif-f res ici sont de –2,4 et de –3,6 pour cent). End ’ a u t res termes, l’augmentation de la pro d u c-tivité, de 6,6 pour cent par an en A rgentine, de6,2 pour cent par an au Brésil, a été obtenuedans une large mesure, avec des eff e c t i f sm o i n d res travaillant plus longtemps.

C o m p ression d’effectifs, jeunestravailleurs et techniques économes

Trois raisons sont généralement avancéespour expliquer la nécessité où les entreprisesindustrielles se sont trouvées de réduire l’em-

ploi afin d’améliorer la productivité, puis lafaiblesse persistante de la demande de travailaprès la phase d’adaptation et le retour à lacroissance.

Dut e m p so ùl es i n d u s t r i e s nationales étaientp rotégées, les entreprises auraient employét rop de monde; la protection supprimée, ellesauraient été obligées de comprimer leurs eff e c-tifs en rationalisant. Beaucoup d’entre p r i s e sauraient choisi de licencier leurs anciens tra-vailleurs, personnel relativement coûteux, etd ’ e n g a g e r, en nombre moindre, des jeunes tra-vailleurs moins expérimentés mais plus quali-fiés, qui leur coûtent moins cher. Elles adopte-raient enfin, pour faire face à la concurre n c ee x t é r i e u re, de nouvelles techniques de travailp l u sé c o n o m e se nm a i n - d ’ œ u v re ,s ib i e nq u ’ u n emême augmentation d e l a p roduction engen-d rerait un accroissement de l’emploi nette-ment moins important qu’auparavant.

Ces explications sont sans doute toutesvalables. Qu’elles aient ou non travaillé aupa-ravant en sure ffectif, beaucoup d’entre p r i s e s ,c’est certain, produisent aujourd’hui davan-tage avec moins de personnel après avoir réor-ganisé leurs opérations.

Le facteur décisif: l’évolutionde la pro d u c t i o n

On observe aussi une extension de l’emploide durée déterminée et de l’emploi à temps par-tiel. C’est là le résultat des mesures législativesprises ces dernières années pour encourager cesformes d’emploi, grâce à des allégements sala-riaux dans certains cas et à des exonérations dec h a rges sociales dans d’autres. D’après uneenquête effectuée par le Bureau régional del’OIT pour les Amériques, ces formes d’emploi,qui représentaient en A rgentine, selon les esti-mations, 2 pour cent seulement de l’emploitotal en 1990 et 4 pour cent en 1995 dans lese n t reprises privées urbaines, en re p r é s e n t a i e n tprès de 7 pour cent en avril 1997. En Colombie,la proportion des salariés employés en vertu decontrats de durée déterminée est passée de 15,7pour cent de l’effectif total des salariés en 1990 à18,0 pour cent en 1996.

I n f é r i e u re à ce qu’espéraient les pro m o t e u r sde cette politique, l’augmentation de l’emploide durée déterminée ne s’est pas nécessaire-ment traduite par un accroissement de l’emploitotal. Dans bien des cas, c’est simplement lerégime de l’emploi qui s’est modifié, certainstravailleurs étant remplacés par d’autres aub é n é fice d’un contrat diff é rent. Le résultat netest, comme nous l’avons indiqué, une augmen-

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tation très réduite de l’emploi total dans les sec-teurs intégrés dans le système internationald’échanges. Il apparaît en fait que la pro g re s-sion de l’emploi dans ces secteurs a été détermi-née beaucoup plus, ces dernières années, parl’évolution de la production que par les eff o r t sfaits pour réduire le coût du travail 2.

Investissements additionnels dansdes secteurs de biens et de serv i c e s

Quant aux nouvelles techniques, elles per-mettent sans doute de réaliser des économiesqui peuvent autoriser des investissementsadditionnels et concourir ainsi à créer desemplois, si bien que l’effet net de la modernisa-tion n’est pas nécessairement une diminutionde l’emploi total. Il est possible toutefois queces investissements aillent à des secteurs peutouchés par l’ouverture des économies (ceuxqui produisent des biens et des services échap-pant à l’échange international) et que, dans lesindustries manufacturières, la modernisationtechnologique entraîne bel et bien une pertenette d’emplois.

C h ô m a g e

L’offre de travail ayant augmenté plus viteque la demande, on enregistre un accroisse-ment du chômage en Argentine, au Brésil eten Uruguay. Malgré la diminution observéepar contre au Paraguay, le taux de chômageest passé ainsi, pour l’ensemble du Mercosur,de 5,1 pour cent en 1990 à 8,8 pour cent en1996.

Les jeunes, les femmeset les habitants des grandes villes

Le chômage frappe surtout les jeunes et lesfemmes dans les grandes villes. Pour lesjeunes, le taux atteint le double du taux natio-nal moyen pour les villes (en Argentine et auBrésil), parfois même, certaines années, letriple (au Paraguay et en Uruguay). Pour lesfemmes, il a été, ces dernières années, de 1 à 5points supérieur, à l’exception du Paraguay,où il est inférieur, peut-être parce que le tauxd’activité des femmes est moindre. Quant auxvilles principales, le taux de chômage est égalau taux national moyen à Asunción3 et à Mon-tevideo, légèrement plus élevé à Buenos Aireset à São Paulo. Jeune, plus fréquemment desexe féminin, habitant une grande ville: tel estle profil caractéristique du chômeur dans lespays du Mercosur (tableau 5).

Le chômage touche les famillesqui vivent dans la misère

On sait, mais il faut le rappeler, que le chô-mage touche particulièrement les familles à trèsbas revenu, celles qui vivent dans la misère .Selon les chiff res de la Commission de l’ONUpour l’Amérique latine et les Caraïbes4, le tauxde chômage de la population au niveau du pre-mier quintile de la distribution du revenu étaiten 1992 de 18,6 pour cent en A rgentine (tauxnational moyen dans les villes la même année:7,0 pour cent), de près de 12 pour cent au Brésil(4,9), de 13,5 pour cent au Paraguay (5,3) et de15,9 pour cent en Uruguay (9,0).

S a l a i re s

On observe, entre 1990 et 1996, une certaineremontée des salaires réels dans les pays duM e rc o s u r, qu’il s’agisse des salaires minima oudes salaires moyens dans l’industrie.

S a l a i res minima: des hausseset des baisses

Pour les salaires minima, la pro g ression estnotable en A rgentine et au Brésil, avec une aug-mentation de 11,8 et de 3,7 pour cent par année.Ces salaires demeurent inférieurs cependant de20 et de 30 pour cent, respectivement, à ce qu’ilsétaient en 1980. Le salaire minimum a baissé entermes réels de 2 pour cent par année au Para-g u a y, où il était cependant supérieur de 17 pourcent en 1996 au niveau de 1980. En Uru g u a y, labaisse a été de 8 pour cent par année au coursde la période considérée, et le salaire minimumne représentait pas, en 1996, la moitié de ce qu’ilétait en 1980. Pour l’ensemble du Merc o s u r, lec h i ff re pondéré fait apparaître une légère pro-g ression, de 1,5 pour cent par année.

En ce qui concerne le salaire moyen dansl’industrie, il est resté au même niveau enA rgentine au cours de la période considérée(sans représenter en 1996 plus de 75 pour centdu salaire correspondant en 1980), comme auP a r a g u a y. On observe une forte augmentationau Brésil, de 5,1 pour cent par année, et uneaugmentation très légère en Uru g u a y, de 0,6pour cent par année sur la période. Pour l’en-semble de la zone, le chiff re pondéré fait appa-r a î t re une pro g ression de 4,4 pour cent parannée, entraînée à l’évidence par l’augmenta-tion qui s’est produite au Brésil (tableau 6).

L’évolution du marché du travail dans lespays du Mercosur entre 1990 et 1996 peut, enrésumé, se caractériser comme suit:

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– augmentation toujours forte de l’off re detravail, due en grande partie à la hausse dutaux d’activité, surtout chez les femmes;

– expansion insuffisante de l’emploi, caused’un accroissement du chômage, qui frappep a r t i c u l i è rement les jeunes, les femmes etles habitants des grandes villes;

– création d’emplois concentrée dans le sec-teur informel par suite des réductions d’ef-

fectifs dans le secteur public et de la faibledemande de travail dans le secteur privém o d e r n e ;

– expansion de l’emploi de durée déterminées u p é r i e u re à celle de l’emploi de duréeindéterminée, d’où une modification de las t ru c t u re de l’emploi salarié;

– dans bien des cas, remontée des salaire sréels, dont la pro g ression a été inférieure

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Tableau 5. M e rc o s u r: Niveau de chômage déclaré dans les villes, 1990-1996 (en pourc e n t a g e )

1 9 9 0 1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3 1 9 9 4 1 9 9 5 1 9 9 6

Ensemble dela population active

A rg e n t i n e 7 , 5 6 , 5 7 , 0 9 , 6 11 , 5 1 7 , 5 1 7 , 3B r é s i l 4 , 3 4 , 8 4 , 9 5 , 4 5 , 1 4 , 6 5 , 4P a r a g u a y 6 , 6 5 , 1 5 , 3 5 , 1 4 , 1 5 , 6 5 , 5U ru g u a y 9 , 2 8 , 9 9 , 0 8 , 4 9 , 2 1 0 , 8 1 2 , 4M e rc o s u r * 5 , 1 5 , 5 5 , 6 6 , 6 7 , 0 7 , 9 8 , 8

J e u n e sA rgentine (15-24) 1 5 , 2 1 2 , 3 1 3 , 0 – 2 1 , 2 3 0 , 1 2 9 , 9Brésil (18-24) – 9 , 1 11 , 2 1 0 , 3 9 , 6 9 , 3 11 , 2Paraguay (15-1 9 ) 1 8 , 4 9 , 0 1 4 , 1 9 , 8 1 2 , 3 1 0 , 8 –U ruguay (14-24) 2 6 , 6 2 5 , 0 2 4 , 4 2 3 , 3 2 5 , 5 2 6 , 6 2 9 , 4

F e m m e sA rg e n t i n e 7 , 3 6 , 2 7 , 1 1 2 , 7 1 4 , 5 2 2 , 3 –B r é s i l – 4 , 9 6 , 2 5 , 6 5 , 3 4 , 9 6 , 5P a r a g u a y 6 , 5 4 , 7 3 , 8 4 , 5 3 , 7 5 , 7 –U ru g u a y 11 , 8 11 , 3 11 , 9 11 , 0 1 2 , 0 1 3 , 7 1 5 , 5

M é t ro p o l e sBuenos Aire s 7 , 3 5 , 8 6 , 7 1 0 , 1 1 2 , 1 1 8 , 8 –Sao Paulo 4 , 6 5 , 5 5 , 4 5 , 8 5 , 4 5 , 2 –A s u n c i ó n 6 , 6 5 , 1 5 , 3 5 , 1 4 , 1 5 , 6 –M o n t e v i d e o 9 , 2 8 , 9 9 , 0 8 , 4 9 , 2 1 0 , 8 –

*Moyenne pondérée.S o u rc e: Chiff res calculés par le BIT d’après les données off i c i e l l e s .

Tableau 6. M e rc o s u r: Evolution des salaires réels, 1990-1996 (1980 = 100)

1 9 9 0 1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3 1 9 9 4 1 9 9 5 1 9 9 6

S a l a i re minimumA rg e n t i n e 4 0 , 2 5 2 , 9 4 5 , 3 7 0 , 0 8 1 , 1 7 8 , 4 7 8 , 3B r é s i l 5 5 , 4 6 4 , 8 5 6 , 5 6 3 , 9 6 0 , 8 6 7 , 1 6 8 , 9P a r a g u a y 1 3 2 , 1 1 2 5 , 7 11 4 , 7 11 0 , 2 11 3 , 2 11 2 , 8 11 7 , 1U ru g u a y 6 8 , 8 6 2 , 9 6 0 , 0 5 1 , 5 4 6 , 0 4 2 , 9 4 1 , 7M e rc o s u r 7 4 , 0 7 7 , 2 7 2 , 0 7 6 , 6 7 8 , 4 7 9 , 2 8 1 , 0

S a l a i re moyen dans l’industrieA rg e n t i n e 7 5 , 0 7 6 , 0 7 7 , 0 7 5 , 7 7 6 , 5 7 5 , 6 7 5 , 5B r é s i l 9 6 , 7 9 0 , 9 1 0 1 , 7 1 0 8 , 7 11 3 , 4 1 2 4 , 2 1 3 0 , 4P a r a g u a y 1 0 2 , 4 9 7 , 7 9 3 , 8 9 3 , 6 9 5 , 4 1 0 0 , 8 1 0 0 , 7U ru g u a y 11 0 , 8 11 5 , 8 11 7 , 5 1 2 3 , 8 1 2 2 , 9 11 5 , 5 11 4 , 9M e rc o s u r 9 4 , 2 9 0 , 4 9 9 , 0 1 0 4 , 5 1 0 8 , 6 11 6 , 7 1 2 1 , 9

* C h i ff re pondéré.S o u rc e: Chiff res calculés par le BIT d’après les données off i c i e l l e s .

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cependant à celle de la productivité, d’oùun gain de compétitivité dans les princi-paux secteurs intégrés dans le systèmeinternational d’échanges.

Coût du travail et compétitivité

Le développement de l’activité économiqueet de l’emploi dans les pays du Merc o s u rdépend, à moyen terme, de l’aptitude des entre-prises à aff ronter la concurrence sur le plannational comme sur les marchés extérieurs.

La compétitivité des entreprises dépend ducoût relatif et de la productivité d’un ensemblede facteurs. Le coût du travail intervient ici àl’instar de quantité d’autres: matières pre-m i è res, énergie, équipement technique, trans-ports, pour mentionner les principaux. Quellei n fluence a-t-il donc sur la compétitivité dese n t reprises des pays du Merc o s u r ?

R a p p o rt entre la pro d u c t i v i t éet le coût du travail

Les données qu’on possède indiquent defaçon générale que les salaires sont comparati-vement élevés en A rgentine et comparative-ment bas, sensiblement plus bas, au Paraguay 5.Il ne suffit pas cependant de considérer le coûtdu travail isolément pour en déterminer l’inci-dence sur la compétitivité; il faut le rapporter à

la productivité du travail. Fondé sur une étuderécente du BIT 6, le tableau 7 indique ainsi lecoût horaire du travail dans l’industrie, la pro-ductivité horaire et le coût du travail par unitéde production dans divers pays, dont l’Arg e n-tine, le Brésil et l’Uru g u a y.

On voit que c’est en A rgentine, pour ce quiest des trois pays du Merc o s u r, que le coût dutravail est le plus élevé; suivent le Brésil etl ’ U ru g u a y. Le classement change si l’on consi-d è re le coût par unité de production: l’Arg e n-tine, compte tenu du niveau de productivité, sere t rouve derrière le Brésil, et l’écart avec l’Uru-guay se réduit.

Grand écart de pro d u c t i v i t érelativement aux Etats-Unis

Il s’agit là de chiff res globaux qui ne re n s e i-gnent pas sur la compétitivité dans les diff é-rentes branches de l’industrie et ne disent riendes autres grands secteurs. Il existe d’autre sétudes qui portent sur des branches particu-l i è res. Tirés d’une enquête sur la pro d u c t i v i t éen Amérique latine qui donne, par rapport auxEtats-Unis, des chiff res pour quatre secteurs –la sidéru rgie, les industries alimentaires, labanque et les télécommunications –, en A rg e n-tine et au Brésil notamment, les chiff res dutableau 8 font de nouveau apparaître le grandécart de productivité qui existe re l a t i v e m e n t

1 0

Tableau 7. Coût et productivité du travail dans l’industrie de divers pays, 1995(en dollars des E.-U.)

P a y s Coût horaire du travail P roductivité horaire Coût par unité de pro d u c t i o n

E t a t s - U n i s 1 7 , 3 0 4 6 , 5 0 0 , 3 7Rép. de Corée 5 , 6 0 2 2 , 4 0 0 , 2 5A l l e m a g n e 2 7 , 5 0 n . d . n . d .A rg e n t i n e 5 , 9 6 2 4 , 0 0 0 , 2 5B r é s i l 4 , 6 5 1 5 , 1 0 0 , 3 1U ruguay (1992) 2 , 3 7 1 2 , 5 0 0 , 1 9

n.d. = chiff re non disponible.S o u rc e: Chiff res calculés par le BIT d’après les données off i c i e l l e s .

Tableau 8. A rgentine, Brésil: Productivité du travail dans quatre secteurs, 1992(Etats-Unis = 100)

P a y s S i d é ru rg i e Industries alimentaire s B a n q u e Té l é c o m m u n i c a t i o ns 1

A rg e n t i n e 3 0 5 2 1 9 5 5B r é s i l 4 4 2 9 3 1 5 9Amérique latine 2 3 7 3 4 2 9 8 01 Les diff é rences de qualité ne sont pas prises en compte. 2 C h i ff re pondéré en fonction de l’emploi.S o u rc e: McKinsey Global Institute, 1994.

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aux Etats-Unis. Des deux pays du Merc o s u r,c’est le Brésil qui occupe la pre m i è re placedans trois des quatre secteurs 7.

Que l’on considère les chiff res globaux oules chiff res qu’on peut trouver pour des sec-teurs particuliers, il apparaît que la compétiti-vité ne dépend pas fondamentalement du coûtdu travail, mais bien davantage de la pro d u c t i-vité et d’autres facteurs. Il ne fait aucun doute,en particulier, que le mouvement général duchange a eu ici une incidence plus grande quel’évolution du coût du travail.

Les accords sectoriels pourr a i e n tc o m p o rter une stratégie

Les accords sectoriels prévus par le Tr a i t éd’Asunción pourraient comporter la mise enœ u v re à l’échelle du Mercosur d’une stratégied’amélioration de la productivité et de la com-pétitivité. On peut envisager aussi une actioncommune pour encourager et aider les petitese n t reprises, qui emploient dans les quatre paysune fraction importante de la populationactive, à développer leurs opérations du côtéde l’exportation.

F o rmation et reclassement pro f e s s i o n n e l

La formation revêt une importance déter-minante pour le Merc o s u r. Il est indispensablede disposer de personnel qualifié pour exploi-ter les possibilités qu’off re celui-ci, pour lancerde nouvelles productions et créer de nouveauxemplois comme pour accro î t re l’efficacité et lacompétitivité des activités existantes. La for-mation doit faciliter aussi le reclassement destravailleurs touchés par les transformationsqu’entraînent, dans la nature et la stru c t u re dela production, l’élargissement du marché etl’application de techniques nouvelles. L’ é l é v a-tion du niveau de formation et de la pro d u c t i-vité du personnel permettra enfin une haussedes rémunérations et une amélioration desconditions de travail, conditions d’un dévelop-pement équitable conforme à la justice sociale.

La formation: un élémentde la politique de l’emploi

Les systèmes de formation des pays duM e rcosur sont entrés ces dernières annéesdans la voie d’importantes réformes8.

En A rgentine, la loi sur l’emploi fait de laformation professionnelle un élément de lapolitique de l’emploi sous la responsabilité dum i n i s t è re du Travail. Le Fonds national de

l’emploi est appelé à financer des mesures deformation et de reclassement pro f e s s i o n n e l .

Au Brésil, les programmes de formationp rofessionnelle relèvent au premier chef dese n t reprises. Les principales institutions sont lest rois services nationaux d’apprentissage dessecteurs industriel, commercial et rural, qui, ense modernisant, visent à fournir des servicescompétitifs d’information, de conseil, de déve-loppement technique et de spécialisation; ilspeuvent ainsi maintenir un contact plus étro i tavec les entreprises et déterminer plus précisé-ment leurs besoins de personnel qualifié. Lem i n i s t è re du Travail a entrepris de coord o n n e rles services de formation, d’assurance chômageet de placement.

La formation combinée:le modèle allemand

Au Paraguay, la formation extrascolaire estc o n fiée au Service national de promotion pro-fessionnelle, organisme semi-autonome enrelation avec le ministère du Travail, qui s’estengagé dans la voie de la décentralisation et lare c h e rche de formules souples d’intervention,en concluant des conventions avec des institu-tions privées. Une place particulière est faite àla formation combinée en entreprise et enécole, selon le modèle appliqué en A l l e m a g n edans l’industrie et le commerc e .

En Uruguay, la formation professionnelleest une affaire essentiellement publique liée àl’éducation. Grâce à la création du Conseil de laformation et à l’intervention d’organisationsnon gouvernementales, il est possible de ré-p o n d re plus étroitement aux besoins des entre-prises et à la demande des secteurs non desser-vis par les institutions publiques. Financé parun fonds spécial, le programme de reclasse-ment professionnel, à administration tripartite,vise à adapter la formation aux besoins nés desreconversions et de l’intégration économique.L’ U ruguay est le seul pays du Mercosur à avoirun système d’attestation de la qualification quisanctionne les connaissances et les compétencesdes travailleurs sans tenir compte de la filièrede formation9. Les travailleurs qui touchentl’assurance chômage suivent des cours deréadaptation pro f e s s i o n n e l l e .

R e s s e rrer les liens entre le systèmeéducatif et le monde du travail

Les problèmes rencontrés dans le domainedes re s s o u rces humaines sont semblables àmaints égards dans les quatre pays, et sem-

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blables les besoins engendrés par les nouvellesconditions du marché. Des problèmes particu-liers continuent cependant de se poser ici oulà. Dans certaines régions du Brésil et du Para-g u a y, l’analphabétisme est encore important.Les quatre pays ont un gros effort à faire poura m é l i o rer la qualité de l’éducation à tous lesniveaux. Dans les quatre pays aussi, il estindispensable de re s s e r rer les liens entre le sys-tème éducatif et le monde du travail; il fautnotamment que le système éducatif préparemieux les jeunes, sur le plan des connaissancesde base, à entrer dans la vie active et qu’il leurdonne aussi des rudiments de formation pra-tique. Dans le domaine de la formation pro f e s-sionnelle, il est nécessaire de décentraliserdavantage de façon à associer plus étro i t e m e n tles entreprises et les travailleurs au développe-ment des systèmes combinés de formation ene n t reprise et en école. Il faut enfin re n f o rc e r, àcôté de l’université, les établissements de for-mation spécialisée et créer de nouvelles fil i è re srapides de spécialisation.

P rogrammes de form a t i o net d’emploi pour les jeunes

Le problème de la formation est indisso-ciable de celui de l’insertion des jeunes dans lavie active. Les quatre pays se préoccupent d’éla-b o rer et de mettre en œuvre des pro g r a m m e sde formation et d’emploi qui tiennent comptede la grande diversité des situations et des aspi-rations des jeunes. L’ A rgentine et le Brésil ontdéjà lancé des programmes de ce genre, ce quel ’ U ruguay devrait faire incessamment.

Une grande partie de la population activedes pays du Mercosur travaille dans les activitésinformelles, dans les micro - e n t reprises urbainesou rurales. Il faut mettre en place une org a n i s a-tion spéciale, fondée sur des institutions régio-nales et locales, pour développer la formationdans ces secteurs et leur permettre de s’intégre rdans la re s t ructuration de la pro d u c t i o n .

Développer les collaborationse n t re les Etats membre s

Grâce à une politique commune de forma-tion au niveau du Merc o s u r, les efforts que lesEtats membres déploient chacun dans lesdomaines que nous venons d’indiquer se re n-f o rceraient mutuellement. La pre m i è re chose àf a i re est de développer les collaborations –e n t re les établissements d’enseignement, entreles institutions publiques et privées de forma-tion, entre les diff é rents secteurs d’activité,

e n t re les entreprises, entre les org a n i s a t i o n scentrales d’employeurs et de travailleurs.

La coopération trouve un champ évidentdans l’échange d’informations, sur les initia-tives qui ont pu être prises avec succès ici ou làet qui pourraient être envisagées ailleurs, lesp rogrammes d’enseignement ou de formation,et les modes d’organisation. On pourrait aussiencourager les programmes de bourses, leséchanges de professeurs et d’étudiants, et lan-cer des projets communs.

Pour permettre la libre circulation des tra-vailleurs, prévue par le traité du Merc o s u r, ilest indispensable encore d’établir un systèmede reconnaissance des diplômes et des titre sp ro f e s s i o n n e l s .

Sécurité sociale 1 0

Les systèmes de sécurité sociale des pays duM e rcosur se trouvent dans une phase de réexa-men et de réforme, et cela indépendammentmême du processus d’intégration et de mondia-lisation de l’activité économique. L’ A rg e n t i n e ,le Brésil et l’Uruguay sont parmi les paysd’Amérique latine qui se sont dotés les pre-miers d’un tel système et où le champ d’appli-cation en est le plus étendu. Ils sont aussi parmiceux où la sécurité sociale est la plus défic i t a i re .Forte augmentation des dépenses, notamment àcause de l’allongement de l’espérance de vie;diminution des recettes réelles au cours delongues périodes d’inflation; problèmes de ges-tion fin a n c i è re: tout cela a conduit à étudier et àlancer des réformes. La création du Merc o s u rest un élément supplémentaire à pre n d re encompte pour adopter des principes communs.

H a rmoniser les régimes

Il convient d’abord d’harmoniser les ré-gimes quant aux conditions de fin a n c e m e n t(montants et sources) et au niveau des pre s t a-tions. Il est souhaitable en effet que le coût de lasécurité sociale s’établisse dans les quatre paysdans des limites assez proches en raison de l’in-cidence qu’il peut avoir sur le coût total du tra-vail et la compétitivité. Pour ce qui est duniveau des prestations, l’harmonisation répondà la volonté sociale de réduire les inégalitésdans les conditions de travail et de vie.

Selon les chiff res disponibles, les charg e ssociales (sécurité sociale et autres pre s t a t i o n s )représentent en moyenne, dans les pays du Mer-c o s ur, environ 68 pour cent des salaires (84 pourcent des salaires nets touchés par les trav a i l l e u r s ) .Elles correspondent plus ou moins à la moyenne

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au Brésil et en Uruguay; elles sont supérieure sde quelque 12 pour cent en A rgentine, infé-r i e u res d’environ 13 pour cent au Paraguay.

On ne vise pas l’égalité

Comme on le voit, ces charges re p r é s e n t e n tune fraction considérable du coût total du tra-vail et diff è rent sensiblement d’un pays àl ’ a u t re. Elles semblent pourtant n’avoir, commenous l’avons déjà indiqué, qu’une incidenceréduite sur la compétitivité. Du point de vueéconomique, il ne s’agit pas, en d’autres termes,d’arriver à une parfaite égalité entre les pays.

Du côté des prestations, l’objectif n’est pasdavantage d’établir l’égalité. L’ h a r m o n i s a t i o npourra viser à instituer graduellement desconditions minimales de protection qui garan-tissent au moins le niveau moyen atteint et évi-tent que la re c h e rche de la compétitivité nepasse par l’abaissement de la sécurité sociale.Les Etats auraient la faculté de développer, au-delà de la protection dont ils seraient conve-nus, les régimes qu’ils souhaiteraient.

Garantir les dro i t sdes travailleurs migrants

A u t re question dont on se préoccupe: lasécurité sociale des travailleurs migrants et laconclusion d’accords destinés à garantir leursd roits et leurs prestations, selon le principefondamental de l’égalité de traitement pour lesnationaux et les non-nationaux. L’un des pro-blèmes qui se posent est celui des travailleursqui se rendent illégalement dans un autre payset qui se re t rouvent en marge de la législationdu travail, de la sécurité sociale et de l’org a n i-sation syndicale. Une action commune estn é c e s s a i re pour établir des règles et des méca-nismes de régularisation.

L’ a c c o rd multilatéral de sécurité sociale éla-boré par le dixième groupe de travail, accordqui doit être soumis au Groupe Marché com-mun, pose comme règle générale que la législa-tion applicable est celle du lieu où le travailleure x e rce son activité (art. 4). Pour l’attribution desp restations contributives de vieillesse, d’invali-dité ou de décès, l’accord administratif corre s-pondant fixe les règles suivantes (art. 6):

a ) Les Etats contractants prennent en comptecomme périodes d’assurance ou de cotisa-tion, conformément à leur pro p re législa-tion, les périodes accomplies et attestéesdans un autre Etat dès lors qu’elles ne fontpas double emploi.

b ) Les périodes d’assurance ou de cotisationaccomplies avant l’entrée en vigueur de laconvention ne sont prises en compte quelorsqu’elles sont suivies de périodes de tra-vail après cette date.

c ) Les périodes accomplies au sein d’un Etatcontractant dans un régime d’assurancev o l o n t a i re ne sont prises en compte que sielles ne coïncident pas avec des périodesd’assurance ou de cotisation obligatoiredans un autre Etat.

R a t i fié, l’accord ouvrirait un large champde collaboration aux organismes nationaux desécurité sociale, notamment pour la fix a t i o nd’objectifs communs, la détermination des dis-positions applicables et la généralisation de lap rotection, comme dans des domaines tels quel’administration, le travail actuariel ou la ges-tion des fonds.

Mobilité des travailleurs

Les textes instituant le Mercosur prévoientla libre circulation des facteurs de pro d u c t i o n ,mais sans fixer de délais ou de pro c é d u re spour y parvenir.

Les quatre pays de la zone ont toujours étép a rc o u rus par d’importantes migrations, quivont se poursuivre très certainement dans lenouveau cadre. Les principaux flux ont pourdestinations l’Argentine et le Brésil. Au débutdes années quatre-vingt, c’est d’Amériquelatine que venaient – pour moitié du Paraguay(35 pour cent) et de l’Uruguay (15 pour cent) –la plupart des immigrants qui s’établissaientdans le premier de ces pays.

Questions sur les restrictions de libert étoujours à l’examen

Compte tenu de la situation de l’emploi dansles quatre pays du Merc o s u r, où la force de tra-vail est notablement sous-utilisée, il ne faut pass ’ a t t e n d re à un accord sur l’élimination rapidedes restrictions de la liberté de mouvement destravailleurs. Dans un premier temps, on a déve-loppé l’échange d’informations, la règle étant dep ro g resser pas à pas. La question est toujours àl’examen dans l’une des commissions créées parle dixième groupe de travail.

Un plan en trois étapes a été proposé. Pre-mière étape: la préférence est accordée danschacun des pays du Merc o s u r, passé un certaindélai, aux travailleurs des autres pays pour lesemplois pour lesquels on ne trouverait pasde travailleurs nationaux. Deuxième étape: la

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liberté d’accès à l’emploi est la règle, sauf dansles secteurs ou les régions où il y a un excédentde travailleurs nationaux. Troisième étape:e n t i è re liberté de circulation, à condition, pourles travailleurs exerçant une activité dépen-dante, d’avoir obtenu préalablement un contratde travail.

Rappelons que la liberté de circulation com-porte la liberté de s’établir et d’exercer une acti-vité lucrative sur tout le territoire du Merc o s u r ;celle de fournir des services, à partir d’un pays,à des personnes ou à des entreprises installéesdans un autre; la reconnaissance des droits etl’égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux dans le domaine de la sécuritésociale; la reconnaissance des diplômes et dest i t res pro f e s s i o n n e l s .

N o rmes internationales du travailet législation nationale

Jeter les bases d’une action concert é e

Comme nous l’avons déjà signalé, une com-mission a été chargée, au moment de la créationdu Merc o s u r, de la question des normes interna-tionales du travail. Cette commission a entre p r i sde sélectionner un ensemble de normes qui, rati-fiées par les pays membres, puissent constituerune base juridique commune. Au-delà de la rati-fication, il est bien sûr de l’intérêt des quatrepays d’assurer l’application effective de cesnormes, ce qui appelle une action concertée.

Le groupe chargé désormais des questions detravail (le groupe 10) a laissé, momentanémentau moins, celle des normes internationales decôté pour se concentrer sur les relations pro f e s-sionnelles, l’emploi, les migrations et la forma-tion, la santé et la sécurité au travail, l’inspectiondu travail et la sécurité sociale. Même ainsi, onpeut envisager plusieurs façons de pro m o u v o i run droit commun dans le domaine du travail.

P re m i è re p o s s i b i l i t é :l e sE t a t sm e m b re sp o u r-raient simplement s’en remettre aux organescréés par l’OIT pour contrôler l’application desnormes dans chacun d’eux, conformément auxprocédures générales en vigueur. L’un des in-convénients de cette solution est l’espacementdes contrôles, l’intervalle allant de deux à cinqans selon les instru m e n t s .

Les Etats membres pourraient au contraireétablir leurs pro p res mécanismes au sein duM e rcosur pour suivre et promouvoir l’applica-tion des normes, solution qui ferait place à lacollaboration et à l’assistance mutuelle, desp ro c é d u res de consultation permettant de trai-ter certaines situations.

Solution intermédiaire: ils pourraient re c o u-rir aux pro c é d u res de l’OIT, mais en passant parune autre voie que celle de la Commission d’ex-perts pour l’application des conventions etrecommandations, l’examen devant porter surles seuls pays du Merc o s u r.

Un grand nombre de travailleurs exclusde la pro t e c t i o n

Il faut bien voir que l’application des normesinternationales du travail et de la législationnationale n’est pas indépendante du degré dedéveloppement économique et de la stru c t u rede l’emploi. Plus de la moitié de la populationactive des pays du Mercosur travaille dans lesecteur informel, dans les petites entreprises, lesactivités indépendantes ou le service domes-tique. Les travailleurs qui sont dans ce cas sont,pour beaucoup, exclus de la protection desnormes et de la législation du travail, dans lechamp de laquelle il s’agit de les faire entrer pro-g ressivement – autre domaine où il y a placepour la collaboration et l’action commune.

Il importe enfin, dans tous les pays du Mer-c o s u r, de re n f o rcer et d’améliorer les capacitésde contrôle et d’inspection de l’administrationdu travail afin d’assurer l’application eff e c t i v edes normes et de la législation. En 1994 on necomptait pas plus d’un inspecteur pour tre i z emille travailleurs urbains en Uru g u a y, vingtmille au Brésil, vingt-cinq mille en A rgentine etau Paraguay. Il faut re n f o rcer les services d’ins-pection et les doter de moyens supplémentaire s .S’il appartient, dans une large mesure, aux Etatsm e m b res de le faire au niveau national, il y aaussi, dans ce domaine, des possibilités de colla-boration et d’assistance mutuelle.

N o t e s1 Voir Panorama Laboral, 1996, Bureau de l’OIT pour les

A m é r i q u e s .2 I b i d.3 Cela s’explique du fait que le taux de l’emploi urbain

au Paraguay est aussi calculé sur la base des données quic o r respondent à la capitale.

4 Voir Panorama Social, C E PA L C, 1995.5 Voir l’ONUDI, 1993.6 Voir Costo laboral manufacture ro. Incidencia sobre la com-

petitividad y la protección de los trabajadore s, par V. E. To k m a net D. Martinez, document de travail n° 46, Bureau de l’OITpour les Amériques, Lima, 1996.

7 McKinsey Global Institute, 1994.8 Voir M. B. Peluffo et C. G. de Kamfbolec, National Ser-

vice for Rural Training, 1994.9 I b i d.10 Voir dans ce même numéro: La sécurité sociale et les pro-

cessus d’intégration – Le Mercosur et la sécurité sociale.

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B i b l i o g r a p h i e

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Le Mercosur a pour origine le Traité d’Asun-ción, signé le 26 mars 1991 entre l’Argentine, leBrésil, le Paraguay et l’Uruguay. Ce traité pré-voit une période de transition durant laquelledoivent être créés une zone de libre-échangeentre les quatre pays mentionnés et un tarifextérieur commun entre le bloc ainsi constituéet le reste du monde. Par la suite, le Protocoled ’ O u ro Preto (17 décembre 1994) a fixé la stru c-ture institutionnelle définitive du Mercosur,lequel constitue aujourd’hui une zone de libre -échange (avec un tarif douanier intérieur de 0%,sauf exceptions) et une union douanière vis-à-vis des pays tiers (avec un tarif douanier exté-rieur commun qui diff è re selon les produits etvarie entre 0 et 20%, sauf exceptions).

Le premier bloc commerc i a ldu tiers monde

Ainsi, le Mercosur constitue, avec l’Unioneuropéenne, l’une des deux seules unionsdouanières régionales du monde. Sa création,que l’on pourrait considérer comme pure m e n tformelle, devient beaucoup plus significative sil’on observe qu’entre 1990 et 1995 le commerc ei n t r a - M e rcosur a augmenté de 200% tandis quele commerce extérieur de l’ensemble s’est accrude 80%. Le Mercosur est sans doute, jusqu’àprésent, le premier bloc commercial du tiersmonde à connaître le succès. A son tour, il com-mence à négocier et à passer des accords de pré-férences tarifaires et de libre-échange avecd ’ a u t res pays ou ensembles régionaux (Bolivie,Chili, Union euro p é e n n e ) .

Toutefois, malgré son développementv i g o u reux dans le domaine commercial, leM e rcosur est loin de connaître un développe-ment aussi rapide en matière sociale. En eff e t ,les droits sociaux et politiques ne fig u rent pasdans les traités constitutifs du Merc o s u r, sauf,d’une manière sporadique, en ce qui concerne

le travail, même si les textes reconnaissent quele processus d’intégration revêt une dimensionsociale importante.

Les interactions entre les diff é re n t e ssystèmes nationaux

Il est vrai que toute expérience d’intégrationéconomique régionale, quel que soit son degréde développement, entraîne des effets sociauxmultiples, dont certains concernent spécifiq u e-ment le monde du travail. Ainsi, bien que l’onattende des effets positifs à long terme, résul-tant de la croissance économique et politiquedu bloc, certains effets sociaux négatifs sontpresque inévitables à court terme, tels le chô-mage sectoriel et le risque de «dumping social»e n t re les pays membres, en raison de la concur-rence existant sur le marché intérieur ou faceaux pays tiers. En parallèle, à moyen terme, onpourra constater certaines interactions entre lesd i ff é rents systèmes nationaux de relations pro-fessionnelles, et l’on assistera évidemment àl’émergence d’une nouvelle dimension (inter-nationale et régionale) en matière de relationsdu travail.

Dans ce contexte, parmi les domaines où leprocessus d’intégration aura les effets les plusévidents et les plus prévisibles en matière detravail, on peut citer les suivants: chômage sec-toriel, reconversion industrielle, recyclage pro-fessionnel, réemploi, sécurité et hygiène au tra-vail, sécurité sociale, organisation et action dessyndicats, négociations et conflits collectifsinternationaux, participation des travailleursau sein de leur entreprise et au processus d’in-tégration lui-même.

Il se trouve, précisément, que si l’on prenden considération cette dimension sociale, leM e rcosur n’a pas atteint, du moins jusqu’à pré-sent, les mêmes résultats que dans le domainecommercial. C’est pourquoi nous aborderons

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Institutions et relations du travaildans le Merc o s u r

Oscar Ermida Uriart eSpécialiste principal en matière

de normes internationales du travailet de relations pro f e s s i o n n e l l e s

ETM/OIT Santiago

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successivement les questions suivantes: lareconnaissance, difficile et toujours incomplète,de la dimension sociale de l’intégration écono-mique, les organes institués par le Mercosurdans le domaine du travail, les propositionsd’adoption de normes internationales du tra-vail pro p res au Merc o s u r, et enfin l’org a n i s a t i o net l’action des syndicats dans le cadre de l’inté-gration. Pour terminer, nous tenterons de for-muler quelques conclusions. En tous cas, nousne parlerons ni des institutions du monde dutravail ni des relations professionnelles dans lespays du Mercosur (à l’échelle nationale), maisdes institutions propres au Mercosur et desrelations du travail naissantes dans le cadre duMercosur. Il s’agit d’institutions régionales deniveau international ou supranational, nées dela dynamique du Mercosur. Ce dernier estconsidéré comme un ensemble économique etsocial qui comprend quatre pays et quie n g e n d re ses pro p res institutions et ses pro p re srelations, lesquelles s’ajoutent à celles préexis-tant au niveau national.

La reconnaissance de la dimensionsociale du Merc o s u r

Le Traité d’Asunción du 26 mars 1991, qui adonné naissance au processus de création duM e rc o s u r, ignore presque tout des implicationsinévitables d’une expérience d’intégrationrégionale pour le monde du travail et du social.Rédigé par des diplomates et des économistes(selon l’expression d’Américo Plá Rodriguez,Doyen de la Faculté de Droit de l’Université dela République de Uruguay), le Traité d’Asun-ción n’a pas envisagé d’autres normes quecelles concernant le commerce et l’org a n i s a t i o ninterne. De plus, ces dispositions ne prévoientpas d’autres représentants, dans les org a n e sinstitués, que ceux dépendant du pouvoir exé-cutif de chaque Etat membre, plus précisémentdes seuls ministères de l’Economie et desA ff a i res étrangères. La dimension sociale n’ap-paraît pas, du moins à pre m i è re vue, dans leTraité d’Asunción, lequel ne mentionne pasdavantage les citoyens et leurs org a n i s a t i o n s(partis, syndicats, associations). Pourtant, lep rocessus de reconnaissance de la dimensionsociale du Mercosur a démarré presque immé-diatement, ainsi que la construction, par voiede conséquence, d’un espace social.

Des organes compétentsen matière de travail

Parallèlement aux revendications émisespar les syndicats, les travaux de doctrine endroit du travail ont donné à cette reconnais-sance son impulsion initiale. La doctrine a viterendu manifeste, dans le texte même du Tr a i t éd’Asunción, un élément permettant de donnerune légitimité juridique à la construction d’unespace social pour le Merc o s u r. En effet, le pré-ambule du traité mentionne, parmi ses objec-tifs, «le développement économique respec-tueux de la justice sociale» ainsi que «l’amélio-ration des conditions de vie de la population».Ces références ont permis l’expression dediverses opinions donnant une assise juridiqueà ce que le Mercosur puisse disposer d’org a n e scompétents en matière de travail, adopte desnormes du travail et admette la participationdes travailleurs et des employeurs.

Cette initiative des milieux universitaires aété accompagnée d’un acte politique. Le 9 mai1991, c’est-à-dire un mois et demi à peine aprèsla signature du traité, les ministres du Travailde l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et del ’ U ruguay ont souscrit à la Déclaration de Mon-tevideo, qui exprime: 1) la nécessité de traiterles questions relatives au travail dans le Merc o-sur, afin que celui-ci conduise effectivement àl’amélioration des conditions de travail; 2) lap roposition de créer, dans le cadre de la stru c-t u re du Merc o s u r, un sous-groupe de travail surces questions; 3) l’intention d’entamer uneétude sur l’adoption éventuelle d’une chartesociale du Mercosur. La Déclaration laissaitentendre implicitement que le Traité d’Asun-ción avait mis à l’écart non seulement la sociétécivile et les organisations syndicales, mais aussiles organes gouvernementaux compétents enm a t i è re de travail.

Cette «offensive sociale» a porté ses pre-miers fruits au cours de la même année, lorsquele Groupe Marché commun a créé, par sa réso-lution 11/91, le Sous-Groupe de travail n° 11,d ’ a b o rd consacré aux «Aff a i res relatives au tra-vail», puis aux «Relations du travail, à l’emploiet à la sécurité sociale». Ce sous-groupe a été lap re m i è re institution créée par le Mercosur dansle domaine du travail, bien qu’il fût subord o n n éau Groupe Marché commun, organe dépendantdes ministères des Affaires étrangères et del’Economie. Malgré ces conditions re l a t i v e m e n tdéfavorables, l’action de ce sous-groupe, qui afonctionné sur le mode tripartite, a été détermi-nante dans les deux années qui ont suivi sa pre-m i è re session, le 27 mai 1992.

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Deux organes re p r é s e n t a t i f sde la société civile

S i g n él e1 7d é c e m b re1 9 9 4 ,l eP rotocole d’O u roPreto établit la structure organique définitivedu Mercosur. Cette structure privilégie à nou-veau, et une fois pour toutes, la diplomatie etl’économie, comme le montre la figure 1. Leso rganes de décision sont intégrés aux diff é re n t spouvoirs exécutifs nationaux et dépendent desm i n i s t è res de l’Economie et des A ff a i res étran-g è res. Mais la grande nouveauté du protocole aété l’introduction, dans l’organigramme défin i-tif du Mercosur, de deux organes qui peuventêtre considérés comme représentatifs de lasociété civile: la Commission parlementaireconjointe et le Forum consultatif économico-s o c i a l .

Ce dernier est le seul organe permanent del ’ o rganigramme définitif du Mercosur dans ledomaine du travail. Sa constitution et sa miseen route ont consacré officiellement la partici-pation des milieux sociaux au processus d’in-tégration régionale.

La reconnaissance de la dimension socialedu Mercosur et de la nécessité de constru i re unespace social a été concrétisée par le «Pro-gramme d’action du Mercosur pour l’an 2000»,

adopté par la Décision n° 9/95 du Conseil duM a rché commun. Ce texte reconnaît d’une partque «l’approfondissement du processus d’inté-gration requiert la participation accrue de l’en-semble de la société», et confie à la Commissionp a r l e m e n t a i re conjointe et au Forum consulta-tif économico-social le soin d’assurer «la parti-cipation nécessaire des secteurs concernés». Parailleurs, le programme signale la nécessitéd’élaborer, pour le Mercosur, des propositionsen matière de développement social (chapitre sI et II, section 3.2).

Il est nécessaire d’ajouter que les organisa-tions syndicales ont joué un rôle très importantdans le processus, toujours inachevé et incom-plet, de définition et de construction de l’espacesocial du Merc o s u r, notamment grâce à l’actionde la Commission syndicale pour le Merc o s u r,qui émane de la Coordination syndicale duCône Sud (Coordinadora de Centrales Sindi-cales del Cono Sur, CCSCS).

Les organes du Merc o s u rdans le domaine du travail

Le Protocole d’Ouro Preto fixe défin i t i v e-ment la stru c t u re organique du Merc o s u r. Ilmaintient les deux organes principaux déjà

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CONSEIL DU MARCHÉ COMMUN

Chefs d’Etat, ministères des Aff a i res étrangère s ,m i n i s t è res de l’Economie

Emet des décisions

GROUPE MARCHÉ COMMUN

Représentants des quatre Etats membre s

Emet des résolutions

COMMISSION DU COMMERCE

Représentants des quatre Etats membre s

Emet des directives et des pro p o s i t i o n s

S E C R É TA R I ATA D M I N I S T R AT I F

COMMISSION PA R L E M E N TAIRE CONJOINTE

P a r l e m e n t a i res. Même nombrepour chaque Etat membre

Emet des re c o m m a n d a t i o n s

FORUM CONSULTATIF ÉCONOMICO-SOCIAL

Représentants des milieux pro f e s s i o n n e l sMême nombre pour chaque Etat membre

Emet des re c o m m a n d a t i o n s

F i g u re 1. O rganigramme du Merc o s u r

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constitués par le Traité d’Asunción et quiavaient fonctionné durant la période de transi-tion. Le protocole prévoit également la consti-tution de nouveaux organes. Les organes origi-nels, pro v i s o i res durant la période de transitionet devenus aujourd’hui permanents, sont leConseil du Marché commun et le Groupe Mar-ché commun. Le Conseil du Marché communest l’organe supérieur du Merc o s u r. Chargé dela direction politique du Merc o s u r, il est com-posé des ministres des A ff a i res étrangères et del’Economie des Etats membres. Tous les sixmois, les chefs d’Etat participent aux réunionsde cet organe. Le Conseil du Marché communadopte, à l’unanimité, des décisions ayant forc eo b l i g a t o i re pour les Etats membre s .

Le Groupe Marché commun est l’org a n eexécutif du Merc o s u r. En font partie les re p r é-sentants des gouvernements nationaux et sac o o rdination est assurée par les ministères desA ff a i res étrangères. Ses résolutions, adoptées àl’unanimité, ont force obligatoire pour les Etatsm e m b res. De plus, le Protocole d’Ouro Preto aprévu la création de nouveaux organes, tels laCommission du Commerce, la Commissionp a r l e m e n t a i re conjointe et le Forum consultatiféconomico-social, ainsi que le Secrétariat admi-nistratif (voir fig u re 1).

Au cours de la période de transition, plu-sieurs comités ad hoc et sous-groupes de travailspéciaux avaient été constitués dans le cadre duGroupe Marché commun. Parmi ceux-ci, leSous-Groupe de travail n° 11 sur les Relationsdu travail, l’emploi et la sécurité sociale a exerc éune activité de première importance jusqu’en1994. Cet organe a récemment été reconstituépar la résolution n° 20/95 du Groupe Marchécommun, sous le nom de «Sous-Groupe de tra-vail n° 10 sur les Questions de travail, l’emploiet la sécurité sociale».

Le Groupe Marché commun a égalementprévu l’organisation de réunions ministérielles,notamment pour les ministres du Travail. Leso rganes du Mercosur consacrés au domaine dutravail sont donc, jusqu’à présent, au nombrede deux, (voire trois): le Sous-Groupe de travailn ° 11 (aujourd’hui n° 10) qui dépend de la stru c-ture du Groupe Marché commun, et le Forumconsultatif économico-social, organe perma-nent institué par le Protocole d’Ouro Preto lui-même, qui représente les milieux économiqueset sociaux. On pourrait leur adjoindre lesréunions des ministres du Travail, dans lamesure où celles-ci peuvent être considéréescomme un org a n e .

Le Sous-Groupe n° 10 sur les Questionsde travail, l’emploi et la sécurité sociale

Le sous-groupe de travail n° 10 sur les Ques-tions de travail, l’emploi et la sécurité socialen’est autre que la reconstitution, aux termes dela résolution n° 20/95 du Groupe Marché com-mun, de l’ancien sous-groupe n° 11 sur les Rela-tions du travail, l’emploi et la sécurité sociale,qui a joué un rôle de premier plan jusqu’en 1994.

Huit commissions ont été constituées dansle cadre du Sous-Groupe n° 11. Elles ont étéconsacrées respectivement aux questions sui-vantes: (1) relations du travail individuelles,(2) relations du travail collectives, (3) emploi,(4) formation professionnelle, (5) santé et sécu-rité au travail, (6) sécurité sociale, (7) secteursparticuliers, (8) principes.

L’une des caractéristiques les plus remar-quables du Sous-Groupe de travail n° 11 a étéson fonctionnement tripartite. Le sous-gro u p e ,tout comme chacune de ses différentes com-missions, rassemblait non seulement des délé-gués gouvernementaux, désignés par les minis-t è res du Travail, mais aussi de nombreux re p r é-sentants des organisations d’employeurs et detravailleurs. Dans la plupart des cas, un consen-sus a pu être obtenu pour l’adoption des re c o m-mandations. Les partenaires sociaux étaientreprésentés par les principales centrales syndi-cales et patronales de chaque pays.

La seule instance de part i c i p a t i o nt r i p a rt i t e

Les progrès et les résultats obtenus par lesd i ff é rentes commissions du sous-groupe ontété inégaux, mais, à notre avis, importants etencourageants pour la plupart. On peut ensouligner la recommandation de ratific a t i o npar les Etats membres d’une liste minimum deconventions internationales du travail, ainsique les débats sur l’adoption d’une Chartesociale du Merc o s u r, dont il sera question plusbas. Il apparaît clairement que le sous-gro u p eet ses commissions ont constitué, plusieursannées durant, la seule instance du Merc o s u roù le monde du travail a été pris en compte aumoyen de la participation tripartite. Cette par-ticularité suffit à donner une grande impor-tance à ce sous-groupe, importance qui s’estrévélée lorsque ses réunions ont pris fin audernier trimestre de 1994.

Ainsi qu’il a été signalé, la résolutionn ° 20/95 du Groupe marché commun areconstitué le Sous-Groupe n° 11, en modifia n tl é g è rement (et sans nécessité?) son numéro et

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sa dénomination. Le nouveau sous-gro u p es’est réuni pour la pre m i è re fois en octobre1995 et a rencontré des difficultés pour re t ro u-ver le dynamisme de son prédécesseur, mêmes’il en a maintenu le fonctionnement tripartite.Le sous-groupe a approuvé un nouveau calen-drier dont les éléments les plus importantssont la proposition de créer un observatoire dutravail et un système de certificats d’emploi, laréalisation d’études comparatives sur les légis-lations du travail et des relations pro f e s s i o n-nelles et l’analyse de la création des normes dutravail et de leur efficacité. Ce dernier pointsera développé ci-après (section 3). Quoi qu’ilen soit, la réalisation concrète la plus impor-tante du Sous-Groupe n° 10 a été, jusqu’à pré-sent, l’adoption d’un avant-projet de Conven-tion multilatérale sur la sécurité sociale dans leM e rcosur (Recommandation n° 3/95). Il estclair qu’un long parcours sera nécessaire avantl’entrée en vigueur de cette convention: déjàa p p rouvé par le Groupe Marché commun,l ’ a v a n t - p rojet attend encore de l’être par leConseil – ce qui était prévu pour fin 1997 –avant sa ratification ultérieure par les parle-ments des Etats membre s .

Le Forum consultatif économico-social

Institué par les articles 28 à 30 du Pro t o c o l ed ’ O u ro Preto, le Forum consultatif économico-social (FCES) est le seul organe, parmi ceuxcréés à titre permanent par les traités constitu-tifs du Merc o s u r, qui soit compétent en matièrede travail. En effet, le Sous-Groupe de travailn ° 10 a été créé par une résolution du Gro u p eM a rché commun (par un acte de «droit déri-vé», selon la terminologie européenne) et faitpartie de la stru c t u re interne de celui-ci. Il enest de même pour les réunions des ministre sdu Travail.

Aux termes des dispositions de l’article 28du Protocole, le FCES est un «organe de re p r é-sentation des milieux économiques et sociaux».Le même article stipule que le FCES est «com-posé d’un nombre égal de représentants pourchaque Etat membre», à la différence dumodèle que constitue le Comité économique etsocial de l’Union européenne.

L’article 29 apporte la précision que leFCES aura un «rôle consultatif», ce qui pouvaitê t re déduit du nom de cet organe. Bien qu’ilsoit fréquent, en droit comparé, que les comi-tés ou conseils économiques et sociaux soientdes organes consultatifs et non exécutifs oudécisionnels, il est rare que ce caractère soitexplicité par l’appellation même de l’organe en

question. Cette même disposition précise quele FCES «se fera entendre au moyen de re c o m-mandations adressées au Groupe marché com-mun», organe exécutif du Merc o s u r. A u t re-ment dit, le FCES émet des re c o m m a n d a t i o n slà où d’autres conseils économiques et sociauxémettent des avis, ce qui est conforme à sonc a r a c t è re consultatif.

Finalement, l’article 30 établit que le «Foru mconsultatif économico-social soumet son règle-ment interne au Groupe marché commun envue de son homologation». Ainsi, le FCESédicte son pro p re règlement interne sansqu’une approbation ou une autorisation de lapart d’une autre instance soit requise, en dehorsd’une simple homologation par le Groupe Mar-ché commun.

Des sections nationales

Sur la base de cette disposition et dansl ’ e x e rcice de leur autonomie collective, leso rganisations syndicales et les chambres patro-nales des quatre pays du Mercosur ont élaboréun règlement interne par négociation puisconstitué le Forum consultatif économico-social. Ainsi, des «Sections nationales duFCES» ont d’abord été créées. Chacune a unec o n figuration qui lui est pro p re et n’est pasn é c e s s a i rement identique à celle des autre spays. Les partenaires sociaux ont décidé quechaque section nationale désignerait neufreprésentants au FCES du Merc o s u r. Celui-ciest ainsi composé de 36 membres au total. A usein de chaque représentation nationale, leprincipe de parité numérique est observé entreles représentants des employeurs et ceux destravailleurs. Une fois ce principe admis, chaquesection nationale décide d’admettre ou non desreprésentants d’autres milieux (consomma-teurs, spécialistes de l’environnement, univer-s i t a i res, etc.) et, le cas échéant, détermine l’im-portance de ces derniers dans sa composition.

Lors de sa deuxième réunion plénière, célé-brée à Rio de Janeiro du 30 octobre au 1e r

n o v e m b re 1996, le Forum a dressé une longueliste de sujets à traiter et sur lesquels ilconviendrait d’émettre d’éventuelles re c o m-mandations d’office. A partir de cette liste, oùles questions économico-sociales au sens larg esont plus nombreuses que les questionsconcernant strictement le monde du travail, ledébat a été entamé sur les points relatifs à lapolitique de l’emploi, à la politique indus-trielle, aux relations avec l’ALADI et l’ALCA(Zone de libre-échange des Amériques, en pro-jet) et à la protection du consommateur.

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Au cours de sa troisième réunion, tenue àAsunción les 21 et 22 avril 1997, le FCES a émisses deux premières recommandations: la re-commandation n° 1 «sur l’ALCA» et la re c o m-mandation n° 2 «sur les barrières non tarifaire set les entraves de nature bureaucratique dans leMercosur». Lors de sa quatrième réunion, les4 et 5 septembre 1997 à Montevideo, le FCES aadopté les recommandations n° 3 («sur lesnégociations entre le Mercosur et les autrespays membres de l’Aladi»), n° 4 («sur lesmesures unilatérales des gouvernements sus-ceptibles d’avoir des conséquences sur le com-merce intra-zone») et n° 5 («sur les politiquesde promotion de l’emploi»).

Un caractère purement consultatif,donc insuff i s a n t

Il apparaît donc que le FCES est entré toutrécemment en activité, même si son caractèrep u rement consultatif et les précédents issus del’expérience européenne font craindre que ceto rgane, à lui seul, ne soit insuffisant pourgarantir la constitution d’un espace socialsolide dans le Mercosur et pour assurer la par-ticipation effective des milieux sociaux au pro-cessus d’intégration. En d’autres termes, lasimple existence du FCES ne garantit pas quela «citoyenneté sociale» soit reconnue en tantqu’acteur politique du Merc o s u r.

O rganes du pouvoir monopolisés

Le fonctionnement du FCES, qui émet desrecommandations à l’intention du Gro u p eM a rché commun, organe dont la compositionne tient pas compte des milieux sociaux, n’estpas seul à poser le problème du déficit démo-cratique. Il est encore plus préoccupant qu’auxtermes de l’article 26 du Protocole d’OuroP reto, «la Commission parlementaire conjointetransmet ses recommandations au Conseil dum a rché commun par l’intermédiaire duG roupe Marché commun». Cette quasi-dépen-dance de l’organe parlementaire du Merc o s u rvis-à-vis d’organes créés par des ministère sn’est pas seulement d’une constitutionnalitédouteuse (et ce, dans tous les Etats membre s ) :elle souligne, en outre, que la participation descitoyens est subordonnée aux organes ayantpouvoir de décision, organes monopolisés parles instances économiques et diplomatiquesdes autorités politiques nationales.

Les réunions des ministres du Tr a v a i l

Les décisions 5/91 et 1/95 du Groupe Mar-ché commun prévoient la tenue de réunions desministres de l’Economie (avec la participationdes gouverneurs des Banques centrales), del’Education, de la Justice, de l’Agriculture et duTravail, «en vue d’aborder les questions liées auTraité d’Asunción dans leurs domaines de com-pétence re s p e c t i f s » .

C’est ainsi que plusieurs réunions desm i n i s t res du Travail du Mercosur ont eu lieu.Leur utilité a pu être constatée durant l’inter-valle qui s’est écoulé entre la fin des travauxdu Sous-Groupe n° 11 et l’entrée en fonctionsdu Sous-Groupe n° 1 0 .

De par leur caractère flexible, pour ne pasd i re informel, leur absence de périodicité etl’existence de contacts fréquents et souplese n t re les ministères du Travail des Etatsm e m b res du Merc o s u r, ces réunions ministé-rielles ont une importance qui dépend, avanttout, de facteurs conjoncture l s .

La création de normes intern a t i o n a l e sdu travail dans le Merc o s u r

A ce jour, le Mercosur n’a pas encore donnénaissance à un droit du travail supranationalou international spécifique, bien que le «Pro-gramme d’action du Mercosur pour l’an 2000»,déjà mentionné, énonce que «l’évolution dup rocessus d’intégration requiert la mise àl’étude d’accords sur le droit social et le dro i tdu travail». Cette question a été de la pre m i è reimportance pour les travaux de la Commissionn ° 8 («principes») de l’ancien Sous-Groupe detravail n° 11. Cette commission a fin a l e m e n trecommandé la ratification commune, par lesq u a t re pays du Merc o s u r, d’une liste deconventions de l’OIT qui pourraient ainsiconstituer un ensemble commun minimum denormes internationales du travail. La commis-sion a également débattu de l’adoption éven-tuelle d’une Charte sociale par le Merc o s u r.Ces deux initiatives ont été proposées par lep rofesseur Héctor-Hugo Barbagelata dans undocument qui lui avait été confié par l’OIT.

D ’ a u t re part, la Convention multilatéralesur la sécurité sociale pourrait devenir la pre-m i è re norme internationale importante enm a t i è re de droit du travail approuvée dire c t e-ment par le Merc o s u r.

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R a t i fication d’une liste minimumcommune de conventions de l’OIT

La Commission n° 8 («principes») de l’an-cien Sous-Groupe de travail n° 11 a re c o m-mandé la ratification, par les quatre Etatsm e m b res, d’une liste minimum commune deconventions internationales en matière de tra-vail. Ce catalogue, qui a fait l’objet d’une négo-ciation tripartite, comprend 34 conventions del’OIT et fig u re en annexe à la présente étude.Les conventions ratifiées sont indiquées par lal e t t re R et celles non encore ratifiées par lal e t t re N.

La liste en question est une liste ouverte, quipeut être élargie par de nouvelles recomman-dations et qui comprend de nombreuses con-ventions particulièrement importantes, dont lesconventions n° 11, n° 98, n° 135, n° 151 et n° 1 5 4 ,qui concernent la liberté syndicale et la négo-ciation collective, la convention n° 144 sur lesconsultations tripartites relatives aux normesinternationales du travail, les conventionsn° 100, n° 105 et n° 111 concernant l’égalité, letravail forcé et la non-discrimination, lesconventions n° 1 et n° 30 concernant la limita-tion des horaires de travail, la convention n° 1 4sur le repos hebdomadaire, les conventionsn ° 26 et n° 95 concernant les salaires, et d’autre sconventions relatives à la sécurité et à l’hygiène,à l’inspection du travail et au recyclage pro f e s-s i o n n e l .

Le but de cette liste est d’établir un disposi-tif minimum de protection des droits des tra-vailleurs dans le Mercosur, applicables à l’en-semble du territoire des pays membres. Il estévident que l’on ne vise pas à créer un droitsupranational, mais à établir, au moyen de lacoïncidence des conventions internationalesr a t i fiées par chaque pays, un droit internationaldu travail commun ou uniforme par coïnci-d e n c e .

Comme le montre le tableau 1, douze dest re n t e - q u a t re conventions destinées à être rati-fiées en commun, et dont la liste a été appro u-vée par consensus, étaient déjà ratifiées à la datedu 10 juin 1995. Ces conventions internatio-nales sont les suivantes:– n ° 11 sur le droit d’association (agriculture ) ;– n ° 14 sur le repos hebdomadaire (industrie);– n° 26 sur les méthodes de fixation des sa-

l a i res minima;– n ° 81 sur l’inspection du travail;– n ° 95 sur la protection du salaire ;– n ° 98 sur le droit d’organisation et de négo-

ciation collective;

– n ° 100 sur l’égalité de rémunération;– n ° 105 sur l’abolition du travail forc é ;– n ° 111 concernant la discrimination (emploi

et pro f e s s i o n ) ;– n ° 115 sur la protection contre les radiations;

– n ° 159 sur la réadaptation professionnelle etl’emploi des personnes handicapées.

L’importance de ces conventions tient aufait que, jusqu’à présent, elles constituent latotalité du droit international du travail appli-cable dans le Merc o s u r.

Vers une Charte sociale du Merc o s u r ?

La Déclaration des ministres du Tr a v a i l(Montevideo, 9 mai 1991), qui avait souligné lanécessité de «prêter attention aux questions dutravail dans le Mercosur» et qui avait étéimmédiatement suivie de la création du Sous-G roupe de travail n° 11, faisait référence à l’op-portunité d’étudier l’adoption d’une Chartesociale pour le Merc o s u r.

Conformément aux recommandations dup rofesseur Barbagelata, déjà mentionnées, eten sus de la ratification commune de certainesconventions de l’OIT, l’adoption de la Chartesociale aurait pour résultat de re n f o rcer le sys-tème international de protection des droits destravailleurs dans le Merc o s u r.

La commission n° 8 (principes) de l’ancienS o u s - G roupe de travail n° 11 a décidé d’étu-dier la viabilité d’un projet de Charte socialeou d’une Charte des droits fondamentaux enm a t i è re de travail pour le Merc o s u r. En prin-cipe, cette charte pourrait faire partie d’unP rotocole additionnel au Traité d’Asunción etf a i re l’objet d’une ratification par chaque Etatm e m b re. La commission n° 8 a constitué à cete ffet une comm i s sion tripartite et, parallèlementaux réflexions émanant de la doctrine juridique,a entamé et réalisé un certain nombre d’étudessur les éventuelles caractéristiques d’une tellecharte, sur son contenu et son efficacité. LaC o o rdination des centrales syndicales du CôneSud a élaboré un avant-projet détaillé, intitulé«Charte des droits fondamentaux du Merc o s u r– propositions des travailleurs». Lors de l’élabo-ration de cet avant-projet, les débats et lesre c h e rches ont porté sur les droits à inclure dansla Charte, sur l’efficacité de celle-ci et sur sesmécanismes de contrôle, y compris l’applicationd’éventuelles sanctions en cas de non-re s p e c tet/ou la création d’une sorte de tribunal inter-national, ce qui signifierait l’introduction d’uncertain degré de supranationalité.

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Une partie de l’élan a été perd u e

Toutefois, ces diff é rents projets n’ont pasdépassé le stade des négociations, lesquellesont d’ailleurs été suspendues lorsque les acti-vités de l’ex-Sous-Groupe n° 11 ont pris fin .Dès lors, les initiatives en faveur de la Chartesociale ont perdu une partie de l’impulsionpolitique dont elles avaient bénéficié depuisquelques années. Nous croyons néanmoinsque, tôt ou tard, le Mercosur se dotera d’une

charte ou d’une déclaration du même type quecelles existant en Euro p e .

Ainsi, lors de sa réunion tenue à Montevi-deo du 19 au 22 août 1997, le Sous-Groupe n° 1 0a, non sans de longues hésitations, remis cettequestion à son ord re du jour, et constitué uncomité ad hoc à composition tripartite compre-nant un représentant par secteur et par pays. Cecomité est chargé «d’analyser les diff é re n t e sp ropositions émises en vue de l’adoption d’uni n s t rument juridique comprenant un noyau dur

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Tableau 1. Recommandations de l’ancien sous-groupe de travail n° 11 .Liste, adoptée par consensus, des conventions de l’OIT devant être ratifié e spar les pays du Mercosur

C o n v e n t i o n s A rg e n t i n e B r é s i l P a r a g u a y U ru g u a yN ° S u j e t

111 Durée du travail (industrie) R N R R111 D roit d’association (agriculture ) R R R R11 3 C é ruse (peinture ) R N N R11 4 Repos hebdomadaire (industrie) R R R R11 9 Egalité de traitement (accidents du travail) R R N R12 2 Contrat d’engagement des marins R R N R12 6 Méthodes de fixation des salaires minima R R R R12 9 Travail forc é R R R R130 Durée du travail (commerce et bure a u x ) R N R R17 7 Examen médical des adolescents (industrie) R N R R17 8 Examen médical des adolescents

(travaux non industriels) R N R R17 9 Travail de nuit des adolescents

(travaux non industriels) R N R R18 1 Inspection du travail R R R R19 0 Travail de nuit des enfants (industrie) R N R R19 5 P rotection du salaire R R R R19 7 Travailleurs migrants N R N R19 8 D roit d’organisation et de négociation collective R R R R1 0 0 Egalité de rémunération R R R R1 0 5 Abolition du travail forc é R R R R1 0 7 Populations aborigènes et tribales R R R N111 Discrimination (emploi et pro f e s s i o n ) R R R R11 5 P rotection contre les radiations R R R R11 9 P rotection des machines N R R R1 2 4 Examen médical des adolescents

(travaux souterr a i n s ) R R R N1 3 5 Représentants des travailleurs N R N N1 3 6 B e n z è n e N R N R1 3 9 Cancer pro f e s s i o n n e l R R N R1 4 4 Consultations tripartites relatives aux norm e s

i n t e rnationales du travail R N N R1 5 1 Relations de travail dans la fonction publique R N N R1 5 4 Négociation collective R R N R1 5 5 Sécurité et santé des travailleurs N R N R1 5 9 Réadaptation professionnelle et emploi

des personnes handicapées R R R R1 6 2 A m i a n t e N R N N1 6 7 Sécurité et santé dans la constru c t i o n N N N N

R: convention ratifié e. N: convention non ratifié e .

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de droits fondamentaux et un mécanisme desupervision prévoyant la participation desacteurs sociaux» (acte n° 2/97 de la Ve r é u n i o ndu Sous-Groupe n° 10). Par ailleurs, la Commis-sion parlementaire conjointe du Mercosur arecommandé à plusieurs reprises l’adoptiond’une Charte sociale du Merc o s u r, sujet quifig u re également à l’ord re du jour du Foru mconsultatif économico-social.

Une alternative à la Charte sociale faitdepuis peu l’objet d’un débat dans l’un despays membres du Merc o s u r. Il s’agirait d’adop-ter une technique analogue à celle de l’Accordc o mp l é m e n t a i re sur le travail de l’Alena: établirun mécanisme assurant le contrôle de l’applica-tion effective des normes nationales du travail,sans créer un corps de normes ou de principessupra- ou internationaux. Une alternative decette nature requiert, de toutes manières, untraité international pour fonder un tel engage-ment d’application, ainsi qu’un certaine formede contrôle supranational ou international. Quoiqu’il en soit, le «Programme d’action du Merc o-sur pour l’an 2000» considère la charte sociale etcette deuxième possibilité non comme alterna-tives, mais comme complémentaires: le pro-gramme signale d’abord que «l’évolution dup rocessus d’intégration demande que soientétudiés des accords portant sur les droits du tra-vail et les droits sociaux», puis ajoute qu’une«coopération plus étroite en vue de l’applicationet du contrôle des normes du travail sera égale-ment encouragée» (chapitre II, paragraphe 3.2).

Le projet de convention multilatéraledu Mercosur sur la sécurité sociale

Le Sous-Groupe de travail n° 10 et le Gro u p eM a rché commun ont donné leur accord à unp rojet de convention multilatérale du Merc o s u rsur la sécurité sociale, ainsi qu’à un projet d’ac-c o rd administratif en vue de son application.

Le projet de convention stipule que desd roits en matière de sécurité sociale «sero n treconnus aux travailleurs exerçant ou ayante x e rcé leur activité dans l’un ou l’autre desEtats contractants. Etant donné qu’ils sont sou-mis aux mêmes obligations que les citoyensdes Etats où ils résident, il convient de leurre c o n n a î t re les mêmes droits, ainsi qu’auxm e m b res de leur famille et assimilés».

D’une façon générale, ce document re c o n-naît les principes matériels fondamentaux dud roit international de la sécurité sociale, àsavoir: l’application de la loi du lieu d’exécu-tion, l’égalité, la conservation des dro i t sacquis, le cumul et le prorata. En effet, les

articles 4 et 5 du projet de convention précisentque la législation applicable doit être, confor-mément aux principes susmentionnés, celle dupays où le travailleur exerce son activité. Fonthabituellement exception les travailleurs endéplacement pour une durée limitée (pro f e s-sions libérales, techniciens, cadres ou autre s ) ,les travailleurs de certaines entreprises detransport et les membres des re p r é s e n t a t i o n sdiplomatiques et consulaire s .

Le principe d’égalité et de non-discriminatione n t re nationaux et étrangers fig u re dans l’articlementionné plus haut, qui reconnaît aux tra-vailleurs, aux membres de leur famille et assi-milés qui exercent ou ont exercé leur activitédans l’un ou l’autre des Etats contractants, lesmêmes droits et obligations qu’aux citoyens deces Etats.

Le principe de conservation des droits acquisn’est pas reconnu explicitement, mais on peutc o n s i d é rer que sa reconnaissance découle de lap roclamation expresse de ses principes d’ap-plication, c’est-à-dire le principe du cumul etcelui du pro r a t a .

Le cumul des périodes d’assurance ou de cotisa-t i o n s i g n i fie que «les périodes d’assurance oude cotisation effectuées sur le territoire de l’unou l’autre Etat membre seront prises encompte pour le versement des prestations». Acet effet le critère de la répartition «au pro r a t a »du coût des prestations (article 7) est égale-ment prévu. Ce principe consiste à répartir lasomme des cotisations versées par le tra-vailleur ou ayant droit entre les pays où celui-ci a exercé son activité. Cette répartition doits ’ e ffectuer proportionnellement au temps quele travailleur a passé dans chaque pays.

Le projet de convention comprend égale-ment, entre autres, des dispositions spécialessur les prestations de santé aux travailleurs endéplacement temporaire et sur les régimes depension fondés sur la capitalisation personnelle.

D ’ a u t res dispositions figurant dans le pro-jet méritent d’être signalées. Ainsi, selon l’ar-ticle 13, aucune traduction officielle, aucunvisa ou aucune reconnaissance des autoritésc o n s u l a i res ne sont requis pour les documentsque les travailleurs pro d u i ront en vue de faireappliquer la convention, pourvu que lesd é m a rches nécessaires aient été eff e c t u é e sauprès d’un établissement de gérance ou d’uno rganisme national de liaison. L’article 16 pré-voit la constitution d’une Commission multila-térale permanente pour l’application et pourl’interprétation de la convention.

Comme nous l’avons signalé plus haut, cep rojet de convention, déjà approuvé par le

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S o u s - G roupe n° 10 et par le Groupe Marc h écommun, doit encore obtenir, avant d’entrer env i g u e u r, l’approbation du Conseil du marc h écommun et, plus tard, sa ratification par les par-lements des quatre Etats membres du Merc o s u r.

O rganisation et action des syndicatsdans le Merc o s u r

Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’ac-tion des syndicats a donné une impulsion fon-damentale à la prise de conscience d’unedimension sociale du Merc o s u r. La mêmeaction sera indispensable à une éventuellematuration et à la pleine reconnaissance de cettedimension. Toutefois, en vue de la constru c t i o nde l’espace social du Merc o s u r, une action pluse fficace des syndicats suppose de re c o n s i d é re rleur dimension et leur activité. En effet, la créa-tion du Mercosur comme zone de libre - é c h a n g eet comme union douanière, ainsi que la ten-dance de ses pays membres à constituer unenouvelle entité politique plus ou moins unitaire ,conduisent à l’internationalisation du contextegéographique, politique et économique préva-lant aux relations du travail. En d’autres termes,le cadre des relations du travail acquiert unedimension internationale et requiert des acteurssociaux internationalisés à leur tour.

La Coordination: un nouveau souff l e

En d’autres termes, le contexte international(la région concernée par le processus d’intégra-tion) requiert une action syndicale internatio-nale (régionale) et celle-ci n’est pas possiblesans acteurs internationalisés (au niveau régio-n a l ) .

Les syndicats des pays membres du Merc o-sur l’ont vite compris et ont eu recours à uneinstitution préexistante au Traité d’Asunción:la Coordination syndicale du Cône Sud, quic o m p rend, outre les pays du Merc o s u r, la Boli-vie et le Chili. Cette organisation a créé laCommission syndicale pour le Merc o s u r, cequi a contribué à lui insuffler une nouvelledynamique, grâce au recentrage de ses activi-tés sur cette question.

Une présence perm a n e n t e

La Coordination a exercé une action très eff i-cace sur l’ancien Sous-Groupe de travail n° 11du Merc o s u r, et sur la constitution autonomedu Forum consultatif économico-social. A u j o u r-d’hui, la Coordination demeure présente ausein du Forum comme dans le Sous-Gro u p e

n ° 10. La Coordination des centrales syndicalesdu Cône Sud et sa Commission pour le Merc o-sur sont encore de simples instances de coord i-nation et n’ont toujours pas réussi à constituerune véritable organisation internationale dotéed’une stru c t u re et d’une autorité spécifiques. Ils’agit là d’un pas attendu et nécessaire .

Le Conseil industriel

Les organisations d’employeurs, pour leurpart, ont réagi plus tardivement à l’émerg e n c ede la dimension internationale. Le Conseilindustriel du Mercosur n’a été institué qu’en1994 et le Conseil des chambres de commerc edu Mercosur en 1995. Ces deux organes coor-dinateurs sont plus récents que l’instance syn-dicale et se montrent en outre moins présentset moins actifs que celle-ci.

Il apparaît clairement que le re n f o rc e m e n tde ces stru c t u res est une condition sine quanon pour re n d re effective la participation destravailleurs et des employeurs au pro c e s s u sd’intégration régionale. La reconnaissance durôle politique du monde du travail dans leM e rcosur dépend fortement d’une org a n i s a-tion et d’une action appropriées des syndicats.

M e t t re en place d’autres mécanismesde part i c i p a t i o n

Il existe deux raisons à cela. Pre m i è re m e n t ,une action syndicale efficace et menée auniveau adéquat constitue l’un des facteursindispensables à ce que la dimension socialede l’intégration ne soit pas définitivement miseà l’écart en raison de considérations pure m e n tc o m m e rciales. Deuxièmement, une stru c t u resyndicale régionalisée et pourvue d’objectifsrégionaux est fondamentale pour donner nais-sance à d’autres mécanismes qui assurent laparticipation des travailleurs, notamment lanégociation collective au niveau régional.

Des négociations et conflits collectifsse prépare n t

En effet la régionalisation de l’économie etde la politique, ainsi que celle des stru c t u res etdes activités syndicales, donnera lieu, tôt out a rd, à des négociations collectives régionaleset à des conflits collectifs de même dimension.Certains pensent que l’émergence d’une négo-ciation collective à l’échelle régionale seradéclenchée par la nécessité de résoudre unc o n flit collectif touchant tout ou partie despays du Merc o s u r. Cependant, quel que soit

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l ’ o rd re séquentiel conflit-négociation (cettequestion, en définitive, peut être comparée aup roblème de l’œuf et de la poule), il reste quel’horizon des relations du travail dans le Mer-cosur débouche nécessairement sur une négo-ciation collective de dimension régionale. Ilpourrait s’agir d’une négociation collective ausein d’une seule entreprise (concernant unesociété ou un groupe implanté dans plusieurspays du Mercosur) ou d’une négociation col-lective touchant un secteur d’activité, voired’un accord - c a d re ou d’un pacte social ausommet, à l’image des «avis communs» émisde concert, dans l’Union européenne, par laConfédération des syndicats européens (CES)et par l’Union des industries de la Commu-nauté européenne (UNICE).

De fait, la dynamique engendrée par lanégociation au sommet entre les centralessyndicales et les chambres patronales au seindu Forum consultatif économico-social peutfavoriser les contacts et les relations entreles personnalités et les institutions, contactsindispensables pour ouvrir la voie à de f u t u re sconventions collectives ou à des accord ssociaux définis au niveau du Merc o s u r. Detoutes manières, il est certain que, en parallèleaux systèmes de relations du travail pro p res àchaque pays membre, un système similaire derelations du travail est en train de se dévelop-per au niveau du Merc o s u r. Il s’agit d’unc a d re qui se superpose aux quatre systèmesnationaux, qui fonctionne simultanément eten interaction avec ceux-ci, mais qui disposede ses pro p res acteurs et de sa pro p re dyna-m i q u e .

C o n c l u s i o n s

Le Mercosur a connu un développementrapide en tant que zone de libre-échange etunion douanière. A ce titre, jusqu’à présent,f o rce est de re c o n n a î t re son grand succès. Néen 1991, le Mercosur constitue l’une des deuxseules unions douanières régionales existantes.En quelques années, le commerce intrarégionala connu une croissance spectaculaire et le Mer-cosur commence, vis-à-vis du reste du monde,à s’affirmer comme un ensemble unitaire. Lesnégociations actuelles avec l’Union euro-péenne en vue d’un accord de libre-échange ensont un exemple.

Toutefois, la dimension sociale du Merc o-sur n’est pas aussi développée.

En effet, le Traité d’Asunción ignore com-plètement les problèmes sociaux et le monde dutravail. Néanmoins, l’émergence d’un espace

social du Mercosur a été presque immédiate.Dans ce processus, l’action des syndicats a étédéterminante, à travers la Coordination descentrales syndicales du Cône Sud, de même quel’action des ministères du Travail, celle des tra-vaux de doctrine en droit du travail, sansoublier le Sous-Groupe de travail n° 11 du Mer-cosur (actuellement Sous-Groupe n° 10) et leF o rum consultatif économico-social.

A ce jour, le Sous-Groupe n° 10 et le Foru msont les seuls organes pro p rement dits du Mer-cosur qui soient consacrés aux questions dutravail. Ils constituent, par conséquent, le seulespace institutionnel ouvert à la participationdes travailleurs et des employeurs au pro c e s-sus d’intégration régionale.

Par ailleurs, les propositions et les débatssur l’adoption de normes internationales dutravail par le Mercosur n’ont pas dépassé lestade des propositions. De ce fait, l’ensembledu droit international positif du travail envigueur dans le Mercosur est limité aux douzeconventions de l’OIT ratifiées par les quatreEtats membre s .

Pour le reste, et ainsi qu’il a été souligné, led é ficit démocratique du Mercosur ne concernepas uniquement les acteurs du monde du tra-vail mais s’étend à l’ensemble de la vie poli-tique. La position relativement subalterneattribuée par le Protocole d’Ouro Preto à laCommission parlementaire conjointe et auF o rum consultatif économico-social le montrec l a i rement. Les seuls organes du Merc o s u rpermettant la participation de la société civilen’ont aucune primauté, au contraire, sur leso rganes techniques d’exécution, les org a n e sdiplomatiques et économiques.

Ce n’est pas seulement si on le compare aveccelui de l’Union européenne que l’espace socialdu Mercosur est sous-développé. Il l’est aussipar rapport à l’Alena (Accord de libre - é c h a n g enord-américain, conclu entre le Canada, lesEtats-Unis et le Mexique), ce qui est une contra-diction criante. En effet, le Mercosur, commenous l’avons dit et répété, qui constitue déjà uneunion douanière et aspire à devenir sous peuun marché commun, n’a pas encore donné nais-sance à son pro p re corpus de normes du travail.L’Alena, simple accord de libre-échange n’aspi-rant pas à une intégration plus étroite, disposecependant d’un accord complémentaire enm a t i è re de travail et de mécanismes de contrôleo p é r a t i o n n e l s .

Sur ce point, on relève une re s s e m b l a n c ei n t é ressante, quoique relative, avec l’Unione u ropéenne. En effet, après un long pro c e s s u sde construction du marché unique et de sa

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dimension politique et sociale, l’Europe doita u j o u rd’hui constater, non sans préoccupation,que son fonctionnement souff re d’un défaut dedémocratie. On croit percevoir une certainecontradiction entre l’objectif (une union tou-jours plus étroite entre les peuples euro p é e n s )et les moyens mis en œuvre: la diplomatie et lec o m m e rce. Cette contradiction suscite desr é flexions sur la nécessité d’une participationa c c rue des citoyens à l’Europe institutionnelle,laquelle re t rouverait de la sorte une véritablelégitimité démocratique. A cet effet, d’aucunsestiment nécessaire que les parlements desEtats membres soient impliqués dans tous lesmécanismes d’élaboration et de contrôle desdécisions et que la présence des partis, dessyndicats et des associations soit re n f o rcée, envue d’une «refonte démocratique» de l’Unione u ro p é e n n e .

Parier sur l’action syndicale

Il faudrait donc se demander si le Merc o s u r,qui commence tout juste à s’org a n i s e r, n’est pasen train de le faire avec ce même déficit démo-cratique ab initio: la reconnaissance de sadimension sociale est difficile, les espaces insti-tutionnels prévoyant la participation descitoyens et des syndicats sont insuffisants, cesderniers sont réduits à jouer un rôle secondaire .

Du reste, il est plus facile d’établir un dia-gnostic que de proposer des mesures de cor-rection. Si l’existence d’un tel déficit devaits ’ a v é re r, la réorganisation du Mercosur dans

un sens démocratique et participatif peut diff i-cilement provenir de ses centres de décisionactuels, étant donné leur nature technique etc o m m e rciale. Il ne resterait plus qu’à pariersur l’action des syndicats avant tout, avec lesoutien éventuel des ministères du Travail, desparlements nationaux et des partis politiques.

Un système de relations du travail pro p re auMercosur est en train de se développer auniveau régional et international et parviendratôt ou tard à maturité. La constitution d’entitéssyndicales internationales et d’instances de co-o rdination des organisations nationales consti-tue la première étape, insuffisante mais néces-s a i re, en vue de la création d’acteurs internatio-naux, c’est-à-dire de sujets syndicaux adaptés,par leur organisation et par leur taille, à la nou-velle scène régionale. Cette étape sera suivie parla consolidation de ces nouvelles structuressyndicales et par l’apparition – dont il estimpossible de prévoir l’ordre chronologique –de conventions collectives plurinationales et dec o n flits collectifs de même dimension.

En raison des particularités de l’Amériquelatine, et à la diff é rence de l’Union euro p é e n n e ,il est probable que la participation des tra-vailleurs au sein des entreprises soit beaucoupplus tardive dans le cadre du Merc o s u r. Enrevanche, la «macro-participation» revêt déjàun caractère institutionnel grâce au Foru mconsultatif qui, malgré ses faiblesses, porte dese ffets «d’exemple» et «d’entraînement» nonn é g l i g e a b l e s .

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L’intégration économique

Le Marché commun du Sud est aujourd ’ h u iun puissant instrument d’intégration écono-mique en Amérique latine. L’ A rgentine, le Bré-sil, le Paraguay et l’Uru g u a y, les quatre paysqui le forment – avec pour membres associés laBolivie et le Chili – représentent à eux seuls 45pour cent de la population du continent (unpeu plus de 200 millions d’habitants) et 50pour cent de la pro d u c t i o n .

P a rticiper à la mondialisation

Depuis la signature du Traité d’Asunción,en mars 1991, le Mercosur s’est pro g re s s i v e-ment mis en place sur le plan économique etpolitique dans les pays membres et la zone duCône Sud. C’est encore et ce sera jusqu’à l’an2006 «une union douanière imparfaite», avecdes régimes tarifaires spéciaux, après quoi ilse transformera en véritable marché commun.Pour les pays de la zone, il pourrait devenir leprincipal instrument de participation aumouvement de mondialisation de l’activitéé c o n o m i q u e .

En décembre 1994, les chefs d’Etat ou degouvernement de tre n t e - q u a t re pays se sontrencontrés à Miami, aux Etats-Unis, pour leSommet des Amériques. Dans la Déclarationde principes qu’ils ont adoptée, ils aff i r m e n tque «le libre-échange et le re n f o rcement del’intégration économique sont des facteursdéterminants de l’élévation du niveau de vie,de l’amélioration des conditions de travail etde la protection de l’environnement». L’ é l i m i-nation pro g ressive des restrictions mises auxéchanges et aux investissements devraitc o n d u i re d’ici à l’an 2005 à la constitution de laZone de libre-échange des A m é r i q u e s .

A l’occasion du sommet, l’Org a n i s a t i o nrégionale interaméricaine des travailleurs, rat-tachée à la Confédération internationale dessyndicats libres, a demandé aux chefs d’Etatou de gouvernement de créer, à côté desg roupes de travail chargés d’étudier les pro-blèmes de commerce et d’investissement, un

g roupe et une instance tripartite de discussionsur l’introduction de la clause sociale dans l’ac-c o rd de libre-échange. La majorité des gouver-nements a cependant exprimé l’avis que lesquestions de travail relevaient de l’Org a n i s a-tion internationale du Tr a v a i l .

Une charte des droits fondamentaux

Dans l’optique des Etats-Unis, le Merc o s u rdoit être considéré comme un sous-ensemblec o m m e rcial subordonné aux objectifs et auxrègles de la Zone de libre-échange des A m é-riques. Siégeant en septembre 1996 à Florianó-polis (Brésil), le Conseil du Mercosur a re l e v étoutefois que les objectifs étaient diff é re n t s :création d’une zone de libre-échange d’uncôté, création d’un marché commun de l’autre ,conformément au Traité d’Asunción. Lors dela réunion que les ministres adjoints du com-m e rce des pays d’Amérique ont tenue enfévrier 1997 à Recife (Brésil), les gouverne-ments des quatre pays du Mercosur ont répétéque leur projet d’intégration visait à former unm a rché commun avec un régime préfére n t i e lpour les membres par rapport aux autres Etats.Il existe en d’autres termes, entre la Zone del i b re-échange des Amériques et le Merc o s u r,des sources de tension qui ne pourront être éli-minées que par la négociation.

La position des pays du Mercosur estappuyée par les centrales syndicales nationaleset par la Coordination syndicale du Cône Sud,qui demandent en outre, ce à quoi les gouver-nements s’opposent, l’adoption d’une chartedes droits fondamentaux qui garantisse lesd roits des travailleurs.

Des économies sans commune mesure

L’ A rgentine et le Brésil sont les deuxgrands du Mercosur par la taille de leur écono-mie et de leur marché, sans commune mesureavec ceux des deux autres pays. Le pro d u i tintérieur brut du Brésil est de quarante à cin-quante fois supérieur à celui du Paraguay etde l’Uru g u a y, le produit de l’Argentine de près

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Les syndicats dans le Merc o s u r

Julio GodioC o n s u l t a n t

B I T

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de vingt fois supérieur. Ensemble, les deuxgrands pays représentent 97 pour cent de lap roduction de la zone et 96 pour cent de lapopulation. Pour les deux petits pays, le Mer-cosur a une importance économique décisive:de 60 à 70 pour cent des échanges du Paraguayet de l’Uruguay s’effectuent en son sein.

Le Mercosur et le marché mondial

L’un des grands problèmes que les pays duMercosur doivent s’attacher à résoudre estcelui du chômage, en progression. Pour créerdes emplois productifs, ce qu’ils peinent àfaire, il faut qu’ils développent leur commerceavec le reste du monde – comme ils l’ont faitentre 1990 et 1995 à l’intérieur de leur zone –plus rapidement que leur production. Pourl’heure, leur participation au commerce mon-dial est très faible (2 pour cent en 1994). Lesprincipaux secteurs d’exportation, ceux où lespays du Mercosur possèdent un avantagerelatif, ne sont pas des secteurs dynamiques.Pour les productions à fort contenu de qualifi-cation et de technologie, les quatre pays nesont guère compétitifs.

Pour des économies qui s’étaient dévelop-pées à l’abri du protectionnisme avec l’objec-tif de remplacer les importations par des pro-ductions nationales, la politique d’ouverture ,qui prive les entreprises nationales de leurm a rché réservé, crée des conditions radicale-ment nouvelles. Avec la mondialisation del’activité économique, les entreprises doiventa ff ronter une concurrence de plus en plusl a rge sur les marchés extérieurs comme surles marchés intérieurs.

F a i re face aux nouvelles conditions

Tout en maintenant un régime interne pré-f é rentiel, les Etats du Mercosur doivent, pourque leur projet réussisse, accro î t re notable-ment leur participation au commerce mon-dial. La conjoncture actuelle est marquée, ilfaut le rappeler d’autre part, par une réduc-tion de l’intervention de l’Etat dans l’activitééconomique, en application des mesure sd’ajustement et de stabilisation, et, consé-quence immédiate, par un important recul del’emploi dans le secteur public. Avec la libéra-lisation des échanges, certaines pro d u c t i o n snationales ont été remplacées par des impor-tations, ce qui a conduit aussi à des ferme-t u res d’entreprises et à des suppre s s i o n sd’emplois. Les entreprises doivent aff ro n t e rdes conditions très diff é rentes de celles d’au-

t refois, sans se dissimuler que seule la compé-titivité leur permettra de survivre et pourraa s s u rer la croissance économique et l’expan-sion de l’emploi.

Le marché du travail

Le Mercosur est appelé à devenir unénorme marché du travail. La population desq u a t re pays était en 1992 de 194 millions depersonnes, soit 154 millions au Brésil, 33 mil-lions en Argentine (ces deux pays représen-tant environ 96 pour cent du total), 4,5 mil-lions au Paraguay et 3,1 millions en Uruguay(avec la Bolivie et le Chili, on compte 24 mil-lions d’habitants de plus). En l’an 2000, lapopulation devrait atteindre 217 millions depersonnes. Il s’agit d’une population essentiel-lement urbaine, dans la proportion de 87 pourcent en A rgentine, de 77 pour cent au Brésil etde 91 pour cent en Uruguay; le chiff re est de 54pour cent au Paraguay, qui conserve uneimportante population rurale. Environ la moi-tié de la population urbaine vit dans des villesde plus d’un million d’habitants. La popula-tion active des quatre pays du Mercosur est d’àpeu près 90 millions de personnes, dontquelque 85 millions ont un emploi. Les chiff re squ’on possède pour 1997 donnent 5,5 millionsde chômeurs (chômage déclaré) et 30 millionsde travailleurs en situation de sous-emploi. Lamoitié, en moyenne, des personnes qui tra-vaillent le font dans le secteur informel urbain,a u t re indicateur de la médiocre qualité d’unegrande partie des emplois – précaires, peurémunérateurs et privés de toute pro t e c t i o nsociale. On estime à 4 millions pour les quatrepays le nombre des enfants qui travaillent, àraison de quarante-six heures par semaine enmoyenne et pour une rémunération inférieureau salaire minimum.

Les «emplois re f u g e s »

La progression de l’emploi a été variableentre 1990 et 1995. C’est au Paraguay qu’elle aété la plus forte, avec un taux de 5,8 pour centpar an, signe du dynamisme du marché dutravail. Il faut relever toutefois que sont prisen compte des emplois de très médiocre qua-lité (les «emplois-refuges»), qui ne le sont pasdans les autres pays, si bien que les chiffres nesont pas comparables. L’emploi a augmentéannuellement de 2,6 pour cent au Brésil, de 1,5pour cent en Uruguay et, taux le plus faible,de 1,0 pour cent en Argentine.

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P ro g ression de l’emploi: uneaugmentation dans le secteur form e l

Les économies du Merc o s u r, si elles ontcréé des emplois, n’en ont pas créé assez pourr é p o n d re à la demande de tous les nouveauxvenus sur le marché du travail. Entre 1990 et1996, le chômage urbain a été très importanten A rgentine (17,3 pour cent), assez importanten Uruguay et au Paraguay (9,2 et 6,6 pourcent), moindre au Brésil (4,3 pour cent).

Au cours de cette période, la pro g ression del’emploi dans le secteur privé moderne a ététrès faible en Argentine et au Brésil (0,8 et 0,2pour cent), moyenne au Paraguay et en Uru-guay (2,6 et 2,0 pour cent). Quant au secteurpublic, l’emploi y a reculé partout sauf au Para-guay (augmentation de 5,3 pour cent). Résultat:la part du secteur formel (public et privé) dansl’emploi total a diminué, et augmenté en contre-partie celle du secteur informel.

Les jeunes et les femmes

Ce secteur (micro - e n t reprises, activités indé-pendantes, service domestique) s’est beaucoupdéveloppé en Argentine, au Brésil et au Para-guay, jusqu’à représenter en 1996 plus de lamoitié de l’emploi total. Dans l’ensemble de lazone, c’est ce phénomène qui caractérise lacroissance et l’évolution structurelle de l’em-ploi, parallèlement à la progression du chô-mage, lequel touche principalement, dans leMercosur comme dans la plupart des paysd’Amérique latine, les jeunes et les femmes.

Une double mutation

Les pays du Mercosur sont actuellement, etles pays d’Amérique latine en général, dans unephase de profonde transformation stru c t u re l l e ,passant d’une économie protégée dont le déve-loppement était axé (depuis les années trente)sur le remplacement des importations par desp roductions nationales à une économie de mar-ché ouverte. Engagés dans le mouvement géné-ral d’intégration régionale et de mondialisationde l’activité économique, qui amène une libéra-lisation croissante des échanges, c’est unedouble mutation qu’ils connaissent en fait.

Enjeux économiques et sociaux

Quel est le modèle économique, quellessont les politiques qui permettront de dévelop-per l’activité, d’accro î t re la compétitivité, decréer des emplois et d’augmenter les rémuné-

rations? C’est, dans les pays du Merc o s u r, lesujet d’un vaste débat qui occupe les pouvoirspublics, les organisations d’employeurs et detravailleurs et d’autres secteurs de la société.Le problème est un problème mondial, on enconvient, mais il présente, dans ces pays, desaspects particuliers et doit trouver sa solutiondans la concertation et par un accord entre lesp a r t e n a i res sociaux et l’Etat.

Les géants favorisés

La création du Mercosur entraîne, avec desgains d’échelle pour les économies nationales,des re s t ructurations qui touchent aussi bien lecapital que le travail, modifiant la relation entreles deux. L’ o u v e r t u re économique stimule l’acti-vité, mais les entreprises n’ont pas toutes accèsà l’espace commun où s’intègrent les économiesnationales. Favorables au re n f o rcement desgrands groupes et des multinationales, l’élarg i s-sement du marché et l’extension de la concur-rence mettent certaines petites et moyennese n t reprises dans une situation critique.

Conditions avantageusespour attirer le capital?

Du côté des travailleurs, la création du mar-ché commun, qui conduit à la constitutiond’une «classe ouvrière régionale», peut pro v o-quer aussi une concurrence accrue et une dété-rioration des rémunérations et des conditionsd’emploi, cela par l’effet de la hausse de la pro-ductivité du travail (qu’elle augmente plus viteque la production ou qu’elle n’augmente paspartout également) ou de l’accroissement de lamobilité et du développement des migrationsde travail, avec des gens prêts à accepter s’il lefaut des conditions inférieures à celles quefixent la loi ou les conventions collectives. Il fautc r a i n d re que les investisseurs ne présententl’abaissement du coût du travail comme l’indis-pensable clé de la compétitivité et que les Etatsne soient tentés, pour attirer le capital, pour atti-rer les multinationales, d’offrir les conditions lesplus avantageuses, en limitant les salaires et enre s t reignant l’activité des syndicats.

Le risque de concurrence entre les tra-vailleurs et de nivellement des rémunérationset des conditions d’emploi dans les pays duM e rcosur a provoqué une accélération dumouvement de coordination syndicale, notam-ment avec la création de la Coordination syn-dicale du Cône Sud et la proposition d’adop-tion d’une charte des droits fondamentaux.

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Refus du nivellementpar le bas

La création du Mercosur obéit à la nécessitéd ’ é l a rgir les marchés pour développer la pro-duction, maintenant qu’il n’est plus questionde le faire en remplaçant les importations pardes productions nationales, et de répondre auxnouveaux impératifs de la mondialisation etde l’ouverture des économies. La Coordina-tion syndicale du Cône Sud pense que, pour yparvenir, il faut uniformiser les conditions:salaires, impôts, tarifs douaniers, coûts d’in-frastructure, etc., et réaliser des gains d’échelledans le nouvel espace économique. Face auxconséquences de ce processus, à l’éliminationdes unités non compétitives dans les quatrepays, au mouvement de concentration desentreprises, elle s’oppose à tout nivellementdes rémunérations pour réduire le coût dut r avail.

Avec l’établissement du Merc o s u r, les syn-dicats des Etats membres se trouvent devantune situation complexe d’interdépendance etde concurrence entre les entreprises. Lesgrands groupes économiques de la zone et lesmultinationales américaines ou euro p é e n n e sentendent – ce qui bien sûr n’exclut pas lesc o n flits entre les uns et les autres – occupertous les créneaux possibles et utiliser le Merc o-sur comme une nouvelle base pour aff ronter lac o n c u r rence mondiale.

Le souci de la compétitivité pousse lese n t reprises, pour atteindre la taille fin a n c i è ren é c e s s a i re, à procéder à de rapides fusions (auniveau national ou au niveau de la zone), par-fois avec l’entrée de capitaux étrangers. Lavente d’entreprises dans les secteurs peu pro-metteurs permet d’investir dans de nouveauxdomaines. Pour défendre leurs membres ets’acquitter efficacement de leur mission, lessyndicats doivent connaître les relations com-plexes, faites d’ententes et d’antagonismes, decollaboration et de concurrence, qui lient lesg roupes économiques de la zone et les entre-prises multinationales.

Changer les règles du jeuau niveau global

Pour la Coordination syndicale du CôneSud, il ne faut pas que le Mercosur s’édifiecomme un ensemble capitaliste inégalitaire surle dos des travailleurs. Cela dit, les syndicatsne peuvent espérer préserver l’emploi et lesrevenus en adoptant des positions nationa-listes qui empêchent la circulation des capitaux

et des travailleurs. Ils doivent suivre une stra-tégie globale au niveau de la zone pour chan-ger les règles du jeu et faire passer la compéti-tivité par la diversification de l’off re et laqualité, non par l’abaissement des salaire sd i rects et indirects (prévoyance, santé, etc.),grâce à la croissance combinée des économiesnationales dans le respect de l’enviro n n e m e n t .

Un programme syndical commun

Il est essentiel d’adopter, au niveau duM e rc o s u r, des dispositions qui assujettissentautomatiquement les travailleurs migrants auxlégislations nationales pour empêcher qu’onne les exploite et pour enrayer les réactionsracistes et xénophobes que pourraient avoir lesnationaux, sous prétexte qu’on viendrait «leurp re n d re leur travail».

Les syndicats devraient élaborer un pro-gramme commun pour obtenir à l’échelle duM e rcosur des conditions de rémunération etd’emploi uniformes (durée du travail, salaire sminimaux, barèmes de rémunération, régimesde pensions, formation professionnelle, etc.).Ils devraient s’attacher à conclure dans lemême sens des accord s - c a d res avec les entre-prises au niveau sectoriel (dans la constru c t i o nautomobile, par exemple, le secteur de l’éner-gie, les transports). Pour cela, il ne faut pasqu’ils se laissent tenter, au niveau national, parl’idée d’assouplir les conditions d’emploi afind ’ a t t i rer les investissements.

Le risque de clivages

Il est indispensable, pour assurer une crois-sance soutenue et équilibrée entre les quatrepays, de relever les planchers de rémunéra-tion afin de stimuler la demande. On peutcraindre en l’état actuel des choses qu’il ne seproduise, sur le marché du travail, un clivageentre secteurs à productivité et revenus élevéset secteurs à productivité et revenus bas, cequi donne on le sait – avec une situation desous-emploi et de large sous-rémunération,avec l’extension de la précarité et du travailinformel – des économies peu performantesen moyenne. Il importe de développer lessecteurs intégrés dans le système internatio-nal d’échanges qui possèdent un avantagecomparatif et qui peuvent atteindre, grâceaux innovations techniques, une productivitéélevée.

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Les avantages de l’intégrationpour les travailleurs

Le Mercosur se présente comme unensemble d’instances interg o u v e r n e m e n t a l e sc h a rgées de promouvoir la liberté deséchanges et l’intégration économique. Ce quesouhaitent les organisations réunies au sein dela Coordination syndicale du Cône Sud, c’estle développement d’une stru c t u re supranatio-nale semblable à l’Union européenne, cela nonseulement pour des raisons politiques et syn-dicales générales, mais pour des raisons quiont directement à voir avec le marché de l’em-ploi. La solution des problèmes de salaires, deconditions de travail, de migrations, de sécu-rité sociale, tous ces problèmes qui s’inscriventdans la stru c t u re du marché de l’emploi, passeen effet par la mise en œuvre de politiquessociales supranationales.

L’humanisation du travail

Par là, le Mercosur pourra s’ériger en insti-tution garantissant au niveau supranational larégulation du marché de l’emploi et l’humani-sation du travail selon les principes pro t e c-teurs de l’Etat social. Sur cet objectif, il n’estpas question pour les syndicats de négocier:c’est ainsi qu’on construira un marché du tra-vail capable de répondre au défi de la pro d u c-tivité et de la compétitivité au sein du Merc o-sur et dans les rapports de celui-ci avec le re s t ede l’économie mondiale.

Voilà dix ans que les syndicats de la région,c o o rdonnant leurs efforts, sont engagés dans lalutte pour l’édification d’un marché communp ro g ressiste qui fasse avancer l’égalité. LaC o o rdination syndicale du Cône Sud sait qu’ilfaudra, si doit se mettre en place la Zone del i b re-échange des Amériques, poursuivre ledessein syndical de donner une dimensionsociale au Mercosur en tenant compte de lanouvelle situation et de la nécessité d’étendrecette dimension à l’ensemble du continent.

La présence syndicale dans le Merc o s u r

La Coordination syndicale du CôneSud: origines et objectifs

C’est en 1986 qu’a été fondée à Buenos A i re sla Coordination syndicale du cône Sud (Coor-dinadora de Centrales Sindicales del Cono Sur,CCSCS), avec l’appui de la Confédérationinternationale des syndicats libres (CISL) et deson organisation régionale, l’Org a n i s a t i o n

régionale interaméricaine des travailleurs(ORIT). L’action de la coordination s’étend à lazone formée par le Brésil, la Bolivie, le Para-g u a y, le Chili, l’Argentine et l’Uru g u a y.

O rganisation autonome mais ayant desliens étroits avec l’ORIT et la CISL, la Coord i-nation syndicale du Cône Sud a mené depuissa création des actions concertées pour re s t a u-rer la démocratie politique dans les pays de lazone (qu’on se souvienne qu’en 1986 l’Arg e n-tine était le seul pays démocratique parmieux); discuter et élaborer des pro g r a m m e spolitico-économiques qui ouvrent une autrevoie que le néolibéralisme; assurer la participa-tion des travailleurs au sein du Mercosur; pro-mouvoir la formation syndicale; développer lacollaboration avec les secrétariats pro f e s s i o n-nels internationaux; re n f o rcer les relations avecl ’ O I T. Surmontant les difficultés nées de lasituation antérieure de cloisonnement des cen-trales nationales, elle est parvenue en dix ans às ’ a ffirmer et à se transformer en instrument desolidarité et de coopération entre les mouve-ments syndicaux des pays du Cône Sud,comme avec l’ORIT et la CISL.

P re n d re en compte les réperc u s s i o n sdu pro c e s s u s

Compte tenu des répercussions de la créa-tion du Mercosur sur le marché du travail dansles Etats membres, de son impact sur les condi-tions de travail et de vie de millions de per-sonnes actives, c’est là que s’est situé le champd’action prioritaire de la coordination au coursdes années passées. Il n’est pas possible en eff e tde fixer des objectifs de progrès socio-écono-mique au niveau national sans pre n d re encompte les effets de l’intégration sur l’économieet le marché du travail dans chacun des pays.

La coordination ne re g roupe past o u t e s les organisations syndicales

Le siège de la coordination s’établit parrotation dans les diff é rents pays; pour lapériode 1996-1998, il se trouve à São Paulo, auBrésil. Font partie de la coordination les org a-nisations suivantes: A rgentine: Confédérationgénérale du travail; Bolivie: Centrale ouvrièrebolivienne; Brésil: Centrale générale des tra-vailleurs, Centrale unique des travailleurs,F o rce syndicale; Chili: Centrale unitaire destravailleurs; Paraguay: Centrale unique destravailleurs; Uruguay: Intersyndicale plénièredes travailleurs-Convention nationale des tra-vailleurs. La coordination représente enviro n

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85 pour cent des travailleurs syndiqués despays du Cône Sud et 90 pour cent de ceux despays du Merc o s u r, ce qui en fait l’org a n i s a t i o nl a rgement prépondérante.

Plusieurs organisations nationales, cepen-dant, n’en sont pas membres: en A rgentine, laCentrale des travailleurs argentins et trois org a-nisations affiliées à la Confédération mondialedu travail (CMT) et à son organisation régionale,la Centrale latino-américaine des travailleurs( C L AT) (le Mouvement des travailleurs arg e n-tins est affilié, lui, à la coordination par l’inter-m é d i a i re de la Confédération générale du tra-vail); au Brésil, la Centrale autonome destravailleurs et, au Chili, l’organisation de mêmenom (les deux sont de création récente); au Para-g u a y, la Centrale nationale des travailleurs. Cer-taines de ces organisations font partie duConseil économique et social du Merc o s u r.

Action dans le Merc o s u r

La Coordination syndicale du Cône Sud etles organisations nationales membres se sontattachées à définir une stratégie de participa-tion au Mercosur fondée sur quatre grandsp r i n c i p e s :

• le Mercosur devait comporter une dimen-sion sociale;

• il devait compre n d re un mécanisme denégociation tripartite (pouvoirs publics,o rganisations patronales, org a n i s a t i o n ssyndicales) sur les questions de travail;

• la participation syndicale devait être assu-rée dans les délibérations générales et auniveau sectoriel (secteurs économiques,branches d’activité) (ce qui a permis unecollaboration croissante entre la coord i n a-tion, les centrales nationales et les secréta-riats professionnels internationaux);

• il convenait de créer au sein de la coord i n a-tion une instance – la Commission syndi-cale du Mercosur – chargée de définir lespolitiques et de coordonner les activités.

Tant d’idéologies

Ce sont des mouvements syndicaux auxidéologies diverses qui se sont rencontrés lorsde la création de la coordination, des mouve-ments qui avaient peu de contacts directs. L’ é l a-boration de la stratégie et des politiques de lac o o rdination et des organisations membres duMercosur n’est pas une affaire simple et sep o u r s u i t .

Un climat général favorable

L’adage dit qu’on prouve le mouvement enm a rchant. Le Mercosur a connu, depuis 1991,un re m a rquable développement, dans un cli-mat général favorable, dans les Amériques, àla création de zones de libre-échange et paral-lèlement aux progrès de l’intégration dansdiverses régions. En 1994 entrait en vigueurl ’ A c c o rd de libre-échange nord - a m é r i c a i n(Alena). Entre 1991 et 1997, la config u r a t i o néconomique du continent s’est transformée.Les mesures de réforme stru c t u relle et d’ou-v e r t u re ont amené, pour les économies natio-nales, des gains d’échelle et ont ouvert la voieà l’intégration et à la liberté des échanges. LaCommunauté économique européenne a faitplace à l’Union européenne. Le Japon et lesnouvelles économies industrielles de l’Asie duSud-Est ont développé leurs relations avec leséconomies de l’Amérique latine et desCaraïbes. C’est à l’enseigne de la mondialisa-tion que s’élaborent désormais les politiqueséconomiques des pays de la région.

La ORIT/CISL prend les rênes

Le mouvement d’intégration et de mondia-lisation a placé les organisations syndicales despays du Cône Sud devant une situation diff i-cile, mais elles ont su réagir rapidement avec lavolonté de participer au Merc o s u r. Ellesavaient déjà engagé le débat, en effet, surl’adaptation des stratégies syndicales auxtransformations en cours à l’échelle non seule-ment régionale mais aussi mondiale. Cette évo-lution a été encouragée surtout par l’Org a n i s a-tion régionale interaméricaine des travailleurs,qui a entrepris d’élaborer (congrès de 1989 etde 1993) un programme syndical pour aff ro n t e rles nouveaux défis et un cadre idéologique,celui du «syndicalisme sociopolitique», pourpenser et définir les politiques à suivre .

La participation syndicale dansles institutions du Merc o s u r

Le Groupe de travail n° 10

Le Groupe de travail n° 10 a été constitué parle Groupe Marché commun, organe exécutif duM e rc o s u r, pour traiter les questions de travail,d’emploi et de sécurité sociale. Ce groupe, oùsiègent des représentants des ministères du Tr a-vail des Etats membres, fait des propositions auGroupe Marché commun sur les questionssociales, en organisant notamment des réu-

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nions consultatives tripartites. C’est une ins-tance privilégiée pour l’action syndicale, dontla Coordination syndicale du Cône Sud suit lestravaux avec une attention particulière .

Lors de sa pre m i è re session, tenue à Monte-video en octobre 1995, le groupe de travail aconstitué trois commissions, chargées de s’oc-c u p e r, la pre m i è re, des relations pro f e s s i o n-nelles; la deuxième, de l’emploi, des migra-tions et de la formation; la troisième, de lasanté et de la sécurité au travail, de l’inspec-tion du travail et de la sécurité sociale. D’ac-c o rd avec le choix de ces questions, la Coord i-nation syndicale du Cône Sud a déploré parc o n t re qu’on n’ait pas constitué des commis-sions tripartites pour étudier les propositions àf a i re, en vue de re n f o rcer le rôle du groupe detravail dans les importants domaines de sac o m p é t e n c e .

Questions prioritaire s

Le programme des organisations syndi-cales nationales, de la Coordination syndicaledu Cône Sud et des secrétariats pro f e s s i o n n e l sinternationaux précise les objectifs sociaux àp o u r s u i v re dans les trois commissions dug roupe de travail. On peut espérer obtenir desrésultats concrets dans les voies tracées en re n-forçant les possibilités de participation démo-cratique et de négociation bipartite ou tripar-tite dans les délibérations générales et auniveau sectoriel. Les objectifs fixés défin i s s e n tune série de questions prioritaires, qui sont,pour la coordination, les suivantes:

Reconversion économique, évolution techniqueet formation.– La mise en place du Merc o s u rentraînera de grands changements dans lademande de personnel. Il se pose de nouveauxp roblèmes de formation qu’il faut aborder entenant compte des avantages comparatifs dechaque pays, pour assurer l’insertion ou laréinsertion des diff é rentes catégories de tra-vailleurs dans l’emploi.

Relations professionnelles et négociation collec-t i v e .– L’ o u v e r t u re des économies requiert deschangements dans les institutions et lesnormes du travail. Il importe, dans ce pro c e s-sus, de re n f o rcer la négociation collective et lesinstitutions protectrices du travail.

M i g r a t i o n s .– L’ u n i fication du marché dutravail influera sur les flux internationaux detravailleurs, en fonction des niveaux d’activitééconomique et de rémunération. Il importe de

p rotéger les migrants en obligeant les entre-prises à respecter la législation en vigueur enm a t i è re de salaires minima, de conventionscollectives, de sécurité et de santé, de pro t e c-tion sociale, pour empêcher l’exploitation et le«dumping social» sur le dos d’une main-d ’ œ u v re migrante bon marché. Les migrationsd e v ront être réglementées au niveau du Mer-c o s u r.

Création d’emplois et compétitivité.– To u j o u r splus pressant, l’impératif de la compétitivitédicte l’adoption de politiques d’accro i s s e m e n tde la productivité. Malgré l’augmentation dela demande de personnel qu’on peut ena t t e n d re dans certaines professions et certainesspécialités, l’effet net sur l’emploi sera vrai-semblablement négatif si l’on ne prend pasparallèlement des dispositions pour stimulerla croissance, créer de nouvelles possibilités detravail et intégrer l’effort de productivité dansles conventions collectives.

Harmonisation de la législation du travail et dela protection sociale.– Pour que la concurre n c epuisse s’exercer loyalement entre les pays, laC o o rdination syndicale du Cône Sud a élaborédes propositions pour l’harmonisation pro-g ressive des systèmes nationaux. Les normesinternationales du travail fournissent un cadrede référence pour l’examen du problème auniveau du Merc o s u r. De très fortes pre s s i o n ss ’ e x e rcent toutefois dans le sens de la dérégle-mentation et de la précarisation de l’emploi. Ilappartient aux syndicats de suivre de près laquestion de l’harmonisation, de son étendue etdes moyens de l’opére r.

Coût du travail.– C’est une considérationcapitale dans la stratégie des entreprises etcelle des syndicats, au centre des contro v e r s e ssur les conséquences économiques à attendrede l’intégration. La détermination du coût dutravail est une aff a i re complexe qui fait inter-venir une série d’éléments: rémunérationd i recte, charges sociales, rapport avec lesa u t res coûts de production, rapport avec lap roductivité, effets sociaux indirects. Les syn-dicats constatent que la baisse du coût du tra-vail n’a pas un grand impact sur le coût géné-ral des biens et des services.

Action contre le chômage.– Il importe, dans lec a d re de l’intégration régionale, de mettre aupoint des dispositifs communs de lutte contrele chômage. On peut envisager notamment decombiner les mesures d’indemnisation avec les

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m e s u res de formation et d’insertion dans l’em-ploi, d’établir de nouveaux types de contratsde travail et d’instituer une protection particu-l i è re pour certaines catégories de travailleurs.

Egalité de chances, lutte contre la discriminationet l’exclusion.– Des catégories importantes de lapopulation pourraient fort bien ne pas bénéfi-c i e r, dans l’immédiat au moins, des fruits del’intégration régionale – parce que celle-ci porteatteinte à leurs intérêts, parce qu’elles tra-vaillent dans des secteurs incapables d’exploi-ter les possibilités qu’ouvre l’élargissement desm a rchés, qu’elles sont mal représentées dansles institutions nationales ou qu’elles sont enbutte à la discrimination sociale, toujours là. Ilimporte de pre n d re des mesures compensa-t o i res en faveur des groupes qui auraient às o u ffrir ainsi de l’intégration, sans entravercelle-ci. Il est indispensable aussi, grâce à unrenouvellement des stratégies et des institu-tions, de lutter contre l’aggravation des inégali-tés et le phénomène d’exclusion sociale.

En ce qui concerne la discrimination, bienque les quatre pays du Merc o s u r, comme laBolivie et le Chili, aient inscrit dans leurConstitution et dans leur législation du travaille principe de l’égalité de chances et de traite-ment, elle subsiste dans les faits à l’encontredes femmes, peu représentées dans les postesde décision, dans les professions bien rétri-buées, dans celles qui off rent des perspectivesi n t é ressantes, ce qui se traduit par de notablesdisparités de rémunération.

Charte des droits fondamentaux.– L’ a d o p t i o nde cette charte, qui s’inscrit dans la ligne de laCharte des droits sociaux fondamentaux destravailleurs de l’Union européenne, a été ins-crite au programme du Mercosur en 1992. Laseule proposition concrète qui ait été présentéel’a été par la Coordination syndicale du CôneSud, en janvier 1994.

Informations sur le marché du travail.– Pourdéterminer les problèmes et les priorités, il estindispensable de disposer d’une base de don-nées commune sur les principaux aspects del’emploi et de la situation sociale dans les paysdu Merc o s u r. Il a été proposé de créer uno b s e r v a t o i re permanent du marché du travail,à administration tripartite, chargé de centrali-ser les informations à l’intention des institu-tions du Merc o s u r, des organisations d’em-ployeurs et de travailleurs, des établissementsu n i v e r s i t a i res, des organisations non gouver-nementales et du public en général.

Il importe de considérer ces questions etcelles qui ne manqueront pas de surgir encoreà la fois de façon globale et de façon sectorielle(par secteur économique, branche d’activité),et cela non seulement au sein du Groupe detravail n° 10, mais dans d’autres instances duM e rc o s u r, les autres groupes de travail et leConseil économique et social principalement.

Le Groupe de travail n° 10 a déjà obtenudes résultats importants. Il a sélectionnétrente-quatre conventions internationales dutravail qui devront être ratifiées par les Etatsmembres du Mercosur pour servir d’assise àla réglementation du travail. Il a élaboré unaccord multilatéral de sécurité sociale qui a étésoumis au Groupe Marché commun pourapprobation. Il a décidé la création de l’Obser-vatoire permanent du marché du travail, orga-nisé en réseau et basé au ministère argentindu Travail et de la Sécurité sociale. Et il a com-mencé la discussion de la Charte des droitsfondamentaux.

La Coordination syndicale du Cône Sud estintervenue vigoureusement pour demander lere n f o rcement du rôle du groupe de travaildans les stru c t u res du Groupe Marché com-mun. Elle propose que le groupe se réunisset rois fois par année, et non pas deux commel’ont décidé les ministres du Travail, et que lescommissions se réunissent elles tous les deuxmois. Elle demande aussi, elle l’a répété, quel’on donne la priorité, lors de chaque réuniondu groupe, aux séances plénières tripartites.

La coordination souhaite que le Groupe detravail n° 10 ne devienne pas une sorte decomité consultatif du Groupe Marché communmais qu’il acquière un plus grand poids institu-tionnel dans les stru c t u res de celui-ci. C’est unaspect de l’action qu’elle mène pour que leM e rcosur réalise un type d’intégration régio-nale qui ne serve pas seulement les intérêtsc o m m e rciaux mais qui fasse avancer aussi lesvaleurs de la démocratie économique et sociale.

G roupes de travail: la base d’un vasteréseau de coopération syndicale

S’il n’est pas possible au Groupe de travailn ° 10, qui connaît des problèmes globaux dutravail et de l’emploi, d’œuvrer dans ce sens, cene le sera pas davantage aux autres groupes, àcompétence technique ou sectorielle (agricul-t u re, mines, industrie, énergie, transports eti n f r a s t ru c t u res, communications; questionsfin a n c i è res, réglementation technique, enviro n-nement). Dotés eux aussi de stru c t u res tripar-tites, ces autres groupes sont les lieux d’inter-

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vention des syndicats nationaux de branche etdes secrétariats professionnels internationaux.C’est, à travers eux tous, un vaste réseau decollaboration qui fonctionne entre la Coordi-nation syndicale du Cône Sud, les centralesnationales, les fédérations nationales debranche et les secrétariats internationaux. Lastratégie des syndicats vise à renforcer la par-ticipation syndicale et le tripartisme dans tousles groupes de travail du Groupe Marchécommun et à faire que le Groupe n° 10devienne le lieu d’élaboration de n o r m e sgénérales du travail qui donnent au Merc o s u r,à l’échelle supranationale, une dimensionsociale pro g re s s i s t e .

Le Conseil économique et social

Libéralisation, mais en défendantl’identité et l’autonomie du Merc o s u r

Signé à Ouro Preto (Brésil) en 1994, le pro t o-cole additionnel au Traité d’Asunción instituele Conseil économique et social. Org a n econsultatif habilité à soumettre des re c o m m a n-dations au Groupe Marché commun, le conseil,où chaque pays dispose du même nombre desièges, représente les milieux économiqueset sociaux. En vertu du règlement internea p p rouvé en juin 1996, la représentation estconstituée par les sections nationales desq u a t re Etats membre s .

D ’ a u t res gro u p e m e n t set catégories sociales

Le conseil compte neuf délégués par pays(plus les suppléants). Les délégués sont issusdes organisations d’employeurs et de tra-vailleurs, qui constituent le «noyau dur», ainsique d’autres secteurs: consommateurs, écolo-gistes, professions libérales, médias, éducation,science et culture. Pour les délégués des org a-nisations d’employeurs et de travailleurs, laparité doit être observée au sein de chaquedélégation nationale.

Depuis sa création, le conseil s’est réunideux fois, au Brésil en 1996, au Paraguay en1997, et s’est donné un programme de travail.A la deuxième de ces réunions (Asunción, 22avril), il a adopté un important document surla Zone de libre-échange des Amériques, où,tout en se déclarant favorable à la libéralisa-tion du commerce, il défend l’identité et l’auto-nomie du Merc o s u r. Le conseil devait se réunirà nouveau à la fin de 1997 pour traiter des pro-blèmes d’emploi dans le Merc o s u r.

Des institutions sociopolitiquesde participation et de négociation

La création du Conseil économique et socialm a rque une étape importante dans l’édific a t i o nd’un marché commun comportant des institu-tions sociopolitiques de participation et denégociation. Le Mercosur se rapproche à ceté g a rd du modèle d’intégration suivi depuisune trentaine d’années par la Communautééconomique européenne et, désormais, l’Unione u ro p é e n n e .

Le conseil disposed’une liberté d’action

A la diff é rence des groupes de travail, quisont, comme nous l’avons indiqué, deso rganes du Groupe Marché commun (à l’ins-tar d’autres: Comité de coopération tech-nique, réunions spéciales, groupes ad hoc),composés de fonctionnaires gouvernemen-taux, et qui consultent les milieux privés, leConseil économique et social est un des sixo rganes du Mercosur lui-même et l’émana-tion directe de ces milieux. Il dispose d’uneliberté d’action que ne possèdent pas lesg roupes de travail, n’ayant jamais d’autorisa-tion à obtenir et pouvant émettre des re c o m-mandations en dehors de toute participationg o u v e r n e m e n t a l e .

Le conseil off re aux syndicatsune voie pour faire pre s s i o nsur les Etats

Pour faire preuve de dynamisme, le conseildoit pouvoir compter sur la volonté politiqueet de ses membres et des Etats. Il faut que lesp remiers en fassent une institution re s p e c t é equi ait un véritable poids politique et que lesseconds le confortent dans sa mission en leconsultant régulièrement. Il doit devenir, pours ’ a ffirmer politiquement, le lieu d’élaborationde propositions globales sur des sujets tels queles orientations macroéconomiques, l’aide auxrégions défavorisées, l’environnement, le mar-ché du travail, les migrations ou les systèmesde santé et de prévoyance.

Le Conseil économique et social doit s’oc-cuper des questions de travail et d’emploi,mais de façon à re n f o rcer l’influence tripartitedans le Groupe de travail n° 10, sans se sub-stituer à ce dernier. Dans la mesure où leG roupe Marché commun voudrait n’avoir departicipation que gouvernementale dans ceg roupe de travail, le conseil offrira toujours

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aux syndicats une voie pour faire pression surles Etats.

Les syndicats se trouvent placés de leurcôté devant un grand défi: montrer leur capa-cité d’élaborer, de proposer et de faire passerune politique socio-économique d’ensemblequi fasse du Mercosur un espace de dévelop-pement dans la justice sociale. Parmi leurspriorités figure l’examen par le conseil de laCharte des droits fondamentaux. Il faut voiraussi comment ouvrir le conseil aux organisa-tions d’employeurs et de travailleurs et auxautres groupements de la Bolivie et du Chili.Mentionnons encore la fourniture d’informa-tions au conseil par l’Observatoire permanentdu marché du travail.

Un parlement pour le Merc o s u r

Avec la création de la Commission parle-m e n t a i re conjointe, l’idée que le Merc o s u rdevra se doter, dans un avenir proche, d’uno rgane parlementaire de décision a franchiune pre m i è re étape importante. De même, ilconviendrait de prévoir au niveau du Merc o-sur la création de juridictions supranatio-n a l e s .

F a i re de la Commissionune institution fondamentale

Dans les stru c t u res du Merc o s u r, la Com-mission parlementaire conjointe se présentecomme un organe consultatif du Gro u p eM a rché commun. Les syndicats devraientappuyer les initiatives d’origine parlemen-t a i re qui visent à en faire une institution fon-damentale du Mercosur en la transformanten un véritable parlement supranational.G roupements de nature sociopolitique, lessyndicats revendiquent en effet le droit de« f a i re de la politique» tout en préservant leurautonomie, de nouer des liens avec les partisp roches des travailleurs et de porter au seindes parlements nationaux le débat sur lesp roblèmes sociaux.

M a rquant son intérêt pour les questionssociales, la Commission parlementaire c o n j o i n t ea mis à son programme l’examen de la Chartedes droits fondamentaux, auquel devrait pro c é-der aussi les parlements des pays membres. Ens e p t e m b re 1997, elle a signé avec l’OIT laDéclaration de Buenos A i res en vue de lancerune campagne pour l’élimination du travaildes enfants. Il est prévu d’étudier, avec l’OITaussi, des programmes de lutte contre la discri-mination et l’exclusion sociale.

Les relais du Merc o s u rau niveau national

Il n’a pas manqué de voix, au moment dela création du Mercosur, pour en prédirel’échec. Et il est vrai que, outre le lointainpassé protectionniste, la grande disparité desconditions dans les quatre pays annonçait desdifficultés, qu’il s’agisse de leur poids géogra-phique ou démographique, des structures deproduction, des liens avec les marchés mon-diaux ou de l’éducation et de la formationprofessionnelle.

Prise de conscience de la nécessitéde changer de cap

La mondialisation de l’activité écono-mique, le développement de liens planétairesd’interdépendance, la constitution de grandsensembles régionaux, le vaste mouvement delibéralisation des échanges, d’ouverture et dedéréglementation ont exercé une puissanteinfluence sur la formation du Mercosur. Mais,à côté des facteurs externes, ce sont aussi lesfacteurs internes qui ont joué. Grâce aux gainsd’échelle, il s’agissait d’assurer l’insertiondynamique des économies nationales dans lesystème mondial d’échanges, stratégie que leChili suivait déjà avec succès depuis unedizaine d’années. C’est ainsi que le Tr a i t éd ’ A sunción, avec le soutien des forces poli-tiques, des milieux économiques et des milieuxsyndicaux, a recueilli l’adhésion des quatrenations. Il faut, pour bien compre n d re ce quis’est passé, mesurer qu’au sein de ces der-nières on avait, avant déjà, pris consciencequ’il fallait changer de cap, dépasser le protec-tionnisme et s’engager dans la voie de l’ouver-ture et de l’intégration.

Enraciné dans les sociétés nationales

Ceux qui ne voyaient pas d’avenir pour leM e rcosur déclaraient volontiers qu’il set r a n s formerait en une grosse superstructurebureaucratique sans racines dans les sociétésnationales. C’est le contraire qu’on observe:dans chacun des Etats membres, on voit fleu-rir toutes sortes de publications, se formertoutes sortes d’organismes – associations dechefs d’entreprise, de personnel technique,centres de recherche et d’information, centresd’échanges culturels, etc. – qui visent à pro-mouvoir diverses activités dans le cadre duMercosur, réalité largement inscrite désormaisdans les esprits.

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Le développement des relais politico-insti-tutionnels du Mercosur au niveau national,depuis 1991, se voit aussi dans la multiplica-tion des commissions et des groupes de tra-vail qui réunissent des représentants de l’ad-ministration (dans les départements desrelations extérieures et de l’économie notam-ment) et des organisations d’employeurs et detravailleurs. On observe au niveau national,dans les domaines dont s’occupent (en vertudu Protocole d’Ouro Preto) les groupes de tra-vail du Groupe Marché commun et la Com-mission du commerce, une remarquable parti-cipation des milieux privés à l’édification duMercosur.

Il convient notamment de signaler, en re l a-tion avec le Groupe de travail n° 10, la forma-tion de groupes de travail nationaux tripartiteset, en relation avec le Conseil économique etsocial, celle de sections nationales dans lesq u a t re Etats membres. Ces sections nationalesdu conseil, qui débattent, dans la perspectivede l’intégration, des questions économiques etsociales, devraient permettre de re c h e rcher desa c c o rds pro p res à faciliter la participation auM e rcosur; elles pourraient devenir pour lesmilieux privés des lieux de négociation et d’ac-tion auprès des pouvoirs publics.

La Charte des droits fondamentaux

Conformément à la résolution du gro u p ede travail sur les questions de travail et d’em-ploi, la Coordination syndicale du Cône Sud aadopté en décembre 1993 son projet de textepour la Charte des droits fondamentaux.Comme nous l’avons indiqué, l’examen de lacharte est au programme du Groupe de travailn ° 10 et devra être conduit aussi au sein duConseil économique et social et de la Commis-sion parlementaire conjointe.

Fondée sur les conventions et les re c o m-mandations internationales du travail ainsique sur les principes énoncés dans une sériede déclarations, de pactes et de protocoles quiconstituent le patrimoine juridique de l’huma-nité, le Protocole de San Salvador1 n o t a m m e n t ,la charte vise:• à intégrer la dimension sociale dans les ins-

titutions du Merc o s u r ;• à mettre en place les instruments d’un

espace social qui garantisse les droits fon-damentaux dans le domaine social;

• à faire ratifier et appliquer par les Etatsm e m b res les conventions internationalesdu travail de base;

• à faire avancer pro g ressivement les dro i t sf o n d a m e n t a u x .

Le texte comprend deux parties. La pre-m i è re partie comprend elle-même cinq sections:• portée et dimension sociales de l’intégration;• l i b re circulation des travailleurs; • d roits fondamentaux de la personne et du

t r a v a i l l e u r ;• d roits collectifs;• sécurité sociale.

Les deux sections de la seconde partie trai-tent de l’application de la charte et de sonc o n t r ô l e .

Il faut s’attendre à ce que la discussion de lacharte, jusqu’à son adoption, soit parfois diff i-cile et prenne du temps. Le texte, qui doit don-ner au Mercosur sa configuration sociale etfixer les droits des travailleurs, établit desnormes supranationales dans le domaine dutravail et le domaine social et met en place desi n s t ruments de contrôle de leur application,conformément aux obligations que comportele Traité d’Asunción. Il impose aux Etatsm e m b res une égalisation «par le haut» desnormes nationales du travail et fixe des orien-tations pour l’élaboration de directives et detextes législatifs dans les domaines dont iltraite. Il faut voir le document préparé par laC o o rdination syndicale du Cône Sud commeune base de discussion et de négociation tri-partite, un texte qu’il sera possible d’amenderpour arriver à un accord entre les parties.

La charte: instrument pour réglerles instances de la négociation

En élaborant leur projet, les org a n i s a t i o n sde travailleurs avaient en vue une forme d’in-tégration qui ne se limite pas, sur le plansocial, à l’établissement d’un dispositif norma-tif minimal – à l’observation des normes fon-damentales de la législation internationale dutravail de l’OIT et des législations nationales(ce que prévoit l’Accord de libre - é c h a n g en o rd - a m é r i c a i n ) .

Selon le modèle retenu par les syndicats, oùles droits sociaux s’articulent sur les stru c t u re ssocio-politiques des Etats, la charte est l’instru-ment sur lequel devraient se régler une séried’instances publiques et privées de négocia-tion. Elle définit un programme de vaste por-tée pour la rénovation pro g ressive des sociétés,des économies et des systèmes politiques et nemanquera pas d’influer sur les programmes de

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modernisation de la production, d’expansionde l’emploi et d’amélioration de la qualité dela vie, parmi d’autres. La charte re c o u v re unobjectif stratégique à long terme dans lam e s u re où, adoptée et mise en application, elledevrait amener un changement des rapportsde force dans chaque pays en faveur des blocsp o p u l a i res pro g ressistes et mettre un frein aucapitalisme sauvage.

Elle concourra à développerune conscience sociale

Les organisations ouvrières voient dans lacharte un instrument de régulation du marc h édu travail du Mercosur dont les effets se réper-c u t e ront sur les marchés du travail nationaux.C’est, de ce point de vue, un thème d’actionp r i o r i t a i re. La constitution d’un marché supra-national du travail régi par elle re n f o rcera lesd roits individuels et collectifs des travailleurset concourra à développer dans le Mercosur la«citoyenneté sociale».

Des négociations tripartites ont été enga-gées en 1997 au sein du Groupe de travailn° 10 en vue de l’adoption d’un protocoleadditionnel au Traité d’Asunción qui garanti-rait certains droits fondamentaux dans ledomaine du travail et sur le plan syndical(clause sociale), avec des mécanismes decontrôle et de sanction des infractions. Pourles organisations de travailleurs, toutefois, cetexte ne sera acceptable que s’il y est dit expli-citement qu’il s’agit d’une première étape versl’adoption de la Charte des droits fondamen-taux, partie intégrante du dispositif normatifsupranational du Mercosur.

Le Mercosur et le droit du travail

C’est à moyen et à long terme, en fonctionde la croissance économique, de l’essor deséchanges, de la politique des revenus et de biend’autres facteurs, que l’intégration régionalepourra faire sentir ses effets positifs sur le plansocial. Elle risque cependant d’avoir, dans ledomaine du travail, des effets négatifs beau-coup plus immédiats. La formation de la zonede libre-échange, avec suppression complètedes droits de douane en l’an 2006, pourra pro-voquer du chômage dans certains secteurs, à lasuite de baisses d’activité ou de fermeturesd’entreprises, voire la disparition de secteursentiers, incapables, sans protection douanière,de soutenir la concurrence à l’échelle régionale.Il faut évoquer aussi, autre danger de l’intégra-tion, le risque de «dumping social».

C o o rdonner l’action syndicalebranche par branche

La réduction ou la suppression des dro i t sde douane entre les pays du Merc o s u r, commela nécessité pour la zone entière de soutenir lac o n c u r rence du reste du monde, risque d’inci-ter les entreprises à abaisser les conditionsd’emploi pour améliorer leur compétitivité, etles Etats à tolérer sinon à encourager de tellespratiques. La forte présence des multinatio-nales ne peut que hâter de leur côté la forma-tion d’un espace d’activité supranational. Lessyndicats doivent, pour traiter avec ces entre-prises, coordonner leur action branche parbranche, ce qui pourrait se faire grâce à desformes supranationales elles aussi de négocia-tion collective.

Développement d’un dro i ts u p r a n a t i o n a l

C a d re normatif des relations de travail, ins-t rument de protection des travailleurs, le dro i tdu travail ne peut négliger les effets de l’inté-gration. A côté de la Charte des droits fonda-mentaux, qui doit établir des normes générales,il importe de développer un droit supranatio-nal, un droit progressiste, pour régir le travaildans le nouvel espace et harmoniser les droitsnationaux en fonction des nouvelles réalitésr é g i o n a l e s .

Face à cette grande tâche, la Coord i n a t i o nsyndicale du Cône Sud a constitué, en vue ded é finir une politique syndicale, une commis-sion chargée d’étudier les techniques juri-diques de réglementation du travail dans leszones d’intégration régionale, les normesinternationales à pre n d re en considérationen priorité (conventions de l’OIT) et les e ff e t sde l’intégration sur le droit individuel dut r av a i l .

Eléments d’une culture syndicalesupranationale de pro g r è set de solidarité

On peut affirmer sans trop de risques queles dix prochaines années verront la mise enplace définitive des stru c t u res économiques etpolitiques du Merc o s u r. Les accords tarifaire squi ont été conclus (dans la perspective de las u p p ression générale des droits de douane audébut du siècle prochain) ont permis d’at-t e i n d re les objectifs fondamentaux qui avaientété fixés en matière de libre-échange et d’uniond o u a n i è re. Les marchés des quatre pays de la

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zone s’intègrent rapidement grâce à la poli-tique de division du travail, le Brésil se consti-tuant en grand pôle industriel et fin a n c i e r,l ’ A rgentine en grand pôle agro-industriel. Cemouvement est hâté par le développement desactivités des multinationales et des grandsg roupes économiques. Une banque suprana-tionale, la BANASUR, doit coordonner lestransactions économiques et fin a n c i è res entreles pays membres. Le Mercosur va se tro u v e rpris entre deux pôles d’attraction, la grandezone de libre-échange imaginée par les Etats-Unis pour l’ensemble des Amériques etl’Union européenne, qui a récemment aff i r m ésa présence, alors que des entreprises d’ori-gine asienne, japonaises en particulier, cher-chent d’ores et déjà à y pre n d re pied.

Quelques fracas inévitables

La mise en place de l’espace économiquerégional ne peut manquer cependant de don-ner lieu à des diff é rends entre les Etats surdes sujets divers, la protection de certainesindustries ou de certains services, parexemple, ou la sécurité des fro n t i è res. Fonda-mentalement, on peut envisager deux typesd’intégration, axés, l’un, presque exclusive-ment sur les intérêts des entreprises, l’autre ,sur la re c h e rche d’un développement durableet équilibré des économies nationales commedu grand marc h é .

Des réseaux culturels: solidaritéou chacun pour soi?

La construction politico-institutionnelle duMercosur peut aller de même soit dans le sensde la consolidation, avec la mise en place duparlement, le renforcement du Conseil écono-mique et social et d’autres mesures du mêmegenre, soit dans celui de l’affaiblissement,avec la réduction du rôle ou l’effacement desinstances de participation démocratique despartis, des organisations d’employeurs et detravailleurs, des mouvements sociaux et desautres forces de progrès.

Dans le domaine de l’éducation, de lascience et de la culture, on peut envisageraussi deux scénarios: le développement d’unréseau d’institutions nationales et supranatio-nales fondées sur des principes communsd’intégration, l’identité des objectifs et la soli-darité des peuples, ou l’installation d’un sys-tème basé sur le capitalisme individualiste etla réussite économique, système de surcon-sommation pour les catégories favorisées et

d’exclusion pour les autres, privées d’instruc-tion et de formation valables et condamnées àla misère. On ira, dans le premier cas, vers lerenforcement des sociétés nationales, dans lesecond, vers la balkanisation sociale, la désa-grégation de ces fragiles sociétés – situationoù les revendications de justice sociale, chezles exclus, risquent de faire place à la xéno-phobie et à la haine.

Des choix culturels et l’influ e n c em é d i a t i q u e

En raison de leur influence croissante, lesmédias (la télévision notamment, Internet, lespublications) pèseront d’un poids déterminantsur l’orientation culturelle – dans une voie oudans l’autre – du Merc o s u r. On parle déjà, ilfaut le re l e v e r, du «Mercosur culturel» pourdésigner l’ensemble des initiatives que les uni-versités, les centres de re c h e rche, les org a n i s a-tions non gouvernementales, d’autres gro u p e-ments encore sont amenés à pre n d re pourp romouvoir les échanges, harmoniser les pro-grammes d’études, encourager la collaborations c i e n t i fique. Il faut que les syndicats participentà cet effort de développement éducatif, scienti-fique et culturel dans la région.

S u rmonter les préjugésn a t i o n a l i s t e s

Quelle direction prendra la construction duM e rcosur? Les syndicats ne sauraient êtrei n d i ff é rents face aux diverses possibilités envi-sageables. Selon la forme d’intégration quiprévaudra, ils se tro u v e ront re n f o rcés ou aff a i-blis. Au cours des dernières années, le travailde la Coordination syndicale du Cône Sud etdes secrétariats professionnels internationaux,les réunions de la Centrale latino-américainedes travailleurs (CLAT), d’autres actionse n c o re ont permis aux travailleurs des diff é-rents pays, hier isolés et animés de solides pré-jugés nationalistes, de se rapprocher et ontouvert aux syndicats la voie où, dépassant cespréjugés, ils peuvent nouer des liens dec o n fiance et parler un langage commun.

Rendue possible, dans une large mesure ,par l’action de la Coordination syndicale ducône Sud et du mouvement syndical interna-tional, cette évolution témoigne de l’existenced’un système de valeurs politiques, sociales etmorales communes à tous les travailleurs desEtats du Merc o s u r. Il faudra du temps pourque se constitue cette culture syndicale supra-nationale, mais elle apportera énormément

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aux travailleurs et aux peuples de ces Etats,qui, par leur labeur et leur sacrifices, aidenttous les jours à constru i re l’espace écono-mique, social et politique commun.

N o t e

1 P rotocole additionnel à la Convention américaine surles droits de l’homme en matière de droits économiques,sociaux et culturels, adopté par l’Assemblée générale del ’ O rganisation des Etats Américains, 18e session ord i n a i re ,1988, El Salvador.

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La mondialisation et la régionalisationde l’économie et son eff e tsur l’emploi. Aspects générauxet cas de l’Amérique latine

Bien que la mondialisation des économiesne soit pas un phénomène nouveau dans l’his-t o i re, ses connotations actuelles revêtent unedimension spéciale, en ce sens qu’elles accélè-rent les processus d’interdépendance écono-mique, fin a n c i è re et même culturelle entre lesnations du monde entier. Une des caractéris-tiques principales de cette mondialisation estla libéralisation des marchés nationaux, quire n f o rce ou modifie les modèles d’intégrationéconomique déjà existants et qui a des réper-cussions sur les pactes ou les accords d’inté-gration économique dans les sous-régions dumonde et de l’Amérique latine.

Deux processus parallèles

De nombreuses études ont analysé l’impactde ce processus de mondialisation sur les mar-chés du travail. Dans ce contexte, le rapport duBIT sur les «Politiques de l’emploi dans uneéconomie mondialisée» (BIT, 1996a) estime que,en dépit de la détérioration du niveau de l’em-ploi et des conditions de travail à l’échelonmondial, tant dans les pays industrialisés quedans les pays en développement, l’objectif poli-tique du plein emploi doit être maintenu. Ilconvient toutefois de ch e rcher à atteindre cetobjectif en envisageant un horizon plus large àplus long terme et en lui donnant de nouvellesd é finitions plus adaptées à la situation actuelle.Selon l’étude citée, bien que les pro b l è m e sd’emploi existent depuis les années soixante-dix ou quatre-vingt, on ne peut pas parlerd’une disparition des emplois. On entrevoit entout cas mieux dans le monde du travail d’au-j o u rd’hui et d’un proche avenir deux pro c e s s u s

parallèles: d’une part, à côté des formes « t y-piques» ou «classiques» de travail, sont appa-rues des formes de travail diff é rentes mais liéesaux pre m i è res, qui sont plus flexibles (travailindépendant, travail à temps partiel, travailt e m p o r a i re, diverses formes de sous-traitance).

L’ é c a rt se cre u s e

D ’ a u t re part, une plus grande segmentationde l’emploi est intervenue, sous la forme d’unfort accroissement au sommet de la stru c t u rede l’emploi, surtout dans les pays industriali-sés, mais également dans les pays en dévelop-pement. Le nombre de personnes employéesdans les catégories des professions libérales ets c i e n t i fiques, de cadres supérieurs, de person-nel technique et administratif, a augmenté; onnote également un pourcentage considérablede femmes qui, dans nombre de cas, ont puaccéder à de meilleures conditions d’emploi.En revanche, l’importance des travailleursmanuels a diminué ou est restée stationnaire .Cela signifie que l’écart entre les emplois debonne et de mauvaise qualité se creuse: lesbons emplois semblent être réservés à la main-d ’ œ u v re ayant une très bonne base d’éducationformelle, qui est bien préparée pour le mondedu travail, qualifiée et mobile, tandis que lespersonnes semi-qualifiées ou non qualifiées ontplutôt tendance à devoir se contenter de rému-nérations peu élevées et de conditions d’emploiinstables, et parmi ces personnes se trouve unemajorité de femmes travailleuses.

Egalité de chances ou nouvellesconditions désavantageuses?

En 1996, l’économie latino-américaine s’estrétablie par rapport aux années précédentes( B I T, 1996b). Il n’en reste pas moins que le pro-blème de l’emploi s’est aggravé, en raison

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Le Mercosur et les défis de la part i c i p a t i o net de l’intégration des femmes

dans le monde du travail

Petra UlshoeferSpécialiste principale pour les questions concernant les travailleuses

B u reau de la Conseillère spéciale pour les questions des travailleusesB I T

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notamment de la réduction de l’appareil del’Etat et des ajustements de l’industrie manu-f a c t u r i è re et du secteur privé moderne engénéral. Il y a eu un accroissement limité despostes de bonne qualité dans le secteurmoderne, surtout dans le secteur des services,tandis que le secteur informel a continué àabsorber la plus grande partie de la main-d ’ œ u v re expulsée du premier secteur.

Les femmes se trouvent tant parmi lesgagnants que parmi les perdants des pro c e s s u sde changement mais, étant donné les caractéris-tiques spécifiques de leur insertion dans lemonde du travail, ces changements les touchentd’une manière diff é rente des hommes.

Dans cet article, nous nous eff o rc e rons d’ana-l y s e r, à grands traits, l’impact diff é rent que peutavoir l’ouverture de l’économie sur la main-d ’ œ u v re, et surtout sur les femmes travailleuses.Cette analyse est centrée sur la question desavoir si les changements intervenus font appa-r a î t re une plus grande égalité de chances entrehommes et femmes, ou si au contraire ils contri-buent à creuser les écarts existants, en créant denouvelles conditions désavantageuses pour lesfemmes. Enfin, en tenant compte des tendancesobservées, nous examinerons les possibilitésd’action au niveau des instances du Mercosur etdes pays membres en vue d’arriver à une plusgrande égalité entre les sexes dans leur dévelop-pement économique et social.

Aspects sociaux et pro f e s s i o n n e l sdans les accords d’intégration régionale

Pour l’OIT, un des aspects les plus impor-tants des processus d’intégration économiqueest lié à la dimension sociale ou sociopro f e s s i o n-nelle des accords commerciaux que les paysadoptent. Dès le début du Mercosur en 1991,( Traité d’Asunción), les traités du Merc o s u renglobent la dimension sociale, puisqu’ils tien-nent compte du souci d’aborder les questionsde nature socioprofessionnelle parallèlementaux accords commerciaux. Le Traité d’Asunciónd é c l a re clairement qu’un des objectifs du futurA c c o rd de libre-échange consistera à accélérer ledéveloppement économique dans la justicesociale et d’améliorer les conditions de vie deshabitants des pays qui signent cet A c c o rd. Lacréation de groupes tripartites de discussion estsans doute déjà une mesure concrète qui re flè t ecette préoccupation pour la dimension socialeexprimée dans les accords du Merc o s u r. C’estainsi qu’en 1991 le Sous-Groupe de travail n° 11a été formé; ce groupe est tripartite et s’occupeexclusivement du marché du travail, des re l a-

tions de travail, de l’emploi et de la sécuritésociale. Un des résultats des activités que ceg roupe a déployées jusqu’à la fin de son exis-tence en 1995 est que 35 conventions internatio-nales de travail ont été considérées commeétant d’une importance vitale et devant parconséquent être incorporées dans les futursa c c o rds de ratification et de minimisation desasymétries entre les législations nationales, enleur attribuant le caractère d’instrument législa-tif standard ou de cadre d’orientation pour lesdispositions de réglementation du travail dansles pays du Merc o s u r.

Principes clés sans normes minimales

Par ailleurs, les organisations de travailleursdes pays du Cône Sud ont élaboré une chartesociale, qui comporte un chapitre sur l’égalitéde chances et de traitement entre travailleurs ettravailleuses, et qui se base sur les conventionsinternationales pertinentes de l’OIT. Cettecharte s’inspire de la Charte communautairedes Droits sociaux fondamentaux des tra-vailleurs de l’Union européenne. De même, en1993, l’Accord sup p l é m e n t a i re sur les ques-tions de travail a été conclu par l’Accord del i b re-échange nord-américain (l’ALENA). CetA c c o rd a notamment pour principes clés l’éli-mination de toutes les formes de discrimina-tion entre hommes et femmes en matière detravail, mais il n’établit pas de normes mini-males communes pour les pays signataire s .

Discussion de cet instrument diff é r é e

L’objectif fixé par les organisations de tra-vailleurs du Cône Sud semble difficile à at-t e i n d re, puisqu’il consiste à recourir à des sanc-tions commerciales pour faire respecter cesnormes de travail et lutter contre la violation decertains de leurs aspects, d’autant plus qu’àl’heure actuelle les instances du Mercosur ontdécidé de ne pas examiner cet instrument dansleurs discussions. Il n’en reste pas moins que lacharte sociale susmentionnée est un instru m e n tde référence important pour les travailleurs etpour la participation des femmes dans lecontexte général de l’intégration régionale.

Poser des jalonsp o u r une action politique

Par la suite, sur la base du Protocole d’OuroPreto (1994), deux instances particulièrementutiles pour le changement socioprofessionnelont été créées en 1995. En mai 1996, un autre

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sous-groupe de travail technique, numéro 10,sur les «Questions de travail, l’emploi et lasécurité sociale» a été institué. Ce sous-gro u p ea deux objectifs. Bien qu’il soit tripartite, toutcomme celui qui l’a précédé, et ne s’occupe pasde la situation des femmes travailleuses, il aexaminé la possibilité de faire participer auxdélibérations, aux côtés des représentants desm i n i s t è res du Travail et des principales org a n i-sations d’employeurs et de travailleurs, deshommes et des femmes qui cherchent à pro-mouvoir le thème de l’égalité de chances. Parailleurs, on pourrait inclure la condition fémi-nine parmi les études et les diagnostics dont ontété chargées les trois commissions de ce sous-groupe, ce qui indubitablement enrichiraitl’analyse et permettrait de poser les jalons pourune action politique ultérieure tenant comptedes éléments re c e n s é s .

De bonnes intentions

L’ a u t re mécanisme est le Forum écono-mique social, auquel les gouvernements neparticipent pas, mais qui réunit des déléguésd’employeurs et de travailleurs; de plus, ilinvite d’autres groupes de la société civile, telsque des associations de consommateurs( A rgentine et Brésil), des coopératives et desspécialistes universitaires (Uruguay). LeF o rum a envisagé la possibilité d’incorpore régalement des groupes et des organisations defemmes et/ou des organismes gouvernemen-taux de promotion de la condition féminine.Jusqu’à présent, des progrès significatifs n’ontpas été observés à cet égard .

Le cadre régulateur: sept conventionsf o n d a m e n t a l e s

En ce qui concerne le re n f o rcement de ladimension socioprofessionnelle du Merc o s u r,deux principaux domaines ont été re t e n u spour l’analyse: d’une part, comme mentionnéplus haut, il est nécessaire de respecter etd ’ a m é l i o rer les normes de travail, en s’eff o r-çant de promouvoir les droits fondamentauxdes travailleurs et des travailleuses. Tous leso rganismes qui font partie de l’OIT, et notam-ment les organisations d’employeurs, ontreconnu les sept instruments relatifs aux dro i t sfondamentaux de l’homme qui sont considéréscomme le cadre régulateur pour les re l a t i o n sde travail; parmi ces instruments, deux onttrait à l’égalité des sexes: la convention (n° 111 )concernant la discrimination (emploi et pro f e s-sion) et la convention (n° 100) sur l’égalité de

rémunération. Ces normes internationales ontété reconnues au cours des discussions sur lesd roits ou principes fondamentaux et sur laforme la plus appropriée de veiller à l’applica-tion de ces droits, qui ont lieu actuellement ausein de la Commission n° 1 (coûts du travail etdimension sociale du Mercosur) du Sous-G roupe de travail n° 1 0 .

A m é l i o rer les normes et re n f o rc e rles institutions

Le défi futur consisterait en premier lieu àa m é l i o rer les normes de travail dans tous lespays, ou du moins à arriver à une certainereconnaissance de normes «vers le haut», afinde disposer d’un cadre pour le déploiementd’activités homogènes dans les pays du Mer-c o s u r. Deuxièmement, il s’agirait de pro m o u-voir ou de re n f o rc e r, là où elles existent déjà,les institutions pour les questions de travaildans les pays en question qui sont chargées: dedévelopper les re s s o u rces humaines; mettre enœ u v re des politiques de marché du travail;p romouvoir de nouvelles formes de dialoguesocial et dégager des consensus entre les parte-n a i res sociaux. Dans le cadre de ces politiques,la promotion de l’égalité de chances et de trai-tement entre hommes et femmes au travailjouera un rôle très important.

Sensibiliser les part e n a i res sociaux

Au cours des dernières années, les femmeso rganisées au sein de divers organismes dep romotion de l’égalité dans les pays du CôneSud ont intensifié leurs efforts pour réunir desinformations sur la position actuelle et futurede la main-d’œuvre féminine dans le cadre desp rocessus d’intégration. Une série de réunionsont été organisées aux échelons national etinternational dans le but de sensibiliser les par-t e n a i res sociaux et politiques des pays du Mer-cosur et du Chili à ce thème très important etd ’ a c c ro î t re la capacité de négociation des tra-vailleuses. Parmi les réunions ayant un carac-t è re international, on peut mentionner: le Pre-mier Séminaire sur les femmes et le Merc o s u ro rganisé par UNIFEM/FLACSO/BID en 1995à São Paulo; la Réunion «Vers l’égalité dechances pour les femmes au travail et dans lap roduction au sein du Merc o s u r, au Chili et enBolivie», organisée (en 1995 également) par leConseil national pour les Femmes de l’Arg e n-tine avec l’appui de l’Union européenne, àBuenos A i res, et le Deuxième Séminaire sur lesfemmes et le Mercosur de UNIFEM, qui a eu

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lieu en avril de cette année à São Paulo. Le BITa pris part à ces manifestations au travers decontributions techniques.

Quelques critères établisqui manquent de précision

Ces réunions ont permis d’élaborer di-verses propositions pour intégrer le thème del’égalité de chances dans les discussions deso rganes du Merc o s u r. Bien qu’ils semblente n c o re manquer de précision et d’eff i c a c i t é ,quelques critères ont été établis tant dans ledomaine des politiques publiques que danscelui de l’information et de la diffusion desquestions relatives à ce thème.

Un réseau clé et le soutien syndical

Par ailleurs, à la fin de 1995, un groupe dep ression appelé «Forum des Femmes du Mer-cosur» a été créé qui compte des antennesnationales dans chaque pays du Merc o s u r. Undes groupes les plus actifs se trouve au Para-guay; il est parvenu à faire partager ses inquié-tudes par la section nationale du Foru mconsultatif économique et social de ce pays. Enjuin passé, l’antenne de ce Forum au Paraguaya organisé dans le pays la IIIe Réunion desFemmes du Merc o s u r. Ces réunions internatio-nales ont certes permis d’unifier les critère spour lancer au niveau supranational des stra-tégies d’actions conjointes en faveur desfemmes, mais ce réseau n’est appare m m e n tpas encore parvenu à mettre en œuvre des pro-grammes concrets et à exercer réellement desi n fluences dans les domaines institutionnelsde délibérations et de décisions du Merc o s u r.

Les centrales syndicales des pays du CôneSud ont elles aussi organisé une série deréunions et de débats aux niveaux national etsubrégional sur la situation future des femmestravailleuses dans le cadre des processus derégionalisation et d’ouverture économique.

Position de la main-d’œuvre fémininedans le contexte de l’intégrationrégionale du Merc o s u r

De nouveaux désavantagesou une plus grande égalité?

La question clé qui nous occupe dans cecontexte est la façon dont les changements dep roduction, de technologie et d’org a n i s a t i o ndu travail, qui interviendront dans le cadre dela plus grande ouverture des marchés mon-

diaux, se réperc u t e ront sur la position desfemmes dans le monde du travail au sein despays du Cône Sud de l’Amérique latine. Ceschangements accro î t ront-ils les discriminationsexistantes et créeront-ils de nouveaux désa-vantages pour les femmes travailleuses, ou auc o n t r a i re minimiseront-ils la segmentation dum a rché du travail selon le sexe et augmente-ront-ils les possibilités d’arriver à une plusgrande égalité entre les sexes?

Risque d’inégalité de traitemente n t re les femmes

Diverses études ont abordé ce thème aucours des dernières années, soit en rapportd i rect avec le Merc o s u r, soit en analysant denouvelles formes d’emploi pour les femmes(travail à domicile, formes de sous-traitance,impact du changement technologique, etc.).Tous ces documents relèvent que les pro c e s-sus de mondialisation et d’intégration régio-nale croissante apporteront à la fois des avan-tages et des inconvénients pour les femmes,et qu’il n’est pas possible d’observer une évo-lution homogène et unidirectionnelle. Néan-moins, les femmes auteurs de ces études sem o n t rent en général sceptiques quant auxe ffets positifs de ces processus pour la majo-rité des femmes, à moins que des politiques,des programmes et des mécanismes spéci-fiques soient introduits pour parer auximpacts négatifs de ces processus. De même,les écarts se cre u s e ront entre les femmes elles-mêmes, principalement entre celles qui sonthautement qualifiées et celles qui sont semi-q u a l i fiées ou non qualifié e s .

Changements accéléréspar l’intégration

Il n’est guère facile de dire avec précisionquels pourraient être les processus en coursdans une population donnée: le Merc o s u r, toutrécent, se trouve au deuxième niveau d’inté-gration après la création en janvier 1995 del’Union douanière entre les quatre pays, aux-quels le Chili s’est associé en 1996. Bien deschangements économiques seraient peut-êtreintervenus sans le processus d’intégration,mais ce dernier a assurément accéléré et inten-s i fié ces changements. En ce qui concerne letravail des femmes, et en dépit de l’existencedes documents susmentionnés, on manquee n c o re d’analyses de cas qui illustrent la situa-tion des femmes dans des secteurs écono-miques particuliers, qui comparent la situation

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des femmes avec celles des hommes et qui per-mettent d’extrapoler des tendances allant au-delà du cas étudié. Souvent, en raison de l’ab-sence de statistiques ventilées par sexe, il faututiliser des méthodes d’analyse qualitativesqui ne sont pas suffisamment re p r é s e n t a t i v e s .De plus, la prise en considération des pro-blèmes particuliers aux femmes et de la situa-tion des femmes au travail dans une perspec-tive de promotion de l’égalité de chances entrehommes et femmes est assez récente (Fro h-mann/Romaguera, 1996).

Situer la main-d’œuvre féminine

Pour analyser l’impact du processus d’inté-gration régionale dans le Cône Sud sur l’em-ploi des femmes, certaines femmes auteurs ontsuggéré de centrer l’attention sur deux aspects:d’une part, sur les secteurs «gagnants et per-dants» des diff é rentes branches économiques,et, d’autre part, sur les changements de la pro-duction et de l’organisation qui interviennentau niveau d’entreprises et d’établissementsparticuliers et qui ont un impact sur les postesde travail (Yáñez/To d a ro, 1997). On pourraitajouter à ces deux aspects la nécessité de déter-miner le degré de dépendance productive etc o m m e rciale entre les diverses catégories d’en-t reprises et de personnes (chaînes de sous-trai-tance) et de situer la main-d’œuvre fémininedans ces contextes.

Un avantage stratégiquedans le secteur des serv i c e s

Comme dans d’autres pays du monde, lesfemmes des pays du Cône Sud de l’Amériquelatine sont, en principe, en bonne positionpour relever les défis de la mondialisation: lestaux de fécondité ont diminué et l’espérancede vie des femmes a augmenté; le niveaud’éducation formelle secondaire et universi-t a i re des femmes s’est amélioré et est devenuégal ou supérieur à celui des hommes; lesfemmes sont parvenues à accro î t re constam-ment leur insertion quantitative dans le mar-ché du travail, tant en ce qui concerne lesemplois dépendants que les emplois indépen-dants, et elles ont pu s’intégrer dans de nou-velles catégories d’emplois et accéder à denouveaux postes de responsabilités. Ces nou-velles possibilités de travail pour les femmessont apparues principalement dans le secteurdes services, qui est considéré comme undomaine d’avenir pour le travail des femmes.Ces dernières bénéficient certainement d’un

avantage stratégique dans ce domaine, mais laqualité de leur insertion dépend du sous-sec-teur de services dans lequel elles travaillent.

La condition féminine identiqued a n s tous les pays du Cône Sud

Les taux de participation des femmes àl’économie varient entre les pays du Merc o s u ret le Chili (1995: A rgentine 39,3%; Chili 31,8%;Paraguay 33,3% en zone urbaine; Uruguay42%; et pour le Brésil, 45% en zone urbaine en1 9 90 1). Ces taux présentent toutefois plusieurscaractéristiques communes: la participation desfemmes augmente au fur et à mesure que leurniveau d’éducation s’améliore; on observe unrapprochement lent mais croissant entre leurstaux de participation et ceux des hommes; lesfemmes ont des trajectoires professionnellesplus continues, leurs taux de participation àl’économie ne diminuant pas durant la périodeoù elles sont les plus susceptibles de procréer.En ce qui concerne les aspects négatifs de leurinsertion dans le monde du travail, les femmesdes pays du Cône Sud se trouvent toutefoisaussi dans une situation similaire: elles reçoi-vent, en moyenne, une rémunération sensible-ment inférieure à celle des hommes pour un tra-vail d’égale valeur (30 à 40% de moins, les dif-f é rences étant particulièrement grandes dans lecas du Brésil). Par ailleurs, les chiff res de l’Ar-gentine et du Chili font apparaître des diffé-rences de rémunération plus marquées pour lespostes de travail les plus qualifiés. Les taux dechômage, de sous-emploi, d’emploi temporaireet de travail à domicile sont plus élevés. Eno u t re, comme dans d’autres parties du monde,on observe une nette ségrégation profession-nelle horizontale (peu de diversité profession-nelle dans le cas des femmes) et verticale (faibleparticipation des femmes aux postes de direc-tion, tout particulièrement dans le secteurprivé, dans les organisations syndicales etp a t ro n a l e s ) .

Un contingent cro i s s a n tde main-d’œuvre précarisée

Les études sur l’impact que les innovationstechnologiques et les changements d’org a n i s a-tion dans les entreprises ont sur la main-d ’ œ u v re sont arrivées à des conclusions simi-l a i res; dans quelques sous-secteurs de services,les femmes ont bénéficié de possibilités d’em-ploi nouvelles et meilleures mais, dans le sec-teur manufacturier, l’introduction de technolo-gies de pointe et de nouveaux systèmes de

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p roduction du type qualité totale les re l è g u e n tau second plan. Grâce à leur formation scolaireet professionnelle postérieure, les hommes sontmieux préparés pour s’adapter aux nouvellesexigences du marché du travail (Yáñez/To d a ro ,1997). En outre, dans les nouveaux processus dep roduction, les femmes sont concentrées dansles entreprises «d’appoint» et se font de plus enplus rares dans les entreprises mères, consti-tuant ainsi un contingent croissant de main-d ’ œ u v re précarisée (Abramo, 1997). Parmi lesprincipales raisons des situations moins avanta-geuses signalées, on peut mentionner les sui-vantes: comme relevé plus haut, le manque deq u a l i fications professionnelles; l’idée que lamaternité entraîne un coût plus élevé, que lesemployeurs cherchent à compenser par desrémunérations plus faibles; les stéréotypes de lafaible rentabilité de la main-d’œuvre féminine,qui sont apparentés au préjugé mentionné aupoint précédent; et la re c h e rche, par les femmeselles-mêmes, de moyens permettant de concilierplus facilement les responsabilités familialesavec un travail pro f e s s i o n n e l .

E n t reprises qui off rent de la fle x i b i l i t é

Le secteur des micro - e n t reprises se caracté-rise toutefois également par une tendance. Par-do (1996) démontre que, dans le cas du Chili,les femmes des micro - e n t reprises se concen-t rent dans les secteurs économiques qui doi-vent faire face à une plus forte concurre n c edans le cadre de l’ouverture économique(habillement, industrie de la maille, cuirs etc h a u s s u res), tandis que les entreprises dirigéespar des hommes fig u rent parmi les plus pro s-p è res (produits en bois et meubles, produits enmétal). L’ a u t e u r, une femme, explique que lesd i ff é rences observées sont dues à la prioritéque les femmes donnent à leur rôle de mère ,d’épouse ou de maîtresse de maison, ce qui lesconduit à sélectionner des aff a i res qui leuro ff rent une plus grande flexibilité pour s’ac-quitter de leurs obligations familiales ou leurpermettent de rester plus près du foyer.

M e s u res de politiques actives visantà p romouvoir l’égalité de chancese t de traitement pour les femmes

Les profonds changements qui sont déjàintervenus et qui se pro d u i ront encore dans lec a d re de la mondialisation et de la régionalisa-tion, avec leurs effets spécifiques sur lesfemmes travailleuses, rendent nécessaire uneintervention stratégique qui facilite l’adapta-

tion des femmes à ces changements. L’Etat, leso rganisations de travailleurs, mais égalementles femmes concernées, doivent élaborer desstratégies «préventives» qui leur permettentd ’ a m é l i o rer ou de conserver leur position surle marché du travail. Il serait utile que ces stra-tégies comportent au moins trois éléments:

La formation perm a n e n t e

A m é l i o rer en permanence le niveau de qua-l i fications des personnes (lifelong learning). A c-tuellement, et il en sera de même dans unproche avenir, le marché du travail exige nonseulement une base d’éducation solide, maiségalement une actualisation et un perfectionne-ment permanents des connaissances acquises.Cela requiert un changement d’attitude detoutes les personnes qui participent au mondedu travail, et pas uniquement des femmes, bienque ce soient en général les femmes qui ont lemoins développé de perspectives de grandeportée et qui ont défini avec moins de clarté «unp rojet de travail» en tant que partie intégrantede leur «projet de vie».

Accès à l’inform a t i o n

S’orienter en fonction des possibilités d’em-ploi qui ont un avenir. Comme nous l’avonsdéjà relevé, il est particulièrement importantpour les femmes d’avoir accès à l’informationet à une orientation basée sur les perspectivesréelles afin qu’elles soient en mesure dep re n d re des décisions pertinentes en tenantcompte de l’évolution de l’économie. Elles doi-vent continuer à s’insérer dans les domainesou les sous-secteurs professionnels qui ont detrès bonnes perspectives de développement eto ff rent de meilleures possibilités de revenus etd’avancement afin d’obtenir des emplois dem e i l l e u re qualité.

Capacité de gestion et d’autogestion

Développer la capacité de gestion d’entre-prise et d’autogestion. La raréfaction des postesde travail formel a pour conséquence que lesexigences envers les personnes sont de plus enplus grandes, ou que les personnes doivent êtreen mesure d’offrir leurs propres produits ouservices. Bien que cette option se présente tantpour les hommes que pour les femmes, ce sontces dernières qui ont le plus de difficultés àavoir des affaires rentables et qui rencontrentles plus grands obstacles pour accéder au cré-dit et à d’autres facteurs de pro d u c t i o n .

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Les «stratégies préventives» mentionnéesdevraient être une partie intégrante d’une poli-tique active de promotion de l’emploi qui res-pecte le principe de l’égalité de chances et detraitement entre hommes et femmes. Pourqu’une telle politique soit efficace, il peut êtreutile de recommander de renoncer aux posi-tions revendicatrices et de privilégier une arg u-mentation positive quant à la position desfemmes sur le marché du travail. Il se trouveque les acteurs impliqués acceptent mieux quel’on mette en évidence le fait que les femmespossèdent un potentiel important pour contri-buer au développement économique, plutôtque l’on mette l’accent sur la lutte contre la dis-crimination. Certes, des aspects de discrimina-tion incontestable à l’égard des femmes conti-nuent à exister dans le monde du travail etdevraient être éliminés, mais il est important demettre en valeur le rôle des femmes en tantqu’agents économiques, qu’elles soient em-ployées ou travailleuses indépendantes, qu’el-les travaillent à leur propre compte, dans desmicro-entreprises ou dans de petites entre-p r i s e s .

Toujours des «êtres vulnérables»,sans pro t e c t i o n

Par ailleurs, on estime qu’il est nécessaireque les politiques de promotion de l’égalité dechances aient un double objectif: dans diverssecteurs des pays du Cône Sud, comme dansd ’ a u t res parties du monde, une attitude pro t e c-trice prévaut encore envers les femmes au tra-vail; elle résulte du fait que les femmes sontconsidérées comme des «êtres vulnérables».C’est ainsi que les femmes sont majoritairesdans divers emplois précaires (travailleusesdomestiques, travailleuses à domicile, tra-vailleuses à temps partiel, travailleuses tempo-r a i res dans l’agriculture), et ce sont elles qui ontbesoin d’une meilleure protection légale; il fautpar conséquent mettre en œuvre, parallèle-ment, des politiques actives de l’emploi cibléessur les femmes. Ces politiques doivent avoirpour objectif d’augmenter le niveau de compé-titivité des femmes, de leur permettre de re s t e rsur le marché du travail et d’améliorer leurposition pour accéder à des emplois de meil-l e u re qualité, du point de vue tant de la rému-nération que du niveau de responsabilités, oupour pouvoir gérer des aff a i res plus pro s p è re s .

Principaux domaines d’interv e n t i o npour la mise en œuvre d’une politiqueactive de promotion de l’égalitéd e chances et de traitemente n t re hommes et femmes au travail

Acceptant l’engagement obtenu par la IVe

C o n f é rence mondiale des femmes à Pékin( s e p t e m b re 1995), tous les pays de la régionont révisé leurs politiques et programmes re l a-tifs à la promotion des femmes. De même, ilsont commencé à mettre en place ou re n f o rc e rdes mécanismes spécifiques pour faire re s p e c-ter la plate-forme d’action adoptée par cettec o n f é rence. Dans le cadre de ces pro g r a m m e s ,les actions dans le domaine du travail devien-nent de plus en plus importantes. Par rapportà la situation qui prévalait il y a seulementquelques années, durant lesquelles peu d’org a-nismes de promotion de la condition féminineet de ministères du Travail se sont lancés dansdes activités conjointes, on peut observer desp rogrès considérables. Il convient de mention-ner les exemples suivants, qui constituent desp e rcées: l’existence de conventions de coopéra-tion entre les deux instances gouvernemen-tales mentionnées dans tous les pays du Mer-cosur et au Chili; l’institution de commissionstripartites pour l’égalité de chances dans lescinq pays (qui sont plus au moins formellesselon le cas); des progrès législatifs; des pro-grammes d’emploi ciblés sur les femmes; l’in-t roduction du thème de la promotion de lacondition féminine dans le domaine des entre-prises; et enfin le re n f o rcement des actions ausein des organisations syndicales.

Rapide diffusion de l’inform a t i o n

Ces progrès réalisés dans le cadre des dis-cussions sur l’égalité de chances entre hommeset femmes au travail et des activités qui sontdéployées à cette fin sont dus, sans doute, à uneplus grande sensibilisation des acteurs, per-sonnes et institutions qui jouent un rôle dans lemonde du travail en la matière. Parmi les nom-breux facteurs qui ont eu une influence sur lasituation, on peut relever la rapide diffusion del’information par les nouveaux moyens decommunication et l’assistance apportée par lesorganismes internationaux et les donateursbilatéraux. Dans ce contexte, la contribution del’OIT a été très appréciée car elle a encouragél ’ o rganisation d’une série d’actions d’informa-tion et de formation de fonctionnaires et de diri-geants, hommes et femmes, articulées autourde ce thème.

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Un accord tripartite nécessaire

L’OIT a insisté, en premier lieu, sur l’impor-tance d’adopter une politique cohérente enm a t i è re de promotion de l’égalité, et ceci danstous les domaines du monde du travail, tant surle plan juridique que sur le plan pratique de lap romotion de l’emploi, en tant que partie inté-grante des politiques générales relatives auxquestions du travail. Il s’agit de tenir comptedes désavantages ou des discriminations donts o u ff rent la majorité des femmes en raison dedivers facteurs interdépendants; cet état dechoses a pour conséquence qu’il est nécessairede pre n d re des mesures permettant de tro u v e rdes solutions multiples. Deuxièmement, l’OITestime nécessaire qu’une telle politique inté-grale soit conçue, mise en œuvre et superviséeconjointement par les principaux partenaires dumonde du travail, le gouvernement, les org a n i-sations d’employeurs et de travailleurs, avecl’appui des ONG qui sont actives et qui ont uneexpérience dans ce domaine. Troisièmement, ilconviendrait d’intro d u i re des mécanismes desuivi et d’évaluation de l’impact d’une tellepolitique d’égalité, sur la base d’indicateurs desuccès établis préalablement.

Dans ce contexte, l’intégration régionaledes pays du Cône Sud devant résulter desa c c o rds commerciaux du Mercosur est uneexcellente occasion pour consolider et accro î t reles efforts déployés dans les pays concernés.L’instance supranationale du Mercosur peutdonner une impulsion supplémentaire auxactions mises en œuvre dans les contextesnationaux. Il serait souhaitable d’aller dans lesens d’une certaine homogénéisation des poli-tiques pour l’égalité de chances, en explorantquelques lignes d’action communes. En sui-vant les recommandations de l’OIT et entenant compte des problèmes d’emploi aux-quels se heurtent les femmes dans les pays duCône Sud, on peut élaborer le «pro g r a m m etype» suivant 2:

1 . C a d re juridiquePrincipales stratégies pour tirer pleinement

p ro fit des dispositions légales existantes ou lesa m é l i o re r. Pour commencer, re n d re explicite leprincipe de non-discrimination et d’égalité dechances dans les textes de lois (exemplesrécents: projet visant à intégrer cet aspect dansla Constitution du Chili; dispositions régle-m e n t a i res relatives à la loi n° 16.045 (1989) surl’égalité de chances et de traitement dans l’em-ploi, de l’Uruguay). Voici quelques autre sm e s u res qui pourraient être utiles:

a ) révision des, et dérogations aux, disposi-tions discriminatoires qui existent encore etqui portent préjudice au travail des femmesou à la capacité de ces dernières de tro u v e run emploi, dans diverses pro f e s s i o n s ;

b ) inclusion pro g ressive dans les dispositionslégales de protection des groupes de tra-vailleuses les plus vulnérables, telles que lesemployées domestiques, les travailleuses àd omicile, les travailleuses agricoles, et lestravailleuses à temps partiel 3;

c ) nouvelle orientation pour les normes de pro-tection de la maternité dans le contexte desresponsabilités familiales, telles que lestâches partagées entre hommes et femmes,l’Etat, les partenaires sociaux et la sociétécivile. (Exemple: diagnostic de l’applicationde la législation sur la maternité dans dese n t reprises sélectionnées, établi par le minis-t è re du Travail du Chili.) Pro m o u v o i r, dansce contexte, le concept des droits pare n t a u x ;

d ) adoption de mesures positives et intro d u c-tion de réglementations pour le contrôle del’application desdites mesures (Exemple: àl’échelon national, discussion sur le conceptde la «diversité sur le marché du travail etau niveau des entreprises» au Brésil.) 4;

e ) p romotion de la ratification des conventionsinternationales du travail ayant tout parti-c u l i è rement trait aux points susmentionnés(convention (n° 156) sur les travailleursayant des responsabilités familiales, dansles cas du Brésil et du Paraguay); conven-tion (n° 175) sur le travail à temps partiel:convention (n° 177) sur le travail à domicile;p rotocole de la convention (n° 89) sur le tra-vail de nuit des femmes (industrie); conven-tion (n° 171) sur le travail de nuit.

2 . Contrôle de l’application de la loiLa loi en elle-même ne garantit pas la jouis-

sance de l’égalité s’il n’y a pas de mécanismese fficaces pour contrôler son application. Dansce contexte, il est important d’envisager lesm e s u res suivantes:

a ) révision et modernisation des activités del’inspection du Travail, en intégrant la com-posante de la promotion de l’égalité dechances. Les programmes de formation desinspecteurs au Chili et en Uruguay peuventê t re cités comme des exemples 5;

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b ) modernisation des pro c é d u res de la justicedu travail et étude sur la possibilité d’in-verser la charge de la preuve dans des casde discrimination au travail. (Ce dernieraspect n’est encore que peu discuté dans larégion concernée);

c ) consolidation de la négociation collectiveen tant que moyen important pour pro-mouvoir l’égalité de chances au niveau dese n t reprises, y compris les actions en faveurde groupes défavorisés. (Dans tous lespays, on trouve des exemples, encore rare set isolés, de conventions collectives quii n t è g rent des aspects de cette nature ) ;

d ) adoption de plans de promotion de l’égalitéde chances et de traitement au niveau dugouvernement, de l’administration p u b l i q u eet des entreprises d’Etat (cas du ministèrede l’Administration publique et d’un pro j e tdu Conseil national pour les femmes en A r-g e n t i n e ) ;

e ) création ou re n f o rcement des commissionstripartites pour l’égalité de chances enm a t i è re d’emploi. (Au Chili, une commis-sion a été instituée par décret du ministre duTravail; de même au Brésil, l’accent a été missur la lutte contre la discrimination fondéesur le sexe et la race; en Uru g u a y, une com-mission de ce genre a été créée sur conseildu ministre du Travail; et au Paraguay, ung roupe de liaison tripartite a été formé).

3 . Politiques de l’emploi et développementdes re s s o u rces humainesIl faudrait re n f o rcer les composantes fonda-

mentales d’une politique active du marché dutravail en faveur de la promotion des femmes.Une telle politique devrait centrer ses actionssur des groupes cibles de la population fémi-nine, en se fondant sur des informations a c t u a-lisées et ventilées par sexe.

a ) a c t i o n so up rogramme d’information, d’orien-tation professionnelle et de services de place-ment; prestations de chômage assorties d’uneo ff re de recyclage. Systèmes de suivi desm e s u res prises afin d’évaluer leur impact surl’insertion dans le monde du travail desfemmes ayant bénéficié d’une orientation etd’une formation. (Exemple: pro g r a m m ed’emploi pour des femmes chefs de familleélaboré par la direction nationale de l’emploidu ministère du Travail en Uruguay; Manuelpour la re c h e rche d’un emploi à l’intention

des femmes au Chili, élaboré et mis en œuvrepar le ministère du Travail et le service natio-nal pour les femmes au Chili; servicesd’orientation professionnelle pour les fem-mes, du conseil pour les femmes et du minis-t è re du Travail en A rgentine; conventione n t re le Secrétariat pour les femmes de la pré-sidence et le Service national de pro m o t i o np rofessionnelle, au Paraguay);

b ) établissement de liens entre ces pro g r a m m e set le secteur des entreprises dans le but d’en-courager l’embauche de femmes au moyende conventions ou d’arrangements pour laformation dans les entreprises, ou de sub-ventions de l’Etat. (Exemple: loi sur l’emploien A rg e n t i n e ) ;

c ) p rogrammes d’information, d’orientationet de formation à l’intention des femmesfinancés par des micro - e n t reprises et desfemmes entre p reneurs; lignes de crédit spé-c i fiques (exemples dans tous les pays).

4 . Systèmes d’aides en faveur des travailleurset travailleuses ayant des re s p o n s a b i l i t é sf a m i l i a l e sTrois pays ont ratifié la convention (n° 1 5 6 )sur les travailleurs ayant des re s p o n s a b i l i t é sfamiliales (qui a trait à l’égalité de chancese n t re les travailleurs, hommes et femmes):A rgentine, Chili et Uru g u a y. La conventionenvisage l’adoption d’une politique natio-nale comprenant des mesures qui facilitentl’harmonisation de la vie de famille avec lavie de travail, principalement au moyen de:

a ) formes novatrices pour les soins aux en-fants, qui sont dispensés conjointement pardiverses entités de la société civile, l’Etat, lesgouvernements locaux et les personnes di-rectement intéressées, les pères et les mère s ;

b ) dispositions légales prévoyant des congésp a rentaux pour les parents lors d’une nais-sance ou de l’adoption d’un enfant, et en casde maladie d’un jeune enfant, ainsi que lapossibilité, pour les mères et/ou les pères,de bénéficier d’un certain «congé supplé-mentaire» afin de s’occuper de l’éducationdes jeunes enfants;

c ) nouveaux arrangements de flexibilisation dela durée du travail, par jour, par semaine,par époque de l’année ou par étape de la viede travail, non seulement pour les femmes,mais également pour les hommes.

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R e m a rques fin a l e s

Les exemples cités dans le chapitre précé-dent font apparaître deux aspects: pre m i è re-ment, dans tous les pays membres du Merc o s u ret au Chili de sérieux efforts sont déployés pouréliminer les discriminations et créer des condi-tions qui favorisent l’égalité de chances dans lemonde du travail. Etant fonction de la situations o c i o c u l t u relle et politique particulière dechaque pays, le rythme et les objectifs desactions conçues à cet effet varient. Il n’en re s t epas moins, et c’est là le deuxième point, que l’onpeut observer certaines actions parallèles ou dessimilitudes entre les activités déployées par cespays, en ce qui concerne la sélection des thèmeset les méthodologies utilisées. Le pro c e s s u sd’intégration économique re n f o rcera ces simili-tudes, puisqu’il facilitera l’échange d’informa-tions et d’expériences dans ce domaine.

Toujours «une aff a i re de femmes»

Il semble toutefois difficile d’arriver ài n c o r p o rer la promotion de la condition fémi-nine dans les organes de délibération et dereprésentation du Mercosur qui s’occupent desquestions de travail et des questions sociales.Une des raisons pourrait être que l’égalitée n t re hommes et femmes est encore perçue,par une grande partie de la société, comme«une aff a i re de femmes». Il s’ensuit qu’elle estexaminée séparément des thèmes écono-miques et des questions de travail et non pascomme une partie intrinsèque de ces aspects,é t roitement liée au paradigme du développe-ment et impliquant par conséquent la sociétédans son ensemble. Comment peut-on changercette vision généralisée, qui dans bien des casest fortement enracinée dans beaucoup d’org a-nisations syndicales?

Des données perm e t t e n tde détecter les asymétries

Un point de départ à cet égard est certaine-ment la génération, de manière systématique,d’informations et de statistiques ventilées parsexe. Le fait de pouvoir disposer de donnéesnon seulement sur la situation des «travailleurs»ou «de la main-d’œuvre» dans son ensemble,mais de données qui font apparaître les diff é-rences existant entre la situation des hommes etcelle des femmes, permettra de détecter les asy-métries et les inégalités susceptibles de tro u b l e rl ’ é q u i l i b re social, mais aussi l’équilibre écono-mique de chacun des pays concernés.

P a rticipation équitable au niveaude la prise des décisions

Deuxièmement, les femmes intéressées elles-mêmes doivent être mieux informées et org a n i-sées, pour proposer et négocier des change-ments qui favorisent leur position au travail etdans la société. Ce sont notamment les femmeso rganisées au sein de syndicats et affiliées à deso rganisations d’employeurs qui devraient jouerun rôle de protagonistes dans ce sens. Elles doi-vent redoubler d’efforts dans leur re c h e rc h ed’alliés pour mettre en œuvre leurs stratégiesd ’e m p o w e r m e n t et obtenir une participation pluséquitable aux échelons de la prise de décisions,au sein de leurs pro p res organisations, maiségalement en dehors de celles-ci.

Reconnaissance légaledes organes tripart i t e s

Troisièmement, il faut re n f o rcer les org a n e stripartites pour l’égalité de chances, où leshommes et les femmes ainsi que les partenaire ssociaux doivent avoir un nombre égal de re p r é-sentants. Comment pourra-t-on re n f o rcer cesinstances? Il faudrait arriver à faire re c o n n a î t releur caractère permanent et légal; il faudrait for-mer leurs membres, perfectionner leur capacitéd’analyser les problèmes des femmes et de pla-n i fier des activités dans une perspective de pro-motion de la condition féminine; il faudrait éta-blir des plans de travail qui soient coord o n n é set supervisés par les femmes, mais mis enœ u v re par les organismes compétents existantdans le pays concerné. Les commissions tripar-tites peuvent contribuer à ce que le principe del’égalité de chances au travail «s’incorpore dansla pratique quotidienne des relations de travail»( M á rquez 1997). En outre, les femmes peuventcréer des organes de coordination pour re n f o r-cer les initiatives prises par le secteur gouverne-mental et par des partenaires sociaux, comme,par exemple, des juges du travail, des parle-m e n t a i res, des fonctionnaires des institutions deformation professionnelle et les médias.

Eliminer les préjugés

Quatrièmement, il faut promouvoir despolitiques d’entreprises pour le développe-ment des re s s o u rces humaines dans uneoptique nouvelle d’égalité entre les sexes, enéliminant les idées préconçues sur la capacitép roductive des femmes, et mettre en valeur ladiversité de la main-d’œuvre en se fondant surdes critères d’efficacité et de qualité.

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Une prise en considérationsystématique des diff é re n c e s

E n fin, il convient de signaler l’expérience del’Union européenne, qui a centré son quatrièmeP rogramme d’action pour l’égalité de chancese n t re hommes et femmes (1996-2000) sur lanécessité du m a i n s t re a m i ng 6. Ce concept préco-nise l’élaboration d’une politique économiqueet sociale intégrant la promotion de la condi-tion féminine. «Le m a i n s t reaming est la prise enconsidération systématique des diff é re n c e se n t re les conditions, les situations et les besoinsdes hommes et des femmes dans toutes lespolitiques de la Communauté, au niveau de lap l a n i fication, de l’exécution, en appliquant cespolitiques à toute l’Europe, aux pays industria-lisés et aux pays en développement» (Commis-sion européenne 1997). Il nous semble judi-cieux d’examiner minutieusement l’applicationde cette politique également dans le contextedes pays du Merc o s u r.

N o t e s

1 Les chiff res ont été pris dans les études suivantes eff e c-tuées par des conseillers de l’OIT, dans le cadre d’un pro-gramme subrégional d’appui à la promotion des politiquestripartites de l’égalité de chances: C. Berra/S. Mariani/N.

Raimundo/M.J. Rodríguez, 1997, pour l’Argentine; M.Toledo, 1996, pour le Brésil; S. Galilea, 1996, pour le Chili;M . V. Heikel, 1996 pour le Paraguay; et A. Santisteván, 1996,pour l’Uru g u a y. Dans le cas du Brésil, également: M.E.Valenzuela, 1997.

2 Voir travaux de M. Márquez Garmendia (1997). Diversexemples cités se trouvent dans les études mentionnées sousle point 1.

3 L’OIT est en train d’établir une série de pronostics dela situation des travailleurs à domicile en A rgentine, au Bré-sil, au Chili et au Paraguay, par l’intermédiaire de ses ser-vices d’experts-conseils. Les documents en question sero n tpubliés en 1998.

4 La discussion sur la pertinence et la légalité des actionsen faveur de groupes défavorisés n’a commencé qu’assezrécemment dans les pays du Cône Sud. En Europe, la perti-nence et la légalité de telles actions a été sérieusement miseen question par divers avis (voir Commission euro p é e n n e ,1997). Bien que les dispositions d’application varient dansles pays de l’Union européenne, le débat se poursuit, l’ac-tion en faveur de groupes défavorisés étant considéréecomme un instrument efficace de sensibilisation aux formesde discrimination au travail existantes, et par conséquentcomme un moyen d’encourager un changement d’attitudes.

5 L’OIT met actuellement en œuvre un Programme d’ac-tion sur la promotion de la condition féminine dans l’admi-nistration du travail, dans divers pays, et notamment auChili. On espère qu’en 1998 pourra être publiée une étudecomparant la situation et les progrès dans les pays couvertspar ce Pro g r a m m e .

6 Le Conseil de l’Europe a déclaré lors de sa réunion àEssen, en Allemagne, en 1994, que la promotion de l’égalitéde chances entre hommes et femmes est une priorité pourl’Union européenne et ses pays membres, tout comme lalutte contre le chômage.

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AB R A M O, L: Oportunidades y nuevas experienciasde trabajo para la mujer en el contexto de la re-estructuración productiva y de la integraciónre g i o n a l . Document de travail préparé pourle deuxième Séminaire «Mujer y Merc o s u r »(Les femmes et le Mercosur) de UNI-FEM/Conseil national pour les droits desFemmes du Brésil, São Paulo (Santiago 29-30 avril 1997).

BE R R A, C.; MA R I A N I, S.; RA I M U N D O, N.; RO D R Í-G U E Z, M. J.: A rgentina: Acción nacional enfavor de los derechos de las mujeres trabajadoras,Document de travail (Buenos A i res, 1997).

CO M M I S S I O N e u ropéenne: Equal opportunitiesfor women and men in the European Union.Annual Report 1996 ( B ru x e l l e s / L u x e m-b o u rg, Directorate-General for Employ-ment, Industrial Relations and SocialA ffairs, Unit V/D/5), 1997.

FR O H M A N N, A.; RO M A G U E R A, P.: I m p l i c a n c i a sdel acuerdo de libre comercio de América delNorte para las mujeres de Chile, Rapport pré-paré par le Service national pour lesfemmes (Santiago, 1996).

GA L I L E A, S.: Chile: Acción nacional en pro de losd e rechos de las mujeres en el trabajo, D o c u-ment de travail (Santiago, 1996).

HE I K E L, M. V.: Paraguay: Acción nacional en prode los derechos de las mujeres en el trabajo,Document de travail (Asunción, 1996).

MÁ R Q U E Z GA R M E N D I A, M.: Legislación laboralrelativa a la mujer en los países del Mercosur yChile. Un estudio comparativo. Rapport pré-paré pour le deuxième Séminaire «LesFemmes et le Mercosur» de UNIFEM/Conseil national pour les droits des F e m m e s

du Brésil, São Paulo, Document de travail(Montevideo, 29-30 avril 1997).

B I T: Politiques de l’emploi dans une économie mon-d i a l i s é e ,R a p p o r td uD i re c t e u rg é n é r a l , 8 3e C o n-férence internationale du Travail (Genève,B I T, 1996a ).

B I T: OIT Informa. Panorama Laboral 1996 n° 3 ,Publications du Bureau régional pourl’Amérique latine et les Caraïbes (Lima,O I T, 1996b).

PA R D O, L.: «Efecto de los acuerdos comerc i a l e sen la pequeña y mediana empresa, en parti-cular en las trabajadoras del sector», dansImportancia de los acuerdos comerciales en eltrabajo de las mujeres, Documents élaboréspour le Séminaire d’experts sur les consé-quences des accords commerciaux pour letravail des femmes au Chili, organisé par lem i n i s t è re du Travail et de la Prévoyancesociale et le Service national pour lesfemmes du Chili (Santiago, 4 juin 1996).

SANTISTEVAN, A.: Uruguay: Acción nacional enfavor de la igualdad de oportunidades en eltrabajo, Document de travail (Montevideo,1 9 9 6 ) .

TO L E D O, M.: Brésil: Açao nacional em prol desd i reitos das trabalhadoras (São Paulo, 1996).

VA L E N Z U E L A, M. E.: Discriminación y el mer-c a d o de trabajo en Brasil, service d’experts-conseils pour l’OIT (Santiago, 1997).

YÁÑEZ, S.; TODARO, R.: «Globalización, re-estructuración competitiva y empleo feme-nino en Chile. Elementos para el debate»,dans Sobre mujeres y globalización, Centred’études sur les femmes (Santiago, 1997).

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B i b l i o g r a p h i e

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Plus de six ans ont passé depuis la déclara-tion, citée en épigraphe, qui a été faite au coursd’une des pre m i è res étapes de transition versle marché commun défini par le Traité d’Asun-ción. Cette déclaration met en évidence l’idéeque le processus d’intégration devait incorpo-rer un ensemble d’aspects sociaux dans sonagenda. Comme le montre la composition desentités spécialisées de la stru c t u re org a n i q u edu Mercosur – il fallait notamment tro u v e rcertaines formes de coordination des aspectsliés aux politiques de développement des re s-s o u rces humaines.

C’est justement des re c o m m a n d a t i o n sadoptées par les réunions des ministres duTravail – ainsi que des projets élaborés par lessecteurs sociaux – qu’est résultée la créationdu Sous-Groupe de travail (SGT) n° 11 sur lesQuestions du travail, dénomination qui a étéchangée par la suite en Relations de travail,Emploi et Sécurité sociale. Ce SGT a org a n i s éses travaux en les répartissant entre huit com-missions thématiques. Dès le premier org a n i-gramme, la formation professionnelle (FP) aété à l’ord re du jour, par l’intermédiaire de laCommission thématique n° 4 .

Une nouveauté

La forme sous laquelle la question de la FP aété introduite dans le cadre des débats du Mer-cosur donne une idée de ce qui est une desprincipales nouveautés dans ce domaine auniveau de la région: le rôle que les ministère sdu Travail (MT) commencent à jouer enm a t i è re de formation. Pour expliquer les chan-gements qui interviennent dans le domaine de

la FP au niveau de la région, en ce qui concerneles acteurs pertinents, la conception de la for-mation et son caractère institutionnel, il fautexaminer certaines des transformations queconnaissent les économies dans la conjoncturehistorique actuelle. Etant donné que d’autre sarticles de ce document examinent en détail cetaspect, il suffit de mentionner ici que la régiona décidé de s’intégrer dans les dynamiquesmondiales de la production, du commerce etdes finances. Aussi la productivité, la qualité etla capacité de concurrence sont considéréescomme des aspects clés pour l’insertion fru c-tueuse des nations dans le nouveau contexte.

Adapter les formes d’org a n i s a t i o ndu travail

Il s’ensuit que la capacité de relever le défidu progrès dans le domaine de la technologieest maintenant un des facteurs clés pour accé-der à une dynamique de croissance écono-mique. Et ce défi implique la nécessité des’adapter et d’innover dans les formes d’org a-nisation du travail. Ces besoins ont forc é m e n tune incidence sur le rôle que les re s s o u rc e shumaines devront jouer dans ce nouveau scé-nario. La formation devra notamment réno-ver ses stratégies et ses orientations tradi-t i o nn e l l e s .

Le travailleur polyvalent

Le nouveau travailleur que l’on recherchene se définit pas par sa spécialisation dans unensemble de tâches plus ou moins délimitéeset définies par les caractéristiques d’un poste

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Le Mercosur et la formation pro f e s s i o n n e l l e

P e d ro Daniel We i n b e rgD i re c t e u r

C i n t e rf o r / O I T

Il faut s’occuper des questions de travail et des questions sociales au sein du Mercosur […] pour s’assu-rer que le processus d’intégration soit accompagné d’une amélioration effective des conditions de travaildans les pays signataires du Tr a i t é .

Les divers pays apporteront toute la coopération nécessaire à la connaissance réciproque des dispositionsr é g l e m e n t a i res nationales intéressant l’emploi, la sécurité sociale, la formation professionnelle et les re l a-tions individuelles et collectives de travail.

[Extraits de la déclaration des ministres du Travail de l’Argentine, du Brésil,du Paraguay et de l’Uru g u a y, Montevideo, 9 mai 1991.]

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de travail particulier. La capacité de transférerdes connaissances au moins à une catégoried’emplois, de s’adapter au changement rapidedes technologies, et notamment aux nouvellesmodalités d’organisation de la production, estune des conditions auxquelles il faut répondreà l’heure actuelle. Dans ces circonstances, lesexigences de formation impliquent d’impor-tants changements: le travailleur spécialisédoit devenir polyvalent. De la capacité d’assu-mer les tâches d’un poste de travail – qui avaitpour caractéristique d’être stable pour touteune vie – il faut passer à la capacité de trouverun emploi; voilà quelques-unes de exigencesnouvelles.

Dans le cas de l’Argentine, du Brésil, duParaguay et de l’Uru g u a y, cette dynamiquequi a un caractère mondial, s’insère dans unp rocessus d’intégration résultant de la mise enplace du Merc o s u r.

La formation fait part i edes politiques du travail

C o n c u r remment à ces changements, le do-maine de la formation connaît un ensemble defaits inédits, qui n’étaient que des expériencesisolées dans le passé. Parmi ces faits se tro u v enotamment l’établissement de nouveaux liense n t re le système de relations de travail et laformation professionnelle. C’est ainsi qu’ildevient de plus en plus évident que la forma-tion commence à faire partie des politiques dutravail. Ce déplacement de la FP dans les poli-tiques publiques, avec la disparition de l’auto-nomie relative que la FP avait par le passé, estun autre phénomène nouveau que l’onobserve dans le domaine de la formation. Denouveaux schémas institutionnels apparais-sent, la formation commence à s’intégrer dansles agendas de négociation, à y jouer un rôlecentral, et à devenir de plus en plus un objetde la législation du travail.

Une intervention cro i s s a n t edes part e n a i res sociaux

Dans les nouveaux arrangements institu-tionnels que l’on voit apparaître, la tendance àdécentraliser la mise en œuvre, et éventuelle-ment, la prise de décisions en matière de for-mation, ouvre de nouvelles perspectives pourla participation de la société. C’est ainsi qued’une tâche assumée d’une façon quasi mono-polistique par l’Etat, les politiques de forma-tion évoluent pro g ressivement vers une priseen compte de l’intervention des partenaire s

sociaux. Parmi les partenaires dont le rôlechange et s’accroît se trouvent surtout les org a-nisations de travailleurs et d’employeurs.

Nous allons maintenant examiner plus endétail les aspects exposés jusqu’ici.

La formation pro f e s s i o n n e l l eau sein du Merc o s u r

Comme nous l’avons relevé dans l’intro d u c-tion, le thème de la FP, dans le cadre des aspectssociaux – ou plus précisément, sociopro f e s s i o n-nels – de l’intégration, a figuré de bonne heure àl ’ o rd re du jour de la discussion. Cela était toute-fois dû dans une large mesure aux travaux pré-p a r a t o i res réalisés à cet égard par les secteurssociaux (avec les organisations syndicales quiont joué un rôle de protagonistes) en coopéra-tion avec les ministères du Travail. En effet, las t ru c t u re prévue par le Traité d’Asunción pourla période de transition vers une union doua-n i è re prévoyait l’intégration de dix SGT, devantformer par la suite le SGT n° 11 sur les ques-tions de travail du Groupe du Marché commun(GMC = Grupo Mercado Común) conformé-ment aux recommandations de la Réunion desm i n i s t res du Tr a v a i l .

A partir de la réunion du GMC de LasLeñas, en A rgentine, en juin 1992, l’appellationet les tâches du SGT n° 11 ont été élargies, lenom étant désormais SGT des Relations de tra-vail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Sur labase d’une stru c t u re tripartite, le SGT n° 11 acréé huit commissions thématiques (CT) pourtraiter de tous les aspects dont le sous-gro u p eavait été chargé. Parmi les thèmes pris enconsidération se trouvait la FP, pour laquellefut instituée la CT n° 4 (Santos, 1994).

R e q u a l i fication et équivalences

Dans le chronogramme initial, cette CTétait chargée de procéder à un diagnostic envue de définir la re q u a l i fication pro f e s s i o n-nelle, de présenter des propositions pour lare q u a l i fication, d’analyser les équivalencespour la reconnaissances des certificats pro f e s-sionnels et de soumettre des projets d’équiva-lences pro f e s s i o n n e l l e s .

Le SGT n° 11 et sa CT ont fonctionné commecela avait été prévu pour l’ensemble des SGTdurant l’étape de transition vers l’Union doua-n i è re, jusqu’en 1994. C’est ainsi que la CT n° 4a remis au GMC un projet de mise en place d’unsystème de coopération horizontale pour la FPau sein du Merc o s u r, et ce projet, pas plus quen’importe quelle autre question liée aux tâches

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confiées au SGT n° 11, n’a fait l’objet de déci-sions du Conseil du Marché commun (ConsejoM e rcado Común) ou du GMC. (Alonso & col.,1 9 9 6 )

Après la re d é finition des stru c t u res duM e rcosur dans le Protocole d’Ouro Preto, laprésence d’un cadre institutionnel pour le trai-tement des thèmes socioprofessionnels s’estconsolidée avec la création du SGT n° 10, qui ahérité de l’appellation et des charges de l’an-cien SGT n° 11. Au sein de l’organisation défi-nie pour cette nouvelle étape, trois CT ont étéformées par le SGT n° 10. Le thème de la FPcontinue d’être étudié maintenant au niveaude la CT II Emploi, Migrations, Qualific a t i o n set Formation professionnelle. En ce quiconcerne la FP, cette CT a continué à s’occuperdes initiatives prises antérieurement: créationd’un Système de certificats pro f e s s i o n n e l spour la reconnaissance et l’équivalence desc e r t i ficats professionnels; création d’un Sys-tème d’informations sur la FP; et mise enœ u v re de programmes de coopération tech-nique entre des instituts de FP.

Un appui important de la partdes acteurs sociaux

Il convient de relever le rôle joué par lesacteurs sociaux dans la promotion de la créa-tion de cadres permanents pour la discussionde questions socioprofessionnelles – y comprisla FP – et l’élaboration de propositions en lam a t i è re. C’est ainsi que, grâce à leurs liensavec les réunions des ministres du Travail et,dans le cas de la Commission Mercosur del ’ o rganisme de coordination des centrales syn-dicales du Cône Sud, grâce aux lettres en-voyées à plusieurs reprises aux présidents desq u a t re gouvernements, un appui important aété obtenu pour la mise en place de ces cadre ss p é c i fiq u e s .

Représentation des travailleurset employeurs

Au sein du Merc o s u r, le Forum consultatiféconomique social (FCES) ouvre des perspec-tives particulièrement importantes aux thèmessociaux. Le FCES, qui fait partie de la stru c t u redu Mercosur définie par le Protocole d’OuroP reto, est l’organisme de représentation dessecteurs économiques et sociaux; les org a n i s a-tions de travailleurs et d’employeurs re c o n-nues y jouent notamment un rôle de pro t a g o-nistes. La promotion de l’emploi fig u re parmiles thèmes qui ont été présentés au FCES.

Conformément à la pro c é d u re de travail adop-tée, les discussions qui ont lieu au Foru ms e ront ensuite examinées par les sectionsnationales dudit forum. Finalement, les thèmess e ront traités à l’échelon de cet espace régionalen réunion plénière .

I n fluence des travailleurssur les défin i t i o n s

Conjointement avec le SGT n° 10 – dont lacomposition est tripartite –, le FCES off re auxo rganisations de travailleurs un tremplin trèsutile pour influer sur les définitions qui sontadoptées au sein du Mercosur en ce quiconcerne les questions de travail et de la for-mation. Cette possibilité est d’une importancep a r t i c u l i è re à un moment où l’on cherche àm e t t re en place des mécanismes régionaux telsque les mécanismes d’observation de l’évolu-tion de l’emploi et ceux relatifs aux certific a t sde compétences.

Nouvelles formes d’action de l’Etat:la formation pro f e s s i o n n e l l ed a n s les politiques activesdes ministères du Tr a v a i l

A u j o u rd’hui, en Amérique latine et dans lesCaraïbes, et plus particulièrement dans lespays du Merc o s u r, les institutions de forma-tion professionnelle ont cessé de jouer le rôled’agent presque hégémonique du passé. Néan-moins, même dans les cas où ces institutionsont survécu et restent assez fidèles au modèleinitial, elles sont plongées dans une véritable«explosion» de l’off re de moyens de formation.A t i t re d’exemple, nous trouvons dans laquasi-totalité de ces pays les types suivantsd’actions, d’instruction et de formation pro f e s-sionnelle qui n’entrent pas – du moins totale-ment – dans le cadre de ces institutions:

• Le rôle de plus en plus actif des MT grâce àdiverses modalités d’intervention.

• Actions d’instruction/formation pro f e s-sionnelle au sein de l’entre p r i s e .

• P rojets spéciaux axés sur des groupes et dessecteurs spécifiques qui sont financés par lebudget public avec des composantes decrédit international.

• Fondations et entités d’instru c t i o n / f o r m a-tion professionnelle d’entreprises ou des y n d i c a t s .

• Actions d’instruction/formation pro f e s-sionnelle mises en œuvre par des ONG,

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des églises, des organisations communau-t a i res, etc.

• Académies et instituts privés de formation.

Des formes de collaborationd y n a m i q u e s

Ce nouveau contexte ne se caractérise tou-tefois pas seulement par une plus grandec o n c u r rence entre agents de formation, maisbeaucoup plus par sa complexité et sa richesseen expériences novatrices. En fait, on observeun scénario beaucoup plus propice à unaccroissement des responsabilités en matièrede formation parmi un plus grand nombred’acteurs, qui n’englobe pas seulement les ins-titutions traditionnelles, ce qui peut conduireà la création de formes de collaboration et àdes relations plus étroites, dynamiques etfonctionnelles.

Le domaine des compétencesdes ministères élarg i

En fait les activités de promotion déployéespar les MT de la région en matière de forma-tion professionnelle deviennent de plus enplus généralisées, tout particulièrement en cequi concerne la définition des grandes lignesdes politiques. A partir de leur ancien rôle demédiation dans la relation capital-travail, cen-tré sur les aspects des rémunérations, de la sta-bilité et des conditions de travail, ces minis-t è res élargissent leur domaine de compétencesen abordant les questions de la formation dansune optique de politiques d’emploi actives.Cela se re flète tant dans les dispositions régle-m e n t a i res que dans la stru c t u re institution-nelle, avec la création et le développement desecrétariats, de directions ou de services quis’occupent spécifiquement de la formationp rofessionnelle et de son lien avec les autre saspects liés aux questions de travail. Cedomaine de compétence toujours plus vasterésulte précisément du fait que les ministère sdu Travail comprennent que la formation pro-fessionnelle est un élément clé pour la mise enœ u v re de politiques d’emploi actives.

Rôle de la formation dans la miseen œuvre de politiques publiquesde l’emploi

Des transformations dans ce domaine peu-vent être observées au Chili vers le milieu desannées soixante-dix, au Mexique environ dixans plus tard, et depuis le début de la présente

décennie en A rgentine, au Brésil et en Uru-guay; les MT élaborent des projets ambitieuxqui leur permettent de s’impliquer davantagedans la mise en œuvre de politiques publiquesde l’emploi. Dans la presque totalité des cas, ilsfinancent ces programmes avec leurs pro p re sre s s o u rces, qui sont parfois re n f o rcées par descrédits de la Banque internationale. Ces pro-grammes ne reconnaissent pas seulement quela FP permet d’obtenir de bons résultats, maisils contribuent également à une re f o r m u l a t i o nde son caractère institutionnel traditionnel: oncommence à élaborer des systèmes de forma-tion qui cherchent à accorder une plus grandeattention à la demande de formation de l’ap-p a reil productif. Cette optique a pour but deremédier à la rigidité de certaines institutionsnationales qui s’étaient attachées à une stru c-t u re d’organisation et de programme tro pdépendante de l’off re de formation disponible.

Les eff o rts centrés sur la conceptionde politiques et de stratégies

On peut par conséquent dire que la for-mation joue un rôle central dans les poli-tiques actives de l’emploi qui commencent àê t re élaborées par les ministres du Tr a v a i l .Dans cette perspective, la stratégie mise enœ u v re consiste à centrer les efforts sur laconception de politiques et de stratégies, surla mise en place de mécanismes de fin a n c e-ment et de supervision, de suivi et d’évalua-tion des mesures de formation, et à déléguerl’exécution de ces mesures à d’autres agents,tant publics que privés.

Des stru c t u res d’un haut niveauh i é r a rchique et des instances tripart i t e s

C’est ainsi qu’intervient un re m a n i e m e n tdes organigrammes institutionnels des minis-t è res qui, avec une tendance à la création des t ru c t u res publiques «légères», conduit à l’ap-parition d’unités d’un haut niveau hiérar-chiques liées à ce domaine de compétence. LeSecrétariat à l’emploi et à la formation pro f e s-sionnelle de la Direction nationale de la forma-tion en A rgentine, le Secrétariat national pourle Développement et la Formation pro f e s s i o n-nelle au Brésil, la Direction nationale de l’Em-ploi en Uruguay sont des illustrations de tellesinnovations. De même, des instances tripar-tites deviennent plus importantes; elles sontc o o rdonnées par les ministères et font partici-per employeurs et travailleurs à la discussionet la prise de décisions pour les politiques

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envisagées (les cas les plus récents sont la créa-tion du Conseil national de l’emploi en Uru-guay et du Conseil de l’emploi et des salaire sen A rg e n t i n e ) .

Des re s s o u rces d’origines diverses

L’attention croissante qui est accordée à cespolitiques est démontrée par l’importance desre s s o u rces fin a n c i è res affectées à la réalisationdes divers programmes et projets. Elles pro-viennent de diverses sources, à savoir de fondspublics pour la formation prévus par la loi, dere s s o u rces extraord i n a i res provenant du trésorpublic, de fonds de chômage, cela grâce à lafaculté des ministères du Travail de pre n d re laresponsabilité d’emprunts publics dans ledomaine de la FP ( p rojets conjoints avec la BIDet avec la Banque mondiale notamment). Vo i c iquelques exemples pris parmi d’autres: au Bré-sil, le Secrétariat national de formation et dedéveloppement professionnels (SEFOR) dis-pose d’un Fonds de protection du travailleur( FAT) administré par un Conseil délibératif( C O D E FAT) de nature tripartite et paritaire. Deson côté, l’Uruguay met en œuvre des actionspar l’intermédiaire de la Direction nationale del’emploi (DINAE) et le Conseil national tripar-tite de l’emploi (JUNAE), qui sont chargés del ’ a ffectation des re s s o u rces du Fonds de re c o n-version pro f e s s i o n n e l l e .

Ce qui précède fait apparaître nettementdans tous les pays de la région l’importancedu rôle que les ministères du Travail sontappelés à jouer en matière de FP. Nous allonsmaintenant analyser brièvement les évolutionsqui interviennent dans ce domaine.

Les multiples rôles de l’Etatet son action régulatrice

La création même des instances susmen-tionnées est symptomatique du changementque connaît le rôle de l’Etat en matière de for-mation professionnelle: ce rôle passe de la par-ticipation directe en tant qu’entité chargée dela mise en œuvre d’actions à celui d’une entitéqui réglemente et finance les actions dont lamise en œuvre a été confiée à certains org a-nismes, ainsi qu’aux entreprises mêmes. Néan-moins, ce nouveau rôle de l’Etat, avec des dif-f é rences selon le pays concerné, est de plus enplus orienté vers la fonction de régulation dum a rché de l’off re et de la demande de forma-tion pro f e s s i o n n e l l e .

Une culture de la form a t i o n

Le changement de schéma – l’institutionnationale cesse d’avoir le monopole de l’actiondans ce domaine, puis on passe à une optiqueaxée fondamentalement sur l’off re, et enfin à lasituation qui prévaut actuellement – a engen-dré une série de dysfonctions du nouveaumodèle qui ont conduit à la création dedomaines d’action régulatrice de l’Etat en géné-ral, et des ministères en particulier. Toutd ’ a b o rd, si l’on cherche à orienter davantage laformation vers la demande du secteur de pro-duction, il faut pouvoir compter sur des entre-prises et des unités de production ayant à la foisune «culture de la formation» et la capacité depréciser leurs demandes de formation. C’estp o u rquoi plusieurs ministères ont entrepris desprogrammes dont le but est de susciter et dedévelopper cette demande, soit au moyen desubventions à la formation (en tant que méca-nismes d’exonération de contributions en fonc-tion des dépenses pour la formation), soit aumoyen d’actions intégrales de développementde la productivité et de la compétitivité, avecune offre de formation adaptée aux besoinsobjectifs des unités de production et des pro-cessus de transfert technologique.

Méthodologies et personnel enseignant qualifié

Un autre aspect pour lequel les MT com-mencent à jouer un rôle de normalisation etde régulation est celui de l’accroissement del ’ o ff re de formation, de sa diversification et deson adaptation à des normes de qualité. Si lec a r a c t è re d’une institution peut être changépar des dispositions légales, il n’est pas pos-sible de le faire disparaître en tant que tel et iln’est pas possible non plus de mener à bonnefin avec la même rapidité le processus d’accu-mulation d’infrastru c t u re, de méthodologiesou de personnel enseignant qualifié dont dis-posaient les institutions traditionnelles. Lam a j e u re partie de l’off re de formation est à lafois rare et faible dans chacun de ses aspects.Il en résulte des difficultés non seulementpour assurer des niveaux minimaux de qua-lité, mais également pour la mise en œuvremême des programmes prévus en ce quiconcerne la couverture territoriale et secto-rielle souhaitée.

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Créer un lien organique entrela formation et le monde pro d u c t i f

Toutes ces actions sont particulière m e n timportantes à un moment où des réformessont introduites dans le domaine de l’éduca-tion formelle et plus spécialement de l’ensei-gnement technique, réformes qui, bien qu’ellessoient nécessaires, font courir le risque d’unedévaluation de la formation pro f e s s i o n n e l l edans nos sociétés. En effet, beaucoup deréformes de l’éducation ont tendance à «secon-dariser» l’enseignement technique, en lui don-nant des contenus très similaires à ceux del’enseignement formel moyen général. Il nefait pas de doute que l’absence d’interventionsdans des actions telles que celles que les minis-t è res sont en train de mettre en œuvre avecd ’ a u t res acteurs ne serait pas propice à uneformation pensée et dispensée en fonction dumonde pro d u c t i f .

I n t é g rer et synchroniser re q u i e rtune certaine déterm i n a t i o n

En résumé, les MT de la région se pro p o-sent d’agir avec détermination dans ledomaine de la FP, de contribuer à son intégra-tion en tenant compte des stratégies nationaleset de la transformation de la production, desd é fis qui doivent être relevés pour accro î t re lap roductivité et la compétitivité des entre p r i s e set des économies afin d’assurer une cro i s s a n c eéconomique durable répondant aux besoinssociaux et de protection de l’enviro n n e m e n t .

Bien entendu, il reste encore beaucoup àf a i re, d’autant plus que les défis changent dejour en jour. Pour ne mentionner qu’un nou-veau domaine de compétence dans lequel lesMT commencent à agir, on peut dire qu’unetâche très actuelle consiste à établir une syn-c h ronisation et une adaptation entre les trans-formations qui ont une incidence sur les mar-chés du travail et sur la FP, d’une part, et lep rocessus d’intégration en cours, d’autre part.

Changements d’orientationde la formation pro f e s s i o n n e l l e

Dans l’introduction à cet article, nousavons examiné le contexte dans lequel inter-viennent les changements d’orientation liésau développement des re s s o u rces humaines.Nous analyserons ci-après quelques aspectsde l’action formative même dont on com-mence à observer les transformations aucours de cette étape.

i ) La formation et son lien avecle système de relations de travail

Dans le modèle de développement précé-dent, la fonction de formation des re s s o u rc e shumaines pour l’industrie était entre les mainsd’institutions nationales de la FP. Il s’agissaitd’une fonction de l’Etat, parmi tant d’autre s .

Hier la stabilité, aujourd ’ h u iles connaissances et la technologie

Le système des relations de travail qui s’estconsolidé dans ce modèle de développement,se caractérisait notamment par la création demécanismes de négociation, dans la plupartdes cas tripartites, parfois par branche d’acti-vité, et parfois par entreprise, dans lesquels lesdiscussions avaient essentiellement trait à lastabilité des sources d’emploi, à la régularité etaux montants des augmentations des rémuné-rations, ainsi qu’à la couverture des services desécurité sociale (assurance-maladie et assu-rance-chômage, allocations familiales, etc.).Les changements liés aux formes d’insertiondes économies nationales dans le commerc emondial et au sein du Merc o s u r, l’importancec roissante des facteurs des connaissances et dela technologie dans les processus de pro d u c-tion, et le changement des rôles des divers par-t e n a i res de travail, ont profondément modifiétous les aspects des relations de travail.

Lier la négociation collectiveà l’évolution de la pro d u c t i v i t é

Le concept de la stabilité du poste de tra-vail commence à être remplacé par la préoccu-pation de pouvoir compter sur des travailleursflexibles, plus qualifiés et plus capables de seconvertir rapidement, et d’assurer ainsi leurp ro p re stabilité sur le marché du travail. Sansqu’il y ait de détérioration des services desécurité sociale, les systèmes qui les soutien-nent se trouvent en crise dans bien des cas,avec les processus de re d é finition que celaimplique, et quelles que soit la forme et lesmodalités adoptées dans chaque pays, il ne faitpas de doute qu’une bonne formation sembleê t re la meilleure garantie contre le chômage.En outre, la discussion sur les montants et lesmécanismes d’augmentation des rémunéra-tions, toujours régis par divers mécanismes denégociation collective, place les divers parte-n a i res devant le défi d’établir un lien entre lesrémunérations et l’évolution de la pro d u c t i-vité, et l’attention se déplace d’aspects tels que

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l’ancienneté et la carrière professionnelle dansl ’ e n t reprise, vers les variables qui config u re n tles qualifications des personnes, telles que l’ex-périence, les niveaux et les types de formation.

E n t reprises et travailleurs créentleurs pro p res stru c t u re s

En raison de ces changements, la forma-tion et le développement des re s s o u rces hu-maines ont cessé d’être une fonction d é l é g u é eà l’Etat, ou que l’Etat s ’ a r r o g e a i t. Tant lese n t reprises que les travailleurs, par l’intermé-d i a i re de leurs organisations re p r é s e n t a t i v e s ,s ’ i n t é ressent de plus en plus à ce thème, eté l a b o rent des initiatives à l’intention de l’Etatet des institutions de formation, créent leursp ro p res stru c t u res, et s’impliquent dans laconception et la mise en œuvre de politiquesde formation et de développement des re s-s o u rces humaines.

La formation gravite autourdu centre des négociations

Etant donné sa centralisation croissante, laformation commence à devenir un aspect fon-damental dans les négociations et les re l a t i o n sde travail. On observe également un accro i s s e-ment des dispositions de législation du travailrelatives à la formation, tandis que l’élabora-tion des normes devient plus perfectionnéeque par le passé, ce qui est une tendance nonseulement au niveau régional mais égalementà l’échelon mondial. Les mécanismes de négo-ciation collective, tripartites ou bipartites, auniveau de la branche ou de l’entreprise, incor-p o rent de plus en plus l’instruction et la for-mation à l’ord re du jour, à côté des thèmes« t r a d i t i o n n e l s » .

i i ) La formation en tant que part i edu processus de transfertt e c h n o l o g i q u e

Dans les conceptions traditionnelles de laformation, le transfert technologique est consi-déré comme la transmission ordonnée et systé-matique d’un ensemble de connaissances, decompétences et de facultés qui permettent à untravailleur d’améliorer ses qualifications per-sonnelles. Cette optique est dépassée aujour-d’hui, principalement en raison d’une concep-tion isolée de la formation, qui n’est pasadaptée au contexte (environnement, circ o n s-tances et processus de travail) dans lequel elleest dispensée.

C o m p re n d re la formation dansle cadre des processus de pro d u c t i o n

Quand on observe la manière dont les insti-tutions, les écoles techniques ou les unités d’en-seignement technique les plus novatrices dis-pensent leur formation, on constate de plus enplus qu’elles le font en tenant compte des pro-cessus de travail et de l’innovation technolo-gique. Selon les conceptions nouvelles que pré-conisent certaines instances, la formation doitê t re comprise comme le cadre d’un pro c e s s u spar lequel les unités de production et les tra-vailleurs reçoivent une somme de connais-sances scientifiques et technologiques ayant unlien avec les processus de production. Les insti-tutions et les unités d’enseignement qui défi-nissent la formation de cette façon articulent lescomposantes de la formation avec un pro c e s s u sd’assistance et d’évaluation intégrale qu’elleso ff rent aux entreprises: la formation et le déve-loppement des re s s o u rces humaines s’insère n tainsi dans un ensemble d’actions de transferttechnologique, pour le travail, la pro d u c t i o n ,l’adaptation et l’innovation.

La formation perm a n e n t e

Dans une perspective complémentaire, letransfert technologique est un processus per-manent, et c’est ainsi que doivent être comprisles besoins d’instruction/formation. En d’au-t res termes, la conception d’une formation limi-tée à une période déterminée est abandonnée,normalement avant l’incorporation de l’indi-vidu dans le marché de l’emploi, pour être com-prise comme une nécessité constante à laquellediverses modalités peuvent répondre: forma-tion initiale, formation dans l’entreprise, for-mation par alternance, formation en coursd’emploi, etc. Une telle formation permanenterestitue le potentiel de mobilité pro f e s s i o n n e l l eà la formation et permet de l’adapter aux chan-gements qui interviennent dans les domainesde la technologie et de la production dans lemonde du travail.

i i i ) La formation en tant quephénomène éducatif adaptéau processus de pro d u c t i o n

Quelques-unes des expériences les plusf ructueuses cherchent à établir un lien étro i te n t re la formation et la production au moyende programmes de prestation de services auxe n t reprises (assistance et évaluation technique,information technologique, re c h e rche appli-

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quée, etc.). Les élèves et les professeurs partici-pent activement à ces nouveaux services desinstitutions et des écoles, et ils le font non seu-lement en tant que service supplémentaire ,mais également dans le but de trouver desmécanismes de retour de l’information quipermettent d’adapter le contenu des pro-grammes, les méthodologies de la formation etles modalités de services; en définitive, pourque ces mécanismes contribuent à l’améliora-tion des processus d’enseignement et d’ap-p re n t i s s a g e .

Un pont entre les écoleset le monde pro d u c t i f

Quand ces centres se définissent commedes pôles de transmission de technologies depointe, de services visant à répondre aux be-soins de production et de technologies du parcindustriel vers lequel ils sont orientés, ils le fonttoujours en partant du principe, que, en dernierressort, leurs activités devront servir à amélio-rer leur capacité éducative et favoriser un ensei-gnement de qualité et pertinent. En d’autrestermes: en dépit de leurs investissements, deleur implication dans une nouvelle optiqueaxée sur la technologie, ces unités continuent àse définir comme des organismes de formationet d’éducation. C’est ainsi que la vente de ser-vices n’est pas conçue, au départ, comme unenouvelle source de financement; au contraire,ces services sont l’application de modalitésdevant servir à rapprocher les écoles et lescentres de la réalité du monde productif. Enaidant les entreprises à résoudre des pro b l è m e s ,les entités de formation ne sont pas seulementutiles aux unités de production: elles contri-buent également à accro î t re la base de connais-sances scientifiques et techniques, la masse cri-t i q u e .

A m é l i o rer la coord i n a t i o np a rmi les ministère s

Il convient de rappeler la fonction que lesMT doivent assumer sur ce même plan, endéployant leurs activités dans le cadre de pro-grammes qui encouragent le développementd’une «culture de formation» au niveau desdiverses unités productives (surtout celles quine peuvent pas accéder facilement à des ser-vices d’information et de formation) et, en sensinverse, en favorisant le développement d’une« c u l t u re du travail» dans les diverses sphère sd’enseignement. Il est évident que ces tâchesimpliquent une amélioration des instances de

c o o rdination et des actions mises en œuvreconjointement par les MT et d’autres entités del’Etat, principalement avec le ministère del ’ E d u c a t i o n .

i v ) F o rmation pour l’améliorationdes compétences

Traditionnellement, les programmes de for-mation étaient conçus de manière à s’articulerautour des qualifications des travailleurs; engénéral les programmes de formation ont unc a r a c t è re légèrement incitatif, dans la mesureoù ils ne contribuent qu’à un but, et dans lemeilleur des cas, se limitent à une pro p o s i t i o np u rement intellectuelle. En revanche, les pro-cessus des institutions de formation et debeaucoup d’écoles techniques prennent enconsidération d’autres aspects. Ces institutionsne transmettent pas seulement des connais-sances et des aptitudes manuelles, elles cher-chent également à examiner les aspects cultu-rels, sociaux et comportementaux qui ont unei n fluence sur les capacités des personnes.

Une nouvelle culture de travail

La culture de la modernisation pro d u c t i v e ,basée sur les critères de qualité, de pro d u c t i v i t é ,d ’ e fficience et de compétitivité, ne peut pas êtrea b o rdée avec des programmes aussi centrés surla formation pour des postes de travail détermi-nés. La contribution que les instances susmen-tionnées apportent à la création d’une nouvellec u l t u re du travail et de la production joue unrôle central; cette contribution n’est pas seule-ment apportée par les moyens de formationexplicites – les cours, les programmes, leurscontenus d’études, leurs méthodologies – maispar l’environnement et le climat productif queces centres et écoles parviennent à créer.

Des compétences imprégnéesdans l’atmosphère des entre p r i s e s

En d’autres termes; les académies et les ins-titutions qui correspondent aux anciens sché-mas d’une organisation fordiste et tayloriste dutravail ne sont pas en mesure d’enseigner lesnouvelles compétences dont a besoin une éco-nomie ouverte aux flux du commerce interna-tional et qui doit être hautement compétitive;l’orientation réductionniste basée sur la forma-tion pour l’acquisition de qualifications estdépassée, et c’est l’approche des institutions etécoles novatrices qui s’impose. La raison estsimple: les compétences «modernes» ne peu-

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vent pas être enseignées en un seul cours, carelles sont le reflet d’une ambiance de produc-tion, qui est imprégnée dans l’atmosphère desentreprises, dans les codes de conduite et defonctionnement qui sont appliqués dans la pra-tique, et dans les modèles de travail et de pro-d u c t i o n .

Des mécanismes qui assure n tla qualité

Il s’ensuit que seule une proposition surlaquelle s’articulent éducation et formationd’une part et travail et technologie d’autre part,dans un milieu adéquat, peut être le mécanismequi permettra de transmettre les valeurs, leshabitudes et les comportements inhérents auxcompétences modernes demandées aux tra-vailleurs, aux techniciens et aux spécialistesdans les circonstances actuelles. Là aussi lesm i n i s t è res du Travail ont quelque chose à dire ,essentiellement en ce qui concerne la création etle développement de systèmes de normalisa-tion et de délivrance de certificats profession-nels, et de reconnaissance de programmes etd’institutions de formation dont les méca-nismes assurent la qualité de l’offre de forma-t i o n .

D é t e rminer ensemble des pro fil sp ro f e s s i o n n e l s

Le Traité du Mercosur se fixe explicitementpour objectif de re n d re possible la libre circ u l a-tion des personnes, ce qui implique que les tra-vailleurs des pays signataires de l’accord béné-fic i e ront des mêmes possibilités et des mêmesconditions de travail dans n’importe lequel despays membres. Il s’ensuit que pour pro g re s s e rvers un marché de travail sous-régional inté-gré il faut tenir compte à la fois des aspects liésaux législations du travail et des aspects liésaux contenus des programmes d’enseigne-ment technique et de formation pro f e s s i o n-nelle. Dans cet esprit, la détermination de pro-fils professionnels pouvant être acceptés parles pays membres et l’adoption de systèmes de

délivrance de certificats de compétences pro-fessionnelles fig u rent parmi les voies qu’il fau-dra emprunter pour pouvoir réaliser l’objectifque s’assigne le traité.

Concentration et participation activedes part e n a i res sociaux

La délivrance de certificats de compétencesp rofessionnelles et leurs équivalences re q u i è-rent des méthodologies et des pro c é d u res extrê-mement techniques; pour leur re c o n n a i s s a n c eet la crédibilité du dialogue, la concertation et laparticipation active au niveau national et sous-régional des organisations d’employeurs et detravailleurs sont nécessaires, et ces org a n i s a-tions doivent pouvoir compter sur la fonctionrégulatrice des gouvernements. Dans cette pers-pective, la CT II SGT 10 du Mercosur a unagenda pour la FP qui prévoit la création d’unsystème d’équivalences professionnelles pour lareconnaissance des certificats pro f e s s i o n n e l sdes divers pays du bloc. A cette fin, les travauxréalisés par l’organe précédent, la CT n° 4 (for-mation professionnelle) de l’ancien SGT 11 ,s e ront utilisés, et le Comité coordinateur régio-nal – éducation – du Mercosur s’occupe égale-ment de ces questions.

Les normes de qualific a t i o n :une double incidence

Etant donné les impacts multiples que lesystème de reconnaissance des certificats peutavoir sur les systèmes de la FP, ce thèmesemble être particulièrement pertinent, tantpar sa contribution à l’intégration des marc h é sdu travail qu’à l’évolution même des systèmesde formation nationaux. Le potentiel de ceti n s t rument apparaît clairement si l’on observeles transformations qui interviennent dans lafaçon dont la question de la FP est traitée. Lesnormes de qualifications qui seront établiespar un système de reconnaissance des certifi-cats auront une incidence à la fois sur laconception des programmes de formation etsur le marché du travail même.

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B i b l i o g r a p h i e

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Veiller à l’applicationdes dispositions légales

L’inspection du travail est un système ins-titutionnel, qui dépend en général de l’admi-nistration, et qui a pour charge de veiller àl’application des dispositions légales relativesaux conditions de travail et à la protection destravailleurs dans l’exercice de leur profession.Espace économique, échanges, concurrence,conditions de travail et application desnormes du travail: telles sont les notions clésqui mettent en lien l’intégration économiqueet l’inspection du travail. On peut parler d’unlien, en premier lieu parce que, d’une façongénérale, en matière sociale, les traités de typeéconomique établissent des prévisions etimpliquent des conséquences, notamment ence qui concerne l’emploi, les migrations, lessalaires et la sécurité sociale. Ces diversdomaines font souvent l’objet de politiquessectorielles et sont soumis à une réglementa-tion complexe et abondante. L’application desnormes sociales est en grande partie placéesous la responsabilité de l’administrationpublique du travail. Pour cette dernière, l’ins-pection du travail est l’instrument permettantd’assurer cette application.

Les règles du jeu

Deuxièmement, certaines règles du jeu sontn é c e s s a i res pour créer un espace économiquecommun. Cette nécessité conduit à l’instaura-

tion de normes ayant pour but de re n d re équi-valents, de manière directe ou indirecte, unepartie des coûts de production des biens et ser-vices. Ainsi, en Europe, il est admis que «lafinalité des dispositions sociales communau-t a i res a toujours été de mettre au même niveaules coûts sociaux des entreprises des diff é re n t spays partenaires, afin d’éviter que la librec o n c u r rence entre celles-ci soit faussée par unelégislation sociale moins avancée dans un Etatm e m b re»1. Lorsque les normes concernent, parexemple, le temps de travail (horaires, re p o s ,vacances, congés de formation, etc.), ou lasécurité et l’hygiène, elles relèvent de la com-pétence de l’inspection du travail et de ses acti-vités de contrôle.

Les droits des migrants

Troisièmement, dans un espace écono-mique commun prévoyant la libre circ u l a t i o ndes facteurs de production entre Etatsm e m b res, d’importants mouvements migra-t o i res peuvent se pro d u i re, ce qui n’est passans conséquences sur le marché du travail.D’où la nécessité de garantir les droits desmigrants originaires des autres Etats membre s ,d’éviter et de combattre le travail clandestin.D ’ o rd i n a i re, ces tâches sont également assu-mées par l’inspection du travail, de concertavec d’autres organes de l’administration.

Le Mercosur et l’inspection du travail

José Luis Daza Pére zS e rvice de l’Administration du travail

B I T

Quel est le rapport entre un processus d’intégration économique internationale et une institution natio-nale telle que l’inspection du travail (dont le rôle, dans le cadre de l’administration publique, est de veiller àl’application des normes du travail)?

La réponse à cette question requiert, au préalable, quelques éclaircissements sur les notions dep rocessus d’intégration et d’inspection du travail. Les traités d’intégration économique s’atta-chent à la création d’un espace économique commun entre plusieurs pays, pour y stimuler leséchanges et la concurrence entre les secteurs productifs. Le Merc o s u r, créé le 26 mars 1991 par leTraité d’Asunción, et dont les Etats membres sont l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uru g u a y,a instauré un processus d’intégration régionale de nature économique, analogue par de nom-b reux aspects à ceux de l’Union européenne et de l’Accord de libre-échange nord - a m é r i c a i n .

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Qu’est-ce que l’inspection du travail etquels en sont les acteurs dans chacundes Etats membres du Merc o s u r?

L’ o rganisation et le fonctionnement des sys-tèmes d’inspection s’inspirent d’une normeinternationale, la convention n° 81 de l’Org a n i-sation internationale du Travail (1947). Lesquatre Etats membres du Mercosur disposentchacun d’un système d’administration du tra-vail. De ce dernier dépend un service d’inspec-tion du travail, chargé de veiller à l’applicationdes dispositions légales relatives aux conditionsde travail et à la protection des travailleurs dansl ’ e x e rcice de leur profession, ainsi que de diff u-ser des informations de nature technique et deconseiller employeurs et travailleurs sur lam e i l l e u re manière d’appliquer les dispositionsl é g a l es 2.

Q u a t re systèmes diff é re n t s

Si l’on parle d’un «système» d’inspection etnon d’un organe ou d’un corps, c’est parexemple parce que l’inspection du travail n’estpas toujours structurée, ni en tant qu’org a n eunique ni en tant que service d’une seule entitéministérielle. Il peut s’agir d’un ensemble decompétences exercées par diff é rentes unitésa d m i n i s t r a t i v e s .

Les quatre pays membres du Mercosur dis-posent de systèmes d’inspection du travail ettous ont ratifié la convention n° 81, mais l’or-ganisation et le fonctionnement de ces sys-tèmes diff è rent sensiblement d’un pays àl ’ a u t re, en raison de divers facteurs qui vont dela politique à l’économie, en passant par lagéographie et l’histoire. Leur fonctionnementdépend, en outre, de la gestion effectuée parl’administration ainsi que de la quantité et dela qualité des re s s o u rces dont elle dispose.

Les constitutions de deux pays du Merc o s u r,le Brésil et le Paraguay, se réfèrent à cette fonc-tion dans leur texte3. Il en va de même pour lesconstitutions de certaines provinces de la Répu-blique argentine. En A rgentine, l’org a n i s a t i o nfédérale du pays a donné lieu à un systèmed’inspection émanant des autorités pro v i n-ciales. Le pouvoir central assure la supervisiondu système au niveau national, ainsi que lesfonctions ord i n a i res de l’inspection dans la capi-tale fédérale. En revanche, au Brésil, républiquefédérative, l’inspection du travail dépend dugouvernement fédéral, les Etats fédérés n’étantpas compétents (à l’exception de l’Etat de SãoPaulo, qui compte, parallèlement à l’org a n efédéral, un corps d’agents de la sécurité du tra-

vail). Au Paraguay et en Uru g u a y, Etats uni-t a i res, l’inspection du travail relève de diverso rganes du pouvoir central.

Les deux domaines nettementséparés en Arg e n t i n e

Une caractéristique est commune auxq u a t re membres du Mercosur: les inspecteurssont spécialisés selon leurs fonctions, même si,dans chacun des pays, le mode d’org a n i s a t i o nest diff é re n t .

En A rgentine, les deux domaines fonction-nels du système d’inspection sont nettementséparés: d’une part, travail en général, d’autrepart, sécurité et hygiène. Cette séparation sere t rouve aussi bien au niveau fédéral qu’auniveau provincial. Au Brésil, on distingue ledomaine des normes du travail et des re l a t i o n sp rofessionnelles, confié aux «Fiscais do tra-balho», du domaine de la sécurité et de lasanté au travail, dont sont chargés ingénieurset médecins du travail. Deux secrétariats dum i n i s t è re du Travail sont à la tête des branches«travail» et «sécurité et santé». Dans les Etatsfédérés, la coordination des opérations s’eff e c-tue par l’intermédiaire des délégations régio-nales («Delegacías regionais»). Au Paraguay, ladivision d’ord re administratif se situe entreinspecteurs du travail et inspecteurs de lasécurité, qui dépendent respectivement dedeux directions distinctes du ministère de laJustice et du Travail. En Uru g u a y, les inspec-teurs du travail font partie de la même divi-sion administrative, mais il existe deux spéci a-lités selon la fonction exercée. Elles portent surles «conditions générales de travail» et sur les«conditions du milieu de travail».

Une autre caractéristique commune auxm e m b res du Mercosur est due à la taille consi-dérable des territoires nationaux et aux dispa-rités du peuplement: alors que les servicesd’inspection assurent une couverture accep-table des capitales et des grandes villes, leurprésence s’affaiblit dans les régions plus éloi-gnées et leurs activités dans le secteur agricolesont très limitées.

En matière sociale, le Merc o s u rentraîne-t-il des réperc u s s i o n scomparables à celles des autre sp rocessus d’intégration?

Aux termes du traité fondateur du Merc o-s u r, l’élargissement des marchés nationauxactuels est une condition essentielle pour accé-l é rer le développement économique de chaque

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pays dans le respect de la justice sociale. A finde re n f o rcer le processus d’intégration, lesEtats membres s’engagent à harmoniser leurlégislation dans les domaines concernés. L’ a r-ticle premier du traité prévoit la libre circ u l a-tion des biens, des services et des facteurs dep roduction, ainsi que la coordination des poli-tiques macroéconomiques et sectorielles enm a t i è re de commerce, de relations extérieure set d’agriculture. Il n’est pas fait mention de lapolitique sociale, mais le texte ajoute: «etd ’ a u t res politiques qui seront adoptées […]a fin de garantir des conditions de concurre n c eéquitables entre les Etats membre s » .

C o o rdonner les politiques sociales

A la lumière du Traité d’Asunción, on peutenvisager une coordination des politiquessociales et l’harmonisation du droit social, afinde re n f o rcer l’intégration et de garantir desconditions de concurrence appropriées. Telle aété, dès l’origine, l’interprétation du traitéqu’ont effectuée, voire préconisée, de nom-b reux secteurs syndicaux.

Une question se pose immédiatement: lac o o rdination et l’harmonisation dans ledomaine social sont-elles réellement oppor-tunes et nécessaires aux fins du traité? Si laréponse est affirmative, une autre interro g a-tion surgit: quelles méthodes et quels moyensva-t-on employer à cet effet? Reste une tro i-sième question: quel sera le rôle de l’adminis-tration du travail, en particulier de l’inspectiondu travail?

Comment la coord i n a t i o net l’harm o n isation dans le domainesocial sont-elles réalisées?

La pre m i è re des trois questions qui vien-nent d’être posées trouve sa réponse dans cer-taines déclarations et certains événements quiont suivi la signature du traité, notamment laDéclaration des ministres du Travail du 9 mai1991. Aux termes de cette déclaration, lesm i n i s t res jugent nécessaire de «faire en sorteque le processus d’intégration s’accompagned’une amélioration effective et d’une re l a t i v eégalité en matière de conditions de travail»dans les pays signataires du traité4.

Cette déclaration a été immédiatement sui-vie par la création du Sous-Groupe de travailn° 11 sur les «Questions relatives au travail»,qui devait donner une dimension constitu-tionnelle au contenu de la déclaration ministé-rielle. En effet, le sous-groupe a entamé une

analyse des problèmes inhérents au processusd’intégration économique en matière d’em-ploi, de relations professionnelles et de sécu-rité sociale.

Le Communiqué commun des présidents,en date du 17 janvier 1994 (Colonia, Uru g u a y )est une autre déclaration significative. Leschefs d’Etat ont souligné l’importance querevêtent, pour la construction du marché com-mun, les questions liées à l’emploi, aux migra-tions, à la protection des travailleurs et au pro-cessus d’harmonisation des législations dutravail des Etats membre s .

Quels sont les méthodes et les moyensde la coordination politiqueet de l’harmonisation des législations?Quelle a été la voie suivie parles autres processus d’intégrationet quel rôle l’administration du travaily joue-t-elle?

On re m a rquera que chacun des accord sd’intégration qui illustrent notre pro p o sapplique une méthode qui lui est pro p re .Parmi ses objectifs, l’Accord de libre - é c h a n g en o rd-américain (Alena) mentionne certainsbuts à caractère social: création de nouvellespossibilités d’emploi, amélioration des condi-tions de travail, protection, re n f o rcement etapplication effective des droits fondamen-taux des travailleurs. Aux termes de l’Accordn o rd-américain de coopération en matière detravail (1993), complémentaire à l’Alena, lesEtats membres se déclarent résolus à pro-m o u v o i r, dans le cadre de leurs pro p res lois,un développement économique fondé surdes niveaux élevés de formation et de pro-d u c t i v i t é .

Se conformer à la législationdu travail dans chaque pays

Parmi les diff é rentes mesures dont dépendla réalisation des buts re c h e rchés par l’accord ,on peut relever celles consistant à «inciter,dans chaque pays, les employeurs et les tra-vailleurs à se conformer à la législation dutravail et à œuvrer de concert pour garantirun climat professionnel pro g ressiste, juste,sûr et sain». Dans cette optique, les trois paysde l’Alena prévoient de s’appuyer «sur lesmécanismes et les institutions dont ils dispo-sent» pour atteindre les objectifs économiqueset sociaux du traité. Deux de ces objectifsconsistent respectivement à «promouvoir lerespect et l’application effective de la législa-

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tion du travail de chacune des parties» et à« p romouvoir la transparence dans l’adminis-tration de la législation du travail»5.

Des dispositions minimales

Pour ce qui est de l’Union européenne, endehors de la législation extrêmement abon-dante édictée au fil des ans sur les migrationset la sécurité sociale, l’article 118 a) du traitéfondateur de l’Union rend obligatoire l’instau-ration, au niveau communautaire, de disposi-tions minimales pour promouvoir l’améliora-tion du milieu de travail. Pour donner suite àl’action des diff é rentes institutions commu-n a u t a i res, la Commission européenne a étéc h a rgée d’élaborer une dire c t i v e - c a d re devantservir de référence à des directives plus spéci-fiques, destinées à prévoir l’ensemble desrisques relatifs à la sécurité et à la santé sur lelieu de travail.

En résumé, l’Alena a choisi de mettre l’ac-cent sur l’application des législations internesde chaque pays, tandis que l’Union euro-péenne a opté pour une législation commune.Ainsi, les pays de l’Alena entendent faire appelà leurs administrations du travail pour prati-quer une politique visant à appliquer au mieuxles normes existantes, sans qu’il soit procédé àaucune harmonisation et sans rappro c h e m e n tdes législations. Pour les quinze pays del’Union européenne, le rôle de l’administrationdu travail consiste à élaborer de nouvellesnormes et à adapter les normes existantes auxrèglements et directives communautaire s .

Quelles ont été les conséquencesd e s traités d’intégration économiquea u t res que le Merc o s u r, et de la législa-tion qui en découle, sur les serv i c e sd’inspection du travail?

Parmi les engagements nés des accords del’Alena sur le travail, fig u rent le respect deslégislations nationales du travail et l’applica-tion effective de ces législations au moyen dem e s u res gouvernementales appropriées. Plu-sieurs de ces mesures concernent l’inspectiondu travail. On peut citer les suivantes:

• nommer et former les inspecteurs;• surveiller l’application des lois et enquêtes

sur les violations présumées, y compris aumoyen d’inspections sur le terrain;

• e n t a m e r, au moment opportun, les pro c é-d u res permettant d’appliquer les sanctions

et de trouver les solutions appro p r i é e slorsque la législation du travail a été violée,et garantir la réalisation d’enquêtes sur lesviolations présumées lorsque la personnei n t é ressée en fait la demande;

• p romouvoir la connaissance du droit dutravail parmi le public. Pour ce faire, ilconviendrait notamment de re n d re dispo-nibles et de diffuser les informations re l a-tives à la législation du travail et aux pro c é-d u res permettant son application eff e c t i ve6.

Principes à pro m o u v o i ren matière de travail

En définitive, la plupart des «principes enm a t i è re de travail», des lignes directrices queles parties s’engagent à promouvoir dans lesconditions établies par leur législation interne,relèvent du domaine d’action habituel de l’ins-pection: interdiction du travail forcé, limitationdu travail des mineurs, obligation d’assure rdes conditions de travail décentes, préventiondes lésions et des maladies d’origine pro f e s-s i o n n e l l e .

L’inspection du travail pourrait égalementveiller à assurer la promotion et l’application dela liberté d’association et de la protection dud roit d’organisation, du droit à la négociationcollective et du droit de grève, de la suppre s s i o ndes discriminations en matière d’emploi, del’égalité des salaires entre hommes et femmes etla protection des travailleurs migrants.

En ce qui concerne l’Union européenne, ilest précisé, parmi les dispositions générales dela Dire c t i v e - c a d re 89/391/CEE du 12 juin,mentionnée plus haut, que «les Etats membre sa s s u re ront, en particulier, un contrôle et unesurveillance appro p r i é s » .

Les directives spécifiques qui découlent dela dire c t i v e - c a d re consacrent, le plus souvent,un article à la défense des droits. Ainsi, laD i rective 92/85/CEE du 19 octobre, relative àl’application des mesures destinées à pro m o u-voir l’amélioration de la sécurité et de la santéau travail des femmes enceintes, établit desm e s u res de protection contre les risques,concernant le travail de nuit, les congés dematernité et l’interdiction du licenciement. Lamême directive oblige les Etats membres ài n t é g rer à leurs normes juridiques des mesure spermettant aux femmes de faire valoir leursd roits par voie juridictionnelle et/ou, confor-mément aux législations et/ou aux pratiquesnationales, par le recours à d’autres instancescompétentes, en l’occurrence les org a n i s m e sc h a rgés de l’inspection du travail.

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Comment a-t-on procédé jusqu’àprésent dans le Mercosur pourre c o n n a î t re les diff é rences, rappro c h e rles institutions, œuvrer en coopérationet élaborer des stratégies communesen matière d’inspection du travail?

Dans la zone Merc o s u r, l’inspection du tra-vail n’a pas, jusqu’à présent, joué un rôle trèsimportant. Les conséquences économiques desconditions de travail et de la protection socialesur les échanges commerciaux ont retenu l’at-tention des gouvernements et des acteurssociaux du Mercosur et donné lieu à un certainn o m b re de réflexions, de débats et d’études.Les «asymétries» entre les législations natio-nales et les diff é rents systèmes de re l a t i o n sp rofessionnelles pourraient être à l’origined’avantages ou de désavantages comparatifse n t re les pays membres. Certaines déclarationsministérielles, conjointes ou non, et certainesm e s u res prises à l’échelle nationale, ainsiqu’un petit nombre d’activités mises en œuvrede concert par les responsables nationaux dessystèmes d’inspection du travail, constituentdes points de re p è re permettant d’évaluerl’importance attachée à cet instru m e n t .

Des objectifs clairs

Les questions qui ont été jugées d’intérêtgénéral sont les suivantes: la lutte contre toutesles formes de fraude en matière de travail;l’optimisation des re s s o u rces humaines etmatérielles afin d’assurer un contrôle eff i c a c ede l’application des normes du travail dansl’ensemble des territoires nationaux; l’encoura-gement, le développement et le traitementp r i o r i t a i re de l’œuvre préventive et éducativede l’inspection du travail; la promotion de laformation et du recyclage du personnel desd i ff é rents secteurs de l’inspection du travail 7.Plusieurs de ces questions d’intérêt généralsont devenues des objectifs précis des servicesnationaux d’inspection.

C o n t re le «dumping social»

En A rgentine, deux mesures sont dignesd’intérêt. Tout d’abord, on peut citer les pro-grammes de lutte contre le travail clandestinet l’évasion prévisionnelle, fondés sur le prin-cipe selon lequel «le travail non déclaré est enréalité une forme de «dumping social» entreles diff é rentes zones de production, ce qui estinadmissible au niveau national comme auniveau international»8. Ensuite, le pro c e s s u s

de réforme du système d’inspection du tra-vail. Celui-ci a été engagé grâce à l’impulsiondonnée par l’accord - c a d re sur l’emploi, lap roductivité et l’équité sociale, qui a permisd’accomplir les tâches nécessaires de supervi-sion, de contrôle et de formation des servicesp rovinciaux d’inspection du travail, ainsi quela coordination et la coopération avec ces der-niers, laquelle s’exerce actuellement par l’in-t e r m é d i a i re de la Direction de l’inspection dutravail et des relations professionnelles indi-v i d u e l l e s .

Des mesures de lutte

Au Brésil, les secrétariats de la «Fiscaliza-çao do Trabalho» et de la «Segurança e Saúdeno Trabalho» se constituent en organes supé-rieurs de direction. Un fait récent revêt uneimportance particulière: le ministère du Tr a-vail, après avoir proclamé, au nombre de sesobjectifs stratégiques, celui «d’assurer l’appli-cation des lois de protection des travailleurs»9,a pris des mesures de lutte contre le travail enservitude ou dégradant et le travail desenfants. A cette fin, les Services mobiles d’ins-pection ont été re n f o rcés, ainsi que les cam-pagnes de contrôle privilégiant l’obtention derésultats concrets en matière sociale, commel’inscription des employés, la régularisation duversement des salaires et les cotisations auF G TS 1 0.

Deux préoccupations: le travailclandestin et les accidents du travail

Au Paraguay, où l’inspection du travail estmoins développée que dans les autres pays duM e rc o s u r, diverses interventions ont été eff e c-tuées dans des ateliers clandestins, «à titre desoutien aux entreprises du secteur structuré del ’ é c o n o m i e »11. En Uru g u a y, deux des préoccu-pations du gouvernement concernent le travailclandestin des étrangers et la sécurité au tra-vail. Pour répondre au premier problème, desplans d’inspection ont été mis sur pied, «afinde placer les travailleurs étrangers dans lamême situation que les travailleurs natio-n a u x »1 2. Ces inspections ont d’abord eu lieudans les plantations de riz, qui comptaient destravailleurs brésiliens en situation irrégulière .Quant au problème des accidents du travail,notamment dans le secteur de la constru c t i o n ,il a fait l’objet d’un long processus de concerta-tion avec les acteurs sociaux de ce secteur etd’une activité de contrôle intensive de la partdes inspecteurs.

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Des visites d’inspection conjointe

Les responsables des inspections du travaildes Etats membres ont tenu des réunionsayant pour but d’aborder des questions d’inté-rêt commun et de faire mieux connaître lefonctionnement de leurs institutions re s p e c-tives. Ils se sont mis d’accord sur la réalisationde visites conjointes d’agents du secteur publicdes quatre pays (une pre m i è re expérience adéjà eu lieu en Uruguay) et ils ont encouragéles travaux visant à mettre au point un formu-l a i re type commun.

En conclusion, les systèmes d’inspection dutravail du Mercosur continuent de répondreaux priorités nationales. Si l’on n’a abouti àaucune harmonisation des institutions, àl’image de l’Union européenne, on est enrevanche parvenu à développer l’applicationde la législation nationale, mais sans que lesEtats membres aient été liés par des engage-ments, comme dans le cas de l’Alena. Si leM e rcosur devait évoluer vers une harmonisa-tion des législations, l’étape suivante seraitd’en exiger la réalisation effective, ce quiconstituerait un défi de premier ord re pour lesadministrations nationales du travail, surtoutsi celles-ci en étaient responsables devant unéventuel organe de contrôle. Quoi qu’il en soit,l’amélioration de l’organisation et de l’eff i c a-cité de l’inspection du travail, loin d’êtreabsente du phénomène de l’intégration, est auc o n t r a i re stimulée par l’existence du Merc o s u r,et pourra contribuer à l’objectif d’un dévelop-pement économique respectueux de la justicesociale, fondement du traité.

N o t e s

1 Colina, M.; Ramírez, J. M.; Sala, J.: «Derecho socialcomunitario» (Droit social communautaire), Valencia, 1991.

2 Article 3.1 a ) et b ) de la convention n° 81 de l’OIT.3 Brésil, Constitution de 1988 – article 21: «L’Union est

compétente pour: XXIV – org a n i s e r, maintenir et mettre enœ u v re l’inspection du travail.» Paraguay, Constitution de1992 – article. 99. «De l’application des normes du travail.L’application des normes du travail et de la sécurité et del’hygiène au travail demeure soumise au contrôle des auto-rités instituées par la loi, laquelle détermine les sanctions àappliquer en cas de violation.»

4 Point II de la Déclaration de Montevideo du 9 mai 1991.5 A c c o rd nord-américain de coopération en matière de

travail, 1993, article 1 f ) et g ).6 I b i d ., article 3.1 a ), b ) et g ).7 Actes de la réunion préparatoire (25 avril 1996) du pre-

mier séminaire technique sur l’inspection du travail dans leM e rc o s u r.

8 C a ro Figueroa, A., ministre du Travail et de la Sécuritésociale: «La Urgente Reforma de la Inspección del Tr a b a j o »(La réforme de l’inspection du travail est urgente), BuenosA i res, avril 1996.

9 «Plano de Açao. Um compromiso com a Mudança1996-1998. Ministerio do Trabalho» (Plan d’action. Un enga-gement en tant que changement 1996-1998. Ministère duTr a v a i l ) .

10 « I n s t rucción normativa» (Instruction réglementaire )n° 01/96, 25 mars 1996.

11 «Las relaciones laborales en Paraguay» (les re l a t i o n sp rofessionnelles au Paraguay), p. 134. Rapport Relasur, OIT,Madrid, 1996.

12 Piñeyrúa, A, ministre du Travail de l’Uru g u a y. Décla-rations au quotidien El País, Montevideo, 25 juillet 1996.

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La présente étude a été précédée de l’ou-vrage intitulé «La sécurité sociale dans le Mer-cosur» que l’auteur précité a préparé en tantque contribution aux activités de la Commis-sion technique du Sous-Groupe n° 11. CetteCommission était chargée d’examiner le thèmede la sécurité sociale, qui constituera la base desconsidérations ci-après. Le thème spécifique dela sécurité sociale dans les processus d’intégra-tion sera abordé dans une optique théoriquetenant compte des progrès réalisés au sein duM e rc o s u r, et en se référant à l’action de l’OIT,avant de conclure avec quelques considérationssur la Convention multilatérale qui devraitbientôt être approuvée dans la sous-région.

L i b re circulation de la main-d’œuvre

Au fil de l’histoire, toutes les civilisationsont connu des phénomènes migratoires. Et l’onsait que les migrations n’ont pas toujours étéun phénomène négatif; au contraire, dansbeaucoup de cas, elles ont contribué à la créa-tion et à la rénovation de sociétés. Habituelle-ment, les migrations sont réparties en deuxg roupes: celles qui sont motivées par desconditions politiques et celles qui sont dues àdes causes économiques; les pre m i è res inter-viennent en général sans que les intére s s é saient vraiment la possibilité de souhaiter cequ’ils décident de faire, tandis que lessecondes peuvent être la libre expression d’undésir personnel de chercher des possibilitésd ’ a m é l i o rer sa situation.

Il convient de rappeler que le droit à l’émi-gration est reconnu par la constitution natio-nale dans bien des pays et que ce droit fig u redans la Déclaration des droits de l’homme,p roclamée par les Nations Unies en 1948(article 13.2). Il faut toutefois re c o n n a î t req u ’ a u j o u rd’hui encore il existe des dispositionsadministratives qui limitent tant l’entrée que lasortie des personnes.

Les processus d’intégration corre s p o n d e n tà des objectifs concrets, tels que la création

d’«unions douanières», pour passer ensuite àdes marchés communs avec des politiquescommunes, mais il ne fait pas de doute quel’objectif fondamental et primordial est d’ac-c ro î t re le bien-être des populations en amélio-rant la sécurité politique et économique dechaque habitant et de chaque famille, et poura t t e i n d re cet objectif, la libre circulation desfacteurs de production cesse d’avoir unique-ment un pro fil économique pour devenir unthème social d’un haut niveau de priorité.

C’est pourquoi, les décisions des paysconcernés par le processus d’intégration com-p rennent habituellement dès le début des dis-positions réglementaires sur des aspectssociaux, parmi lesquels la sécurité sociale joueun rôle prépondérant1. Dans le cas du Merc o-s u r, l’orientation économique du processus n’apas empêché qu’une grande importance soita c c o rdée aux questions sociales, qui ont ététraitées, sous forme tripartite, par le Sous-G roupe n° 11 et ses commissions techniques etdont s’occupent actuellement le Sous-Gro u p en ° 10 et d’autres organes compétents de lanouvelle stru c t u re .

P rotection apportée aux travailleursmigrants par la sécurité sociale

Dans le domaine de la sécurité sociale, lesp rocessus d’intégration comportent les objectifsd’harmonisation et de coordination, dont leséléments principaux sont examinés ci-après:

a) L’ h a rmonisation de la politiqueet de la législation re l a t i v e sà la sécurité sociale

Au début des processus d’intégration, lessystèmes de prévoyance sociale sont diff é re n t set il est nécessaire de fixer des objectifs d’har-monisation afin de réduire ces diff é rences, cequi implique des changements et des réformesdes législations nationales relatives à des ques-tions telles que la couverture des régimes de

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La sécurité sociale et les processus d’intégration:le Merc o s u r

A l f redo H. Conte-GrandSpécialiste principal en matière de sécurité sociale

ETM/OIT Santiago

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p rotection, les conditions pour le versement dep restations et le niveau de ces prestations, lesméthodes de fin a n c ement, leur équilibre et leurniveau de justice distributive, les caractéris-tiques de la gestion, etc. Le processus d’harmo-nisation est par conséquent très complexe,d’autant plus que les différences de structuresdémographiques et sociales existant danschaque pays ont une influence directe sur lecoût des programmes; en effet, ces pro g r a m m e ssont conditionnés par les variables démogra-phiques, les niveaux de rémunération, d’emploiainsi que les conditions générales de travail,d’emploi et de santé des populations couvertes.

Le premier défi qu’il faut relever consistepar conséquent à déterminer la portée quel’on souhaite donner à l’harmonisation, quipeut aller de l’harmonisation la plus rigide –qui sera considérée comme équivalant à uneu n i fication – à l’harmonisation la plus fle x i b l e ,qui n’implique qu’une concordance de sys-tèmes basés sur des principes généraux diff é-rents (Tamburi, 1992). Il est évident qu’on nepeut pas forcer l’unification de régimes dontl’évolution est liée à la collectivité danslaquelle on vit et on travaille, et qui présentesouvent des diff é rences fondamentales, au seind’un même pays. De plus, il faut déterminer sil’objectif de l’harmonisation des systèmes depensions ou de sécurité sociale doit donner lapriorité aux aspects économiques ou auxaspects sociaux. Dans le premier cas, c’est-à-d i re si l’objectif est d’éviter une inégalité desconditions de concurrence au sein d’un mar-ché commun unique, l’harmonisation devraitê t re axée, par exemple, sur les sources et lesniveaux des contributions qui s’ajoutent aucoût salarial de la main-d’œuvre, notammentle niveau des cotisations versées par les entre-prises et l’impact de ces cotisations et des pre s-tations sur la consommation. Si, au contraire, ils’agit de niveler les conditions de vie et detravail de tous les pays, le processus d’harmo-nisation devra être orienté de préférence versle rapprochement des niveaux de pre s t a t i o n set du degré de satisfaction que ces pre s t a t i o n sde prévoyance sociale pro c u re n t .

Un autre défi consiste à s’assigner pour butque tous les pays arrivent à un niveau moyenou à un nivellement par le bas, en pre n a n tpour référence le pays le plus avancé, ou àfixer des objectifs sur la base de référe n c e sexternes à la région, comme par exemple l’in-t roduction des niveaux fixés par les conven-tions de l’OIT ou d’autres entités. Reconnaîtreles évolutions diff é rentes qu’ont connues lessystèmes de protection des divers pays concer-

nés semble jouer un rôle clé car il serait erro n éde vouloir re c o n s t ru i re le passé, alors que cequi importe est de bâtir l’avenir (Ta m b u r i ,1992). Les difficultés qui doivent être surmon-tées pour arriver à une harmonisation sem-blent avoir été acceptées par les pro c e s s u sd’intégration qui ont une plus longue expé-rience, tels celui de l’Union européenne, et l’onchoisirait une voie diff é rente en décidant def a i re une distinction entre la convergence despolitiques (objectifs) et la convergence des sys-tèmes (modalités pour réaliser les objectifs) enm a t i è re de sécurité sociale.

Une certaine norm a l i s a t i o nde concepts et de critères politiques

Un autre critère, plus exactement d’orien-tation vers les aspects économiques, consiste-rait à promouvoir la conclusion d’accordsquand des thèmes sociaux ont un impactdirect sur l’évolution du processus d’intégra-tion, c’est-à-dire que les pays restent librestant que les régimes de protection sociale neconstituent pas un obstacle pour la créationd’un marché commun. Les pays pourraientencourager l’adoption d’accords plus fermeset/ou rigides sur les buts de protection devantêtre atteints et accorder une plus grande flexi-bilité en ce qui concerne les instrumentsdevant être utilisés pour réaliser ces objectifs.De même, ils devraient mettre sur pied desmécanismes d’analyse pour déterminer lesmesures de convergence qui sont nécessairesquand les asymétries ont un impact négatifsur la réalisation des grands objectifs écono-miques et sociaux de l’intégration. Cela signi-fie que le critère peut consister à accepter lesmodèles mis en place par chacun des pays –car vouloir encourager ces pays à renoncer àleur modèle peut être une ambition peu réali-sable –, tout en adoptant une certaine normali-sation de concepts et de critères politiques enla matière, ce qui permettra de susciter deschangements futurs dans le même sens et avecdes critères des pays qui s’intègrent ou quiessaient de le faire.

Les facteurs qui ont une incidence

Pour ce qui est du profil économique del’harmonisation de la sécurité sociale, le débatest centré sur le thème des «charges sociales»;l’analyse de ces charges sociales n’a pas seule-ment pour but de connaître les montants desretenues sur les feuilles de paie, car ce qui estvraiment intéressant c’est de déterminer l’im-

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pact du financement de la sécurité sociale surla capacité de concurrence des entreprises.Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que, encomparant les charges sociales, il est très diffi-cile – voire impossible – d’arriver à des résul-tats valables. Aussi l’analyse doit être beau-coup plus complète, surtout si l’on tientcompte de la longue expérience de l’Unioneuropéenne au cours de laquelle beaucoupd’études économiques ont démontré le rôlevraiment minime que jouent les disparités decharges sociales existant entre les pays en tantque facteur de distorsion de la concurrence, de«délocalisation» ou de détournement des fluxd’investissement (Van Raepenbusch, 1992).

Néanmoins, les facteurs qui ont une inci-dence sont les diff é rences de taux de pro d u c t i-vité, le degré d’innovation technologique, l’ex-istence d’autres charges innombrables quipèsent sur les entreprises (impôts, frais detransport, etc.), les disparités entre les sourcesde financement de la sécurité sociale, leur im-pact réel sur les stratégies des entreprises, lesprises de position des organisations syndicaleset le degré d’intervention des pouvoirs publicssur le «marc h é » .

En conclusion, on peut affirmer que, commece qui s’est passé au sein de l’Union euro p é e n n e– le processus d’intégration qui a la plus longueexpérience et qui a essayé d’aborder ce thèmede toutes sortes de façons –, il est très difficiled’aller de l’avant et il faut mettre en place unprocessus permanent de recherche et d’étudespermettant de promouvoir toutes les mesuresreconnues comme ayant un effet positif sur laconvergence et essayer de minimiser les me-s u res qui pourraient avoir une influence néga-tive sur la libre concurrence au sein du marc h éc o m m u n a u t a i re .

b) La coordination des législationssur la législation sociale aux fin ss p é c i fiques de la pro t e c t i o ndes travailleurs migrants

Les difficultés que présente ce processus dec o o rdination ne semblent pas être aussi com-plexes que celles de l’harmonisation. Pourconserver la couverture en cas de déplace-ments de ce genre, il faut une coordination deslégislations sur la sécurité sociale qui peut êtreétablie au moyen de conventions de coord i n a-tion (bilatérales ou multilatérales) n’impli-quant pas de changements de la législation dechaque système national. La coordination deslégislation de sécurité sociale est une préoccu-pation ancienne qui est résultée de l’impor-

tance des flux migratoires en Europe dès ledébut du siècle, et les solutions sont étro i t e-ment liées à l’action normative de l’OIT, prati-quement depuis sa création (1919)2.

Les accords ou conventions, bilatéraux oumultilatéraux, sur la sécurité sociale s’eff o r-cent, en règle générale, de mettre en œuvre lesq u a t re principes fondamentaux suivants:

• le principe de l’égalité de traitement entreles nationaux et les non-nationaux en ma-t i è re de sécurité sociale;

• la nécessité de déterminer formellement lalégislation de sécurité sociale applicable;

• la conservation des droits acquis ou encours d’acquisition;

• la possibilité d’effectuer le paiement dep restations sur un territoire étranger.

Egalité de traitement. Elle consiste à édicterdes dispositions légales en vertu desquelles lestravailleurs migrants sont inclus dans lechamp d’application des législations de sécu-rité sociale et reçoivent des prestations dansdes conditions égales à celles des travailleursnationaux du pays d’immigration.

Le progrès réalisé à cet égard est trèsimportant et, grâce aux conventions bilatéralesou multilatérales signées par les pays, l’appli-cation de ce principe a pu être étendue dem a n i è re considérable non seulement en ce quiconcerne les travailleurs migrants mais égale-ment les réfugiés3.

Détermination de la législation applicable. I ls’agit de la garantie que les assurés sauro n td’avance quelle législation sera applicable, tantdans le cas des travailleurs qui déploient desactivités professionnelles dans un pays quin’est pas le leur que dans des cas spéciaux telsque ceux des travailleurs affectés temporaire-ment dans un autre pays, des travailleurs quivoyagent sur des territoires diff é rents en assu-mant des tâches de transport ou autres, et éga-lement des gens de mer.

Ces dispositions permettent de déterminerc l a i rement quelle législation sera applicable etde garantir qu’une seule législation sera appli-quée, ce qui permet d’éviter les conflits oud i v e rgences juridiques entre les législationsdes pays.

En général, la législation applicable est celledu pays sur le territoire duquel les activitéssont déployées, mais il faut en outre tro u v e rdes solutions pour les cas spéciaux tels queceux des travailleurs qui voyagent ou pour le

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cas très spécial des gens de mer. Dans ce der-nier cas extrêmement spécial, on prend commebase le siège de l’entreprise, le lieu de rési-dence des intéressés, le pays du pavillon ou lepays d’immatriculation des navire s .

Quel que soit le type de travail, l’objectif esttrès concret: garantir la protection des tra-vailleurs migrants et décider que seule unelégislation déterminée régit les droits et lesobligations de chaque travailleur.

Conservation des droits acquis ou sur le pointd ’ ê t re acquis. Le critère de l’assignation ded roits aux citoyens basé sur la «territorialité»,c ’ e s t - à - d i re sur le fait de résider eff e c t i v e m e n tdans un pays, a été transformé par la sécuritésociale moderne, pour des causes diverses, enun droit «personnel» qui trouve son fonde-ment dans des concepts fondamentaux deslégislations pertinentes, notamment en ce quiconcerne l’organisation fin a n c i è re et le droit àdes pre s t a t i o n s .

Ce thème a des connotations différentesdans chaque branche de prestations et aussiselon qu’il s’agit du travailleur ou de safamille, car dans ces cas le plus important estsouvent de résoudre les problèmes de «territo-rialité».

La méthode de la totalisation doit per-m e t t re de tenir compte de toutes les pre s t a-tions de services du travailleur, notammentaux fins de retraite et de pensions et de l’éga-lité de traitement, et elle sert aussi à répartir lac h a rge fin a n c i è re des divers régimes qui inter-viennent dans la reconnaissance des dro i t s .

Paiement des prestations à l’étranger. Ce prin-cipe consiste à supprimer toute condition deterritorialité imposée par les législations desécurité sociale et intéresse non seulement letravailleur mais également sa famille quandles intéressés résident occasionnellement dansun autre pays que celui dans lequel les pre s t a-tions étaient perçues.

L’importance de ce principe a été re c o n n u edans la réalité en ce qui concerne les systèmesde pensions, mais dernièrement aussi dansd ’ a u t res branches de la sécurité.

Les méthodes qui sont utilisées pour lespaiements varient, mais ces derniers temps ona vu apparaître de meilleures possibilités d’ap-porter des changements à la gestion internatio-nale des flux financiers. Il ne faut pas seule-ment tenir compte de ces possibilités, maisaussi des pro c é d u res de contrôle administratifet – dans certains cas – médical que doiventrespecter les bénéfic i a i re s .

L’action et les normes de l’OIT

La protection des travailleurs employésdans un pays qui n’est pas leur pays d’originea occupé une place importante dans les activi-tés de l’OIT. Le préambule de la Constitutionmentionne la défense des intérêts des tra-vailleurs migrants parmi les objectifs priori-t a i res de l’OIT. L’article 427 du Traité de Ve r-sailles, qui énonçait les principes générauxinclus dans le texte initial de la Constitution,ajoutait que: «les règles édictées dans chaquepays au sujet des conditions de travail devro n ta s s u rer un traitement économique équitable àtous les travailleurs qui résident légalementdans le pays».

Cette préoccupation profonde de l’OITenvers les travailleurs migrants a notammentconduit à l’adoption de conventions et derecommandations les concernant et à l’encou-ragement de débats et d’échanges de vues4.

Plus grande liberté de circ u l a t i o nde la main-d’œuvre

Divers facteurs sont à l’origine du pro c e s-sus de changement et de mise à jour desnormes relatives à la sécurité sociale des tra-vailleurs migrants. A côté de l’évolution desdoctrines, on observe des changements del’orientation et de l’importance des flux migra-t o i res et on assiste à la constitution de commu-nautés économiques de pays dans certainesrégions, et ces communautés pro c l a m e n tparmi leurs pro p res objectifs une plus grandeliberté de circulation de la main-d’œuvre dansles zones communautaire s .

Un réseau dynamique de dispositions

Les instruments multilatéraux de ce genrequi ont été adoptés en Europe et aussi dansd ’ a u t res régions ou sous-régions, notammenten Afrique et en Amérique latine, contiennentdes dispositions qui s’inspirent en grande par-tie des normes internationales de l’OIT et quiviennent se superposer ou qui accompagnentles nombreux accords et conventions bilatérauxsignés par des pays exportateurs et importa-teurs de main-d’œuvre. Le résultat global estun réseau de dispositions de coordination deslégislations sur la sécurité sociale qui ont unc a r a c t è re très dynamique et dont le nombre etla portée s’accroissent chaque année.

La convention (n° 118) sur l’égalité de trai-tement(sécurité sociale),1962,satisfait aux exi-gences des Etats en la matière, mais il semble

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que le nouveau modèle normatif ne se soitpleinement concrétisé qu’en 1982, avec l’adop-tion par la Conférence internationale du Tra-vail d’une nouvelle convention (n° 157) sur laconservation des droits en matière de sécuritésociale. Cette dernière convention ne contientpas de normes spécifiques visant à faire res-pecter l’égalité de traitement, étant donné quele principe a été énoncé et traduit en normesinternationales par la convention n° 118, et seconcentre sur les normes relatives à la conser-vation des droits acquis, ou qui sont en traind’être acquis, et au paiement des prestations àl’étranger.

Ce nouvel instrument est applicable auxnouvelles branches de la sécurité sociale déjàacceptées dans la convention (n° 102) concer-nant la sécurité sociale (norme minimum),1952, et, en vertu du principe que tous lesmigrants qui se déplacent d’un pays à un autredoivent être protégés, son champ d’applicationindividuel n’a pas de limites.

Le système de conservation des droits pro-posés par la nouvelle convention contient desnormes relatives à la conservation du droit àdes prestations, y compris aux dispositionsque devront prévoir les conventions bilatéralesou multilatérales, plus particulière m e n t :• En ce qui concerne les branches de la sécu-

rité auxquelles elles seront applicables.Dans ce sens, le système est de grande por-tée et prend en considération toutes lesbranches reconnues par les conventions del ’ O I T, ainsi que les prestations et la réadap-tation que ces conventions prévoient.

• Pour ce qui est de la catégorie de personnesvisées, parmi lesquelles il mentionne, enplus des salariés, les travailleurs fro n t a l i e r set saisonniers, les familles et les réfugiés oua p a t r i d e s .

• Les conventions devront préciser les moda-lités de remboursement des prestations etcontenir des règles pour éviter une accu-mulation indue de pre s t a t i o n s .

La convention n° 157 a été complétée en1983 avec l’adoption de la re c o m m a n d a t i o nc o m p l é m e n t a i re (n° 167) concernant l’établis-sement d’un système international de conser-vation des droits en matière de sécurité sociale,qui a pour objet de présenter en détail lesmodèles de dispositions techniques d’applica-tion et qui comprend une annexe avec des dis-positions types pour l’adoption d’instru m e n t sbilatéraux ou multilatéraux de sécurité socialeet une autre annexe avec un modèle d’accord

pour la coordination d’instruments bilatérauxou multilatéraux de sécurité sociale5.

L’OIT a collaboré avec les pays membre spour préparer ou perfectionner des conven-tions dont l’objectif est d’arriver à une coord i-nation des programmes de sécurité sociale.Cette coopération a souvent été apportée sousla forme d’un appui à des organismes régio-naux ou sous-régionaux tels que: la Commis-sion centrale pour la navigation du Rhin, leConseil de l’Europe, les Communautés euro-péennes, l’Organisation des Etats d’Amériquecentrale (connue depuis le 1e r.2.93 sous le nomde système d’intégration d’Amérique centrale,par décision du Protocole de Tegucigalpa de1991), le Merc o s u r, l’Organisation communeafricaine et mauricienne, l’Accord de Carta-gena, la Communauté économique des paysdes Grands Lacs, la Communauté économiquede l’Afrique occidentale et l’Union douanièrede l’Afrique centrale. De plus, des activités dere c h e rche sur ce thème sont déployées en per-m a n e n c e .

En outre, dans le cas du Merc o s u r, la parti-cipation de l’Organisation ibéroaméricaine desécurité sociale (OISS), dont la Convention ibé-roaméricaine de sécurité sociale a constitué unantécédent déterminant, a été très importante.Ladite convention a été signée en janvier 1978par les institutions membres de l’Org a n i s a t i o nà Quito, en Equateur; cette convention, dec a r a c t è re multilatéral, a été ratifiée par la majo-rité des pays et devient applicable par le tru-chement d’accords administratifs qui tiennentcompte des caractéristiques des régimes dechaque pays.

La sécurité sociale des travailleursmigrants au sein du Merc o s u r

Les migrations

La migration pour obtenir un emploi est unphénomène bien connu en Amérique latine, uncontinent qui a une longue expérience de flu xmassifs de migrations provenant d’Euro p e .Actuellement, ces derniers sont plus réduits etla migration internationale intervient entrepays voisins. Une bonne partie des migrantsviennent de régions fro n t a l i è res ou pro c h e sdes fro n t i è res entre les pays qui envoient etreçoivent des migrants. Fort heureusement, lesmigrations ont aussi diminué pour des raisonspolitiques observées dernière m e n t .

La récession économique mondiale a réduitconsidérablement les migrations en A m é r i q u edu Sud, tout comme les diff é rences écono-

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miques et monétaires entre les pays, mais lesmigrations continuent à exister et elles sontimportantes. Dans un proche avenir, on peuts ’ a t t e n d re à des accroissements qui pourraientrésulter des politiques d’ouverture écono-mique et de processus d’intégration réactivésou mis en œuvre récemment.

Les progrès au sein du Merc o s u r

L’harmonisation et la coordination desrégimes de sécurité sociale sont devenues lapréoccupation primordiale du Sous-Groupen ° 11, qui a commencé à déployer ses activitésen ayant pour mandat de procéder à des étudesc o m p a r a t i v e s6 et de déceler les asymétries pou-vant apparaître dans ce domaine. Les progrèsdes discussions qui ont eu lieu lors de réunionssuccessives ont permis d’accorder la priorité authème de la coordination et des travaux prépa-ratoires ont été entrepris pour élaborer uneconvention multilatérale qui permettra d’at-t e i n d re ces objectifs. Des réunions convoquéesavec l’appui de l’OISS et l’examen de ces ques-tions par plusieurs réunions des sous-groupescompétents ont conduit à l’adoption d’una v a n t - p rojet. Le Sous-Groupe n° 10 a demandé,à l’occasion de la réunion qui a eu lieu le 10 mai1996 à Buenos Aires, qu’avant d’être soumispour examen, l’avant-projet soit analysé parune équipe technique tripartite, afin que cetted e r n i è re tienne compte des mesures d’encoura-gement demandées par la 1re réunion des mi-n i s t res du Travail tenue à Punta del Este.

D é s a c c o rd sur les clauses concern a n tles pensions d’invalidité

Cette équipe technique s’est réunie à Gra-nado-Brasil, en août 1996; elle a approuvé desm o d i fications apportées au texte de l’avant-p rojet et a décidé de soumettre ses conclusionsau Sous-Groupe n° 10 lors de sa réunion de-vant se tenir à Brasilia en septembre de lamême année. Au cours de ladite réunion, lep rojet a été présenté comme convenu, mais iln’a pas pu être approuvé car la délégationparaguayenne a maintenu son observation re-lative aux clauses sur les pensions d’invaliditébien que l’approbation de la convention fût lepoint prioritaire de l’ord re du jour.

A sa 5e réunion, le Groupe de travail n° 1 0 ,réuni à Montevideo en août 1997, a décidé derecommander au Groupe du Marché commun( G rupo Mercado Común), et par son intermé-d i a i re au Conseil du Marché commun (Con-sejo Mercado Común), d’approuver à sa pro-

chaine réunion l’«Accord multilatéral de Sécu-rité sociale et son Règlement administratif»,étant entendu qu’après leur approbation leS o u s - G roupe «mettra en œuvre la méthodolo-gie pour le suivi de la convention et de sona p p l i c a t i o n »7.

Tâches devant encore être accompliesau sein du Merc o s u r

La libre circulation à l’intérieur du territoiredes pays signataires du Traité d’Asunciónimplique que des solutions doivent être tro u-vées pour tous les thèmes liés au monde dutravail et également pour d’autres questionsconcernant la famille du travailleur, parmi les-quelles la protection sociale est un élémentfondamental. Ce droit à la protection socialedevra se concrétiser dans le cadre d’un pro c e s-sus allant de pair avec l’évolution qui inter-viendra dans les pays pour tous les re s s o r t i s-sants de chacun des pays concernés. End ’ a u t res termes, l’évolution du processus d’in-tégration devra permettre la réalisation de pro-grès dans les pays en ce qui concerne lesconditions de vie et de travail. S’il s’agit d’as-s u rer l’égalité de traitement aux re s s o r t i s s a n t sdu pays et aux étrangers, il sera diff i c i l e m e n tpossible d’assurer aux étrangers ce qui n’existepas pour les ressortissants du pays.

Des objectifs communs

Il est par conséquent fondamental dans lalogique de l’idée d’harmonisation en vue d’ar-river à une certaine convergence, et par rapportà la couverture de circonstances sociales, quesoient clairement définis des buts précis quipuissent être atteints et qui s’inscrivent dans lec a d re d’objectifs communs. Les discussionssuscitées par la ratification des conventions del’OIT amènent à penser que les objectifs desditsi n s t ruments internationaux pourront êtreadoptés et qu’il sera également possible defixer des objectifs spécialement structurés dansle cadre de la «Charte sociale ou Charte desd roits fondamentaux» qui est à l’examen.

Des objectifs modesteset un système de suivi

En résumé, le processus d’harmonisationpeut être considéré comme l’ensemble desm e s u res qui permettront de rapprocher le pluspossible les divers régimes de pro t e c t i o nsociale. Il faut re c o n n a î t re les difficultés quecela représente tout en fixant des objectifs

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modestes pour ces questions, tant pour lesétapes à parcourir que pour la méthodologie àa p p l i q u e r. De même, il est nécessaire de mettreen place un système de suivi pour évaluer àl’avenir non seulement les besoins d’harmoni-sation existants et les solutions permettantd’aller de l’avant, mais également pour savoirdans quelle mesure l’adoption de solutions enm a t i è re de protection sociale par les payscontribuerait ou non à harmoniser les diff é-rents systèmes. En d’autres termes, lesréformes futures ne pourront pas être conçuesuniquement dans une perspective nationale,mais en tenant compte du Merc o s ur 8.

Assurances privées et systèmesde re t r a i t e

Il y a d’autres thèmes apparentés qu’ilconvient de mentionner, tels que les régimesc o m p l é m e n t a i res de pensions qui doivent éga-lement être harmonisés et coordonnés, ou lerôle diff é rent que jouent dans chaque pays lesassurances privées à but lucratif dans la pro t e c-tion sociale. La convention multilatéralecontient des dispositions relatives aux systèmesde retraite et de pensions de capitalisation indi-viduelle et une clause qui déclare que les enti-tés privées qui participent à ces systèmes ontpour obligation de respecter la convention.

A c c ro î t re et perf e c t i o n n e rla couvert u re

Finalement, il convient de rappeler que lal i b re circulation de la main-d’œuvre est condi-tionnée, dans ce processus, par une coord i n a-tion adéquate des programmes de pro t e c t i o nsociale, qui dans les pays du Mercosur avaitdéjà une base dans les conventions bilatéralesen vigueur, mais qui doit être perfectionnéeavec la convention multilatérale qui devrait êtrea p p rouvée prochainement. Ces pro g r a m m e scouvraient habituellement les prestations fin a n-c i è res des systèmes de pensions, et la nouvelleconvention multilatérale envisage déjà d’ac-c ro î t re et de perfectionner la couverture de cessystèmes pour qu’ils s’étendent aux autre sbranches de prestations, comme c’est le caspour la couverture de la santé des travailleursa ffectés temporairement dans un autre pays quisont en fait déjà inclus dans la convention.

La convention susmentionnée détermine lalégislation qui sera applicable, prévoit que latotalité des périodes de cotisations comptero n t

pour l’obtention du droit à des prestations éco-nomiques et précise les pro c é d u res de mise enœ u v re, qui conjointement avec l’accord admi-nistratif, permettront d’appliquer la conven-tion une fois qu’elle sera appro u v é e .

Une telle complexité re q u i e rtun travail perm a n e n t

Pour l’instrument multilatéral, une orienta-tion flexible a été utilisée afin de pouvoir cou-v r i r, le plus rapidement possible, les gro u p e sde la population qui ne bénéficient d’aucunec o u v e r t u re dans leur pro p re pays, au fur et àm e s u re que la couverture des programmes seraétendue pour devenir finalement universelle.

La complexité et l’importance de ces pro-cessus, ainsi que des activités déployées pourtraiter des cas concrets qui se présentent, nousobligent à re c o n n a î t re que les deux aspectsre q u i è rent un travail permanent, afin d’harmo-niser et de coordonner la sécurité sociale, entant que partie fondamentale des politiquessociales au sein du Merc o s u r.

N o t e s

1 Le Traité de Rome, art. 117 et 118, établit les grandeslignes de la politique sociale de l’Union euro p é e n n e .

2 Se référe r, pour de plus amples informations, à uneétude historique bien documentée sur les origines et ledéveloppement du droit international dans ce domaine (BIT1997). On pourrait également consulter la référence biblio-graphique BIT, 1981.

3 Se référe r, pour avoir des informations sur les accord sbilatéraux, aux titres bibliographiques indiqués pour lesannées 1974, 1984 et 1992b.

4 Voir BIT/CIDSEP ( 1 9 9 3 )5 Pour de plus amples informations, se référer aux titre s

indiqués dans la bibliographie comme suit: BIT- C I D S E P(1993); Elkin (1994); BIT-RELASUR (1994), BIT (1996). Ont rouvera également d’une grande utilité de nombre u s e sétudes et de nombreux travaux de réunions et de sémi-n a i res, dont les suivants: CARI (Conseil d’Argentine pourles relations internationales) et Fondation Konrad A d e n a u e r(1993); Ackermann (1995); ministère de la Providence et del’assistance sociale et MPA S / C E PALC (1996).

6 Le BIT a soutenu ce processus en se chargeant des pro-jets de l’analyse comparative dont l’édition finale s’intituleLa sécurité sociale dans le Merc o s u r (mai 1994).

7 Compte rendu des travaux n° 2/97: Merc o s u r / G M C /S G T- 1 0 .

8 Cette suggestion a été reprise lors des études qui ontservi de sources pour le titre La sécurité sociale dans le Merc o-s u r (1994). On ne dispose pas d’informations qui pourraientindiquer si les réformes mises en œuvre par la suite ont étéexaminées à la lumière de leur impact sur le processus d’in-tégration dans son ensemble.

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TA M B U R I, G.: «Los sistemas de pensiones enE u ropa de los 90», dans Los sistemas de segu-ridad social y las nuevas realidades sociales(Madrid, ministère du Travail et de la Sécu-rité sociale, collection «Seguridad Social»),1 9 9 2 .

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7 7

B i b l i o g r a p h i e

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Après avoir conclu au fil des ans diversa c c o rds de rapprochement économique, l’Ar-gentine et le Brésil signaient en juillet 1990l’Acte de Buenos A i res, qui jetait les bases de lacréation d’un marché commun. Le projet seconcrétisait en mars 1991, avec la signature duTraité d’Asunción, par lequel ces deux pays,rejoints par le Paraguay et l’Uru g u a y, déci-daient de créer, en se donnant pour cela jus-qu’au 31 décembre 1994, le Marché commundu Sud, doté de toutes les caractéristiques dep a reille institution (article premier du traité).

Depuis le 1e r janvier 1995, le Mercosur fonc-tionne encore comme une «union douanièreimparfaite», appelée à se transformer pro g re s-sivement d’ici à l’an 2000 en un véritable mar-ché commun. L’acte fondateur du Mercosur areçu l’aval du GAT T, avec les principes duquelil était en pleine conformité. L’objectif des Etatsm e m b res était en effet «l’élargissement desm a rchés nationaux […] pour accélérer le déve-loppement économique dans la justice sociale[…] compte tenu de l’évolution internationale,notamment de la constitution de grandsespaces économiques, et de la nécessité d’assu-rer la bonne intégration de leurs pays dansl’économie internationale»1.

Une intégration qui ne va passans heurt s

Si l’on devait en juger par ce qu’on lit pério-diquement dans la presse au sujet des diff é-rends qui opposent les Etats du Merc o s u r, lesdeux principaux surtout, on pourrait craindreque le processus d’intégration n’aille vers laparalysie. Et pourtant les Etats membres sem o n t rent fermes dans leur volonté stratégiquede poursuivre dans la voie tracée, malgré lesévidentes difficultés re n c o n t r é e s .

I n t e rdiction enfin levée

Ainsi, en 1992, l’Argentine décide d’appli-quer un taux statistique à toutes les importa-tions. Le Brésil la menace de représailles com-

m e rciales, mais accepte finalement la mesure .En juin 1994, le Brésil proteste contre les pro-pos du président argentin, Carlos Menem, quiavait dit que les ouvriers ne gagnaient pas auBrésil la moitié de ce qu’ils gagnaient enA rgentine. En juin 1995, le Brésil décide decontingenter les importations d’automobiles(elles ne devront pas dépasser au cours dusecond semestre de l’année la moitié duvolume du premier semestre), mesure appli-cable aux pays du Merc o s u r, à l’Argentine enp a r t i c u l i e r. Après de longues négociations,l ’ i n t e rdiction est finalement levée.

S o u rces de confli t s

A la fin de 1996, l’Argentine s’élève contreles importantes aides que le Brésil accord epour attirer les investissements étrangers, ce àquoi le Brésil rétorque qu’elles sont le fait desgouvernements des Etats, non du gouverne-ment central. En avril 1997, face au déséqui-l i b re de la balance commerciale, le Brésil pre n ddes mesures concernant le financement desimportations (obligation de les régler au comp-tant ou de diff é rer le financement de plusd’une année) qui ont pour effet de les re n c h é-r i r. L’ambassadeur d’Argentine se trouve end é s a c c o rd avec le président de la Banque cen-trale du Brésil. Le Brésil accepte alors d’atté-nuer ces dispositions pour ses partenaires duM e rc o s u r, jusqu’au 1e r n o v e m b re 1997 – et l’ons’inquiétait des réactions à attendre si les déro-gations consenties n’étaient pas maintenues.

Dernier incident: le Congrès argentin ayantadopté une loi qui limite les importations des u c re du Brésil, au motif que l’industries u c r i è re de ce pays bénéficie toujours des sub-ventions instituées pour encourager la pro d u c-tion de méthanol pour les véhicules à moteur,le Brésil menace de limiter de même les impor-tations de blé argentin et se plaint du peud ’ e m p ressement que met le gouvernementa rgentin à bloquer cette loi, alors même qu’ildispose de la majorité au Congrès. Le prési-dent Menem refuse de promulguer le texte et

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Le Merc o s u r: perf o rmances économiqueset perspectives

Beethoven Herrera Va l e n c i aC o n s u l t a n t

O I T

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p romet d’en faire adopter un nouveau quil ’ a b roge – ce à quoi il ne fallait pas s’attendreavant les élections d’octobre 1997. Les ins-tances judiciaires ont statué entre-temps que leTraité d’Asunción instituant le Mercosur l’em-portait sur la législation nationale.

La loi sur les zones franchesau Paraguay

Les diff é rends entre l’Argentine et le Brésilsont la principale source de préoccupationsbien sûr en raison de l’importance de ces deuxpays dans les échanges du Merc o s u r. Ont rouve cependant ailleurs aussi des raisons des ’ i n q u i é t e r. Mentionnons à cet égard la loi surles zones franches industrielles adoptée par leParaguay (qui ne comporte pas pour lemoment de textes d’application). Les autre spays du Mercosur ont fait savoir que, si la pro-duction de ces zones devait arriver chez eux –le Paraguay a promis que ce ne serait pas le cas–, cela pourrait être considéré de sa partcomme un retrait du Marché commun.

Ajoutons qu’un des candidats à la prési-dence a centré le discours de sa campagneélectorale sur les dommages éventuels que leM e rcosur pourrait entraîner au niveau de sonp ro p re pays.

Aux diff é rends purement économiquess’ajoutent les problèmes de nature politique.Comme il l’a dit et répété, le Brésil aspire àoccuper le nouveau siège permanent qui doitê t re attribué à l’Amérique latine au Conseil desécurité de l’ONU. L’ A rgentine fait valoir elleque la représentation de l’Amérique latine auconseil doit faire l’objet d’un accord entre lespays de la région, avec un système de ro t a t i o nle cas échéant.

L’ o ff re des Etats-Unis d’accorder à l’Arg e n-tine un statut d’observateur à l’OTAN a indis-posé le Chili, souvenir des antagonismes dupassé. D’aucuns soupçonnent le gouvernementa rgentin de se prêter à des manœuvres améri-caines pour briser l’unité, jusqu’ici sans faille,dont les pays du Mercosur ont fait preuve dansles discussions préliminaires sur la création dela Zone de libre-échange des A m é r i q u e s(ALCA), ainsi qu’on l’a bien vu lors du Som-met des ministres du commerce extérieur, enmai 1997, à Belo Horizonte (Brésil).

Evolution macro é c o n o m i q u e

En 1996, l’évolution macroéconomique despays du Mercosur s’est caractérisée, sur le plande la croissance et de l’inflation, par une amé-

lioration des performances, dans une conjonc-t u re intérieure (budgétaire) et extérieure assezpeu soutenue, et par une réduction des diff é-rences enregistrées d’un pays à l’autre, avecune relative stabilisation des taux de changeréels. La synchronisation des cycles qui s’estopérée jusqu’à un certain point dans les deuxgrandes économies contraste avec les situa-tions observées en 1991-1992 et en 1995. Dansl’avenir immédiat, les disparités macro é c o n o-miques à court terme ne devraient pas avoirautant d’influence que par le passé sur les flu xc o m m e rciaux, sans qu’il soit possible de direpour combien de temps il en ira ainsi2.

Taux de croissance positifs

En 1996, le produit intérieur brut des quatrepays du Mercosur a augmenté, selon les esti-mations, de 3,2 pour cent, soit nettement plusqu’en 1995 (1,1 pour cent). On prévoyait unec roissance de 3,7 pour cent en 1997. Cette évo-lution s’explique par la reprise de l’activité enA rgentine (environ un tiers du produit de lazone) et en Uruguay après la forte récessione n registrée dans ces deux pays en 1995. A uBrésil (environ deux tiers du produit de lazone) et au Paraguay, l’activité s’est légère-ment ralentie, avec un taux de croissance posi-tif cependant pour l’ensemble de l’année (gra-phique 1).

L’accélération de l’activité économique s’estaccompagnée d’une baisse de l’inflation, avecun taux estimé à la fin de 1996 à 7,6 pour centpour l’année (graphique 2). Cette diminutionde l’inflation, tombée au-dessous du niveauinternational, a conduit, avec un régime dechanges fixes, à une légère amélioration du tauxde change réel en Argentine. Une politique dechange plus souple a concouru à freiner l’ap-préciation de la monnaie nationale au Brésil etau Paraguay et à stabiliser celle-ci en Uru g u a y.

Alors que la croissance s’accélérait entermes réels, les comptes extérieurs de la zonefont apparaître une aggravation des déséqui-l i b res, vu les résultats enregistrés dans lesdeux grandes économies. Le Brésil accuse en1996 un déficit commercial de 4 milliards dedollars des Etats-Unis, supérieur à celui del’année précédente; la balance des opérationscourantes présente un déficit de 21 milliard sde dollars, soit plus de 3 pour cent du PIB. EnA rgentine, ce dernier déficit atteint en 1996 4,2m i l l i a rds de dollars. Il s’est aggravé aussi enU ru g u a y, le pays rencontrant de graves pro-blèmes de compétitivité. Au Paraguay, onobserve en revanche une légère amélioration.

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Ce qui frappe en outre dans l’évolutionéconomique d’ensemble en 1996, comme nousl’avons indiqué, c’est le rapprochement desperformances économiques des quatre Etatsdu Merc o s u r, qu’il s’agisse de la croissance, del ’ i n flation ou du change (graphiques 1 et 2).Pour la pre m i è re fois depuis la signature duTraité d’Asunción, les deux grandes économiesde la zone semblent être entrées en fait dansune phase de synchronisation des cycles.

Un schéma dualiste

Dans la composition des importations etdes exportations, on observe une nette diversi-fication. Pour l’Argentine, certaines analysesmettent en évidence un schéma dualiste dedéveloppement, avec des secteurs qui jouis-sent de nets avantages relatifs – l’agriculture(pour les céréales et les oléagineux en particu-lier), les produits agro-industriels (alimentspour les animaux, huiles et graisses), le secteurde l’énergie – et des secteurs qui souff rent auc o n t r a i re de handicaps certains – dans l’indus-trie: les machines et appareils, le matériel detransport, la chimie. Selon une étude, les sec-

teurs à faible intensité de travail possèdent enA rgentine de nets avantages relatifs, à l’in-verse des secteurs à intensité de travailmoyenne ou forte (Bekerman et Sirlin, 1996)3.

Le débat théorique: développementdes échanges – ou déviation?

Devant les bilans optimistes que dre s s e n tceux qui présentent la construction du Merc o-sur comme un succès, des voix critiques com-mencent à se faire entendre dans certaines ins-tances internationales. Selon les experts quis’expriment ainsi, le Mercosur aurait créé unespace artificiel de croissance économique oùdes secteurs inefficaces pro s p é reraient à l’abrides barrières commerciales. Suivant ces ana-lyses, les accords d’intégration régionale ontpour effet d’entraver la pleine libéralisation duc o m m e rce mondial.

La Banque mondiale: de grands dangers

Pour l’économiste en chef de la Banquemondiale (Yeats, 1997), le Mercosur engendrebien un grand volume d’échanges et d’inves-

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Graphique 1. M e rc o s u r: Taux de croissance du PIB, 1991-1997 (en pourc e n t a g e )

Tableau 1. M e rc o s u r: Indicateurs de croissance macro é c o n o m i q u e

Taux de cro i s s a n c ePIB en termes réels (%) Pour l’année 1991 1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3 1 9 9 4 1 9 9 5 1 9 9 6 1 9 9 7

A rg e n t i n e 3 2 , 0 4 % 9 , 5 8 , 4 5 , 3 6 , 7 –4 , 6 3 , 5 3 , 5B r é s i l 6 5 , 2 3 % 0 , 1 – 1 , 1 4 , 4 5 , 7 3 , 9 3 , 0 3 , 8P a r a g u a y 1 , 0 5 % 2 , 4 1 , 6 4 , 1 2 , 9 4 , 5 2 , 0 3 , 1U ru g u a y 1 , 6 9 % 3 , 2 7 , 8 3 , 3 6 , 9 –2 , 8 5 , 0 2 , 5Ensemble du Merc o s u r 1 0 0 , 0 0 % 3 , 2 2 , 1 4 , 7 6 , 0 1 , 1 3 , 2 3 , 7

Source: Commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC): Balance preliminar de laeconomía de América Latina y el Caribe, divers numéros. Pour 1997, prévisions de l’Economist Intelligence Unit ( L o n d re s ) .

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tissements, mais non là où il le faudrait. De 4,2m i l l i a rds de dollars des Etats-Unis en 1990, leséchanges entre les pays membres sont passés à12,3 milliards en 1994. Automobiles, autobus,machines agricoles, biens d’équipement dediverses sortes: c’est pour ces biens – que lespays du Merc o s u r, d’après Yeats, pro d u i s e n tde façon peu efficace – que la pro g ression a étéla plus forte. A l’abri de la concurrence exté-r i e u re, ces pays investiraient dans des entre-prises dont la production revient trop cherpour pouvoir être écoulée hors de la zone et

risque de ne pouvoir aff ronter la concurre n c emondiale après la disparition des barrière sc o m m e rciales, à moins que les entreprises nedeviennent plus performantes. Conclusion del’étude: les échanges intrarégionaux les plusdynamiques portent principalement sur desbiens d’équipement que les Etats membres nepeuvent exporter de manière concurre n t i e l l esur d’autres marchés. Et pour les Etats exté-rieurs à la zone, l’impact serait négatif 4.

Bien que la Banque mondiale se soit effor-cée de calmer le débat en affirmant qu’elle

Graphique 2. M e rc o s u r: Taux d’inflation, 1994-1997 (en pourc e n t a g e )

Tableau 2. M e rc o s u r: Indicateurs de développement macro é c o n o m i q u e

Taux de croissance (%)Taux d’inflation IPC 1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3 1 9 9 4 1 9 9 5 1 9 9 6 1 9 9 7

A rg e n t i n e 8 4 , 0 1 7 , 5 7 , 4 3 , 9 1 , 6 0 ,4a 1 , 7B r é s i l 4 7 5 , 8 11 4 9 , 1 2 4 8 9 , 1 9 2 9 , 3 2 2 , 0 1 0 ,6a 1 0 , 0P a r a g u a y 11 , 8 1 7 , 8 2 0 , 4 1 8 , 3 1 0 , 5 8 ,8a 1 5 , 0U ru g u a y 8 1 , 3 5 9 , 0 5 2 , 9 4 4 , 1 3 5 , 4 2 5 ,5a 1 8 , 0Ensemble du Merc o s u r 3 3 8 , 8 7 5 6 , 3 16 2 7 , 0 6 0 8 , 3 1 5 , 6 7 ,6a 7 , 5

N o t e: a n o v e m b re 1996/1997.

Source: Commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC): Balance preliminar de laeconomía de América Latina y el Caribe, divers numéros. Pour 1997, prévisions de l’Economist Intelligence Unit (Londre s ) .

Tableau 3. M e rc o s u r: Indicateurs de développpement macro é c o n o m i q u e

Compte courant en millions de dollars1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3 1 9 9 4 1 9 9 5 1 9 9 6 1 9 9 7

A rg e n t i n e – 8 0 9 –5 4 0 3 –7 0 4 7 –9 3 6 3 –2 3 9 0 –4 2 0 0 –6 0 0 0B r é s i l –14 5 0 6 0 8 9 1 9 –11 5 3 – 18 1 3 6 – 20 3 0 0 – 26 5 0 0P a r a g u a y – 3 2 7 – 6 2 6 – 5 2 6 – 7 5 4 –10 6 0 – 5 4 0 – 5 4 5U ru g u a y 4 2 – 9 – 2 4 4 – 4 3 9 – 3 5 9 – 5 3 5 – 3 4 3Ensemble du Merc o s u r –2 5 4 4 5 1 –7 7 9 8 – 11 7 0 9 – 21 9 4 5 – 25 5 7 5 – 33 3 8 8

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soutenait le Mercosur et que l’étude citée vou-lait uniquement remettre les choses en ques-tion, les thèses qui y sont développées corres-pondent à une opinion largement partagée ausein de la banque, à savoir que la libéralisationgénérale des échanges apporte plus que lestraités commerciaux régionaux – traités quipeuvent certes séduire et avoir d’indéniableseffets positifs, mais qui peuvent présenteraussi de grands dangers5. Quoi qu’il en soit, lebruit court que les Etats-Unis pourraient saisirl’Organisation mondiale du commerce d’uneplainte au sujet des droits de douane appli-qués par l’Argentine et le Brésil sur les auto-mobiles.

Les traités régionaux pourraient donneraux entreprises et aux travailleurs des raisonsde maintenir le protectionnisme. Pour JagdishBhagwati, économiste de l’Université deColumbia, les efforts faits pour la libéralisa-tion du commerce à l’échelle mondiale ris-quent d’être compromis s’il est possible à tropde gens de s’enrichir grâce à la déviation deséchanges. M. Bhagwati rappelle ce qui estarrivé après l’effondrement du peso mexicainen 1994. Sous l’énorme pression des entre-prises menacées, le gouvernement mexicain,qui, en vertu de l’Accord de libre-échangenord-américain, ne pouvait pas imposer desdroits de douane sur les importations en pro-venance du Canada et des Etats-Unis, a relevéceux qu’il percevait sur les importations decinq cent deux produits en provenanced’autres pays6.

Un système de quotas

Les principales critiques formulées contrele Mercosur concernent l’industrie automo-bile, secteur où les échanges intrarégionauxsont passés de 207 millions de dollars desEtats-Unis en 1988 à 2,1 milliards en 1994.Bien que le but soit d’appliquer un tarif doua-nier commun aux importations en pro v e-nance des pays extérieurs à la zone, les Etatsdu Mercosur pratiquent encore des tarifs dis-tincts pour beaucoup de produits. C’est le casnotamment pour les voitures et les camions.Le Brésil, par exemple, applique un droit quipeut atteindre 70 pour cent, taux ramené à 35pour cent pour les entreprises étrangères quiont une activité industrielle dans le pays.L’ A rgentine applique, elle, un système decontingentement, comme le fait l’Uru g u a y,avec un contingent augmenté dans ce payspour les entreprises qui y ont des établisse-m e n t s .

Décisions d’investissement influ e n c é e spar le régime tarifaire

Les constructeurs automobiles étrangersont réalisé d’importants investissements dansles pays du Merc o s u r, notamment surl’énorme marché brésilien. D’ici à 1999, Gene-ral Motors à l’intention d’y investir jusqu’à 3m i l l i a rds de dollars, Ford 2,5 milliards. Lesdeux entreprises déclarent qu’elles pro d u i-raient au Brésil même si l’importation de véhi-cules finis était rendue totalement libre. Ellesne cachent pas pourtant qu’elles sont influ e n-cées, dans leurs décisions d’investissement,par le régime tarifaire maintenu par le Merc o-s u r. General Motors envisage par exemple dec o n s t ru i re une usine de pièces en Uru g u a y,p a rce que cela lui permettrait d’y importerplus de véhicules fin i s .

Y a-t-il développement des échanges ouplutôt, comme le prétendent les critiques duM e rc o s u r, simple déviation? On peut étudierpour le savoir l’origine des importations. Legraphique 3 en indique la provenance avant etaprès l’établissement du Marché commun. Onvoit que les changements ont été peu impor-tants et qu’ils se sont opérés généralementdans un sens contraire à celui qu’impliqueraitune déviation des échanges.

Il n’existe pas de corrélation entre l’évolu-tion des importations et le régime tarifaireparticulier applicable aux produits. Si lesimportations d’origine intrarégionale sontpassées de 15 à 19 pour cent du volume totalentre 1990 et 1995, celui-ci a augmenté de plusde 22 pour cent par année au cours de lamême période. Les échanges intrarégionauxn’ont pas progressé, en d’autres termes, audétriment des pays industrialisés de l’Unioneuropéenne, de ceux de l’Alena, du Japon etdes nouveaux pays industriels d’Asie. La partde ces pays dans l’ensemble des importationsdu Mercosur a augmenté tandis que diminuaitcelle des pays de la Communauté andine etdu reste du monde, passant (chiffre combiné)de 28 à 15 pour cent du volume total entre1990 et 1995.

En valeur, les importations totales du Mer-cosur ont presque triplé pendant la périodeconsidérée. Elles ont augmenté dans des pro-portions telles qu’elles ont pu progresser àpartir d’une région ou d’une autre sans qu’il yait de réduction ailleurs en chiffres absolus.On observe un indéniable essor des échanges,qui, pour les autres produits que le pétrole,peut atteindre 220 pour cent au cours des cinqannées (graphique 4)7.

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Géopolitique de l’intégration:les scénarios possibles

On discute beaucoup de l’avenir des diversmouvements d’intégration régionale et, dansce cadre, de celui du Mercosur: va-t-il seconsolider en tant que marché commun indé-pendant ou va-t-il se dissoudre un jour dansune zone de libre-échange à l’échelle des A m é-riques? On peut dégager à ce sujet les ten-dances suivantes.

1. Les possibilités d’adhésion prévues parl’Alena ont donné à penser à des pays tels quele Chili ou la Colombie qu’ils pourraient s’y

j o i n d re et s’y joindre assez vite. C’est ce quiexplique en partie que le premier de ces paysait hésité à devenir membre du Merc o s u r, mal-gré l’invitation expresse qui lui était faite dansle traité originel, et que le second ait négligé lesnégociations. Membres comme la Colombie dela Communauté andine, la Bolivie et le Ve n e-zuela concluaient des accords plus ou moinsé t roits avec le Merc o s u r. On ne voit guère, sil’administration Clinton ne parvient pas àobtenir du Congrès l’application de la pro c é-d u re d’examen accéléré (fast track), de possibi-lités d’adhésion à l’Alena ni de possibilités denégociation sur la Zone de libre-échange desA m é r i q u e s .

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Graphique 3. M e rc o s u r: Importations selon l’origine (importance en pourc e n t a g e )

S o u rc e: Inter-American Development Bank, 1996.

Graphique 4. M e rc o s u r: Importations, 1990-1995 (milliards de dollars E.-U.)

S o u rc e: Inter-American Development Bank, 1996.

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2. Le gouvernement des Etats-Unis a faitpart à diverses reprises de sa volonté de mettreen place cette zone de libre-échange; selon lui,on devrait arriver à un accord à ce sujet lors dusommet qui doit se tenir à Santiago, au Chili,en 1998. Le Merc o s u r, de son côté, voudraitconsolider son intégration pour être mieux àmême d’aff ronter la concurrence à l’avenir.Comment se fera la Zone de libre-échange desAmériques? Pour les uns, ce sera par l’agréga-tion des diff é rents ensembles régionaux; pourles autres, ces ensembles devront se fondredans la zone continentale.

3. L’idée de constituer une zone sud-amé-ricaine d’échanges s’est re n f o rcée avec laconclusion d’accords partiels entre le Merc o s u ret la Bolivie d’une part, le Chili d’autre part.Cette idée suit son cours dans les négociationse n t re le Mercosur et la Communauté andine.

4. L’ a c c o rd de coopération conclu par leM e rcosur et l’Union européenne marque lavolonté de celle-ci d’être présente dans le pro-cessus en cours dans le Cône Sud et montre lad i ff é rence d’optique entre l’Europe et les Etats-Unis quant au développement du Merc o s u r.Lors du récent Forum économique mondial deSão Paulo, le vice-président de la Commissione u ropéenne, Manuel Marín, a proposé designer en 1999 le nouvel accord entre les deuxrégions – c’est-à-dire avant la date prévuepour la conclusion du traité sur la Zone del i b re-échange des Amériques. Il a été expre s s é-ment dit en outre que le Mercosur ne devaitpas se fondre dans ladite zone, comme sem-blait le penser, dans son intervention, le porte-p a role des Etats-Unis, Thomas McLarty, lorsde la même re n c o n t re .

5. Ce qui va se passer, pour certains obser-vateurs, c’est que la région va connaître plu-sieurs mouvements d’intégration qui vontcoexister et se superposer8.

Perspectives et conclusions

La construction du Mercosur a non seule-ment produit des résultats positifs, mais elleb é n é ficie du solide appui des principaux Etatsm e m b res, qui entendent qu’elle se poursuive,et elle ne devrait pas se heurter dans les tempsqui viennent à des risques graves.

Le dispositif institutionnel demeurant re s-t reint, c’est avec des moyens réduits que leM e rcosur a dû conduire jusqu’ici les négocia-tions qui se sont multipliées avec la Bolivie, le

Chili, la Communauté andine, l’Associationlatino-américaine d’intégration (ALADI), lesEtats engagés dans le projet de Zone de libre -échange des Amériques et l’Organisation mon-diale du commerce (OMC). Il va certainementê t re nécessaire de re n f o rcer les organes duM a rché commun.

Bien que les autorités argentines aientassuré qu’elles n’appliqueraient pas la loi limi-tant les importations de sucre brésilien, bienque le gouvernement paraguayen promette dep r é s e r v e r, dans les textes d’application de laloi sur les zones franches industrielles, les inté-rêts des Etats du Merc o s u r, ces exemples sontrévélateurs d’une carence juridique, leso rganes législatifs des Etats membres pouvantadopter des dispositions contraires au traitéconclu. De toute évidence, il manque un méca-nisme de règlement des diff é re n d s .

D’aucuns réclament un re n f o rcement de lac o o rdination macroéconomique, qui mette lep rocessus d’intégration à l’abri des consé-quences fâcheuses que pourrait avoir la poli-tique de l’un ou l’autre des Etats membres. LeBrésil a promis de défendre sa monnaie contretoute menace spéculative, ce qu’a fait aussil ’ A rgentine. La crise fin a n c i è re qu’a connuerécemment la Thaïlande a pourtant ranimé lescraintes qu’avait suscitées en 1994-1995 la crisemexicaine. Pourquoi ne pas re n f o rcer la coor-dination dans le domaine des changes et nepas aller à l’avenir vers la monnaie unique?

Bien des observateurs déplorent, dans lecas de l’Argentine, l’absence d’une politiqueindustrielle active qui stimule le développe-ment, car on ne peut, selon eux, s’en re m e t t reexclusivement au marché. Il apparaît que leBrésil fait un usage plus volontariste de cer-tains moyens d’action, en exigeant par exem-ple des entreprises internationales qu’elles in-vestissent dans le pays9.

Dans le domaine social, le Conseil écono-mique et social du Mercosur constitue une ins-tance de concertation qui a permis notammentde s’entendre sur des positions communes pourles négociations concernant la Zone de libre -échange des Amériques et les négociations avecl’Association latino-américaine d’intégration.Des aff a i res récentes (une multinationale quifait venir des ouvriers du Brésil pour édifier uns u p e r m a rché à Buenos A i res, un constru c t e u rautomobile qui lance une fabrication en A rg e n-tine en faisant appel à une entreprise brési-lienne pour la logistique) commencent à éveillerdes craintes quant à la façon dont pourraientê t re exploitées à l’avenir les diff é rences derémunération entre les Etats membre s .

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N o t e s

1 Traité d’Asunción, le 26 mars 1991, Código del Merc o-s u r, 1996, vol.1.

2 Banque interaméricaine du développement: I n f o r m eM e rc o s u r, Buenos A i res, juillet-déc. 1996.

3 Bekerman, M. et Sirlin, P.: Efectos del proceso de aperturay de integración sobre el patrón de especialización de la economíaa rg e n t i n a (Buenos A i res, CENES, 1996), pp. 18 et suiv.

4 Yeats, A.: Does Merc o s u r’s trade performance raise con-cerns about the effects of regional trade arrangements? ( Wa s h i n g-ton, DC, Banque mondiale, Département de l’économie in-ternationale, Division du commerce international, fév. 1997)(doc. polycopié).

5 Voir les propos d’Alan Winters (Directeur de la divisionc o m m e rciale de la Banque mondiale) dans The Wall Street Jour-nal Americas, E. Tiempo, Bogotá, le 23 octobre 1996.

6 I b i d.7 I n t e r-American Development Bank (Banque interamé-

ricaine de développement): Integration and trade in the Ameri-c a s. A p reliminary estimate of 1996 trade (Washington, DC),note périodique, déc. 1996.

8 Bouzas, R.: «El regionalismo en el hemisferio occiden-tal: NAFTA, Mercosur y después», D e s a r rollo Económico(Buenos A i res, 1996), vol. 36, été.

9 Valle, H.: Políticas industriales activas para la inserc i ó na rgentina en el Merc o s u r, Congreso de Economía, BuenosA i res, 23-24 avril 1997 (doc. polycopié).

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